LE CARACTÈRE DE LOUIS XV

 

G. DU FRESNE DE BEAUCOURT.

Revue des questions historiques - Tome 3 - 1867.

 

 

Parties : I II III IVV VI VII VIII IXX XI XII XIII.

 

Journal du marquis de Dangeau, publié par MM. Soulié et Dussieux. Paris, F. Didot, 1854-60, 19 vol. in-8°. — Journal de la Régence, par Jean Buvat, publié par M. Em. Campardon. Paris, H. Plon, 1865, 2 vol. in-8°. — Journal et Mémoires de Matthieu Marais, publiés par M. de Lescure. Paris, Didot, 1863-64, 3 vol. in-8°. — Chronique de la Régence et du règne de Louis XV, ou Journal de Barbier, Paris, Carpentier, 1857, 8 vol. gr. in-18. — Mémoires du duc de Luynes sur la cour de Louis XV, publiés par MM. Dussieux et Soulié, Paris, F. Didot, 1860-65, 17 vol. in-8°. — Journal et Mémoires du marquis d’Argenson, publiés (pour la Société de l’Histoire de France) par M. E.-J.-B. Rathery. Paris, 1859-1867, 9 vol. in-8°. — Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Cam. Rousset. Paris, P. Dupont, 1865, 2 vol. in-8°. — Correspondance secrète inédite de Louis XV sur la politique étrangère, publiée par M. E. Boutaric, Paris, H. Plon, 1866, 2 vol. in-8°. — Histoire du règne de Louis XV, par M. A. Jobez, Paris, Didier, 1863-6, t. I à III. — Histoire de France au XVIIIe siècle : la Régence, Louis XV, par M. Michelet, Paris, Chaumerot, 1863-66. 2 vol. in-8°.

 

Louis XV est un personnage indéfinissable, a écrit le marquis d’Argenson, et le duc de Luynes l’a qualifié d’impénétrable. Si les contemporains de ce roi en parlaient de la sorte, qu’ont pu en dire les historiens qui, plus tard, essayèrent de fixer les traits d’une figure mobile, insaisissable, où les contradictions abondent ? Sur quelles données ont-ils travaillé ? Quels ont été leurs guides en retraçant l’histoire d’un règne aussi stérile en mémoires originaux que fécond en libelles scandaleux, comme le remarquait Lacretelle jeune en 1820[1] ? Plus heureux que nos devanciers, nous sommes riches en documents du temps : Dangeau, Buvat, Marais, Barbier, le duc de Luynes, le marquis d’Argenson, le président Hénault, voici de nombreux témoins dont nous pouvons recueillir les dépositions. Qu’on y joigne les correspondances du temps, les lettres de Louis XV au maréchal de Noailles, sa correspondance secrète, publiée en partie par M. Boutaric, et nous aurons là des sources d’informations qui permettront d’éclaircir plus d’un point douteux, et de jeter la lumière sur des faits ignorés ou peu connus.

Cette étude du caractère de Louis XV, à laquelle nous convient tant de documents entrés pour la première fois dans le domaine public, nous ne l’entreprenons pas sans une certaine tristesse. Le temps, le règne, le roi, son entourage, tout exhale une odeur de décadence et de ruine. Tout s’abaisse, tout s’avilit ; les caractères s’effacent, les moeurs se corrompent. En présence de tant de faiblesses, de désordres et de turpitudes, on voudrait pouvoir détourner ses regards. Louis XV écrivait au maréchal de Noailles : Ce siècle n’est pas fécond en grands hommes. Encore si la stérilité n’avait porté que sur la grandeur ! Mais l’honnêteté, mais la droiture, mais la noblesse des sentiments, l’énergie des caractères ! La monarchie abdique et se dégrade ; le sol tremble sous ses pas, et l’on sent déjà monter le flot des passions révolutionnaires[2]. — Renfermons-nous dans notre sujet. Sans séparer Louis XV de son temps et du milieu où il a vécu, cherchons ce qu’il a été, suivons-le dans les transformations qu’il a subies, à travers les phases presque toujours tristes, parfois honteuses, qui nous conduiront au terme de sa carrière. Nous laisserons autant que possible la parole aux contemporains ; nous demanderons à ceux qui sont le plus dignes de confiance, par la sincérité et la sûreté des informations, de nous faire connaître Louis XV ; nous interrogerons, quand nous le pourrons, le roi lui-même ; en un mot, nous ne négligerons aucune source de renseignements pour que le portrait soit aussi complet que fidèle.

 

 

 



[1] Biogr. universelle, art. Louis XV.

[2] Le despotisme augmentera-t-il ou diminuera-t-il en France ? écrit le marquis d’Argenson en 1752. Quant à moi, je tiens pour l’avènement du second article et même du républicanisme. J’ai vu de nos jours diminuer de respect et l’amour du peuple pour la royauté. Louis XV n’a su gouverner ni en tyran ni en bon chef de république ; or, ici, quand on ne prend ni l’un ni l’autre rôle, malheur à l’autorité royale ! (T. VII, p, 242).