LES PARISES DE LUTÈCE
Je devenais hardi sur la mer, et j’avais le teint hâlé et bronzé d’un vieux matelot. A la vérité, j’aurais voulu donner moins de coups de rame et pouvoir distribuer quelques coups de lance. Ce n’était point à être un chevalier de la mer que je m’étais destiné. Je me souvenais, cependant, que mon père m’avait ordonné d’éviter les légions. Pourquoi sont-elles venues me relancer dans les baies de l’Armorique ? Un jour, je trouvai tout le village de Gésocribate en émoi. Un messager arrivait du pays des Vénètes, annonçant que César construisait une flotte sur la basse Loire et déclarait la guerre à la confédération des Armoricains. Alès lors il fallait que tous vinssent aider les Vénètes,
plus directement menacés par lui. Les Redons, qui labourent les plateaux
arides ; les Curiosolites, aux rivages parsemés d’îles granitiques ; les Osismiens,
chez qui se dresse la colonne de roches qui marque l’extrémité du monde ; les
Namnètes, qui naviguent sur D’ailleurs, les Unelles, dont la presqu’île s’avance comme un bras dans la mer, les Lexoves, les Baïocasses, les Aulerks Éburoviks[2], tous les peuples de la basse Seine avaient promis de faire une diversion. César, paraît-il, avait envoyé dans tous ces pays des officiers pour réquisitionner des vivres, enlever des otages, et aussi pour observer ce qui s’y passait. Chez les Vénètes, on les avait arrêtés et retenus comme espions, jurant de ne les rendre que lorsque l’Imperator restituerait les gens qu’il avait pris chez les confédérés. Le Romain avait affecté de s’en indigner, déclarant que ces officiers ôtaient des ambassadeurs et qu’on avait violé en leur personne le droit des gens. Il accourait donc avec ses légions. II avait demandé une flotte aux Pictons, aux Santons, aux Bituriges-Vivisks[3], et ceux-ci, jaloux des Vénètes, meilleurs marins qu’eux et meilleurs négociants, n’avaient pas rougi d’envoyer leurs vaisseaux. Galgac me dit : Je m’embarque demain avec tous mes matelots. Comme cette querelle n’est point la vôtre, tu peux rester et attendre le retour de ton ami, vivant ou mort. — J’irai avec toi, répondis-je. Il ne fallait pas songer à embarquer les chevaux, qui n’étaient pas devenus encore des chevaux marins, ni même Dumnac et Arviragh, qui perdaient beaucoup de leur bravoure à se sentir balancer sur des planches entre le ciel et la mer. Ils préféraient combattre sur le plancher des vaches. Ils me diront qu’ils iraient chercher les horions du côté de la basse Seine. Du port de Gésocribate, cinglèrent vingt des plus grands navires, portant chacun trente hommes, aussi habiles à manier le glaive que la rame. Au sortir du port, tous les marins saluèrent pieusement les blocs informes de granit qui figuraient pour eux les dieux protecteurs. Ils prononcèrent à haute voix une prière et promirent, si le voyage était heureux, d’immoler des victimes. En chemin, nous ralliâmes cent barques venues de Vorgau, Vorge[4] et autres ports osismiens. Un vent favorable soufflait dans nos voiles rouges, et bientôt nous ralliâmes nos confédérés dans ce dédale d’îles plates qui encombrent la Petite-Île[5]. Cela faisait un total de deux cent cinquante navires et près de huit mille guerriers. Pendant plusieurs semaines nous eûmes du plaisir. César était bien arrivé sur le rivage avec ses légions, mais sa flotte n’avait point paru. Il lui fallait assiéger par terre les oppida vénètes qui, tous, sont situés sur des caps, et que l’Océan vient entourer complètement à marée haute. Il s’acharnait contre un oppidum, élevant des terrasses à marée basse, poussant ses galeries, faisant rouler ses machines : pendant tout ce temps, les Romains étaient criblés de traits par les assiégés et par les gens de notre flotte. Ils perdaient beaucoup de monde. Puis, quand ils étaient sur le point d’enlever la place, nous profitions d’une marée haute, nous nous approchions avec nos vaisseaux, nous recueillions la garnison, les habitants, toutes leurs richesses, et nous mettions le feu dans la ville. Quand les légionnaires y pénétraient, ils n’y trouvaient que des cendres ; et, furieux, ils apercevaient sur nos tillacs les assiégés de naguère, qui se gaussaient d’eux et leur tiraient la langue. Ils assiégeaient un autre oppidum, puis un autre, toujours nous répétions la même manœuvre, et c’était toujours pour eux à recommencer. Ces petites fêtes cessèrent quand la flotte romaine, jusqu’alors
retenue par les vents contraires, sortit enfin de l’embouchure de Les vaisseaux que leur avaient prêtés les traîtres Pictons et Santons étaient aussi robustes que les nôtres, avec des flancs et des contreforts de chêne, avec des voiles qu’aucun vent ne pouvait déchirer et des ancres solidement fixées à des chaînes de fer. Au contraire, les galères romaines, d’où sortaient à chaque bord un triple rang de rames, paraissaient si frêles qu’elles devaient se briser sur le premier écueil. Elles n’avaient pour elles que leur éperon d’airain à l’avant, et de hauts châteaux de bois élevés à la poupe et à la proue, et qui dominaient un peu nos tillacs. C’était une simple bataille navale à livrer, car le gros des légions, César lui-même, avaient dû rester à terre. Quoique son aïeule Vénus fût sortie des flots, il ne paraissait point curieux de s’y risquer. Seulement, si nous étions vaincus sur mer, le rivage, tout reluisant de casques d’acier, ne nous offrait aucun refuge. En somme, nous nous trouvions enfermés entre la flotte, romaine qui s’avançait menaçante, et le rivage qui se déployait derrière nous en amphithéâtre, se prolongeant sur notre droite par la presqu’île de Quiberon qui, à la marée haute, est une île. Certains proposèrent de laisser les légions se morfondre sur les plages et la flotté romaine croupir dans les bas-fonds. Nous n’avions qu’à recueillir les assiégés des oppida marins, à déployer nos voiles, et à gagner la haute mer, où l’ennemi ne pouvait nous suivre, car les galères ne sont point faites pour affronter les tempêtes de l’Océan. En somme, nous n’abandonnerions aux Romains que des landes stériles ou ravagées, et la république des Vénètes, qui serait tout entière sur ses vaisseaux, resterait intacte. Elle flotterait sur l’Océan jusqu’à ce que la disette chassât de l’Armorique les envahisseurs. Plus j’y réfléchis, plus j’estime que ce parti eût été le plus sage. Ce ne fut pas celui que soutinrent les jeunes gens et même, il faut le dire, les plus ardents parmi les vieux. Ils avaient hâte de venger leurs injures, de sentir la chair de l’ennemi frémir et crier sous les glaives vainqueurs. Ils tinrent à livrer bataille en vue du rivage natal, de ces oppida d’où leurs familles les contempleraient en leur tendant les bras, de ces hauts menhirs sous lesquels reposaient les ancêtres, de ces légions de géants pétrifiés qui semblaient les encourager à combattre. On donna le signal ; les galères romaines s’avancèrent à force de rames, afin d’enfoncer leurs éperons dans les flancs de nos navires. Les Romains n’avaient pas compté que ceux-ci ; bâtis d’un chêne qui avait poussé dans les granits, seraient si robustes. Plusieurs des éperons, tant le choc fut violent, s’arrachèrent avec tout l’avant du bâtiment, et deux galères, tout de suite inondées, coulèrent à pic avec les légionnaires et les marins, qui levaient en l’air leurs bras désespérément. Alors, du haut de leurs tours de bois, les assaillants firent pleuvoir sur nos tillacs des balles de plomb, des boulets de pierre, des flèches, des javelines, des phalariques dont les étoupes, enduites de bitume, flambaient. Cela encore ne leur servit à rien, car nos bardages étaient presque aussi hauts que leurs tours, et nous répondions par une grêle de traits non moins meurtrière. La bataille semblait gagnée. Je battais des mains. Méfie-toi, me dit Galgac. Les Romains ne sont jamais à court de ruses, et l’on dit que César est un magicien. Sais-tu nager ? — Oui. — Alors tu ferais bien d’ôter ta ceinture de bronze et tout ce qui pourrait alourdir tes mouvements, si tu venais à tomber à l’eau. Les capitaines des galères romaines avaient arrêté l’élan de leurs navires, fait ramer en arrière, et ils semblaient se consulter. Tout à coup, sur les tours de poupe et de proue, nous vîmes paraître des engins qui nous étaient inconnus. C’était comme de grandes faux luisantes emmanchées à de longues perches. Croient-ils qu’il s’agit de couper les blés ? Sommes-nous au temps de la moisson ? demandai-je-en riant à Galgac. — Méfie-toi, te dis-je. Je donnerais mon village de Gésocribate pour que le vent soufflât du nord au lieu de souffler du sud. Je cinglerais entre ces galères en brisant, à ma droite et à ma gauche, leurs triples rangs de rames, et je gagnerais la haute mer. Mais ce même vent qui pousse les Romains sur nous m’empêcherait de passer entre l’île de Houat et la pointe de Quiberon. On ne pourrait y réussir qu’à la condition de louvoyer et courir des bordées ; alors les Italiens auraient vingt fois le temps de me couper le chemin. A des moments comme celui-ci c’est un fier avantage pour eux que de marcher à six rangs de rames. Fâcheuse idée que de nous être laissés acculer dans cette crique au fond de laquelle le vent nous repousse ! Tant pis, il faut bien se battre sur place. Mais voilà, des engins qui ne me disent rien de bon. Il n’avait pas fini de parler que les galères romaines, toutes sur une ligne, s’avancèrent de nouveau contre nous ; leurs rames ne faisaient que plonger et sortir de l’eau, bien en cadence, étincelantes sous le soleil. Soudain, du haut de leurs tours, on vit les faux d’acier s’abattre sur nos navires, trancher le faite des mâts, couper les cordages, faucher les agrès comme on fauche les foins en juillet ; sur nos ponts nous fûmes tout à coup accablés par la chute des mâts et des vergues, pris sous les voiles traînantes comme des poissons sous des filets. En même temps, chacun de nos navires les plus avancés fut cerné par deux galères ; de chacune de celles-ci un pont tomba sur nos bordages. Les légionnaires, poussant des hurlements de joie, envahirent par les deux flancs nos tillacs. C’était une bataille de terre qui, au milieu de la mer, commençait pour eux, une bataille où le nombre et l’armement leur assurait tout l’avantage. Devenus fantassins, nous leur étions inférieurs, car les épieux étaient d’une faible défense contre le pilum qui pique comme une aiguille et s’enfonce comme une lance. Nos couteaux de marins ne valaient guère contre les glaives. Nous n’avions ni casques, ni cuirasses. Tout au plus pouvions-nous compter sur nos bonnes haches, avec lesquelles nous défoncions des crânes et abattions des épaules. La supériorité du nombre nous écrasait. César, du rivage, envoyait sans cesse, sur des bateaux plats, de nouveaux soldats pour renforcer ceux des galères. A un certain moment, Galgac et moi nous fûmes acculés au bordage, sous la poussée des légionnaires. Encore un effort, me dit-il, et ce sera le moment de montrer que tu sais nager. Nous faisons une dernière charge, et les Romains reculent d’un pas sous l’éclair de nos haches. Puis nous enjambons prestement le bordage et nous piquons dans les flots. Des Romains qui avançaient la tête pour mieux voir reçoivent en pleine figure l’eau qui rejaillit de notre chute. Nous plongeons comme des marsouins, pour éviter les traits, nageant entre deux eaux, ne mettant le nez hors du flot que pour respirer, le baissant aussitôt sous le sifflement d’une javeline ou d’une flèche. On ne s’arrête que lorsqu’on est hors de la portée des projectiles. Nous saisissons une épave qui dérivait, et, nous y appuyant du menton et des mains, nous regardons du côté de la bataille. Des deux cent cinquante navires armoricains, pas un qui, sur son pont rasé par les faux, ne fourmillât de casques d’acier, tandis que des formes humaines en tombaient, pareils à des oiselets qui dégringolent du nid. D’autres navires serrés, chacun, entre deux trirèmes romaines, semblaient de gros canards se débattant entre deux oiseaux de proie. Les rames des galères, se levant et s’abaissant toutes ensemble, frémissaient comme des ailes éployées de faucon ; les éperons d’airain s’acharnaient comme des becs avides fouillant la chair de la victime. A l’avant de la plupart des vaisseaux gaulois étaient, arborés des enseignes et des vexilla romains ; les longues trompettes jetaient sur les eaux de joyeuses fanfares, et des chants de triomphe retentissaient en langue italienne. Sur les flots on ne voyait que débris de mâts et de vergues, et des milliers de points noirs qui étaient des têtes humaines. Sur elles les Romains frappaient à coups de rame, à coups de perche, à coups de gaffe, les prenant pour cible de leurs flèches, les sabrant avec les faux. Ceux des nageurs que les courants de mer, leur lassitude, un trompeur instinct de conservation, poussaient vers le rivage y étaient attendus par les légionnaires. Là on les assommait comme des thons qui se débattent dans les filets ou des veaux marins échoués sur une plage. La nuit tombait, le soleil couchant empourprait l’horizon, éclairant de ses derniers feux les oppida désormais livrés à la discrétion de César avec les vieillards et les femmes des Vénètes, les hauts menhirs de granit, géants humiliés et consternés de la défaite de leurs enfants, les lignes d’acier de l’armée romaine rangée sur le rivage, les châteaux des galères latines et la ruine des vaisseaux gaulois, et ces milliers de points noirs qui tachaient le miroitement lumineux de la mer, tandis que des éclairs passaient qui étaient le reflet des grandes faux. Grâce à notre épave, nous pûmes, en nageant des pieds, aborder à l’île de Houat. La nuit, sur une simple barque de pécheur, nous gagnâmes la haute mer, d’où, le jour suivant, nous cinglâmes vers une anse du pays osismien. Un mois après, je rentrais fort penaud à Il n’y eut pas besoin de nos récits pour que, dans la
maison paternelle, les coeurs fussent tristes et les mines allongées, encore
que mon père parut fier de mes exploits et que ma mère me considérât avec une
joie attendrie. Là, j’entendis raconter des choses plus terribles encore que
celles que j’avais vues. Il n’était pas une région de Tout à l’heure, César était à l’est, battant les Helvètes
et les Germains d’Arioviste ; puis on l’avait vu, pour ainsi dire, sur notre
tête, écrasant les Bolgs vers l’Aisne, vers Pas à si longue distance, car du mont de Camul, où les gens de Lutèce avaient établi un poste de guetteurs, on apercevait une colline dont la terre, fraîchement remuée, faisait une tache blanche sur la verdure des campagnes, et cette colline nous renvoyait l’éclair des casques frappés des feux du soleil. La guerre de César contre les Armoricains avait inquiété
les gens de Lutèce. Cette fois, c’étaient eux qui s’agitaient, et les gens de
Les plus belliqueux des Lutéciens avaient envoyé à Mon père avait fait comprendre aux ambassadeurs qu’avec des postes romains si près de nous, il lui était difficile de laisser les villages à l’abandon. D’ailleurs, il leur prouva que, pour atteindre la basse Seine, cette poignée d’aventuriers aurait d’abord à passer sur le corps aux légions. Les Lutéciens étaient repartis l’oreille basse. Le désaccord entre leur île et les villages de la haute Rivière s’en augmenta. Un jour, cependant, il s’en était fallu de bien peu que la trompe d’appel sonnât dans toute la vallée, du château de Cingétorix au manoir de Carmanno. Un cavalier couvert de poussière avait apporté un message d’un chef des Aulerks Éburoviks, Criciro, qui était le propre frère de ma mère. Les Éburoviks, en masse, avaient pris les armes contre César, forçant les colliers d’or à les suivre, égorgeant ceux qui résistaient. Mon oncle suppliait donc mon père de lui amener en grande hâte tout ce qu’il aurait de guerriers disponibles. Une fureur belliqueuse fit oublier tous les conseils de la prudence : la vallée des Castors, elle aussi, se levait en masse. Mais, dans la nuit de ce même jour, mon oncle Criciro lui-même arriva, poudreux, épuisé, sanglant, le casque fracassé. Un moment, avec le vaillant chef des Unelles, Viridorix, il avait cru tenir la victoire : les trois légions de Sabinus, enfermées dans leur camp retranché, privées de toute communication avec César, qui guerroyait en Armorique, étaient sur le point d’être forcées. Quarante mille Gaulois assiégeaient dix-huit mille Romains. L’imprudence de quelques jeunes chefs, sourde aux sages conseils de Viridorix, avait tout perdu. Un assaut tenté sans préparation suffisante avait été repoussé ; une brusque sortie des légions avait complété la déroute de notre armée de la basse Seine. Et, quelques jours après, on avait appris le désastre des
Vénètes. Sans qu’on pût se douter à Ah ! les beaux hommes de Ce qui ajoutait de la honte à ces malheurs, c’est que, là
aussi, des Gaulois avaient prêté leur bras à César pour la perte des Gaulois.
Sur l’Océan aussi s’étaient rencontrés des peuples de traîtres, dignes
complices des Édues et des Rhèmes : les Santons et les Pictons. Quand
donc Et, de nouveau, on signalait les légions au nord, à l’est,
au sud, partout. Dans les tourbières et les marais de Sur Conduis-nous contre les Romains. Si la fortune trahit ta valeur, aucun de ceux qui sont ici ne te survivra. Nous ferons comme les fidèles du roi des Sontiates. Entre nous et toi, c’est aussi à la vie, à la mort. Mon père hochait la tête, comprimant son émotion. Les
Romains étaient trop près, trop nombreux : ils se multipliaient par la
rapidité de leurs marches. Du Rhin et de Un vent de colère et d’épouvante courait sur Qui donc était-il cet homme qui animait ainsi jusqu’aux forêts, jusqu’aux rochers, jusqu’aux nuées du ciel et aux flots de la mer, d’un esprit de démence guerrière, poussant les peuples les uns sur les autres, faisant jaillir partout à la fois des sources de sang humain et tordant les entrailles de la terre dans les douleurs de l’agonie ou de l’enfantement : fils des dieux, presque un dieu ; et le plus terrible de tous, devant lequel Teutatès semblait trembler, et Camul pâlir, et Tarann mettre une sourdine à son tonnerre ? L’année n’était pas terminée qu’il prenait l’Océan corps à corps, couvrait de ses vaisseaux le détroit de Morinie, et, abordant en des lieux inconnus, livrait bataille à ces Britons indomptables qui se ruent au combat sur des chars de bronze. Quand nous sentîmes la mer entre César et nous, il y eut en Gaule un soupir de soulagement. Il paraissait si loin, exposé à tant de hasards ! Et qui savait si l’Océan, surpris par son brusque passage, lui permettrait de repasser ? Déjà le dieu se vengeait sur la flotte ancrée dans les
baies de l’île de Bretagne et sur les chalands qui amenaient à César ses
vivres et sa cavalerie. Les plages sablonneuses de De nouveau mon père se reprit à espérer. Il envoya des
courriers aux chefs de notre Rivière, et à ceux qui font cultiver les vallées
de l’Essonne, de l’Orge, de Hélas ! pendant qu’il rêvait de grands coups de lance, de camps pris d’assaut et d’une glorieuse guerre de délivrance, les Trois Mères assises côte à côte, avec, sur leur giron, des paquets d’écheveaux qui sont des existences humaines, avaient déjà pris en leurs mains le fil de ses destinées et en approchaient l’acier tranchant. Kathubodua, qui va recueillir les âmes des guerriers dans les mêlées, avait déjà ordonné, à son intention, de seller son coursier aux ailes noires. Et ce n’était pas dans une grande bataille contre les Romains, à la face du soleil et sous les yeux de milliers de braves, que la messagère de mort allait le toucher à l’épaule ; c’était dans une de ces luttes impies, entre fils de la même mère, pour lesquelles il s’était pris d’une horreur chaque jour plus grande. |
[1] Les Vénètes habitaient le Morbihan actuel ;
les Redons (Rennes et Redon),
l’Ille-et-Vilaine ; les Curiosolites,
les Côtes-du-Nord ; les Osismiens, le
Finistère ; les Namnètes (Nantes),
[2] Gens du Cotentin, de Lisieux, de Bayeux, d’Évreux.
[3] Gens du Poitou, de
[4] Aujourd’hui Cos Castell Ach et Carhaix.
[5] Ou Mor-Bihan. C’était alors un très vaste golfe ; la plupart des îles qui le parsemaient sont soudées depuis au rivage.
[6] Aujourd’hui pays d’Armagnac.