PARIS - AMYOT ÉDITEUR - 1845
CHAPITRE
PREMIER. — CHAPITRE II. — LES ÉTATS DE L'EUROPE À L'AVÈNEMENT DE FRANÇOIS Ier. CHAPITRE III.
— CHAPITRE IV. — AVÈNEMENT DE FRANÇOIS Ier. CHAPITRE V. — NÉGOCIATIONS DIPLOMATIQUES DE L'AVÈNEMENT. CHAPITRE VI. — FRANÇOIS Ier EN ITALIE. BATAILLE DE MARIGNANO. CHAPITRE VII. — ÉTATS DES SCIENCES ET DES LETTRES EN ITALIE, LORS DU PASSAGE DE FRANÇOIS Ier. CHAPITRE VIII. — NÉGOCIATIONS EN ITALIE, LE CONCORDAT DE LÉON X. CHAPITRE IX.
— NÉGOCIATIONS ET GUERRE JUSQU'À CHAPITRE X.
— CHAPITRE XI.
— SITUATION DE L'EUROPE AU MOMENT OÙ COMMENCE PRÉFACE.Le règne de François Ier et l'époque non moins splendide
de C'est qu'il y eut à cette époque un enthousiasme difficile
à décrire, un entraînement vers les arts que nul travail historique ne peut
rendre. A côté de ce tableau, il n'y a qu'une ombre : Dans le règne de François Ier il y a plusieurs aspects ; la politique du XVIe siècle s'y révèle d'abord dans sa lutte avec Charles-Quint ; François Ier, c'est le débris du moyen âge ; c'est la chevalerie, ou l'esprit de conquête à coup de lance et d'épée (que maudits soient les arquebuses, coulevrines et fauconneaux !) Charles-Quint, c'est la politique rationnelle, admirable dans ses prévoyances, forte dans ses conceptions, et visant pour ainsi dire à l'unité réalisée une seule fois dans notre histoire par la grande image de Charlemagne. La lutte est vive, profonde, continue : entre ces deux caractères, il n'y a pas de paix absolue ; tout est trêve ; à Pavie, François Ier, foulé aux pieds des chevaux, captif à Madrid, néanmoins se relève encore pour combattre son puissant adversaire. Au point de vue philosophique, c'est la lutte de En ce qui touche les arts, le catholicisme est comme un
magnifique coloris qui se reflète sur toute L'écueil de tout livre sur le XVIe siècle serai je le
crains, de heurter les opinions admises. On a écrit jusqu'ici dans certaines
formules consacrées, sur les bienfaits de la réforme, et ces choses-là sont
enseignées avec un parti pris de ne pas céder même devant les monuments
contemporains. Toutefois un caractère marquera d'une certaine magnificence la
jeune génération qui s'élève, c'est que malgré l'éducation que lui imposent
forcément les écrivains un peu surannés de l'école du XVIIIe siècle, elle
écoute tout, juge tout, avec une sérénité de conscience, une impartialité de
conviction qui ne se forme aucun jugement à priori. C'est parce que je rends
à cette génération une pleine et entière justice, que je vais aborder pour la
seconde fois ce XVIe siècle que j'avais jugé sous le point de vue religieux
et philosophique dans mon travail sur Avant tout, il est important de bien définir les mots : y a-t-il eu une seule époque de renaissance, et les ténèbres ont-elles jeté un voile absolu sur l'Europe chrétienne jusqu'au XVIe siècle ? L'opinion que tout s'est révélé avec la réforme, a été soutenue par les écrivains sceptiques tels que Robertson et Roscoë : lorsqu'ils ont décrit cette période, ont-ils compris et jugé exactement le moyen âge ? L'erreur capitale de Robertson surtout, a été de flétrir par un même dédain tout le temps qui s'écoula du Bas-Empire jusqu'à Luther, et de comprendre sept siècles sous un même anathème de barbarie. D'après quelques passages de chartes recueillis pêle-mêle dans Du Cange, Robertson a peint la société du moyen âge sous une couleur uniforme, pour en conclure que là lumière n'était apparue qu'avec le protestantisme. Ce point de vue est radicalement faux ; il y a eu dans le
moyen âge des temps lumineuse et des époques de ténèbres comme toujours, et l'on
pourrait y compter jusqu'à trois grandes civilisations : celle qui fut tentée
sous l'empire de Charlemagne ; puis, les deux belles périodes des XIIIe et
XVe siècles. La plus magnifique de toutes ces époques, c'est la rénovation
artistique qui produisit tant de merveilles, les cathédrales, les poèmes de
chevalerie, toutes choses que nous admirons encore comme des perles
précieuses dans notre histoire. Il ne faut pas ainsi jeter anathème, et parce
que quelques chartes, après les ravages des Normands et des Huns, constatent l'état
lugubre et fatal d'une génération, on ne doit pas conclure que le siècle des
tournois, de la chevalerie, que le temps des communes de Flandre et des
écrivains tels que Froissart, fut une époque barbare que Ces préjugés, je me propose de les combattre, surtout par un genre de documents dédaignés par les historiens, et que je place toujours au-dessus de tous les autres dans mes travaux ; je veux parler des pièces, chartes, autographes émanés des princes, des papes, ou les dépêches des hommes politiques qui prirent tant de part aux luttes de ce temps. Jusqu'ici on s'est exclusivement servi des Mémoires et des histoires toutes faites, tels que les Annales de Paul Jove, l'historien politique (un peu corrompu comme son temps), puis des remarquables écrits de Guichardin et de Machiavel ; par ce moyen on s'est dispensé de beaucoup de lectures et de beaucoup de peines, et surtout de recourir aux sources. A l'aide des Espagnols Sandoval et Vera, on pourrait également retracer sans peine le règne de Charles-Quint. Il y a surtout Leti, le vieillard érudit qui, à soixante-dix ans, entreprend l'histoire du grand empereur ; œuvre, comme il le dit lui-même, d'un corps qui est presque hors du monde et peut disparaître à tout moment. Aussi, ajoute-t-il, je ne me crois plus obligé de suivre la maxime qu'en écrivant on doit garder des ménagements et des mesures. » Je place Leti bien au-dessus de Robertson, l'historien dogmatiseur, justement tombé en discrédit en Angleterre comme Hume et Smollett. Avec ces travaux seuls, il est facile d'accomplir un travail vulgaire sur le XVIe siècle. Parlerai-je de M. Gaillard, esprit si médiocre, pauvre homme si tiraillé dans son érudition, beau diseur, ma foi, de lieux communs, humanitaires ? M. Gaillard est philosophe, mais avec cela il est historiographe du roi et pensionné, ce qui le met à une torture épouvantable quand il veut écrire un fait ou porter un jugement. Admirateur de Voltaire, comme lui il voudrait faire du scepticisme, mais il a besoin de ménager la cour, les grands, le clergé, de sorte que ses volumes si enflés ne contiennent rien que quelques réflexions boursouflées dans le beau style du temps. L'objet du présent livre n'est que de placer en présence
des lecteurs une série de documents originaux, de pièces authentiques, qui,
je l'espère, pourront modifier les idées qu'on a jusqu'ici jetées sur
François Ier, et en général sur le XVIe siècle. Ce travail a été fort simple
; il m'a suffi de prendre les grandes collections Dupuy, Béthune, Colbert,
Fontanieu, et de rechercher là toutes les pièces originales que ces hommes
patients et consciencieux ont recueillies ; et avec ces pièces, j'ai dû
comparer les registres de l'hôtel de ville, les documents espagnols de
Simancas, les archives d'Augsbourg, de Vienne, de Munich, de Venise, de
Florence, Gênes et Milan ; de pénétrer aux grandes sources du Vatican, de
manière qu'à l'aide de ces pièces on puisse rétablir l'histoire de François
Ier et de Que si les opinions que j'émets sur ces pièces ne sont pas exactes, comme les documents restent sous les yeux du lecteur, il lui sera toujours facile de s'en former d'autres. Qui pourrait s'en plaindre. Je n ai pas l'orgueil d'imposer mes œuvres aux générations futures. Ces générations viennent après nous pour nous juger, et de nos œuvres que restera-t-il ? les seuls documents du passé, et c'est seulement ce qui les fera vivre. Certes, nul règne n a plus d'attraits pour l'imagination
et l'étude que celui de François Ier ; je m'y suis livré avec une passion qui
tient à mes goûts ; il n'est pas un lieu de bataille en Allemagne, en Italie
que je n'aie parcouru, pas une ville que je n'aie saluée pour retrouver les
traces de ce règne. Visitez Milan, Gênes, Venise, Rome, vous qui voulez
connaître l'histoire du XVIe siècle, parcourez aussi l'Espagne, les archives
de Séville et de Simancas, et vous serez émerveillé des points de vue
nouveaux qui vous viendront à l'esprit avec les couleurs du temps. Combien de
fois je me suis promené autour des murs de Pavie pour retrouver les traces de
ces nobles chevaliers morts sous l'étendard de France. Et au moment où
j'écris ces lignes, la vieille basilique de Santo-Michaelo (œuvre aussi antique que les ariens), sonne à
plein glas pour un convoi funèbre que les pénitents mènent à travers ses rues
tortueuses. Oh ! c'est bien encore ici Pavie, 20 juin 1844. |