I - Considérations générales sur la piraterie dans l’antiquité -
Civilisation primitive - Origine de la navigation — II - État social
primitif. - Les enlèvements et le mariage
I - La légende de Bacchus — II - Les Argonautes — III - Les héros d’Homère
Les Cariens et les Phéniciens
Première répression de la piraterie - L’île de Crète - Minos - Rhodes
Les pirates grecs
L’île de Samos. - Le tyran Polycrate - Le marchand Colæos
La piraterie grecque - Salamine - Égine
Le monde oriental à l’époque des guerres médiques
La Grèce
après les guerres médiques
I - De l’empire de la mer exercé par Athènes — II – Organisation de la
marine athénienne
La piraterie à l’époque de Philippe II et d’Alexandre le Grand
Les Carthaginois - Traités d’alliance avec les Romains - La Sicile - Les Mamertins
Les Étrusques - Les Ligures
Rome et la piraterie
Guerres de Rome contre la piraterie - L’Illyrie. La reine Teuta -
Démétrius de Pharos - Genthius
I - Les Étoliens et les Klephtes — II - Conquête des îles Baléares
Mithridate et les pirates
Puissance des pirates - Captivité de César
Expédition de Publius Servilius Isauricus contre les pirates
Les pirates crétois - Expéditions d’Antonius et de Metellus
Exploits des pirates - Leur luxe et leur insolence
La loi Gabinia - Pompée - La
Cilicie
Conquête de l’île de Chypre et de l’Égypte
Sextus Pompée et la piraterie - Auguste
La piraterie sous l’empire romain
La piraterie et les invasions des Barbares
La piraterie et la législation maritime dans l’antiquité
La piraterie et la traite des esclaves
La piraterie et la littérature - Le théâtre et les écoles de déclamation
INTRODUCTION
Tous les peuples primitifs établis dans les pays
méditerranéens ont exercé la piraterie dans l’antiquité. Il me faudra donc
entrer dans l’histoire même des nations maritimes depuis leurs origines, et
suivre parfois pas à pas leur sort et leurs destinées, parce que, de cette
manière seulement, il me semble possible de reconstituer avec intérêt les
divers caractères de la piraterie, d’en rechercher les causes, et d’expliquer
les transformations qu’elle a subies avec la marche des siècles, avec les
progrès de l’humanité et sous l’influence d’événements considérables auxquels
elle ne fut jamais étrangère.
La piraterie se révèle, au début, comme une condition
inhérente à l’état social. J’insisterai sur ce point, et j’établirai, à l’aide
d’une étude sur la civilisation primitive, que la piraterie fut pour les
antiques peuplades maritimes une nécessité qui naquit de la difficulté de se
procurer les premiers besoins de l’existence. Les tribus primitives
entreprirent la piraterie sur la mer, comme la guerre sur le continent, afin
de se procurer des vivres. Dans une époque où toute notion du droit des gens
était inconnue, où chaque petite nation vivait dans un exclusivisme étroit,
le voisin, ses propriétés et ses biens étaient considérés comme autant de
proies qu’il était licite de saisir et glorieux même de conquérir par la
force ou par la ruse.
Pendant toute cette période préhistorique, la piraterie fut une profession parfaitement
avouable.
Les légendes les plus accréditées des temps mythologiques
et héroïques, nous fourniront la preuve que la piraterie fit son apparition
sur la Méditerranée
avec les premiers navigateurs. L’histoire confirmera ce fait, car c’est par
des récits d’enlèvements, de violences, de pillage, que les plus grands
écrivains de l’antiquité ont commence leurs œuvres.
Tous les peuples des côtes de la Méditerranée ont
pratiqué la piraterie au début de leur histoire, soit d’une manière générale
dans leurs incursions, soit d’une façon plus restreinte dans des expéditions
aventureuses. Celles-ci étaient néanmoins profitables au progrès de l’humanité,
puisque ces aventuriers, transformés en personnages héroïques par les
écrivains, agrandirent les bornes du monde connu, et furent, en même temps,
des négociants, échangeant les produits des divers pays et répandant, dans
tout le bassin méditerranéen, l’usage de l’écriture, les cultes et les arts orientaux.
Quand les différentes races se furent assises autour de la Méditerranée et
constituées en nations distinctes, elles luttèrent entre elles pour conquérir
la suprématie maritime appelée l’Empire de la mer. Presque tous les peuples
le possédèrent successivement, et toits en firent le même usage. En plein
épanouissement de la civilisation grecque, l’Empire ale la mer était défini
par un écrivain politique athénien l’avantage de pouvoir faire des courses et de ravager les
États étrangers sans crainte de représailles.
Cette piraterie de peuple à peuple fut la cause des plus
grandes guerres de l’antiquité.
L’histoire nous montrera certaines nations, contractant
des alliances pour exercer, d’un commun accord, la piraterie contre des États
plus faibles ou contre des races ennemies vouées à une haine nationale,
séculaire et farouche.
Lorsque Rome aura vaincu Carthage et détruit la plus
grande puissance maritime de l’antiquité, saris avoir eu le soin de la
remplacer, la piraterie changera de caractère. Elle cessera d’être le produit
et la manifestation violente d’une rivalité maritime ; elle ne sera plus une
course considérée comme légitime et pratiquée par des États qui ne sont liés
par aucun pacte d’alliance ni d’amitié : elle deviendra un véritable
brigandage. Dans cette période la piraterie n’a pas de nation. C’est comme une
revanche de tous les ennemis insoumis contre le vainqueur, revanche exercée
avec succès et profits sur une mer saur police devenue leur domaine, et sur
laquelle ils règnent en maître.
Les richesses des pirates étaient incalculables et leur
puissance était si grande à cette époque, qu’ils étaient parvenus à organiser
une espèce de république de bandits, avec son territoire, ses villes, ses
forteresses et ses arsenaux.
Pendant un certain temps, à Rome, la piraterie préoccupait
le peuple plus vivement même que les guerres civiles et étrangères. En effet,
chaque famille était victime de ce fléau, et les plus grands citoyens
tombaient honteusement entre les mains des pirates. Ces exploits avaient leur
retentissement jusque sur le théâtre et dans les écoles de déclamation. Le
monde ancien était dans un tel affaissement moral, la république romaine
était si ruinée que la piraterie et les exactions des gouverneurs se pratiquaient
en même temps et de concert dans tout le bassin de la Méditerranée. Cependant
lorsqu’un blocus étroit se fit autour de l’Italie, force fut au gouvernement
de prendre enfin d’énergiques mesures pour rompre la coalition des bandits
contre Rome affamée. Pompée et ses lieutenants triomphèrent de la piraterie,
et leur habile politique fit plus que leurs victoires mêmes pour réprimer
pendant quelques années ce fléau redoutable.
La piraterie reparaîtra dans les désordres qui suivront l’assassinat
de César. Le fils de Pompée la réorganisera et la fera servir à ses desseins,
comme jadis Mithridate. A aucune autre époque elle ne fut constituée en force
utilitaire plus puissante. Auguste, aidé par le célèbre Agrippa, parviendra,
après une lutte acharnée et pleine de périls, à la dompter complètement.
Sous l’Empire, la bonne administration des provinces, la
prospérité des peuples, les bienfaits et la munificence des empereurs, empêcheront
le retour des brigandages qui avaient infesté la Méditerranée
pendant tous les temps anciens. C’est à peine, en effet, si l’histoire
mentionne, sur les confins de l’Empire, quelques actes isolés de piraterie,
promptement étouffés du reste, et nullement inquiétants pour la sûreté et la
liberté de la navigation.
Au moment des invasions, la piraterie renaîtra avec le
caractère qu’elle avait eu dans les temps primitifs. Les Barbares procèderont
comme les Phéniciens, les Grecs et les Carthaginois à leur arrivée en Europe.
Profitant des troubles résultant de l’anarchie qui ébranlait alors la puissance
romaine dans toute l’étendue de son immense empire, ils commettront de grands
ravages. Mais, quand le pouvoir retournera en de fortes mains, les Barbares n’osèrent
plus s’aventurer sur la mer. Constantin le Grand, en transportant le siège de
l’Empire à l’entrée même de la mer menacée par les envahisseurs, leur barrera
le passage, et ses successeurs sauront les contenir pendant des siècles par
la force de leurs flottes et de leurs armées et par celle de leur politique
et de leurs lois.
Au christianisme, en fin, il sera donné de transformer, de
civiliser par sa divine morale, par l’enseignement du respect des biens et de
la liberté d’autrui, ces Barbares accoutumés jusqu’alors à ne vivre que de
pillage, de violence et de brigandage.
Je termine au règne de Constantin l’histoire de la
piraterie dans les pays méditerranéens, estimant que si elle devait être
continuée au delà, elle n’offrirait un réel intérêt qu’à partir de l’époque
où les Sarrasins et les Musulmans, de race nouvelle, fanatiques et
implacables envers les chrétiens, firent apparition en Europe, semant sur
leur passage la terreur et la ruine. Et cette histoire se terminerait au jour
où le glorieux drapeau de la
Fiance fut victorieusement planté sur les murailles d’Alger,
le repaire suprême de la piraterie sur les bords de la Méditerranée.
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