LA MONARCHIE FRANQUE

 

CHAPITRE XIV. — COMMENT LES HOMMES ÉTAIENT JUGÉS.

 

 

Nous allons étudier les procédés judiciaires du gouvernement mérovingien. Nous rencontrerons, ici encore, des faits très divers, complexes, en apparence contradictoires. Nous remarquerons surtout que, bien qu'un principe absolument monarchique régnât sur tout l'ordre judiciaire, la royauté y eut moins d'empire que n'en eurent les habitudes et les opinions des hommes.

 

1° LA PROCEDURE ; CITATION ET POURSUITE.

 

En matière civile, ce n'était pas le juge qui citait les parties à comparaître. C'était au plaignant à citer son adversaire.

Notons que l'acte de citer en justice était désigné par les trois mots interpellare, mallare, ou mannire. Le premier de ces termes est celui qui était usité dans le droit romain et dans la pratique de la Gaule romaine ; il subsiste dans les formules de tous les recueils, même dans les formulaires francs ; il est fréquent dans la Loi ripuaire, rare dans la Loi salique[1]. Le mot mallare, appeler au mallus, se rencontre dans les formules d'Anjou et dans les deux lois franques[2]. Mannire est le plus employé dans les lois ; il n'est qu'une fois dans les formules, et les écrivains ne semblent pas le connaître. Les trois termes sont d'ailleurs exactement synonymes, et l'on n'aperçoit entre eux aucune différence de signification[3].

Le mode de citation est ainsi indiqué dans la Loi salique : Celui qui en cite un autre, doit aller avec des témoins à sa maison ; si l'homme qu'il cherche est absent, il s'adresse à sa femme ou à quelqu'un de sa famille, afin qu'on lui fasse savoir qu'il est cité en justice[4]. L'homme ainsi assigné n'a pas à se rendre immédiatement au tribunal ; il n'a à comparaître, le plus souvent, que dans sept jours. De plus il lui est accordé deux délais, et la citation est renouvelée deux fois de sept en sept jours[5].

Souvent il arrive que les deux adversaires se mettent d'accord pour comparaître. Ils conviennent ensemble du tribunal où ils se rendront, et du jour. Ils peuvent s'entendre pour se rendre soit au tribunal du roi, soit devant le comte, soit devant l'évêque ou des arbitres. Dans la langue du temps, cet engagement mutuel de comparaître s'appelle un placitum[6].

Si, au jour convenu, l'une des parties ne comparaît pas, l'autre attend trois jours au tribunal, puis elle se fait remettre par les juges un acte constatant la noncomparution de l'adversaire. L'acte porte ordinairement que l'une des parties a gardé son plaid, que l'autre a négligé son plaid[7]. Ces pratiques sont en usage aussi bien dans la population romaine que dans la population franque ; et c'était en effet une ancienne pratique romaine que celle de s'engager mutuellement à comparaître à jour fixe et de s'y attendre[8].

Jusqu'ici il semblerait que l'autorité judiciaire se désintéressât tout à fait de la citation et de la comparution des parties. Il n'en était rien. D'abord, si la loi accordait à l'assigné trois délais de comparution, elle lui faisait payer pour chacun d'eux 3 solidi[9]. — Elle prononçait ailleurs qu'un refus de comparaître était puni d'une forte amende de 15 solidi ou 600 deniers d'argent[10]. Puis, le plaignant, aussitôt que les délais de comparution étaient épuisés, avait le droit de se présenter devant le juge. Celui-ci jugeait l'affaire et pouvait exécuter son jugement par la mainmise sur les biens de la partie qui n'avait pas voulu comparaître[11]. Quelquefois le refus de comparution au tribunal du roi donnait lieu à une lettre royale qui enjoignait au comte d'agir par voie de contrainte[12]. Pour les cas les plus graves, la loi prononçait que si un homme refusait de se rendre d'abord au mallus, ensuite au tribunal du roi, le roi le mettait hors de sa protection ; cela signifiait qu'on pouvait le tuer impunément ; la loi ajoutait que ses biens étaient confisqués et que personne, fût-ce sa femme, ne pouvait le recevoir sous son toit ni lui donner à manger[13].

En matière criminelle, la poursuite appartenait-elle à la partie lésée ou à l'autorité publique ? Aucune de ces deux propositions, si elle était présentée d'une manière absolue, ne serait vraie. Quelques érudits modernes ont soutenu que c'était un principe constant en droit Franc qu'aucun coupable ne pût être poursuivi que par la partie lésée. C'est qu'ils n'ont vu que la moitié des faits et ont négligé systématiquement l'autre moitié[14].

Voici d'abord ceux qui prouvent que l'autorité publique pouvait poursuivre. Nous avons un édit de Childebert qui prescrit au comte, en cas de rapt ou de vol, de se mettre lui-même à la recherche du coupable, de se transporter à son domicile, de l'arrêter dans sa maison, et s'il ne le peut faire à lui seul, de requérir les voisins de lui prêter main-forte, de l'enchaîner enfin pour lui rendre toute fuite impossible[15].

Il n'est pas douteux que ce qui était enjoint à l'officier royal en cas de rapt ou de vol ne lui fût aussi commandé en cas de meurtre. Et cela est marqué dans la Loi salique elle-même. On y lit : S'il arrive qu'un homme ait été tué sur une route ou entre deux villages et qu'on ne connaisse pas le meurtrier, le juge du pays, c'est-à-dire le comte ou son délégué, doit se rendre sur les lieux ; il sonne du cor ; les habitants du voisinage viennent à cet appel, et le juge leur dit : Voilà un homme qui a été tué sur votre territoire ; je vous somme de comparaître à la prochaine séance du tribunal pour répondre sur cet homicide et pour qu'on vous dise ce que vous aurez à faire[16].  On voit bien ici qu'il y a une initiative de l'autorité publique. Elle n'attend pas que les parents de la victime la mettent en mouvement. Elle voit un meurtre, elle cherche le meurtrier. Suivant un procédé assez grossier, mais efficace, elle rend les voisins provisoirement responsables, afin qu'ils l'aident au moins dans ses recherches. Il y a encore un autre article de la Loi salique qui mentionne le cas où la victime n'a laissé aucun parent ; la poursuite a lieu néanmoins et la condamnation est prononcée[17].

Le diplôme de nomination du comte porte qu'il punira les malfaiteurs. Assurément cela ne signifie pas qu'il attendra que les familles des victimes lui adressent leurs plaintes. Nous avons un décret de Clotaire II qui défend à ses comtes de saisir et de condamner un clerc, si ce n'est pour affaire criminelle et délit manifeste. Que peut signifier un tel décret, sinon qu'en matière criminelle le comte peut saisir un clerc et à plus forte raison un laïque[18] ?

Prenons les Actes des conciles. Celui de Mâcon, de 581, reconnaît que le comte ou tout représentant de l'État peut arrêter même un clerc en cas d'homicide, de vol, ou de maléfice[19]. En 585, un autre concile se tient encore à Mâcon et il se plaint de ce que les comtes, usant orgueilleusement de leur droit, mettent la main sur des prêtres dans l'atrium même des églises[20]. Ils se plaignent encore de ce qu'ils poursuivent, pour les fautes les plus légères, la veuve et l'orphelin que l'Église apris sous sa protection[21]. Le concile de Paris de 614, le concile de Reims de 650 demandent, et probablement en vain, que les fonctionnaires de l'État ne puissent arrêter et saisir les clercs sans la permission de l'évêque[22].

Les diplômes d'immunité interdisent au comte et à ses subordonnés d'entrer sur les domaines privilégiés pour y arrêter et saisir les hommes, soit libres, soit, esclaves[23]. C'est donc que le comte a le droit d'arrêter et saisir partout ailleurs. Nous avons en effet des formules de lettres royales enjoignant au comte de saisir un inculpé[24].

Les récits des écrivains, qui nous montrent les choses d'une manière concrète et vivante, confirment ce que disent les lois et les formules. Grégoire de Tours raconte que, dans une querelle entre deux familles, un homme en ayant tué un autre, la poursuite fut dirigée, non par la famille de la victime, mais par le comte, qui fil saisir le meurtrier et le mit en prison[25]. A Noyon, deux accusés sont conduits au tribunal du comte, sans qu'il y ait là aucune intervention de la partie lésée[26]. A Tournai-même, en présence du comte franc Dolto, un accusé est amené au tribunal, non pas par les parents de la viclime, mais par les licteurs du comte[27].

Il n'est donc pas douteux que l'autorité publique n'eût la faculté de poursuivre en matière criminelle. Il est bien vrai qu'il n'existait pas de magistrats spéciaux qui fussent chargés de ce devoir. L'empire romain n'avait pas connu ce que nous appelons le ministère public ; la société mérovingienne ne le connut pas davantage. Mais cela n'implique pas que l'autorité publique se désintéressât des délits et des crimes. Le droit de poursuivre avait été compris dans l'imperium du gouverneur de province ; il fut compris aussi dans les attributions du comte mérovingien.

Mais, cette vérité établie, il y a une autre vérité à mettre en regard. Si nous observons, parmi les formules de jugements, celles qui sont relatives au cas de meurtre, nous y voyons que la poursuite a été faite par la partie lésée. Ce sont les représentants ou les héritiers de la victime qui ont assigné le meurtrier au tribunal et se sont portés accusateurs.

Nous lisons dans une formule d'Anjou qu'un homme a accusé devant le tribunal du comte et de ses assesseurs une femme qui a fait mourir son père par maléfice. Un plaid a été fixé ; l'homme est venu, la femme accusée n'y est pas venue ; le comte ne prononce aucun jugement, n'ordonne aucune poursuite. On se contente de remettre à l'accusateur une lettre constatant la noncomparution de l'adversaire[28]. Huit autres formules, appartenant aux recueils les plus divers, marquent le même fait. Dans deux d'entre elles c'est la personne volée qui a assigné son voleur[29] ; dans trois, c'est le fils, le père, les parents de la victime qui ont porté l'accusation[30] ; dans une autre, ce sont ses parents et amis[31] ; dans les deux dernières, la victime du meurtre étant un esclave ou un homme en dépendance, c'est le maître qui a poursuivi[32].

La Loi salique, sous une forme différente, est d'accord avec ces formules. On y voit, en effet, que pour chaque crime le coupable est condamné à payer une somme d'argent à la famille de la victime[33]. Cela implique que, sauf quelques cas exceptionnels, c'est cette famille qui a mené la poursuite et a été partie aux débats. Même au tribunal du roi, nous ne voyons pas qu'il y ait un magistrat chargé de poursuivre les crimes ; l'accusation est portée par un simple particulier[34].

Quelques récits du temps nous font saisir clairement cette pratique. Un certain Injuriosus a assassiné deux juifs et deux chrétiens qui étaient ses créanciers. Il n'est poursuivi ni par le comte ni par le roi. Ce sont les parents des victimes qui prennent l'affaire en main ; les deux parlies comparaissent au tribunal ; mais le tribunal ne peut arriver à démêler la vérité. Les deux parties alors posent leur plaid au tribunal du roi, c'est-à-dire s'engagent à y comparaître. Au jour convenu, Injuriosus comparaît seul et les parents des victimes font défaut. Alors, personne ne se portant accusateur, le roi ni personne ne poursuivant le crime, Injuriosus revient libre chez lui[35].

Des voleurs s'étaient introduits dans l'église de Saint-Martin et avaient dérobé des objets sacrés. Le roi Chilpéric, dès qu'il eut connaissance du sacrilège, ordonna d'arrêter les malfaiteurs et de les amener à son tribunal. Mais l'évêque de Tours, craignant qu'il ne les condamnât, à mort, lui demanda de ne pas juger les coupables, puisqu'il ne les accusait pas, lui évêque, à qui le droit de poursuite appartenait en cette affaire. Le roi accueillit celle singulière réclamation du prélat et relâcha les coupables[36]. On voit dans ce curieux récit un roi franc qui voudrait que l'autorité publique jugeât les crimes, et un évêque gallo-romain qui soutient que la poursuite des crimes n'appartient qu'à la partie lésée.

Voici une autre affaire. Austrégisile a tué plusieurs hommes ; le comte de Tours ne le fait pas arrêter. Sichaire tue à son tour Auslrégisile ; le comte reste encore inactif, et c'est l'évêque qui offre son arbitrage. Après une troisième série de meurtres, le comte se décide enfin à poursuivre l'affaire et à appeler les parties devant lui[37]. Ainsi le comte a pu à son gré poursuivre ou s'abstenir.

Comment expliquerons-nous ces faits si changeants, si arbitraires, si contradictoires ? Dirons-nous que cela lient à la différence des races ? Poserons-nous ce principe absolu que la poursuite par l'autorité publique est romaine et que la poursuite par la famille de la victime est franque ? Mais cela serait démenti par nos documents. Nous venons de voir en effet que la poursuite par l'autorité publique est dans les décrets des rois francs, dans quelques articles de la Loi salique, et dans des récits qui concernent indistinctement les deux races. De même nous avons trouvé la poursuite par la partie lésée dans les formules toutes romaines du recueil d'Anjou aussi bien que dans le Formulaire de Sens et dans celui de Merkel ; et nous l'avons trouvée aussi dans des récits où il s'agissait de Romains, comme Injuriosus, aussi bien que dans des procès où les parties pouvaient être de race franque, comme Auslrégisile ou Chramnisinde. Il est impossible de prouver que le principe de la poursuite par la partie intéressée appartînt plutôt à la race franque, puisque nous le voyons soutenu par un évêque romain, et appliqué à des Romains aussi bien qu'à des Francs.

Ce n'est donc pas la distinction des races qui est la cause de cette diversité dans les règles de procédure. La vraie distinction qu'il faut faire est celle du droit strict et de la pratique, plus souple et plus accommodante que le droit. En principe, le représentant de l'autorité publique doit poursuivre les crimes ; son diplôme de nomination le lui ordonne, elles édits des rois le lui répètent formellement. En pratique, il les poursuit rarement, soit que ses autres occupations ou sa paresse l'en empêchent, soit que l'opinion publique et l'épiscopat lui-même l'en détournent. La prédominance du système de la poursuite par la partie intéressée est un fait indéniable ; peut-être en trouverons-nous l'explication dans d'autres faits que nous observerons tout à l'heure.

 

2° MODES D'ENQUÊTE ; LES ÉPREUVES JUDICIAIRES.

 

Il n'existait pas de tribunaux pour les hommes de race franque et d'autres tribunaux pour ceux de race romaine. Tous se rendaient également au mallus du comte, au tribunal du roi, ou devant les évêques. Les juridictions variaient, mais ce n'était pas suivant les races qu'elles variaient.

Quelques érudits ont pensé que le chef du tribunal changeait ses assesseurs suivant que les plaideurs ou les inculpés étaient de l'une ou de l'autre race ; les assesseurs auraient été des curiales si les hommes en cause étaient des Romains, des rachimbourgs s'ils étaient des Francs[38]. C'est là une pure hypothèse ; les documents ne montrent rien de pareil.

Si nous regardons les dix-neuf procès-verbaux de jugements du tribunal du roi, nous ne trouvons dans aucun d'eux l'indication de la loi suivant laquelle on a jugé. Même remarque sur les quarante et une formules de jugements. Il n'y est jamais dit si les plaideurs ont été jugés d'après la loi romaine ou d'après l'une des lois franques. Le tribunal a prononcé sa sentence sans dire en vertu de quelle législation il la prononçait. On n'y mentionne jamais la race, ni du juge, ni des assesseurs, ni du plaignant, ni du défendeur. Les écrivains nous donnent quatorze récits de jugements assez circonstanciés ; dans aucun d'eux ils n'indiquent ni la loi suivant laquelle on a jugé, ni la race à laquelle les plaideurs appartenaient. On pouvait se faire représenter en justice par procureur ; nous avons des formules de procuration[39] ; pas plus que les actes de jugement, elles n'indiquent la race des personnes ni la législation observée.

Il ne paraît pas que la procédure ait beaucoup varié d'un tribunal à un autre. Prenez les formules de Tours qui sont romaines, les formules d'Anjou qui semblent bien l'être aussi, ou celles des recueils de Bignon et de Merkel qui paraissent être franques et saliques, vous ne verrez aucune différence sensible. Même mode d'enquête, même jugement, mêmes pénalités.

Les tribunaux jugent, d'abord, sur preuves écrites et dépositions de témoins. C'est sur pièces écrites que le tribunal du roi a prononcé dans presque tous les procès-verbaux qui nous sont parvenus[40]. La Loi ripuaire parle de plaideurs qui apportent au jugement des actes écrits[41]. Elle veut qu'il soit fait, autant que possible, des actes constatant la vente d'un immeuble, l'affranchissement d'un esclave, la donation[42]. C'est visiblement que ces actes étaient présentés en justice dans les procès relatifs à la propriété des biens ou à l'ingénuité des personnes. La Loi salique, code fort incomplet comme on sait, omet ces deux sortes de procès ; cela suffit à expliquer qu'elle n'ait pas à parler de pièces écrites. Les recueils de formules montrent combien ces pièces écrites étaient en usage ; on faisait rédiger des actes pour la vente, pour l'échange, pour le partage de succession, pour l'affranchissement, et c'était assurément pour les exhiber en justice au besoin. On faisait écrire aussi des attestations de jugement, des constats de serment, des actes de composition, ou des lettres de sécurité pour s'en servir en cas de nouvelle assignation[43]. Chaque maison avait ses instrumenta cartarum, nous dirions son portefeuille, qui contenaient les papiers constatant ventes, achats, donations, échanges, constitutions de dot, obligations, conventions, sécurités et jugements[44]. Il existait même, en cas d'incendie ou de vol de ces papiers, une procédure admise pour les reconstituer[45].

Quant à l'enquête par témoins, nous la trouvons partout. Dans la Loi salique, les témoins viennent au tribunal et affirment avec serment qu'ils savent ce qui s'est passé, ou qu'ils étaient présents, ou encore qu'ils ont eu connaissance de tel héritage et que le bien en litige appartient légitimement au plaideur[46]. De même, dans la Loi ripuaire, les témoins sont appelés en justice et doivent, après avoir prêté serment, dire ce qu'ils savent[47]. Le plaignant prouve son droit par témoins ; c'est par témoins, d'après cette même loi, qu'un plaideur est convaincu de son tort et perd son procès[48]. Les témoins ne sont pas convoqués par le juge : ils le sont par les plaideurs ; ils ne peuvent d'ailleurs se dispenser de venir au jour où ils sont mandés, sous peine d'amende[49]. Une amende frappe aussi le refus de témoigner et à plus forte raison le faux témoignage[50].

Mais les pièces écrites et les témoins pouvaient manquer, ou être insuffisants à démontrer la vérité. Si nous faisons attention que ces juges n'étaient pas des magistrats de profession, qu'ils pouvaient ignorer les lois, qu'ils étaient inhabiles aux recherches judiciaires, que d'ailleurs ils n'étaient là qu'en passant et avaient d'autres occupations, nous comprendrons qu'ils n'eussent ni le temps ni l'aptitude nécessaire pour faire des instructions minutieuses. Si la vérité ne se montrait pas tout de suite à leur esprit, ils avaient recours à Dieu. Dieu la savait, il devait donc la manifester. Le moyen employé pour demander à Dieu son jugement était de soumettre la partie en cause à une épreuve qui, dépassant, l'ordre ordinaire de la nature, eût un caractère presque miraculeux.

L'épreuve que nous voyons surtout usitée dans la Loi salique est celle qui consistait à plonger la main dans l'eau bouillante ou à saisir avec la main un fer rougi au feu[51]. Nous lisons dans cette loi que les rachimbourgs peuvent décider qu'un homme aura ou à aller à l'eau bouillante ou à payer la composition[52] : cela signifie que les juges, n'étant pas fixés sur la culpabilité, décident que le prévenu se justifiera par l'épreuve[53] ou qu'il portera la peine de la faute commise. Il y est dit encore qu'un homme accusé d'un meurtre devra, pour prouver qu'il n'est pas coupable, mettre la main à l'eau bouillante[54]. Il faut entendre qu'il ne sera innocent qu'autant qu'il retirera sa main sans brûlure. L'homme libre qui est accusé de vol subit l'épreuve, et si sa main est brûlée, il porte la peine de tout ce dont on l'accuse ; ainsi s'exprime un roi mérovingien dans un capitulaire[55]. Voici un homme qui accuse les témoins de son adversaire de faux témoignage : comment juger qui a raison ? L'accusateur est mis à l'épreuve ; si sa main reste sans brûlure, la preuve de son bon droit est établie, les témoins ont été incontestablement faux témoins et chacun d'eux doit porter l'amende de 15 solidi pour faux témoignage. Mais si sa main est brûlée, c'est son accusation qui était fausse, et c'est lui qui est condamné à l'amende[56]. La Loi ripuaire est d'accord avec la Loi salique. Si un esclave a commis un délit, son innocence ou sa culpabilité est démontrée par l'épreuve, et si sa main est brûlée, l'esclave étant déclaré coupable, son maître paye le prix du délit[57]. La même loi montre un homme libre qui est forcé, à défaut d'autre moyen, de se justifier par l'épreuve[58].

L'épreuve était redoutable, et l'on sent bien que peu d'hommes osaient l'affronter. Aussi la loi permettait-elle de s'en racheter. L'accusé avait la faculté de racheter sa main pour une somme proportionnée au prix auquel était évalué le délit ou le crime dont on l'accusait[59].

Ces pratiques, dont on ne saisit pas l'origine, paraissent être venues de l'ancienne Germanie. L'idée qui s'y attachait est bien visible. Les hommes croyaient que Dieu, pour sauver l'innocent, faisait toujours un miracle et garantissait sa main de toute brûlure. L'Église chrétienne ne repoussa ni cette idée ni cette pratique, et nous trouverons, un peu plus tard, les formules par lesquelles le prêtre chrétien bénira l'eau bouillante et invoquera le jugement de Dieu[60].

Il y avait aussi l'épreuve qu'on appelait la croix. On ne la rencontre pas dans la première partie de l'époque mérovingienne ; elle n'est signalée dans aucune des deux lois franques ni dans les décrets des rois ; elle est décrite dans une formule, dont on ignore la date ; Charlemagne dans un diplôme de 775, parle d'elle comme d'un usage ancien.

Il est vraisemblable que l'épreuve par l'eau bouillante était germanique et païenne ; l'épreuve par la croix est certainement chrétienne. Elle consistait en ceci : Lorsque les juges n'avaient pu discerner de quel côté était le bon droit, ils décidaient que les deux parties seraient soumises à l'épreuve de la croix. Au jour convenu, les deux hommes entraient dans l'église et se plaçaient vis-àvis de l'autel les bras étendus. Ils devaient persister dans cette attitude, formant la croix, pendant toute la durée d'une longue messe. Le premier des deux à qui la fatigue faisait tomber les bras, perdait son procès. C'est que l'on croyait que Dieu lui avait refusé la force de subir l'épreuve jusqu'au bout ; Dieu l'avait condamné.

De là des jugements comme celui-ci : Deux hommes ont comparu devant le vicaire du comte au sujet d'une terre que chacun d'eux disait être sienne. Il fut jugé qu'ils devraient, dans quarante-deux jours, se placer debout en croix pour le jugement de Dieu[61]. C'est ce qu'ils ont fait. Le défendeur a eu le dessous à la croix. En conséquence il devra, outre l'amende, remettre la terre en la possession du demandeur, qui la possédera à perpétuité et héréditairement[62].

Le diplôme de 775, qui allègue une longue coutume, montre bien le caractère religieux de l'épreuve ; le roi déclare que, siégeant en son tribunal pour juger un procès, les pièces écrites ont fait défaut ou n'ont pas suffi pour porter la lumière dans son esprit ; il recourt donc aux divins mystères, et il ordonne que les deux hommes aillent à la croix, et se tiennent debout, pour que Dieu donne son jugement[63].

 

3° LE SERMENT JUDICIAIRE.

 

Un autre moyen que les hommes imaginèrent pour forcer la vérité à se révéler, fut le serment. Ce serment est mentionné dans la Loi salique, dans la Loi ripuaire, dans la Loi des Burgundes, dans les édits des rois, chez les écrivains comme Grégoire de Tours, enfin dans un grand nombre de formules[64]. Il n'est donc pas douteux qu'il ait été fort en usage durant toute cette époque et dans toutes les parties de la monarchie franque.

Il en faut chercher la nature et la signification. La première chose qui frappe les yeux est que l'homme qui prête serment n'est presque jamais seul ; il est ordinairement accompagné d'hommes que les lois appellent juratores, conjuratores, et que nous appellerons des cojureurs. Leur nombre varie suivant la nature du délit ou du crime qui est reproché à l'inculpé. Plusieurs érudits modernes se sont représenté ces cojureurs comme venant au jugement avec l'accusé, l'appuyant de leur présence, et répondant en quelque sorte de son honorabilité devant le tribunal. Cette théorie n'est pas tout à fait conforme aux documents. Pour nous faire une idée exacte du serment, tel qu'il fut pratiqué à l'époque mérovingienne, il est nécessaire de passer tous les textes en revue et de nous les mettre sous les yeux.

Commençons par les lois, sans nous attendre pourtant à y trouver une définition précise du serment. Ces lois franques, qui procèdent toujours par l'énoncé aussi bref que possible de ce qu'il y a à faire dans chaque cas, ne définissent rien. Elles parlent du serment comme d'une chose parfaitement connue dont elles n'ont pas à expliquer la nature.

Nous lisons dans la Loi salique : Si un Romain est accusé d'avoir dépouillé un Franc, et qu'il n'y ait pas preuve certaine, ce Romain se dégagera de l'accusalion par vingt-cinq jureurs ; s'il ne peut trouver de jureurs, qu'il aille à l'épreuve de l'eau bouillante ou qu'il paye le prix du délit[65]. De même, celui qui est accusé d'avoir enlevé un homme libre et de l'avoir vendu comme esclave, si la preuve certaine n'est pas faite, devra fournir autant de jureurs que pour un homme tué[66]. Ces derniers mots donnent à entendre qu'il y avait un chiffre de jureurs déterminé pour le meurtre ; mais la Loi salique, si incomplète, a omis de donner ce chiffre. Ailleurs, la loi parle encore de vingt-cinq jureurs pour le cas de vol avec effraction[67], et de douze jureurs pour attester qu'un homme ne possède ni sur terre ni sous terre assez de biens pour payer une amende[68]. Un meurtre a-t-il été commis sans que l'auteur soit découvert, les voisins doivent se justifier par soixante-cinq jureurs déclarant que ce n'est pas eux qui ont commis le crime[69].

De ces passages nous pouvons déjà conclure, 1° que le serment n'a lieu que quand les preuves certaines ont fait défaut ; 2° qu'il consiste, non pas à assister vaguement un inculpé, mais à énoncer une vérité, à affirmer ou à nier un fait précis ; 3° que l'accusé qui l'a prêté avec le nombre voulu de cojureurs est dès lors déchargé de l'accusation, se exsolvit, se exuit ; 4° que ce moyen de justification est accordé aux Romains aussi bien qu'aux Francs.

Il est vrai que la Loi salique ne nous apprend pas en quel endroit ni de quelle façon ce serment est prononcé. Elle ne dit pas qu'il le soit au tribunal. Elle fait entendre qu'il ne vient qu'après une première procédure où les juges ont cherché des preuves certaines et ne les ont pas trouvées. C'est après que le tribunal a déclaré que la preuve manque, que l'accusé devra chercher et trouver, s'il peut, ses cojureurs. Cela implique que le serment a lieu plusieurs jours après la séance du tribunal. Cela montre surtout que les cojureurs ne sont pas venus à l'avance au tribunal, entourant l'inculpé, et pesant sur le jugement. Le premier jugement et le serment sont deux choses distinctes et qui n'ont pas lieu en même temps. Celte vérité, que la Loi salique ne fait qu'indiquer, apparaîtra clairement clans d'autres textes.

La Loi ripuaire est un peu plus explicite. Tandis que la Loi salique n'est guère qu'un tarif de compositions, la Loi ripuaire présente une double série de chiffres ; elle est à la fois un tarif des sommes à payer et des cojureurs à fournir. Pour un coup porté à un homme libre, l'inculpé payera 18 solidi, ou, s'il nie, il jurera avec six autres[70]. Puis, dans tous ses articles, la loi met en regard le nombre de solidi et le nombre de juratores[71]. Toujours les deux chiffres sont proportionnés l'un à l'autre. Pour le plus faible délit, comme un vol de bois, trois jureurs suffisent. Ordinairement il en faut six. Si la somme à laquelle le délit prouvé donnerait lieu est plus élevée, il en faut douze. Et à mesure que la somme monte, le nombre des jureurs monte aussi jusqu'à 56 et à 72[72].

Prenons, par exemple, l'assassinat d'une femme. La loi fait ici toute sorte de distinctions, suivant la condition sociale de la victime et même suivant son âge. Etaitelle de condition libre, et d'âge à avoir des enfants, la somme à payer sera de 600 solidi et le nombre des jureurs de 72 ; si elle était trop jeune pour avoir des enfants ou si elle avait passé l'âge d'en avoir, la somme se réduisait à 200 solidi et il ne fallait plus que douze jureurs. Pour une femme en dépendance, serve du roi ou de l'Église, la somme était de 300 solidi et le nombre des jureurs de 56, si elle était en âge d'avoir des enfants ; les deux chiffres s'abaissaient si elle avait passé quarante ans[73].

Le serment a d'ailleurs dans la Loi ripuaire le même caractère que dans la Loi salique. Il a pour objet de nier ou d'affirmer la réalité d'un fait. S'il s'agit d'un crime, l'accusé jurera qu'il ne l'a pas commis[74]. Mais le serment n'est pas seulement un moyen de justification : il appartient à l'accusateur aussi bien qu'à l'accusé. Un homme peut en arrêter un autre et jurer avec six ou avec douze cojureurs que réellement cet homme a commis un vol[75]. Dans l'un et l'autre cas le serment a la même valeur, c'est-à-dire la valeur d'une preuve irréfutable. L'accusé contre lequel l'accusateur a fait le serment est aussitôt reconnu coupable[76].

Ce serinent n'est pas seulement usité en matière criminelle, il l'est aussi bien en matière civile. La Loi ripuaire montre qu'il est pratiqué dans les procès relatifs à l'héritage, c'est-à-dire pour prouver les droits à une succession, et dans les procès relatifs à l'ingénuité, c'est-à-dire pour prouver qu'un homme est né libre ou qu'il est né esclave[77]. Une lettre doit-elle être montrée en justice, c'est par le serment qu'on prouvera qu'elle est authentique[78].

En un mot, le serment est pour ces hommes un moyen de. faire éclater la vérité. Notons toutefois que les jureurs ne sont pas la même chose que les témoins. La différence entre eux est bien marquée dans un article de cette loi ; dans un procès relatif à la propriété, l'homme qui n'a pas pu amener de témoins au tribunal, pourra revendiquer son bien par un serment avec six jureurs[79]. Je note une. autre différence : toutes les fois que les lois franques parlent des témoins, elles disent qu'ils sont appelés au tribunal, et elles emploient les mots mallati ou manniti. Elles n'emploient jamais ces mois à propos des cojureurs. On assigne des témoins, on n'assigne pas des jureurs. C'est au tribunal que se font les témoignages ; rien ne nous dit que ce soit au tribunal que se font les serments.

Le rédacteur de la Loi ripuaire a pris soin d'indiquer en plusieurs passages quel était le lieu où le serment devait être prononcé. Par malheur, le terme par lequel il a désigné ce lieu, est inintelligible pour nous. C'est l'expression jurare in haraho : mot inconnu, dont on ne saura jamais le sens, par la raison qu'il n'est nulle part ailleurs que dans la Loi ripuaire, et que celle loi ne le définit pas, ne l'accompagne même d'aucune épithète qui en détermine la signification. Ce qui est bien certain, c'est que in haraho désigne autre chose que le tribunal ; en effet, le tribunal est toujours appelé dans ce code mallus ou judicium ; si le législateur avait voulu dire qu'on prêterait le serment au tribunal, il aurait dit in mallo ou in judicio ; s'il se sert d'une autre expression, c'est apparemment qu'il s'agit d'autre chose[80]. Notez que l'expression est répétée sept fois, que pas une fois elle ne s'applique à un jugement, que toutes les fois elle s'applique à un serment. Jurare in haraho forme comme une seule expression indivisible. Il y a donc quelque rapport essentiel entre le serment et ce que la loi appelle harahum[81]. Notez encore un détail : la loi dit que le serment prononcé in haraho doit l'être devant témoins[82]. Il est clair qu'elle n'aurait pas besoin de dire cela s'il était prononcé au tribunal, en présence des juges et du public. Si elle exige des témoins, c'est précisément pour que ces témoins viennent plus tard affirmer au tribunal qu'il a été procédé au serment suivant toutes les règles.

Enfin il se trouve dans le même code deux autres passages où le législateur s'est expliqué en un langage plus clair pour nous. Dans l'un il dit expressément : in ecclesia conjuret[83]. L'autre vise le cas où la partie adverse s'oppose au serment ; elle doit éloigner de l'autel la main du jureur ou encore lui fermer l'entrée de l'église[84]. Voilà qui est précis ; c'est dans une église que les serments sont prononcés.

La Loi des Burgundes a été rédigée avant la Loi ripuaire, à une époque où les Burgundes étaient déjà chrétiens, mais ne vivaient que depuis peu de temps dans l'empire. Rien de plus clair que son titre sur le serment : Si un homme libre est accusé d'un délit, Burgunde ou Romain, il fera le serment ; qu'avec douze jureurs, qui soient sa femme, son fils, son père et sa mère, et ses plus proches parents, il remplisse ce serment ; mais la partie adverse peut s'opposer au serment avant qu'il entre dans l'église[85]. Nous reconnaissons dans ce passage, d'abord que le serment n'est permis qu'aux personnes libres[86], puis, qu'il est permis aussi bien aux Romains qu'aux Germains, ensuite, que les cojureurs doivent appartenir autant que possible à la famille du jurant — ce qui n'est pourtant pas une règle absolue —, enfin, que ce serment est prononcé dans une église, et non pas au tribunal.

Les Codes des Alamans et des Bavarois, qui sont à peu près de même date et de même origine que la Loi ripuaire, et qui sont de source franque, parlent aussi du serinent. On y voit que la procédure du serment se passe dans l'église, ou sur un autel, tout au moins sur une châsse contenant des reliques[87]. La loi faussement attribuée aux Francs Chamaves dit aussi qu'on jure sur les corps saints[88].

Prenons maintenant les formules d'actes judiciaires, en commençant par celles qui paraissent être les plus anciennes. En voici une du recueil d'Anjou. Il s'agit d'un jugement prononcé par un tribunal d'abbé ; le débat porte sur une question d'ingénuité ou de servitude : Un tel a comparu devant le vénérable abbé et les autres hommes vénérables ou magnifiques qui étaient avec lui ; il assignait un tel comme étant son esclave. Celui-ci a nié. Alors l'abbé et ses assesseurs ont décidé que cet homme fera serment avec douze autres, lui treizième, dans la basilique de tel saint, et jurera qu'il n'a jamais été esclave. S'il peut le faire, il sera reconnu homme libre ; sinon, il devra se soumettre à ce qu'on exige de lui[89]. On remarquera ici que le juge est un ecclésiastique, c'est-à-dire un homme qui suit la loi romaine, que le jugement a lieu dans la ville d'Angers[90], que les assesseurs sont en partie des ecclésiastiques, viri venerabiles, en partie les principaux habitants de la ville, viri magnifici[91], que le demandeur semble bien être Romain et que le défendeur l'est certainement ; car on ne supposera pas qu'un guerrier franc pût être revendiqué en servitude. C'est au milieu de tels plaideurs et de tels juges que nous trouvons la pratique du serment avec les cojureurs.

Dans une autre affaire, il s'agit de meurtre, et la juridiction est celle du comte. Un tel et son frère, dans la ville d'Angers, ont comparu devant le comte et les autres rachimbourgs qui siégeaient avec lui ; ils assignaient un tel comme ayant tué leurs parents. Celui-ci a nié. Alors les juges ont décidé par jugement que, dans quatorze jours, aux calendes de tel mois, avec douze autres, lui treizième, dans la principale église de la ville, il jurera qu'il n'est ni auteur du meurtre ni complice. S'il peut faire cela, il sera toute sa vie quille de cette accusation ; s'il ne le peut, il amendera suivant la loi[92]. Voilà deux jugements, rendus l'un par le comte, l'autre par l'abbé, l'un en matière civile, l'autre en matière criminelle ; ils sont pourtant identiques. Deux choses surtout s'en dégagent bien : l'une, que le serment a lieu dans une église ; l'autre, qu'il est postérieur de plusieurs jours au jugement.

Le recueil de Tours, recueil si visiblement romain, contient une formule de jugement sur une question d'héritage : Un tel a comparu devant vénérable homme (suit le nom d'un ecclésiastique) et ses assesseurs ; il avait assigné tel autre homme, disant que celui-ci retenait sans droit son héritage. Mais celui-ci a répondu que ce bien lui appartenait, lui ayant été laissé par son père. Alors les juges ont décidé que le défendeur, à tel jour, avec tel nombre de jureurs, dans la basilique de tel saint, jurerait qu'il tenait cet héritage de son père[93]. Voici maintenant dans le même recueil une affaire criminelle : Il a été jugé que l'inculpé, dans quarante jours, avec trente-six jureurs qui aient vu et connu les faits, jurerait, dans telle église désignée, qu'il était en état de légitime défense lorsqu'il avait tué la victime[94]. Le serment était pratiqué devant la justice du roi comme dans toutes les autres juridictions. Marculfe nous a laissé la formule d'un jugement rendu par le roi ou en son nom ; on reprochait à un inculpé d'avoir volé un esclave et quelques objets mobiliers ; il fut jugé que l'inculpé, avec trois jureurs d'une part et trois jureurs de l'autre, lui septième, dans notre palais, sur la chape de saint Martin où se font tous les serments, jurerait qu'il n'a pas commis le vol. S'il peut le faire, il sera quitte de cette accusation[95]. Nous possédons, en effet, un diplôme de Thierry III, de l'année 679, où le roi, constatant qu'un certain Amalgaire, ayant avec ses cojureurs rempli le serment auquel un jugement l'avait obligé, lui donne définitivement gain de cause[96].

Les ecclésiastiques pratiquaient ou ordonnaient le serment aussi bien que les laïques. Nous avons vu dans plusieurs formules d'Anjou le serment prescrit par un abbé. Nous voyons ailleurs un évêque, constitué pour juge entre deux abbés dans un procès relatif à une somme d'argent, juger que l'un d'eux fera le serment avec trois cojureurs[97].

Le formulaire de Sens, les recueils qui portent les noms de Bignon et de Merkel, paraissent être d'origine franque, à la différence des formulaires d'Anjou et de Tours dont nous parlions tout à l'heure. On y trouve le même serment, et avec les mêmes formes. Dans le mallus, le comte et ses assesseurs ont jugé que tel homme devait prêter serment, la main sur l'autel, avec douze autres jureurs, dans quarante-deux jours[98]. Voici un homme qui est réclamé comme colon d'une église et qui se prétend de naissance libre : Il prêtera serment, dans quarante jours, en telle église où se prononcent les serments, avec douze jureurs qui soient de sa famille, ou bien, s'il n'a plus de parents, avec douze jureurs qui soient hommes libres comme il dit l'être[99]. Dans les formules de Merkel[100], que les érudits appellent formules saliques parce que la Loi salique y est quelquefois citée, nous voyons le tribunal juger que tel homme, avec douze autres de sa condition sociale, jurera dans l'église de tel saint, la main posée sur l'autel. Nous possédons ainsi dix-huit formules d'arrêts judiciaires qui prescrivent un serment. Ces dix-huit formules, bien qu'elles appartiennent à des recueils divers et de provinces différentes, se ressemblent pourtant sur ce point. Dans toutes, le serment est ordonné par les juges. Il vient à la suite d'un véritable jugement. Écartons donc cette opinion superficielle d'après laquelle les cojureurs seraient amenés à l'avance par l'accusé pour lui faire cortège devant les juges. Il n'y a serment que si les juges l'ont ordonné. Ce sont les juges qui fixent le jour, le lieu où il y sera procédé, le nombre des co-jureurs. Rien n'est laissé à l'arbitraire de la partie en cause.

A la suite des formules qui ordonnent le serinent, nous avons celles qui en constatent l'exécution, et qui en décrivent avec précision la procédure. Elles sont toutes rédigées, à quelques mots près, de la même manière. Attestation de serment. Tel jour, dans la ville d'Angers, tel homme est entré dans l'église, conformément au jugement antérieurement prononcé, avec douze jureurs, lui treizième, et il a dit : Par ce lieu saint et par la protection de tous les saints dont les reliques sont ici, je jure que je n'ai pas tué ni fait tuer cet homme dont on m'impute la mort. Ont signé l'acte tous ceux qui étaient présents et qui ont entendu le serment[101]. A la suite d'un procès relatif à une propriété, nous lisons : Est fait savoir comment et en présence de qui Un tel est entré dans la basilique de tel saint où se font les serments, et posant la main sur l'autel a dit : Je jure par ce lieu saint, par Dieu Très-Haut, par la puissance du saint ici présent, que la terre que tel homme réclame contre moi est mon bien par droit ; et les témoins de l'acte ont signé[102]. Ou bien encore : L'homme est entré avec ses jureurs dans la basilique et, la main posée sur l'autel, il a juré ce que l'arrêt des juges lui avait ordonné de jurer[103].

A côté des dix formules de constatation de serment, il y en a quelques-unes qui constatent un refus. La partie en cause n'avait pas osé jurer ou n'avait pas trouvé de cojureurs et ne s'était pas présentée dans l'église au jour indiqué. Il était donné acte de cela à la partie adverse. L'acte était conçu en ces termes : Est fait savoir que, le juge et les rachimbourgs ayant jugé qu'Un tel prêterait serment avec douze jureurs, dans telle basilique, à tel jour fixé, cet homme n'est pas venu, et n'a envoyé personne à sa place ; en foi de quoi la présente lettre à été écrite[104].

Ces deux séries d'actes s'expliquent bien. La sentence des juges avait prononcé une alternative : ou cet homme fera le serment, ou il portera telle peine. L'acte de prestation du serment lui donnait gain de cause de plein droit ; l'acte de refus le condamnait. Il n'était pas besoin pour cela d'un nouveau jugement. La première sentence, au jour fixé pour le serment, devenait définitive dans un sens ou dans l'autre. C'est pour celle raison que le serment devait être prononcé en un lieu public, devant des témoins, et qu'il fallait en faire un acte écrit. La règle ordinaire paraît avoir été qu'il fût prononcé devant le même comte et les mêmes assesseurs qui avaient jugé précédemment[105]. Quelquefois c'était le comte lui-même et ses hommes qui signaient l'acte de serment ou l'acte de refus[106]. De là vient que l'on choisissait ordinairement pour le serment un jour d'audience du tribunal, afin que les juges pussent aisément se transporter dans l'église voisine[107]. Entre le jugement et le serment il devait s'écouler un intervalle que les juges fixaient, et qui était ordinairement de sept, de quatorze, de quarante ou de quarante-deux jours[108].

Le choix des cojureurs n'était pas abandonné complètement à la fantaisie de la partie en cause. Il eût été trop commode de se procurer qui l'on eût voulu. Quelquefois la loi disait qu'ils devaient être les parents les plus proches de l'inculpé[109] ; en ce cas le serment avait pour objet d'engager, non l'individu seul, mais la famille entière, et cela se rapportait visiblement aux vieilles idées que tous les anciens peuples s'étaient faites de la famille et que les Germains avaient gardées plus longtemps que les autres[110]. Cette règle était surtout observée dans les procès où il s'agissait de savoir si un homme était né libre ou esclave[111] ; cela s'explique : comme l'esclave ne pouvait pas prêter serment, si douze hommes de la famille du défendeur étaient admis à jurer, c'est qu'ils étaient libres, et cela démontrait que leur parent aussi était né dans l'état de liberté.

Le plus souvent il suffisait que les cojureurs fussent de la même condition sociale que l'inculpé, ou, comme on disait, ses semblables[112]. Quelquefois on exigeait qu'ils fussent de bonne renommée[113]. Tantôt on se contentait de demander qu'ils fussent des voisins, appartenant au même canton, domiciliés auprès de celui qui devait faire le serment[114]. Tantôt on voulait qu'ils eussent vu les faits de leurs yeux, qu'ils connussent l'affaire sur laquelle portait le débat[115]. C'est que les cojureurs n'étaient pas seulement des assistants et des témoins ; ils s'engageaient, eux aussi, par le même serment. Dans la même église, sur les mêmes reliques, en invoquant le même saint, ils juraient que le premier jureur avait dit la vérité et que son serment était vrai et bon[116].

Aussi n'était-il pas très facile de trouver des co-jureurs, c'est-à-dire des hommes qui consentissent à s'engager par un serment si solennel et si sacré. C'est pour cette raison que la loi accordait pour les chercher un délai qui pouvait aller jusqu'à quarante-deux jours. C'est pour cela encore que la loi suppose si souvent que l'inculpé ne pourra pas trouver de jureurs[117]. C'est pour cela enfin que les recueils de formules en contenaient une pour le cas, assez fréquent sans doute, où l'homme condamné au serment était dans l'impossibilité de le remplir[118].

Tous ces détails nous donnent une idée exacte de ce qu'était le serment. Ce n'était pas précisément un acte judiciaire ; c'était plutôt un acte religieux, mais qui faisait foi en justice et qui entraînait de plein droit la justification ou la condamnation.

Cela ne ressemblait pas à notre serment d'aujourd'hui, lequel n'est qu'une affirmation quelque peu solennelle et qui se fait sur l'honneur et la conscience individuelle de chacun. C'était le serment tel que les peuples anciens le comprenaient, c'est-à-dire la prise à partie de la Divinité, l'appel à Dieu et à ses saints réputés présents, pour qu'ils fussent de moitié dans l'affirmation. On ne se jouait pas de telles puissances. Il fallait être bien sûr de soi et bien sûr des faits pour invoquer un saint à l'appui d'un serinent. Mais aussi, si le saint acceptait ce serment, s'il n'empêchait pas par quelque moyen les hommes de le prononcer, il en devenait le garant ; il prenait sur soi l'affirmation du jureur. Dès lors on ne concevait pas que cette affirmation pût être fausse, et nul n'osait la contester. Les juges n'avaient plus rien à dire après un tel serment.

Celui qui voudrait chercher l'origine du serment religieux devrait remonter très haut. Il a appartenu à tous les anciens peuples, à toutes les anciennes religions. Les Romains, les Grecs le pratiquaient[119]. Nous n'avons pas besoin que Tacite l'ait signalé dans l'ancienne Germanie pour penser qu'il y était usité.

Ce qui paraît, à première vue, particulier aux Germains, c'est l'usage des cojureurs. Mais les textes cités plus haut nous ont bien fait voir que cet usage ne modifiait en rien le caractère et l'essence du serment. Il ne faisait que le fortifier, le multiplier, afin d'en assurer la sincérité. Le prévenu avait un tel intérêt dans l'affaire qu'il pouvait bien être tenté d'invoquer Dieu à faux ; aussi le législateur et les juges exigeaient-ils que d'autres hommes fussent à côté de lui pour partager ses risques devant Dieu et les saints. Il n'était pas aisé à un coupable de trouver douze hommes qui consentissent à commettre un sacrilège.

Avant l'adoption du christianisme, il est clair que le serment religieux était païen. On pense bien que les Germains ne le prêtaient pas dans un temple, puisqu'ils n'avaient pas de temples, ni sur des reliques, puisqu'ils n'avaient pas de reliques. Ils le prononçaient, paraît-il, sur des épées[120] ; mais il faut bien entendre que ces épées avaient été préalablement consacrées à la Divinité[121]. Ces épées représentaient pour eux le dieu invoqué dans le serment[122]. Avec le christianisme, le serment religieux devint un serment chrétien. Je crois voir dans une formule un indice de cette transition : un homme accusé d'un meurtre se disculpe d'abord avec douze cojureurs, lui treizième, en jurant sur la main et sur l'arme du juge, et il est déclaré absous ; puis, le tribunal ou les parties s'étant ravisées, on exige de lui le même serment dans une église[123]. C'est cette sorte de serment, la main sur l'autel ou sur des reliques, qui fut pratiqué durant toute l'époque mérovingienne.

L'idée que les hommes y attachaient apparaît clairement chez les écrivains du temps. Ils croyaient que le saint sur le corps duquel on jurait ne se prêterait pas à un sacrilège, et qu'il se chargerait lui-même de punir le parjure en le frappant de mort. Au temps du roi Théodebert, en Austrasie, un prêtre et un Franc étaient en procès ; le juge ne discernait pas la vérité : il ordonna au prêtre de faire le serment sur le tombeau où reposait saint Maximin. Le prêtre, posant la main sur le tombeau sacré, dit : Que je sois écrasé par la puissance de ce saint, si je mens ! Or il mentait. A peine fut-il sorti de l'église, qu'il chancela, tomba à terre et mourut[124]. Voilà une histoire qu'on raconta à Grégoire de Tours et que tous ses contemporains crurent vraie. Et Grégoire ajoute : C'est que si un homme ose proférer un faux serment, la vengeance divine le frappe sans retard[125]. — Un jour un homme accusé de crimes se sentait coupable ; il voulut pourtant affronter le serment : J'irai, dit-il avec assurance, dans la basilique de saint Martin, je me justifierai par serment et me rendrai innocent. Mais au moment où il entrait dans l'église, il se sentit comme frappé au cœur, par le saint apparemment, et tout troublé il avoua son crime[126]. — Un autre était accusé d'avoir mis le feu à une maison. J'irai dans l'église de saint Martin, dit-il, et je me justifierai par le serment. Prends garde, lui dit l'évêque, que Dieu et ses saints ne se vengent d'un parjure. Et lui, à peine eut-il achevé son serment, qu'il lui sembla que des flammes l'enveloppaient, et il tomba mort[127].

Un habitant de Tours, nommé Pélagius, avait commis beaucoup de vols et plusieurs meurtres. L'évêque le suspendit de la communion : peine sévère alors pour les plus criminels. Pélagius voulut affirmer son innocence par un serment avec douze cojureurs. Il accomplit ce serment, et l'évêque se trouva obligé de le recevoir à la communion. Mais comme il avait commis un parjure, il mourut dans l'année, et ainsi se manifesta la puissance du saint dans la basilique duquel il avait prononcé un faux serment[128].

Grégoire de Tours lui-même fut un jour obligé de se soumettre à cette procédure. Il était accusé d'avoir dit du mal de Frédégonde, crime de lèse-majesté. Le roi exigea qu'après avoir dit la messe sur trois autels, il se justifiât par serment. L'évêque s'y résolut. Or il place à cet endroit de son récit un détail significatif : le jour du serment venu, la reine Rigonthe, qui était bienveillante pour lui, jeûna et pria avec tous ses serviteurs, afin que le serment réussît. C'est donc que l'épreuve était jugée redoutable, même pour un innocent, même pour un évêque. Le serment fut accompli suivant les règles, fut rempli, et les prêtres vinrent triomphalement l'annoncer au roi. Aussitôt l'accusation tomba, et ce fut au roi à se justifier à son tour, tant un tel serment avait d'efficacité[129].

Un autre écrivain décrit la procédure du serment au tribunal du roi. Le procès portait sur un domaine qu'un laïque possédait et qu'un abbé réclamait pour son couvent. Le roi jugea d'abord que, si l'abbé pouvait jurer dans le lieu saint que la terre était à lui, elle lui serait restituée. L'abbé, qui n'osait peut-être pas se soumettre à cette épreuve, demanda que le serment fût plutôt prononcé par le laïque. Le tribunal royal y consentit, et décida qu'avec un certain nombre de cojureurs le laïque ferait le serment, c'est-à-dire jurerait que le domaine lui appartenait de plein droit. L'abbé demanda, affectant de craindre que tant d'âmes ne fussent frappées par l'effet d'un parjure, qu'on supprimât les cojureurs, et il l'obtint. Alors le laïque entra dans l'église de Saint-Eloi et s'approcha du tombeau du saint, jugeant chose légère de jurer, la main posée sur cet objet sacré ; au milieu même de l'énoncé de son serment, un tremblement le prit, il tomba à la renverse et se brisa la tête[130]. — De tels récits caractérisent bien une institution et montrent comment les hommes la comprenaient.

Voici un autre récit du même hagiographe. Un vol avait été commis, dont on accusait deux hommes, le père et le fils ; chacun des deux se disait innocent et rejetait le crime, le père sur son fils, le fils sur son père. Les juges étaient le comte de la ville de Noyon et l'évêque. La vérité ne ressortait pas des débats. L'évêque dit au comte : Nous ne pouvons discerner la vérité ; remettons-nous-en au jugement de saint Éloi, dont le tombeau est près d'ici. Et, conduisant les deux accusés au tombeau du saint, ils dirent : C'est à toi, saint Eloi, que nous remettons le jugement. Puis ils attendirent, comptant bien que par ce serment ils sauraient le jugement de Dieu. En effet, à peine le fils eut-il commencé à proférer les paroles du serment, qu'il tomba à terre et mourut. C'était lui le coupable, incontestablement[131].

Ainsi le serment était une façon de jugement de Dieu. C'était le saint, c'était Dieu lui-même qui prononçait. Sans doute il n'acceptait que le serment de l'innocent ; il rejetait celui du coupable et le frappait. Aussi fallaitil que le serment fût proféré à l'endroit où Dieu était particulièrement présent, dans son église, là surtout où il y avait le corps d'un saint, la main sur l'autel où étaient contenues les reliques. On pouvait aussi jurer sur une châsse, mais à condition que les reliques y fussent. Si la châsse était vide, le serment était nul, et le parjure en ce cas était permisse saint n'avait pas à punir, puisqu'il n'avait pas été corporellement présent[132].

Ces conceptions de l'esprit et ces pratiques judiciaires ont rempli toute la période mérovingienne. Les lois, les formules de jugements, les récits des écrivains, tous les documents sont d'accord pour montrer qu'elles furent communes aux ecclésiastiques et aux laïques, aux Romains et aux Francs.

Nul ne pouvait être obligé malgré lui à faire le serment. Comme cette épreuve engageait l'âme, il est visible que celui à qui les juges la prescrivaient pouvait se refuser à la subir. Mais ce qui est plus curieux, c'est que l'autre partie elle-même pouvait déclarer qu'elle n'acceptait pas le serment ; sur cette seule interdiction, le serment n'avait pas lieu. Grégoire raconte qu'un meurtrier offrait de se rendre innocent par serment ; mais les parents des victimes n'y consentirent pas[133]. La Loi ripuaire parle d'un procès sur une question de propriété ; il s'agit de savoir si un acte constatant la vente est authentique ou faux ; une des parties doit en établir l'authenticité par le serment, mais l'autre peut s'opposer au serment et écarter de l'autel la main du jureur[134]. Quand le serment était ainsi rejeté, les deux parties devaient comparaître au tribunal du roi ou se soumettre à une autre épreuve dont nous allons parler.

 

4° LE COMBAT JUDICIAIRE.

 

Le serment était une forme du jugement de Dieu ; le combat ou duel en était une autre. Par le combat les juges discernaient le bon droit, parce que Dieu luimême, intervenant dans ce combat, leur manifestait le coupable.

Il est assez curieux que la Loi salique ne parle jamais du combat. Elle ne connaît que deux procédures, celle qu'elle appelle probatio certa, c'est-à-dire la preuve par témoins ou par pièces écrites, et l'épreuve judiciaire, qu'elle ne connaît que sous deux formes, l'eau bouillante et le serment. Elle paraît ignorer tout à fait le duel judiciaire. Ce ne peut être ici une pure omission ; car en plusieurs passages elle énumère avec quelque soin tous les modes de justification qu'elle accorde à l'inculpé ou au défendeur, et le combat n'y est jamais compris. Nous ne le trouvons pas davantage dans les capitulaires que nous avons des rois mérovingiens.

La loi des Burgundes est le premier document où le combat judiciaire soit mentionné. Il faut observer de quelle façon il se présente. Quand un homme doit jurer, si son adversaire veut lui enlever le serment, il faut le faire avant qu'il entre dans l'église ; ceux que les juges avaient désignés pour entendre le serment, doivent déclarer qu'ils ne l'accepteront pas et empêcher qu'il ne soit prononcé ; alors les deux parties seront amenées à notre tribunal pour être livrées au jugement de Dieu[135]. Plus loin le législateur s'explique plus clairement encore : Comme il est venu à notre connaissance qu'il se fait beaucoup de faux serments, nous voulons supprimer cette habitude criminelle, et nous décrétons par la présente loi que si celle des deux parties à laquelle on a offert le serment refuse de l'accepter et préfère convaincre son adversaire par les armes, le combat sera autorisé. En ce cas, l'un des cojureurs sera tenu de combattre dans ce jugement de Dieu ; car, puisqu'il prétendait savoir la vérité et l'affirmer par serment, il ne doit pas craindre de la défendre par le combat[136]. Si la partie qui devait prêter serment est vaincue, ses cojureurs payeront une amende de 500 solidi ; si c'est l'autre partie qui est tuée, le vainqueur prendra sur ses biens neuf fois la somme qui lui était due[137] ; nous prescrivons cela pour que les hommes préfèrent la vérité au parjure[138]. L'auteur de cette loi est Gondebaud, et il la date du consulat d'Aviénus, c'est-à-dire de l'année 501[139].

Il semblerait, d'après ces passages, que le combat eût été institué chez les Burgundes à cette date précise de 501, et qu'au lieu d'être une vieille institution populaire il fût une création du roi. Ce qui est plus sûr, d'après ces mêmes articles de loi, c'est que le combat prenait la place du serment. La même idée religieuse s'attachait d'ailleurs à l'un et à l'autre ; le combat, lui aussi, était un jugement de Dieu ; on combattra, dit la loi, Deo judicante.

La Loi ripuaire, écrite un siècle plus tard, ne parle du combat qu'incidemment, comme d'une pratique beaucoup moins usitée que le serment. L'homme qui refuse de se présenter au tribunal après plusieurs sommations devra comparaître devant le roi pour se défendre par les armes contre son adversaire[140]. L'homme qui nie l'authenticité d'une charte peut empêcher le possesseur de cette charte d'en établir la validité par le serment, et en ce cas l'un et l'autre doivent se présenter devant le roi pour combattre[141]. Dans les procès en matière d'héritage ou d'ingénuité, c'est le serment qui est présenté comme la preuve qui donne gain de cause ; la loi admet pourtant, en dehors du serment, un recours aux armes devant le roi[142].

Il est à remarquer que dans la Loi ripuaire, comme dans la Loi des Rurgundes, le duel n'a pas lieu en un endroit quelconque, au choix des parties. Il n'a lieu que devant un tribunal, et non pas même au simple mallus du comte, mais seulement au tribunal du roi. Cela marque le caractère essentiellement judiciaire de ce combat ; cela implique aussi qu'au temps où fut rédigée la Loi ripuaire, il n'était pas d'un usage très fréquent.

Il n'est pas douteux qu'il n'ait été pratiqué au sixième siècle ; mais les exemples que nous en avons et que nous allons citer donnent à penser qu'il était plutôt usité chez les grands que dans la population. Grégoire de Tours décrit une scène qui se passe entre l'ambassadeur du roi d'Austrasie et le roi Gontran ; le roi reproche à l'ambassadeur d'avoir appuyé la révolte de Gondovald. Je suis innocent de cela, réplique l'Austrasien, et si un de tes grands me reproche ce crime, remets la question au jugement de Dieu ; Dieu nous verra combattre et nous jugera[143]. Une autre fois, un délit de chasse ayant été commis, Chundo, l'un des grands du palais, est traduit en jugement devant le roi. Il nie. Le roi ordonne par jugement le combat. Chundo donne un champion qui combat à sa place, en présence du roi, et qui est tué. Sur cela, le roi est convaincu de la culpabilité de Chundo, qu'il aimait pourtant, et il le fait mettre à mort[144].

Un passage de Frédégaire montre cette pratique au septième siècle. Un Franc dit à son roi : Veux-tu savoir la vérité ? Ordonne à deux hommes de s'armer et de combattre : par ce combat, tu connaîtras le jugement de Dieu[145]. Un hagiographe raconte qu'au sujet d'une charte fausse, le roi, voulant trouver le coupable, ordonna le combat, afin que l'auteur dé la fraude fût révélé par le jugement de Dieu[146].

De ces textes de lois et de ces récits des écrivains nous pouvons conclure avec certitude, 1° que le duel n'était pas une guerre privée, qu'il ne ressemblait en rien à une lutte entre deux familles ou entre deux individus se poursuivant à leur gré ; 2° qu'il était un acte judiciaire ordonné par le juge, c'est-à-dire par le roi, et accompli en sa présence ; 5° qu'il était considéré non comme un simple combat, mais comme une épreuve ; qu'une idée religieuse s'y attachait ; que Dieu y intervenait directement, que c'était Dieu qui donnait la victoire à l'un ou à l'autre, que Dieu était trop juste pour donner la victoire au coupable ; que par conséquent il manifestait visiblement de quel côté était le bon droit. C'est pour cette raison que les juges, assistant au combat, n'avaient aucun scrupule à donner gain de cause au vainqueur et à punir sans pitié le vaincu. Comme l'épreuve par l'eau bouillante, comme le serment, le combat avec ses rites était le jugement de Dieu.

Nous n'avons pas à apprécier au nom de la morale toute cette procédure ; nous n'avons pas à chercher d'après notre raison moderne si elle était raisonnable ni si elle donnait des garanties suffisantes au bon droit. L'historien ne doit chercher que le caractère vrai des faits anciens et les idées qui s'y rattachaient ; il ne peut que constater ici que toute cette procédure se trouvait d'accord avec les croyances et les habitudes des hommes[147].

 

5° LA PÉNALITÉ.

 

Que la peine de mort et les autres peines corporelles aient été appliquées en justice dans l'État Franc, c'est ce qui est marqué par des documents nombreux et clairs : nous avons d'abord une série d'actes législatifs de plusieurs sortes ; nous avons ensuite une série de faits qui sont rapportés par les écrivains du temps.

De la première génération après Clovis, il nous est parvenu un capitulaire en dix-huit articles, qui est consacré au droit criminel[148]. On y lit : Nous décrétons que pour quiconque sera convaincu de vol à main armée, il y aura peine de mort[149]. Et un peu plus loin : Le brigand... sera privé de la vie[150]. Et encore : Le voleur dans la maison duquel l'objet volé sera trouvé, rachètera le crime de sa vie[151]. A la génération suivante, un décret de Chilpéric, sans dire formellement que l'autorité publique appliquera la peine de mort, déclare que le criminel sera mis hors la loi et qu'on pourra le tuer impunément[152]. L'édit de Childebert II est plus explicite. Il punit de mort le rapt et ordonne à ses comtes de tuer le ravisseur[153]. Il prononce la même peine contre l'homicide, parce que l'homme qui a su tuer doit savoir mourir[154]. Même le vol est frappé de mort[155]. Le devoir du fonctionnaire royal est de rechercher le malfaiteur, de l'arrêter à son domicile, de le pendre[156].

La Loi salique prête à un singulier malentendu. Comme elle est surtout un tarif de compositions, ceux qui ne lisent qu'elle, et qui la lisent comme si elle était le seul document historique du temps, sont amenés à penser que la composition était la seule pénalité de celle époque. Mais il faut faire attention que la Loi salique n'est pas un code complet. Elle est fort loin de contenir la législation tout entière. De ce qu'elle ne parle presque que des compositions, on n'est pas en droit de conclure qu'il n'existât pas, à côté des compositions, des peines corporelles, et surtout la peine de mort. Il y a plus. Si on la lit avec un peu de soin, on s'aperçoit que la peine de mort y est plusieurs fois indiquée, surtout dans les plus anciens textes. Le manuscrit de Paris 4404 et celui de Leyde contiennent un article qui punit de mort ceux qui ont facilité le rapt d'une jeune fille, morte damnentur[157]. Un autre article laisse bien voir que la peine de mort par pendaison est appliquée, puisqu'il punit celui qui aura, sans permission du comte, enlevé un corps de la fourche ou de l'arbre où il a été pendu[158]. Un manuscrit contient une disposition par laquelle l'auteur d'un méfait ne doit plus habiter parmi les hommes[159]. Un autre marque la peine de mort pour celui qui a arrêté un homme et l'a fait condamner injustement[160]. D'autres textes disent qu'il y a des crimes pour lesquels on doit mourir[161]. Enfin deux articles, qui sont dans tous les manuscrits, signalent la mise hors la loi avec confiscation de tous les biens ; et cette peine, qui est prononcée en cas de contumace, ressemble assez à la peine de mort, puisque la loi ajoute que nul ne pourra recevoir le coupable chez soi ni lui donner à manger[162].

Ce ne sont jusqu'ici que de légers indices[163] ; mais voici qui est beaucoup plus clair. Il est dit au titre 58 que, si un coupable qui a été condamné à payer la composition, ne possède pas assez de biens pour la payer tout entière, alors il composera de sa vie, c'est-à-dire sera mis à mort[164]. Or nous devons faire attention que la composition pour homicide était, suivant la condition de la victime, de 200, de 600, de 1800 solidi ; le meurtre d'une femme variait aussi entre 200, 500, 600, 700 solidi. Et comme ces solidi étaient des sous d'or, valant chacun 40 deniers d'argent, on peut calculer que les sommes valaient, en notre langage actuel, 25.000 francs, 75.000 et même 225.000. Il est clair que le plus grand nombre des assassins n'avaient pas une telle fortune. Supposons qu'une loi moderne déclare qu'un meurtrier payera 60.000 francs ou sera puni de mort ; on peut être sûr que la composition pécuniaire sera le cas le plus rare, et la mort le cas le plus fréquent. Nous devons bien entendre que, dans chacun des articles de la Loi salique où le chiffre de la composition est si élevé, la peine de mort est sous-entendue. Le rédacteur de cette loi, quel qu'il soit et à quelque époque qu'il appartienne, a visé surtout à établir les chiffres des compositions ; mais il n'a pas pour cela supprimé la peine de mort ; il l'a laissée sous chacun de ces chiffres.

Entre les édits des rois qui punissent de mort expressément l'homicide et même le vol, et la Loi salique qui prononce pour les mêmes crimes une somme d'argent à payer, il n'y a pas contradiction. Dans les uns nous voyons un côté de la vérité, dans l'autre nous voyons l'autre côté. Ces édits royaux et la Loi salique ont été également appliqués durant toute l'époque mérovingienne. Aussi les trouve-t-on dans les mêmes manuscrits, à la suite les uns des autres, dans ces libri legales que chaque génération écrivit à l'usage des juges, des praticiens et des plaideurs. Ils se conciliaient aisément, parce que la peine de mort et la composition étaient concurremment prononcés par les tribunaux.

Dans le code qui a été écrit par le roi des Burgundes et à l'usage de cette nation bien voisine encore de la Germanie, c'est la peine de mort qui prévaut. Elle est prononcée contre le meurtre[165], contre le rapt, contre l'adultère, contre le brigandage à main armée[166], contre le vol avec effraction, contre le vol de chevaux[167] ; et tout cela sans nulle distinction de race : le Burgunde est frappé de mort comme le Romain[168], et le meurtre d'un marchand romain est autant puni que celui d'un Burgunde[169].

Je ne puis pas dire que ce soit l'Église chrétienne qui ait inspiré ces dispositions au législateur burgunde, à Gondebaud, d'abord parce que le clergé catholique et romain avait peu d'influence sur un prince arien, ensuite parce que l'Eglise chrétienne, comme nous le verrons tout à l'heure, était très hostile à la peine de mort ; loin de l'introduire dans les codes, elle travaillait à la faire disparaître. Il est donc inexact de soutenir, ainsi qu'on l'a fait, que c'est l'inspiration romaine et chrétienne qui a introduit la peine de mort dans le Code des Burgundes.

La Loi ripuaire ne parle pas plus de la peine de mort que la Loi salique. Elle ne s'occupe que du chiffre des compositions et du chiffre des co-jureurs. Mais de ce que les rédacteurs de la loi n'ont en vue que ces deux objets, il ne suit pas qu'ils nient l'existence de la peine de mort. Non seulement ils se trouvent obligés de la signaler quand il s'agit de crimes commis envers le roi[170], mais encore ils y font allusion, presque sans y penser, quand ils disent que la loi ne confisque pas les biens du criminel qui aura été pendu au tribunal du roi ou même pendu à toute autre potence, et que ses biens se transmettent à ses héritiers[171]. Voilà donc un coupable qui avait des biens, qui aurait pu payer la composition, et pourtant le tribunal du roi ou le tribunal du comte l'a condamné à être pendu. La peine de mort existe donc, bien que la Loi ripuaire n'en parle que par rares échappées.

Nos formules judiciaires ne traitent pas de la peine de mort ; et la raison de cela se voit bien. La peine de mort ne donnait lieu à aucun acte écrit, au lieu que chaque composition nécessitait la rédaction d'un acte appelé securitas. C'est pourquoi nous avons tant de formules sur la composition et nous n'en avons pas une qui soit relative à la peine de mort. Mais voici une securitas qui y fait une allusion fort claire. Elle appartient au formulaire de Marculfe, c'est-à-dire du pays de Paris. Le représentant de la victime, s'adressant au meurtrier, commence ainsi : Tu as tué mon frère, et pour cela tu pouvais être mis à mort[172] ; mais les personnages soussignés sont intervenus pour que tu ne le fusses pas, et ils nous ont fait entrer en arrangement 2[173]. Il y a donc des jugements où la peine de mort n'a pas été prononcée et où il est pourtant reconnu qu'elle pouvait l'être, qu'elle l'aurait été sans une intervention qui s'est produite, et qu'elle était légale.

Passons maintenant aux faits et à la pratique. Les écrivains du temps, chroniqueurs où hagiographes, ne ressemblent pas à des historiens de profession qui diraient les choses d'une manière abstraite et générale ; ce sont des conteurs. Ils se plaisent à raconter les plus menus faits et à les décrire ; or ce sont ces détails mêmes qui nous éclairent le plus. Nous y lisons maintes fois que le tribunal du roi et les tribunaux des comtes prononcent la peine de mort.

Nous avons vu, par exemple, qu'un grand personnage nommé Chundo fut mis à mort par ordre du roi Gontran pour simple délit de chasse : et cela, par jugement régulier, en public, à la vue d'un grand nombre de Francs, sans qu'il s'élevât aucune protestation. Voici un autre récit également significatif. L'action se passe en Austrasie. Deux grands du palais, Sunnégisile et Gallomagnus, sont accusés ; on les recherche pour les arrêter ; ils se réfugient dans une église. Or la religion interdisait de faire sortir un criminel de l'asile sacré, autrement qu'en lui faisant grâce de la vie. Le roi se rend lui-même à l'église et dit aux deux hommes : Sortez de ce lieu et venez au tribunal, afin que nous jugions de la vérité des faits qui vous sont imputés. Vous aurez la vie sauve, quand même vous seriez reconnus coupables, parce que nous sommes chrétiens et qu'il est contraire à la religion de punir ceux qui se sont réfugiés dans une église[174]. Voilà un langage qui prouve manifestement que le roi peut frapper de mort un criminel ; s'il ne le fait pas ici, c'est uniquement parce que les deux coupables se sont réfugiés dans une église ; c'est parce qu'il est chrétien qu'il ne prononcera pas la mort. Les deux accusés sortent de leur asile et se présentent au tribunal du roi, qui les interroge lui-même. Dès qu'ils devinent que la sentence leur sera contraire, ils regagnent l'église, apparemment pour être plus sûrs que le roi tiendra la promesse qu'il leur a faite de la vie. Le roi ne les condamne en effet qu'à la confiscation des biens et à l'emprisonnement[175].

Ailleurs, deux Francs d'une grande famille, les deux fils de Waddo, ayant commis plusieurs meurtres, comparurent au tribunal du roi. Dès que leur culpabilité fut prouvée, le roi les fit charger de chaînes. Le tribunal condamna l'aîné à la mort, l'autre à l'emprisonnement[176]. Notons que ces hommes avaient de grandes richesses ; ils étaient en état de payer les sommes que la Loi salique marque pour le meurtre[177] ; il ne fut pourtant pas question de composition.

Grégoire de Tours raconte encore l'histoire de Chramnisinde qui, ayant tué Sichaire, court dans une église où se trouve le roi, et, se jetant à ses pieds, lui dit : Je te supplie que tu me fasses grâce de la vie, ô glorieux roi ; celui que j'ai tué avait tué mes parents[178]. Ce langage signifie-t-il autre chose sinon que le meurtrier est exposé à la peine de mort si le roi ne consent à lui accorder la vie ? Le tribunal du roi fit grâce, en effet, mais ce fut à la condition que Chramnisinde prouverait que le meurtre avait été commis dans le cas de légitime défense[179]. Voilà donc encore un jugement où la peine de mort pouvait être prononcée, et si les juges ne la prononcèrent pas, ce fut en alléguant des circonstances atténuantes qui auraient entouré le meurtre. Les biens de Chramnisinde furent d'ailleurs confisqués.

Tout cela donne à penser que les condamnations à mort n'étaient pas rares au tribunal du roi. L'auteur contemporain qui a écrit la Vie de sainte Radegonde, dit que chaque fois qu'un criminel était condamné à mort par le roi, ainsi qu'il arrive souvent, la bonne sainte implorait sa grâce[180].

Au siècle suivant, Frédégaire et les hagiographes signalent des condamnations à mort prononcées par le roi en jugement[181]. L'auteur de la Vie d'Eligius dit que ce personnage s'était imposé pour tâche de donner la sépulture à tous ceux que la sévérité du roi avait condamnés au gibet[182] ; et l'on peut noter que dans ce passage il s'agit particulièrement de l'Austrasie[183]. L'auteur de la Vie de saint Arnulf parle d'un criminel nommé Noddo ; il fut arrêté, et le glaive royal mit fin à ses crimes et à sa vie[184].

Il y a quelques raisons de douter que les tribunaux des comtes fussent aussi sévères. Mais il est certain qu'ils prononçaient parfois des condamnations à mort. Grégoire de Tours nous montre un comte qui condamne un coupable à la prison et aux fers[185] ; un autre qui fait conduire un criminel au gibet[186]. Voici un homme qui a volé un cheval ; le comte de la cité de Vermandois prononce contre lui un arrêt de mort[187]. Un homme a tué un autre homme ; le comte de la cité de Lyon fait arrêter le meurtrier, et dit : Il est digne de mort celui qui a tué[188]. Il n'est presque pas de Vies de saints de cette époque où l'on ne voie le saint implorer la grâce des condamnés à mort. L'auteur de la Vie de Columban nous montre dans la ville de Besançon une prison pleine de condamnés qui attendent le jour du supplice[189]. Eligius, ayant obtenu du roi l'autorisation d'ensevelir les suppliciés, ne distinguait pas entre ceux qui l'avaient été par la sévérité du roi et ceux qui l'avaient été par le jugement des comtes ; et il allait par les villes et les villages, partout où se dressaient les potences, les roues, les instruments de supplice[190].

En présence de tant de faits, il faut, admettre que la peine de mort, par le glaive, par le gibet ou par la roue, et la peine de l'emprisonnement ont été fréquemment et légalement appliquées par les tribunaux de l'époque mérovingienne, et aussi bien à l'égard d'hommes de race franque qu'à l'égard de Romains. L'usage de la composition, que nous allons étudier, n'excluait pas la pénalité[191].

 

6° LA COMPOSITION.

 

Nous arrivons maintenant à la composition ; c'est une pratique qui étonne d'abord les esprits modernes et que nous devons essayer de comprendre comme ces anciennes générations la comprenaient. On a bientôt fait de dire : la composition est la façon germanique de punir un crime, c'est une amende, une peine pécuniaire. Les opinions hâtives risquent fort d'être superficielles et même inexactes. Il faut chercher la nature de la composition, non par des raisonnements et par l'imagination, mais par l'analyse de tous les textes où il est parlé d'elle et par l'observation de toutes les circonstances dont on la trouve entourée. C'est ainsi seulement que l'on a quelque chance d'en apercevoir les caractères précis. Le sujet, d'ailleurs, ne semble facile qu'à ceux qui ne l'ont pas beaucoup étudié.

Si nous regardons d'abord la Loi salique, la composition s'y présente sous cette forme concise et abstraite : Celui qui a tué un homme libre sera jugé à huit mille deniers d'argent, qui font deux cents solidi[192]. A ne voir que des articles comme celui-ci, on dirait qu'il s'agit uniformément d'une peine encourue pour un crime commis. Quelques remarques modifient cette première idée. Nous voyons, par exemple, que la composition est prononcée là où il n'existe ni crime ni délit. Si un animal domestique a causé mort d'homme, le maître de l'animal devra payer la moitié de la composition et donner l'animal pour l'autre moitié[193]. Il est visible ici que la composition n'est pas une peine,' mais une indemnité. C'est le premier caractère de la composition.

Il y a une autre remarque à faire. Quand il arrive au rédacteur de la Loi salique de prononcer une peine corporelle, comme la mort ou la perte d'un membre, elle ajoute aussitôt qu'il est permis de se racheter de cette peine. Que le coupable reçoive cent vingt coups sur son dos ou qu'il rachète son dos par trois pièces d'or[194]. Et plus loin : Qu'il soit châtré ou qu'il paye six solidi[195]. Ailleurs : Le coupable perdra la vie, ou bien il se rachètera suivant le prix qu'il vaut[196]. Que le coupable se rachète ou qu'il compose de sa vie[197]. Ailleurs encore : Qu'il rachète sa main pour six solidi[198]. De même dans la Loi ripuaire, l'homme qui a écrit une charte fausse et que la loi punit de la perte du pouce droit, peut racheter son pouce au prix de cinquante solidi[199].

Le condamné à mort peut se racheter lui-même ; il peut aussi être racheté par ses parents ; il peut l'être même par un étranger[200]. Seulement, celui qui l'a racheté a droit d'en faire son esclave. Il est rédigé alors un acte de servitude, dont nous avons la formule : Comme, à l'instigation du démon et par ma propre faiblesse, je suis tombé en faute grave, d'où j'encourais peine de mort, votre bonté m'a racheté de la mort à laquelle j'étais déjà condamné, et vous avez donné pour, mes crimes de grandes sommes que je ne puis vous rendre ; en conséquence je vous fais abandon de mon état d'homme libre et je me fais votre esclave[201]. Ainsi la composition est un rachat, non pas rachat du crime commis, mais rachat de la peine encourue, non pas rachat de la vie de la victime, mais rachat de la vie du coupable. C'est ainsi que la Loi des Alamans prononce qu'un coupable devra ou se racheter ou perdre la vie[202] ; et la Loi des Frisons dit qu'un coupable sera frappé de mort ou qu'il rachètera sa vie ce qu'elle vaut[203]. Tel est le second caractère de la composition ; elle est, par un côté, le rachat d'une peine.

La somme payée à titre de composition n'est pas remise aux juges ou aux représentants de l'Etat ; elle est remise à la victime, ou à ses parents, ou à ses héritiers. Ceci constitue le troisième trait caractéristique de la composition. Si un homme laissant des enfants a été tué, dit la Loi salique, les fils reçoivent la moitié de la composition, et les autres parents dans les deux lignes se partagent l'autre moitié[204]. Plusieurs autres articles de la loi montrent que les sommes sont payées directement par le coupable à la famille, non pas par l'intermédiaire de l'autorité publique[205]. La composition est donc, par essence, un acte qui se passe plutôt entre deux familles qu'entre l'État et un coupable.

C'est bien ce que signifie le mot qui la désigne. Ce mot est latin. Il signifie un arrangement, un accommodement, un accord. L'idée de peine n'y est pas contenue. Dans toute la langue latine on a dit componere litem pour arranger un procès, transiger, se réconcilier, avec ou sans l'intervention du juge, en tous cas sans un arrêt formel et sans aucune pénalité[206]. Componere, c'est s'entendre, c'est transiger, à l'aide d'une satisfaction donnée à la partie lésée. Componere et satisfacere sont deux termes à peu près synonymes qui vont ensemble[207] ; et en effet nous les trouvons accouplés dans la langue mérovingienne. Dans des actes officiels, la composition se présente sous cette forme : il faut que le coupable compose et satisfasse à l'autre partie[208].

Cet accommodement ou cette composition entre les parties n'est pas une pratique particulière à une époque ou à une race. On la trouve chez tous les peuples anciens[209]. Elle est, non le caractère d'une race, mais le caractère d'un état social, de celui où l'autorité publique n'est pas assez forte pour punir elle-même les crimes. Plus vous approchez de l'anarchie, moins l'État poursuivra les crimes, surtout ceux qui ne l'intéresseront pas directement ; alors de deux choses l'une, ou la famille se vengera elle-même ou bien elle s'accordera avec le meurtrier, et l'on verra se produire ou la guerre privée ou la composition.

C'est ce que Tacite a vu chez les anciens Germains. A cette époque, les institutions de famille étaient plus fortes que les institutions d'État. L'autorité publique poursuivait rarement les crimes. Dès lors la famille se vengeait elle-même, rendait meurtre pour meurtre, ou bien elle s'accordait avec le meurtrier qui lui payait le prix de l'homicide[210]. Ce qui a surtout frappé Tacite, c'est que ce prix était payé à toute la famille en commun. Nous retrouvons encore quelque chose de cette vieille règle dans les lois franques[211].

Les Romains n'ignoraient pas non plus la composition[212] ; seulement, leur législation ne l'autorisait que dans une très faible mesure. On peut voir au titre du Digeste, De pactis, les cas où la partie lésée pouvait s'entendre avec le coupable ; ils se réduisent au vol, au dol, à ce que le droit romain appelle l'injure, et enfin à l'incendie[213]. Ces actes donnent lieu, à des poursuites criminelles ; mais les deux parties ont le droit de s'accorder, soit pour supprimer toute action[214], soit pour substituer une action civile à une action criminelle[215]. Cet accommodement était blâmé quand il se faisait en secret ; mais il pouvait avoir lieu devant le magistrat, sous sa surveillance et avec son assentiment. Il fixait alors le prix à payer par l'auteur du délit[216]. Dans son estimation, il tenait compte du rang social de la partie lésée[217]. Le prix n'était pas le même s'il s'agissait d'un sénateur ou d'un simple citoyen, d'un affranchi ou de son patron, d'un esclave du premier rang ou d'un esclave du dernier rang[218]. Le droit romain n'ignorait donc pas absolument le prix du délit, ni l'estimation de ce prix d'après la valeur sociale de la personne.

La grande différence entre le droit romain et la coutume germanique était que le premier n'autorisait pas la composition en cas de meurtre[219]. La composition ne remplaçait jamais la peine de mort. Tel était du moins l'état légal. Pour la pratique on ne peut rien affirmer. Quiconque étudiera le droit romain avec un esprit vraiment historique, y apercevra souvent l'indice qu'à côté des dispositions légales il existait des pratiques sensiblement différentes, surtout dans les provinces. Rien téméraires sont les juristes qui croient connaître tout le droit romain ; nous n'en connaissons que la lettre ; les actes de la pratique nous manquent : ils ont tous péri[220]. Qu'on se figure un pays aussi grand que la Gaule où il n'y a que les gouverneurs de provinces qui puissent prononcer légalement des arrêts de mort. Penserons-nous que ces dix-sept grands personnages suffisent à là besogne de punir tous les criminels ? Il est vraisemblable que beaucoup de crimes échappaient à ce châtiment de l'autorité publique ; et dans ce cas il est visible qu'il se produisait de deux choses l'une, ou la vengeance des familles ou la composition. Il est vrai que les juridictions municipales poursuivaient les criminels, recevaient les plaintes, faisaient l'instruction ; mais elles ne pouvaient prononcer la peine capitale. C'est ici que je voudrais avoir les actes de jugement, les registres municipaux, les actes de pratique de ces tribunaux inférieurs. Peut-être nous montreraient-ils plus d'une fois ce juge subalterne prononçant un arrangement, puisqu'il ne peut prononcer la mort. Il est possible que la composition, soit en secret, soit avec la connivence des juges, se soit introduite dans les habitudes des hommes longtemps avant de pénétrer dans leurs lois. Un écrivain du cinquième siècle, qui est tout romain et qui n'a fait aucun emprunt aux idées germaniques, Sidoine Apollinaire, fait allusion à la composition comme à un usage fort bien connu de l'ami à qui il écrit et qui est aussi un Romain. Il s'agit du crime de rapt que la loi punit de mort. Il pourrait poursuivre le coupable qui est un affranchi de son ami ; il préfère proposer une composition ou satisfaction[221]. Voilà donc un cas où les deux parties s'entendent, s'accordent, pour écarter la peine de mort. Et la manière même dont Sidoine parle de cette composition donne à penser qu'elle n'était pas très rare[222].

Le système des compositions avait donc ses germes à la fois dans les vieilles coutumes germaniques et dans quelques habitudes romaines.

Il ne faudrait pourtant pas croire que ce système ait prévalu facilement. Ne supposons pas surtout que les rois germains se soient hâtés d'installer dans leurs nouveaux royaumes une pratique chère à leur race. Ce fut le contraire qui arriva. Le Code de Gondebaud, rédigé pour les Burgundes à la fin du cinquième siècle, n'autorise pas la composition pour le meurtre. Il y est dit expressément que le meurtrier ne doit composer qu'avec l'effusion de son sang. La composition pécuniaire n'est admise que pour l'homicide involontaire ; et en ce cas elle n'est pas une peine, elle est une indemnité[223]. Il faut faire attention à la manière dont le législateur burgunde parle de la composition : Il est venu à notre connaissance que les familles font entre elles des compositions en secret à propos de divers crimes ; il en résulte que les crimes ne sont plus jugés suivant les lois, et que les populations se permettent toute sorte de violences. Nous interdisons ces compositions ; si un juge fait des compositions de cette sorte et refuse de juger suivant les termes exprès des lois, nous le condamnerons à l'amende[224]. Ce langage implique formellement que la composition n'est pas conforme à l'ordre légal. Le roi ne parle pas d'elle comme d'une vieille loi qu'il abolirait, il dit qu'elle est contraire aux lois. C'est une simple pratique, et il l'interdit. Il dit encore ailleurs que si un homme a été victime d'un vol et qu'au lieu de s'adresser aux juges il aime mieux composer avec le voleur, il encourra la même peine que ce voleur lui-même[225] ; le juge qui prononcerait une composition entre ces deux hommes serait puni[226]. Le Code des Ostrogoths, que le roi Théodoric a rédigé pour leur usage, n'autorise pas la composition[227]. Si la composition avait été d'ordre légal, on se demande comment le roi Théodoric lui-même aurait été assez hardi pour y substituer de sa propre autorité la peine de mort. Le Code des Wisigoths est du septième siècle ; mais il contient des articles plus anciens, qui sont distingués du reste par le mot antiqua. Or ces articles anciens prononcent la peine de mort, sans parler de composition[228].

Chez les Francs, le premier capitulaire que nous ayons des rois mérovingiens, prononce d'abord la peine de mort en cas de vol, et ce n'est qu'ensuite qu'il permet le rachat[229]. En tout cas, il condamne sévèrement toute composition faite en secret, par les deux parties, sans la présence du juge[230]. Un édit du roi Childebert II d'Austrasie interdit expressément la composition : L'auteur du rapt sera frappé de mort... L'auteur d'un vol perdra la vie.... L'homme qui a su tuer doit apprendre à mourir ; nous ne voulons pas qu'il se rachète, nous ne voulons pas qu'il compose[231]. La prédominance du système des compositions sur le système des pénalités n'était donc pas encore assurée au sixième siècle.

Mais il se produisit alors un événement moral dont les modernes historiens du droit n'ont pas tenu compte : c'est que l'Église chrétienne réprouva la peine de mort. Par cela même elle fut favorable au système des compositions. Voyez les conciles du quatrième et du cinquième siècle ; ils évitent de parler de la peine de mort, au moment même où les lois impériales la prodiguent. Un évêque fut déposé par ses collègues parce qu'il avait contribué à rendre une sentence de mort contre un coupable[232]. Aux yeux de l'Église, un meurtrier est poussé à son crime par le démon ; il est plus malheureux que coupable. Qu'il confesse et fasse pénitence, le crime lui sera pardonné. A un homicide il ne faut pas donner la communion, dit le concile de Tours de 461, jusqu'à ce qu'il se soit lavé de ses crimes par la pénitence[233]. Telle est la pensée de l'Église, au moins pour les crimes de droit commun qui ne la touchent pas elle-même. Elle fait servir son droit d'asile surtout à faire disparaître la peine de mort. Le concile d'Arles de 452 déclare que l'homme qui s'est réfugié dans une église n'en doit sortir qu'avec la promesse d'une intercession, c'est-à-dire d'un arbitrage qui supprime les peines corporelles ; quiconque aura fait subir une peine corporelle à un tel homme, sera l'ennemi de l'Église[234]. Le concile d'Orléans de 511 prononce que les meurtriers, les adultères, les voleurs qui auront cherché un refuge dans une église, n'en pourront être tirés qu'avec la promesse par serment de ne les frapper ni de mort, ni d'aucune peine corporelle ; et il ajoute : Ils devront seulement convenir d'une composition avec la partie lésée[235]. De même pour le crime de rapt ; les lois impériales le punissent de mort ; mais le concile dit que le ravisseur, s'il s'est réfugié dans une église, ne pourra pas être frappé de mort et aura la faculté de se racheter[236]. Tout le système de la composition est dans ces deux articles. Or nous avons les noms des évêques qui les ont formulés ; ce sont des Gallo-Romains, et il est clair qu'ils n'ont pu encore être pénétrés d'idées germaniques[237]. C'est l'esprit chrétien, non l'esprit germanique, qui parle ici. L'épiscopat ne peut songer encore à faire disparaître complètement la peine de mort ; il la supprime au moins dans le cas où, le coupable ayant touché l'église, il a le droit d'intervenir. L'esclave aussi bien que l'homme libre est protégé par lui contre la peine de mort[238].

Les rois burgundes, francs, wisigoths, acceptèrent ce vœu de l'Église et lui donnèrent force de loi. Gondebaud écrivit : Pour tous les crimes où nous avons prononcé que l'homme serait puni de mort, nous voulons que, si le coupable s'est réfugié dans une église, il se rachète pour le prix établi par la partie lésée[239]. Or il ne s'agit pas ici d'un privilège propre aux hommes de race burgunde ; il est accordé à tous les sujets de Gondebaud sans distinction. Aussi le retrouve-t-on dans le code qui fut rédigé à l'usage des Romains en Burgundie[240]. Les rois wisigoths, qui punissent de mort l'homicide, suppriment aussi la peine de mort dans le cas où le coupable s'est réfugié dans une église[241]. Chez les Francs, des dispositions analogues se lisent dans un décret de Clotaire Ier : Que nul n'arrache un criminel d'une église, ainsi que nous en sommes convenus avec les évêques... Si un esclave a cherché refuge dans une église, il ne pourra être rendu à son maître qu'avec son pardon[242]. L'idée chrétienne qui s'attache à la composition est bien marquée dans un jugement rendu par le roi Gondebaud : Aunégilde et Raltamold, dit-il, sont coupables d'un crime qu'ils ne peuvent expier que par la mort ; mais en considération des saints jours de fête où nous sommes, nous permettons que les coupables se rachètent ; seulement, la composition que notre indulgence accorde aujourd'hui, ne devra engager personne à commettre le même crime, car dorénavant ce crime sera toujours puni de la perte de la vie[243]. La même idée est exprimée mieux encore dans le Code des Bavarois : Nul crime n'est tellement grave que la vie ne puisse être accordée au coupable pour la crainte de Dieu et le respect des saints ; car le Seigneur a dit : Celui qui pardonnera, il lui sera pardonné[244].

Cette répugnance de l'Église pour la peine de mort est marquée dans tous les écrits du temps. Il n'est presque pas une Vie de saint qui ne dépeigne un évêque ou un abbé implorant la grâce des condamnés à mort. Il ne s'agissait pas seulement de sauver les innocents ; les prêtres avaient le même zèle pour sauver les coupables. Eligius, dit son biographe, délivrait les prisonniers, aussi bien les coupables que les innocents[245]. — Le saint abbé Eparchius ayant appris qu'un criminel, chargé de plusieurs assassinats, allait être jugé, envoya vers le comte un de ses moines pour obtenir que la vie lui fût conservée[246]. Ils ne se contentaient pas de demander la grâce ; si elle leur était refusée, ils se chargeaient eux-mêmes de délivrer les prisonniers, et chaque fois leur succès passait pour un miracle de Dieu. Ce même Eparchius fit en effet un miracle pour enlever ce meurtrier à la potence. Saint Germain, évêque de Paris, n'obtenant pas du comte la grâce des condamnés, obtint de Dieu qu'un ange vînt briser leurs chaînes et leur ouvrir les portes[247]. L'évêque Albinus ayant entendu les plaintes de plusieurs prisonniers qu'on destinait au supplice, courut vers le comte, et, n'obtenant pas leur délivrance, il brisa la porte de leur cachot par un miracle et les mit en liberté[248]. Saint Columban fit sortir de prison les condamnés à mort qui lui promirent de s'amender et de faire pénitence[249]. L'évêque Nicétius brisa les chaînes de tant de condamnés, que les comtes n'osaient plus prononcer un arrêt de mort[250]. Pareils exemples sont innombrables[251]. On ne peut douter que cette protestation mille fois répétée des évêques et des saints contre la peine de mort n'ait contribué fortement à faire prévaloir le système de la composition.

On peut faire encore deux remarques dont le rapprochement sera significatif. D'une part, les canons de l'Église défendent aux ecclésiastiques de prendre part à des jugements d'où peut résulter la peine de mort ; cela est dit expressément par les conciles du sixième siècle[252]. D'autre part, nous voyons par les actes et les formules, comme par plusieurs récits des écrivains, qu'à la même époque les ecclésiastiques affluaient dans les tribunaux ; l'évêque y siégeait à côté du comte, les viri venerabiles à côté des viri magnifici[253] ; les conciles se plaignent même du trop d'empressement des ecclésiastiques à se mêler aux jugements[254]. De ces deux faits réunis il résulte que les tribunaux où l'élément ecclésiastique prend une part de plus en plus grande, doivent répugner de plus en plus à prononcer la peine de mort.

Habitudes germaniques, pratiques romaines, esprit de l'Église, voilà les trois sources d'où est venue la composition de l'époque mérovingienne. Si elle eût été uniquement germanique, je doute qu'elle eût prévalu, ayant contre elle les rois germains eux-mêmes. Mais il y avait deux autres raisons pour qu'elle l'emportât. Aussi l'histoire montre-t-elle ceci : loin que le système des compositions ait été très vigoureux à l'entrée des barbares et se soit affaibli dans les siècles suivants, la composition fut très contestée au cinquième et au sixième siècle, et grandit ensuite de génération en génération jusqu'au neuvième. C'est sous Charlemagne et Louis le Pieux que le système des compositions aura toute sa vigueur.

Pour bien saisir le détail de cette pratique sous les Mérovingiens, nous devons nous mettre sous les yeux quelques exemples précis, quelques faits réels et vivants. Voici d'abord un récit de Grégoire de Tours ; et ce récit est d'autant plus exact que c'est Grégoire lui-même qui s'est trouvé le principal acteur dans l'affaire. L'évêque de Tours apprend que deux familles de son diocèse sont en querelle ; Si chaire a tué Austrégisile et Ébérulf ; très affligé de cela, nous dépêchâmes un envoyé aux deux familles pour qu'elles comparussent en notre présence[255]. Ce n'est pas à dire que l'évêque allait juger le meurtrier et prononcer la peine légale. Aussi fait-il dire seulement aux deux familles qu'il leur donnera les moyens de retourner chez elles en paix l'une avec l'autre. Il vise donc, non à une peine, mais à un accommodement. Quand les parties sont devant lui, il dit, s'adressant à toutes les deux à la fois : Soyez, je vous en conjure, en paix l'un avec l'autre ; que celui qui a fait le mal compose, avec un esprit de charité, afin que vous soyez des fils pacifiques de l'Église, dignes d'obtenir le royaume de Dieu. Celui de vous qui, comme coupable, est sous le coup de la loi, se rachètera. S'il n'est pas assez riche, voici l'argent de l'Église pour son rachat. Qu'au moins une vie d'homme ne périsse pas[256]. Ce langage où tout est chrétien et où il n'y a pas même une allusion à quelque chose de germanique, nous fait bien voir ce que des hommes du sixième siècle, comme l'évêque Grégoire ou comme Sichaire et Chramnisinde, entendaient par la composition. Ce n'était pas une peine, c'était un accommodement, un accord, une pacification entre les parties. Par cet accord, le coupable se rachetait de la mort[257], et la victime ou sa famille recevait une indemnité. Mais cet accord était volontaire, et ce qui le prouve, c'est que, dans le récit de Grégoire de Tours, Chramnisinde refuse de l'accepter.

Tous les traits essentiels de ce récit de l'historien se retrouvent dans une formule de Marculfe. Ici c'est le plus proche parent de la victime qui parle : Tu as tué mon frère, et pour cela tu pouvais être puni de mort ; mais les prêtres et hauts personnages présents au tribunal ont intercédé pour nous ramener à la concorde, à la condition que tu me payerais tel nombre de pièces d'or ; ce que tu as fait ; en foi de quoi je t'écris la présente lettre[258]. Ailleurs et pour un autre crime que la loi punissait de la peine capitale, le coupable écrit ceci : J'ai commis le crime de rapt pour lequel j'encourais la mort ; mais, par l'intervention des prêtres et des boni hommes, j'ai obtenu la vie, à la condition que je ferais abandon de telle terre qui est ma propriété[259]. Une formule du recueil de Tours est exactement semblable à celle du recueil de Paris et montre aussi que c'est par l'intervention des prêtres et boni homines que le coupable a obtenu la vie avec le droit de composer[260]. Nous lisons dans le Formulaire de Sens : Il était à craindre qu'une grande discorde ne régnât entre un tel et un tel ; ils sont venus en présence des boni homines, et ceux-ci ont jugé que le meurtrier payerait à l'autre le prix de la victime[261].

Cette sorte d'accommodement ou de composition est fort usitée au sixième siècle. Grégoire mentionne un certain Saxon, nommé Childéric, qui, s'étant établi dans le pays de Poitiers, s'y prit de querelle avec un certain Védast et le tua ; il composa sa mort aux fils de Védast[262]. L'un de ces deux homines était Germain, l'autre aussi l'était peut-être ; mais voici des exemples où les hommes qui composent sont de race romaine. Eulalius, qui appartenait à une riche famille d'Arvernie, avait dans sa vie commis plusieurs crimes. L'autorité publique ne l'avait jamais puni ; mais toujours il avait composé. Aussi s'était-il ruiné ; pour ces crimes il avait contracté des dettes nombreuses, jusqu'à engager les bijoux de sa femme[263]. Voilà donc la composition en grand usage dans l'aristocratie toute romaine de l'Arvernie. Un petit détail des mœurs du temps donne à penser que la pratique de la composition n'était pas rare dans les riches familles gallo-romaines ; il était ordinaire que chaque famille possédât ce que nous appellerions ses archives ou son portefeuille, c'est-à-dire la collection de ses actes d'achat, de donation, de jugement, de constitution de dot, d'obligation, de créances, en un mot toutes les pièces concernant et assurant les intérêts de la famille[264] ; or nous voyons que parmi toutes ces catégories de pièces il s'en trouvait une qu'on appelait les actes de composition, chartæ compositionales[265].

Comme la composition était par essence un accord, une transaction, elle n'était pas absolument obligatoire. Il y fallait le consentement des deux parties. Le coupable ne pouvait être contraint à se racheter ; la partie lésée elle-même ne pouvait être obligée à accepter l'accord. Nous avons déjà entrevu cette vérité dans le récit de Grégoire de Tours où Chramnisinde refuse la composition de Sichaire. Elle se voit mieux encore dans la plupart des formules relatives à cet acte ; il est manifeste que l'accord n'a pas été imposé : ce sont les deux parties qui se sont pacifiées[266] ; l'accord est une chose dont elles sont convenues[267]. Le concile de 511 ne dit pas : que le coupable compose ; il dit : que le coupable convienne de la composition avec la partie lésée[268]. La Loi salique et la Loi ripuaire ne disent expressément ni que la composition soit obligatoire, ni qu'elle ne le soit pas ; mais il est dit formellement dans la Loi salique que personne n'est tenu d'obéir au jugement par lequel les rachimbourgs ont prononcé une composition[269]. C'est seulement en vertu de capitulaires de Charlemagne et de Louis le Pieux que la composition est devenue tout à fait obligatoire pour les deux parties[270].

A cet accommodement il fallait mettre le prix. De même qu'en cas de coups et blessures on désintéressait le blessé, de même qu'en cas de meurtre d'esclave on désintéressait le maître, de même, lorsqu'on avait tué un homme libre, il fallait désintéresser la famille. La composition était donc un accord moyennant argent. Le prix de l'accord était déterminé par la valeur que l'homme tué avait eue de son vivant ; et c'est par ce point que la composition se rapprochait du wergeld, quoiqu'elle ne fût pas la même chose[271]. Pour blessure faite à un homme libre, on payait la moitié, le tiers ou le quart du prix qu'avait cet homme. Pour le meurtre d'un esclave, on payait son prix suivant la profession que cet esclave exerçait ou suivant son talent, 30 solidi s'il n'était que laboureur, 45 s'il était charpentier, et plus encore s'il était orfèvre[272]. Si la victime était un homme libre, la famille réclamait un prix plus élevé ; et ce prix variait suivant le rang qu'il avait eu. Le principe était qu'il fallait payer l'homme[273].

Ce ne sont pas des philosophes qui ont imaginé toutes ces règles ; je ne pense même pas que ce soient des jurisconsultes. Le principe et presque toutes les règles de la composition me paraissent être l'œuvre directe de la population, c'est-à-dire des hommes agissant suivant leurs idées moyennes et leurs instincts naturels. Or leurs idées moyennes leur disaient que l'accord devait se faire sur la valeur qu'avait eue la victime. Ils sentaient d'instinct que, les conditions sociales étant fort inégales, le meurtre de l'homme libre était un préjudice plus grand que celui de l'affranchi, que celui de l'esclave. Pour la même raison, le meurtre d'un optimate, d'un grand du roi, d'un homme de la truste royale, d'un convive du roi, était d'un prix bien plus élevé que celui d'un simple homme libre[274]. C'est encore pour cette raison que ces hommes taxèrent le prix du meurtre de la femme suivant son âge ; celle qui avait passé quarante ans avait visiblement pour eux une moindre valeur que celle qui pouvait encore donner des enfants[275].

Le prix de la composition pouvait s'élever aussi suivant les circonstances aggravantes du crime, par exemple si le meurtre avait été commis à l'armée, ou encore si l'assassin avait essayé de dissimuler son crime en jetant sa victime dans un puits. Dès que l'Église put agir sur les lois, elle y inséra des chiffres élevés en faveur des ecclésiastiques, suivant leur rang.

Ces tarifs furent-ils établis à l'origine par l'autorité publique ? Nos textes sont en contradiction sur ce point. Les deux Lois franques présentent des tarifs fixes ; les formules de jugement montrent l'absence de tout tarif.

Dans ces formules le chiffre de la composition est toujours laissé en blanc[276], parce qu'il n'y avait pas de chiffres déterminés d'avance. L'acte réel portait le chiffre sur lequel les deux parties étaient tombées d'accord. Souvent, en effet, il est écrit dans l'acte que les deux parties sont convenues du prix ; ou bien, la partie qui l'a reçu, écrit que ce prix lui a plu[277]. Cette contradiction embarrasse. Devons-nous croire qu'elle tient à la différence des lieux, et que les chiffres, qui étaient fixés dans une province, étaient laissés à l'arbitraire dans une autre ? Vaut-il mieux supposer qu'elle tient à la différence des époques, et que les chiffres, qui étaient d'abord laissés à la volonté des parties, furent ensuite fixés par un législateur ou par la coutume ? La question pourrait être résolue si nous savions en quel siècle la Loi salique a été rédigée sous la forme où elle nous est parvenue. Les tarifs qui s'y trouvent ne viennent certainement pas de la Germanie ; les Germains n'avaient pas de monnaie et ne pouvaient compter ni par deniers d'argent ni par sous d'or. A quel moment les chiffres si élevés de 200, de 600, de 1.800 sous d'or ont-ils été établis ? Sur ce point il faut rester dans le doute. Savoir ignorer ce que les documents n'enseignent pas, c'est se mettre en mesure de mieux connaître les vérités qu'ils enseignent.

Il n'est pas douteux qu'un intérêt très matériel n'ait contribué à vulgariser le système des compositions. Un homme avait été tué ; ses parents pouvaient calculer que la mort du coupable ne leur servirait à rien, et que la composition les enrichirait. Voyez ce Chramnisinde dont nous parlions tout à l'heure. L'évêque l'adjurait d'accepter la composition ; mais sa conscience la lui a fait refuser ; il portait plainte de trois assassinats, et apparemment il voulait la mort du coupable, soit par arrêt judiciaire, soit par sa propre vengeance. Et il essaye en effet de se venger. Mais une seconde fois, moins intraitable, il accepte la composition. Voilà les deux hommes réconciliés, pacifiés, amis ; mais un jour Sichaire lui dit : Tu dois bien me remercier d'avoir tué tes parents, car la composition l'a rendu riche ; sans elle tu serais pauvre et nu[278]. Alors la honte saisit Chramnisinde, et il tua Sichaire. Mais tous les hommes ne ressemblaient pas à Chramnisinde, et les lettres de sûreté, dont nous parlerons bientôt, montrent avec quel calme les fils parlaient du meurtre de leur père ou de leur frère et recevaient l'argent du meurtrier.

Un autre motif encore a aidé au succès de la composition. Les comtes, à qui l'on demandait de laisser la vie au coupable, de lui permettre de se racheter et de s'accorder avec la famille, avaient toujours une part de ce rachat et de cet accord. Le fredum était une partie de la composition, ordinairement le tiers[279]. L'autorité publique, à qui un coupable échappait par la composition, réclamait cette sorte d'indemnité, qui se partageait entre le roi et le comte. Pas de composition, pas de fredum. La peine de mort ne rapportait rien au roi ni à soir fonctionnaire ; la composition devenait pour tous les deux une source de revenus.

Un roi burgunde du cinquième siècle reproche à ses comtes d'obliger les parties à composer pour gagner eux-mêmes de l'argent de cette façon[280]. La disposition législative qui interdit aux parties de s'accorder hors de la présence du juge, était probablement dictée par l'intérêt de la morale publique ; mais l'intérêt pécuniaire des comtes et du roi n'y fut peut-être pas étranger.

Je ne sais pas si la composition était pratiquée au tribunal du roi. Nous n'en avons aucun exemple. La Loi salique mentionne plusieurs fois ce tribunal, mais sans jamais dire qu'il prononce une composition ; la Loi ripuaire ne signale qu'une seule peine qui soit prononcée à ce tribunal, et c'est la pendaison[281]. Prenez dans ces deux lois franques tous les articles où se trouve la composition ; elle est toujours édictée au mallus et par des rachimbourgs ; or il n'y a jamais de rachimbourgs au tribunal du roi, et ce tribunal n'est jamais dans aucun texte appelé du nom de mallus[282]. Les deux lois franques sont donc absolument muettes sur la pratique de la composition au tribunal du roi. Si vous regardez les formules judiciaires, vous remarquez que toutes les chartæ compositionales et toutes les lettres de sûreté sont faites devant le comte et devant les boni homines ; nous n'en avons aucune qui ait trait à une composition faite devant le roi ou les grands du palais. Il nous est venu vingt-deux actes de jugements royaux ; aucun d'eux ne marque une composition. Enfin nous trouvons dans les récits des écrivains beaucoup d'arrêts rendus par le roi en matière criminelle ; la peine qui y est inscrite est toujours ou la mort, ou la confiscation des biens, ou la prison ; la composition jamais. Je remarque même que, la plupart du temps, ces accusés sont fort riches et possèdent assez de biens pour payer les chiffres élevés qui sont dans la Loi salique. Chundo, fonctionnaire du palais, serait certainement assez riche pour composer ; il est pourtant mis à mort. Les fils de Waddo, qui ont de l'or et de l'argent à foison, n'obtiennent pourtant pas le bénéfice de la composition, et l'un d'eux est condamné à la mort, l'autre à la prison. Quand Chramnisinde paraît devant le roi, il ne parle pas de composer, et il redoute d'être mis à mort. Le Saxon Childéric serait assez riche pour racheter ses crimes ; il est condamné à la peine capitale[283]. Le biographe d'Eligius nous représente un grand personnage qui est jugé par le roi, pour une faute qu'il dit être assez légère ; le roi ne prononce pas une composition, mais une sentence de mort[284]. De toutes ces observations nous ne sommes pas en droit de conclure qu'il n'y ait jamais eu une seule composition au tribunal du roi ; mais nous concluons qu'il n'est nullement certain que la composition y ait été pratiquée, et qu'en tout cas elle n'était pas de droit pour l'accusé.

C'est au mallus du comte et des rachimbourgs, ainsi qu'aux tribunaux des évêques, que le système de la composition fut surtout en vigueur. Elle donnait lieu à une procédure particulière, dont nous allons décrire les principaux traits.

1° La poursuite appartenait aux parents de la victime. Nous avons vu ailleurs qu'il n'était pas rare que l'autorité publique, représentée par le fonctionnaire royal, poursuivît elle-même les criminels ; en ce cas l'inculpé, saisi et arrêté préventivement, était amené au tribunal par les gens du comte[285]. Mais il en est tout autrement quand il s'agit d'une composition. L'inculpé est ajourné par le plaignant. Celui-ci est toujours présent au jugement, en personne ou par procureur. Sa présence est indispensable, car c'est lui qui agit, causam persequitur[286]. Notons que la partie plaignante n'est pas toujours le fils ou le plus proche parent de la victime ; si l'homme tué était un esclave, c'est son maître[287] ; s'il était un affranchi, c'est son patron ; s'il était un homme libre en dépendance, in obsequio, c'est celui dont il dépendait[288] ; s'il était un homme de l'église, c'est l'évêque[289] ; s'il était un homme du roi, c'est l'agent royal, parce que dans tous ces cas c'est le maître, le patron, l'évêque ou le roi qui a fait une perte et qui a droit à une indemnité. En un mot, dans toute composition, la présence du représentant de la victime est nécessaire. Il se porte, ainsi que nous dirions aujourd'hui, partie civile[290]. Et en conséquence le débat prend la forme, non plus d'une affaire criminelle, mais d'un procès entre deux intéressés.

2° Le procès a lieu en présence du fonctionnaire royal. Cette règle est de rigueur. La Loi des Burgundes interdit sévèrement toute composition qui se ferait en secret. La Loi mérovingienne défend aussi de composer en dehors de la présence du juge[291]. Cette règle est confirmée implicitement par les deux lois franques, qui ne parlent de composition qu'au mallus. Elle l'est mieux encore par les formules, lesquelles commencent toutes par le nom du comte devant qui la composition s'est faite. C'est par là que la composition, tout en étant par essence un accord privé, est aussi par un côté un acte judiciaire. L'autorité publique ne s'en désintéresse pas ; elle l'autorise au moins par sa présence. Mais le comte, ainsi que nous l'avons vu, n'est jamais seul sur son tribunal. Si quelquefois nous le voyons juger seul, c'est quand il s'agit de frapper de mort un criminel ; ce n'est jamais lorsqu'il s'agit d'une composition. Dans ce second cas, les rachimbourgs sont toujours présents, toujours nommément désignés dans les actes. Il semble que leur présence fût encore plus nécessaire pour l'énoncé d'une composition que pour un arrêt de mort. L'arrêt de mort est l'affaire du fonctionnaire royal ; la composition est l'affaire des rachimbourgs, de l'évêque, des boni homines.

5° Si le plaignant demande la composition, ce n'est pas au comte qu'il s'adresse, c'est aux rachimbourgs[292]. Ce n'est pas non plus le comte qui prononce la composition ; les lois franques disent formellement que ce sont les rachimbourgs[293]. Cette vérité est exprimée par les formules de deux manières différentes. Tantôt la formule donne à penser qu'il y a eu deux jugements successifs, l'un qui a prononcé que la peine de mort était méritée, l'autre qui est rendu ensuite par les boni homines pour réconcilier les parties et les faire composer[294]. Tantôt cette distinction est omise ; mais alors la formule s'exprime ainsi : Devant le comte ont comparu les deux parties... et les boni homines ont jugé[295]. C'est que, si le comte a seul le jus gladii, les boni homines ou rachimbourgs ont le premier rôle en matière de composition. De là cette singularité : lisez les récits de jugements où la peine de mort est prononcée, on dirait que le comte y est seul ; lisez les lois et les formules qui parlent de la composition, on dirait que les rachimbourgs y sont seuls sans le comte. C'est que dans un cas comme dans l'autre on ne fait attention qu'à celui qui exerce l'action la plus efficace.

4° Le principe général est que tous ceux qui jugent sont responsables de leurs jugements. Le comte est responsable, vis-à-vis du roi, du trop de sévérité ou du trop d'indulgence qu'il a montré à l'égard des criminels[296]. Mais en matière de composition ce n'est plus le comte qui est responsable, ce sont les rachimbourgs. S'ils se sont trompés sur le prix de l'accommodement, ils peuvent être poursuivis par la partie qu'ils ont lésée et ils sont passibles d'une amende à son profit[297].

5° Dès qu'il est question de composition, l'autorité publique s'efface. Quand même le coupable aurait avoué les plus grands crimes, elle ne le saisit pas. Il reste libre et retourne chez lui. Le comte ne se fait même pas payer le prix de la composition. Ce prix sera payé directement aux parents de la victime. L'autorité publique a seulement droit au fredum, c'est-à-dire qu'en autorisant la composition entre les parties, elle veut avoir pour elle le tiers du prix. Mais encore n'aura-t-elle droit à ce tiers que le jour où la composition entière aura été payée[298].

6° On comprend que le prix de la composition ne pût pas être fourni sur l'heure. Aussi le tribunal ne l'exigeait-il pas. Il suffisait que le coupable s'engageât à payer. C'est ce que la langue de la Loi salique appelle fidem facere[299]. Il présentait aussi des garants ou des gages, ainsi que le montrent les formules[300]. Le délai de payement était assez long pour que l'homme pût vendre des terres ou des meubles afin de se procurer la somme. En attendant, il n'était plus dans la situation d'un coupable, mais clans celle d'un débiteur ; de même la partie adverse n'était plus un plaignant, mais un créancier. Si le payement n'était pas fait au jour convenu, le créancier commençait par mettre opposition sur les biens de son débiteur[301]. Un peu plus tard il s'adressait au comte et l'appelait à faire une saisie des biens. Les biens étaient vendus jusqu'à concurrence du prix à payer[302]. S'il n'y avait pas assez de biens pour remplir la composition, si aucun parent ni aucun étranger ne voulait racheter le coupable, alors la composition était annulée de plein droit, et le coupable était mis à mort sans autre jugement[303].

7° Toute composition donnait lieu à la rédaction d'un acte écrit. Mais il ne faut pas se figurer ici un arrêt judiciaire, qui émanerait de l'autorité publique, qui serait rédigé par le comte ou en son nom, et qui se terminerait par un ordre d'exécution. Nous ne trouvons rien de semblable dans nos recueils de formules ; et cela tient apparemment à ce qu'aucun acte de cette nature n'était rédigé par l'autorité publique en matière de composition. L'acte que nous trouvons, au contraire, est de nature toute privée. C'est une lettre écrite par l'une des parties et adressée à l'autre partie. Comme la composition est un simple accord entre deux hommes, il faut bien que cet accord soit assuré par une lettre qui en fasse foi pour l'avenir. Autrement, la famille de la victime aurait pu revenir au tribunal et réclamer justice pour le même crime. En recevant la composition, elle devait s'engager à renoncer à toute poursuite judiciaire. Elle écrivait donc une lettre, que l'on appelait charta compositionalis[304] ou securitas ; ce dernier terme, dans la langue du droit et de la pratique, signifiait quittance ou décharge[305]. La lettre énonçait toujours trois choses : d'abord le crime commis, puis le prix convenu, enfin l'engagement de la partie qui avait reçu ce prix. Elle était conçue ordinairement en ces termes : Comme tu as tué mon frère et que pour cela tu encourais peine de mort, l'intervention des prêtres et hauts personnages dont les noms sont écrits ci-dessous nous a rappelés à la concorde à la condition que tu me payerais tel nombre de sous ; tu me les as payés et je t'ai déclaré quitte de cette affaire[306]. En conséquence, il a été convenu que je t'écrirais la présente lettre de décharge, afin que dans l'avenir ni de moi, ni d'aucun de mes héritiers, ni d'aucun juge, ni de personne au monde, tu n'aies à craindre ni réclamation ni dommage pour la mort de mon frère, et que tu sois quitte et déchargé de cette affaire[307]. — Je t'écris cette lettre, est-il dit encore dans une autre formule, afin que tu n'aies à redouter aucune poursuite en justice ou réclamation ni de moi, ni de mes héritiers, ni de personne au sujet de cet homicide[308]. Il est bon de remarquer que ceux qui écrivent ces lettres ne parlent jamais d'un prétendu droit de guerre privée, suivant la théorie toute moderne que l'on a construite sur le mot faida. De cela il n'est pas dit un mot dans nos textes. Il n'est question que de la poursuite judiciaire ; c'est à elle que l'on renonce en recevant la composition. On s'engage à ne pas intenter un nouveau procès[309]. Souvent même la lettre se termine, suivant un ancien usage romain, par l'énoncé de l'amende que l'homme devra subir s'il lui arrive de violer le présent engagement : Quiconque t'inquiétera, quiconque l'intentera un nouveau procès, devra te payer tel nombre de pièces d'or[310]. C'est une contre-composition au cas où la première serait enfreinte. Quelquefois la lettre de sûreté était accompagnée d'un serment prêté par les deux parties[311].

Avec la lettre de sûreté ou la décharge se terminait toute la procédure de la composition, et, comme disent les textes, l'action était éteinte[312]. Même l'autorité publique, qui avait autorisé l'accommodement, ne pouvait plus poursuivre.

 

 

 



[1] Il n'est qu'une fois dans la Loi salique, au litre XL ; encore n'est-il pas dans tous les textes. — On le trouve dans la Loi ripuaire, XXX, 1 ; XXX, 2 ; XXXI, 5 ; XXXII, 5 ; LVIII, 19 ; LIX, 8 ; LXXXI. — Il est également dans les formules d'Anjou, 10, 11, 24, 28, 29. 47 ; dans les Turonenses, 59, 41 ; dans les Senonicæ, 20 ; dans les Senonenses, 1, 3, 4, 6 ; dans les Merkelianæ, 28, 29, 30.

[2] Formulæ Andegavenses, 5 et 45 : Aliquis homo aliquem hominem mallavit de res suas. — Lex Salica, XVI, 1 ; L, 2 ; LI : Si eum admallalum non habuerit ; LIII, 1 : Qui admallatus est. Manuscrit de Wolfenbultel, c. 56 : Qui eum mallavit. — Lex Ripuaria, LVIII, 19 : Si legitime mallatus fuerit ; XXXII, 3 : Eum admallalum habet. — Edictum Chilperici, 7 in fine : Qui mallat ipsum. — Lex Alamannorum, XXXVI, 2 : Qui alium mallare vult.

[3] La synonymie de interpellare, mallare, mannire est bien marquée dans la Loi ripuaire, qui, au titre XXXII, 3, les emploie tous les trois dans la même phrase : elle dit d'abord qui eum mannit, puis qui eum admal latum habuit (admallavit), enfin qui eum interpellavit, et le sujet des trois verbes est la même personne, le plaignant.

[4] Lex Salica, I, 5 : Ille qui aliuni mannit, cum testibus ad domum illius ambulare debet, et si præsens non fuerit, uxorem aut quemcunque de familia illius appellat ut illi facial notum quod ab eo mannitus est.

[5] Lex Salica, LII : Sic eum debet admallare : cum testibus ad domum illius accedat et sic contestetur... sic ei solem collocet Adhuc super septem nocies ei spalium dare debet et ad sepiem noctes ad eum similiter accedat et contestetur. Cf. Lex Ripuaria, XXXII et XXXIII, et le capitulaire De antrustione ghamalta, Behrend, p. 95, 96.

[6] On confond ordinairement placitum avec mallus ; on traduit placitum par plaid ou par assemblée judiciaire. C'est une erreur pour l'époque mérovingienne. Qu'on observe les textes, et l'on reconnaîtra que placitum n'a pas ce sens. Ni dans la Loi salique, ni chez Grégoire de Tours, il n'est synonyme de mallus. Le mot a plusieurs significations, dont la plus fréquente est celle de jour de comparution, en ce sens que ce jour est fixé par les parties, non par le juge. Citons quelques exemples. Grégoire, VII, 25, dit que les parents d'un juif d'une part, l'ex-vicaire Injuriosus de l'autre, placitum posuerunt in præsentia Childeberli regis, c'est-à-dire s'engagèrent à comparaître ensemble au tribunal du roi. — Un abbé écrit qu'il a pris jour avec le patrice Philippus au tribunal du roi : Placitum habemus cum Philippo patricio ante domino rege ; Desiderii epistolæ, liv. II, lett. 2, dans la Patrologie, t. LXXXVII, col. 257. — Le fils de Silvester et le diacre Pierre conviennent de faire juger leur débat au tribunal de l'évêque de Lyon, facto placilo in præsenlia Nicetii episcopi, Grégoire de Tours, V, 5. — Lex Salica, XL, 7 : Facere placitum ad septem noctes, indiquer la comparution à sept jours de date ; XL, 8 : Ad sepiem alias noctes placitum faciat, à sept autres jours. — Lex Salica, XLVII, 1 : Et qui agnoscit et apud quem agnoscitur in noctes 40 placitum faciant, les deux parties doivent se faire engagement de comparution à 40 jours. — Edictum Chilperici, 7 : In 84 noctes placitum intendatur, que la comparution soit reculée à 84 jours. — Voyez surtout un diplôme de 692, aux Archives nationales, Tardif n° 50 : Per eorum nolilias paricolas ante pontificem placita inter se habuerunt....Taliter inler se placitum habuerunt initum — Cf. un acte de jugement de 758, dans la Patrologie, t. XCVI, col. 1530 : Tunc tale placitum statuerunt ut simul ad noctes legitimas concurrerent in palalio et ante regem islam contentionem definire debuisscunt. — Le mot placitum avait aussi ce sens dans l'Espagne wisigolhique ; Lex Wisigoth., II, 2, 4 : Quoties per sponsionem placiti constituendum est tempus quando aut ubi causa dicatur.

[7] Formulæ Andegavenses, 12, Rozière 457 : Notilia solsadii qualiter ille homo placitum suum adtendit in Andecavis civilale, kalendas illas.... Femina (la partie adverse) nec ad placitum advenit nec missum direxit. Propterca necesse fuit ut hanc notitiam facere deberent. — De même, n" 15. — N° 14 : Ille ad placitum adfuit, triduum custodivit et solsadivil ; ille (l'autre partie) nec ad placiyum adfuit nec ullam personam ad vicem suant direxit. — N° 16 : Ille et germanus suus placitum eorum custodierunt et solsadierunt ; propterea necessarium fuit ut ex hoc noliliam accipere deberent. — Marculfe, I, 57 : Ille ibi in palalio nestro per iriduo seu amplius, ut lex habuit, placitum suum custodivit.... Ille (l'autre) placitum suum custodire neglexit. — Turonenses, 55 : Ille per triduum placitum custodivit.... Ille non suum placitum adimplevit. — Senonicæ, 26 : Ille placitum suum neglexit. — Grégoire, VII, 25 : Placitum in regis præsentia posuerunt.... Injuriosus ad placitum in conspeclu régis advenit et per triduum usque ad occasum solis observavit. Ces derniers mots expliquent le solsadire de nos formules.

[8] Keller, Traité des actions, trad., p. 50.

[9] Lex Salica, LII.

[10] Lex Salica, I, 1 : Si quis ad mallum legibus dontinicis mannitus fucrit et non venerit, 600 dinarios qui faciunt solidos 15, culpabilis judicetur. L'expression legibus dontinicis embarrasse ; voyez Waitz, 5e édit., t. II, 2e p., p. 170. Mais il faut rapprocher le titre XXXII de la Loi ripuaire : Si quis legibus ad mallum mannitus fuerit et non venerit, 15 solidos culpabilis judicetur. Je ne pense pas que le legibus dominicis de l'un ait un autre sens que le legibus de l'autre ; cela veut dire conformément aux lois, les lois étant d'ailleurs considérées comme l'œuvre du seigneur roi, dominicæ. Legibus est synonyme de secundum legem ou de legitime ; cf. legitime admallatum dans la Lex Salica, LI, 1 ; et legitime mannitum liabuit, legitime admallalum habet, legitime mallatus, dans la Lex Ripuaria, XXXII, 2-5 ; LVIII, 19.

[11] Lex Salica, XLV : Tunc manniat eum ad mallum.... Et si ille cui testalum est noluerit exire... tunc grafionem roget ut accedat ad locum ut eum inde expellat. — Ibidem, L, 2. — Lex Ripuaria, XXXII, 3 : Si ad septimo mallo non venerit, tunc ille qui eum mannit ante comitem jurare debet... et sic judex ad domum illius accedere debet et legitima strude exinde auferre.

[12] Formulæ Turonenses, 35 ; Senonicæ, 26.

[13] Lex Salica, LVI, 2 : Si qui admallatus est ad nullum placitum venire voluerit, tunc rex ad quem mannitus est, extra sermonem suum ponat eum ; tunc ipse culpabilis et omnes res suas erunt in fisco aut cui fiscus dare voluerit. Et quicunque eum aut paverit aut hospitalitalem dederit, etiam si uxor sua, solidos 15 culpabilis judicetur.

[14] Nous n'avons pas à citer ici l'ouvrage de Sohm sur La procédure de la Loi salique, puisque l'auteur prétend y décrire un état de choses antérieur à la naissance de l'État Franc. Ce n'est pas ici le lieu de discuter ce livre très ingénieux et très systématique, mais où tout est à vérifier. M. Thévenin l'a traduit (1875) sans avertir les lecteurs de tout ce qui y est inexact ou conjectural.

[15] Childeberti decretio, c. 4, Borétius, p. 16-17 : Judex, collecto solatio, raptorem occidal ; c. 7 : Si quis judex comprehensum latronem convictus fuerit relaxasse... ; c. 8 : Judex, critninosum latronem ut audierit, ad casant suant ambulet et ipsum ligare faciat.

[16] Lex Salica : Si homo juxta strada (alias, villa) aut inter duas villas fuerit interfectus, ut homicida non appareat, sic debet judex hoc est cornes aut grafio ad locum accedere et ibi cornu sonare Et debet judex dicere : Homo isle in vestro agro vel vestibulo est occisus ; contester et de homicidio isto vos admallo ut in mallo proximo veniatis et vobis de lege dicatur quid observare debeatis. — Cet article, qui est rangé par les éditeurs dans les capita extravagantia, fait partie de la Loi salique dans le manuscrit de Wolfembutel, c. 75, dans le manuscrit de Paris 4404, dans celui de Leyde, Vossianus 119, et plusieurs autres. On le trouvera dans les éditions de Pardessus, p. 532, Ilessels, p. 408, Behrend, p. 91.

[17] Lex Salica, LX1I, 2 : Quod si de nulla parte patenta seu materna nullus parens non fuerit, illa portio (c'est-à-dire la compositio dont il est parlé à l'article précédent) in fisco colligatur.

[18] Edictum Chlotarii, c. 4, Borétius, p. 21 : Ut nullus judicum de quolibet ordine clericum de civilibus causis, præter criminalia negotia, per se distringere aut damnare præsumat, nisi convincitur manifestus.

[19] Concile de Mâcon, a. 581, c. 7, Sirmond, I, 371-572 : Quicumque judex clericum, absque causa crïminali, id est homicidio, furto, aut maleficio hoc facere (id est distringere) præsumpserit, ab ecclesiæ liminibus arceatur.

[20] Deuxième concile de Mâcon, a. 585, c. 8 : Ila ut eos de atriis ecclesiarum violenter abstractos ergastulis publicis addicant. Censemus ut nullus sæcularium fascibus prædilus, jure suo contumaciter ac perperam agens, episcopum de ecclesia trahere audeat.

[21] Deuxième concile de Mâcon, a. 585, art. 12.

[22] Concile de Paris, a. 614, c. 4. Concile de Reims, a. 625, c. 6. Sirmond, I, p. 471 et 481 ; Mansi, X, 540, 593.

[23] Marculfe, I, 4 : Ut nullus judex publicus ad causas audiendum nec homines de quaslibel causas distringendum ingredi non debeat. — Archives nationales, Tardif, n° 41 : Nec homines tam ingenuos quant servientes distringendum. — Diplomata, Pardessus, n° 242, 258, 291, 417.

[24] Formulæ Turonenses, 53 : Ille rex illi comili Jubemus ut, vobis distringentibus, memoratus ille partibus isiius componere et satisfacere non recuset. — De même dans le n° 26 des Senonicæ, où il faut lire vobis distringentibus au lieu de distrahentibus.

[25] Grégoire, Vitæ Patrum, VIII, 7 : Quod cum judex loci illius comperissel, vinctum virum in carcerem retrudi præcipit.

[26] Vita Eligii, II, 61.

[27] Vita Amandi, c. 15, Mabillon, Acta SS., II, 714 : A lictoribus ante cum præsentatus est quidam reus.

[28] Formulæ Andegavenses, 12, Rozière, 457.

[29] Formulæ Andegavenses, 59 ; Bignonianæ, 27.

[30] Andegavenses, 50 ; Senonicæ, 11 et 51.

[31] Merkelianæ, 39.

[32] Bignonianæ, 9 ; Merkelianæ, 58.

[33] Lex Salica, LXII, 1 : De compositione homicidii. Si cujuscunque pater occisus fuerit, medielalem composilionis filii colliganl et aliam medielatem parentes qui proximiores sunt inter se dividant.

[34] Cela ressort du titre XVIII de la Loi salique, qui punit d'une amende l'homme qui aura faussement accusé un absent devant le roi.

[35] Grégoire, VII, 25 : Placilum in præsentia regis Childeberti posuerunt... : Injuriosus tamen ad placitum in conspectu regis advenit. Cum hi non venissent, neque de causa hac ab ullo interpellatus fuisset, ad propria rediit.

[36] Grégoire, VI, 10 : Ego metuens ne homines morerentur, epistolam regi precautionis misi, ne, nostris non accusantibus ad quos persecutio pertinebat, hi interficentur. Quod rex benigne suscipiens, vitæ restituit.

[37] Grégoire, VII, 47 : Partes a judice ad civitalem deductæ.

[38] C'est l'opinion soutenue encore par Digot, Histoire d'Austrasie, t. III, p. 87 : Quand le comte avait à juger des Gallo-Romains, il appelait comme assesseurs des curiales ; si les justiciables étaient des Francs, il s'entourait dé quelques assesseurs de cette nation, auxquels on donnait le nom de rachimbourgs.

[39] Formulæ Andegavenses, 1 ; Arvernenses, 2 ; Turonenses, 20 ; Senonicæ, 15 ; Senonenses, 10. — Cf. d'autres formules qui constatent que l'une des parties nec venit ad placitum nec missum suum vice sua direxit, Andegavenses, 12, 13 ; Senonicæ, 10.

[40] Archives nationales, Tardif, n° 14 : Precariam ostendebat, qua relecta inventum est...,. 17 : inquirentes eorum instrumenta, inventum est.... 28 : Ipsum instrumentum debeat præsentari. 32, 55, 42 : Instrumenta ostendit relegenda.

[41] Lex Ripuaria, LIX, 3 : Si carta in judicio... idoneata fuerit. Cf. l'art. 5, qui a trait à la vérification de l'écriture. — Art. 8 : Si quis in judicio interpellatus cartam præ manibus habuerit.

[42] Lex Ripuaria, LIX, 1 : Si quis alteri aliquid vendiderit et emptor lestamentum venditionis accipere voluerit, in mallo... testamentum publice conscribatur. La même loi mentionne encore les instrumenta cartarum aux titres XXXVII, XLVIII et LVIII.

[43] Ainsi au n° 41 des Turonenses, dans un débat relatif à la propriété, le défendeur présente l'attestation d'un jugement antérieur sur la même affaire, et il obtient aussitôt gain de cause.

[44] Formulæ Andegavenses, 31 : Instrumenta sua plurima, venditionis, dotis, compositionalis, contullitionis, pactis, commutationis, convenientias, securitates, vacuatorias, judicius, et notitias. — Ibidem, 32. — Senonicæ, 38 : per venditiones, donationes, cessiones, judicia, obnoxiationes, cautiones, commutationes seu per céleris scripturis.

[45] C'est l'acte qu'on appelait apennis (Andegavenses, 31 ; 32 ; 33 ; Turonenses, 28 ; Senonicæ, 38).

[46] Lex Salica, XLIX, 1 : Ut ea quæ noverint jurati dicant. Autres textes : Ut ea qux sciunt jurantes dicant. — XLVI, 2 : debent tres testes jurati dicere quod ibi fuissent. — LVI, 2 : tres jurare debent ut ibi fuissent.... Tria testimonia jurare debent. — Additamentum, 1, Behrend, p. 93 : debet ille tres testimonia mittere quod in alode patris hoc invenisset.

[47] Lex Ripuaria, L : Ut testimonium quod sciunt jurati dicant.

[48] Lex Ripuaria, LXXII, 6 : Qui causam prosequitur, cum testibus memorare debet.... LIX, 2 : A testibus convincatur. — LX, 1 : Si testes non potuerit admanire. — LXXII, 1 : Cum testibus accedat.

[49] Lex Salica, XLIX : Si quis testes necesse habuerit ut donet et testes nolunt ad placitum venire, ille qui eos necessarios habet manire eos cum testibus debet ad placitum ut ea quæ noverunt jurati dicant. Si venire noluerint, solidos 15 quisque illorum judicetur. — Lex Ripuaria, L.

[50] Lex Salica, XLIX, 5 : Si vocati in testimonium noluerint ea quæ noverunt jurati dicere.... solidos 15 culp. judicetur. — Ibidem, XLVIII : Si quis falsum testimonium perhibuerit, solidos 15 culp. judicetur. — Mêmes dispositions et même peine dans la Loi ripuaire, L, 2.

[51] C'est ce que la Loi salique appelle ordinairement æneum ou igneum. LIII : Si ad ineum admallatus fuerit. LVI, 1 : per æneum. XIV, 2, texte de Wolfembutel : ad æneum ambulet. — Cela est appelé calida (aqua) dans le manuscrit de Leyde, Vossianus, 119, édit. Holder, p. 48 : Si quis alterum ad calidam provocaverit.

[52] Lex Salica, LVI, 1 : Rachimburgius judicavit ut aut ad ineo ambularet aut fidem de compositione faceret.

[53] D'où ces expressions : per æneum se educere (Lex Salica, LVI) et ad ineum se excusare (Lex Ripuaria, XXXI, 5).

[54] Lex Salica, édit. Behrend, p. 96 : Manum suant ad æneum mittere.

[55] Pactus pro tenore pacis, 4 : Si ingenuus in furtum inculpatur et ad ineum manum suam incenderit, de quætum inculpatus fuerit componat.

[56] Lex Salica, manuscrit de Leyde, Vossianus, 119, art. 16, édit. Holder, p. 49 : Si vero testibus inculpaverit quod falsum testimonium dedissent, manum in ineum mittat ; si sana fuerit, muletam sustineant (testes), si manum suant comburet, 15 solidos damnum sustineat.

[57] Lex Ripuaria, XXX, 1 : Si quis in judicio pro servo interpellatus fuerit,... dicat : Ego ignoro utrum servus meus culpabilis an innocens ex hoc exslilerit ; propterea eum ad igneum repræsento Si servus in igneum manum miserit et lesam tulerit, dominus ejus de furto servi culpabilis judicetur.

[58] Lex Ripuaria, XXXI. 5 : ad igneum seu ad sortent excusare studeat.

[59] Lex Salica, LIII : Si quis ad igneum admallatus fuerit..., manum suam redimat.... Si talis causa est unde solidos 15 reddere debuerat, solidos 3 manum suant redimat. Si fuerit causa quæ 35 solidos poterat culpabilem judicare, solidos 6 manum suam redimat. Si vero leudem alleri imputaverit et eum ad ineum admallatum habuerit, solidos 30 manum suam redimat. Ajoutons que ce rachat n'était pas de droit : il fallait que la partie adverse y consentît ; cela résulte des mots si convenit, qui sont répétés trois fois dans ce même passage.

[60] Voyez les formules dans le recueil de M. de Rozière, n° 584-615.

[61] Formulæ Bignonianx, 13 : Fuit judicatum ut ad crucem ad judicium Dei pro ipsa terra in noctes 42 deberent adstare.

[62] Formulæ Bignonianx, 13 : Ipse ille (le demandeur) ad ipsa cruce illum convincuit.... quod ad ipsa cruce visus fuisset cadisse Dum hæc causa sic fuit inventa quod ipse ille qui ad ipsa cruce cadisset solidos tanlos ei solvere deberet et de ipsa terra illum legibus revestire ut ipse ille tam ipse quam posteritas sua prædictam terram valeat possidere.

[63] Diplôme de 775, Tardif n° 75 : Dum per ipsa instrumenta de utraque parte certamen non declaratur, ut ad Dei judicium ad divina mysteria, Christi misericordia conspirante, sicut longa consuetudo exposcit, et ipsi voluntarie consenserunt, jubemus emanare judicium, ut recto tramite ad Dei judicium ad crucem exire et stare debeant.

[64] Lex Salica, XIV, 2 (texte de Wolfembutel) ; XVI, 2 ; XXXIX, 2 ; XLII, 5 ; LIII ; Additamentum, 9. — Lex Ripuaria, II, III, VI, XI, XII, etc. — Lex Burgundionum, VIII, XLV, LII. — Pactus pro tenore pacis, 5 ; Childeberti decretio, 7 et 12 ; Edictum Chilperici, 5. — Grégoire de Tours, Hist., V, 50 ; VII, 23 ; VIII, 16 ; VIII, 40 ; De gloria martyrum, 19 (20), 38, 55 ; De gloria confessorum, 93, 94. — Formulæ Andegavenses, 10, 11, 14, 24, 28, 29, 50, 50 ; Turonenses, 29, 50, 31, 59 ; Marculfe, I, 38 ; Senonicæ, 17, 21 ; Senonenses, 1, 2, 5, 5 ; Merkelianæ, 27, 28. 50.

[65] Lex Salica, XIV, 2, texte de Wolfenmutel : Si romanus francum expoliaverit et (probatio) certa non fuerit, per 25 juratores se exsolvat.... Si juratores invenire non potuerit, aut ad ineum ambulet aut solidos 62 culpabilis judicetur. Si certa probatio non fuerit, per 20 juratores se exsolvat.

[66] Lex Salica, XXXIX, 2 : Si quis hominem ingenuum plagiaverit (vendiderit dans d'autres textes) et probatio certa non fuerit, sicut pro occiso juratores donet.... si juratores non potuit invenire, 200 solidos culpabilis judicetur.

[67] Lex Salica, XLII, 5 : Si quis villam alienam expugnaverit et res ibi invaserit, si tamen probatio certa non fuerit, cum 25 juratores se exsolvat.

[68] Lex Salica, LVIII : Duodecim juratores donare debet quod nec super terram nec subtus terram facultatem non habeat unde totam legem compleat.

[69] Lex Salica, manuscrits de Paris 4404 et de Wolfembutel, Behrend. p. 91 : Vicini illi cum sexagenos quinos se exuant quod nec occidissent nec sciant qui occidisset.

[70] Lex Ripuaria, II : aut si negaverit, cum sex juret.

[71] Il est fait mention du serment et du nombre des cojureurs dans 54 articles de la loi, c'est-à-dire dans tous ceux, sauf deux ou trois omissions, où se trouvent aussi des chiffres de composition.

[72] Le chiffre de 72 jureurs se trouve aux titres XI, XII, XV, XVI, XVIII.

[73] Lex Ripuaria ; rapprocher les titres XII, XIII, XIV, 1 et 2 : Si quis feminam ripuariam (c'est-à-dire une femme de condition libre, par opposition à femina regia aut ecclesiastica du titre suivant) interfecerit, postquam parire cœperit usque ad quadragesimum annum, 600 solidos judicetur aut cum 72 juret. XIII : Si quis puellam (sous-entendez aut post quadragesimum annum d'après l'article précédent) interfecerit, 260 solidis judicetur aut cum 12 juret. — XIV : Si quis feminam regiam aut ecclesiasticam (une femme appartenant au roi ou à une église) parientem (en âge d'enfanter) interfecerit, 500 solidos judicetur aut cum 36 juret. Si puellam aut post quadragesimum annum interfecerit, 200 solidos judicetur aut cum 12 juret. — La Loi salique, XXIV, 6-7, fait la même distinction relativement à l'âge de la femme.

[74] Lex Ripuaria, V, 10 : Ista omnia si negaverit, cum sex juret quod non fecisset.

[75] Pactus pro tenore pacis, 2 : Si quis ingenuam personam pro furto ligaverit, et (l'homme arrêté) negator exstiterit, duodecim juratores dure debet (celui qui a fait l'arrestation) quod furtum quod obicit verum sit. — Decretio Childeberti, n° 7 : Si quinque aut sepiem bonx fidei homines.... criminosum cum sacramenti interpositione esse dixerint, moriatur.

[76] C'est ce que la loi appelle legitime superjuratus. Lex Ripuaria, 79 : Si quis homo propter furtum comprehensus fuerit et legitime superjuratus.... et pendutus fuerit.

[77] Lex Ripuaria, LXVII, 5 : Si quis pro hereditate vel pro ingenuitate certare cœperit, cum sex juret. Si non adimpleverit (s'il n'a pu remplir toute la procédure du serment), restituat.

[78] Lex Ripuaria, LIX, où il s'agit surtout d'actes de vente, testamenta venditionis. Si quis hoc (testamentum) refragare voluerit vel falsare (l'arguer de faux), cancellarius cum sacramenti interpositione cum simili numero (c'est-à-dire 7 ou 12 cojureurs, suivant les cas) idoneare studeal.

[79] Lex Ripuaria, LX, 1 : Si testes non potuerit admannire ut ei testimonium præbeant, cum. 6 sive cum 7 cum sacramenti interpositione rem suam studeat evindicare (texte B).

[80] M. Sohm professe, au contraire, que harahum signifie tribunal, mais sans en donner aucune raison philologique ou autre. C'est que, au lieu de commencer par établir le sens du mot, il part de celle idée préconçue que le serment doit de toute nécessité se prêter au tribunal, et il déduit de là que harahum signifie tribunal ; mais relirez l'idée préconçue, il n'y a plus de raison pour donner au mot cette signification.

[81] Lex Ripuaria, XXX, 2 : In haraho conjuret ; XXXII, 2 : In haraho conjuraverit ; XXXII, 3 : In haraho jurare debet ; XXXIII, 2 : In haraho conjuret ; XLI : Si ei culpam in haraho non adprobavit (il s'agit ici d'un serment ; cf. Pactus pro tenore pacis, c. 2) ; LXXII : In haraho conjuret ; LXXVII : In haraho conjuret.

[82] Lex Ripuaria, XXX, 2 : In haraho conjuret eum tribus testibus.

[83] Lex Ripuaria, LXVII, 5 : Cum sex in ecclesia conjuret (texte B). Le texte A porte in ecclesia conjurata.... conjurare studeat. La loi ajoute aut cum 12 ad staflum regis. Staflum est encore un de ces mots dont le sens est douteux. S'il désigne, comme cela est généralement admis, le tribunal du roi, il faut rapprocher de cet article la formule de Marculfe, I, 58, dont nous parlerons tout à l'heure.

[84] Lex Ripuaria, LIX, 2 et 4. Il s'agit d'un procès relatif à la propriété d'un bien. Le défendeur présente l'acte écrit qui constate son achat, le demandeur conteste la sincérité de la carta. Le défendeur veut alors idoneare cartam, c'est-à-dire établir la validité de son acte par un serment. Le demandeur s'y oppose : si ille qui causam sequitur, manum cancellarii de altario traxerit, aut ante ostium basilicæ manum posuerit. — A peine est-il besoin de dire que le mot basilica n'a plus le sens qu'il avait eu au second siècle ; à l'époque mérovingienne il est employé des centaines de fois, et toujours pour désigner une église. — Ces deux titres de la loi qui disent expressément que le serment est prononcé sur un autel et dans une église, peuvent bien faire supposer que les autres titres indiquent la même chose par l'expression inconnue in haraho.

[85] Lex Burgundionum, VIII, 1-2 : Si ingenuus per suspicionem vocatur in culpam, tant barbarus quant romanus, sacramenta præbeat et cum uxore et filiis et propinquis sibi duodecim juret.... cum patre et matre numerum impleat designatum. Si ei sacramentum de manu is cui jurandum est tollere voluerit, antequam ecclesiam ingrediatur.

[86] La même chose est dite implicitement dans la Loi ripuaire ; nous y voyons aux titres XVIII, XIX, XX, XXVI1I, que c'est le maître qui jure pour sou esclave : Dominus juret quod servus ejus hoc non fecisset.

[87] Lex Baiuwariorum, I, 5, 1 : Si negare voluerit, secundum qualitatem pecunæ juret in altari. — I, 3, 5 : Si negare voluerit, juret cum 12 sacramentalibus in ipso altare. — I, 5, 1 : Si quis servum ecclesiæ occiderit,... si negare voluerit, cum 12 sacramentalibus juret in altare in ecclesia illa cujus servum occidit. — I, 6, 2 : cum 24 sacramentalibus juret in altare, evangelio superposito. — Comparez ibidem, XVI, 5, où un témoin fait d'abord bénir son arme et jure ensuite sur elle. — Lex Alamannorum, VI, 7 : Ista sacramenla debent esse jurata ut illi conjuratores manus suas super capsam ponant, etc. VII, 2 : Si negare voluerit, juret cum suis sacramentalibus in ipso altare. XXIV : Si jurare voluerit, cum duodecim juret in ecclesia.

[88] Lex dicta Chamavorum, 10 : Cum 12 hominibus in sanctis juret (In sanctis, dans le lieu où sont les corps saints c'est-à-dire à l'autel).

[89] Formulæ Andegavenses, 10 : Veniens ante venerabile viro illo abbate vel reliquis viris venerabilibus atque magnificis, interpellabat aliquem hominem quasi servitium ei redeberit.... Et hoc fortiter denegabat..., Sic visum. fuit ipsi abbati vel qui cum eo aderant ut ipse homo apud homines 12, manu sua 13, in basilica Domni illius in noctes taillas conjurare deberet quod de annis 30 servitium ei nunquam redibuit.

[90] La seconde partie de la formule, 10 b, porte Andecavis civitate.

[91] Le titre vir magnificus est aussi bien romain que franc ; les principaux bourgeois de la ville de Bourges étaient viri magnifici (Formulæ Bituricenses, 7).

[92] Andegavenses, 50, Zeumer, p. 22, Rozière n° 493 : Veniens ille et germanus suus Andecavis civitate ante viro inlustri illo comite vel reliquis raciniburdis qui cum eo aderant, interpellabat... sed hoc forliter denegabat.... Visum est ad ipsas personas decrevisse judicio ut quatrum in suum (ces trois mots, qui n'offrent aucun sens, sont visiblement une faute du copiste ; je pense qu'il faut lire, par analogie avec d'autres actes semblables, quatuordecim in noctes ou quadraginta duo in noctes) quod evenit kalendas illas, apud homines 12 (apud, auprès, a souvent le sens de cum), manu sua 13..., in ecclesia seniore loci, in ipsa civitate, hoc debeat conjurare quod nec eum occisisset nec consentaneus ad hoc faciendum fuisset....

[93] Formulæ Turonenses, 59, Rozière n° 484 : Veniens ante venerabilem virum illum suisque auditoribus.... Ipsi viri decreverunt judicium ut in noctes tantas, apud homines tantos (tantos dans la formule représente le chiffre précis qui sera écrit dans l'acte), sua manu tanta (c'est-à-dire septima ou bien tertia decima), in basilica Sancti illius (ici le nom du saint) debeat conjurare quod ipsam hereditatem per annos 50 inter ipsum et parentes suos semper tenuissent.... Si hoc ad eum placitum (à ce jour convenu) conjurare potuerit, ipsam hereditatem absque repetitione habeat elitigatama atque evindicatam.

[94] Turonenses, 30, in fine : Illi judicatum est ut in noctes 40, apud homines 56, manu sua trigesima septima, in ecclesia illa, conjurare debeat apud homines visores vel cognitores....

[95] Marculfe, I, 58 : Fuit judicatum ut ille apud. tres et alios tres, sua manu septima, in palatio nostro, super capella Sancti Martini ubi reliqua sacramenta percurrunt, debeat conjurare quod....

[96] Archives nationales, Tardif n° 22, Pardessus n° 594.

[97] Archives nationales, Tardif n° 50, Pertz n° 60, Pardessus n° 424.

[98] Formulæ Senoniæ, 17 : In mallo publico ante ipso comite vel aliis bonis hominibus.... Posita manu sua super sacrosancto altare... infra noctes 42... apud tres aloarios et 12 conlaudantes juraverunt.

[99] Senonenses, 2 : Taliter ei fuit judicatum ut apud proximiores parentes suos... et si fermortui sunt, apud duodecim francos tales qualem se esse dixit, in illo castro, in basilica Sancti illius ubi reliqua sacramenta percurrunt, in 40 noctes hoc debeat conjurare.

[100] Formulæ Merkelianæ, dans l'édition de Zeumer, p. 241-264. On les appellerait plus justement formules de Rozière, puisque c'est M. de Rozière qui les a le premier trouvées et publiées ; mais l'éditeur allemand a préféré les appeler Merkelianæ.

[101] Formulæ Andegavenses, 50 b : Notitia sacramenti qualiter et quibus præsentibus ingressus est homo nomine illo in ecclesia, Andecavis civitate, secundum quod judicium loquitur, apud homines 12, manu sua 13, juratus dixit : Per hunc locum sanctum et divina omnia Sanctorum patrocinia qui hic requiescunt... hominem non occisi nec occidere rogavi.... Ii sunt qui in prxsente fuerunt et hunc sacramentum audierunt et hanc notitiam manu eorum subter firmaverunt. — De même dans les n° 11 et 15 du même recueil. — De même, sauf quelques mots, dans les Turonenses, 31 et 40 : Juratus dixit : Per hunc sanctum locum et reverentiam Sancti illius.

[102] Formulæ Senonicæ, 21 : Notitia. sacramentalis. Notitia qualiter et quibus præsentibus veniens homo nomine illo in basilica Sancti illius ubi plurima sacramenta percurrere videntur, ante viro magnifico illo vel reliquis bonis hominibus qui subter firmaverunt, posita manu sua super sacrosanto altario Sancti illius, juratus dixit : Sic juro per hunc loco sancto et Deo altissimo et virtutes Sancti illius (virtutes, les miracles, la puissance miraculeuse du saint ; c'est le sens du mot virtutes à cette époque), terram eorum nunquam porprisi aut pervasi, sed semper exinde fui vestitus. — De même, dans ce recueil, les n° 17 et 22.

[103] Formulæ Merkelianæ, 27 et 28 : Ingressus in basilica... manu missa super altare... quidquid judicatum fuit de hac causa conjuravit.

[104] Formulæ Merkelianæ, 30 : Judicatum fuit prxdicto illo ut apud duodecim homines suos consimiles in basilica illius in noctes institutas hæc conjurare debuisset.... Veniens ille (l'autre partie) ad eum placitum de maneusque ad vesperum custodivit ; sed ipse ille nec ad placitum venit nec missum inspecio suo (? vice sua) direxit, sed inde jectus apparuit. Proinde oportunum fuit ut talem cartam ille exinde accipere deberet. — Cf. Andegavenses, 14 ; Senonenses, 1 : ipse homo de ipso sacramento jectivus remansit. — Voyez encore l'Additamentum ad Turonenses, n° 6, Rozière n° 454. — De ce que l'acte porte que la partie absente n'a envoyé personne à sa place, il ne faut pas conclure qu'on pût jurer par procuration. Cela signifie seulement qu'on n'a envoyé personne pour présenter une excuse et pour demander un délai.

[105] Lex Ripuaria, XXXII, 5 : Ante comite cum septem rachimburgiis in haraho conjurare debet ; LXXVII : ante judice conjuret. — Formulæ Turonenses, 31 : sub prxsentia judicis vel (et) bonorum virorum. — Merkelianæ, 27 : coram ipsis missis et racineburgis ; 28 : ante ipsum comitem vel reliquos racineburgios. — Senonicæ, 17 : ante comite vel aliis bonis hominibus.

[106] Merkelianæ, 27, 28 : bonorum hominum vel comitis manu firmata.

[107] C'est ce qui explique l'expression in mallo que l'on rencontre dans plusieurs actes de constatation de serment. Senonicæ, 17 : in mallo... posita manu super altare. Senonenses, 1 : in mallo in basilica Sancti illius. Si l'on traduisait ici mallus par tribunal, on ferait un non-sens, puisque la phrase indique expressément que la chose se passe dans une église ; or ce n'était jamais dans une église que le tribunal se tenait. C'est que le mot mallus, comme nous l'avons dit plus haut, ne désignait pas seulement le lieu du jugement, mais aussi le jour où l'on jugeait. (Exemples : Loi Ripuaire, XXXII, 2 et 5. Pactus pro tenore pacis, c. 2 : tribus mollis, à trois séances. Edictum Chilperici, 7 : in proximo mallo, à la prochaine séance du tribunal ; per tres mallos, à trois séances successives.) On ne peut pas expliquer autrement ces mots de la Senonensis, 5 : in altare Sancti illius in proximo mallo quem comes tenet, ou ceux de la Senonensis, 2 : in proximo mallo post banno resiso. Il faut bien se garder de conclure des mots in mallo ante comitem que le serment eût lieu au tribunal, puisqu'il est dit qu'il a lieu in basilica Sancti ; mais on y procédait en un jour de séance, en présence du comte.

[108] Ou, pour parler le langage du temps, de 7, 14, 42 nuits. C'était, en effet, un vieil usage commun aux Gaulois (César, VI, 18) et aux Germains (Tacite, Germanie, 11) de compter par nuits. Lex Ripuaria, XXXIII, 4 : super 14 noctes conjurare studeat ; LVIII, 20 : super 7 noctes conjuret ; LXXVII : 40 seu 14 noctes ; LXVI : super 14 noctes. — Les formules, devant se prêter à des actes divers, laissent en blanc le nombre des nuits et disent seulement in noctes tardas (Andegavenses, 10, 24, 28 ; Turonenses, 59) ou in dies tantos, dans tant de jours (Andegavenses, 14 et 15). Quelquefois elles indiquent le chiffre : in noctes 40 (Turonenses, 30), infra noctes 42 (Senonicæ, 17), infra noctes 40 (Merkelianæ, 28).

[109] Lex Burgundionum, VIII, 1.

[110] Un indice du serment engageant la famille se trouve dans l'article 60 de la Lex Salica : De eo qui se de parentela tollere vult... dicere debet quod de juramento et de hereditate illorum se tollat ; il se retire de l'obligation de jurer aussi bien que du droit d'hériter.

[111] Formulæ Senonenses, 2 : ei fuit judicatum ut apud proximiores parentes suos, octo de parte genitoris sui et quatuor de parte genetricis suæ... debeat conjurare. — Ibidem, 5 : apud 12 parentes suos, octo de patre et quatuor de matre.

[112] Form. Andegavenses, 50 : apud homines 12 sibi similes. — Turonenses, 31 : sibi similes. — Merkelianæ, 30 : suos similes.

[113] Andegavenses, 29 : daret homines tantos bene fidem habentes.

[114] Andegavenses, 28 : apud homines tantos, vicinos circa manentes, de ipsa condita. Ibidem, 50 : vicinos.

[115] Turonenses, 50 : apud homines visores et cognitores. — Andegavenses, 29 : qui de præsente fuissent et vidissent.

[116] Turonenses, 51 : Juratus dixit.... Similiter testes sibi similes, visores et cognitores, post ipsum juraverunt ut quidquid ille de hac causa juravit, verum et idoneum sacramentum dedit. Ibidem, 40 : Similiter venientes testes sui per singula jurati dixerunt : quidquid isle de hac causa juravit, verum et idoneum sacramentum juravit. — Senonicæ, 17 : Juraverunt et de linguas eorum legibus dixerunt. — Ibidem, 21 : Juraverunt et de lingua eorum legibus dixerunt.

[117] Lex Salica, XIV, 2, texte de Wolfembutel : si juratores invenire non potuerit. XXXIX, 2 (tous les textes) : si juratores non potuerit invenire. De même au titre XLII. — Lex Ripuaria, XXXI, 5 : si juratores invenire non potuerit in provincia Ripuaria.

[118] Formulæ Andegavenses, 14 ; Senonenses, 1 ; Merkelianæ, 30.

[119] Est jusjurandum affirmatio religiosa, dit Cicéron, De Officiis, III, 29, et il ajoute : quod promiseris Deo teste. — Digeste, III, 2, 6, § 4 : innocentiam suam jurejurando adprobavit. — Code Justinien, IV, 1, 11 : Cum desperavit aliam probationem, tunc ad religionem convolare.

[120] Un glossateur du dixième siècle a ajouté dans un manuscrit de la Loi salique, Paris 9650, que les anciens Francs, avant d'être chrétiens, in eorum dextera et arma eorum sacramenta affirmant (affirmabant) ; voyez Behrend, p. 95. Il est certain qu'Ammien dit que les Germains juraient sur leurs épées, XVII, 12, 21 ; ce même usage est signalé plus tard chez les Saxons : Gesta Dagoberti, 51 ; Annales Fuldenses, a. 875 : Saxones jurabant juxta ritum gentis sux per arma sua. De même pour les Danois : Pax in armis jurata, Annales d'Éginhard, a. 811 ; Pacem per arma juraverunt, Adam de Brême, c. 50.

[121] Lex Baiuwariorum, XVI, 5 : Donet arma sua ad sacrandum et per ea juret ipsum verbum cum uno sacramentali. — Lex Alamannorum, LXXXIX : Juret in arma sua sacramenta ( ? sacrata). — Lex Langobardorum, Rotharis, 559 : sibi sextus juret ad arma sacrata. — Fredegarii Chron., 74 : jurent super arma placata. — Cf. Gesta Dagoberti, 31 : Saxones, ut eorum mos est, in armis patratis (? sacratis ou placatis) pactum firmant.

[122] Cette idée est énergiquement exprimée par Ammien Marcellin, qui a beaucoup connu les Germains : Quadi, eductis mucronibus quos pro numinibus colunt, juravere (Ammien, XVII, 12, 21). Tacite a dit qu'un des principaux dieux des Germains avait pour unique symbole une épée.

[123] Formulæ Turonenses, 50 : Dum sic veritas comprobaretur, apprehensam manum vel arma judicis, sicut mos est, apud homines 12, sua manu 13, dextratus vel conjuratus dixit.... Sed postea illi judicatum fuit ut... in ecclesia illa conjurare debeat. — L'usage de jurer par les armes n'a pas tout à fait disparu ; la Loi ripuaire le mentionne encore, XXXIII, 5, mais comme une simple forme de procédure, et non pas avec le caractère absolu du sacramentum. Comparer Fortunatus, Carmina, VI, 6 : Jurare per arma ; et plus tard, Hincmar qui dit au roi : Coram Deo et angelis ejus, in fide et dextera vestra per spatam vestram jurantes. Hincmar, Expositiones ad Carolum, III, édit. de la Patrologie, t. I, col. 1006 ; mais ce serment sur la main droite et sur l'épée a un autre caractère que le serment que nous étudions ici ; ce n'est plus le serment judiciaire.

[124] Grégoire, De gloria confessorum, 93 (91) : Apud urbem Trevericam... tempore Theodeberti regis, Arboastes quidam presbyter cum Franco quodam intendebat rege præsente.... Si vera sunt, inquit rex, quæ prosequeris, hoc super tumulum Maximini sacramento confirma.... Et presbyter ponens manus super sanctum sepulerum dixit : Hujus Sancti virtute opprimar si aliquid falsi loquor.... Subito delapsus presbyter solo pessumdedit et mortuus est.

[125] Grégoire, De gloria confessorum, 94 : Si quis falsum juramentum proferre ausus sit, illico divina ullione corrigitur. — Grégoire, De gloria martyrum, 20 : Vidi quosdam in loco eo perjurasse qui ita divino judicio condemnati sunt ut in ipsius anni curriculo finirentur a sæculo.

[126] Grégoire, VIII, 16 : Ibo ad basilicam Beati Martini et me exuens sacramento innocens reddar.... Ad ostium ruit gravi cordis chlore percussus, confessusque est quæ veneral excusare. — Notons que ces termes qu'emploie Grégoire, se exuere sacramento, excusare, se retrouvent dans la Loi salique (XLVII, 2 ; Additamentum, 9, Behrend, p. 91) et dans la Loi ripuaire (XXXI, 5).

[127] Grégoire, VIII, 16.

[128] Grégoire, VIII, 40 : At ille, electis duodecim viris, ut hoc scelus peieraret advenit.... Ipsius juramentum suscepi, jussique eum recipi in communionem.... Adveniente mense quinto, spiritum exhalavit.... Manifestata est virtus Beatæ Mariæ (alias, sancti Martini) in cujus basilica sacramentum protulit mendax.

[129] Grégoire, V, 50 (49) : Restitit ad hoc causa ut, dictis missis in tribus altaribus, me exuerem sacramento.... Nec hoc sileo quod Rigunthis regina, condolens doloribus meis, jejuniuni cum omni domo sua celebravit quousque puer nuntiaret me omnia implesse. Regressi sacerdotes ad regem aiunt : Impleta sunt omnia ab episcopo quæ imperata sunt, o rex ; quid nunc ad le, nisi ut communione priveris ?

[130] Vita Eligii, II, 57.

[131] Miracula Eligii, à la suite de la Vita Eligii, II, 61, édit. de la Patrologie, t. LXXXVII, p. 582 : Tandem episcopus cum duce accepto consilio, cum non possent rei veritatem cognoscere, judicio eos committunt Beati Confessoris. Quia, inquiunt, nescimus cui ex his potius credi decernamus, tibi, Sancte Eligi, hoc judicium committimus. Tunc statuentes utrumque coram sepulcro Sancti, exspectabant per sacramentum Dei fore judicium. Et ecce repente dum juramentum cœpisset promere, arreptus juvenis a dæmone collisus est in terram. — Cf. un autre récit analogue, au chapitre 56.

[132] Voyez ce que raconte le continuateur de Frédégaire, c. 97 ; cf. Gesta Dagoberti, c. 46 ; chronique de Moissac, dans Bouquet, II, 653.

[133] Grégoire, VII, 23 : Judicatum est ut se insontem redderet sacramento ; sed nec hoc his acquiescentibus, placitum in regis præsentia posuerunt.

[134] Lex Ripuaria, LIX, 4.

COMPARAISON DES AUTRES ÉTATS GERMAINS.

Le serment judiciaire est usité dans tous les États germaniques, du sixième au huitième siècle. L'Edictum Theodorici le signale, art. 106. Le législateur des Wisigoths dit expressément que si le juge n'obtient pas la preuve des faits par les témoignages et les pièces écrites, il a recours au serment pour connaître la vérité (Lex Wisigothorum, II, 1, 22 ; II, 2, 5). Ce serment est un acte sacré ; d'où les expressions qu'emploie le législateur : sacramento se expiet (II, 2, 5). Ce serment sauve l'âme ou peut la perdre ; II, 2, 9 : ingenuus conscientiam suam expiet sacramentis ; VI, 1, 2 : qui pulsatur, suam debeat sacramento conscientiam expiare. On voit des hommes refuser le serment, ut animas suas non condemnent (X, 1, 14) ; si quis animant suam perjurio necaverit (II, 4, 7, Walter, p. 664). Aussi le législateur admet-il que le serment prêté constitue une preuve définitive ; l'homme qui a juré devient aussitôt un innocent ; VI, 1, 2 : Si suo se sacramento innocentent reddiderit ; de même, VI, 5, 12. On est convaincu par le serment de l'adversaire ; VI, 5, 7 : sacramento convictus. Ce serment est prêté devant témoins, VIII, 2, 1 ; IV, 1, 8 ; mais la loi ne parle pas de co-jureurs.

Dans les lois lombardes, le serment est un des moyens judiciaires les plus puissants ; même devant le tribunal du roi et même pour un crime qui serait puni de mort, l'accusé peut satisfaire par le serment, Rotharis, 9. Par le serment, l'homme se purifie, se purificat, Rotharis, 12, 202, 215 ; 196 : liccat eum se purificare si potuerit. Ce serment a lieu presque toujours sur l'Evangile ; ibidem, 559 : ad Evangelia sancta juret ; Liutprand, 21 : se purificet ad Legem Dei ; 109 : satisfaciat ei ad Evangelia. Quelquefois, mais dans des procès de peu d'importance, on se contente de faire jurer sur des armes bénites, ad arma sacrata, Rotharis, 559, 565. Il faut avoir des cojureurs ; Rotharis, 179 : se purificare cum duodecim sacramentales : 559 : ad Evangelia juret cum duodecim aidos suos, id est sacramentales. Les cojureurs doivent être, en principe, les parents de celui qui doit jurer ; Grimoald, 7 : præbeat sacramentum cum parentibus suis legitimis sibi duodecimus. Ils sont désignés non par celui qui prête le serment, mais par la partie adverse, qui lui nomme ses parents les plus proches ; Rotharis, 560-362 : Ille qui puisat proximiores sacramentales qui nascendo sunt debeat nominare ; cf. 559 : nominentur sex ab illo qui puisat, et septimus sit ille qui pulsatur, et quinque quales voluerit liberos. Le co-jureur désigné peut refuser de jurer en alléguant qu'il craint pour son âme, animam suam timendo, Liutprand, 61.

Chez les Alamans, le serment se fait dans l'église ; XXIV : juret in ecclesia ; sur l'autel, VII, 2 : juret in ipso allare ; ou bien encore sur une châsse contenant des reliques ; VI, 4 : ista sacramenta debent esse jurata ut conjuratores manus suas super capsam ponant. — Il y a des serments moins solennels ; ainsi, dans un débat portant sur une dot qui ne dépasse pas 12 solidi, la femme peut jurer per pecius suum, LVI, 2. — Le nombre des co-jureurs varie suivant l'importance de l'objet en litige, secundum qualitatem pecuniæ, VII, 2 ; XXVII ; LVI, 1 ; LXXXIX. — De même que dans l'État Franc, les co-jureurs ne se présentent pas à la séance du jugement ; mais, après jugement, la partie à laquelle le serment est imposé, spondet sacramentales et fidejussores præbet ut in constituto die legitime juret, XXXVI, 5. — Les co-jureurs ne sont pas pris à volonté ; le plus souvent ils sont choisis par l'adversaire ; VI, 5, édit. Pertz, p. 155 : qui causam prosequitur electionem faciat de conjuratoribus ; mais le jureur a le droit d'en récuser une partie (ibidem). Quelquefois ils sont désignés parmi les parents, quelquefois choisis en dehors ; XXX : juret cum duodecim nominalis et aliis duodecim electis ; LIII : juret cum quinque nominatis et septem advocatis. Même serment judiciaire chez les Bavarois, VIII, 16 ; XVI, 5 ; XVII, 2 ; chez les Thuringiens, I, II, III, IV, VII ; chez les Frisons ; la loi de ce dernier peuple porte expressément qu'il a lieu sur les reliques des saints, III, 6 ; X ; XII, 1 ; XIV, 1.

[135] Lex Burgundionum, VIII, 2 : Si ei sacramentum de manu tollere voluerit, antequam ecclesiam ingrediantur, illi qui sacramentum audire jussi sunt (quos a judicibus ternos semper ad sacramentum audiendum præcipimus delegari) contestentur se nolle sacramenta suscipere, et non permittatur is qui juraturus erat post hanc vocem sacramenta præstare ; sed ad nos dirigantur, Dei judicio committendi.

[136] Lex Burgundionum, XLV : Multos in populo nostro ita cognoscimus depravari ut de rebus incertis sacramenta offerre non dubitent et de cognitis perjurare. Cujus sceleris consuetudinem submoventes præsenti lege decernimus ut... si pars ejus cui oblatum fuerit jusjurandum, nolucrit sacramenta suscipere, sed adversarium suum veritatis fiducia armis dixerit posse convinci,... pugnandi licentia non negetur. Ita ut unus de testibus qui ad danda convenerant sacramenta, Deo judicante, confligat ; quoniam justum est ut si quis veritalem rei scire se dixerit et obtulerit sacramentum, pugnare non dubitet.

[137] Lex Burgundionum, XLV : Si testis (le champion) partis ejus quæ obtulerit sacramenta in eo certamine fuerit superatus, omnes testes qui se promiserant juraturos, 500 solidos muletæ nomine cogantur solvere. Si ille qui renuerit sacramentum fuerit interemptus, quidquid debebat de facultatibus ejus novigildi solutione pars victoris reddatur indemnis. — Voyez encore, dans le même code, le titre LXXX : Si ad conflictum causæ descenderint et divino judicio falsus relator pugnans occubuerit, 500 solidos testes ipsius cogantur exsolvere.

[138] Lex Burgundionum, XLV : Ut veritate potius quam perjuriis delectentur.

[139] Lex Burgundionum, XLV : Data sub die sexta Kalendas Junias Lugduno Avieno viro clarissimo consule.

[140] Lex Ripuaria, XXXII, 4 : Si ipsam strudem contradicere voluerit et ad januam suam cum spata tracta accesserit, tunc judex fidejussores ei exigat ut se ante regem repræsentet et ibidem cum arma sua contra contrarium suum se studeat defensare.

[141] Lex Ripuaria, LIX, 4 : Tunc ambo constringantur ut se super 14 seu 40 noctes ante rege repræsentare studeant pugnaturi.

[142] Lex Ripuaria, LXVII, 5 : Si quis pro hereditate vel pro ingenuitale certare cœperit... aut cum arma sua se defensare studeat ante rege.

[143] Grégoire, VII, 14 : Insontem me de hac causa profiteor ; si aliquis est similis mihi qui hoc crimen impingat, Tu, o Rex piissime, ponas hoc in Dei judicio ut Ille discernat, cum nos in campi planitie viderit dimicare.

[144] Grégoire, X, 10 : Rex campum dijudicat. Tunc cubicularius (Chundo) dato nepole pro se qui hoc certamen adiret, in campo uterque steterunt.... Ceciderunt ambo (le neveu de Chundo et l'accusateur) et mortui sunt.... Chundo comprehensus est, vinctusque ad stipitem, lapidibus est obrutus.

[145] Fredegarii Chronicon, 51 : Liberare poteras de blasphemio causam hanc ; jube illum hominem armare... et procedat alius... Judicium Dei his duobus confligentibus cognoscatur, utrum hujus culpæ regina sit innocens an culpabilis.

[146] Vita Austregisili, c. 3, Mabillon, Acta SS., II, 96. Voyez un autre exemple dans les Miracula S. Benedicti, I, 25.

[147] L'usage du combat judiciaire et le sens de cet usage ne sont nulle part mieux exposés que dans les Lois des Alamans et des Bavarois. Si deux témoins témoignent en sens contraire, qu'on prenne le jugement de Dieu, que les deux hommes se mesurent au combat ; celui à qui Dieu aura donné la victoire est celui dont le témoignage doit être cru (Lex Baiuwariorum, II, 2). Pour une accusation de vol d'un bœuf, l'accusé se justifiera par serment, ou bien deux champions combattront et celui-là gagnera sa cause à qui Dieu aura donné la force (Ibidem, VIII, 2, 6, édit. Pertz, IX, 2). Deux hommes se prétendent propriétaires de la même terre, ils vont au combat et le jugement appartient à Dieu (Ibidem, XVII, 2, édit. Pertz, XVIII). Deux familles sont en débat sur les limites de leurs propriétés, et le comte, qui juge, n'a aucun élément de certitude ; alors les deux parties, en présence du comte, s'engagent à combattre à tel jour fixé ; ce jour venu, les deux parties, l'épée à la main, prennent à témoin Dieu créateur, afin qu'il donne la victoire à celui dont la cause est la plus juste ; la terre contestée est adjugée au vainqueur, et le vaincu est condamné à une amende (Lex Alamannorum, 87).

[148] C'est le Pactus pro tenore pacis de Childebert Ier et de Clotaire Ier. Il se trouve à la suite de la Loi salique dans les manuscrits de Wolfembutel et de Munich, et dans les manuscrits de Paris 4404, 4628 a ; Pertz, I, 7 ; Behrend, p. 101 ; Borétius, p. 3.

[149] Pactus pro tenore pacis, art. 1 : Id ergo decretum est (ms. de Munich : Apud nos majoresque natu Francorum palatii) ut apud quemcunque latrocinius comprobatur, vitæ incurrat pericutum. — Vitæ periculum incurrere est une expression de l'époque pour indiquer la peine de mort ; voyez : Decretio Childeberti, 4 : Vitæ periculo feriatur... eum judex occidat. — Turonenses, 52 : ut pro hac culpa vitæ periculum incurrissent vel (et) sententiam mortis excepissent. Marculfe, II, 18 : Vitæ periculum incurrere potueras.

[150] Pactus pro tenore pacis, art. 2 : Latro... vita carebit.

[151] Pactus pro tenore pacis, art. 10 : Si quis in alterius domum ubi clavis est furtum invenerit, dominus domus de vita componat.

[152] Edictum Chilperici, 10 : Si fuerit malus homo qui male in pago faciat... ipsum mitlemus foras nostro sermone ut quicunque eum invenerit, interficiat. — Il s'agit ici d'un criminel que l'on n'a pas pu saisir et qui a été jugé par contumace au tribunal du roi.

[153] Decretio Childeberti, 4 : Quicumque præsumpserit raptum facere, vitæ periculum feriatur.... Judex raptorem occidat.

[154] Ibidem, 5 : De homicidiis ita jussimus observari ut quicunque alium sine causa (sans cause légitime) occiderit, vitæ periculo feriatur... quia justum est ut qui injuste novit occidere discat juste mori.

[155] Decretio Childeberti, 7 : De furibus et malefactoribus ita decrevimus observare ut... quomodo sine lege involavit, sine lege moriatur. — Le judex qui relâche un voleur est frappé de la même peine, vitam amittat.

[156] Decretio Childeberti, 8 : Ut judex, criminosum latronem ut audierit, ad casam suam ambulet et ipsum ligare faciat, ita ut... in loco pendatur. — Le législateur fait une réserve pour le criminel qui n'est pas une debilior persona, qui est un francus, c'est-à-dire un homme de condition élevée celui-là ne sera pas pendu par le judex, il sera mené au tribunal du roi. Mais cela ne signifie pas que le roi lui fera grâce de la vie ; nous verrons plus loin que le tribunal du roi prononçait des arrêts de mort.

[157] Manuscrit de Paris 4404, tit. 70, folio 195 ; manuscrit de Leyde, Vossianus 119, publié par Holder, p. 42.

[158] Manuscrit 4404, tit. 67 : Si quis hominem extra consilium judicis de furca abaterit aut de ramum ubi incrocatur, solidos 50. Tit. 68 : Si quis hominem vivum de furca abaltere præsumpserit, solidos 100.

[159] Manuscrits de Paris 4418, tit. 17, et de Varsovie, édit. Hubé, tit. 14 : Parentes defuncti judicem rogare debent ut inter homines non habitet auctor sceleris. Cf. manuscrit de Montpellier 135, Pardessus, 4e texte, p. 126.

[160] Pardessus, 3e texte, p. 91, XXXII, 5 : Si quis ligatum aut per superbiam aut per virtutem ad graphionem tulerit, de vita sua redimat.

[161] Lex Salica, XVIII, 2 : Grimen propter quod mori debuisset (si la culpabilité avait été prouvée) ; voyez Hessels, col. 106-107.

[162] Ibidem, LV, 2 : Wargus sit usque in die illa ut illi inter homines liceat accedere. — LVI, 2 : Quicumque eum aut paverit aut hospitalitatem dederit, etiam si uxor sua fuerit, solidos 15 culpabilis judicetur.

[163] La Loi salique mentionne encore la peine de mort, soit pour les fonctionnaires du roi, L, 5, soit pour les esclaves, XIII, 7.

[164] Lex Salica, LVIII, 1 et 2 : Si quis hominem occiderit et tota facultate data non habuerit unde totam legem compleat (le mot lex, ici comme en plusieurs autres passages, signifie la somme fixée pour la composition)... tunc ille qui eum sub fide habuit (c'est-à-dire la partie adverse qui a obtenu gain de cause contre le meurtrier et envers qui celui-ci s'est engagé à payer la composition) in mallo præsentare debet,... per quatuor mallos.... Et si eum (le meurtrier) nullus in compositione ad fidem tulerit, hoc est ut redimant, tunc de sua vita componat. — Cf. Pactus pro tenore pacis, 2 : Si facultas deest, tribus mallis parentibus offeratur, et si non redimitur, vita carebit. — Le sens de ce rachat est bien expliqué dans un récit de Grégoire de Tours, VI, 56 : ut aut esset qui redimeret, aut morti addiceretur obnoxius.

[165] Lex Burgundionum, II, 1 : Si quis hominem... occidere præsumpserit, non aliter admissum crimen quant sanguinis sui effusione componat.

[166] Lex Burgundionum, LII in fine : Capilis amissione plectantur ; LXVIII : Si adulterantes inventi fuerint, vir occidatur et femina ; XXLX, 1 : Si quis latrocinii scelere... occident, occidatur. — Peine de mort aussi contre la jeune fille libre qui s'unit à un esclave, XXXV, 2 ; la femme qui abandonne son mari meurt plongée dans la boue, XXXIV.

[167] Lex Burgundionum, XXIX, 2 : Effractores omnes qui aut domus aut scrinia exspoliant, jubemus occidi ; IV, 1 : Quicumque mancipium, caballum, bovem furto auferre præsumpserit, occidatur. Le litre XLVII est particulièrement sévère pour le vol de chevaux ou de bœufs ; la femme est obligée de dénoncer le mari, et si elle ne le fait pas, elle est réduite à la condition d'esclave, marito occiso.

[168] Ibidem, IV, 1 : Tam Burgundio quam Romanus occidatur ; XLVII : Tam barbarus quam Romanus.

[169] Ibidem, XXIX, 1 : Si quis negotiatorem occiderit, occidatur. Cf. II, 1 : Si quis hominem ingenuum cujuslibet nationis occident ; X, 1 : Burgundio et Romanus una conditione teneantur.

[170] Lex Ripuaria, LX, 6 : Si testamentum regis absque contrario testamento falsum clamaverit, non aliunde quam de vita componat. LXIX : Regi infidelis de vita componat.

[171] Lex Ripuaria, LXXIX : Si quis homo propter furlum in judicio principis pendutus fuerit vel in quolibet patibulo vitam finierit, omnes res ejus heredes possideant. — In quolibet patibulo désigne les potences des juges provinciaux, des comtes.

[172] Marculfe, II, 18 : Securitas pro homicidio. Dum, instigante adversario (l'ennemi du genre humain, le démon, instigateur de tous les crimes), germanum nostrum visus es interfecisse (germanus est le mot le plus usité pour désigner un frère ; frater était plutôt employé dans la langue ecclésiastique et au sens moral), et ob hoc vilx periculum incurrere potueras.

[173] Marculfe, II, 18 : Sed intervenientes sacerdotes et magnifici viri, quorum nomina subter tenentur adnexa, nos ad pacis concordiam visi sunt revocasse revocasse ut... — Turonenses, 52 : Sed, intervenicntibus bonis hominibus, ita convenit ut...

[174] Grégoire, IX, 58 : Sunnegisilum comilem stabuli et Gallomagnum referendarium.... Inquiruntur et ipsi, sed conscientia terrente, latebram infra ecclesiarum sæpta petiere. Ad quos rex ipse procedens : Egredimini in judicium ut cognoscamus de his quæ vobis objiciuntur si vera sint an falsa..,, Promissionem habete de vita, etiamsi culpabiles inveniamini ; christiani enim sumus ; nefas est vel criminosos ab ecclesia eductos punire.

[175] Tunc educti foras, cum rege (coram rege) vencrunt in judicium.... Iterum ecclesiam petierunt In exsilium retruduntur. — Le mot exsilium, la langue mérovingienne, signifie emprisonnement. Cf. Frédégaire, Chron., 51 : eam in unam turrem exilio trudit.

[176] Grégoire, X, 21 : Cum rex hæc scelera ab iis cognovisset manifestissime perpetrata, vinciri eos catenis præcepit ac tormentis subdi.... Seniore capitis plexo, juniorem exsilio damnaverunt.

[177] Grégoire, X, 21 : Thesauros patris absconditos revelaverunt Directi viri ad inquirendum immensam multitudinem auri argentique repererunt.

[178] Grégoire, IX, 19 : Ad regem pergil ; ingressus ecclesiam, ad pedes prosternitur regis, dicens : Vitampeto, o gloriose rex, co quod occiderim homines qui parentibus meis interfectis...

[179] Grégoire, IX, 19, in fine : Chramuisindus iterum ad regem abiit, judicatumque est ei ut convinceret super se eum interfecisse ; quod ita fecit. — Sur le sens de super dans cette expression super se, voyez Turonenses, 50 ; super se est comme super se adsalientem, super se inruentem qu'on trouve ailleurs ; il l'avait tué marchant contre lui, l'attaquant.

[180] Fortunatus, Vita Radegundis, 10, édit. Krusch, p. 41 : Si quis pro culpa criminali, ut assolet, a rege depulabatur interfici, Radegundis... ne designatus reus moreretur in gladio.

[181] Fredegarii Chronicon, 21, 28, 45, 54, 58.

[182] Vita Eligii, I, 51 : Eligius hoc apud regem obtinuerat ut omnia humana corpora qux regis severitate diversis ex causis perimebantur, licentiam haberet sepelire. Cf. un article de la Loi salique (Behrend, p. 89) qui interdit de décrocher un pendu sans la permission du judex.

[183] Ibidem. Dans le récit, c'est près de Strasbourg que l'on signale au saint un homme attaché à une potence.

[184] Vita Arnulfi, 15, Mabillon, Acta SS., II, 155 : Noddo deprehensus est, et scelera illius una cum vita regalis gladius amputavit.

[185] Grégoire, Miracula Martini, IV, 16 : Eum in vincula compactum jussit judex retrudi in custodia. IV, 59 : Cum culpabiles quosdam judicis sententia carcerali ergastulo conclusisset. Autre exemple, ibid., I, 21.

[186] Grégoire, De gloria confessorum, 101 : Comes, fure invento..., palibulo condemnari præcepit.

[187] Grégoire, De gloria martyrum, 73 (72) : Apprehensus et in vincula compactus... patibulo dijudicatur.

[188] Grégoire, Vitæ Patrum, VII, 7 : Quod cum judex loci illius comperisset, vinctum virum in carcerem retrudi præcepit, dicens : Dignus est letho hic scelestus occumbere qui.... Autre exemple : Grégoire, Hist., VI, 8 : Patibulo condemnatur. — Vita Anstrudis, 25, Mabillon, Acta SS., II, 981 : Reus quidam ligatus ducebatur ad necem. — Vita Amandi, 15 : Fur affixus patibulo est.

[189] Vita Columbani, 54 : Carcerem plenum damnatorum hominum mortis pœnam exspectantium. — De même, Vita Lupi Cabill. épisc., 7 : qui in custodia interficiendi servabantur.

[190] Vita Eligii, I, 51 : Humana corpora quæ vel regis severitate vel judicum censura perimebaniur, ubicunque invenire potuisset, siveper civilates, siveper villas, licentiam habebat et de bargis et de rotis et de laqueis deposita sepelire. — Cf. c. 45 : Cum vir quidam nexibus constrictus ad supplicium duceretur.

[191] C'est une opinion fort en vogue que les anciens Germains ne connaissaient que les compositions. Dire cela, c'est ne dire qu'une moitié de la vérité et omettre l'autre moitié. Tacite nous montre, à la fois, les pénalités et les compositions ou satisfactions. Il les distingue si bien, qu'il parle des premières au chapitre XII et des secondes au chapitre XXI. Les premières sont prononcées par l'autorité publique et comprennent la peine de mort et l'amende ; les secondes sont de simples arrangements entre les familles, sans que Tacite dise que l'autorité publique y intervienne. On a supposé aussi que les Germains avaient pour principe de ne punir que les crimes qui portaient atteinte à l'État ; mais c'est là une pure hypothèse ; Tacite ne dit pas un mot de cela, et même plusieurs traits de son chapitre XII le contredisent. Cf. nos Problèmes d'histoire, p. 463-465.

[192] Lex Salica, XV : Si quis hominem occiderit, 8000 dinorios qui faciunt solidos 200 culpabilis judicetur.

[193] Lex Salica, XXXVI : Si quis homo ex quolibet quadrupede domestico fuerit occisus, medielalem compositionis dominus quadrupedis cogatur exsolvere. Quadrupedem pro alia medietate requirenti restituat. Cf. Lex Ripuaria, XLVI.

[194] Lex Salica, XII, 1, manuscrit de Wolfembutel : Solidos tres pro dorso suo reddat.

[195] Lex Salica, XII, 2 : Aut castretur aut sex solidos reddat.

[196] Lex Salica, L, 5 : De vita culpabilis esse debet aut quantum valet se redimat.

[197] Lex Salica, LI, 2 : Aut se redimat aut de vita componat.

[198] Lex Salica, LIII : Solidos tres manum suam redimat.

[199] Lex Ripuaria, LIX, 5 : Pollex dexter auferatur, aut eum cum 50 solidis redimat.

[200] C'est le sens de l'article LVIII, § 2. Cf. Pactus pro lenore pacis, 2 : Si latro redimendi se habet facullatem, se redimat ; si facultas deest, tribus mallis parentibus offeratur ; et si non redimitur, vita carebit.

[201] Marculfe, II, 28 : Dum, instigante adversario..., in casus graves cecidi, unde mortis periculum incurrere potueram, sed, dum vestra pietas me jam morte adjudicalum de pecunia vestra redemistis..., pro hoc statum ingenuitalis mex vobis visus sum obnoxiasse ita ut ab hac die de vestro servitio non discedam. — Formules semblables dans les Andegavenses, 5, dans les Arvernenses, 5, et dans les Senonicæ, appendic, 6.

[202] Lex Alamannorum, 24 : Aut vitam perdat aut se redimat.

[203] Lex Frisionum, additio, I, 3, Pertz, p. 683 : Si quis caballum furaverit, capitali sententia feriatur aut vitam suam pretio redimat.

[204] Lex Salica, LXII : Si cujuscunque pater occisus fuerit, medietalem compositionis filii colligant, et aliam medietatem parentes qui proximiores sunt, tant de patre quam de matre, inter se dividant. — Cf. Additamentum, 5 (d'après Wolfembutel et Paris 4404) : Si quis hominem ingenuum occiderit, ad parentibus debeat secundum legem componere media compositione, filius habere debet aliam medietatem.

[205] Lex Salica, LV, 2 : Parentibus componat. Voyez aussi tout le titre 50, qui vise certainement le cas où un homme s'est engagé à composer ; c'est la partie adverse qui s'arrange comme elle peut pour se faire payer ; à la fin toutefois, il lui est permis de s'adresser au comte pour opérer la saisie.

[206] On disait à la fois componere et transigere, Pline, Lettres, V, 1, édit. Keil, p. 120. — Vel judicio terminata vel transactione composita, au Digeste, L, 16,250. — Componere transactione, Consultatio veteris juriscons., IX, 6. Cf. Pactione componere, Lex romana Burgund., IX, 2.

[207] Dans Tacite, la composition est appelée satisfactio, Germanie, 21. — Sidoine Apollinaire, Lettres, V, 19 (V, 7) : Compositio seu satisfactio.

[208] Formulæ Turonenses, 55 : Ille partibus istius componere et satisfacere non recuset. — Marculfe, I, 57 : Partibus illius componere et satisfacere non recuset. — Bignonianæ, 27 : Fuit judicatum ut eam causant contra vos componere et satisfacere debeam, hoc est solidos tantos.

[209] C'est ce que nous avons établi dans un autre volume (1875) en parlant des anciens Germains ; depuis ce livre, on a découvert la Loi de Gortyne en Crète, qui donne un exemple de plus de la vérité que nous avions exprimée.

[210] Tacite, Germanie, 21 : Nec implacabiles durant inimicitiæ ; luitur homicidium.

[211] Tacite, Germanie, 21 : Recipit satisfactionem universa domus. Cf. Lex Salica, LXII.

[212] Paul, au Digeste, XLVIII, 16, 6 : Ab accusatione destitit qui cum adversario suo de compositione ejus criminis quot intendebat fuerit locutus.

[213] Paul, au Digeste, II, 14, 17 : Quædam actiones per pactum ipso jure tolluntur : ut injuriarum, item furti. — Ulpien, ibidem, 7, § 13 : Si paciscar ne pro judicali vel incensarum ædium agatur, hoc pactum valet. — Julianus, au Digeste, III, 2, 1 : Qui furti, vi bonorum raptorum, injuriarum, de dolo malo et fraude pactus erit. Ce qu'on appelait le délit d'injures comprenait les voies de fait, coups et blessures, mutilation de membre ; voyez Institutes, IV, 4.

[214] Extingui injuriarum actionem, Ulpien, au Digeste, XLVII, 10, 7, § 6.

[215] Institutes, IV, 4, 10 : Sciendum est de omni injuria eum qui passus est posse vel criminaliter agere vel civiliter ; si civiliter agatur, æstimatione facta secundum quod dictum est, pœna imponitur.

[216] Digeste, III, 2, 1 : Prætoris verba dicunt : infamia notatur qui furti, vi bonorum raptorum, injuriarum, de dolo malo, damnatus pactus ve erit. — Sur ce texte Ulpien ajoute : Pactus ve erit : pactum sic accipimus si cum pretio quantocunque pactus est. Puis le même jurisconsulte fait cette réserve : Qui jussu prætoris, pretio dato, pactus est, non notatur. Il y a donc quelquefois accord devant le magistrat et sur son invitation.

[217] Institutes, IV, 4 : Secundum gradum dignitatis vitæque honestatem crescit aut minuitur æstimatio injuriæ.

[218] Gaïus, III, 224-225 : Permittitur nobis a prætore injuriam æstimare, et judex tanti condemnat. Atrox injuria æstimatur... ex persona, velut si senatori ab humili persona facta sit injuria. — Institutes, IV, 4, 9 : Aliter senatoris et patroni, aliter extranei et humilis personæ injuria æstimatur. — Ibidem, IV, 4, 7 : Aliud in servo adore, aliud in medii actus homine, aliud in vilissimo vel compedito constituitur. Comparer Lex romana Burgundionum, V, 1 : Si vulaus aut fractura ossuum infligatur aut in conviciis atrocibus forte proruperit, solutio vel vindicta facti pro qualitate personæ in judicis arbitrio æstimatione consistit, secundum regulam Gaii.

[219] Consultatio veteris jurisc., IV, 2 : De crimine transigi non potest. M. Esmein va plus loin que nous : Le droit romain, dit-il, admettait qu'à l'occasion d'un crime capital une transaction pût intervenir entre l'auteur et la victime (Mélanges d'histoire du droit), p. 565. Mais l'unique texte qu'il cite, Code Justinien, II, 4, 18, contient une contradiction qui le rend inintelligible et qui doit inspirer le doute. Notez que, des 42 articles du titre De transactionibus, il n'y en a pas un qui se rapporte à un meurtre ni à aucun crime entraînant peine de mort. De cela on ne trouve aucun exemple dans les textes de droit.

[220] Je dis qu'ils ont tous péri. Pourtant il n'est pas impossible que les formulaires d'Anjou, de Tours, d'Auvergne, de Bourges soient la continuation d'anciens formulaires gallo-romains.

[221] Sidoine Apollinaire, Lettres, V, 19, ad Pudentem. Il propose le mariage entre une esclave enlevée et le ravisseur, avec l'affranchissement complet pour tous les deux, et il ajoute : Hæc sola seu compositio seu satisfactio contumeliam emendat..., ne constringat pœna raptorem.

[222] Ailleurs encore, VI, 4, ad Lupum, le même auteur parle d'une compositio ; il ne demande pas qu'elle soit prononcée par le juge public ; mais elle peut l'être par un évêque agissant comme arbitre.

[223] Lex Burgundionum, II, 2 ; Cf. XLVI. Il y a aussi composition pour le meurtre d'un esclave, titre L ; c'est qu'il faut en ce cas payer une indemnité au maître pour son objet de propriété détruit.

[224] Lex Burgundionum, édit. Pertz, CVIII, 10, p. 576 ; édit. Binding, p. 153 : Illud specialiter præcipimus ut omnes comites tam Burgundiones quam Romani... omnes causas ex legibus judicent Nain fieri manifeste cognovimus de diversis sceleribus compositiones inter parentes vestros tacite ; causæ legibus non judicantur, ita populis usitatur ut similia præsumant admiltere Si quis compositiones ita facere præsumpserit et ex lege judicare distulerit, mulctam se noverit intaturum.

[225] Lex Burgundionum, LXXI : Si quis inconsciis judicibus, de furto quod ipsi factum est, crediderit componendum, pœnam quam fur subiturus eral ipse suscipiat.

[226] Lex Burgundionum, LXXI : Si quis locum judicis tenens inter supradictos componere voluerit, inferat muletæ nomine solidos 12.

[227] Edictum Theodorici, art. 17, 58, 41, 56, 78, 91, 110. Cet edictum est fait pour les Goths comme pour les Romains, quæ Barbari Romanique sequi debeant.

[228] Lex Wisigothorum, VI, 4, 2, antiqua : Si hominem occident, moriatur. VI, 5,11, antiqua : Omnis homo, si voluntate, non casu, occident hominem,pro homicidio puniatur. VI, 5,18, antiqua : Morte damnetur. VII, 2, 4, antiqua : Si capitalia commiserint, morte damnentur. — La composition est permise en cas de meurtre involontaire.

[229] Pactus pro tenore pacis, art. 1 : Apud quemcunque latrocinius comprobatur, vitæ incurrat periculum.

[230] Ibidem, 5 : Si quis furtum vult celare et occulte sine judice compositionem acceperit, latroni similis est.

[231] Decretio Childeberti, 4 : Quicunque præsumpserit raptum facere, vitæ periculo feriatur. Judex raptorem occidat. 5 : Justum est ut qui noverit occidere discat mori. Non de pretio redemptionis se redimat aut componat.

[232] Sirmond, Concilia Galliæ, I, p. 79.

[233] Concile de Tours, a. 461, c. 7, Sirmond, I, 125 ; Mansi, VII, 9 : Homicidis non esse communicandum donec per confessionem pœnitentiæ crimina ipsorum diluantur. — Cf. 5e concile de Paris, a. 557, Mansi, IX, 750 : Si quis homicidium sponte commiserit, usque ad finem vitæ suæ pœniteat.

[234] Concile d'Arles, a. 452, art. 50, Sirmond, 1,107 : Eos qui ad ecclesiam confugerint, tradi non oportet ; sed eos domini sui promissa intercessione exire persuadeant. Si ab ecclesia exeuntibus pœnale aliquid intulerint, ut ecclesiæ inimici habeantur excommunes.

[235] Concile d'Orléans, a. 511, art. 1 : De homicidis, adulteris et furibus, si ad ecclesiam confugerint... ut ab ecclesiæ atriis non auferantur nisi ad evangelia datis sacramentis de morte, de debilitate (mutilation d'un membre), et omni pœnarum genere sint securi, ita ul ei cui reus fuerit criminosus de satisfactione conveniat. Le mot satisfactio est exactement synonyme de compositio ; ce qui le prouve, c'est que dans le même article la même chose est désignée, trois lignes plus bas, par le verbe componere.

[236] Concile d'Orléans de 511, art. 2 : Ut raptor, mortis vel pœnarum impunitate concessa, aut serviendi conditioni subjectus sit aut redimendi se habeat facultatem.

[237] Les noms des évêques sont dans Sirmond, I, 185.

[238] Concile d'Orléans de 511, art. 5. Concile d'Epaone de 517, art. 38.

[239] Lex Burgundionum, LXX, 2 : De his cousis unde hominem mori jussimus, si in ecclesiam fugerit, redimat se secundum formant pretii constituti ab eo cui furtum fecit.

[240] Lex romana Burgundionum, titres II et IV.

[241] Lex Wisigothorum, VI, 5, 16 : Reddito sacramento ne eum sceleratum publicæ mortis pœna condemnet, ille qui eum persequitur comprehendat. Non mortifieras inferat pœnas, sed in potestate parentum contradendus est, ut, excepto mortis periculo, quidquid de eo facere voluerinl licentiam habeant. — Cette dernière disposition implique que le coupable, s'il est riche, composera, et, s'il est pauvre, sera mis en servitude ; c'est aussi ce que disait l'article 2 du concile d'Orléans de 511.

[242] Pacius pro tenore pacis, 14 et 15 : Nullus latronem vel quemlibet culpabilem, sicut cum episcopis convenit, de atrio ecclesiæ extrahere præsumat.... Si servus ad ecclesiam confugerit, excusatus reddatur. — Que les rois francs aient adopté le principe formulé par le concile de 511, c'est ce qui ressort de ces mots que Grégoire, IX, 58, met dans la bouche de Childebert : Promissionem habete de vita ; christiani enim sumus ; nefas est vel criminosos ab ecclesia eductos punire.

[243] Ce curieux jugement est inséré dans la Lex Burgundionum, dont il forme le titre LII. On y lit : Non aliter tantum crimen quam sanguinis sui effusione debueront expiare. Tamen dierum reverentiam (probablement le jour de Pâques) præponentes jubemus ut Aunegildis pretium, hoc est 500 solidos, Fridegiselo solvat.... Sanctorum dierum consideratio sic sententiam nostram ab interitu Balthamodi revocavit ut... pretium suum exsolvere non moretur.... Ne quemquam deinceps ad. exercendum tanti facinoris ausum permissæ nunc compositionis temperamenta sollicitent jubemus ut... capilis amissione plectantur.

[244] Lex Baiuwariorum, I, 7, 5 : Nulla sit culpa tam gravis ut vita non concedatur propter timoran Dei et reverentiam Sanctorum ; quia Dominus dixit : Qui dimiserit, dimittetur ei.

[245] Vita Eligii, I, 18 : Sive innocui, sive noxii.

[246] Grégoire, VI, 8.

[247] Vita Germani a Fortunato, c. 50.

[248] Vita Albini a Fortunato, c. 16.

[249] Vita Columbani, c. 34.

[250] Grégoire, Vitæ Patrum, VIII, 10.

[251] Voyez, entre autres, Grégoire, Miracula Martini, I, 11 ; III, 55 ; IV, 55 ; V, 59 ; De gloria confessorum, 101. — Vita Germani a Fortunato, 62, 67. Vita Mederici, dans Mabillon, Acta SS., III, 13. — Des faits de cette nature se voyaient déjà dans l'empire romain ; les clercs, les moines, les évêques mettaient tout en œuvre pour arracher les criminels au supplice ; voyez une loi de 598 au Code Justinien, I, 4, 6.

[252] Concilium Tarraconense, a. 516, art. 4, Mansi, VIII, 558. — Concilium Autissiodorense, a. 578, art. 54 : Non licet presbytero in judicio illo stare unde homo ad mortem tradatur. — Concilium Matisconense, a. 585, art. 19 : Prohibemus ut ad locum examinationis reorum nullus clericorum accedat ubi pro reatus sui qualitate quispiam interficiendus sit.

[253] Voyez des exemples de cela dans les formules : Andegavenses, 10, 29, 50, 52, 47 ; Turonenses, 29 ; Senonenses, 3, 6. Grégoire de Tours, V, 49 ; VII, 47 ; IX, 19. Fortunatus, Carmina, IV, 12. Vita Eligii, 11, 61. Vita Leodegarii, 1, dans Mabillon, Acta SS., II, 681.

[254] Concilium Matisconense, art. 19 : Cognovimus quesdam clericorum ad forales reorum sententias frequenter accedere.

[255] Grégoire, VII, 43. Nous avons cité le texte plus haut. Ce récit nous a déjà montré ce qu'était un arbitrage épiscopal ; nous le reproduisons ici pour montrer comment on entendait la composition.

[256] Grégoire, VII, 43 : Anima viri non pereat. — Anima viri, une vie d'homme, et non pas l'âme d'un homme ; l'expression est fréquente.

[257] Je pense, sans oser l'affirmer, que c'est là le sens des mois anima viri non pereal. Il est possible qu'ils signifient : que la vie de l'un de vous ne soit pas éteinte par un nouveau meurtre ; mais l'expression redimi indique bien le rachat d'une peine, et c'est cette peine qui me paraît marquée par les mots anima non pereat.

[258] Marculfe, II, 18 : Dum, instigante adversario, germanum nostrum interfecisti et ob hoc vitæ periculum incurrere potueras, sed intervenientes sacerdotes et magnifici viri nos ad pacis concordiam ob hoc visi sunt revocasse ita ut pro ipsa causa solidos tantos mihi dare debueras ; propterea hanc epistolam nobis conscribere complacuit.

[259] Marculfe, II, 16 : Vitæ periculum incurrere debui ; sed intervenientes sacerdotes vel bonis hominibus, vitam obtinui, sic tamen ut tibi in tandono vel in dotis titulum conferre debueram... Ideo dono tibi locellum illum cum domibus, vineis, silvis, pratis....

[260] Formulæ Turonenses, 16.

[261] Formulæ Senonicæ, 51 : Non minima sed maxima verteretur discordia inter illum et illum. Venientes ante bonis hominibus.

[262] Grégoire, VIII, 5 : Composuit filiis mortem ejus.

[263] Grégoire, X, 8 : Pro multis sceleribus debita contraxerat, in quibus ornamenta et aurum uxoris sæpissime evertebat. — Sur ces dettes contractées en vue d'une composition, comparez le fidem facere de la Loi salique, dont nous parlerons plus loin.

[264] Ce trait de mœurs du temps nous est connu par les formules d'apennis. On appelait ainsi l'acte par lequel toutes ces pièces, s'il arrivait qu'elles fussent brûlées ou volées, pouvaient être reconstituées. Voyez Formulæ Andegavenses, 31, 52, 53 ; Turonenses, 27, 28 ; Marculfe, I, 55 ; Senonicæ, 38. Comparez Lex Wisigothorum, II, 5, 17 : In scriniis domesticis instrumenta chartarum.

[265] Formulæ Andegavenses, 31, 32, 33.

[266] De là ce titre de la formule de Marculfe, II, 18 : Securitas pro homicidio si se pacificaverint. — Grégoire, VII, 47 : Estote, quæso, pacifici.

[267] Formulæ Turonenses, 52 : Fis convenit. Andegavenses, 6 et 26 : Juxta quod convenit. Marculfe, II, 18 : Juxta quod convenit.

[268] Concile d'Orléans de 511, art. 1 : Ei cui reus fuerit criminosus de satisfactione conveniat.

[269] Lex Salica, LVI, 1.

[270] Capitulaire de 779, art. 22, Borétius, p. 51 : Si quis pro faida pretium recipere non vult, ad nos sil transmissus et nos eum dirigamus ubi damnum minime facere possit. On ne trouve rien de pareil sous les Mérovingiens. — Capitulaire de 802, art. 52, Borétius, p. 97 : Ut parentes interfecti nequaquam inimicitiam adaugere studeant neque pacem petenti denegare, sed compositionem recipere. — Capitula legibus addenda, 819, art. 15, Borétius, p. 284 : Si quis homicidium commisit, comes compositionem solvere faciat ; si una pars ei ad hoc consentire noluerit, id est aut ille qui homicidium commisit aut is qui compositionem suscipere debet, faciat illum ad præsentiam nostram venire... ut castigetur.

[271] Nous avons démontré ailleurs par une série de textes que le wergeld et la composition étaient choses fort différentes. Le wergeld était le prix de l'homme vivant, pretium hominis, disent les textes, c'est-à-dire le prix qui était attribué à chaque homme de son vivant selon la condition sociale où il était né, secundum nativitatem suam. Ceux qui appellent la composition le wergeld commettent une inexactitude.

[272] Lex Burgundionum, X.

[273] Solvere leudem ou componere leudem. Il n'y a pas à s'étonner que le verbe componere, qui littéralement signifiait s'arranger, s'accorder, comme on le voit encore dans le Papianus, V, 1, en soit venu, dans la langue usuelle, à signifier payer. — Lex Ripuaria, LXIV : Werigildum componere ; LXVIII, 5 : Eum componat. Ces déviations du sens des mots sont bien connues en philologie.

[274] Lex Burgundionum, II, 2 : Medietatem pretii secundum qualitatem personæ cogatur exsolvere : hoc est, si optimatem nobilem occiderit, in medietatem pretii 150 solidos ; si aliquem mediocrem, 100 ; pro minore persona 75 solidos præcipimus numerare. — Lex Salica, XV : Si quis ingenuum occident, solidos 200 culpabilis judicetur ; XLI, 5 : Si vero cum qui in truste dominica fuit occiderit, 600 solidos judicetur ; XLI, 5. Si romanum hominem convivam regis occiderit, solidos 500 judicetur.

[275] Lex Salica, XXIV, 6-7 : Si quis feminam ingenuam, post quam cœperit habere infantes (c'est-à-dire après l'âge de seize ou dix-huit ans), occiderit, solidos 600 judicelur. Post quod infantes non potuit habere (c'est-à-dire après l'âge de quarante ans), solidos 200 judicetur. — Lex Ripuaria, XII : Si quis feminam ribuariam usque ad quadragesimum annum interfecerit, 600 solidos judicetur ; XIV, 2 : Post quam quadragesimum annum habuerit, 200 solidos judicetur.

[276] Sous cette forme : Solidos tantos, tant de pièces d'or.

[277] Formulæ Turonenses, 58 : Sicut mihi bene complacuit. — Formulæ Turonenses, 58 : Sicut mihi bene complacuit. — Senonicæ, 11 et 51 : In quod eis bene complacuit. Senonicæ, 11 et 51 : In quod eis bene complacuit.

[278] Grégoire, IX, 19 : Sicharius, cum post. interfectionem parentum Chramnisindi magnam cum eo amicitiam patravisset... dixisse fertur : Magnas mihi debes referre grates quod interfecerim parentes tuos, de quibus accepta compositione aurum argentumque superabundant in domo tua ; et nudus nunc esses et egens nisi hæc te causa roborasset.

[279] Grégoire, Miracula Martini, IV, 26 : Compositionem fisco debitam quam illi fredum vocant. — Lex Salica, L, in fine : Tertia parte freto grafio ad se recolligat. — Lex Ripuaria, LXXXIX : Judex fiscalis de causa freda non exigat priusquam facinus componatur.

[280] Lex Burgundionum, præfatio Gundebadi : Il défend à ses optimales et comtes, tant Burgondes que Romains, 1° de recevoir des présents d'une des parties, 2° nec partes ad compositionem, ut aliquid vel sic accipiant, a judice compellantur.

[281] Lex Ripuaria, LXXIX.

[282] Voyez, dans un sans différent du mien, M. Beauchet, p. 48. L'auteur croit que le tribunal du roi est un mallus. Il ne cite sur cela que deux textes, lex Salica, 46, et lex Ripuaria, 50 ; mais il se trouve que ces deux textes disent justement le contraire ; en effet, tous les deux mentionnent à la fois le tribunal du roi et le mallus, et c'est pour les opposer l'un à l'autre. Voilà les termes de la Loi salique : aut ante regem aut in mallo. Voici ceux de la Loi ripuaire : ad mallum ante centenarium vel comitem SEU ante ducem vel regem. Il s'en faut de tout que ces deux textes identifient le tribunal du roi avec le mallus. Parmi plus de soixante textes où il est parlé du tribunal du roi, il n'y en a pas un seul où il soit appelé mallus. Cette remarque de détail n'est pas sans importance.

[283] Grégoire, X, 10 ; X, 21 ; IX, 19 ; X, 22.

[284] Vita Eligii, II, 65 : Vir quidam sæcularis ex nobili genere, culpa vel parva interveniente... ducitur in palatium ; ubi dum sententia mortis ejus definiretur......

[285] A lictoribus comitis, dit la Vita Amandi, c. 12.

[286] Lex Salica, LVII, 1 : Ille qui causam persequitur. — Lex Ripuaria, LXVII, 3 : Ille qui prosequitur ; XXXII, 5 : qui causam sequitur ; LV : Si quis causam suam prosequitur.

[287] Formulæ Bignonianæ, 9 ; Merkelianæ, 38.

[288] Lex Ripuaria, XXXI.

[289] Lex Ripuaria, LVIII.

[290] Cela est bien exprimé dans la formule de Bignon n° 8, Rozière n° 468 : Ponitur in notitia qualiter homo nomen ille hominem aliquem nomen illum adsallisset et interfecisset ; sed venientes parentes et antici ipsius hominis interfecti ante illo comite, interpellabant ipsum hommem, etc.

[291] Pactus pro tenore pacis, 3 : Si quis occulte sine judice compositionem acceperit, latroni similis est.

[292] Le titre LVII de la Loi salique vise le cas où les rachimbourgs n'ont pas pris l'initiative de proposer la composition ; alors debet eis dicere is qui causam persequitur : hic ego vos tancono ut legem dicatis secundum legem Salicam. De ces deux legem, le premier ne signifie pas loi, mais désigne le chiffre légal à payer ; d'où l'expression legem solvere, totam legem implere, XL, 9 ; LVIII, 1 et 2.

[293] Lex Salica, LVI, 1 : Quod ei a rachineburgiis fuerit judicatum.... Rachineburgius judicavit ut.... — Lex Ripuaria, LV : Raginburgiis recte dicentibus.

[294] Formulæ Turonenses, 32 : Tale dederunt judicium ut sententiam mortis ob hoc scelus excepissent. Sed intervenientibus bonis hominibus taliter eis convenit ut jamdicti homines pro redemptione vitæ eorum solidos tantos dare dcberent. Marculfe, II, 18 : Vitæ periculum incurrere potueras ; sed intervenientes sacerdotes et magnifici viri nos ad pacis concordiam visi sunt revocasse ita ut solidos tantos mihi dare debueras.

[295] Formulæ Senonicæ, 11 et 51 ; Bignonianæ, 27 ; Merkelianæ, 39.

[296] Edictum Guntramni. — Præceptio Chlotarii, 6 : Si judex aliquem contra legem damnaverit, in nostri absentia ab episcopis castigetur. Les mots in nostri absentia signifient si nous ne réformons pas nous-mêmes son jugement, et ils impliquent qu'avant que les évêques interviennent le roi peut intervenir.

[297] Lex Salica, LVII, 5. Lex Ripuaria, LV. Nous n'avons d'ailleurs aucun acte ni aucune formule qui nous laisse voir comment était vidée cette sorte de procès.

[298] Cela est dit expressément dans la Loi ripuaire, au tit. 89 ; cela me paraît indiqué aussi au litre L, article 4, de la Loi salique.

[299] Lex Salica, L, de fides factas. Si quis alleri fidem fecerit... si noluerit fidem factam solvere....Si adhuc noluerit componere.... Dicat de qua causa et quantum ei fidem fecerat. L'article 4 montre qu'il s'agit d'une dette contractée pour la composition, puisque les deux tiers de la somme doivent être payés au plaignant et un tiers au comte à titre de fredum.

[300] Formulæ Turonenses, 52 : Intervenientibus bonis hominibus taliter eis convenit ut wadios suos pro solidos tantos dare deberent. — Marculfe, II, 18 : Et in præsenti per wadio tuo visus es transsolvisse. — Senonicæ, 27 : fuit judicatum ut per wadium meum cam causam contra vos componere debeam. — Merkelianæ, 59 : Taliter ei judicaverunt ut ipsam leodem ad ipsos parentes rewadiare deberet. — Cf. Turonenses, 52 : unde et fidejussorem pro ipsos solidos hominem illum obligaverunt.

[301] Lex Salica, L, 2.

[302] Lex Salica, L, 5 et 4 : Ille eux fides facta est, ambulet ad grafionem et dicat... securus mille in fortuna sua manum.... Tunc grafio colligat secum septem rachineburgios idoneos et ad casam illius qui fidem fecit ambulet.... Tunc rachineburgii pretium quantum valuerit debitus de fortuna sua illi tollant.

[303] Lex Salica, LVIII, 1 et 2. — Quelquefois le coupable devenait l'esclave de celui à qui il ne pouvait payer la composition. Voyez Bignonianæ, 27 : Dum ipsos solidos minime habui unde transsolvere debeam, sic mihi aptificavit ut brachium (tuum) in collum (meum)posui... in ea ratione ut in terim quod ipsos solidos vestros reddere potuero, servitium vestrum facere et adimplere debeam.

[304] Formulæ Andegavenses, 51, 52.

[305] C'est le sens du mot securitas au Digeste, XXVII, 4, 1, § 6, et au Code Théodosien, V, 13, 20 ; XI, 1, 19 ; XI, 26, 2. Il a conservé la même signification dans les formules. Notez que ces formules, dites securitates, sont toutes romaines d'idée et de langue. Le mot a encore cette signification dans l'Edictum Theodorici, 144.

[306] Marculfe, II, 18 : Ita ut pro ipsa causa solidos tantos in pagalia mihi dare debueras, quos et in presenti per wadio tuo visus es transsolsisse, et nos ipsa causa per fistuca contra te visisumus werpisse. Cf. Pauli sententiæ, II, 18, 10, interpr. dans la Lex romana Wisigothorum.

[307] Propterea, juxta quod convenit, hanc epistolam securilatis in te nobis conscribere complacuit, ul de ipsa morte germ ni nostri nec a me nec ab heredibus meis aut suis nec de judiciaria potestate nec a quolibet nullo casu nec refragatione aliqua aut damnetate amplius habere non pertimescas, sed in omnibus exinde eductus et absolutus appareas.

[308] Formulæ Turonenses, 58 : Pro integra compositione pro parente meo pro ipsa morte, (mihi) solidos tantos dedisti ; ideo hanc epistolam securitatis tibi emittendam decrevi, ul neque a me neque ab heredibus meis neque a quolibet persona nullam calumniam neque repetitionem de illo homicidio habere non pertimescas. Noter que le mot calumnia, dans la langue du temps, signifie poursuite en justice (voyez Lex Burgundionum, VI, 2), généralement poursuite injuste. — De même, Andega venses, 59.

[309] Cela est bien marqué encore dans les Bignonianæ, n° 9, où il est dit que le coupable n'aura à craindre nullam remallationem.

[310] Formulæ Turonenses, 58 : Si quis aut ego ipse aut ullus... contra hanc securitatem venire aut agere tentaverit,... qui litem intulerit solidos tantos componat. — Cf. Marculfe, II, 18 ; Senonicæ, 11 et 51.

[311] Grégoire, VII, 47 in fine : Tunc dato argento... accepta securitate, componunt, datis sibi invicem sacramentis ut nullo unquam tempore contra alteram pars altera mussilaret.

[312] Turonenses, 58 : Sit inter nos calcanda causatio.

COMPARAISON DES AUTRES ÉTATS GERMAINS.

Si nous comparons au droit franc les législations de la même époque, nous voyons d'abord que l'abrégé de code donné par Théodoric à ses sujets sans distinction de race ne contient pas la composition ; il prononce la peine de mort pour le meurtre, art. 99 ; pour le vol d'animaux, 56 ; pour la vente d'un homme libre en servitude, 78 ; pour l'adultère, 38 et 59 ; pour le rapt, 17 ; pour le faux, 41 ; pour l'usurpation de propriété, 47 ; mais, de ce que la composition n'est jamais inscrite dans la loi, de ce qu'elle n'est pas une chose légale, nous ne conclurons pas qu'elle n'ait pas existé dans la pratique. — La Loi des Wisigoths ne l'admet pas non plus comme chose légale ; elle punit de mort le meurtre volontaire ; VI, 5,11, antiqua : Omnis homo, si voluntate non casu occiderit hominem, pro homicidio puniatur. Mais à cette sévérité de la loi ancienne l'Église apporte un premier adoucissement ; si le meurtrier a trouvé refuge dans une église, il est livré aux parents de la victime, à la condition qu'ils ne le mettront pas à mort, VI, 5, 16 et 18. Puis, en dehors même de ce cas, la Loi du roi Chindasuinthe établit que le meurtrier, ou bien sera mis à mort, ou bien sera livré aux parents du mort, qui feront de lui ce qu'ils voudront. Or il est clair que les parents l'obligeront à se racheter, c'est-à-dire à composer, ou bien que, s'il ne possède rien, ils en feront leur esclave. D'ailleurs, d'après la Loi des Wisigoths, la composition est de droit en cas de meurtre involontaire, parce qu'il y a une indemnité à payer, VI, 5, 49 ; VIII, 4, 16. Il y a aussi la compositio furti, V, 5, 5 ; VII, 5, 5 ; et la compositio damni, VIII, 5, 2 ; VIII, 4, 2. — La Loi lombarde prononce la peine de mort pour les crimes commis contre l'État (Rotharis, 1, 5, 4, 6), pour le meurtre du mari par la femme (ibid., 205), pour l'adultère de la femme (ibid., 211 et 212). Pour les autres crimes, le coupable doit ou mourir ou composer ; aut moriatur aut componat, Rotharis, 19 ; aut componat 80 solidos aut animæ suæ incurrat periculum, ibid., 255 ; aut occidatur aut redimat animam suam, ibid., 280. Cf. l'art. 20 de Liutprand qui prononce la confiscation et qui ajoute qu'à cette condition homicida animam suam liberat, rachète sa vie. D'autres fois, c'est le roi qui a le choix entre la peine de mort et la composition ; Rotharis, 9 : aut del animam. mil qualiter regi placuerit componat ; 36 : animæ suæ incurrat periculum aut redimat animam suam, si obtinere potuerit arege ; 165 : de anima illius homicidæ sil in potestate regis judicare quod illi placuerit. — La composition prévaut complètement dans les Lois des Mamans et des Bavarois ; Lex Alamann., XLIX ; Lex Baiuwar., II, III. Elles ne prononcent la peine de mort que pour les crimes commis contre le roi des Francs ou le duc du pays ; Lex Alamann., XXIV ; Lex Baiuwar., II [1-4. Encore le duc peut-il permettre au coupable de se racheter, aut vitam perdat aut se redimat, Lex Alamann., XXIV ; Lex Baiuwar., II, 4, 5. — On reconnaît que tout cela concorde, sauf quelques différences de détail, avec ce que nous avons dit du droit franc.