Émotion provoquée par l'acte du 16 mai. — Réunion plénière des gauches. — Interpellation à la Chambre : discours de M. Gambetta. — Constitution du cabinet Broglie. — Message présidentiel : ajournement des Chambres. — Manifeste des gauches. — L'opinion. — Altitude des légitimistes et des bonapartistes. — La thèse gouvernementale. — Pendant l'intersession. — Circulaires ministérielles et mouvements administratifs. — Le maréchal à Compiègne. — Rôle de M. Thiers. — Discours de M. Gambetta en province. — La gaucho refusera le budget. — Reprise de la session. — Second message présidentiel. — Le maréchal demande au Sénat la dissolution de la Chambre. — Déclaration du gouvernement à la Chambre. — Interpellation. M. de Fourtou. — Le libérateur du territoire. — Union des républicains. — Les 363. — Vote de la dissolution au Sénat. Préparation des élections. Dès que M. Jules Simon eut remis sa lettre de démission au maréchal de Mac Mahon et avant même d'aller à l'enterrement de M. Ernest Picard, il courut chez M. Thiers. M. Thiers venait d'apprendre la mort d'une ancienne amie : il se montrait très affecté ; mais il était, surtout, embarrassé. Le parti républicain modéré, qu'il avait accompagné et dirigé jusque-là, était écarté : il fallait trouver des voies nouvelles vers un avenir dont ne se désintéressait nullement l'actif octogénaire : Il se tint sur la réserve. M. Jules Simon explique la situation à son point de vue : Nous étions trois à désirer ma chute : le maréchal, la gauche et moi. Je me retirais entre deux dictatures, dont l'une s'était offerte à moi et dont l'autre s'étonnait de m'avoir supporté si longtemps[1]. La dictature qui s'était offerte était celle du maréchal de Mac Mahon ; la dictature impatiente était celle de M. Gambetta. A une heure, M. Jules Simon réunit le conseil des ministres : il avait agi seul jusqu'alors. Sa démission étant entre les mains du président de la République, il n'y avait plus à envisager utilement l'idée de soulever un débat à la Chambre et de s'appuyer sur elle pour résister au maréchal. Le duc Decazes se proposa pour une tentative de conciliation. M. Jules Simon insista seulement auprès du général Berthaut pour qu'il conservât le ministère de la guerre, et celui-ci déclara que tant qu'il serait là, l'armée resterait en dehors de la politique. Les ministres s'indignèrent à qui mieux mieux et jurèrent fidélité à leur président, qui disparaissait ; dans l'effusion des dernières poignées de main, le vieil athlète dit adieu à ses amis et. au pouvoir ; son rôle actif était fini. La nouvelle de la chute du cabinet commençait à se répandre dans Paris. Le monde politique s'agita d'abord ; puis le trouble se propagea et gagna la ville entière. Pourtant, l'émotion fut moindre qu'au 24 mai. A trois heures, la gauche républicaine se rassemble à la salle des conférences, boulevard des Capucines. La gauche républicaine, c'était le groupe modéré, celui qui s'était opposé à la tactique de M. Gambetta préconisant les réunions plénières. Les chefs voulaient sans doute prendre la tète du mouvement : mais M. Gambetta, quittant la présidence de la commission du budget, était accouru. Il conseilla une protestation collective arrêtée dans une réunion plénière des gauches. L'acte du maréchal faisait la partie belle aux éléments avancés du parti républicain. En somme, c'étaient les modérés qui étaient battus avec le cabinet Jules Simon. ils s'élevèrent en vain contre l'idée d'une réunion plénière. Sous la présidence de M. de Marcère, le centre gauche
décida, d'abord, que le groupe devait s'abstenir[2]. Mais le courant
était trop fort. Le soir, à dix heures, .la réunion plénière eut lieu. Trois
cents députés y assistaient. M. Gambetta parla, prêcha la modération, et
surtout recommanda l'accord de toutes les gauches pour la défense de trois propositions
dont il donna lecture : Rétablir une fois de plus
les principes du gouvernement parlementaire sur la base de la responsabilité
ministérielle scrupuleusement respectée ; rappeler que la politique
républicaine est la garantie de l'ordre et de la prospérité intérieure :
résister à toute politique de hasard qui pourrait lancer la France, ce pays
de la paix, de l'ordre et de l'épargne, dans des aventures dynastiques et
guerrières. M. Gambetta semble encore user de ménagement pour le maréchal ; il vise surtout la camarilla. On ne sait rien de ce qui se passe à l'Élysée. Un ordre du jour conforme aux déclarations de M. Gambetta est voté à l'unanimité des trois cents républicains présents. Quand M. Gambetta sort de l'hôtel, la foule lui fait une ovation. Il est le héros, le chef ; son nom seul retentit ; cette journée le consacre. Il écrivait, le soir, à son amie : La guerre est déclarée ; on nous offre la bataille ; je l'ai acceptée ; et nos positions sont inexpugnables... Tu verras, par le journal, la manière dont j'ai disposé mon ordre de combat, mais ce que tu n'y trouveras pas, c'est l'immense acclamation du peuple de Paris, j'ai failli être étouffé sous l'enthousiasme de la foule ; les cris de Vice la République ! Vive Gambetta ! remplissaient l'air... Et le lendemain, plein de confiance : Nous avons un cabinet Broglie. Nous allons avoir trois mois difficiles, laborieux, et au bout la revanche. J'en réponds... J'ai retrouvé le cœur du peuple d'août et de septembre 1870. Je vaincrai, ne crains rien ; nous avons pour nous le droit, la force, l'opinion, l'Europe !... Voilà le coup d'œil circulaire, l'accent personnel du commandement. Le 17 mai, la Chambre se réunit à trois heures. Il n'y a pas de ministère. M. Devoucoux, président de la gauche républicaine, dépose la demande d'interpellation des gauches ; la Chambre décide la discussion immédiate. Une note Havas vient d'être affichée, affirmant que le maréchal-président est fermement résolu à réprimer les menées ultramontaines. — Mais, c'est tout ce que nous demandons, s'écrie M. Gambetta. Et il développe l'interpellation. On dirait qu'il voudrait arrêter encore le maréchal sur la pente. Il écrit le soir même : Ou un gouvernement républicain ou la dissolution. Il insiste sur le péril que font courir au pays les menées ultramontaines, si imprudemment évoquées par quelque officieux maladroit ; il en appelle au jugement de l'Europe ; il évoque le spectre de la guerre ; il crie au président : On vous a trompé ; on vous a conseillé une mauvaise politique ; nous venons vous conjurer de rentrer clans la vérité constitutionnelle... Nous nous adressons an président, à sa raison, à son patriotisme, qui sera, pour lui, la clarté et le meilleur guide. Nous lui disons : restez dans la constitution, toujours clans la constitution... Demandez, la constitution à la main, demandez qu'on dise enfin si on veut gouverner avec le parti républicain dans toutes ses nuances, ou si, au contraire, en rappelant les hommes repoussés trois ou quatre fois par le suffrage populaire, on prétend imposer à ce pays une dissolution qui peut être la préface de la guerre... Donc, la violation de la constitution, les menées ultramontaines, la perspective d'un conflit européen, telles sont, dès la première heure, les thèses du parti républicain ; M. Gambetta, non sans de savantes réserves, les expose devant l'opinion et les soumet au président de la République. L'ordre du jour des gauches est voté par 347 voix contre 149. A cinq heures, la séance est levée. Le bruit court que le cabinet Broglie est constitué. Ce serait le cabinet de combat. Dans la journée du 17, le maréchal de Mac Mahon avait mandé M. Dufaure. Songeait-ou à former un nouveau ministère centre gauche ? Hésitait-on avant de rompre avec la majorité ? C'était l'heure où M. Gambetta faisait appel au bon sens et au patriotisme du maréchal. M. Dufaure ne se prêta pas à des ouvertures qui lui paraissaient obscures et sans portée. En fait, le cabinet de résistance était décidé. Le maréchal dit, le même jour, à un sénateur : — J'ai écrit à M. de Fourtou ; je compte sur lui pour me tirer de là. Dès le 16 au soir, le duc de Broglie avait murmuré à l'oreille de M. de Meaux : — Ayant à former le ministère, j'ai compté sur vous[3]. Pour obtenir le concours du duc Decazes, le maréchal dut lui écrire une lettre, insérée à l'Officiel : Je veux qu'il soit bien compris que j'entends maintenir avec les puissances étrangères des relations amicales et confiantes. Rien ne doit être changé à la politique extérieure que vous représentez. Les choses se firent rondement et, le 18 au matin, le Journal officiel publiait les décrets constituant le ministère : Présidence du conseil et Justice : Duc de Broglie, sénateur. Intérieur : M. de Fourtou, député. Finances : M. Caillaux, sénateur. Instruction publique, Cultes et Beaux-Arts : M. Brunet, sénateur. Travaux publics : M. Paris, sénateur. Agriculture et Commerce : Vicomte de Meaux, sénateur. Affaires étrangères : Duc Decazes, député. Guerre : Général Berthaut. Le baron Reille était nommé sous-secrétaire d'État au ministère de l'intérieur. M. Louis Passy quittait le sous-secrétariat d'État des finances. Le ministère de la marine fut réservé pendant quelques jours ; un décret du 29 mai devait attribuer ce portefeuille à l'amiral Gicquel des Touches, satisfaction donnée au parti légitimiste qui s'était plaint vivement de n'avoir aucune place dans la combinaison. Le ministère était centre droit, mac mahonien plutôt que monarchiste. Le duc de Broglie, qui se lançait avec une sorte de légèreté avertie dans l'aventure, s'était tenu sur l'étroite plate-forme que lui laissait la lettre du maréchal. Le ministre de l'intérieur, M. de Fourtou, n'avait pas d'opinion bien arrêtée : mais il passait pour un tape-fort ; son concours paraissait indispensable. La politique pousse et abandonne sans cesse ces hommes d'une journée. Son collègue, M. de Meaux, dit de lui, doucement : Il avait su faire croire à son habile énergie, sans avoir eu, d'ailleurs, grande occasion de l'exercer[4]. On avait voulu faire entrer dans le ministère une autre capacité, réputée sur les bancs de la droite, M. Depeyre ; mais le duc Decazes s'y était opposé. On prit M. Brunet, bonapartiste, ancien magistrat, dont la roideur honnête s'attachait aux partis excessifs, il était le champion de la politique énergique dans le cabinet ; M. Caillaux, personnage expérimenté, ardent à froid, peu aimé de la gauche, dans les rangs de laquelle il avait figuré ; M. Paris, qui confinait au centre gauche et qui avait activement travaillé au vote de la constitution ; esprit pondéré, caractère aimable, qui tendait des matelas inutiles sous les hautes voltiges de ses collègues. Le collaborateur le plus intime du duc de Broglie fut le vicomte de Meaux, dont les curieux Souvenirs permettent de pénétrer, maintenant, dans l'arcane de ce monde si jalousement fermé : son esprit aiguisé et lin, sa loyauté monarchique, sa distinction native, faisaient de lui le représentant parfait de tout ce qui luttait alors pour disparaître : — gentilhomme enrôlé dans la suite du grand seigneur, livrant la suprême bataille en condottière et en dilettante, pour l'honneur plus peut-être encore que pour le succès... En sortant du cabinet du maréchal, écrit M. de Meaux[5], nous traversâmes ensemble, Broglie et moi, les Champs-Élysées. C'était l'heure de la promenade au bois. A l'aspect de la foule aisée, élégante, insoucieuse, qui circulait, par un beau soleil, de l'Arc de Triomphe à l'Obélisque : — Ce peuple-là, me dit Broglie, serait fait pour un coup d'État, bien plutôt que pour l'effort que nous allons lui demander. La constitution du ministère orienta définitivement les gauches. A un gouvernement de combat, on opposait une organisation de bataille. Le 18, le centre gauche se réunit sous la présidence de M. de Marcère et vote une déclaration : En présence de la situation nouvelle, créée par l'apparition du nouveau ministère, en tête duquel se trouve un homme qui, au 24 mai, a tenté la restauration monarchique, le groupe décide de s'associer étroitement à toutes les nuances républicaines pour défendre nos institutions. Et les trois groupes prennent immédiatement la résolution de ne former désormais qu'une seule réunion plénière. Séance à deux heures et demie, à Versailles. M. de Fourtou lit un message du président. Aux coups de griffe distribués à M. Dufaure, à M. Jules Simon et à M. Gambetta, on reconnaît le duc de Broglie... Après l'échec de ces deux tentatives (des ministères Dufaure et Jules Simon), je ne pourrais faire un pas de plus sans faire appel ou demander appui à une autre fraction du parti républicain, celle qui croit que la République ne peul s'affermir sans avoir pour complément et pour conséquence la modification radicale de toutes nos grandes institutions administratives, judiciaires, financières et militaires... Ni ma conscience ni mon patriotisme ne me permettent de m'associer, même de loin et pour l'avenir, au triomphe de ces idées. Je ne les crois opportunes ni pour aujourd'hui ni pour demain... L'attaque est directe. M. Gambetta demande la parole. Le maréchal ajoute : Tant que je serai dépositaire du pouvoir, j'en ferai usage dans toute l'étendue des limites légales, pour m'opposer à ce que je regarde comme la perte de mon pays... J'ai donc dû choisir, et c'était mon choit constitutionnel, des conseillers qui pensent comme moi sur ce point, qui est en réalité le seul en question... Jusqu'en 1880, je suis le seul qui pourrait proposer d'introduire un changement clans nos institutions et je ne médite rien de tel... Suivent des assurances très précises dans le sens du maintien de la paix ; puis le ministre, au milieu des exclamations de la gauche et des applaudissements de la droite, donne lecture du décret qui, conformément à la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, ajourne les Chambres pour un mois. M. Gambetta veut parler ; le président l'en empêche. Tumulte. Peu à peu le silence s'établit. Alors le président Grévy, qu'on oublie un peu dans tout cela, mais qui n'entend pas se laisser oublier, se lève et, avec une autorité extraordinaire, termine une courte allocution par ces mots : Mes chers Collègues, restez, je vous le répète, dans la légalité. Restez-y avec sagesse, avec fermeté, avec confiance. La gauche est debout, applaudit. On crie : Vive la République ! sur les bancs de la majorité, et : Vive la France ! sur les bancs de la droite. Au Sénat, le duc de Broglie lit le message. Il est interrompu par M. Bérenger, par M. Jules Simon qui, au passage où il est visé, demande la parole pour un fait personnel. Mais le décret de clôture est lu aussitôt après le message. La séance est levée ; la session, close. Les Chambres sont ajournées au 16 juin. Après la séance, réunion plénière des gauches de la Chambre, à l'hôtel des Réservoirs. M. de Marcère préside, assisté de MM. Louis Blanc et Floquet : un symbole. M. Gambetta parle. M. Spuller rédige un manifeste adressé au pays. On prévoit la dissolution comme la seule issue possible : Cette épreuve sera de courte durée ; dans cinq mois au plus, la France aura la parole ; nous avons la certitude qu'elle ne se démentira pas. La République sortira plus forte que jamais des urnes populaires. Le manifeste est signé des bureaux des gauches et des membres de la majorité, classés par départements. Quelques députés, qui n'assistaient pas à la séance, envoient leur adhésion, et le plus illustre de tous, M. Thiers ; Les signataires sont au nombre de 363. Les trois groupes de gauche du Sénat se réunissent également. Cent sept sénateurs signent un manifeste. Ils sont en minorité : c'est sur la majorité du Sénat que l'on compte pour exécuter la manœuvre. Dès le lendemain, les groupes de gauche décident qu'un comité de permanence, où figureront les membres des bureaux et un certain nombre de députés influents, se tiendra à Paris pour affirmer l'union et organiser la lutte. La presse prend position sur tout le champ du conflit. M. de Cassagnac exulte : Il ne s'agit plus de se battre pour telle ou telle autre forme de gouvernement, il s'agit de la vie ou de la mort de la société. Les journaux légitimistes boudent, fâchés de la note sur les menées ultramontaines, que l'on attribue au duc Decazes. Le Français est touché au point sensible par le discours de M. Gambetta. En prononçant ces paroles : la dissolution, c'est la préface de la guerre, M. Gambetta a fourni à l'étranger un prétexte de malveillance ; c'est un crime. Toute la presse de gauche crie : La République en danger ! La décision présidentielle est mal accueillie à l'étranger, sauf par les feuilles ultramontaines : l'Osservatore Romano, la Germania, de Berlin. Le Times annonce que l'acte du 16 mai est, pour la France, le prélude de grands désastres. Les journaux officieux allemands déclarent qu'il faut tenir la poudre sèche ; les journaux italiens, plus émus encore, prévoient les pires catastrophes. C'est le parti du pouvoir temporel qui est aux affaires en France. MM. Savini, Cavallotti, députés à la Chambre italienne, interpellent sur les rapports de l'Italie avec le gouvernement français, à la suite des événements qui ont changé sa direction politique. M. Melegari, ministre des affaires étrangères, affirme que le nouveau cabinet français a senti la nécessité de rassurer spécialement l'Italie : Je ne pourrai jamais croire que le gouvernement français puisse se mettre sous la tutelle d'un parti qui veut déchirer notre unité. M. Depretis, président du conseil, est moins réservé : Je ne nierai point qu'il existe un réveil de la passion religieuse associée à la passion politique. Il existe une secte qui fait de la religion une arme de puissance temporelle... Nous aussi, nous avons une religion qui nous est commune avec beaucoup de croyants, c'est la civilisation... Un allié, pour nous, c'est le peuple français. Les gouvernements passent, mais les peuples restent... Je terminerai en répétant les paroles d'il y a un an : pas d'apprêt d'hostilité, mais pas d'illusions conciliatrices. On mêlait le nom des diplomates étrangers aux querelles intérieures. Le bruit s'était répandu qu'un entretien avait été ménagé entre M. Thiers et M. Gambetta en présence du prince Orloff, ambassadeur de Russie, et le gouvernement crut devoir faire de cette nouvelle l'objet d'un communiqué au Journal officiel. L'inquiétude était universelle : ceux mêmes qui devaient
être les bénéficiaires de l'acte du 16 mai ne lui accordaient pas une entière
approbation : Le comte de Paris déjeunait, le 19 mai, au château d'Eu, chez
M. Estancelin. M. Limbourg, préfet de la Seine-Inférieure, assistait au
repas. M. Estancelin n'aimait ni le duc de Broglie ni le duc Decazes : — Vous n'êtes entouré, dit-il au prince, que de niais, fussent-ils de l'Académie française, qui
vous perdront. Le prince venait d'apprendre le renvoi du ministère
Jules Simon et la constitution du nouveau cabinet : — Ça n'a pas le sens commun, dit-il ; je
connais tous ces gens-là : ils sont absolument incapables de mener à bien la
campagne qu'ils commencent ; je m'y opposerai absolument. — Monseigneur, reprit M. Estancelin, le succès est certain si le personnel est énergique ; je
ne le connais pas ; mais moi, je me chargerais parfaitement d'amener la victoire
en employant les moyens nécessaires. — Un
coup d'État, avec les procédés bonapartistes dit le prince. — Non, Monseigneur ; mais un coup de force légal ; les lois
suffisent, l'état de siège, si c'est nécessaire. Il faut que le pays sache
qu'il y a des hommes résolus, prêts à ne reculer devant rien pour assurer le
succès. Il applaudira, il suivra. — Alors,
c'est peut-être possible, dit le prince : mais
ce sont des procédés bonapartistes, et j'y suis absolument opposé... Et, s'il le faut, je prendrai mon fusil pour défendre la
constitution et la liberté de mon pays[6]. M. de Meaux précise : Les chefs du centre droit désapprouvaient l'entreprise. Réduits h choisir entre les deux camps, ils restaient clans le nôtre ; mais s'ils ne nous retiraient pas leur appui, ils ne nous l'accordaient qu'à contre-cœur. Le maréchal n'était pas l'homme de leur choix ; ils gardaient toujours quelque ressentiment qu'il eût été préféré au duc d'Aumale. Il est certain que le duc d'Audiffret-Pasquier surveillait les événements avec un libéralisme jaloux, du haut de la présidence du Sénat. Les royalistes n'étaient pas plus satisfaits. M. Chesnelong, légitimiste depuis qu'il avait tant contribué à écarter le comte de Chambord, négociait en leur nom. Ils réclament une part dans le ministère, des garanties électorales et surtout la promesse de ne pas faire attendre le roi, en 1880, quand le maréchal de Mac Mahon serait arrivé au terme de ses pouvoirs. Pour avoir leur concours, concours indispensable, il faut céder, au risque de compromettre toute la campagne. On désigne l'amiral Gicquel des Touches pour le portefeuille réservé de la marine. On promet l'appui électoral réclamé. Quant à la date de 1880, le maréchal de Mac Mahon s'en explique avec M. de Blacas et les chefs du parti : J'ai reçu de l'Assemblée mon droit de rester au pouvoir jusqu'en 1880, et je resterai... Jusque-là, je ne me prêterai à aucune aventure de restauration impérialiste ou monarchique. Alors, nous verrons. L'accord fut scellé, le 9 juin. Il y eut une déclaration dans le journal l'Union, une circulaire de M. de Dreux-Brézé aux présidents des comités royalistes (14 juin), aussi compromettante que possible pour le maréchal et ses ministres. Deux questions dominaient le débat, dit la note de l'Union : il fallait que le droit des électeurs royalistes à une représentation équitable et sérieuse fût nettement établi et que la loi du 20 novembre 1873 ne pût être modifiée ni par une nouvelle prorogation des pouvoirs du maréchal ni par la présidence à vie. Une déclaration loyale qui, d'après un témoignage autorisé, doit être accueillie avec pleine confiance comme la meilleure des garanties, donne aux royalistes l'assurance qu'ils ont obtenu satisfaction[7]. Le ministère, obligé de faire face des deux côtés à la fois, s'efforçait de contenter tout le monde. Les bonapartistes tiraient la conclusion de ces exigences embarrassantes et de ces déclarations embarrassées. M. Paul de Cassagnac écrivait dans le Pays : Un bataillon bien commandé supplée admirablement aux lacunes de la constitution. Et encore : Faites le grand nettoyage. Que le balai devienne un symbole et comme la hampe du drapeau français à l'intérieur... Le bonapartisme lui-même n'avait pas accordé son concours
sans hésitation et il n'était pas sans calculs particuliers. Mais le fossé
était trop large entre M. Routier et M. Gambetta. Avec
le prince impérial, trop jeune pour se présenter à la députation, pour
profiter du désarroi des affaires et entrer personnellement clans la lutte ;
avec le tour légitimiste que l'impératrice avait donné à l'état-major du
parti, il fallait marcher et M. Rouher marcha avec le maréchal[8]. Mais le parti
conserva, au fort de cette lutte, ses procédés et sa tactique, qui
consistaient à tout, compromettre et à tout brouiller pour se rendre, le plus
tôt possible, indispensable. En somme, dans cette passe difficile, il ne restait au duc de Broglie qu'un nom, celui de Mac Mahon, et une thèse, la thèse conservatrice. Mac Mahon jusqu'en 1880, et c'était tout. Comme l'écrit M. de Meaux : Quelle perspective à offrir au pays qu'une stabilité de trois années ! En plus, il est vrai, la thèse conservatrice, mais avec la figure la plus sèche, la plus pincée, la plus mesquine. Tout faisait peur. On avait peur du cléricalisme, et c'était pour lui qu'on travaillait ; on avait peur du royalisme, et il était l'issue logique de l'entreprise ; on avait peur de l'Europe, et on prétendait préserver le pays de l'isolement républicain ! On invoquait les intérêts : les intérêts s'alarmaient. Tous ces hommes d'esprit, à qui le maréchal avait donné carte blanche, ces théoriciens raffinés, ces académiciens politiques, qui expliquaient sans cesse la manière de s'y prendre et l'art du gouvernement, ces lecteurs de Machiavel et ces disciples de Tocqueville étaient embarrassés. Ils se montraient intimidés devant la tâche qu'ils avaient appelée de leurs vœux. Sortant de leurs salons, la lumière du grand jour et le cri du suffrage universel les étonnaient. Ils perdaient leurs moyens et tentaient une besogne de compression que le moindre sous-préfet de l'empire eût accomplie beaucoup mieux qu'eux. Un conservateur avisé juge froidement la situation ; M. de Circourt écrit, le 3 juin, au cardinal de Bonnechose : Le maréchal ne songe qu'à défendre l'ordre social et à préserver le pays du retour de la terreur démagogique. L'approche des élections départementales et municipales ne lui laissait plus la possibilité de différer... Son but est de gouverner jusqu'en 1880 au moins, en se tenant aussi longtemps que cela lui sera possible dans les termes de la constitution... Le comte de Chambord d'une part, et M. Boulier de l'autre, adhèrent à cette façon de voir jusqu'à la fin du provisoire et jusqu'à la solution du terrible problème... Un grand inconvénient, c'est aussi l'extrême précipitation avec laquelle les ministres doivent agir, parce qu'on est littéralement au bord du précipice et à la dernière heure qui peut amener le salut[9]. II Toute crise politique, en France, se manifeste par des circulaires et des mouvements administratifs. Les fonctionnaires font et défont les majorités qui les font et les défont : si les ingénieurs ne s'occupaient que de leurs routes et les receveurs de leur caisse, si les uns et les autres — et même les préfets — arrivaient tranquillement, après de loyaux services, à la fin de leur carrière, ce serait l'abomination de la désolation dans le pays de la clientèle. Les conservateurs, comme
les autres, bouleversent les administrations et les compromettent. Circulaire
du duc de Broglie, président du conseil, ministre de la justice, aux
procureurs généraux : Si le maréchal est intervenu
dans la marche de la politique, c'est pour arrêter l'envahissement des
théories radicales... Parmi les lois dont la
garde vous est confiée, les plus saintes sont celles qui, partant des
principes supérieurs à toutes les constitutions politiques, protègent la
morale, la religion, la propriété et les fondements essentiels de toute
société civilisée. Sous quelque forme que le mensonge se produise, dès qu'il
est proféré publiquement, il peut être puni. Voilà tout l'esprit du 16 mai. Une violence, légale mais amortie ; des phrases qui ne trompent personne, le mensonge puni, — des enfantillages graves. M. de Fourtou suit le président du conseil et frappe le discours tenu, la parole dite en public ; il ordonne la surveillance des cafés, cabarets, débits de boissons : c'est la vie courante suspecte. Par une circulaire du 5 juin, on prescrit aux préfets une révision totale des autorisations de colportage, et l'on essaye d'atteindre la propagande des gauches par les journaux et les brochures. Régime irritant et qui deviendra odieux dès qu'il sera appliqué à la rigueur. Mais, d'abord, tout se passe en paroles. On fournit les thèmes favorables aux invectives de l'opposition. Facia feroce[10]. Quant aux déplacements de personnel, cela ne se passe pas en paroles. Il y a des gens intéressés qui veillent. Auprès du ministre de l'intérieur, un bonapartiste de la bonne école, esprit délié et énergique à la fois, M. de Saint-Paul, sabre et tranche : il a des amis à caser ; il a la manche pleine de préfets à poigne. Il avait conquis, à Nancy, la faveur particulière du maréchal. On le laissa faire, et c'est le personnel impérial, écarté depuis huit ans, qui reparait. Le premier mouvement préfectoral du nouveau cabinet porte sur 62 départements : 21 préfets déplacés, 25 révoqués, Io mis en disponibilité, 3 démissionnaires, etc. 41 préfets sortent de l'administration. Le 22 mai, nouveau mouvement, intéressant 14 départements. Continuation les 28, 29 mai et jours suivants : 226 secrétaires généraux et sous-préfets figurent sur ces listes dont 83 révoqués et 13 démissionnaires. On envoie dans le Cantal M. Oscar de Poli, ancien zouave pontifical ; dans la Haute-Loire, le baron de Nervo ; dans l'Allier, M. de Biancourt ; M. de Tracy dans la Gironde ; M. le marquis de Fournès dans le Morbihan ; M. Gueidan dans le Gard ; M. le comte de Langle-Beaumanoir dans les Côtes-du-Nord ; M. Scipion Doncieux dans la Loire[11]. Combien d'ambitions desséchées reverdirent sous cette ondée imprévue ! Puis, ce sont des conseillers de préfecture, des procureurs généraux, des procureurs de la République, des juges de paix. A Paris, M. de Boislisle est remplacé, à la tête de la direction de la sûreté générale, par M. Le Roux de Bretagne ; M. Lavedan est nommé directeur de la presse, et M. E. Villetard, directeur des journaux officiels. Dans la curée, quelques faits singuliers ou comiques : en deux mois, Châteaulin voit défiler six sous-préfets. Le 26 mai, le maréchal se rendit au concours régional agricole de Compiègne. Il était accompagné de M. de Meaux : Il entra à Compiègne avec l'appareil d'un souverain et se laissa approcher avec sa simplicité et sa bonhomie coutumières[12]. Au déjeuner figuraient le duc d'Aumale, président du conseil général et commandant du corps d'armée de Besançon, le duc de Mouchy, M. Drouyn de Lhuys, président de la Société des agriculteurs de France, le général Pajol, le maire de Compiègne, M. Aubrelique, sénateur, qui siégeait aux confins du centre droit et du centre gauche et qui fut décoré à cette occasion. Cette réunion était l'image de la majorité sur laquelle on comptait s'appuyer ; il y avait bien du passé là-dedans ! La foule ne témoigna ni enthousiasme ni hostilité. Le maréchal promit, une fois de plus, l'ordre et la paix. La France ne se mêlera à aucune complication extérieure ; personne, en Europe, ne doute de ma parole et j'en reçois chaque jour l'assurance. Cependant, la gauche se ceignait pour la lutte ; elle s'entraînait déjà avec un élan, une ardeur qu'accroissait la vaillance de M. Gambetta. Tandis que les divers partis gouvernementaux gardaient les uns contre les autres- leurs méfiances et leurs humeurs, celui que M. de Circourt appelait le futur Danton, souillait l'audace et dictait la discipline et l'union. Il pose la candidature de M. Thiers, en cas de crise présidentielle. L'ancien président, était fermentent attaché aux idées modérées ; ruais, comme il le disait lui-même : Son honneur était attaché non moins à la fondation de la République. Son salon était resté, depuis le 24 mai, le centre le plus actif de l'opposition. Le seul sentiment ressemblant à de la haine que j'aie trouvé en lui, écrit M. de Marcère[13], datait de ce jour-là. Il ne dissimulait guère que la maison du maréchal en était l'objet. Il conservait l'espoir d'une revanche personnelle. Il avait envisagé l'éventualité de son retour à la présidence de la République, éventualité que l'échec prévu du 16 mai rendait probable. Nous l'entretenions dans cette espérance qui souriait à sa vieillesse. Il avait compris, mieux que par le passé, la valeur hors de pair de M. Gambetta. Il se résignait à l'idée de collaborer avec lui à l'œuvre de fondation de la République. — Voyez-vous, nous serons obligés de passer par le radicalisme, disait-il à ses confidents. Il ajoutait, pour se rassurer : — Le passage sera court et la République en sortira plus raffermie. Le 31 mai, M. Gambetta reçut, dans les bureaux de la République française, une députation de la jeunesse des écoles. Il jugea l'heure venue de produire au grand jour le travail qui s'était fait dans la coulisse : La lutte est entre tout ce qui reste du vieux monde, des vieilles castes, des privilégiés des anciens régimes, entre les agents de la théocratie romaine et les fils de 1789... Le parti républicain ne manque pas d'hommes éminents qui feraient des présidents de la République très constitutionnels. Il y en a un surtout que l'on a vu à l'épreuve, qui a déjà occupé la présidence et qui en est descendu avec une simplicité, un désintéressement, une grandeur qu'on se fera certainement un devoir d'imiter quand l'heure sera venue. Attendons avec patience : nous serons délivrés au jour du scrutin. Selon l'expression employée aussitôt, c'était un coup de vigueur, un coup droit à l'adresse du maréchal. Rien que par le nom de M. Thiers, la bourgeoisie, les intérêts étaient, d'avance, rassurés. Le jeudi 7 juin, réunion des gauches de la Chambre ; M. Thiers y assiste. On examine l'éventualité, de plus en plus probable, d'une future dissolution. On décide qu'aucune candidature de gauche ne sera opposée aux députés signataires du manifeste des 363. La proposition émanait du centre gauche. Pour cimenter l'union, on lui laissait prendre les initiatives. M. Gambetta parle à Amiens, le 9 juin, dans un banquet
présidé par M. René Goblet. Il parle à Abbeville, dénonçant le pouvoir
personnel du maréchal, la lettre présidentielle, écrite sans le contreseing
d'aucun ministre ; il insiste sur l'influence prise par le cléricalisme ; car c'est l'ordre du jour du 4 mai qui a précipité les
événements... La France va prononcer une
troisième fois son arrêt ; tout le monde devra s'incliner, tout le monde sans
exception. M. Gambetta se multiplie, sa jeune activité suffit à tout. Le 12 juin, la commission du budget, qu'il préside, s'est réunie pour statuer sur la demande du gouvernement tendant à disjoindre du budget les contributions directes à percevoir en 1878. La commission déclare qu'elle ne peut que manifester son étonnement de voir cette demandé lui être présentée par un cabinet qui n'a encore exposé devant les Chambres ni sa politique financière ni sa politique parlementaire. Elle n'a sur ce point aucune réponse à faire. Simple émanation de la Chambre, elle doit attendre, pour traiter la question soulevée, que le cabinet du 17 mai ait fait connaître ses idées et son programme. C'est l'arme légale et parlementaire par excellence qui se prépare : le refus du budget. La tactique est confirmée dans une réunion des bureaux des gauches, tenue le i5 juin. Eu province, des banquets et des réunions se multiplient pour protester et exciter les esprits. Le manifeste des 363 est répandu, commenté par les journaux républicains distribués à profusion. Les députés reviennent de leurs départements grisés par l'odeur de la poudre. Une crise commerciale intense sévit partout. Elle parait plus douloureuse en France. Les chambres de commerce, des groupes de négociants pétitionnent. Dès le 22 mai, les négociants de la rue du Sentier écrivent au président de la République : Nous prenons la liberté d'élever jusqu'à vous des plaintes qui ne sauraient être plus longtemps contenues... Les circonstances nouvelles ont ébranlé la confiance indispensable aux affaires commerciales... C'est en vain que le gouvernement s'efforce de démontrer, par la voie du Journal officiel, que la crise est générale, qu'elle est due à la question d'Orient beaucoup plus qu'à la situation intérieure de la France. On souffre. Tout s'aggrave, tout le monde se plaint. Le samedi 16 juin, les Chambres se réunissent en vertu du décret qui les avait ajournées à un mois. Une grande résolution avait été prise par le gouvernement, celle d'annoncer à la Chambre et de demander au Sénat la dissolution. On pouvait hésiter : certains ministres étaient d'avis de temporiser, de réclamer le vote du budget et le vote de lois utiles, de forcer la majorité à exposer ses idées et son système, de l'irriter, de la mettre dans son tort, d'établir devant le pays que c'était elle qui, par violence radicale et par malveillance délibérée à l'égard du maréchal de Mac Mahon, empêchait le fonctionnement des institutions. La campagne parlementaire eût été pénible et longue ; mais peut-être eût-elle laissé aux partis extrêmes le temps de s'apaiser, et aux combinaisons intermédiaires le moyen de se produire. Puisque le maréchal constituait un gouvernement, il y avait avantage à faire œuvre de gouvernement. En appeler immédiatement au pays, c'était courir le maximum de risques avec le minimum de chances. Au moment oh on discutait l'autorité du suffrage, n'était-ce pas une erreur que d'en appeler à lui ? Pourtant, un calcul des plus simples, répété à satiété par M. Émile de Girardin, — qu'on n'avait pas su gagner[14] et qui menait, dans la France, une campagne très vive et très efficace contre le gouvernement du 16 mai, — ce calcul prouvait, à n'en pas douter, que, quel que fût le résultat des élections, il ne pouvait donner cause gagnée aux fauteurs du seize ruai. Il n'y avait, pour eux, aucune façon plus sûre d'être battus que de procéder à une consultation du pays. Les élections de 1876 étaient trop récentes. On demandait aux électeurs de se déjuger à quatorze mois de distance, sur une injonction non prévue. non préparée, émanant de personnages peu connus et peu sympathiques ; on demandait aux conservateurs, non seulement aux hautes classes, riches et indépendantes, non seulement au clergé, compromis et engagé, mais aux classes moyennes, à la petite bourgeoisie, aux commerçants, à ces chefs de famille qui regardent autour d'eux avant de porter leur bulletin dans l'urne, à cette immense classe timorée, apathique et incertaine, qui craint surtout de se compromettre, à tous on demandait de prendre position nettement, en public, avec éclat, sur la foi d'un homme et pour' un avenir reposant sur la tête de ce seul homme, le maréchal. Car, tel était le point faible, l'objection née, d'elle-même, au cœur de ce pays qui, depuis dix ans, souffrait par-dessus tout du manque de stabilité : — Où nous conduit-on ? Où allez-vous ? — Que répondre ?... Les chiffres répondaient. Après avoir obtenu du Sénat la dissolution, après une campagne menée avec vigueur, en mettant les choses au mieux, quel résultat pouvait-on obtenir ? 363 républicains se représentaient unis et sans division de parti. Pouvait-on raisonnablement compter sur plus de 12in sièges gagnés par la droite ? Donc 280 députés de droite, dont la plus grande partie bonapartistes, unis aux 130 sénateurs de droite auraient à aborder le problème, le seul problème qui se poserait au lendemain des élections : la révision de la constitution. On n'avait pas produit un tel effort pour laisser les choses en l'état. La date de 1880 était imminente, les institutions avaient conduit, du premier coup, à la République radicale ; il fallait les réformer. D'ailleurs, c'était le bruit public, il n'y avait pas d'autre programme : on allait à la révision. Quelle révision ? Monarchistes et impérialistes se partageraient la majorité très précaire qui, au Sénat et à la Chambre, devait décider de la réunion du congrès. Le comte de Chambord ne disposait plus de cent voix ; le comte de Paris s'était effacé jusqu'à la mort de son cousin ; le prince impérial était bien jeune. Et ces trois antagonismes étaient toujours en présence. En fait, une solution monarchique quelconque était impossible et, d'autre part, une formidable minorité républicaine, composée de 250 députés et d'une centaine de sénateurs, en tout 350 membres du congrès, s'opposeraient, par tous les moyens, à une combinaison quelconque qui ne fût pas la République. Il n'y avait d'autre issue qu'une présidence viagère pour le maréchal de Mac Mahon. Le maréchal était né en 1808, il aurait, en 1880, soixante-douze ans. Et c'était là-dessus qu'on tablait ; c'était pour cela que l'on remuait un monde et qu'on se jetait, les yeux bandés, dans la lutte. La logique, l'histoire sont plus exigeantes. En fait, il n'y avait qu'une issue, acceptée ou non, prévue ou non : le coup de force. Et le bon sens public concluait avec M. Émile de Girardin : Que M. le maréchal de Mac Mahon, plus exercé à commander un régiment, une brigade, une division, un corps d'armée, qu'à diriger les destinées d'un grand État parlementaire, ne se soit pas rendu compte de toute la portée des grandes résolutions qu'il a prises les 16, 17 et 18 mai, cela pourrait à la rigueur s'expliquer ; mais ce qui est inexplicable, c'est que M. le duc de Broglie ait accepté la présidence du conseil des ministres dans les circonstances où elle lui a été offerte et où, dans l'hypothèse la moins défavorable, elle ne peut aboutir qu'au triomphe des impérialistes dans les élections générales et qu'au retour de l'empire, non de 1870, mais de 1852 encore aggravé. Alors, pourquoi l'avoir constamment battu en brèche ? M. Émile de Girardin était d'accord avec le comte de Paris... il était peut-être d'accord, au fond, avec le duc de Broglie. Mais celui-ci n'était plus libre : prisonnier de ses alliés, de ses amis, de sa confiance en lui-même, de ses fautes. On ne délibérait pas uniquement en conseil des ministres. M. Buffet était de tout. Il y avait, en outre, des conciliabules où l'on convoquait les amis sûrs. MM. Bocher, Lambert de Sainte-Croix, Grivart, Delsol, Depevre, de Kerdrel, Chesnelong, Clément, Daru, etc.[15] La droite monarchiste avait généralement la majorité dans ces réunions. Mais les bonapartistes parlaient haut et, comme il arrive souvent dans les assemblées, les plus hardis et les plus violents obtenaient le dernier mot. Les chefs de l'impérialisme pensaient qu'une fois l'affaire engagée, il ne fallait rien négliger pour enlever le pays. Un ministère dominé par eux, une administration composée de leurs amis, un avenir embrouillé et, comme procédure finale, un coup de force : c'était leur affaire. L'armée, les généraux étaient, croyaient-ils, à leur dévotion : donc, ils réclamaient, à cor et à cri, la dissolution. C'est M. Brunet, leur ami et leur agent, qui l'imposa au conseil des ministres : Au bout d'un mois, lorsque la prorogation cessa et que les députés revinrent à Versailles, nous nous décidâmes à demander immédiatement la dissolution de la Chambre. Cette résolution fut prise à l'instigation de Brunet, d'un commun accord ; ce fut une faute, je l'ai reconnu plus tard... Tel est l'aveu de M. de Meaux. Il essaye d'expliquer cette décision par l'état de demi-lassitude inquiète où était, dès lors, le duc de Broglie... Non pas. Le duc de Broglie ne craignait pas la lutte : toute sa vie le prouve. Mais, ne se sentant plus maitre de sa propre volonté, il s'abandonnait au courant. L'erreur est, le plus souvent, une condescendance. III Du 16 au 17 juin eut lieu la grande bataille parlementaire. Le gouvernement et ses amis avaient conçu le plan de porter à l'extrême l'irritation et les violences de paroles pour justifier la dissolution. La Chambre est ingouvernable. La Chambre, c'est Gambetta. Tels étaient les propos qui circulaient, s'imprimaient et se répétaient partout. On opposait systématiquement le maréchal à M. Gambetta. La tactique était d'arracher à son calme, à la modération difficile où il se tenait résolument. M. de Broglie présente au Sénat le message présidentiel demandant la dissolution : Le 16 mai dernier, j'ai der déclarer au pays quel dissentiment existait entre la Chambre des députés et moi. J'ai constaté qu'aucun ministère ne pourrait se maintenir dans cette Chambre sans rechercher l'alliance et subir les conditions du parti radical... A peine la prorogation était-elle prononcée que plus de trois cents députés protestaient, dans un manifeste dont vous connaissez les termes, contre l'usage que j'avais fait de mon droit constitutionnel. Et la phrase capitale, la phrase décisive, celle qui contient, sous les deux espèces, tout le mystère de l'opération : Je m'adresserai avec confiance à la nation. La France veut, comme moi, maintenir intactes les institutions qui nous régissent. Elle ne veut pas plus que moi que ces institutions soient dénaturées par l'action du radicalisme. Elle ne veut pas qu'en 1880, le jour où les lois constitutionnelles pourront être révisées, tout se trouve préparé, d'avance pour la désorganisation de toutes les forces morales et naturelles du pays. Sus au radicalisme !... Et 1880 !... 1880, la date fatidique, l'année messianique, selon le mot de M. Weiss, où tout doit être renouvelé, où une intervention providentielle aplanira les difficultés, sauvera le pays et l'Église, Rome et la France ! 1880, date vers laquelle se dirige, les yeux au ciel, la foi conservatrice et religieuse... La marelle à l'Étoile ! La déclaration présidentielle est accueillie froidement par le Sénat. Pas un applaudissement. La proposition de dissolution est renvoyée aux bureaux, qui nommeront, le lundi 18, la commission. A la Chambre, c'est la bataille. M. de Fourtou, ministre de l'intérieur, parle au nom du gouvernement. Il annonce le projet de dissolution, résume les traits principaux du message présidentiel. Violent incident sur une simple intervention de M. Gambetta. M. Bourgeois demande les comptes du gouvernement de la Défense nationale. Puis, M. Caillaux énumère les lois que le gouvernement voudrait voir voter avant la dissolution : crédits pour le compte de liquidation, crédits supplémentaires pour 1876 et pour 1877 ; contributions directes pour 1878. On aborde le débat sur l'interpellation des gauches, déposée le 17 mai. M. Bethmont, du centre gauche, la soutient. M. de Fourtou répond. Ce fut son grand jour. Le vigoureux Périgourdin fonce sur ses adversaires non sans crânerie : Nous n'avons pas votre confiance, vous n'avez pas la nôtre ! Il prend à partie non seulement le radicalisme, mais l'opportunisme. L'opportunisme, tout le monde sait ce que c'est : ce n'est point le radicalisme corrigé, adouci, transigeant, non ! C'est le radicalisme patient, c'est le radicalisme caché, qui se ménage le moyen et nourrit l'espérance de surprendre le pays après l'avoir endormi... Cette définition de l'opportunisme, je compte bien que l'honorable M. Gambetta ne me la reprochera pas, car je l'emprunte à l'histoire de sa propre évolution politique. Et, rappelant le programme de 1869 (suppression des armées permanentes, impôts sur le revenu, etc.), il répète le mot prononcé le 23 mai 1875 : Le pacte tient toujours. M. Gambetta n'avait, en effet, rien à reprendre à cette définition. Radicalisme ou opportunisme, de quelque nom qu'on l'appelle, la politique du parti républicain est le développement plus ou moins hâtif, mais logique, du principe démocratique. Si M. de Fourtou avait pu lire les lettres intimes qui sont, maintenant, sous nos yeux, il y aurait trouvé l'exposé de la méthode, la pensée de derrière la tête, exprimée par le grand opportuniste : Quel métier que le mien ! Il me faut, avant d'agir, gagner le droit de faire triompher la raison et la justice sous la livrée de la violence. Il faut écarter les suspicions des uns, mater les calomnies des autres et les tromper tous pour les mieux servir... Qui donc a voulu que la vérité ne pût cheminer dans le monde toute nue ? La plus impérieuse des volontés, le besoin qu'éprouve l'humanité de n'obéir, de ne suivre qu'il la condition d'être séduite ou violentée[16]... Mais ces pensées cachées, que l'esprit ose à peine se révéler à lui-même, les passions adverses, le flair de la haine sait les découvrir, les deviner. Dessous qui font le drame poignant de ces journées, où le conflit des âmes se cherche dans les cheminements souterrains qui accompagnent le corps à corps public. M. de Fourtou précipite les passes du duel personnel. C'est le président de la commission du budget, le chef de la majorité qu'il vise : Vous avez beaucoup promis au pays. Où sont vos œuvres ? Débats stériles, invalidations, c'est tout. Vous aviez déposé 67 propositions de loi ; 47 ne sont pas rapportées. M. Gambetta cependant n'est pas resté inactif : il a déposé un rapport qui remaniait tout notre système financier. Vous avez relégué la loi du budget aux derniers jours d'une session extraordinaire. Sur les questions qui se rattachent au régime des transports, sur l'organisation de notre réseau de chemins de fer, sur toutes ces questions, dont un grand peuple se préoccupe si vivement, trois mois de discussion n'ont abouti qu'à la constatation solennelle, éclatante, décisive, de votre impuissance. L'argument porte ; la critique des lenteurs parlementaires trouve toujours de l'écho. On écoute. Le ministre, emporté par son élan, va perdre l'équilibre. Un mot suffit. Opposant la conduite du maréchal à dette de la Chambre : Il pacifiait pendant que vous troubliez, sa parole téméraire, aborde un sujet plus grave et plus délicat : Vous n'avez pas craint d'ajouter que l'acte du 16 mai était une menace pour la paix extérieure, oubliant que les hommes qui sont au gouvernement aujourd'hui sortaient des élections de 1871, qu'ils avaient fait partie de cette Assemblée nationale dont on peut dire qu'elle a été la pacificatrice du pays et la libératrice du territoire... A ces mots, un membre de la gauche, député des Ardennes, maire de Charleville, où il avait vaillamment subi le bombardement et l'occupation des Allemands, M. Gailly, âme froide et forte, honoré entre tous[17], se lève et désignant, de sa main étendue, M. Thiers, qui était assis sur un banc de la gauche au-dessous et un peu à droite de lui : — Le Libérateur, dit-il, d'une voix vibrante qui remplit toute la salle, le Libérateur, le voilà ! La gauche se lève, répétant le même geste, la même parole. Sur les deux tiers des gradins, les députés sont debout ; le cri est répété vingt fois, les tribunes applaudissent, les spectateurs crient à leur tour. Le président Grévy, debout, immobile, la figure tournée vers M. Thiers, paraissait le saluer également ; M. Gambetta, qui, peut-être, avait le premier désigné de la main M. Thiers, maintenait le mouvement d'acclamation. M. Thiers demeurait assis au milieu des bancs de la gauche : la tête baissée, les yeux à demi-fermés et mouillés de larmes, les mains croisées sur la poitrine, il se laissait bercer par cette ovation soudaine qui le payait de tant d'ingratitudes, tandis que, à la tribune, M. de Fourtou, impassible, en apparence, devant un spectacle terrifiant pour un orateur, restait interdit et sans voix[18]... L'histoire des sept années écoulées était rappelée et ramassée en cet incident soudain : la guerre, la Commune, la libération, le vingt-quatre mai, le seize mai, les services et les injustices, les titres et les prétentions. M. Thiers pouvait mourir. M. de Fourtou dut continuer son discours. Le ton était changé ; après tant de hauteur et d'assurance, des paroles molles, froides, qui se perdirent dans le bruit des âmes. Le ministre fut applaudi et entouré par la droite ; il avait besoin de réconfort. M. Gambetta répond. Le puissant orateur savait ce qui l'attendait. C'était lui qu'on visait, lui qu'on détestait, lui qu'on voulait abattre. Jamais il ne fut plus éloquent ; car son discours ne fut pas une ordonnance de belles paroles, mais un acte de la volonté, une présence. Me, me, adsum. Être là et rester calme, s'écarter du dangereux pinacle où on travaillait à l'élever, et pourtant ne rien diminuer de soi-même ni de la cause ; et cela, parmi les cris, les interruptions, les fureurs s'excitant pour l'arracher de la tribune ou l'expulser de son sang-froid. L'admirable faculté politique qui était en lui avait deviné tout cela ; elle plana, paisible, au-dessus de son éloquence tonnante, hachée, pantelante, victorieuse. M. Paul de Cassagnac est décidé à ne pas laisser parler M. Gambetta : c'est une rencontre personnelle. Mais M. Grévy est à son poste : il se jette au-devant du brutal interrupteur. La lutte est longue. L'arsenal des peines disciplinaires s'épuise. La voix rauque de M. de Cassagnac domine parfois le tumulte, tandis que la sonnette tinte et que la voix chaude de M. Gambetta poursuit une phrase interrompue, mais toujours reprise. — Pourvoyeur de prison, pourvoyeur de guillotine, honte de la France !... ce sont les propos que la sténographie recueille. Elle oublie les autres. A la fin, un tollé effrayant s'élève à droite. Les pupitres battent, les couteaux frappent, on imite les cris d'animaux, on siffle, on aboie, on barrit. Et malgré tout, M. Gambetta parle ; il prononce la parole dangereuse, qui met le feu, une fois de plus, à des passions qui ne s'éteindront plus : Personne ne s'y est trompé et, puisqu'il faut tout dire, un cri a traversé la France (Oh ! oh ! interruptions à droite), un cri que vous entendrez bientôt, un cri qui reviendra, qui sera la libération, qui sera le châtiment, ce cri le voici : c'est le gouvernement des prêtres (bravos à gauche ; dénégations à droite), c'est le ministère des curés ! (Bravos répétés à gauche.) Gouvernement des curés, réaction monarchiste, danger de complications extérieures, accusations qui, sans cesse reproduites et répétées, vont pénétrer, pour longtemps, dans la pensée française. Le leitmotiv des complications extérieures possibles répond à une pensée intime de M. Gambetta : — Vous n'avez pas le droit de faire intervenir l'étranger dans nos discussions, lui crie-t-on. Il répond : — Non seulement nous avons le droit, mais le devoir de parler de l'étranger à la tribune française. Nous avons le droit et le devoir de faire savoir au delà des. Alpes que si, par un accident parfaitement passager. le gouvernement de la France peut tomber entre des mains suspectes, la nation les désavoue... Il faisait allusion h la terrible responsabilité, présente à la pensée de tous, que les défenseurs du pouvoir temporel avaient assumée en 1870 ; il prétendait conjurer un péril semblable en le dénonçant ; il avait d'autres pensées encore... Mais, maître de lui et de son action, au milieu de l'agitation à son comble, il veut terminer sur une parole de sagesse, sur une parole de confiance ; le chef' qu'il est désormais, sait que l'opposition a ses responsabilités de même que le gouvernement : Ce n'est pas parce que la Chambre est radicale, exaltée, que vous voulez vous en débarrasser, c'est parce qu'elle est sage, prudente ; c'est parce qu'elle ne vous a pas donné la satisfaction de votes subversifs, de propositions désordonnées ; c'est parce qu'elle était, pour l'esprit public, comme une garantie de paix et de progrès ; c'est parce que le pays s'était associé à son œuvre : c'est parce que vous aperceviez que sa cohésion gagnait toute la France, que vous êtes accourus auprès du maréchal et que vous l'avez précipité dans les aventures. Et pourquoi Pour conserver les espérances de chacun des partis auxquels vous appartenez. Le pays sait toutes ces choses ; le pays nous jugera, vous et nous. Et, enfin, ce mot qui répond à la jactance de M. de Foullon : Nous partons 363, nous reviendrons 400 ! M. Gambetta descendit de la tribune, où il était resté trois heures, harassé de fatigue, mais soutenu par tes cris enthousiastes de la gauche. On assure qu'il se trouva mal en arrivant à son banc. Une séance qui avait vu l'apothéose de M. Thiers et l'effort victorieux de M. Gambetta parut grande, même aux contemporains et sans le recul de l'histoire. M. Émile de Girardin écrivait le lendemain soir, à provos de M. Thiers : Quelles acclamations ! Quelles ovations ? Quelle réparation ! Quelle récompense méritée ! Quel favorable présage ! Et, au sujet de M. Gambetta : Quelle admirable et puissante improvisation que cette fière réponse au ministre die l'intérieur et à d'indignes outrages qui montrent ce que serait l'empire avec ces soutiens, Ah ! la République peut, sans nulle présomption, défier ses détracteurs. Quels hommes ont-ils à opposer à M. Thiers, à M. Gambetta, rivalisant de patriotisme et s'unissant dans une égale abnégation, pour empêcher la royauté cléricale, l'empire non moins clérical, le ministère également clérical, d'exposer la France, la grande mutilée, aux deux risques désastreux de la guerre étrangère et de la guerre civile ?... Impérialistes, nommez vos hommes. M. Roulier a donné sa mesure. Royalistes, nommez vos hommes. M. de Broglie achève de donner la sienne ! La confiance, l'activité joyeuse de ces heures dramatiques affirmaient leur caractère. La parole et la presse suffisaient 'a l'ardeur des polémiques : nulle violence. Le Figaro, engagé dans le parti gouvernemental, irritait les amours-propres par les articles de M. de Saint-Genest et les nouvelles à la main visant les chefs du parti républicain ; tout Paris les répétait le soir, en riant. Le dimanche 17, l'animation est extrême sur les boulevards, dans les cafés, à la porte des imprimeries, où l'on attend les journaux. Mais la ville est tranquille. Un chroniqueur écrit : Le soir le plus chargé de passion était celui où l'on a repris la Duchesse de la Vauballière, un vieux mélodrame assez indigeste. On s'arrachait les journaux et l'on courait au théâtre ; ceux qui trouvaient la pièce trop froide la complétaient par la lecture d'un télégramme et vice versa[19]. Pas une manifestation, pas un cri. Au quartier latin, on chante et on s'amuse. Sur les boulevards extérieurs, tout est calme. Le peuple ne s'est pas ému. Depuis la Commune, il ne se mêle pas volontiers à ces querelles de bourgeois. On fait honneur de cette tranquillité au nouvel ordre de choses. Quelle grande nation ! s'écrie M. Émile de Girardin. En fait, la bonne humeur vient de la certitude du succès. Le lundi 18, la discussion continue. C'est le duc Decazes, ministre des affaires étrangères, qui répond à M. Gambetta. Il y avait dans le discours du tribun un reproche contre lequel il fallait s'élever, celui de faire courir au pays le risque de graves complications extérieures. L'acte du 16 mai coïncidait avec l'explosion de la guerre russo-turque. La situation de la France, entre les deux combinaisons diplomatiques qui se partageaient les puissances et qui pouvaient les mettre aux prises, était délicate. L'Angleterre laisserait-elle la Russie s'avancer sur Constantinople, démembrer l'empire ottoman ? L'Allemagne ne croirait-elle pas devoir se prononcer un jour, faire pencher la balance ? Soit dans la paix, soit dans la guerre, quel devait être le rôle de la France ? La déclaration lue par le duc Decazes, le 1er mai 1877, affirmait la résolution de garder la neutralité. Mais l'abstention n'est pas toujours possible, elle n'est pas toujours sage. Un jour ou l'autre, ne faudrait-il pas prendre parti ? Jeter le pays dans l'agitation de la politique intérieure à l'heure où toute son attention, toute son autorité, toutes ses forces devraient être tournées vers le dehors, c'était assumer une lourde responsabilité. Le programme du ministère, la polémique des journaux qui le défendaient, les récentes manifestations des comités catholiques et des évêques en faveur du pouvoir temporel prêtaient à une autre critique, à un soupçon plus grave. A tort ou à raison, l'Italie était en méfiance. Le duc Decazes, disait-on encore, n'avait consenti à faire partie de la combinaison ministérielle que sur l'engagement formel, donné par écrit, de réprimer au besoin les menées ultramontaines. On lui attribuait la rédaction de la note Havas du 17 mai, qui avait tant froissé les chefs du parti légitimiste. Avant tout, il fallait tranquilliser les puissances, si elles étaient réellement inquiètes ; il fallait rassurer l'opinion, répondre aux accusations solennelles, calculées de M. Gambetta, et à cette affirmation réitérée : la dissolution, c'est la préface de la guerre. L'intervention du ministre des affaires étrangères avait cette portée. Il lit à la tribune les instructions envoyées par le gouvernement aux représentants de la France à l'étranger et notamment au marquis de Noailles, ministre près du roi d'Italie. Il déclare que ces explications ont suffi et que M. Melegari lui a fait savoir par le général Cialdini qu'elles étaient pleinement satisfaisantes. Il conjure les partis de ne pas compromettre par des allégations imprudentes la situation de la France et la cause de la paix. Les déclarations du ministre sont brèves et pales : il est visiblement embarrassé. A droite et à gauche, il y a des dessous, ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas. De loin, M. de Bismarck surveillait le jeu ; la question du pouvoir temporel avait été, une fois déjà, un redoutable atout dans ses mains. Discours de M. Pâris, ministre des travaux publics, habile et insinuant au point de vue parlementaire et au point de vue constitutionnel : Jusqu'en 1880, le maréchal de Mac Mahon est investi de pouvoirs réguliers ; il pense, et les ministres pensent avec lui, que l'heure du radicalisme ne doit jamais venir. Si les conservateurs de toute nuance répondent à son appel, ils l'aideront à sauver la France. M. Jules Ferry répond. Son esprit, nourri de doctrines, lui permet de relever immédiatement l'argumentation de M. Pâris : La politique du maréchal, la politique du cabinet est antiparlementaire et anticonstitutionnelle. Car enfin, sommes-nous sous l'épée d'un maréchal de France ou sous le régime des lois ? Arrêtons-nous à 'ces mots : tout le conflit est là, en effet. Ce ne sont plus seulement deux partis, mais deux systèmes qui sont en présence. Un homme ou la loi ? Les longs siècles de l'histoire de France qui, par un effort suivi, avaient aboli tous les pouvoirs délibératifs, toutes les autorités intermédiaires, pour enfermer l'autorité de l'État dans la volonté du prince, ce long appel spontané d'un peuple à un maitre élevé au-dessus des passions et des préjugés, au-dessus des personnes et des partis, au-dessus de l'insuffisante prévision des constitutions et des règlements, tout ce passé qui s'était déroulé, logique avec lui-même, de saint Louis à Louis XI, de Louis XII à Henri IV, de Louis XIV à Napoléon, projetait sa vague suprême et déjà mourante dans la tentative du maréchal de Mac Mahon. C'était encore un chef militaire, le dernier, le vainqueur de Magenta, mais le vaincu de Sedan... Il réclamait l'autorité du chef. Et en face de cette revendication, c'était la réclamation adverse, celle que l'opposition délibérative et parlementaire se transmettait, elle aussi, de génération en génération. Le pouvoir personnel voyait se dresser, devant lui, les institutions écrites, la loi. Expérience nouvelle encore, pour un pays jadis si fier de ses maîtres ; abandon d'un rêve longtemps caressé, déchirement de l'illusion anthropolâtrique qui s'entretenait, malgré de si cruels échecs, chez ce peuple confiant, prompt à l'engouement, amoureux de la gloire. Jusque dans cette crise, il fallait des hommes populaires pour l'arracher à lui-même et plier son enthousiasme à la rigide observance des textes. Un coup d'État d'une part, une émeute de l'autre, grondaient encore ; 1830, 1848, 1871, avaient laissé des survivants. Les grandes catastrophes avaient fait cette sagesse trop récente ; jusqu'où la soutiendrait-on ? Il appartenait à un légiste, M. Jules Ferry, de défendre la thèse légale, d'invoquer cette raison froide, ce respect des règles et des textes dont sa carrière ne fut qu'une longue et sévère application. Sparte, Rome, Londres, avaient nourri la racine de cette plante sans fleur qu'il s'agissait d'acclimater sur les bords de la Seine, tandis qu'au fond des cœurs, le lys royal mourait lentement. Voici donc le dilemme, tel que l'expose l'orateur philosophe, le fils des robins, l'héritier des vieux parlementaires : L'article 6 de la loi constitutionnelle interdit au président de revendiquer le moindre atome de pouvoir personnel. Autrement, ce pouvoir personnel serait irresponsable, ce qui revient à dire que ce n'est pas la loi, mais l'épée qui régnerait... M. Pâris, dont on me dit qu'il fut le rapporteur de cette constitution, comment peut-il invoquer le droit de dissolution et le droit de prorogation pour justifier les pouvoirs personnels du président ? Il n'oublie qu'une chose, c'est que ces droits, le président les exerce par le bras et par l'organe d'un ministère responsable... Avec la constitution, tout était facile si on l'eût appliquée loyalement. La thèse était absolue, c'était la subordination de l'exécutif au délibératif. M. Wallon était forcé clans son texte captieux et dans sa volontaire ambiguïté. Il y eut une révolte de la droite devant cette logique redoutable et, au prononcé de ce mot loyalement, M. de Cassagnac dénonce l'insulte au président. Nouveau corps à corps avec le président Grévy. Celui-ci n'était pas en reste pour défendre la sacro-sainte autorité des textes. Jupiter olympien du règlement, il foudroya M. de Cassagnac et il eut le dernier mot. Le discours de M. Jules Ferry heurté, raboteux et dur, selon le caractère de l'homme et du talent, se poursuivit parmi les clameurs. Il fut hautain, sarcastique, offensif : Le pays doit se prononcer entre nous et le pouvoir exécutif... Quand on pousse à ce degré l'abus du pouvoir, on fait nos affaires. Enfin, la conclusion menaçante : Nous reviendrons ici et nous ne nous contenterons pas, cette fois, d'annuler des élections frelatées par une candidature officielle éhontée. Nous saurons montrer aux fonctionnaires de tout ordre et de tout rang et si haut placés qu'ils soient, qu'il y a des juges en France... Nous vous donnons à tous, préfets, juges de paix, agents de tous ordres, cet avertissement solennel : c'est qu'il y a non seulement pour le pouvoir législatif le droit naturel de se purger lui-même en annulant les élections vicieuses, mais qu'il y a aussi des responsabilités civiles et même correctionnelles, écrites dans nos lois, et que ces responsabilités nous saurons les appliquer sans faiblesse. L'appel aux tribunaux, cri suprême du légiste irrité ! Si M. Gambetta était le chef des hommes et le maitre des cœurs, M. Jules Ferry, acclamé à son tour, apparaissait, dès lors, comme l'homme d'État de la loi. La discussion continua assez inutilement le mardi ; cependant, on entendit un discours habile de M. Léon Renault, ancien préfet de police, ami de M. le duc Decazes, qui parlait au nom des républicains modérés, des républicains conservateurs. Il disait très sagement : Vous avez compromis les garanties conservatrices introduites par nous dans la constitution. Voyez ce que vous avez fait depuis le 16 mai du maréchal de Mac Mahon et du Sénat. Que feriez-vous si, par impossible, vous réussissiez ? Et Si vous échouez, ce qui est certain ? En jetant dans nos débats le nom jusque-là respecté, comme jamais ne le fut aucun souverain, du maréchal de Mac Mahon, avez-vous songé à la situation que vous lui feriez au lendemain de son échec ? Quant au Sénat, vous mettez son existence en jeu... C'est être dur pour le cabinet de M. le prince de Polignac que le comparer au cabinet actuel. Vous, vous n'avez ni un but, ni une foi, ni un prétexte... On fit une ovation à M. Léon Renault. Il n'y avait plus qu'à voter. L'ordre du jour des gauches fut déposé par un autre modéré, M. Horace de Choiseul : La Chambre des députés, considérant que le ministère formé le 17 mai par le président de la République et dont M. le duc de Broglie est le chef, a été appelé aux affaires contrairement à la loi des majorités, qui est le principe du gouvernement parlementaire ; Qu'il s'est dérobé le jour même de sa formation à toutes explications devant les représentants du pays ; Qu'il a bouleversé toute l'administration intérieure afin de peser sur les décisions du suffrage universel par tous les moyens dont il pourra disposer ; Qu'à raison de son origine et de sa composition, il ne représente que la coalition des partis hostiles à la République, coalition conduite par les inspirateurs des manifestations cléricales déjà condamnées par la Chambre ; Que c'est ainsi que, depuis le 17 mai, il a laissé impunies les attaques dirigées contre la représentation nationale et les provocations directes à la violation des lois ; Qu'à tous ces titres il est un danger pour l'ordre et pour la paix, en même temps qu'une cause de trouble pour les affaires et pour les intérêts, Déclare que le ministère n'a pas la confiance des représentants de la nation et passe à l'ordre du jour. M. Pâris prononce quelques mots au nom du gouvernement : Le pays dira qui a raison, de la coalition de toutes les gauches ou de l'union de tous les conservateurs. A quoi M. Gambetta répond : Oui, nous allons aller devant le pays ; il faudra alors que tout le monde, tout le monde sans exception, courbe la tète devant notre maître à tous, le suffrage universel. L'ordre du jour des gauches est adopté par 363 voix contre 158. L'intérêt était maintenant au Sénat. Il était saisi de la demande de dissolution : le 18 juin, la commission chargée de l'examiner était nommée dans les bureaux. Sur neuf membres, trois sont hostiles à la proposition : MM. Le Royer, Bérenger et Jules Favre : six favorables : comte Daru, Grivart, Depeyre, Audren de Kerdrel, de Ventavon et Léon Clément : les grands noms de l'Assemblée nationale. M. Depeyre, rapporteur. Le rapport favorable est déposé le mercredi 20 juin. Vu le message de M. le président de la République en date du 16 juin, par lequel il fait connaître au Sénat son intention de dissoudre la Chambre des députés et lui demande l'avis prescrit par l'article 5 de la loi sur les pouvoirs publics ; Le Sénat émet un avis conforme à la proposition du président de la République. Le duc de Broglie réclame l'urgence. Adopté. La discussion est fixée au jeudi 21. Le 21, Victor Hugo parle le premier : Le Sénat va être juge ; le Sénat va être jugé. Le discours se termine ainsi : Je vote contre la catastrophe ; je refuse la dissolution. M. Jules Simon expose son point de vue sur la crise du 16 mai : Le mot de la chute du cabinet, c'est que nous étions un cabinet républicain et que la majorité était républicaine. Nous sommes tombés avec le régime parlementaire. Voici le duc de Broglie. Avec quelle impatience il était attendu ! Fabricateur notoire de toute l'affaire, ni aveugle, ni intéressé, ni ambitieux peut-être ; joueur, joueur tenace, entêté, taquin contre les hommes et contre la destinée ; confiant en soi-même encore plus peut-être qu'en une entreprise dont il ne veut pas considérer l'issue ; assuré qu'il a reçu, des siens, le dépôt du salut public et l'héritage de l'histoire ; muet et fermé même avec ses amis, hérissé de sarcasmes pour ses adversaires ; réservant toutes ses forces pour la lutte oratoire où il est maître, malgré les obstacles de sa nature, son geste court, sa voix cassée, son abord ingrat. Sur ses épaules légèrement voûtées, il porte le fardeau de cc pouvoir éphémère ; sa figure pâle dit les incertitudes et les passions comprimées du parti auquel il s'est donné. Condottiere trop dégagé, chef trop savant, esprit trop délié, sa noblesse assure une élégance suprême aux causes pour lesquelles il lutte et avec lesquelles il va périr. Il ne prend pas la peine d'argumenter ; il affirme. On dit que l'acte du président n'est pas constitutionnel. Or, le président est à lui seul un pouvoir public indépendant... Le Sénat est l'arbitre de l'heure présente, mais le dissentiment qui existe entre le président et la Chambre existe aussi entre le Sénat et la Chambre. Si vous voulez connaître le motif qui a guidé 'le président de la République, interrogez votre conscience... M. le président de la République a toujours eu la volonté de n'abandonner rien à l'esprit radical. M. Gambetta s'efface, maintenant, devant M. Thiers avec une patience qui ne coûte rien à la jeunesse. Mais il est le véritable chef de la majorité... Cela ne pouvait convenir à M. le maréchal de Mac Mahon. Quand on s'appelle le maréchal de Mac Mahon ; quand on est le représentant de la règle, de l'ordre, de la discipline, de tout ce que les hommes respectent dans les sociétés civilisées ; quand on a passé une vie sans tache dans l'accomplissement de tous les devoirs et le respect de tous les principes qui fondent les sociétés régulières, on ne pense pas tout d'un coup à devenir allié et soldat du contraire de ce qu'on a cru, pensé toute sa vie, de ce qu'on représente aux yeux des populations. Quand on s'appelle le maréchal de Mac Mahon, on n'est pas allié et solidaire de l'honorable M. Gambetta. Voilà la vérité. Cruel moment où l'art ne s'aiguisait que pour blesser ! On nous reproche de n'être ni constitutionnels ni républicains. La constitution ne consacre nullement la République, puisqu'elle consacre le droit de révision, qui permet de changer la forme du gouvernement, puisqu'elle a maintenu au pouvoir le maréchal de Mac Mahon, qui, certes, n'est pas républicain d'origine et qui jamais n'aurait consenti à présider un gouvernement d'où les compagnons de sa jeunesse et tous ses frères d'armes auraient été exclus... Reste le reproche clérical. Ne le comprenant pas, et personne n'alléguant de preuves, il m'est impossible de le détruire... Faut-il nous justifier de ne pas vouloir la guerre ? C'est une manœuvre qui n'a pas réussi. Paroles que tout cela. Le suffrage universel aura à choisir entre le maréchal de Mac Mahon et le dictateur de Bordeaux ou l'orateur de Belleville, contenant à peine les masses frémissantes du radicalisme et le soulèvement des nouvelles couches sociales. Mac Mahon ou Gambetta, telle est donc l'alternative gouvernementale... Ce raffiné se trompe : les choses ne sont pas si simples et, s'il faut choisir entre les deux hommes, le parallèle lui-même est dangereux. Discours efficace de M. Bérenger : Vous avez prémédité cette partie, vous l'avez préparée de longue main. Et vous la perdrez. Vous faites les affaires des violents, et les modérés crient avec colère que vous détruisez leur œuvre. Si le Sénat vote la dissolution, il ouvre la porte aux aventures. M. le duc de Broglie est obligé de convenir qu'après les élections, il n'y a plus d'autre alternative que le radicalisme ou le coup d'État : c'est à ce dilemme qu'une fausse manœuvre va immanquablement vous acculer. Séance le vendredi 22 juin. Discours de M. Bertauld, auquel répond, d'un ton violent, le ministre, M. Brunet. Le bon M. Laboulaye se jette au milieu des combattants. Il défend son œuvre, la constitution, avec les paroles les plus sages et les plus mesurées : On va faire un plébiscite. Il sera posé dans ces termes : le maréchal ou la République. Mais ce mot : maréchal voudra dire tout ce qui n'est pas la République. Vous ne pouvez pas réussir ; on ne défend pas un gouvernement sans nom, sans idées communes ; c'est une chimère... Vous vivez dans le monde dés salons. Les salons ont été, de tout temps, des conseillers détestables, des clubs à rebours et vivant en dehors de la réalité. Vous ne réussirez pas et vous aurez placé le maréchal entre une humiliation et une abdication. C'était, d'avance, le fameux se démettre ou se soumettre... Mais la voix de M. Laboulaye ne portait pas. Les positions étaient prises ; le gouvernement ne croit pas utile d'insister. On vote, solennellement, par scrutin public à la tribune. 149 voix contre 130 accordent la dissolution au gouvernement. M. Peyrat : — C'est la mort du Sénat. M. Lasserre : — Seigneur, pardonnez-leur, ils ne savent ce qu'ils font ! La Chambre siège encore le jeudi, le vendredi et le samedi, du 22 au 23, pour certaines décisions urgentes. Le lundi 25, à deux heures, M. Jules Grévy ouvre la séance par une courte allocution : Messieurs, avant de donner connaissance de la communication que j'ai reçue, je veux remercier la Chambre, une dernière fois, du grand honneur qu'elle m'a fait et de la bienveillance qu'elle m'a témoignée. Le pays devant lequel elle va retourner lui dira bientôt que, dans sa trop courte carrière, elle n'a pas cessé un seul jour de bien mériter de la France et de la république. Le président Grévy avait le secret des phrases lapidaires. Il lit le décret de dissolution. La séance est levée. La dissolution deux heures dix minutes. Le même décret est lu au Sénat par le duc d'Audiffret-Pasquier, qui prononce l'ajournement jusqu'au jour où la nouvelle Chambre sera convoquée. Le mardi 26, le Journal officiel publie, en tête de sa partie officielle, la résolution du Sénat et le décret y annexé. |
[1] Jules SIMON, Le Soir de ma Journée (p. 245). — M. Jules Simon, dans un discours prononcé au Sénat le 15 novembre 1880, dit qu'avant le 16 mai, il avait reçu la proposition de rester au pouvoir, à la condition de faire abandon des règles du gouvernement constitutionnel.
[2] M. DE MARCÈRE, Le Seize Mai (p. 49).
[3] Vicomte DE MEAUX, Souvenirs politiques (p. 314).
[4] Vicomte DE MEAUX (p. 323).
[5] Vicomte DE MEAUX (p. 315).
[6] Souvenirs de M. ESTANCELIN dans le Messager Eudois (n° du 17 février 1901). M. LIMBOURG confirme, par une lettre du 7 mai 1899, les souvenirs de M. ESTANCELIN : J'entends encore le comte de Paris, à ces mots de bonapartistes et de force, s'écrier : — Les bonapartistes ; s'ils tentaient cela, nous n'aurions qu'une chose à faire prendre un fusil pour défendre les libertés de notre pays !
[7] Marquis DE DREUX-BRÉZÉ, Notes et Souvenirs (p. 311).
[8] Jules RICHARD, Le Bonapartisme sous la troisième République (p. 170).
[9] Mgr BESSON, Vie du Cardinal de Bonnechose (t. II, p. 613).
[10] M. Edmond DE GONCOURT écrit, le 24 mai, dans son Journal : Ce coup d'État a la faiblesse des choses qui ne sont pas franches, pas carrées, pas décisives. Il ne profite pas des appoints de l'illégalité brutale et il e contre lui toutes les résistances que soulève une violation de la loi. J'ai bien peur qu'il ne réussisse pas à cause de l'honnêteté qui y préside. (V. p. 330.) — V. aussi la Correspondance de TAINE, t. IV (p. 22) : Plus je réfléchis à la dernière démarche du maréchal, plus je la trouve imprudente. C'est la charge de Reischoffen après la bataille perdue... Les élections lui renverront une Chambre aussi radicale ou encore pire... Le maréchal n'aura qu'il donner sa demis-sien. Je vois, dans quatre mois, Gambetta président de la République. Au lieu d'une descente vers la démocratie grossière, nous aurons sans doute un saut brusque... (21 mai 1877.)
[11] Hippolyte GAUTIER, Pendant le 16 mai (p. 44).
[12] Vicomte DE MEAUX.
[13] M. DE MARCÈRE, Le Seize Mai (p. 132).
[14] Ernest DAUDET (Gaulois du 13 décembre 1901).
[15] Rapport Bernard LAVERGNE (p. 21).
[16] Revue de Paris, 15 décembre 1906 (p. 685).
[17] M. DE MARCÈRE (p. 95).
[18] Récits de M. DE MEAUX, de M. DE MARCÈRE, et des journaux du temps.
[19] Philibert AUDEBRAND (Illustration du 26 mai 1877).