L'ordre était assuré au palais du Luxembourg. Le maréchal Oudinot y avait veillé lui-même[1]. Les personnes qui avaient obtenu des billets de tribune pour assister aux débats suivaient, pour le côté gauche, la galerie des Orangers, et pour le côté droit, la galerie du corps de garde, puis montaient l'escalier situé en face. A neuf heures du matin, les portes du palais devaient être fermées, sauf pour les pairs et pour les ministres. Les témoins, munis d'un laissez-passer signé du grand référendaire et du procureur général, entraient par la grande cour du Palais et se dirigeaient vers le perron du milieu. Aucune voiture ne pouvait stationner dans les cours. Elles allaient se ranger sur les places adjacentes, où leurs cochers étaient appelés par des crieurs préposés à ce service et payés cinq francs par jour. La Chambre des pairs était installée dans la salle des séances du Sénat conservateur, placée alors au milieu de la grande galerie qui sert aujourd'hui de salle des Pas perdus, entre la salle du Trône et la salle des Conférences. Le bureau du président, au lieu d'être tourné vers le jardin, comme il l'est actuellement, était tourné vers la cour. Les pairs accédaient à la salle des séances par le grand escalier à droite, en entrant dans la cour d'honneur, et traversaient avant d'y arriver la salle des messagers d'État et la salle des Conférences. La salle des séances était fort exiguë et les deux cent quatorze pairs, s'ils eussent été au complet, auraient eu de la peine à y trouver des places. La publicité des séances avait nécessité l'établissement de tribunes provisoires qui rétrécissaient une enceinte déjà trop étroite[2]. Près de la salle se trouvait une petite galerie appelée la galerie des Tableaux ou de Rubens, qui servit aux délibérations secrètes pendant le procès. Au-dessus du fauteuil du président, et parmi les motifs d'ornementation de la voûte se lisaient, en grandes lettres d'or, ces trois mots, qui dans ce moment avaient presque l'air d'une ironie : SAGESSE - TOLÉRANCE - MODÉRATION. Dans l'angle formé par le bureau et par l'extrémité des gradins, près de la barre, on avait placé une table, puis un fauteuil pour le maréchal et deux chaises pour les défenseurs. L'accusé et son conseil faisaient ainsi face aux juges. Avant la séance publique qui allait s'ouvrir à dix heures et demie, la Chambre des pairs se réunit à neuf heures du matin, dans la salle du Conseil. Elle y entendit un petit discours du président. Celui-ci lui recommanda de juger avec un esprit de modération et d'équité. Je suis sûr, dit-il, que la Chambre des pairs sera impartiale. Il s'avançait beaucoup, comme le prouvèrent bientôt les débats. Il est notoire, ajouta-t-il, que la Chambre des pairs ne peut vouloir que la justice. Elle ne peut chercher que la vérité, mais elle ne doit la recevoir que des mains de la loi et dans les formes qu'elle a si sagement établies. Il rappela que les formes étaient sinon de stricte rigueur, au moins de toute convenance, et tutélaires de la vie et de l'honneur des citoyens. La plus essentielle de toutes, observa-t-il, est la plus grande latitude possible dans la défense de l'accusé. Ni lui ni son conseil ne peuvent être interrompus. Je veux croire que le chancelier en cet instant était sincère, mais il se départit lui-même, quelque temps après, de cette règle si sage et si nécessaire. Continuant ses avis, il pria ses collègues de ne manifester aucun signe extérieur d'impatience ou d'improbation et de garder le silence le plus absolu. Conformément aux articles 268, 269 et 270 du Code d'instruction criminelle, il était investi d'un pouvoir discrétionnaire très étendu. Ce pouvoir, déclara-t-il, n'est pas un droit ; c'est un devoir et je ne peux pas, en conscience et en honneur, repousser une telle obligation dont ma conscience et mon honneur sont chargés. La passion de l'homme devait étouffer la conscience du magistrat, car, muni de ce pouvoir pour la recherche de la vérité, le chancelier Dambray en abusa bientôt pour empêcher la libre manifestation de la défense. Ce discours terminé, et après l'adoption de quelques excuses légitimes, on se disposa à ouvrir la séance publique. A dix heures et quart, un peu avant l'entrée des pairs, Dupin et Berryer occupèrent, auprès de la table, les chaises qui leur avaient été réservées. Aux assistants arrivés depuis huit heures du matin, et parmi lesquels on remarquait, non sans étonnement, M. de Metternich, le prince royal de Wurtemberg, le comte de Goltz, des généraux russes et anglais en uniforme (il y manquait Blücher !), puis des députés, des magistrats, etc., on distribua le mémoire des avocats de Ney, intitulé : Question préjudicielle. Dupin remarqua alors un fait curieux qu'il a ainsi rapporté : Je me représente encore, dit-il, un petit homme, si courbé dans sa taille que sa croix de Saint-Louis, pendue à un long ruban, flottait en manière de fil à plomb à quatre pouces au moins de sa poitrine. Il tendait la main pour avoir des mémoires, et il en saisit une poignée qu'on lui donna, croyant que c'était pour passer à des voisins. Mais il les froissa dans ses mains et les déchira avec colère, anéantissant par là, autant qu'il était en lui, une partie de la défense de l'accusé. C'est ainsi qu'était composée la majeure partie de l'auditoire[3]. Un quart d'heure après, entra le chancelier, suivi des pairs de France. Les secrétaires s'assirent à leur place accoutumée. A droite, au-dessous du bureau du président, se trouvait le siège du procureur général. Près du procureur général se tenait le greffier. A quelque distance, des messagers d'État assis sur des tabourets. Entre le procureur général et le greffier, apparaissaient les bancs des témoins. Une fois les pairs à leurs places, le chancelier déclara la séance ouverte, puis fit observer au public qu'il ne devait se permettre aucun signe d'approbation ou d'improbation, sous peine d'arrestation immédiate. Après ce court avis, les témoins furent introduits. Avec eux arrivèrent les ministres, le duc de Richelieu, le marquis de Barbé-Marbois, le comte de Corvetto, le comte du Bouchage, le comte Decazes, le duc de Feltre et le comte de Vaublanc, puis le procureur général Bellart et le greffier-archiviste Cauchy, qui s'assirent dans le parquet, au pied du bureau du président. A onze heures précises, le maréchal Ney entra, précédé de quatre grenadiers, et alla se placer entre ses avocats. Il était vêtu, nous disent les journaux de l'époque, d'un frac bleu et portait les épaulettes de général, avec le grand cordon de la Légion d'honneur et le petit ruban de Saint-Louis. Son visage avait un peu pâli. Mais c'était toujours la même attitude droite et ferme. Il fixa un moment l'assistance. Plus d'un, parmi ses juges, baissa son regard devant le sien. Le greffier-archiviste fit l'appel nominal des pairs, puis le président adressa au maréchal les questions ordinaires pour constater son identité. Il l'invita ensuite à écouter la lecture que le greffier allait faire, et il recommanda à ses défenseurs d'observer dans leurs discours la plus grande modération. Je les invite, dit-il, à ne parler ni contre leur conscience ni contre l'honneur, et à se renfermer dans tout le respect dû aux lois. Or, on remarqua que, dès la première séance, les avocats durent parler la tête découverte. Le président leur avait refusé l'autorisation de se couvrir. C'était une grave dérogation à l'article 35 du décret du 24 décembre 1810 et aux usages. Il eut tort, observe Dupin, car le : Couvrez-vous ! que les anciens premiers présidents adressaient aux avocats ne voulait pas dire : Mettez-vous à votre aise, mais : Parlez librement ! — Il avait oublié son Parlement, et de fait, dans l'affaire Ney, à quoi bon dire : Parlez librement, puisque la défense n'a été ni libre ni entière ?[4] Le greffier, M. Cauchy, après avoir lu les diverses pièces
de la procédure, fit lecture de l'acte d'accusation, arrêté au palais de la
Chambre des pairs le 16 novembre 1815, à midi, par les ministres et le
procureur général. Il convient d'examiner rapidement les principaux faits et
griefs qui résultaient des pièces produites et de l'accusation. Le
réquisitoire commençait par des probabilités. Il
paraît, disait-il, que le maréchal Soult,
alors ministre de la guerre, en apprenant le débarquement effectué à Cannes
le 1er mars dernier par Buonaparte à la tête d'une bande de brigands de plusieurs
nations[5], envoya par un aide de camp au maréchal Ney, qui était
dans sa terre des Coudreaux, près de Châteaudun, l'ordre de se rendre dans
son gouvernement de Besançon. Ce n'est pas il
paraît qu'il fallait dire. Le maréchal avait réellement été prévenu
par Soult, et il n'était pas venu de son plein gré, comme on l'insinuait afin
d'aggraver sa situation. Le maréchal Ney vint à Paris
le 6 ou le 7, disait l'acte d'accusation, car
le jour est resté incertain. C'est là une erreur nouvelle. Le maréchal
est bien arrivé à Paris le 7, au lieu de se rendre directement à Besançon. La raison qu'il en a donnée, c'est qu'il n'avait pas ses
uniformes. Elle est plausible. Il importe de remarquer le ton ironique
qui signale le début. Ce sera bien autre chose un peu plus loin. Le procureur général Bellart, — car c'est lui qui avait rédigé ce factum, — met en doute l'ignorance de Ney au sujet du débarquement de Napoléon. Il considère comme invraisemblables le silence de l'aide de camp de Soult et l'indifférence du maréchal. Il soupçonne celui-ci d'avoir affecté l'ignorance, afin de prouver sa non-participation aux mesures qui ont préparé le retour de l'usurpateur. Cette ignorance n'était pas naturelle. Elle était plus propre à accroître qu'à dissiper les soupçons sur la possibilité que le maréchal avait trempé dans les manœuvres dont ce débarquement a été le funeste résultat. Bellart citait alors les dépositions de certains témoins, comme celles des sieurs Beausire, Magin, Perrache et Pantin, le comte de la Genetière et le comte de Taverney, qui avaient rapporté divers propos attribués au maréchal, attestant qu'il était prévenu de l'arrivée de Bonaparte. Mais il ne disait pas que plusieurs témoins avaient déclaré le contraire et que leurs dépositions offraient une certitude que n'avaient pas les autres. Bellart rappelait ensuite la visite au Roi, le baisement de main, l'éternel propos de la cage de fer ; puis il disait que le maréchal était parti le 8 ou le 9. Il ne pouvait fixer le jour avec exactitude. Je constate que l'instruction, sur quelques points, était défectueuse, car il est impossible d'admettre qu'après les recherches nécessaires, le procureur général n'ait pas su que le départ de Ney avait eu lieu le 8 mars. Sur l'attitude du maréchal du 8 au 14, il n'insistait pas, conservant toutefois beaucoup de doutes sur sa droiture. Il arrivait à sa conduite le 14 mars à Lons-le-Saunier, et il accumulait contre elle les protestations les plus indignées. Il les présentait en mauvais français, je veux dire, en un style déplorable. Le maréchal Ney, observait-il, trahit sa gloire passée, non moins que son Roi, sa patrie et l'Europe, par la désertion la plus criminelle si l'on songe au gouffre de maux dans lequel elle a plongé la France, dont le maréchal, autant qu'il était en lui, risquait de consommer la perte, en même temps que, sans nulle incertitude, il consommait celle de sa propre gloire ! Il affirmait que son armée (quatre régiments) était restée fidèle jusque-là, et qu'elle avait résisté aux brouillons et aux mauvais esprits qui cherchaient à l'agiter, ce qui était absolument faux. En effet, le 13 mars, le maréchal Ney n'était plus maitre de commander à des troupes déjà prêtes à acclamer Napoléon, et il ne faut pas oublier que, trois jours auparavant, Monsieur et Macdonald avaient dû se retirer de Lyon, en toute hâte, devant la mutinerie de leurs propres soldats. Venant ensuite à l'entrevue secrète avec les émissaires de Bertrand, Bellart accusait Ney d'avoir, comme un traître et dans le silence de la nuit, contracté avec eux une alliance honteuse, pour livrer son Roi, sa patrie et jusqu'à son honneur. Pour quels motifs ? Les voici : Sa vanité fut flattée, son ambition se réveilla, le crime fut accepté. Ici encore, l'acte d'accusation se trompait. Ney ne pouvait avoir eu ni vanité ni ambition. Il y avait eu chez lui affolement et entraînement. La défection des autres officiers amenait fatalement celle de Ney. Là où ses camarades, où les princes eux-mêmes n'avaient pu résister, pourquoi, lui, aurait-il eu la possibilité de le faire ? Le procureur général citait l'ordre du jour du 14 mars, lu aux troupes à Lons-le-Saunier. Il déclarait que les soldats, les plus éloignés du maréchal, avaient crié : Vive le Roi ! Ce fait extraordinaire ne peut se soutenir. La proclamation du maréchal fut, au contraire, accueillie avec enthousiasme. Les troupes crièrent toutes : Vive l'Empereur ! comme elles l'avaient déjà crié dans diverses occasions et l'année précédente, au 15 août. Elles faillirent même étouffer le maréchal dans leurs embrassements, tant ses paroles répondaient à leurs sentiments intimes. Beaucoup d'officiers et de soldats indignés sortirent des rangs, affirmait Bellart. Quelques officiers seulement, une dizaine au plus. Parmi les soldats, pas un seul. Et quant au général comte de Bourmont, qui resta et assista le soir au banquet, nous verrons, lors de l'examen de sa déposition, ce qu'il faut penser de sa conduite si mystérieuse. Le procureur général relatait ensuite les actes ultérieurs de Ney, les ordres donnés pour rejoindre Bonaparte, la publication et l'affichage de sa proclamation, l'ordre d'arrestation des officiers et magistrats fidèles au Roi. Puis il l'accusait d'être l'une des sources des malheurs qu'une fatale usurpation avait amenés sur la France. Il flétrissait une poignée d'hommes qui, parce qu'ils se distinguèrent par quelques beaux faits militaires — c'est ainsi qu'on appelait Austerlitz, Iéna, Wagram et autres victoires admirables —, ont cru qu'ils avaient le droit de se mettre au-dessus des lois, de se jouer des sentiments les plus sacrés !... Il condamnait ces sujets déloyaux, ces mauvais citoyens, ces ambitieux pervers qui se permettaient d'étaler leur perfidie à la face de la nation et de l'Europe. Combien de réellement perfides qui, à ce moment même, couverts d'honneurs et de dignités auraient mérité les foudres du procureur général et qui assistaient, sans honte et sans remords, au procès d'un officier ignorant des ruses de la politique et victime d'un fol égarement ! Le ministère accusait en conséquence Michel Ney : d'avoir entretenu avec Buonaparte des intelligences à l'effet de lui faciliter, à lui et à ses bandes, leur entrée sur le territoire français et de lui livrer des villes, forteresses, magasins et arsenaux, de lui fournir des secours en soldats et en hommes et de seconder le progrès de ses armes sur les possessions françaises, notamment en ébranlant la fidélité des officiers et soldats ; de s'être mis à la tête de bandes et troupes armées ; d'y avoir exercé un commandement pour envahir des villes dans l'intérêt de Buonaparte et pour faire résistance à la force publique agissant contre lui ; d'avoir passé à l'ennemi avec une partie des troupes sous ses ordres ; d'avoir, par discours tenus en lieux publics, placards affichés et écrits imprimés, excité directement les citoyens à s'armer les uns contre les autres ; d'avoir excité ses camarades à passer à l'ennemi ; enfin, d'avoir commis une trahison envers le Roi et l'État, et d'avoir pris part à un complot dont le but était de détruire et changer le gouvernement et l'ordre de successibilité au trône, comme aussi d'exciter la guerre civile en armant ou portant les citoyens et habitants à s'armer les uns contre les autres. Tous ces crimes étaient prévus par les articles 77, 87 à 89, 91 à 94, 96 et 102 du Code pénal, par les articles 1 et 5 du titre Ier, et par l'article 1er du titre III de la loi du 21 brumaire an V. La lecture de l'acte d'accusation achevée, la parole fut donnée au maréchal par le président, qui lui dit avec douceur : Le crime dont on vous accuse est odieux à tous les bons Français. Mais ce n'est pas dans la Chambre que vous avez des haines à craindre. Vous y trouverez plutôt des intentions favorables dans les souvenirs glorieux attachés à votre nom. Les débats prouvèrent que ces intentions n'étaient pas aussi favorables que le promettait ingénument l'honorable chancelier. Vous pouvez parler sans crainte, ajouta-t-il, expliquer les moyens que vous pouvez avoir contre les charges qui pèsent sur vous. Le maréchal se leva et, après avoir salué trois fois la haute assemblée, lut d'une voix ferme quelques lignes tracées sur un papier et par lesquelles il demandait pour ses défenseurs la permission de développer ses moyens préjudiciels. Aussitôt le procureur général répliqua que, suivant lui, l'accusé devait présenter tous ses moyens cumulativement. Bellart invoquait l'urgente nécessité de mettre fin à une affaire qui intéressait essentiellement la sûreté de l'État. Alors Berryer déposa et commenta les conclusions suivantes : A ce qu'il plaise à la Cour des pairs, Vu la disposition de l'article 4 de la Charte constitutionnelle, Vu la réserve portée en l'article 4 de la Charte constitutionnelle et attendu qu'une loi devient nécessaire aussi pour le complément de l'article 34, Ordonner qu'il sera sursis à toute poursuite de l'accusation jusqu'à ce que, par une loi générale organique et formelle, la procédure à suivre devant la Cour des pairs soit faite en matière criminelle de ses attributions. L'avocat invoquait l'intérêt général des citoyens, celui de l'accusé, celui des pairs eux-mêmes. Il établissait à l'appui de ce principe divers considérations et moyens importants[6]. Berryer regrettait que les ministres du Roi n'eussent invoqué que l'article 33 de la Charte, qui prévoyait le jugement par la Chambre des pairs pour crime de haute trahison, et n'eussent pas voulu reconnaître sa qualité de pair de France. C'était une étrange abstraction matérielle, et, suivant le défenseur, il était impossible de ne pas juger le maréchal en cette qualité. Il examinait ensuite l'acte d'accusation. Il y voyait une sorte de provocation en même temps qu'une précipitation extrême. Ce n'était pas là le langage d'un magistrat, mais celui d'un accusateur public[7]. Berryer rappelait qu'avec la première ordonnance, la Chambre avait reçu l'injonction d'instruire à huis clos sur une procédure illégale. Grâce à la deuxième ordonnance, le mal avait été réparé. On respire ! dit-il. Mais en considérant la gravité de l'accusation, les temps, les circonstances, la grandeur du débat, il semblait évident qu'il fallait une loi générale. Je m'arrête, concluait Berryer. Je sens que l'événement m'a placé dans une position difficile. Sujet fidèle et dévoué, portant au prince l'amour le plus vif, j'ai cru marcher dans ses vrais intérêts, puisque j'ai combattu pour le triomphe des vrais principes et de la Charte constitutionnelle. Bellart répliqua avec vivacité : Je ne veux point croire, dit-il, qu'il y ait dans ce système l'intention d'éterniser une affaire qu'au grand scandale de la France et de l'Europe entière, on voit durer encore ! Il pria la Cour d'écarter la demande d'une loi spéciale et d'ordonner que tous les moyens fussent présentés cumulativement. Dupin répondit qu'il n'existait pas de loi suivant laquelle on pût juger le maréchal Ney. Il en fallait donc une, et cela, d'après la Charte elle-même. La Chambre des pairs se retira à une heure et demie dans la galerie de Rubens pour délibérer sur cette question préjudicielle. Elle revint en séance publique, un peu avant trois heures, avec un arrêt ordonnant au procureur général de s'expliquer sur cette question. Bellart déposa un réquisitoire à fin de procéder immédiatement à l'examen de la cause et aux débats. La justice devait être prompte, car cette affaire était devenue celle de la France et de l'Europe entière[8]. Le procureur général s'étonnait qu'on voulût éluder le jugement. On était en droit d'attendre peut-être une autre attitude de la part du maréchal. Il tenait à exciper de son titre de pair ; mais ne l'avait-il pas perdu en siégeant dans la Chambre de l'usurpateur ? Ses défenseurs avaient parlé aussi d'une seconde ordonnance imposée au cabinet et qui corrigeait les vices de la première. Erreur ! elle était venue du propre mouvement du Roi, cédant à une bonté qu'on trouvera peut-être excessive ! Il y avait eu progression, mais non variations. Me Berryer voulait une loi spéciale. Et si la Chambre des pairs repoussait cette loi, qu'arriverait-il ? C'est que l'accusé ne pourrait pas être jugé. Ce système absurde menait tout droit à l'impunité, et la Chambre ne devait pas l'admettre. D'ailleurs ici tout délai n'était-il pas la mort de la société ? On invoquait des garanties. Quelles garanties ?... Ney pouvait-il trouver un tribunal plus équitable ? Devant qui donc était-il accusé ? C'est devant ses amis (le procureur général se reprit aussitôt), du moins, devant ses anciens collègues, devant une masse d'hommes clignes de l'estime publique, et on réclame des garanties avant leur décision ! Non, les précautions réclamées étaient inutiles. Il ne fallait pas de loi. Les défenseurs devaient présenter en bloc leurs moyens préjudiciels, et la Chambre procéder sans délai aux débats. Bellart avait oublié ce mot d'un ancien juriste : Le droit de tout faire n'en donne pas le droit ! Dupin releva les étranges paroles du procureur général comme elles méritaient de l'être. Que signifiaient cette précipitation et ce manque de formes ? Quoi ! parce que le maréchal pouvait compter sur la magnanimité de ses juges, il fallait renoncer au secours des lois ordinaires et des lois fondamentales ! Ce qui doit fixer la conscience du juge, disait-il encore, c'est l'instruction. Le maréchal Ney ne doit pas être jugé sur des bruits publics, sur des rumeurs populaires, sur de vaines clameurs, sur des articles de journaux. Par l'article 33 de la Charte, la Chambre des pairs connaissait des crimes de haute trahison, mais on avait besoin d'une loi pour définir le crime dont le maréchal était accusé. N'était-ce pas faire une injure à la Chambre haute en supposant qu'elle rejetterait une loi nécessaire ? Il n'y a pas de justice là ou il n'y a pas de loi, s'écriait-il. Vous tenez dans vos mains la balance de la justice. Si dans un des bassins on place tout ce que l'accusation a de grave, toutes les pièces qui s'y rattachent, tout ce qu'y ajoute encore la majesté de l'accusateur, dans l'autre nous placerons la défense de l'accusé et la Charte constitutionnelle. L'éloquent avocat aurait pu opposer encore au fougueux et âpre procureur général ce vers fameux, qui à ce moment eût été d'une application saisissante : Le sang votre gré coule trop lentement ! Mais la Chambre ayant de nouveau délibéré, le président déclara que l'accusé serait tenu de présenter cumulativement ses autres moyens préjudiciels[9]. Me Dupin protesta : Ce serait nous réduire, dit-il, à l'impossible, auquel nul n'est tenu ! On ne tint pas compte de cette protestation et l'on s'ajourna au jeudi 23 novembre. Le délai pour assigner les témoins, observa Berryer, n'est pas suffisant. — Vous avez entendu l'arrêt ! répliqua froidement le chancelier ; puis s'adressant aux gardes : Faites retirer l'accusé et le public ! Le 23, à neuf heures et demie du matin, eut lieu une courte séance préliminaire, où la Chambre n'eut à statuer que sur quelques excuses. Les pairs furent avertis que, lors du jugement définitif, le chancelier, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, ordonnerait l'évacuation de la salle des séances par le public. La Cour pourrait ainsi délibérer dans une salle plus spacieuse que la chambre du conseil. Puis, à la séance publique, ouverte à onze heures, le président invita le maréchal à exposer ses moyens préjudiciels[10]. Celui-ci laissa la parole à Berryer, qui crut devoir dire en commençant : Je ne craindrai pas les remarques d'une critique injuste et malicieuse qui m'accuse de m'étendre sur des minuties. Il n'y a rien de minutieux quand il s'agit de l'honneur et de la vie des hommes ! Il répondait au Journal des Débats, qui avait exprimé ainsi son opinion sur son précédent discours : On a trouvé généralement que cet avocat aurait produit plus d'effet en se resserrant davantage, et que ses moyens, noyés dans un flux de paroles inutiles et de répétitions fastidieuses, perdaient en profondeur cc qu'ils gagnaient en superficie. Berryer, sans se laisser émouvoir par cette critique, prononça un long discours, dans lequel il demanda que la procédure fût recommencée dans les formes voulues par les lois. Il présenta ensuite divers moyens de nullité. L'arrêt du 13 novembre n'avait pas été revêtu de la signature de tous les membres qui y avaient concouru, connue le voulait l'article 234 du Code d'instruction criminelle. On n'avait point rendu d'arrêt pour prononcer la mise en accusation, et cela contrairement encore aux articles 222 et 231 du même Code. L'acte d'accusation avait été dressé prématurément à l'arrêt du 17 ; de plus, il n'avait pas été valablement signifié à l'accusé. Enfin, on avait omis de prévenir l'accusé qu'il avait la faculté de proposer des moyens de nullité, et on ne lui avait pas laissé le délai prescrit par l'article 296 du Code d'instruction criminelle, avant de le traduire devant la Cour. La précipitation dont on a fait usage, disait Berryer, a donc justifié la conduite du maréchal Ney, auquel on reproche sans cesse de présenter des arguties pour fatiguer votre religion. Bientôt, si ou lui permet de faire usage de tous ses moyens, il en produira d'un autre ordre. Sa justification ne se traînera plus dans des sentiers aussi pénibles. Il prouvera qu'il est encore digne de la France sous le rapport de sa conduite et de sa vertu. Bellart répliqua avec amertume : Puissions-nous partager cette confiance ! Puisse sa vertu sortir brillante de justification par les débats qui vont s'ouvrir ! Nous serions alors soulagés du poids d'une grande douleur ! Il examina ensuite dédaigneusement les nullités proposées et les rejeta comme étant sans importance. Puis, arrivant à la question de préméditation que repoussaient les défenseurs : Il veut être justifié de ce fait, s'écria-t-il. Eh bien, nous l'en justifions. Il veut n'avoir trahi que le 14 mars, eh bien, nous y consentons[11]. Mais si la préméditation n'existait pas, un des griefs capitaux, le complot, disparaissait... Qu'importait à Bellart ? Il était sûr quand même de la condamnation du maréchal. Il ne craignait qu'une chose : le retard. Aussi s'opposa-t-il encore une fois à des délais qui étaient, disait-il, aussi fastidieux que fatals pour la société. Dupin reprit alors tous les moyens présentés par Berryer et les exposa avec de nouveaux développements, réfutant sans peine les diverses objections de Bellart. Il réclama un délai suffisant pour appeler les témoins à décharge, lesquels prouveraient que le maréchal n'avait pas trahi le Roi avant le 14 mars. Ce fait serait établi d'une manière indiscutable. Il ne suffit pas qu'on nous l'accorde, dit-il. Il faut qu'il soit solennellement prouvé. Puis, se tournant vers le procureur général dont l'impatience l'indignait : Accusateur, vous voulez placer sa tête sous la foudre, et nous voulons montrer comment l'orage s'est formé ! Bellart froissé reprit la parole. Il soutint que toutes
les formes avaient été observées. Il osa dire ces mots aussi imprudents que
cruels : La procédure devant le conseil de guerre a
été longue, beaucoup trop longue. Il faut enfin que le jour du jugement
arrive ! Cette ardeur à condamner sans phrases aurait mérité qu'on
rappelât les paroles du vieux Pasquier : Semble à
plusieurs que tels juges soient choisis à la porte de ceux qui les y font
commettre pour en rapporter tel profit ou telle vengeance qu'ils se sont
proposés debsous le masque de la justice ! Berryer insista encore pour
un délai. Après sa réplique, la Chambre rendit un arrêt par lequel, sans
avoir égard aux moyens préjudiciels présentés par le maréchal, elle déclarait
passer outre aux débats. Berryer ne se tint pas pour battu. Il réclama une
troisième fois un délai suffisant pour citer et entendre les témoins à
décharge. Bellart fit une nouvelle opposition à cette requête. Suivant lui,
la présence de ces témoins était inutile. Alors, le président invita Berryer
à énoncer les noms de ces témoins. C'étaient le baron de Pré-champs, le
marquis de Soran, le marquis de Saint-Amour, le baron de Montgelet,
Bessières, le sieur Guy et le major Heudelet. Le président demanda à la
défense de préciser la durée du délai. La défense déclara s'en rapporter à la
Cour. Bellart, de plus en plus excité, se redressa, et d'une voix menaçante : Quand les débats sont ouverts, dit-il, il n'est plus possible de les interrompre. Ce n'est pas dans l'intérêt de la cause, mais dans le seul but de prolonger de quelques jours l'incertitude actuelle du sort du maréchal qu'on demande des délais ! — Les débats ne sont pas ouverts, répliqua Dupin, puisque le réquisitoire tend à ce qu'ils commencent incontinent. Et il rappela la fatigue des défenseurs qui, depuis quatre jours et quatre nuits, avaient consacré tous leurs instants à la cause du maréchal. Ils n'étaient pas absolument prêts à plaider ; ils demandaient un délai, s'en référant à la justice de la Cour. Bellart revint une sixième fois à la charge, soutenant, avec une sorte de rage, ses conclusions et invitant les pairs à en finir au plus vite. Berryer ne se laissa pas démonter et maintint énergiquement ses conclusions contraires. La Chambre des pairs, émue par ces débats orageux, peu satisfaite au fond du zèle trop passionné du procure général, consentit à ajourner les débats et le jugement au lundi 4 décembre. Il avait fallu arracher littéralement cette concession, pourtant bien naturelle[12]. Que disaient les contemporains de ces procès et de ces discussions ? Nous trouvons l'écho de leur opinion dans l'intéressante correspondance de Charles de Rémusat, que j'ai déjà citée plusieurs fois. Hier, écrivait celui-ci à sa mère, le 21 novembre, a commencé le procès du maréchal. Je compte y aller demain. On dit que rien n'est plus imposant. J'en ai entendu faire la description de la manière la plus touchante et la plus noble par M. le duc de Rohan, qui en parlait en vrai honnête homme, et je l'ai bien remercié dans mon cœur, quand il m'a dit en élevant la voix : Je vous assure que toutes les exagérations de la société viennent tomber au pied du tribunal, et là on n'a plus à lutter que contre l'indulgence... Ce qui n'empêcha pas, quinze jours après, le bon duc de Rohan de figurer parmi les 139 qui votèrent la mort. Lorsqu'il a entendu prononcer l'ajournement des débats, Charles de Rémusat écrit : Voilà encore l'affaire de Ney renvoyée à huitaine !... Je ne sais si ce délai inévitable vous a indigné à Toulouse, comme certaines personnes un peu animées le sont à Paris. Moi, qui ai assisté à la séance, je vous dirai qu'il était impossible qu'on refusât sans injustice. J'ai entendu là ce fameux Dupin qui a parlé avec beaucoup de talent et dont tout le monde fait l'éloge. Les étrangers suivaient, de près ou de loin, avec une attention marquée, le procès du maréchal. Tout ce qu'il y a ici de personnes amies de l'ordre et des droits légitimes, écrivait de Berlin M. de Vaudreuil au duc de Richelieu[13], le 2 décembre, applaudit à l'attitude imposante et sévère que vient de prendre la Chambre des pairs. Des bruits alarmants couraient Paris. On parlait d'enlèvement, d'évasion, d'attentats possibles. La garde nationale était sur le qui-vive. On avait arrêté les généraux de Colbert, Belliard, d'Ornano et autres. Les exaltés réclamaient toujours des fers et des supplices. Aussi avait-on affiché une nuit sur l'une des portes de la Chambre ce placard insolent : Amnistie est accordée à tous les Français... excepté à un tiers qui sera roué, à un second tiers qui sera pendu, et au troisième tiers qui rouera et pendra les deux autres. M. de Rémusat disait que le curé (M. de Talleyrand) était un peu plus sombre encore. Il ajoutait que le duc de Wellington, tout-puissant au civil et au militaire, soumettait les ministres français à ses exigences. On a rarement poussé, disait-il, l'insolence de la victoire plus loin ! Le duc de Broglie, qui avait vu de très près le généralissime anglais, en fait un homme circonspect, mais dur, raide et un peu étroit. Il était d'une galanterie gauche et pressante auprès des femmes jeunes et belles. Ce ridicule, il le conserva, comme Lafayette, jusqu'à la dernière vieillesse. On le lui eût pardonné, s'il avait joint à la galanterie la générosité. Mais toutes les pièces de ce procès montrent au contraire qu'il s'est plu à être impitoyable pour le maréchal, alors qu'un mot de lui eût amené, même après la condamnation, une atténuation certaine, telle que le bannissement[14]. Un de ses compatriotes, lord Holland, qui connaissait un peu la maréchale Ney, se chargea, le 23 novembre, de faire passer au comte Liverpool une lettre de la maréchale pour lui et une autre lettre pour le prince régent, en les accompagnant de ce commentaire : Je transmets ci-joint une lettre de Madame Ney adressée à Votre Seigneurie et accompagnée d'une autre pour S. A. R. le prince régent, qu'elle me prie de présenter. Je n'ai aucune liaison avec cette dame, que les chagrins, aussi bien que l'ignorance des usages de ce pays, ont rendue probablement très insouciante des formes en cette triste occasion. Mais je suis sûr que vous pardonnerez cette irrégularité dans un cas où la vie d'un individu est en péril. Je suis naturellement anxieux, depuis qu'elle m'a confié ces lettres, de donner, sans attacher aucune importance à mon opinion, plein effet aux raisons qu'elle invoque en faveur de son mari accusé, et pour ce motif, je désire vivement être informé aussitôt que possible de la manière qui me permettrait, en observant les formes et le respect dû à Son Altesse Royale, d'attirer son attention personnelle sur cette lettre[15]. Lord Holland demandait une audience du régent pour lui en parler. Lord Liverpool répondit aussitôt que le régent était absent de Londres. Si lord Holland voulait lui adresser un messager avec une lettre contenant l'exposé de ses sentiments personnels sur cette affaire, il serait sûr de le rencontrer à Witham, sur lit route d'Essex. Il ne lui cachait pas que ses opinions sur la convention de Paris, à lui Liverpool, différaient absolument des Siennes. Elles étaient fondées, disait-il, sur les meilleurs renseignements, et elles s'étaient formées chez lui après le plus anxieux examen. Ce que disait le ministre, le régent le dit aussi. L'audience accordée à lord Holland n'amena aucun résultat favorable pour le maréchal. Décidément, l'Europe était impitoyable[16]. Une parente du duc de Wellington, lady Hutchinson, amie de la maréchale, alla implorer à genoux la grâce de Ney. Le duc lui répondit gravement qu'il n'était pas libre et la pria d'accepter tous ses regrets. Lady Hutchinson, dont le mari allait courageusement participer à l'évasion de Lavalette, reçut bientôt l'ordre de quitter Paris[17]. Elle partit emportant avec elle les remerciements émus et la gratitude de la maréchale. Ainsi une seule femme, une étrangère, avait, en ces heures douloureuses, témoigné une active pitié et fait oublier ce que M. de Rémusat appelle les propos sanglants des belles dames. Lorsqu'elle comprend sa mission, faite tout entière de dévouement et de charité, lorsqu'elle s'élève vers les purs sommets de la pitié et de la miséricorde, la femme nous apparaît comme un ange secourable. Pourquoi n'est-elle pas toujours ainsi ? Ces vertus divines, la bonté et la clémence, ne semblent-elles pas lui appartenir de droit ? |
[1] Oudinot, en qualité de témoin au procès, s'abstint de voter.
[2] Voir Le palais du Luxembourg, par son architecte M. A. de Gisors. On installa une autre salle, niais provisoire, en 1835. La salle définitive fut créée en 1841. (Pour les détails relatifs au Palais même, voir l'intéressant ouvrage de M. Louis Favre sur le Luxembourg. — Ollendorff, 1882, in-8°.)
[3] Mémoires de Dupin, t. Ier, p. 36, note.
[4] En août 1821, la Chambre des pairs permit aux avocats de plaider couverts.
[5] Ces brigands étaient pour la plupart de braves soldats français.
[6] Voir la Question préjudicielle dans l'affaire de M. le maréchal Ney, signée Dupin et Berryer père.
[7] Cette comparaison si juste avec l'accusateur des tribunaux révolutionnaires offensa profondément Bellart. Il s'en souvint.
...Manet alla mente repostum...
Ainsi jusqu'en 1822 Bellart qui, aux termes du décret de 1810, avait le droit de choisir lui-même pour la composition du conseil de discipline, éloigna Berryer de ce conseil et du bâtonnat. Berryer fut consolé de cet abus de pouvoir et de cette injustice par le vote persévérant de l'assemblée générale des avocats, qui, plusieurs années de suite, se porta sur lui à une très grande majorité.
[8] Il faut remarquer avec quelle persistance incroyable le ministère public, comme le Gouvernement, tient à mêler l'Europe à ce triste procès.
[9] 146 voix votèrent pour cette conclusion ; une seule voix vota contre.
[10] On distribua dix heures et demie, au publie, un mémoire de Dupin et de Berryer intitulé : Conclusions pour le maréchal Ney.
[11] Bien avant le procès, Bellart avait lui-même, devant Gamot, reconnu que le maréchal Ney n'avait point ourdi sa défection.
[12] Dans la délibération secrète pour l'ajournement, les uns demandèrent la huitaine, les autres le 4 décembre, ceux-là enfin la discussion immédiate. 102 pairs se prononcèrent pour le 4 décembre, 30 pour la huitaine, 19 pour le refus de tout délai. Le but principal des avocats était de gagner du temps, et leur but accessoire de faire bien expliquer toutes les circonstances de la convention du 3 juillet, dont l'article 12 défendait en termes si absolus la tête du maréchal.
[13] Affaires étrangères, Prusse, vol. 233.
[14] La maréchale et moi la fîmes valoir (la cause de Ney) auprès du généralissime des alliés, mais sans succès. (Berryer, Souvenirs, t. Ier.) — Lord Wellington, ce héros de hasard, — que cette honte flétrisse à jamais sa mémoire ! — appelé à se prononcer dans cette question et d'où allait dépendre la vie d'en général dont il avait dû plus d'une fois apprécier la valeur sur le champ de bataille, répondit, avec son flegme britannique, qu'on n'avait point attaché à l'article cité (l'article 12) le sens qu'on voulait lui prêter !... (Souvenirs historiques et parlementaires du comte de Pontécoulant, t. IV.)
[15] Supplementary Despatches, vol. XI.
[16] Lord Holland, rapporte Berryer, plaida chaudement la cause du maréchal Ney auprès du régent d'Angleterre. (Souvenirs, t. Ier.)
[17] Voir Lamartine, Histoire de la Restauration, t. VI.