PARIS - PLON - 1893.
INTRODUCTION.CHAPITRE PREMIER. — LE 7 MARS 1815.CHAPITRE II. — LA PROCLAMATION DE LONS-LE-SAUNIER.CHAPITRE III. — LES CENT-JOURS.CHAPITRE IV. — LA CAPITULATION DE PARIS. - LES ORDONNANCES.CHAPITRE V. — L'ARRESTATION DU MARÉCHAL. - LE RETOUR À PARIS.CHAPITRE VI. — LA CONCIERGERIE. - LE CONSEIL DE GUERRE.CHAPITRE VII. — L'INCOMPÉTENCE DU CONSEIL DE GUERRE. - LA CHAMBRE DES PAIRS.CHAPITRE VIII. — LES EXIGENCES DES ALLIÉS. - L'ORDONNANCE DU 12 NOVEMBRE ET LA SÉANCE DU 13.CHAPITRE IX. — LA MARÉCHALE NEY ET LES ALLIÉS.CHAPITRE X. — LES SÉANCES DES 21 ET 23 NOVEMBRE 1815.CHAPITRE XI. — LA SÉANCE DU 4 DÉCEMBRE.CHAPITRE XII. — LA SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE. - L'ARTICLE 12 DE LA CAPITULATION DE PARIS.CHAPITRE XIII. — LA SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE. - LA CONDAMNATION.CHAPITRE XIV. — LES DERNIÈRES HEURES. - L'EXÉCUTION.CHAPITRE XV. — LA FAUTE.CHAPITRE XVI. — LA RÉPARATION.APPENDICE.INTRODUCTIONIl y aura bientôt quatre-vingts ans que le maréchal Ney a été jugé et fusillé. Ce long espace de temps n'a pu effacer l'impression causée par le procès et par l'exécution. Il suffit, en effet, d'évoquer ces tristes souvenirs pour qu'aussitôt l'émotion saisisse et pénètre les esprits. J'ai été amené à lire, dans notre précieux dépôt des Archives nationales, les documents authentiques du conseil de guerre de la 1re division, puis ceux de la Chambre des pairs, et le désir m'est venu d'étudier à nouveau cette douloureuse histoire. J'avais sous les yeux les pièces officielles, les procès-verbaux, les papiers secrets, les notes et les rapports de la police, les lettres du maréchal Ney et les suppliques de la maréchale. Aucun écrivain ne les ayant encore mis en œuvre, je résolus de les utiliser. Je voulus connaître aussi l'opinion de la presse et les attestations des principaux contemporains, ainsi que les observations des historiens qui ont eu à juger la défection du maréchal et sa condamnation. Éclairé par toutes ces lumières, j'essayai d'écrire un livre impartial. Je le présente aujourd'hui au public, et j'aime à espérer qu'il voudra bien le trouver tel. En faisant la part légitime des temps et des circonstances, j'ai tenu à m'inspirer de la justice et de la pitié, sans lesquelles l'histoire ne serait, à mon avis, qu'un froid procès-verbal. On sait que les passions de ceux qu'on a surnommés
les ultras ont puissamment contribué à la mort du maréchal Ney, et j'ai pu le
constater à mon tour. Mais il est, entre autres, un fait considérable que je
compte démontrer jusqu'à la dernière évidence, c'est que l'Europe, non
contente, contrairement à ses déclarations et à ses promesses antérieures, de
morceler nos frontières, d'occuper nos provinces, de démanteler nos places de
guerre, de vider nos arsenaux, de nous imposer une indemnité de sept cents
millions, de faire main basse sur nos œuvres d'art, a voulu couronner toutes
ces exigences et toutes ces spoliations par l'exécution du 7 décembre 1815.
Les Alliés ont mérité que le maréchal Moncey, dans le noble élan d'une indignation
que tout Français comprendra, leur jetât à la face ces reproches que
j'extrais de sa lettre à Louis XVIII, lorsqu'il refusa de présider le conseil
de guerre appelé à juger le maréchal Ney : Ils se
sont présentés en alliés. Mais les habitants de l'Alsace, de la Lorraine et
de votre capitale même, quel nom doivent-ils leur donner ? Cependant ils ont
exigé d'être reçus en amis. Ils l'ont été. Ils ont demandé la remise des
armes dans les pays qu'ils occupent maintenant, et, dans les deux tiers de
votre royaume, il ne reste pas même un fusil de chasse. Ils ont voulu que
l'armée française, fût licenciée, et il ne reste plus un seul homme sous les
drapeaux, pas un caisson attelé. Ils réclament la mise en dépôt des places
fortes. Vous eu donnez l'ordre. Et si quelques-unes tiennent encore, c'est
que leurs commandants ne peuvent se persuader qu'un tel ordre soit émané de
Votre Majesté. Il semble qu'un tel excès de condescendance eût dû assouvir
leur vengeance ; mais non ! Ils veillent vous rendre odieux à vos sujets ;
ils veulent prévenir tous les dangers qui les menacent en faisant tomber soit
parmi les maréchaux, soit clans le conseil, les têtes de ceux dont ils ne
peuvent prononcer le nom sans se rappeler leur humiliation... C'est leur honte qu'ils veulent effacer, et non
l'affermissement de votre trône qu'ils désirent... En exigeant l'exécution du maréchal Ney, l'Europe manquait délibérément aux engagements les plus sacrés. Elle manquait encore à la modération et à l'humanité dont ses ministres aimaient cependant à se dire partout les représentants ou les interprètes les plus autorisés. Par une pression inouïe, elle faisait commettre à l'infortuné gouvernement de Louis XVIII une faute immense, une faute irréparable. Elle l'amenait à empêcher le maréchal Ney d'invoquer le bénéfice incontestable de l'article 12 de la Convention de Paris, ce qui l'eût sauvé. Aussi l'un des juges, le duc Victor de Broglie, qui se conduisit avec tant de dignité dans ces circonstances terribles, a-t-il pu dire sans exagération que la Chambre des pairs, en fermant la bouche à l'accusé, avait presque commis un crime. Ce crime, l'Europe en est la première responsable. C'est ce que l'un des avocats du maréchal, Berryer père, reconnaissait lui-même en 1839, quand il écrivait ses Souvenirs. Il affirmait que tous les acteurs de ce drame avaient eu la main forcée. Il n'y avait, disait-il, qu'à s'en prendre à l'étranger qui avait voulu flétrir la gloire de nos armes ! Son fils, celui que nous appelons le grand Berryer, n'hésitait pas à faire le même aveu. Les ennemis de la Restauration ont, comme il fallait s'y attendre, largement exploité un jugement rigoureux dont le vice capital était le manque d'indépendance. Ses amis sincères, tout eu reconnaissant la culpabilité indéniable du maréchal Ney, ont déploré ce jugement. Les nouveaux détails que j'ai recueillis aux sources mêmes m'ont fait comprendre la justesse et la profondeur de leurs regrets. J'ajoute, en terminant cette courte introduction, que j'ai cherché à retracer les événements du 20 mars et leurs suites, les deux procès du maréchal devant le conseil de guerre et la Chambre des pairs avec leur physionomie originale. J'espère n'avoir négligé aucun incident, aucun trait, pour faire revivre de sa vie véritable ce fragment si dramatique de notre histoire contemporaine. Je tiens à remercier ici M. le, prince de la Moskowa d'avoir bien voulu m'autoriser à faire reproduire par la gravure les portraits originaux du maréchal Ney et de la maréchale que le baron Gérard a peints en 1812, et qu'on peut considérer comme des documents historiques. H. W. Mars 1893. |