LA PIRATERIE
GRECQUE - CALAMINE - ÉGINE
L’histoire grecque depuis les temps historiques jusqu’aux
guerres médiques est riche en brigandage et en violences commises par les
différents peuples qui envahissaient la Péninsule. Pendant
presque toute la durée du siècle qui suivit la prise de Troie, la Grèce fut extrêmement
agitée par les dissensions existant dans les familles souveraines, principalement
dans celles de Pélops, et par les invasions des tribus du nord, surtout par
celles des Doriens qui occupèrent le Péloponnèse avec les Héraclides,
quatre-vingts ans après la prise de Troie. Quelles guerres ont été plus
cruelles, plus horribles, que les guerres de Messénie et que celles des
Crisséens ? Pendant que Sparte, soumise aux lois de Lycurgue, organisait la
plus forte armée de terre de la Grèce, Corinthe devenait de son côté la
première puissance maritime de cette contrée ; elle possédait une flotte qui pouvait
rivaliser avec les flottes des Samiens et des Phocéens, ces derniers
fondateurs de Marseille et vainqueurs des Carthaginois.
Si, d’après Thucydide[1], les Athéniens
furent les premiers parmi les Grecs, qui prirent des mœurs plus douces, il n’en
est pas moins vrai que, à l’origine, ils exercèrent la piraterie comme tous
les autres peuples de la Méditerranée. J’ai rappelé la peine sévère que
leur infligea Minos pour venger le meurtre de son fils dont les Athéniens s’étaient
rendus coupables. Thésée, frappé de l’ordre admirable de la législation
crétoise, avait introduit de salutaires réformes dans l’Attique, mais la
forme du gouvernement établie par le héros athénien éprouva plus tard de
grandes altérations. Comme Démosthène l’a dépeint en traits énergiques, les
magistrats pillaient le trésor et les temples, le riche tyrannisait le
pauvre, le pauvre alarmait continuellement la sûreté du riche ; la rapacité
des créanciers ne connaissait aucunes bornes ; ils contraignaient les
débiteurs insolvables à cultiver les terres qu’ils possédaient, à faire le
service des animaux domestiques, à livrer leurs fils et leurs filles pour les
exporter et les vendre à l’étranger. La partie de la population qui habitait
sur le bord de lit mer se livrait à une piraterie effrénée. Ce fut l’exercice
de cette profession qui fit naître une rivalité acharnée entre Athènes et Mégare.
Ces deux villes se disputaient, de temps immémorial, la possession de l’île
de Salamine, riche, en pins, d’où son antique nom de Pityussa, pour construire les navires,
et surtout admirablement située au fond du golfe Saronique et séparée de la côte
par un canal de 1800
mètres de large. Placée sur le trajet des vaisseaux
qui se rendaient au port de Cenchrée ou qui se dirigeaient de Corinthe en Égypte
ou en Asie-Mineure, elle était un poste important d’attaque et un refuge
assuré pour ceux qui guettaient une proie à saisir au passage ou fuyaient
devant un ennemi plus fort.
En 612 avant J.-C., les Mégariens enlevèrent Salamine aux
Athéniens, leurs rivaux ; ceux-ci tirent de grands efforts pour la reprendre,
mais découragés par des échecs répétés, ils y renoncèrent entièrement et même
décrétèrent, sous peine de mort, de jamais rien proposer, ni par écrit ni de
vive voix, pour en revendiquer la possession. Solon résolut de relever le
courage de ses concitoyens. Indigné d’une telle humiliation, et voyant d’ailleurs
que les jeunes gens ne demandaient qu’un prétexte de recommencer la guerre et
n’étaient retenus que par la crainte de la loi, il imagina de contrefaire le
fou et fit répandre dans la ville, par les gens mêmes de sa maison, qu’il
avait perdu la raison. Mais il avait composé en secret urne élégie, et, un
jour, il sortit brusquement de chez lui, un chapeau sur la tête[2], et courut à la
place publique. Le peuple l’y suivit en foule, et la, Solon, monte sur la
pierre des proclamations publiques, chanta son élégie, qui commence ainsi :
Je
viens moi-même, en héraut, de la belle Salamine,
Au
lieu d’un discours j’ai composé pour vous des vers.
Ce poème est appelé Salamine
et contient cent vers que Plutarque dit d’une grande beauté. Quand Solon eut
fini, ses amis applaudirent : Pisistrate surtout encouragea si bien les Athéniens
que le décret fut révoqué, la guerre déclarée, et Solon nommé général.
Solon résolut de s’emparer de Salamine au moyen d’un stratagème
de corsaire audacieux. Il fit voile, avec Pisistrate, vers Coliade[3], où il trouva
toutes les femmes athéniennes rassemblées pour faire à Cérès un sacrifice
solennel. De là, il envoie à Mégare un homme de confiance qui se donne pour
un transfuge, et qui propose aux Mégariens, s’ils veulent s’emparer des premières
citoyennes d’Athènes, de partir avec lui pour Coliade. Les Mégariens, avides
d’un bon coup de main, dépêchent à l’heure même un vaisseau rempli de
soldats. Solon, ayant vu le navire sortir de Salamine, fait retirer les
femmes et accoutre de leurs vêtements, de leur coiffure, de leurs chaussures,
les jeunes gens qui n’avaient encore point de barbe. Ceux-ci cachent des
poignards sous leurs robes et vont, d’après son ordre, jouer et danser sur le
rivage jusqu’à ce que les ennemis soient descendus à terre et que le vaisseau
ne puisse échapper. En effet, les Mégariens, abusés par ce spectacle, débarquent
et se précipitent à l’envi pour enlever les prétendues femmes ; mais ils
furent tous tués sans exception. Les Athéniens firent voile aussitôt vers
l’île et s’en emparèrent. D’autres, ajoute Plutarque, prétendent que ce fut
un autre moyen de surprise qu’employa Solon. L’oracle de Delphes, consulte
par lui, aurait répondu :
Rends-toi
propices, par tes offrandes, les héros indigènes, patrons du pays,
Ceux
que les champs de l’Asopus enferment dans leur sein,
Et
dont les tombeaux regardent le couchant[4].
En suite de cette réponse, Solon passa la nuit à Salamine
et immola des victimes aux héros Périphémus et Cychrée, anciens rois de l’île.
Les Athéniens lui donnèrent 300 volontaires, auxquels ils avaient assuré, par
un décret, le gouvernement de Salamine s’ils s’en rendaient les maîtres.
Solon les embarqua sur un certain nombre de bateaux-pêcheurs, escortes par
une galère à trente rames, et fit jeter l’ancre vers une pointe de terre qui
regarde l’Eubée. Les Mégariens qui étaient à Salamine n’avaient eu, sur sa
marche, que des avis vagues et incertains : ils coururent aux armes en
tumulte et envoyèrent un vaiseau à la découverte. Ce vaisseau s’approcha de
la flotte des Athéniens et fut pris. Solon mit sous bonne garde les Mégariens
qui le montaient, et les remplaça par les plus braves de sa troupe. Il leur
enjoignit de cingler vers Salamine, en se tenant le plus couverts qu’ils
pourraient ; il prit lui-même quelques-uns de ses soldats et s’en fut
attaquer par terre les Mégariens. Pendant le combat, les Athéniens du
vaisseau surprirent Salamine et s’y établirent. Il y a des usages qui
semblent confirmer ce récit. Tous les ans un navire partait d’Athènes et se
rendait sans bruit à Salamine. Des habitants de l’île venaient au-devant du
navire, tumultueusement, en désordre, et un Athénien s’élançait sur le
rivage, les armes à la main et courait, en jetant de grands cris, du côté de
ceux qui venaient de la terre. C’était au promontoire de Sciradium, et l’on
voyait encore, du temps de Plutarque, non loin de là, un temple dédié à Mars,
que Solon fit bâtir après avoir vaincu les Mégariens.
Tous ceux qui n’avaient pas péri dans le combat restèrent
libres par le bénéfice d’un traité. Les Mégariens irrités de la perte de
Salamine, cherchèrent à s’en venger en substituant l’artifice et la force ;
ils préparèrent en secret un armement pour enlever, à la faveur des ténèbres,
les femmes athéniennes pendant la célébration nocturne des sacrifices d’Éleusis.
Pisistrate, averti de ce dessein, se mit en embuscade avec la jeunesse d’Athènes.
Les Mégariens qui ne se croient pas découverts, débarquent sans obstacle ;
mais, au moment de faire leur coup, ils sont surpris, enveloppés et taillés
en pièces. Pisistrate profite de sa victoire, met les femmes athéniennes sur
les vaisseaux mégariens et cingle avec sa troupe vers Mégare. Les habitants
de la ville, apercevant leurs vaisseaux chargés de femmes d’Athènes, courent
en foule sur le rivage pour féliciter leurs concitoyens de l’heureux succès
de leur expédition. Pisistrate profite de l’erreur, se jette sur eux, les
passe presque tous au fil de l’épée et il s’en faut peu qu’il ne s’empare de
Mégare. Les deux peuples continuèrent se faire réciproquement tous les maux
qu’ils purent, mais à la fin ils prirent les Lacédémoniens pour arbitres, et
Salamine fut définitivement attribuée à Athènes[5].
Les mêmes actes de piraterie de peuple à peuple se
retrouvent dans la lutte qui eut lieu entre Athènes et Égine.
Située au milieu du golfe Saronique, l’île d’Égine, l’ancienne
Œnone, était à quelques heures des villes les plus florissantes de la Grèce, le Pirée,
Éleusis, Mégare, Corinthe, Épidaure, Trézène. Elle est protégée par un rempart
d’écueils qui forment une fortification naturelle sortie des flots à la voix
d’Éaque, suivant la tradition mythique rapportée par Pausanias (II). Elle a devant elle, du côté de la mer,
les Cyclades, la Crète,
Rhodes et Chypre, placées entre la Grèce et l’Asie. Elle se trouvait ainsi sur la
route que suivaient les nombreux navires qui allaient des îles de l’archipel
au continent de la
Grèce, et du continent dans des îles le la Méditerranée
et aux entrepôts de la mer Noire. Outre les avantages de leur position, les
Éginètes étaient encore poussés vers les entreprises maritimes par le peu d’étendue
et de fertilité de leur territoire. Aussi les voit-on tourner de bonne heure
leurs efforts vers la navigation. A l’époque de la guerre de Troie, ils possédaient
déjà une forte marine, et leurs navires peints en noir, allèrent à cette
fameuse expédition sous la conduite du vaillant Diomède[6]. Égine eut bientôt
sur les autres puissances de la Grèce une supériorité maritime qu’elle dut à la
hardiesse de ses marins et à l’habileté de ses constructeurs. Tandis que les
autres Grecs n’avaient que des vaisseaux ronds, Égine possédait des galères
longues, à grandes rames et dont la proue et la poupe étaient travaillées
avec un art assez avancé[7]. Le négoce
maritime était aussi développé à Égine qu’à Corinthe. Égine dont les
habitants ne méprisaient d’ailleurs aucun moyen de s’enrichir, avait aussi
donné à la fabrication et au commerce des poteries une extension qui lui
valut dans l’antiquité l’épithète de χυτροπωλις,
marchande de marmites[8]. Les Éginètes
fondèrent Cydonie, dans l’île de Crète, et une colonie chez les Ombrici, en Italie[9]. En Égypte, Amasis
leur fit don du port de Naucratis, situé près de la bouche Canopique[10], qui devint une
République grecque, gouvernée par des magistrats indépendants. Les Éginètes
se rencontrèrent dans les eaux de Naucratis avec les Sauriens, leurs rivaux
sur mer. Ils en vinrent aux prises, et les proues des navires samiens, qui
représentaient des sangliers, capturées dans un combat naval (518 av. J.-C.) et
consacrées à Égine, dans le temple de Minerve, attestaient que les Éginètes avaient eu l’avantage
dans la lutte[11].
Naucratis fut désormais le seul port ouvert en Égypte aux étrangers. Lorsqu’un
navire marchand poursuivi par les pirates, assailli par la tempête ou contraint
par quelque accident de mer, abordait sur un autre point de la côte, son
capitaine devait se présenter devant le magistrat, le plus proche, afin d’y
jurer qu’il n’avait pas violé la loi de son plein gré, mais forcé par des motifs
impérieux. Si l’excuse paraissait valable, on lui permettait de faire voile
vers la bouche Canopique : quand les vents ou l’état de la mer s’opposaient à
ce qu’il partit, il pouvait embarquer sa cargaison sur des bateaux du pays et
la transporter à Naucratis par les canaux du Delta[12]. Cette
disposition de loi fit la fortune de cette ville qui devint rapidement un des
entrepôts les plus considérables du monde ancien[13].
C’est à Égine que furent frappées, en 895 av. J.-C. les
plus anciennes médailles grecques que nous connaissions. Les riches marchands
de l’île favorisèrent les beaux-arts, qui déjà au VIe siècle, atteignirent une grande
perfection. Egine fut pendant un certain temps le centre de l’art grec, et
donna son nom a une école dans laquelle on remarque Smilis, inventeur de la
sculpture sur bois, Glaucias, qui fit les statues de plusieurs athlètes
vainqueurs, Myron, auteur de la statue d’Hécate, ornant le temple de cette
déesse dans l’île, Onatas, sculpteur et peintre qui n’est inférieur, dit
Pausanias, à aucun des artistes qui sont sortis de l’école d’Athènes, fondée
par Dédale. L’art éginétique semble se distinguer surtout par un caractère
plus réaliste que celui d’Athènes, il n’a jamais atteint l’idéal de Phidias[14].
La fortune d’Égine devint la cause de ses malheurs et de
sa ruine. Colonie d’Épidaure, elle en avait reconnu la souveraineté : les
procès des Éginètes étaient jugés par les Épidauriens[15]. Mais bientôt l’opulente
colonie allait se révolter contre la métropole, ravager son territoire,
enlever ses dieux et, du même coup, commencer contre Athènes cette guerre implacable
qui, née avec la haine de la race dorienne contre la race ionienne, devait
traverser l’invasion médique et ne se terminer que par l’anéantissement des
Éginètes (505 à 460
avant J.-C.).
Le stimulant de la nécessité, la ruse, le vol, la
piraterie, l’emploi permanent de la force caractérisent la lutte entre Égine
et Athènes. C’est à ce titre que cette guerre, ou plutôt cette piraterie de
peuple à peuple, rentre dans le cadre de cette histoire. Un motif religieux
servit de prétexte aux hostilités. Les Épidauriens, affligés de la grande stérilité
de leur territoire, consultèrent l’oracle de Delphes, qui leur ordonna d’ériger
à Damia et à Auxésia, divinités qui étaient les mêmes que Cérès et
Proserpine, des statues sculptées en bois d’olivier. Les Épidauriens, persuadés
que les oliviers de l’Attique étaient les plus sacrés, demandèrent aux Athéniens
d’emprunter cette offrande à leur sol. Les Athéniens y consentirent, à la
condition que, tous les ans, les Épidauriens amèneraient des victimes à Minerve
Polias et à Érechtée[16]. Ce pacte
religieux et politique était observé, lorsque que les Éginètes, devenus
maîtres de la mer, profitèrent de leur puissance pour armer une flotte,
exercer la piraterie et ravager le territoire d’Épidaure, leur métropole.
Dans une de leurs expéditions, ils enlevèrent les statues consacrées, les
transportèrent chez eux et les placèrent au centre de leur territoire, en un
lieu appel Œa, environ à vingt stades de leur ville. Ils consacrèrent à
chacune des déesses des chorèges et instituèrent en leur honneur des
sacrifices et des chœurs de femmes qui s’adressaient des invectives[17]. Depuis l’enlèvement
des statues, les Épidauriens avaient cessé de payer aux Athéniens le tribut
établi. Aux menaces d’Athènes, Épidaure répondit que tant qu’elle avait
possédé les statues sacrées, les engagements avaient été remplis, mais que
désormais les Éginètes, qui les avaient ravies, devaient paver le tribut. Les
Athéniens envoyèrent alors à Égine des ambassadeurs qui n’obtinrent aucune
satisfaction[18].
Une flotte athénienne opéra une descente dans l’île ; mais les Éginètes,
avertis des projets de l’ennemi, firent alliance avec les Argiens et
tombèrent à l’improviste sur les Athéniens, au moment où ceux-ci, croyant ne
rencontrer aucune résistance, avaient passé des cordes autour des statues et
cherchant à les enlever de leur base, les avaient fait tomber à genoux,
posture, ajoute Hérodote, qu’elles ont conservée depuis cette époque. Les
dieux, irrités d’une telle profanation, firent trembler la terre sous les pas
de l’armée sacrilège, qui fut anéantie aux lueurs de la foudre. Un seul homme
survécut pour aller annoncer à Athènes la vengeance céleste ; et encore, pour
que l’expiation fut complète, les femmes de ceux qui avaient été de l’expédition
s’attroupèrent autour de l’unique survivant, et, lui demandant compte de la
mort de leurs maris, le firent périr en le piquant avec les agrafes de leurs
robes. L’atrocité de cette action parut aux Athéniens plus déplorable que
leur délite même, et, ne sachant quelle punition infliger aux coupables, ils
les obligèrent à prendre les habits de lin des Ioniennes. Elles avaient porté
jusqu’alors le costume dorien. Les Argiens et les Éginètes, au contraire, en
souvenir de cette action, décidèrent qu’à l’avenir leurs femmes porteraient
des agrafes une fois et demie plus grandes qu’auparavant : la principale
offrande des femmes aux déesses consisterait en agrafes consacrées, et que,
dans la suite, on n’offrirait aucune chose qui vint de l’Attique, pas même un
vase de terre[19].
Après la réduction de Chalcis, en Eubée, par les Athéniens,
les Thébains cherchèrent à tirer vengeance de leur défaite et s’unirent aux
Éginètes, qui dévastèrent les côtes de l’Attique. Une trêve suspendit pendant
trente ans les hostilités. La guerre recommença en 491 avant J.-C. par un
coup de main audacieux des Éginètes. S’étant placés en embuscade, ils enlevèrent,
à la hauteur du promontoire Sunium, la Théoris,
cette galère à cinq rangs de rames qui allait périodiquement à Délos
accomplir le vœu de Thésée, et jetèrent aux fers les premiers citoyens d’Athènes
qui la montaient[20]. Les Athéniens
mirent tout en œuvre pour se venger de cet attentat. Ils soulevèrent la démocratie
d’Égine contre l’oligarchie qui était à la tête du gouvernement. Nicodrome,
un banni d’Égine, instruit du projet des Athéniens, leur promit de leur
livrer sa patrie. La flotte des Athéniens, forte de soixante-dix navires, n’osa
cependant livrer bataille à celle d’Égine. Nicodrome, quoique maître de la
vielle ville, s’enfuit sur une barque à Sunium, en voyant l’inaction des Athéniens.
L’insurrection fut écrasée par l’aristocratie éginète. Sept cents hommes du
peuple furent conduits au supplice. Un sacrilège, commis à ce moment, laissa
parmi les Grecs un long et odieux souvenir. Un des insurgés que l’on menait à
la mort s’échappa et se réfugia dans le temple de Cérès-Thesmophore. Il
saisit le marteau de la porte et s’y tint fortement attaché. Les exécuteurs
réunirent tous leurs efforts pour lui faire lâcher prise. Comme on n’y
pouvait réussir, on scia au fugitif ses mains suppliantes qui restèrent
suspendues à la poignée de la porte pendant que le malheureux fut traîné au
dernier supplice[21]. La lutte
continua entre les deux peuples. Après quelques succès, les Athéniens
éprouvèrent un désastre sur mer : quatre de leurs vaisseaux furent enlevés
avec tous leurs équipages par les Éginètes.
Ce fut pendant ces alternatives de victoires et de défaites
des deux puissances rivales que Darius envoya demander aux Grecs la terre et
l’eau, en signe de soumission, et que commença la lutte mémorable entre la Grèce et la Perse.
|