Texte mis en page par Marc Szwajcer
AVANT-PROPOS
Intérêt particulier des rapports de la Grèce avec Rome. — Opinions de M.
Mommsen ; de M. Duruy ; de M. Peter ; de M. Hertzberg. — Méthode adoptée dans
le présent travail. — Les sources. — Limites assignées à cette étude.
INTRODUCTION. — Les relations de la Grèce et de Rome jusqu’au IIe siècle
avant Jésus-Christ
I. — Origine des relations de la Grèce et de Rome. — Les Grecs en
Italie jusqu’à la guerre de Pyrrhus. — Leur influence sur la civilisation
romaine.
II. — La politique extérieure de Rome, de la guerre de Pyrrhus à
la seconde guerre de Macédoine. — Développement donné à la marine. — Suite de
guerres et de conquêtes. Intervention en faveur des Mamertins ; première
guerre Punique : la Sicile réduite on province, excepté le petit royaume de
Hiéron. Acquisition de la Sardaigne et de la Corse. Expéditions en Illyrie :
Rome établit son protectorat sur toute la région. Campagnes en Cisalpine.
Deuxième guerre Punique : annexion du royaume de Syracuse ; attitude de
Marcellus. — La raison d’Etat domine seule la politique romaine.
III. — Négociations diplomatiques avec l’Orient. Traité de
commerce avec Rhodes. Démonstration amicale de Démétrius Poliorcète. Traité
avec Ptolémée II Philadelphe. Réparation accordée à une ambassade
d’Apollonie. Traité avec Séleucus II Callinicos. Démarche en faveur des
Acarnaniens. Relations nouées en Grèce à la suite de la guerre d’Illyrie.
Première guerre de Macédoine : Rome, par ses intrigues, met aux prises un
grand nombre d’Etats grecs. — Doutes émis sur l’authenticité de la plupart de
ces traditions ; y a-t-il vraiment lieu de n’y plus ajouter foi ?
IV. — Sentiments des Grecs vis-à-vis de Rome vers la fin du IIIe
siècle. Ils étudient les institutions romaines. Craintes manifestées par les
politiques clairvoyants.
PREMIÈRE PARTIE — LES PREMIÈRES ANNÉES DU IIe SIÈCLE
CHAPITRE I. — La seconde guerre de Macédoine. Evacuation de la Grèce par
les Romains
I. — Etat politique du monde grec vers l’an 200. Trois grands
royaumes sont issus de l’empire d’Alexandre L’Egypte, en décadence, est déjà
placée, ainsi que son roi Ptolémée V Epiphane, sous la tutelle de Rome. En
Syrie, Antiochus III a remporté des succès inattendus ; mais sa puissance est
plus apparente que réelle. La Macédoine, après un long abaissement, a repris
le premier rang, bien que Philippe V ne se montre pas toujours il la hauteur
des circonstances. — A côte de ces trois royaumes, beaucoup de petits Etats
aspirent à l’indépendance, et, pour y parvenir, sont assez disposés à faire
appel à l’étranger. — Le monde grec dispose encore de forces considérables ; son
défaut d’union est sa plus grande cause de faiblesse.
II. — La seconde guerre de Macédoine. Elle n’a été ni réclamée par
le peuple romain, ni provoquée par Philippe : elle a été voulue par le Sénat.
— Prétextes dont il se couvre. — Son but réel. — Après Cynocéphales, la
Macédoine perd toutes ses possessions extérieures ; la Grèce est déclarée
libre, et, nu bout de deux ans d’hésitations, les troupes romaines l’évacuent
entièrement.
III. — Examen de la conduite de Rome dans ces circonstances. Elle
sépare systématiquement la Macédoine de la Grèce, bien qu’il y ait entre les
deux pays unité de race et d’intérêts. — Elle prétend se substituer à la
Macédoine dans le rôle de protectrice des Grecs ; mais, tandis qu’Alexandre
les associait à sa gloire, il serait contraire aux habitudes de Rome de
suivre un tel exemple. — La reconnaissance même de l’indépendance hellénique
ne suffit pas à prouver son désintéressement ; car elle est susceptible
d’interprétations différentes. — Attitude de Flamininus en Grèce, de 196 à
194 : elle résulte de mobiles divers, mais témoigne pourtant d’un souci
sincère des intérêts des Grecs. — Les adversaires de Flamininus. Les
partisans de la tradition. Les financiers : origine de leur puissance ;
complaisance de l’aristocratie à leur égard ; leur intérêt A l’acquisition de
pro vinces nouvelles : apparition de commerçants romains en Orient au IIIe
siècle ; les prête-noms. — Imminence d’un conflit avec Antiochus. — Comme
Flamininus, malgré tout, finit pur amener le Sénat à ses vues, il faut bien
admettre l’existence, à cette date, parmi les Romains, d’un parti philhellène
considérable.
CHAPITRE II. — Le philhellénisme à Rome au temps de Flamininus
I. — Depuis la guerre de Pyrrhus, les Romains ont souvent séjourné
en pays grec. — A Rome même, influence des triomphes. Importation en masse
des œuvres de l’art grec, et travaux commandés à leur imitation. — Abondance
croissante des esclaves grecs. Importance prise par eux dans l’éducation
privée et publique. Ils apprennent le grec à leurs élèves, introduisent la
littérature dans l’enseignement, et donnent à Rome ses premières œuvres
poétiques.
II. — Caractère hellénisant très marqué de la littérature latine
au début du IIe siècle. Les fabulæ palliatae à quoi s’y réduit l’originalité
? — Les prætextœ et les togatœ. — Les
sources de la comédie latine. Elle s’inspire surtout de la comédie nouvelle
attique ; raisons de ce fait. Plaute utilise aussi des pièces récentes ou des
pièces siciliennes. Il semble prendre simplement pour guide le répertoire en
vogue de son temps sur les scènes grecques de l’Italie méridionale. — Les
sources de la tragédie. Elle reproduit surtout Euripide, c’est-à-dire le plus
populaire des tragiques grecs. Elle suit dans son développement la même
marche que la comédie. — L’épopée Naevius même subit l’influence de la Grèce
; Ennius s’attache de très près à Homère. — Ennius imitateur d’œuvres
grecques diverses, et parfois contradictoires. — La prose garde plus
d’indépendance ; pourtant l’histoire s’écrit en grec.
III. — L’hellénisme dans l’aristocratie. Les Scipions ;
Flamininus. Relations des poètes avec les nobles : Ennius. — L’hellénisme
favorisé par l’Etat. Ses représentants peuvent obtenir le droit de cité ; on
leur confie des missions officielles ; fondation d’un collège d’auteurs et
d’acteurs. Multiplication des jeux scéniques ; les sénateurs y ont des places
séparées. Le Sénat traduit en grec ses décisions relatives à la Grèce ; les
magistrats adoptent, pour exprimer leurs titres, les expressions préférées
par les Grecs. — L’hellénisme dans le peuple. Le théâtre latin suppose chez
les spectateurs une certaine connaissance de la langue et de la mythologie
grecques ; la plèbe manifeste des préférences littéraires.
IV. — La légende d’Enée. Ses modifications jusqu’à Timée. —
Origines de cette légende chez les Grecs : sentiment vague de parenté avec
les Romains, désir de rattacher l’Italie à la Grèce, influence du culte
d’Aphrodite Ænéade. — Les Grecs auraient préféré prendre pour héros Ulysse ;
Enée seul peut se faire accepter par les Romains. — Sa légende pénètre à Rome
dans la première moitié du IIIe siècle, et y est acceptée d’abord par le
Sénat, dont elle sert les visées politiques sur l’Orient. — La première
guerre Punique contribue à la répandre. — Sa popularité générale à la fin du
IIIe siècle : elle est alors admise dans la politique, même sans
préoccupation d’intérêt ; la littérature lui fait aussi une place
considérable. — Elle permet aux Romains d’échapper au reproche de barbarie
qui leur est devenu pénible.
V. — Caractère général de la politique romaine en Grèce vers 104 :
elle est disposée à des ménagements, au moins envers les petits États. Bien
qu’elle n’oublie pas ses intérêts, Rome, malgré tout, accorde aux Grecs un
traitement de faveur : elle fait effort pour prouver par des actes son
philhellénisme. — Lettre de Flamininus aux habitants de Cyréties ; sentiments
qu’elle reflète. —Difficultés auxquelles doit se heurter très vite la
politique de Flamininus ; elle représente le maximum des concessions que Rome
voudra jamais faire.
DEUXIÈME PARTIE - DE LA SECONDE A LA TROISIÈME GUERRE DE MACÉDOINE
CHAPITRE I. — La guerre étolo-syrienne et ses résultats
I. — Vers 194, Rome s’inspire pleinement des idées de Flamininus.
Lettre du Sénat aux habitants de Téos. — La guerre contre Antiochus est le
pendant de la guerre contre Philippe : Rome veut arrêter les progrès de la
Syrie comme ceux de la Macédoine. — Prétextes et mobiles véritables du Sénat.
— Ultimatum adressé à Antiochus. — Rome se pose de nouveau en protectrice des
Grecs. — Antiochus offre en vain des concessions importantes. — Défiance des
Grecs vis-à-vis des Romains. — Rome débarque la première des troupes en Grèce
: Antiochus, nullement préparé, est battu aux Thermopyles. — On refuse ses
propositions de paix ; il est rejeté au-delà du Taurus. — Règlement des
affaires de l’Asie Mineure. Rome ne garde encore rien pour elle de ses
conquêtes ; mais la répartition assez arbitraire qu’elle en fait entre ses
alliés trahit des préoccupations égoïstes.
II. — Explication de l’attitude nouvelle des Romains. Au début de
la guerre contre Antiochus, ils ont constaté trop de défections parmi les
Grecs, 194. — Malgré la courte durée de la plupart d’entre elles, ils en
ressentent une vive désillusion. — Ils ne perdent pas d’un coup toute leur
sympathie pour les Grecs ; mais ils spécifient bien maintenant à quel prix
ils mettent leur alliance, et ils prennent des précautions vis-à-vis d’eux.
III. — Conséquences de cet esprit de défiance. Rome craint le
relèvement de la Macédoine. En dépit des services qu’elle vient de recevoir
de Phi lippe, elle l’oblige à de nombreuses restitutions. Elle intervient
dans les querelles de la famille royale. — En Grèce, elle occupe Céphallénie
et Zacynthe.
IV. — Transformation progressive de ses rapports avec les Achéens.
Extension de la Ligue pendant la guerre contre Antiochus : Rome ne tarde pas
à se défier d’elle comme de Philippe. — Révolte à Sparte : campagne
imprudente de Philopœmen. Rome se contente d’abord de désapprouver certains
actes des Achéens ; mais elle ne casse aucune de leurs décisions. — Bientôt
l’arrogance de ses ambassadeurs tend les rapports entre les deux peuples.
Démarche privée de Q. Cæcilius Metellus ; son rapport exagéré. Mission
officielle d’Ap. Claudius : il autorise les confédérés à communiquer
directement avec Rome. Le Sénat détruit en grande partie l’œuvre de
Philopœmen. — Révolte en Messénie. Modération relative de Flamininus.
Politique malhonnête de Q. Marcius Philippus : on encourage les défections
parmi les confédérés. Quand Lycortas a réduit Messène et fait rentrer Sparte
dans la Ligue, le Sénat accepte les faits accomplis ; mais il réclame le
retour des bannis à Sparte. — Callicrate conseille aux Romains d’imposer leur
volonté aux Achéens. Rome intervient dans la lutte des partis : Callicrate au
pouvoir. — Comment peut se justifier la politique romaine en Achaïe :
puissance des Achéens, leurs relations extérieures, leurs tendances
démocratiques ; part de responsabilité des Grecs. Néanmoins, il doit y avoir
à Rome une diminution du philhellénisme.
CHAPITRE II. — Modifications à Rome dans l’état des esprits. Réaction
contre l’hellénisme
I. — Attitude des diplomates romains en Grèce après 194.
Flamininus ; M. Ælius Glabrio ; Q. Cæcilius Metellus ; Ap. Claudius ; Q. Marcius
Philippus. Ils montrent une tendance de plus en plus accentuée à agir en
maîtres absolus. — Conception nouvelle des droits de Rome sur les peuples
étrangers. — Abus de pouvoirs analogues dans d’autres contrées que la Grèce ;
les Italiens mêmes ne sont pas mieux traités. — Indulgence ordinairement
accordée à ces excès. — Les Romains, en prenant conscience de leur force, se
laissent aller volontiers à en abuser.
II. — Les financiers. Leur importance dans le théâtre de Plaute.
Caton leur construit une basilique. L’Etat n’arrive pas a leur l’aire
restituer les terres de Campanie. Ils peuvent lutter contre les censeurs. —
Extension des opérations des trafiquants en Grèce. Romains nommés proxènes à
Delphes. Offrandes consacrées par des Romains à Délos. Des Italiens
s’établissent à demeure à Délos. — Financiers ou trafiquants sont peu
disposés à ménager les provinces. — Premières me sures prises par le Sénat
pour protéger le commerce romain en Orient.
III. — Refroidissement de l’enthousiasme des philhellènes. Ils
avaient été séduits d’abord par l’éclat de la civilisation grecque ; leur
désillusion quand ils connaissent mieux les Grecs. — A Rome, l’intérêt
particulier est toujours subordonné à l’intérêt public ; en Grèce,
l’individualisme triomphe. Rivalités intestines ; incapacité à réaliser
l’unité nationale ; on se fait un principe de renfermer chaque cité dans des
limites restreintes. Maintenant même, le patriotisme disparaît : les hommes
actifs se mettent au service de l’étranger ; les autres se désintéressent des
affaires publiques. — Instinct de cruauté : acharnement déployé entre
compatriotes. Brigandage et piraterie. Pillage des sanctuaires. — Manque de
respect à la parole donnée. — Cupidité, corruption, vénalité générale.
—Exagération déplaisante dans la flatterie. — Substitution trop fréquente des
paroles aux actes. — Vanité injustifiée. — Extrême légèreté dans les affaires
sérieuses. — Attitude de Paul-Émile pendant la troisième guerre de Macédoine.
IV. — Hostilité du vieux parti romain, qui rend la Grèce
responsable de la ruine des mœurs nationales. Part d’erreur dans cette
imputation. Rome souffre surtout de l’inégalité croissante de ses citoyens.
Déchéance du peuple, 312. Fortune immense des grandes familles ; leur
ambition ; leur orgueil. Origine de ce nouvel état de choses : la Grèce, au
lieu d’en être la cause, en est la première victime. — Mais, au moment où
Rome se corrompt, la Grèce lui fournit toutes sortes d’exemples pernicieux.
Les Romains recherchent maintenant le luxe et les voluptés. La doctrine du
plaisir chez les Grecs ; dissolution des mœurs grecques. — Progrès de
l’irréligion à Rome ; la noblesse se désintéresse des sacerdoces ;
indifférence du peuple pour la religion nationale. Les divers systèmes
philosophiques de la Grèce mènent à l’incrédulité ; la religion, dans les
cercles éclairés, est regardée comme un instrument politique ; le théâtre,
les arts, les oracles contribuent à la déconsidérer auprès du peuple. — La
philosophie ruine aussi le patriotisme. — Hardiesses de la littérature
inspirée de la Grèce. Les dieux dans le théâtre de Plaute ; Ennius traduit
Épicharme et Évhémère ; même liberté d’esprit dans ses tragédies.
V. — Réaction anti-hellénique. Caton. — Ses attaques contre les
Romains qui copient les habitudes grecques ; contre les Grecs eux-mêmes. —Ses
contradictions et ses exagérations. — Beaucoup d’hommes poli tiques partagent
ses idées. Le peuple aussi les approuve. Elles pénètrent dans la littérature,
même chez les poètes hellénisants. — Mesures adoptées contre l’hellénisme.
CHAPITRE III. — La troisième guerre de Macédoine
I. — Causes de la guerre. D’après Polybe, elle a été voulue par
Philippe, dont Persée a fidèlement exécuté les desseins : c’est la thèse des
Romains. — Distinctions et restrictions nécessaires. L’animosité très réelle
de Philippe se justifie amplement par les vexations continuelles dont il
était l’objet. Quant à Persée, il était loin de posséder l’énergie de son
père ; Rome pouvait aisément s’entendre avec lui. — Attitude belliqueuse des
Romains. — La conduite de Persée leur fournit des prétextes à alléguer ; en
réalité, ils s’effraient du relèvement de la Macédoine, et veulent l’abaisser
sans retour.
II. — Dispositions des Grecs vis-à-vis des belligérants. Avant la
guerre, une certaine sympathie s’est réveillée chez eux pour la Macédoine :
ils la regardent comme un contrepoids fort utile à la toute-puissance de
Rome. Mais ce sentiment s’est manifesté en un temps où il n’était pas
question de guerre entre Rome et la Macédoine. — Multiples ambassades des
Romains en Orient, de 174 à 171. — Attitude des divers peuples de la Grèce au
moment de l’ouverture des hostilités : Ligue achéenne : Athènes : Béotie :
Etolie : Acarnanie ; Thessalie : Epire : Illyrie ; Dardanie et Thrace :
royaumes hellénistiques d’Orient : villes libres de l’Asie et des îles ;
Crète ; Rhodes. — Au moment décisif, pas un Etat grec n’opte nettement pour
Persée ; la plupart au contraire se déclarent pour Rome.
III. — Conduite des Romains en Grèce de 171 à 168. Dès le temps de
la guerre contre Antiochus, les armées se montraient déjà fort préoccupées de
s’enrichir aux dépens des peuples étrangers. Poursuites contre des généraux.
Désormais cette tendance s’accentue encore. Les soldats méprisent l’ancienne
discipline, et regardent le pillage comme un droit, 410. Les généraux ne
tiennent compte ni des ordres du Sénat ni des droits des alliés. Ils
rejettent sur les alliés la responsabilité de leurs défaites ; leur sans-gêne
dans les réquisitions : leurs violences en cas de résistance. — Les
trafiquants profitent de la présence des armées romaines pour ruiner le pays.
— Le Sénat évite le plus longtemps possible de sévir contre les fonctionnaires
coupables, ils : il se contente d’accorder parfois des satisfactions
matérielles. A partir de l’automne 170, il apporte plus de soin à protéger
les Grecs : mais cette bienveillance semble n’être qu’une habileté politique.
Sénatus-consulte de Thisbées. Comparaison de ce document avec d’autres pièces
officielles antérieures. — Les diplomates jugent bons tous les moyens pour
assurer l’empire à leur patrie. Fourberies de Q. Marcius Philippus. Même
quand le Sénat fait effort pour rassurer les Grecs, ses ambassadeurs laissent
percer leur préférence personnelle pour une action beaucoup plus énergique.
IV. — Traitement de la Macédoine et de l’Illyrie : elles ne sont
pas réduites en provinces. Conditions imposées par Rome. — Les auteurs
anciens attribuent cette modération relative à la magnanimité de Rome ;
difficultés à admettre une telle explication. — L’intervention bienveillante
de Paul-Émile n’est pas démontrée. — Le parti de Caton s’est opposé à
l’annexion : seulement il n’agissait pas par philhellénisme, comme
Flamininus, mais par crainte des conséquences funestes de l’annexion pour
Rome elle-même.
TROISIÈME PARTIE — DE LA TROISIÈME GUERRE DE MACÉDOINE A L’ÉTABLISSEMENT
DÉFINITIF DE L’HÉGÉMONIE ROMAINE EN GRÈCE
CHAPITRE I. — Attitude de Rome envers les Grecs après Pydna
I. — Aussitôt après sa victoire, le Sénat traite à peu près tous
les Grecs avec une égale dureté. Vengeances exercées contre des villes qui
ont soutenu isolément la Macédoine. — Etolie : exécutions et proscriptions ;
perte de l’Amphilochie. — Epire : pillage méthodique de 70 villes ; 150.000
habitants réduits en esclavage. — Acarnanie : proscriptions, perte de
Leucade. — Rhodes : sa conduite pendant la guerre ; exagération manifeste des
griefs formulés par les Romains. Après Pydna, on parle de lui déclarer la
guerre ; opposition de Caton à ce projet. Rhodes perd une partie de ses
possessions continentales ; son commerce est ruiné par l’ouverture d’un port
franc à Délos ; elle doit entrer dans la clientèle de Rome. — Pergame :
fidélité constante d’Eumène. Bruits répandus à Rome contre lui ; leur vanité.
Eumène, après la défaite de Persée, est traité comme Philippe après la
défaite d’Antiochus : on essaie de soulever contre lui son frère Attale ; on
ménage les Galates qui l’ont attaqué ; on l’humilie lui-même à dessein. —
Achéens : Rome n’a aucun reproche à leur adresser. Cependant elle accueille
les délations de Callicrate. Déportation en Italie de plus de 1.000 citoyens.
— Syrie. Elle ne s’est en rien mêlée à la guerre contre Persée ; elle est en
lutte avec l’Egypte, et sa victoire paraît assurée. Rome décide de la
contraindre à évacuer l’Egypte. Ambassade insolente de Popilius. — Athènes
seule est bien traitée par le Sénat sans arrière-pensée égoïste. — Si Rome
ménage quelques autres peuples, elle se guide uniquement sur son intérêt
personnel.
II. — Condition des Grecs sous ce nouveau régime. Les rois en sont
réduits aux plus basses flatteries. — Les petits Etats doivent subir chez eux
la tyrannie du parti romain. — Leurs rapports avec Rome, même dans la forme,
sont ceux de clients à patron. — Comparaison entre deux ambassades adressées
par des villes grecques à Rome, l’une après Cynocéphales, l’autre après
Pydna.
III. — L’intervention romaine dans les affaires de la Grèce, de
164 environ à 149. La question des otages achéens. Rome, très dure pendant
les quatre ou cinq ans qui suivent immédiatement Pydna, se relâche ensuite
beaucoup de sa sévérité. — Même changement vis-à-vis de la Macédoine. — Dans
les petits Etats, Rome cesse, après 164, de soutenir aveuglément ses
partisans ; elle donne tort aux Athéniens, ses favoris ; elle met fin à la
guerre entre Rhodes et la Crète. L’affaire d’Oropos. — Examen de quelques
contestations soumises à Rome par les Grecs. Le Sénat confie volontiers l’arbitrage
à des commissions étrangères. Procédure suivie dans ce cas : Rome conserve
toujours la haute main sur les opérations des arbitres. En général, elle
confirme l’état de choses qui existait au moment où elle est intervenue pour
la première fois dans le pays des intéressés. — Crainte très vive chez les
Grecs, même chez les rois, de rien faire qui déplaise aux Romains : lettre
d’Attale II.
IV. — Caractère général des relations de la Grèce et de Rome après
164. Les Grecs restent toujours dans une sorte de demi-vasselage. Mais
l’intervention des Romains est souvent réclamée par les Grecs eux-mêmes :
plus d’un Humain fait personnellement preuve de bienveillance ; le Sénat même
montre beaucoup d’indulgence. Les ambassades grecques ne sont plus humiliées.
— Cause de cette évolution nouvelle. Comme elle ne se manifeste pas à l’égard
des autres nations, il semble y avoir là indice d’un certain retour au
philhellénisme.
CHAPITRE II. — L’Hellénisme à Rome après Pydna
I. — éléments capables d’exercer une influence fâcheuse sur les
rapports de la Grèce et de Rome. Absence de scrupules des généraux dans les
provinces, 524. Indifférence à peu prés unanime à propos de leurs excès.
L’institution d’un jury permanent en matière de concussions ne réussit pas,
en fait, à protéger les étrangers. — Puissance toujours croissante des
financiers. Preuves diverses du crédit dont ils disposent. Ils vont former, à
coté du Sénat, un ordre privilégie. Leur situation en Orient : ils font lever
l’interdiction d’exploiter les mines de Macédoine ; ils obtiennent
l’abaissement de Rhodes ; leurs progrès à Délos. On ne peut attendre d’eux
aucun ménagement. Beaucoup de gens à Rome sont intéressés dans leurs
opérations. — En revanche, nombreuses raisons propres à expliquer le
développement de l’hellénisme. Supériorité de la civilisation grecque ; les
Romains en Grèce ; les Grecs en Italie.
II. — Décadence générale des mœurs romaines après la guerre contre
Persée. Magnificence des jeux. Changements dans les habitations, la
vaisselle, le mobilier. Luxe de la table. Recherches de toilette. Corruption
des écoles. Amollissement des armées. — L’hellénisme dans l’aristocratie.
Scipion Emilien et Lælius. Ils admettent des auteurs dans leur intimité :
Polybe, Panætius, Térence. Le cercle de Scipion. Autres Romains philhellènes
en dehors de ce cercle, 562. — Les beaux-arts. Les triomphes continuent à
accumuler les œuvres d’art en Italie. On demande à la Givre des architectes,
des peintres, des sculpteurs. Rome va provoquer une sorte de renaissance de l’art
classique. — Les sciences. On améliore le calendrier, on s’occupe de
cosmographie, on détermine avec exactitude les heures de la journée. — La
rhétorique et la philosophie. Les édits de proscription restent sans effet.
Conférences de Cratès de Mallos. Ambassade de Critolaos, Diogène et Carnéade.
Succès éclatant de Carnéade. Caton est presque seul à protester. Beaucoup
d’autres philosophes obtiennent aussi un excellent accueil. Influence de la
rhétorique et de la philosophie sur les études grammaticales, sur le droit,
sur la religion, et même sur la politique. — Le théâtre. Térence est plus grec
encore que Piaule. Prætextæ et togatæ n’arrivent pas à s’affranchir des
modèles grecs. —Excès de l’hellénisme. Non seulement beaucoup de Romains
savent le grec, mais ils aiment a en faire parade. On continue à écrire des
livres en grec. On pense en grec. Caton est décidément débordé : ses
contradictions.
III. — Maigre tout, l’hellénisme, vers 146, ne suscite plus le
même enthousiasme qu’au temps de Flamininus. Le gouvernement fait preuve à
son égard d’impuissance plutôt que de bienveillance. Les philhellènes ne
l’acceptent qu’avec la volonté de limiter son action. On lui témoigne
toujours un certain mépris ; on affecte de dénigrer toutes les parties de la
civilisation grecque. Le peuple s’y montre réfractaire : le public romain du
IIe siècle. Echec des spectacles purement grecs.
CHAPITRE III. — Les derniers soulèvements dans la Grèce continentale
I. — Contrairement aux guerres précédentes, celles de 149 et de 146
ne sont pas voulues par le Sénat. En Macédoine, il s’agit d’un soulèvement
national. Rome songe si peu à provoquer les hostilités qu’elle refuse d’abord
d’y croire. — En Achaïe, la guerre éclate au moment où la domination romaine
s’est sensiblement adoucie. Intrigues de Ménalcidas, Callicrate et Diæos.
Pour assurer leur vengeance ou leur salut personnel, ils ressuscitent la
question des droits de la Ligue sur Sparte, et mêlent le Sénat à leurs
querelles. Ils ne tiennent aucun compte des avis répétés de Metellus. Rome
menace de ramener la Ligue aux limites qu’elle avait au début du IIe siècle.
Raison de cette sévérité. L’ambassade de L. Aurelius Orestes est insultée :
le Sénat cependant ne présente que des réclamations modérées. Les Achéens se
jouent de Sext. Julius Cæsar. Nouvelle démarche conciliante de Metellus ; ses
envoyés sont outragés : le Sénat se résout à la lutte. — Responsabilité des
chefs achéens dans ces événements. Jugement très sévère des historiens
anciens à leur sujet.
II. — Attitude des soldats et des généraux. Indifférence des
soldats pour la civilisation grecque. — Philhellénisme manifeste de Metellus.
— Mummius. Sa sévérité pendant les premiers mois qui suivent la défaite de
Diæos ; il ne tarde pas ensuite à se montrer assez doux envers les Grecs.
Examen de sa réputation de rudesse et de barbarie. Il est victime d’un parti
pris. On peut citer plus d’un trait à son honneur pendant son séjour en
Grèce, et aussi après son retour en Italie. Il n’était donc pas aussi
insensible qu’on l’a dit à l’hellénisme.
III. — Résultats des derniers soulèvements. La Macédoine est
réduite en province dès 148. — Difficulté de la question au sujet de la Grèce
propre. — Nécessité de mettre a part la destruction de Corinthe : elle a été
réclamée par les financiers. — Traitement imposé à la Grèce par le Sénat. Il
ne s’annexe de ce côté qu’une faible étendue du territoire. Il ne paraît pas
avoir soumis l’ensemble du pays à un tribut. Après avoir d’abord dissous
toutes les Ligues, il en permet bientôt le rétablissement ; importance de
cette faveur. Rome tient seulement la main à ce que le pouvoir appartienne
partout à l’aristocratie. Athènes moine doit transformer dans ce sens sa
constitution. Lettre de Q. Fabius Maximus aux habitants de Dymé. Les
modifications introduites en 146 sont suffisantes pour justifier l’adoption
d’une ère nouvelle. — Rome pourtant n’use pas de tous ses droits : la Grèce
n’est pas réduite en province ; elle est simplement surveillée par le
gouverneur de Macédoine, comme elle l’était auparavant par le Sénat. Elle est
beaucoup mieux traitée que ne le sont, dans le même temps, la Macédoine ou
Carthage.
CONCLUSION.
Résumé de cette étude. Nécessité de distinguer plusieurs phases dans les relations de Rome avec la Grèce. — En conséquence, MM. Duruy et Peter d’une part, M. Mommsen d’autre part, ont tort de vouloir ramener l’attitude des Romains à une formule immuable. — Origine du philhellénisme à Rome. Pourquoi il se rencontre surtout dans l’aristocratie, et se manifeste de préférence à l’égard de la Grèce propre. — Il n’exclut pas chez les Romains, un certain mépris persistant pour la race grecque. |