L’ANNEAU DE CÉSAR - Souvenirs d’un soldat de Vercingétorix

 

Alfred Rambaud - Ouvrage couronné par l’Académie Française

 

 

LES PARISES DE LUTÈCE

A mes enfants

CHAPITRE I - La Roche-Grise et la Rivière aux Castors

CHAPITRE II - Les Habitants de la Roche-Grise

CHAPITRE III - Béborix et Éponina

CHAPITRE IV - Le Barde

CHAPITRE V - L’éducation d’un futur chevalier

CHAPITRE VI - Je deviens un Guerrier

CHAPITRE VII - César en Gaule

CHAPITRE VIII - Au pays d’Armor

CHAPITRE IX - Sur l’Océan : mes premières armes

CHAPITRE X - Les Parises de Lutèce

CHAPITRE XI - Les Funérailles d’un grand Chef

CHAPITRE XII - Guerre entre Lutèce et la Rivière

CHAPITRE XIII - Une Leçon de politique

CHAPITRE XIV - L’Assemblée de Samarobriva

CHAPITRE XV - Ambioriga

CHAPITRE XVI - Kérétorix le Romain

CHAPITRE XVII - Le Soulèvement

CHAPITRE XVIII - Le Némèdh des Carnutes

 

LES AIGLES

Préface

CHAPITRE I - Le fils de Keltil

CHAPITRE II - Au pays du feu

CHAPITRE III - Autour d’Avaricum

CHAPITRE IV - Gergovie

CHAPITRE V - Litavic l’Édue

CHAPITRE VI - Le recul des aigles

CHAPITRE VII - En mission chez les Parises

CHAPITRE VIII - La bataille contre Labienus

CHAPITRE IX - La veillée sur le Lucotice

CHAPITRE X - Bibracte la Sainte

CHAPITRE XI - La mêlée sur la Vingeanne

CHAPITRE XII - Le Mont d’Alésia

CHAPITRE XIII - La faim

CHAPITRE XIV - L’armée de secours

CHAPITRE XV - L’effort suprême

CHAPITRE XVI - Après l’assaut

CHAPITRE XVII - L’anneau de César

CHAPITRE XVIII - La fin d’un traître

CHAPITRE XIX - La revanche de la Gaule

 

 

A mes enfants

Affaibli par l’âge, criblé de blessures, toutes reçues par devant, je me suis retiré pour y vivre nies derniers jours, dans mon village de la Roche-Grise, sur la petite Rivière aux Castors[1], non loin de la Seine aux eaux vertes et de la glorieuse ville de Lutèce.

J’ai résolu d’écrire ces mémoires pour mes enfants, issus de ma chère Ambioriga et pour leurs enfants et petits enfants.

Ils y verront qu’ils n’ont point à rougir de leur père et aïeul. Ils y apprendront comment Vénestos, fils de Béborix et d’Éponina, petit-fils de Djarilo, fut un puissant chef de guerriers, le vrai roi des Parises de la Rivière aux Castors, porta noblement la lance à large pointe et le collier d’or des vaillants, et ne se ménagea point dans la grande lutte pour l’indépendance de la Gaule.

J’ai rédigé ces mémoires dans la langue des Romains, quoique je les aie combattus et qu’il la différence de tant de chefs gaulois je ne me sois pas encore résigné à leur domination. Je ne sais point écrire dans les dialectes des Belges, ni dans ceux des Celtes, bien qu’ils me soient presque tous familiers ; je crois que bien peu des Celtes et des Bolgs, quand même ils auraient été instruits chez les druides, seraient capables d’écrire en leur langue. Ce n’est point l’habitude en Gaule ; nos idiomes semblent faits seulement pour être parlés.

D’autre part, la langue romaine est comprise des gens instruits dans toutes les Gaules, et même chez presque toutes les tribus de l’Europe.

Si mes enfants et mes arrière-petits-enfants reçoivent dans leur maison des hôtes illustres, ceux-ci fussent-ils nés dans la Germanie du Rhin ou dans l’île de Bretagne, en Italie ou dans les Espagnes, ils pourront leur montrer ces rouleaux, et ma gloire sera connue d’eux, comme elle l’est aujourd’hui dans tous les pays où j’ai porté l’éclat de mes armes.

J’entrerai peut-être dans beaucoup de détails, car les vieillards aiment à parler de leur jeune temps, et les guerriers sont enclins à narrer longuement leurs exploits.

Ces détails ne seront point inutiles, car ni mes petits-fils, ni même mes fils, ne peuvent imaginer à quel point le monde entier, et même le petit pays que nous habitons, ont changé depuis le jour où les aigles d’or des légions brillèrent pour la première fois sur les bords de la Seine. Quand je me reporte aux années de mon enfance et que je considère ensuite les gens et les choses qui m’entourent, il me semble que j’ai passé d’une planète dans une autre, ou que j’ai vécu dix âges d’hommes.

Et pourtant je n’ai que quatre-vingts ans, et, grâce aux dieux, je suis sain de corps et d’esprit. Si mes cheveux ont blanchi, ils se dressent encore sur ma tête en crinière épaisse ; je casserais des avelines avec mes dents. Quand je me remémore nos batailles d’autrefois, je sens mon glaive frémir à mon côté, et il me semble que la lance ne serait point lourde à mon vieux bras.

 

 

 



[1] Par Rivière des Castors, il est évident que le narrateur entend la Bièvre et que la Roche-Grise n’est autre que la hauteur où s’élève aujourd’hui Bicêtre. [Note de l’éditeur de ces Souvenirs.]