HISTOIRE DES INSTITUTIONS POLITIQUES DE L'ANCIENNE FRANCE

LA MONARCHIE FRANQUE

 

PAR NUMA DENIS FUSTEL DE COULANGES

MAÎTRE DE CONFÉRENCES À L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE

PARIS - HACHETTE ET Cie - 1875

 

 

CHAPITRE PREMIER. — Les documents.

CHAPITRE II. — La royauté.

CHAPITRE III. — Existait-il des assemblées du peuple franc ?

CHAPITRE IV. — Existait-il une noblesse franque ? Les leudes, les antrustions, les optimates.

CHAPITRE V. — Du conseil des rois mérovingiens.

CHAPITRE VI. — Du pouvoir législatif.

CHAPITRE VII. — Étendue du pouvoir royal.

CHAPITRE VIII. — Le palais.

CHAPITRE IX. — Le maire du palais.

CHAPITRE X. — L'administration provinciale.

CHAPITRE XI. — Les impôts

CHAPITRE XII. — Le service militaire.

CHAPITRE XIII. — Le pouvoir judiciaire.

CHAPITRE XIV. — Comment les hommes étaient jugés.

CHAPITRE XV. — Rapports des rois avec l'Église.

CHAPITRE XVI. — Le conventus ou la réunion générale du peuple.

 

CONCLUSION.

 

PRÉFACE

 

Nous nous proposons dans ce volume d'exposer comment les populations de la Gaule ont été gouvernées par les rois Francs de la famille mérovingienne. Notre étude ne s'étendra pas depuis l'origine de cette famille au cinquième siècle jusqu'à son extinction en 754. D'une part, on ne peut pas dire qu'elle ait régné sur toute la Gaule avant l'année 506 ; d'autre part, elle ne règne plus sur elle que de nom à partir de 687. C'est entre ces deux dates que se trouve le terrain de notre étude.

Le présent volume ne contient d'ailleurs que les institutions d'ordre politique et tout ce qui se rattache à la vie publique. Les institutions d'ordre privé, telles que l'alleu et le bénéfice, feront l'objet d'un autre volume. Ce n'est pas que, dans la réalité des choses, ces deux séries d'institutions ne soient étroitement liées ; mais l'esprit humain, dans les études qu'il fait, ne peut procéder que par l'analyse. Il sépare les organes pour les mieux observer, quitte à les réunir quand il les a tous étudiés.

L'étude du gouvernement des Mérovingiens a son intérêt par elle-même. Placé entre le régime romain et le régime féodal, nous devrons chercher s'il tient de l'un, s'il prépare l'autre. Les érudits modernes se préoccupent fort de savoir si cet organisme politique a été apporté de la Germanie, ou s'il à été emprunté à l'empire romain, ou si, suivant une théorie assez légèrement émise depuis peu, il a été inventé et créé de toutes pièces par un roi Franc. Il n'y a que l'observation exacte des faits, de tous les faits, qui puisse résoudre cette question. Nous touchons aussi au grand problème de la genèse du régime féodal. S'il était vrai que le principe du gouvernement féodal fût venu de la Germanie, et s'il était contenu dans les invasions, il semble que nous devrions déjà en constater l'existence dans le gouvernement mérovingien.

Dans ces recherches, je suivrai la même méthode que j'ai pratiquée depuis trente-cinq ans. Elle se résume en ces trois règles : étudier directement et uniquement les textes dans le plus minutieux détail, ne croire que ce qu'ils démontrent, enfin écarter résolument de l'histoire du passé les idées modernes qu'une fausse méthode y a portées. Pas plus dans ce nouveau volume que dans la Cité antique, je n'éprouverai de scrupule à me trouver en désaccord avec quelques opinions régnantes, pourvu que je sois d'accord avec les documents. Je n'ignore pas à quelles hostilités cette méthode m'expose. J'irrite, sans le vouloir, tous ceux dont mes recherches dérangent les systèmes. J'offense, sans y penser, tous ceux dont mon travail déconcerte la demi-érudition traditionnelle. Ce sont hommes qui ne pardonnent guère. J'attends d'eux, cette fois encore, un mélange d'attaques violentes et d'insinuations doucereuses. Mais ils m'y ont si bien accoutumé depuis vingt-cinq ans, que je ne dois plus m'en émouvoir. L'âge d'ailleurs et la maladie m'avertissent de ne plus regarder à ces ronces du chemin, et de tenir les yeux uniquement fixés sur la science.

 

Juin 1888