LOUIS XVI

MARIE-ANTOINETTE ET LE COMTE DE PROVENCE EN FACE DE LA RÉVOLUTION

TOME PREMIER

 

PAR LOUIS-PHOCION TODIÈRE

PTOFESSEUR AGRÉGÉ D’HISTOIRE, OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE. MEMBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES.

PARIS - LAGNY FRÈRES - 1863

 

 

AVERTISSEMENT.

 

CHAPITRE PREMIER. — LE DAUPHIN LOUIS-AUGUSTE DE BERRI ET LA DAUPHINE MARIE-ANTOINETTE.

Abaissement de la France au milieu du XVIIIe siècle. — Mort du Dauphin, fils de Louis XV. — Souvenirs qui se rattachent à l'enfance de Louis-Auguste de Berri. — Son instruction. — Son caractère. — Son éducation. — Marie-Antoinette d'Autriche destinée pour épouse au Dauphin. — L'abbé de Vermond, son instituteur. — Portraits de cette princesse et de Louis de Berri. — Arrivée de Marie-Antoinette en France, à Strasbourg. — Sa première lettre à sa mère. — Son voyage de Strasbourg à Compiègne et à. Versailles. — Son mariage avec le Dauphin. — Affaire du bal royal. Fêtes troublées par un affreux désastre. — La Dauphine annonce ce désastre à Marie-Thérèse. — Entrée publique du Dauphin et de la Dauphine dans Paris. — Bienfaisance des deux époux. — Contrastes que présente le château de Versailles. — Disgrâce du duc de Choiseul. — Voltaire, infidèle à son protecteur, réclame, dans une lettre, l'appui de Madame Du Barry. — Société intime de Marie-Antoinette à la cour de France. — Sympathies et ennemis qu'elle y rencontre. — Indifférence et défiance du Dauphin. — Marie-Antoinette en butte à la cabale de deux partis. Maladie et mort de Louis XV. — Les courtisans saluent la royauté nouvelle. — Attitude de Marie-Antoinette. — Départ de la cour pour Choisy.

CHAPITRE II. — AVÈNEMENT DE LOUIS XVI. - MAUREPAS, PREMIER MINISTRE.

Circonstances difficiles dans lesquelles Louis XVI arrive au trône. — Tableau de la société à cette époque. — Ordre politique. — Ordre économique. — Ordre moral. — Le clergé. — La noblesse. — Parlements. — Habitudes judiciaires. — Le tiers état. — Le bourgeois. — Les financiers. Les capitalistes. — Les gens de lettres. — Économistes. — Philosophes. — Les paysans. — Les ouvriers des villes. — Mouvement des esprits. Aspiration de la France. — Louis XVI inférieur aux circonstances. Journal et réflexions de Louis XVI. — Premiers actes du jeune roi. Maurepas, premier ministre. — Louis XVI renonce au droit de joyeux avènement, et Marie-Antoinette au droit de ceinture de la reine. — Renvoi des ministres de Louis XV. — Leurs successeurs. — Démonstrations violentes du peuple.

CHAPITRE III. — ADMINISTRATION DE TURGOT. - MALESHERBES. - SAINT-GERMAIN.

Détails sur Turgot. — Son intendance de la généralité de Limoges. Ses projets pour la restauration de la marine. — Turgot, contrôleur général des finances. — Premières mesures de son administration. — Rappel des parlements, malgré l'opposition de Turgot. — Lit de justice pour la réintégration des magistrats. — Protestation des parlements contre le lit de justice. — La reine reçoit à Versailles la visite de l'archiduc Maximilien, son frère. — Prétentions de l'archiduc repoussées par les princes du sang. — Réformes de Turgot. — Obstacles qu'il rencontre. — Livre de Necker sur la Législation des grains. — Guerre des farines. — Les troubles populaires sont comprimés. — Amnistie. — Circulaire adressée aux curés. Pamphlets contre Turgot et les économistes. — Sacre de Louis XVI à Reims. — Renvoi de la Vrillière. — Malesherbes son successeur. — Nombreuses améliorations économiques. — Le comte de Saint-Germain, ministre de la guerre ; ses aventures. — Assemblée du clergé de l'année 1775. — Réformes militaires du comte de Saint-Germain. — Abolition de la corvée. — Suppression des jurandes et maîtrises. — Ligue contre Turgot. — Résistance du Parlement ; ses remontrances. — Lit de justice. — Liberté du commerce des vins. — Turgot attaqué par Maurepas. — Retraite de Malesherbes. — Disgrâce de Turgot.

CHAPITRE IV. — NECKER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES FINANCES.

Ministère de Clugny. — Réaction. — La loterie. — Ordonnances relatives à la contrebande. — Estime de Louis XVI pour les ouvrages de l'esprit. — Entrée de Necker aux finances ; son caractère. — Réformes diverses. — Système des emprunts. — Insurrection des colonies anglaises. — Congrès de Philadelphie. — Georges Washington. — Déclaration d'indépendance. — La France accueille avec enthousiasme la révolution américaine. — Ambassade des Américains à la cour de France. — Le vieux Franklin. — Capitulation de Saratoga. — Traité d'alliance et de commerce avec les États-Unis d'Amérique. — L'empereur Joseph II à Paris ; il visite les principales villes de Franco. — Son voyage funeste à la reine sa sœur. Marie-Antoinette surnommée l'Autrichienne. — Retour, triomphe et mort de Voltaire à Paris. — Mort de Jean-Jacques Rousseau. — Abolition de la mainmorte dans les domaines royaux. — Influence et popularité de Necker.

CHAPITRE V. — GUERRE D'AMÉRIQUE. - DISGRÂCE DE NECKER.

Rupture avec l'Angleterre. — Glorieux combat de la Belle-Poule. —Bataille navale d'Ouessant. — Expédition du comte d'Estaing en Amérique. — Funeste combat de Sainte-Lucie. — Expédition des Anglais en Géorgie. — Perte de Pondichéry. — Succès des Français en Afrique. — Médiation de la France entre l'Autriche et la Prusse. — Paix de Teschen. — Alliance de la France avec l'Espagne. — Manifeste de Charles III. — Entreprise sur l'île de Jersey. — Alarmes de l'Angleterre. Tentative des alliés sur Plymouth. — Entreprise de Paul Jones. — Combat entre les frégates la Surveillante et le Québec. — Prise de la Grenade. — Malheureuse expédition de Savannah. — Glorieuses batailles du comte de Guichen contre Rodney. — Découragement des Américains. — Arrivée de nouveaux secours sous les ordres du chevalier de Ternay et du comte de Rochambeau. — Lettre de Washington aux citoyens de New-Port. — Lettre de Rochambeau aux membres de l'assemblée générale de Rhode-Island. — Défection d'Arnold. — Kosciusko. — Situation de l'Angleterre. — Neutralité armée des puissances continentales. — Compte-rendu de Necker. — Sa disgrâce.

CHAPITRE VI. — INDÉPENDANCE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE.

L'Angleterre attaque les colonies hollandaises. — Départ du bailli de Suffren pour les Indes orientales. — Expédition du baron de Rullecourt sur l'île de Jersey. — L'Amiral de Grasse conduit une flotte de Brest aux Antilles. — Guiche opère sa jonction avec la flotte espagnole. — Le duc de Crillon assiégé le fort Saint-Philippe dans l'île de Minorque. — Combat indécis entre le comte de Grasse et le vice-amiral Hood. — Prise de l'île de Tabago. — Capitulation des Anglais à York-Town. — Combat de Doggers-Bank. — Opérations de Bouillé. — Soumission des îles Saint-Eustache, Saba et Saint-Martin. — Prise de Saint-Christophe. — Le duc de Crillon se rend maître du fort Saint-Philippe. — Changement de ministère en Angleterre. — Naissance d'un Dauphin. — Fêtes de Paris à cette occasion. — Mort de Maurepas. — Mort de Turgot. — Questions de Morellet sur cet ancien ministre. — Le comte de Vergennes, chef du conseil des finances. — Combat des Saintes. — Défaite du comte de Grasse. — Honneurs rendus à Rodney en Angleterre. — L'amiral de Grasse prisonnier à Londres. Nobles élans de patriotisme en France. — Siège de Gibraltar. — Victoires du bailli de Suffren dans les Indes orientales. — Paix de Versailles. — Retour de Suffren en France.

CHAPITRE VII. — PROCÈS DU COLLIER.

D'Ormesson, contrôleur général des finances. — Ministère de Calonne. — Ses premières mesures. — Agiotage effréné. — Remontrances du Parlement. — Représentation du Mariage de Figaro. — Affaire du collier. La comtesse de La Motte-Valois. — Le comte de Cagliostro. — Scène du bosquet. — Arrestation du cardinal de Rohan. — Son jugement déféré au Parlement. — Réclamations du clergé de France. — Arrestation de Cagliostro. — Le Père Loth ; ses révélations. — Intrigues de la famille de Rohan. — Arrêt du Parlement. — Joie du public. — Désespoir de la reine. — Exil du cardinal. — Libelles contre Marie-Antoinette. — Supplice et fuite de la comtesse de La Motte.

CHAPITRE VIII. — LA COUR DE FRANCE. - MARIE-ANTOINETTE ET SES CALOMNIATEURS.

Complications dans lesquelles la reine se trouve engagée. — Reproches mal fondés de ses accusateurs sur son luxe. — Éloignement de Marie-Antoinette pour la représentation. — Ses courses en traîneau. — Elle désire voir le lever de l'aurore. — Promenades sur la terrasse du château de Versailles. — Plaisir que prend la reine aux bals de l'Opéra. — Inquiétudes de Louis XVI. — Vie de Marie-Antoinette à Trianon. — Ses lettres à son intendant, M. Bonnefoy du Plan. — Protection accordée par la reine aux lettres et aux arts. — Son goût pour les plaisirs du théâtre. — Ses amitiés trop souvent exclusives. — La princesse de Lamballe. — Madame Jules de Polignac. — Mademoiselle Diane de Polignac. — Établissement de la comtesse Jules à la cour. — Société intime des Polignac. — Leur faveur à la cour. — Mariage du comte de Grammont avec la fille de la comtesse Jules. — Madame de Polignac, gouvernante des Enfants do France. — Inconvénients de la vie privée compris par la reine. — Éloignement de Marie-Antoinette pour la société intime de madame de Polignac. — Mécontentement des courtisans. — Leurs calomnies. — Attaques contre madame de Polignac et contre la reine. — Noëls abominables. Accusations contre Marie-Antoinette dénuées de fondement. — L'affection de la reine pour le comte d'Artois calomniée. — Édouard Dillon. — Le comte de Tilly. — Le duc de Lauzun et la plume de héron. — Présomptueuse déclaration du baron de Bezenval. — Le comte de Fersen. — Examen du caractère et de la conduite de Louis XVI. — Sa passion pour la chasse et pour les occupations d'artisan. — Le serrurier François Ga-main. — Croisade contre la reine par madame Adélaïde, et dans laquelle entrent les autres tantes de Louis XVI. — Le comte de Provence le plus dangereux des ennemis de Marie-Antoinette. — Espérances de ce prince détruites par la naissance de Madame, et surtout par celle du Dauphin. — Ses calomnies. — Louis-Philippe-Joseph d'Orléans, autre ennemi de la reine.

 

NOTES ET PIÈCES JUSTIFICATIVES.

 

 

 

AVERTISSEMENT

 

L'ouvrage que nous publions, après de longues années d'études, commence et finit avec Louis XVI, et Marie-Antoinette. Quelques écrivains ont reculé devant la tache de raconter les événements (lu règne de ce prince, depuis l'ouverture des états—généraux, jusqu'à l'époque de sa mort. Nous savons que la période la plus intéressante et peut-être la plus digne d'être connue dans la vie de Louis XVI, est celle où se manifesta la volonté sérieuse, libre et spontanée du monarque, ardent réformateur et toujours passionné pour le bien, c'est-à-dire de son avènement aux premiers symptômes de la Révolution. Mais la deuxième période qui naît avec cette Révolution et se termine à la mort du roi, n'est point encore dépourvue d'intérêt, quoiqu'elle semble depuis longtemps épuisée : alors commence un nouvel ordre de choses. Elle nous montre en effet Louis XVI en présence de l'Assemblée nationale abandonnant chaque jour quelques lambeaux de l'autorité dont il s'est mal servi, et devenu le jouet trop docile des fureurs populaires. Nous assistons aux laborieux essais du régime constitutionnel, aux transformations que subissent les anciennes institutions, aux luttes glorieuses mais impuissantes de Mirabeau pour régénérer et raffermir la royauté qu'il avait d'abord ébranlée, à la déposition continue, à la décadence progressive d'un souverain jadis le plus absolu de l'Europe, à la chute de l'antique monarchie des Bourbons, qui disparaît emportée par une épouvantable tempête. Nous sommes frappés d'admiration à la vue de l'homme qui, délivré du fardeau de la royauté, déploie dans la prison du Temple, au milieu des outrages de la démocratie triomphante, une force qu'il n'avait pu trouver sur le trône. On peut donc entreprendre d'écrire les événements si graves de cette période, sans avoir la présomption de raconter l'histoire déjà faite de la Révolution française.

Cette mémorable époque de nos annales a été écrite par les esprits les plus distingués de notre siècle, par des historiens vraiment, dignes de ce nom. Mais les événements et les divers de la Révolution qui a remué la France dans toutes ses profondeurs, ont-ils été suffisamment éclaircis ? Doit-il être écarté comme un profane celui qui, envisageant plusieurs de ces événements sous un point de vue jusqu'à ce jour inaperçu et arrivant avec des idées nouvelles, voudrait ajouter une pierre à l'édifice si lentement construit de cette partie de notre histoire ? Loin de tout écrivain cette égoïste pensée. Aussi n'avons-nous pas craint de retracer dans un tableau général et complet la difficile période de la vie de Louis XVI, d'en représenter scrupuleusement la physionomie, -et de ne laisser dans l'ombre aucun des actes de ce drame dont le dénouement s'accomplit sur l'échafaud. Ce sujet qui, par sa grandeur, éblouit et effraie, a 'été l'objet de nos plus actives préoccupations et des recherches les plus consciencieuses. Une enquête délicate et compliquée nous a convaincu de l'innocence de Marie-Antoinette, et nous n'avons pas hésité à réhabiliter la mémoire de la noble reine de France, que ses ennemis, avant de livrer leur victime au bourreau, ont fait passer par toutes les amertumes et toutes les douleurs de la calomnie. Elle nous a révélé les espérances ambitieuses du comte de Provence, le frère puîné de Louis XVI, et, la main sur la conscience, nous avons prononcé la condamnation de cet illustre coupable. Le lecteur jugera si nous avons épargné les soins et les efforts pour arriver à la vérité ; si nous avons appliqué aux faits une critique impartiale et éclairée.

Cet ouvrage n'est point écrit avec l'intention de fournir un aliment aux passions et de relever des statues depuis longtemps renversées. Ce n'est point une invective jetée aux crimes de la Révolution par un détracteur qui s'obstinerait à méconnaître les conquêtes et les réformes qu'elle. a réalisées, puisqu'en définitive elle nous a faits ce que nous sommes ; c'est une histoire dans toute la simplicité du récit, dans toute la franchise et la candeur des impressions de l'historien.

 

L. TODIÈRE