HISTOIRE DE LA FRANCE CONTEMPORAINE (1871-1900)

 

IV. — LA RÉPUBLIQUE PARLEMENTAIRE

GABRIEL HANOTAUX

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

PARIS - COMBET & Cie - 1903-1908.

 

 

AVERTISSEMENT.

CHAPITRE PREMIER. — Le Seize Mai.

CHAPITRE II. — La Question d'Orient.

CHAPITRE III. — Les Élections du 14 octobre 1877.

CHAPITRE IV. — Le second cabinet Dufaure et le parti libéral.

CHAPITRE V. — La Guerre russo-turque et le Congrès de Berlin.

CHAPITRE VI. — Démission du maréchal de Mac Mahon. - La présidence de M. Jules Grévy.

CHAPITRE VII. — Le cabinet Waddington-Ferry. - L'article 7. - La Triple alliance.

CHAPITRE VIII. — Le premier ministère Freycinet. - Les décrets.

CHAPITRE IX. — Le premier ministère Jules Ferry. - Les lois scolaires. - La campagne de Tunisie.

CHAPITRE X. — Le Ministère Gambetta.

Conclusion.

 

AVERTISSEMENT.

Ce quatrième volume achève l'histoire de la Troisième République, en France, au temps de sa naissance et de sa première croissance. Cette époque est celle des incertitudes et des luttes : elle fut consacrée à la fondation d'un nouveau régime constitutionnel et au relèvement de la patrie.

A partir de 1883, une période plus stable au point de vue politique, plus troublée au point de vue moral, fera l'épreuve des nouvelles institutions.

Je suspens mon récit à la mort de Gambetta : ce fait considérable est, dans sa brutalité, une conclusion. Gambetta disparu, le cours normal des événements est interrompu ; les figures et l'aspect des choses sont autres. Cette fin soudaine et tragique prouve que la vie des peuples a, comme celle des individus, ses disgrâces et ses irréparables fatalités. A la mort d'un homme si jeune, frappé en plein élan, il eut, sur toute l'étendue de la terre française, un cri pareil à celui dont Bossuet avait fait retentir le palais des rois : Madame se meurt, Madame est morte !

Pour raconter le détail des faits ultérieurs, il faut un peu plus de recul, une information qui manque encore et une impassibilité dont, en vérité ; je ne me sens pas capable aujourd'hui. Plus tard, nous verrons !

Telle quelle, l'histoire de ces douze années est une longue histoire. La vie que je viens de mener en commun avec la France, pendant cet âge d'angoisse, m'a confirmé dans mon amour pour mon pays et dans ma confiance en ses inquiètes destinées. Comme il décline parfois, mais comme il se relève toujours !

Maintenant, je voudrais remonter avec lui vers des temps où il fut plus heureux ; puisque j'ai dû raconter les succès de Bismarck, je suis impatient d'en revenir à notre Richelieu.

 

Je connais tous les défauts d'une œuvre écrite trop hâtivement : son information si souvent insuffisante, la disproportion des parties, les défaillances de la pensée et du style. Le public, qui m'a suivi avec une extrême indulgence, a pris ce livre ainsi que je le lui ai présenté en débutant, comme un livre d'action, un dossier. Que la démocratie le feuillette et y recueille quelques notions utiles à la bonne direction des affaires publiques, et j'aurai ma récompense.

J'ai essayé d'être véridique, clair, impartial. L'avenir seul saura si j'ai réussi : car, seul, il sera en mesure de connaître et de juger. Sil se souvient de ce livre, il considérera, peut-être, que j'ai ouvert les voies.

 

Je ne dirai jamais toute ma gratitude pour les nombreux concours qui sont venus vers, moi. Une circonstance indépendante de ma volonté a seule retardé mes remerciements à M. le duc Decazes, qui m'a si libéralement communiqué la correspondance particulière de son père, sans laquelle la politique étrangère m'eût été une énigme. J'ai déjà indiqué cc que je dois à M. le vicomte Emmanuel d'Harcourt, à mon éminent confrère, M. le comte d'Haussonville. Il m'est bien agréable de remercier maintenant mes maîtres, M. le marquis de Noailles, M. le baron de Courcel, M. de Freycinet., qui ont fouillé pour moi leurs souvenirs et leurs archives ; M. André Lebon, M. Arthur Raffalovicli, qui m'a fait la communication si précieuse des Souvenirs inédits du comte Pierre Schouwaloff, et l'ami distingué qui m'a confié les Souvenirs, également inédits, de Carathéodory pacha. J'ai causé avec M. Ribot, avec M. Pallain, avec M. A. Nisard, avec M. Francis Charmes, avec M. Roujon, avec M. P. Révoil, témoins des faits les plus intéressants et les plus dignes de mémoire. Mon excellent ami, M. le général Cuny, m'a continué son aide pour la partie militaire. Je ne puis que rappeler, enfin, combien fut utile et persévérante, depuis la première ligne jusqu'à la dernière, la collaboration de mon secrétaire et ami, M. Henry Girard.

J'ai puisé à une autre source. Au fur et à mesure que mon récit avançait, j'entrais dans mes propres souvenirs comme on rentre dans une maison à peine close : je revivais ma vie. Combien de ces personnages illustres : Gambetta, Ferry, Challemel-Lacour, Spuller, Henri Martin, Duclerc, j'ai approchés, j'ai écoutés ! Et combien aussi, parmi ceux qui, heureusement, sont là !

A partir de 1876, je suis un témoin et puis dire : J'ai vu.

Mais c'est le péril, comme c'est 1 !a mélancolie de ces histoires trop promptes : l'historien ne saurait se séparer de l'homme ; si la pensée est libre, le cœur est serf. J'avoue ne pas avoir suivi à la lettre le précepte du maître : sine amore et sine odio. Certes, je n'ai ni haï ni chargé personne ; mais j'ai préféré, parce que j'avais aimé.

G. H.

1er octobre 1905.