Ministère de Clugny. -
Réaction. - La loterie. - Ordonnances relatives à la contrebande. - Estime de
Louis XVI pour les ouvrages de l'esprit. - Entrée de Necker aux finances ;
son caractère. - Réformes diverses. - Système des emprunts. - Insurrection
des colonies anglaises. Congrès de Philadelphie. - Georges Washington. -
Déclaration d'indépendance. - La France accueille avec enthousiasme la
révolution américaine. - Ambassade des Américains à la cour de France. - Le
vieux Franklin. - Capitulation de Saratoga. - Traité d'alliance et de
commerce avec les Etats-Unis d'Amérique - L'empereur Joseph II à Paris ; il
visite les principales villes de France. - Son voyage funeste à la reine sa
sœur. - Marie-Antoinette surnommée l'Autrichienne. - Retour, triomphe et mort
de Voltaire à Paris. - Mort de Jean-Jacques Rousseau. - Abolition de la
main-morte dans les domaines royaux. - Influence et popularité de Necker.
Nuis de
Clugny, d'abord conseiller au Parlement de Dijon, puis intendant de
Saint-Domingue, de Brest, de Bordeaux, remplaça Turgot au contrôle général
des financés. Ce choix pouvait tranquilliser les partisans des abus : c'était
un fripon, un homme dur, emporté, ivrogne, joueur et débauché. « Maurepas,
écrit Condorcet, lui a communiqué son goût pour les fermiers généraux ; il a
déclaré qu'il ne ferait rien qui pût leur déplaire. » Le
premier ministre différa la disgrâce de Saint-Germain, afin de jeter un plus
grand discrédit sur les réformateurs. A cette époque, Saint-Germain conçut le
projet de substituer à l'Hôtel des Invalides, qu'il regardait comme un
monument de la vanité plutôt que de la bienfaisance de Louis XIV, trente-six
établissements dans les provinces. Mais il avait si mal calculé la dépense
que, lorsqu'on entra dans les détails, on reconnut combien son projet était
illusoire, et il fallut l'abandonner. Il dut se borner à rendre deux
ordonnances pour le renvoi d'un grand nombre d'invalides dans les provinces (17 juin 1776) ; ce qui fut exécuté peu de
temps après. Un des chariots qui les transportaient s'étant arrêté par hasard
à la place des Victoires, ces vieux soldats descendirent, les yeux baignés de
larmes, et s'agenouillèrent devant la statue de Louis XIV, leur fondateur,
l'appelant leur père et s'écriant qu'ils n'en avaient plus. Les cris de ces
hommes couverts d'honorables blessures soulevèrent encore l'opinion contre
l'ardent réformateur. Dans les derniers temps, devenu triste et rêveur, il se
rendait presque inabordable. Aussi fatigué du mauvais succès de ses
opérations et des dégoûts qu'il éprouvait chaque jour, que le roi, l'armée et
ses collègues pouvaient l'être de lui, Saint-Germain témoigna, dans un moment
d'humeur, le désir de se retirer et porta sa démission au roi. Louis XVI
l'accepta. Le comte quitta la cour dans les premiers jours de septembre de
l'année suivante, et fut remplacé par le prince de Monbarrey, qui modifia ses
mesures sans paraître abandonner entièrement, son système[1]. Quant
au nouveau contrôleur général, fidèle aux usages antiques, ennemi des
innovations, il sembla prendre à tâche d'annuler ce qu'avait l'ait son
prédécesseur. Au moment de la retraite de Turgot, le crédit reçut une
secousse profonde, et les Hollandais ne voulurent point réaliser un emprunt
de soixante millions, à 4 pour cent, qu'ils avaient promis à l'habile
ministre. Pour relever le crédit et remédier au triste état des finances,
Clugny eut recours à l'institution de la loterie, institution immorale, capable
d'exciter toutes les mauvaises passions, et que plusieurs fois déjà le
Parlement avait eu le mérite de repousser. Connue on redoutait encore son
opposition, la loterie royale fut créée par un simple arrêt du Conseil, sans enregistrement
(30
juin 1776). Le
langage que M. de Clugny prêtait au roi, dans son préambule, pour l'excuser
de descendre à l'emploi d'une telle ressource, était peu en harmonie avec les
sentiments religieux de Louis XVI. Après avoir parlé de l'habitude qui
s'était introduite parmi les Français de porter leur argent à des loteries
étrangères, l'arrêt ajoutait : « Sa Majesté a jugé que, la prohibition ne pouvant
être employée contre les inconvénients de cette nature, il ne pouvait y avoir
d'autre remède que de procurer à ses sujets une nouvelle loterie dont les
différents jeux, en leur présentant les hasards qu'ils veulent chercher,
soient capables de satisfaire et.de fixer leur goût. » Quelques
semaines avant (mai 1776),
Clugny, empressé de mériter les éloges des classes privilégiées, releva les
jurandes et les maîtrises, sans oser toutefois laisser subsister les anciens
abus[2]. Enfin, au mois d'août suivant,
une déclaration royale révoqua définitivement l'édit qui remplaçait la corvée
par une rétribution pécuniaire. Cette palinodie de la royauté, prête à
s'incliner sous le vent de toutes les influences, découvrit aux partis le
secret de sa faiblesse. « Le Parlement, dit un historien, ne se souvint que
trop de cette victoire : lorsque dans les jours qui précédèrent la
Révolution, le roi voulut établir un impôt territorial où la noblesse et le
clergé étaient appelés à partager le fardeau des taillables et des
corvéables, le Parlement ne crut plus à la fermeté d'un prince qui avait déjà
établi et désavoué ce principe[3]. » Le
renouvellement de sévères ordonnances, relativement à la contrebande, suivit
le retour des jurandes et de la corvée. Dans une déclaration publiée à ce
sujet (2
septembre 1776),
Louis XVI s'élève avec tierce « contre les gens malintentionnés qui ont abusé
les peuples de l'espérance de la suppression des fermes des gabelles, aides
et tabacs, en se permettant même contre les fermiers, leurs commis et
préposés, des déclamations injurieuses... Cette licence a produit ses
effets... Des troupes nombreuses de contrebandiers armés ont fait des
incursions dans plusieurs parties de notre royaume : la fraude s'est répandue
dans celles de nos provinces qui sont dans l'étendue de nos fermes des
gabelles, aides et tabacs (les pays d'élections) ; les employés et préposés de
nos fermiers, exposés à des rébellions, spoliations et violences de la part
des fraudeurs, quelquefois même de la part des habitants des villes et
paroisses, ont souvent succombé aux excès commis contre eux, ou ont été contraints,
pour s'y soustraire, d'abandonner leur service[4]. » Dans le
tumulte de ces nombreux projets, de ces réformes si désirables qu'il
acceptait et détruisait presque aussitôt, une importante question, celle de
la propriété littéraire, la plus respectable et la plus sacrée des
propriétés, occupait les pensées du monarque. Nous pouvons en juger par la
belle lettre qui suit, dans laquelle il accuse la lenteur de ses ministres et
montre une royale estime pour les ouvrages de l'esprit. Versailles, le 6 septembre 1776. «
J'appelerai Amelot pour l'entretenir sur l'objet de votre lettre y ayant
quelque méprise dans l'exposé qui vous a esté fait ; nous verrons après. » On
ferait bien de s'occuper le plus tôt possible de l'examen des mémoires des
libraires tant de Paris que des provinces sur la propriété des ouvrages et la
durée des privilèges. J'ai entretenus de cette question plusieurs gens de
lettres, et il m'a paru que les, corps savants l'ont fort à cœur. Elle
intéresse un très-grand nombre de mes sujets qui sont dignes à tous égards de
ma protection. Le privilège en librairie, nous l'avons reconnus, est une
grâce fondée en justice ; pour un auteur elle est le prix de son travail,
pour un libraire elle est la garantie de ses avances. Mais la différence du
motif doit naturellement régler la différence d'importance du privilège.
L'auteur doit avoir le pas, et pourvu que le libraire reçoive un avantage
proportionné à ses frais et à un gain légitime, il ne peut avoir à se
plaindre. Il faudra régler aussi les formalités à observer pour la réception
des libraires et imprimeurs ; arrangez cela comme vous le trouverez bon, mais
il faudra que l'autre question soit rapportée au conseil[5]. » LOUIS. » Déjà
les créations de Turgot avaient disparu, à l'exception de la caisse
d'escompte dont les avantages s'étaient fait sentir dès les premiers jours de
son institution. Maurepas commençait de s'inquiéter des procédés
inconséquents du réacteur vulgaire qu'il jugeait incapable de faire face à la
situation. Il se préparait à le sacrifier, lorsqu'une maladie emporta le
contrôleur général (22 octobre 1776). Clugny fut regretté des privilégiés qui avaient
trouvé en lui un zélé défenseur de leurs droits. Cependant
allait bientôt commencer une guerre à laquelle l'insurrection d'Amérique
semblait inviter contre les Anglais. Une ordonnance du 10 juin avait prescrit
l'armement de vingt vaisseaux de ligne. Afin de pourvoir aux nouvelles dépenses
avec un budget en déficit, le gouvernement avait besoin d'un homme capable.
Au lieu de se prêter aux vues de Monsieur qui désirait pour un intendant de
sa maison la place de Clugny, le vieux Maurepas, sur la recommandation du
marquis de Pezai, choisit le républicain Necker, dont nous avons eu déjà
l'occasion de parler. Necker, originaire de Genève, mais depuis longtemps
établi en France, s'était rapidement élevé par le commerce et par la banque à
une grande fortune. Homme 'intègre, plein de constance dans ses projets, de
dextérité dans ses moyens, il avait les qualités qui inspirent la confiance
et la justifient. Une maison opulente, ouverte à des personnages distingués,
aux gens de lettres, aux philosophes, alors dispensateurs de la popularité,
des goûts nobles, des mœurs graves, lui avaient acquis une grande
considération. Par son ouvrage sur la compagnie des Indes, par son éloge de
Colbert[6] et quelques autres écrits, il
s'était élevé à une haute renommée de capacité financière. Adversaire modéré
des idées économistes, alors en disgrâce, le riche et habile Genevois passait
pour le seul homme capable de restaurer le crédit public. Le désordre des
finances lui avait été plus d'une fois révélé par des billets du contrôle
général, - qui, plus d'une fois aussi, avait eu recours « à son amour pour la
réputation du trésor royal. » Maurepas, malgré son grand âge, son apparente
insouciance et l'épicurisme de sa conduite, ne pouvait renoncer au pouvoir
dont il s'était fait une longue, habitude ; il favorisa l'élévation de Necker
dans l'espérance de trouver tout à la fois en lui un administrateur
intelligent et une créaturc soumise au premier auteur de sa fortune. C'était
mal connaître le caractère de son protégé ; car il portait à l'excès la
confiance en lui-même, la vanité et le besoin de paraître. Afin de
préparer les esprits à l'administration de l'heureux génie qui devait initier
la France aux vieux secrets du Trésor, on parut le subordonner, sous le nom
de directeur du Trésor royal, à un fantôme de contrôleur général, Taboureau
des Réaux, ex-intendant de Valenciennes, homme plein d'honneur et de probité,
que Maurepas avait choisi moins pour ses talents que pour sa c6mplaisance. Au
bout de quelques mois, Taboureau, fatigué de son rôle sans dignité, céda la
place, et le vrai ministre resta (10 juillet 1777). Necker était calviniste :
comme le titre et les fonctions de contrôleur général exigeaient un serment
de catholicité, il dut se contenter du titre de directeur général des
finances. Avec plus d'ostentation que de générosité, il donna l'exemple
inconnu de refuser les appointements attachés à son emploi. Necker
conçut la réformation de la France sur un plan moins large que 'celui de
Turgot ; il l'exécuta avec l'aide du temps. Il supprima plus de six cents
charges de cour et de finance. Sur sa proposition, le roi diminua le fardeau
de la taille qu'une déclaration précise mit à l'abri des extensions
arbitraires. Le plan de Necker était, à ce qu'il semble, de sauver les
finances par des emprunts lorsque des circonstances impérieuses
l'exigeraient, de faire asseoir les impôts par des assemblées provinciales,
qu'il ne regardait cependant pas comme une grande conception politique, et de
créer, pour la facilité des emprunts, la reddition des comptes. C'était le
plus sûr moyen d'inspirer la confiance. S'il faut en croire ses nombreux
partisans, qui l'ont exalté comme un nouveau Colbert, il était animé des plus
généreux sentiments ; il voulait fermement le bien public, et souhaitait
d'arriver à la gloire par le chemin que lui avait ouvert sa rare habileté.
Ses détracteurs, parmi lesquels on compte les économistes, admirateurs
passionnés de Turgot, l'ont comparé à l'écossais Law, dont le souvenir se
rapportait aux plus affreux désastres. Tout en leur accordant qu'à ses
heureux expédients, à ses essais d'économie fut mêlé un peu de charlatanisme,
il serait injuste de classer parmi les hommes ordinaires celui qui sut,
pendant cinq années, suffire aux besoins d'une situation que rendaient bien
difficile le caractère jaloux de Maurepas, l'indécision du roi et les
intrigues des courtisans. Necker
avait à combler le déficit que, dans sa courte administration, Turgot avait
faiblement diminué et qui, sous Clugny, s'était augmenté de nouveau ; il lui
fallait pourvoir aux frais de la guerre d'Amérique, et aux dépenses énormes
d'une cour étrangère aux idées d'ordre et d'économie. Il y réussit sans
augmenter les impôts, mais par une réduction dans les frais de perception,
par une multitude de petites réformes utiles, d'expédients minutieux, en un
mot, par des emprunts qui s'élevèrent à 490 millions, et dont une grande
partie fia constituée en rentes viagères. Mais ces emprunts à titre onéreux
étaient plutôt des palliatifs que des remèdes ; ils reculaient la difficulté
sans la résoudre, et chaque jour le gouffre continuait à se creuser. Pour le
fermer, Necker comptait sur la paix. « Des victoires, disait-il, ou même
une suite de combats d'un succès balancé, amèneront une paix glorieuse ;
celle-ci ouvrira un plus vaste commerce : les bénéfices du commerce
deviennent plus facilement ceux du trésor royal ; l'accroissement progressif
du revenu des douanes et de plusieurs autres taxes, dispense de recourir à
des impositions nouvelles. Que la guerre soit heureuse, et mon système de
finances est justifié. » Par malheur, l'habile banquier n'était pas le maître
de l'avenir, et bientôt il devait se voir réduit à quitter le pouvoir. Dans
ces circonstances, éclata la guerre maritime qui effaça les affronts de 1763,
mais accrut les embarras du trésor. Si l'Angleterre s'était seule agrandie et
avait profité des malheurs et de l'épuisement des autres nations, au milieu
de la guerre de Sept-Ans, elle avait ruiné ses finances, en portant sa dette
à une somme de deux milliards et demi, dont les intérêts annuels de
quatre-vingt-huit millions de francs étaient pour elle un pesant fardeau. Le
parlement voulut recouvrer le prix de ses sacrifices par le moyen d'impôts
établis sur le papier timbré, plus tard sur le verre, le papier et le thé
dans ses colonies d'Amérique. Des émeutes le forcèrent de révoquer ces taxes,
et il ne laissa subsister que la dernière. Mais on ne lui sut aucun gré de
cette demi-concession. Plusieurs rixes eurent lieu à Boston entre les soldats
anglais et les citoyens. Un poste de huit hommes de garde assailli par la
multitude, employa les armes à feu et tua quelques personnes. On demanda la
sortie de la garnison qui se retira au fort William. Un des agents de
l'administration des douanes ayant voulu faire exécuter avec rigueur un règlement
sur la contrebande, fut enduit de goudron, ensuite couvert de plumes et
promené sur un tombereau aux bruyantes huées de la populace. Enfin l'arrivée
de plusieurs cargaisons de thé, expédiées par la Compagnie des Indes
orientales de Londres à Boston, offrit l'occasion d'éclater. Le peuple ne
voulut point en permettre le débarquement, et, sur le refus du gouvernement
de faire éloigner les trois navires, une vingtaine de matelots, travestis en
guerriers indiens, montent à bord des bâtiments et brisent les caisses de thé
qu'ils jettent à la mer. A cette
nouvelle, le gouvernement interdit le port de Boston et garnit la ville de
troupes. La province de Massachussetts, également privée de ses privilèges
par un bill qui transféra :t à la couronne la nomination de ses juges et de
ses magistrats, se déclara en insurrection, et toutes les autres suivirent
son exemple. On court aux armes, on exerce la milice, on dépose tous les
magistrats, tous les agents publics nommés contre les coutumes, et un congrès
des députés des diverses colonies s'ouvre à Philadelphie (septembre 1774). La faveur publique dont ce
congrès fut, entouré lui donna, dès l'origine, une autorité et une force
d'opinion propres à vaincre toutes les résistances particulières. Il déclara
unanimement qu'il approuvait la sagesse et la fermeté avec lesquelles le Massachussetts
résistait aux actes illégaux de l'Angleterre et lui recommandait de
persévérer. Ses premiers actes furent de proclamer solennellement les droits
des colonies, dont les premiers de tous étaient la vie, la liberté, la
propriété ; de suspendre toutes les relations de commerce entre elles et l'Angleterre
jusqu'au redressement des infractions à leurs libertés ; de leur adresser des
proclamations pour les inviter à suivre toutes les mesures qu'il avait
arrêtées, et d'envoyer au roi, au parlement, à la nation britannique, des
remontrances pleines de calme et de simplicité, demandant avec les plus vives
instances que les Américains conservassent leurs immunités et fussent traités
en frères. Mais le
roi Georges III, compromis et courroucé, soutint, excita même dans la lutte
ses ministres et le parlement. De nouvelles troupes furent embarquées pour
l'Amérique avec la mission de faire rentrer les colonies dans le devoir. La
rencontre de Lexington où le général Gage, à la tête des soldats anglais, fut
attaqué par la population soulevée et des miliciens plus nombreux, donna le signal
de la guerre. Les milices du Massachussetts, du Connecticut, du New Hampshire,
et du Rhode-Island, au nombre de trente mille hommes indisciplinés, vinrent
se réunir près de Boston, afin d'y bloquer la garnison anglaise et de couper
toutes les communications de la ville avec le continent. Le congrès résolut
alors de centraliser les opérations militaires en choisissant un
généralissime qui, par ses qualités guerrières, ses vertus civiques, la
modération de ses principes et l'énergie de son caractère, pût inspirer une
confiance absolue, plaire à l'armée, à la nation, être respecté de tous les
partis. Les suffrages se réunirent sur Georges Washington, représentant de la
Virginie. Doué d'une patience rare, d'une tranquillité d'esprit admirable,
d'un courage réfléchi dans les revers ainsi que dans la bonne fortune, riche,
économe et bienfaisant, modeste sans être timide, plein de prévoyance et de
sagesse, Washington devait être le sauveur des Américains. Il accepta avec
reconnaissance et avec une dignité réservée la haute et difficile mission qui
lui était imposée au nom de la patrie ; il se voua tout entier à son glorieux
service. Commencer la guerre sans argent, sans munitions, sans magasins ;
faire adopter à des comités, qui ne sentaient pas tout l'avantage d'un
système uniforme de défense, des plans sages et bien conçus ; réunir dans ses
mains assez d'autorité pour sauver son pays sans effaroucher l'esprit
indépendant du congrès, voilà ce qu'entreprit le généralissime, et la
victoire fut presque toujours fidèle à ses drapeaux. Ses sages mesures
forcèrent bientôt les Anglais à capituler, et Washington fut reçu dans la
ville comme un libérateur (1776). Ce
grand succès et les succès partiels qui le suivirent., déterminent le congrès
à publier la déclaration d'indépendance arrêtée par tous ses membres, et dont
la rédaction avait été confiée à Franklin, à Thomas Jefferson et à John
Adams. Ces hommes vertueux et paisibles s'étaient dissimulé, sans doute, à
eux-mêmes les conséquences de leur doctrine absolue sur le droit
d'insurrection. On remarquait, en effet, dans leur préambule, les principes
suivants qui paraissaient sortir du sein de la philosophie française : « Tous
les hommes ont été créés égaux ; ils ont été doués par le Créateur de
certains droits inaliénables ; pour s'assurer la jouissance de ces droits,
les hommes ont établi parmi eux des gouvernements dont la juste autorité
émane du consentement des gouvernés ; toutes les fois qu'une forme de
gouvernement quelconque devient destructive des fins pour lesquelles elle a
été établie, le peuple a droit de la changer et de l'abolir. » Quelques
années plus tard, les sujets de Louis XVI devaient faire d'extravagantes
applications de ces maximes générales. De toutes parts éclatait la rupture
des anciens liens avec l'Angleterre, et les énergiques résolutions du
congrès, ses levées de troupes, et ses préparatifs de défense, témoignèrent
assez qu'en prenant cette mesure irrévocable, il en avait prévu et accepté
tous les périls. Les treize provinces, sentant la nécessité d'une liaison
plus intime entre elles, se confédérèrent sous le nom d'États-Unis. Le cri
de l'insurrection américaine retentit dans toute l'Europe, il y causa une
grande fermentation. Aucun souverain ne s'effraya de ses principes, capables
d'ébranler tous les gouvernements sur leurs bases antiques. Le roi de Prusse,
Frédéric II, prince d'un génie pénétrant, et la tzarine Catherine ne
parlaient qu'avec indignation du despotisme de Georges III. Deux autres rois,
Gustave III et Stanislas-Auguste, vantaient avec complaisance les maximes des
législateurs de l'Amérique, et l'Inquisition n'osait pas lancer ses foudres
contre les déclarations des droits des treize États-Unis qui circulaient
librement en Espagne. La France surtout accueillit avec le plus vif
enthousiasme une révolution où elle reconnaissait des doctrines, filles de sa
philosophie. La guerre en faveur des insurgés était le vœu de la nation ;
c'était une occasion d'affaiblir l'Angleterre, notre constante ennemie, et de
servir la cause de la liberté. Exaltée par les idées du temps et désirant
effacer la honte de la guerre de Sept-Ans, la jeune noblesse voulait
rassembler des volontaires, équiper des vaisseaux et partir en foule pour
l'Amérique. Toutefois, bien que la France fût prête à soutenir une lutte
contre son odieuse rivale, le gouvernement restait neutre et se contentait de
suivre des yeux la pente des événements. Mais le congrès de Philadelphie
ayant publiquement avoué le dessein d'ouvrir une négociation et chargé de
cette mission délicate le vieux Franklin, Arthur Lee et Silas Deane, il fut
aisé de prévoir une intervention plus directe. Les
trois députés américains, surtout Franklin, homme à la noble physionomie, au
langage simple et solide, aussi célèbre par ses découvertes dans les sciences
que par les services rendus à sa patrie, se virent, pendant leur séjour dans
la' métropole de la civilisation française, l'objet d'une ovation
perpétuelle. Les philosophes, les femmes, les courtisans, entourèrent des
hommages les plus flatteurs « celui qui avait arraché la foudre aux cieux et
le sceptre aux tyrans. » A la cour, même enthousiasme pour le nouveau
Lycurgue, dont la dignité personnelle, les vertus et la renommée furent de
puissantes négociatrices. lie gouvernement ne pouvait cependant recevoir
officiellement les députés, sans rompre avec l'Angleterre. Le ministre des
affaires étrangères, le comte de Vergennes, se contenta de les voir en
secret. Tandis
que le gouvernement hésitait à profiter de la position difficile du cabinet
de Saint-James, de jeunes officiers, avides de gloire et fous de liberté,
s'échappaient à l'envi de la cour et des armées, franchissaient les mers et
allaient offrir leur épée aux Américains. A leur tête se distinguait le
marquis de Lafayette, à peine âgé de vingt ans, et qui laissait en France sa
jeune femme, douée des qualités les plus aimables. ils voulaient combattre en
faveur de la liberté sur cette terre vierge où les fils de la malheureuse
Pologne, Kosciusko et Pulawski, se couvraient aussi de gloire sous les
drapeaux de Washington. En même temps, de nombreux spéculateurs leur
portaient des munitions de guerre, des armes et de l'artillerie. Malgré le
cri de guerre, que poussait le peuple par sympathie pour des démocrates et
des opprimés, Louis XVI désirait garder la neutralité. Peut-être se
faisait-il à lui-même, au fond de l'âme, les raisonnements que lui adressait
une brochure publiée en Angleterre et probablement inspirée par le ministère
britannique : « Vous armez, monarque imprudent..., vous armez pour soutenir
l'indépendance de l'Amérique et les maximes du congrès. Il est une puissance
qui s'élève aujourd'hui au-dessus des lois : c'est celle des raisonnements
ambitieux ; elle conduit une révolution en Amérique, peut-être elle en prépare
une en France. Les législateurs de l'Amérique s'annoncent en disciples des
philosophes français ; ils exécutent ce que ceux-ci ont rêvé. Les philosophes
français n'aspireront-ils point à être législateurs dans leur propre pays ? —
Des principes qui ne peuvent se plier aux lois anglaises s'accorderont-ils
mieux avec les bases de votre monarchie ? Quel danger n'y a-t-il point à
mettre l'élite de vos officiers en communication avec des hommes
enthousiastes de liberté ? Vous vous inquiéterez, mais trop tard, quand vous
entendrez répéter dans votre cour des axiomes vagues et spécieux qu'ils
auront médités dans les forêts d'Amérique. Comment, après avoir versé leur
sang pour une cause qu'on nomme celle de la liberté, feront-ils respecter vos
ordres absolus ? D'où vous vient cette sécurité, quand on brise en Amérique
la statue du roi de la Grande-Bretagne, quand on dévoue son nom à l'outrage ?
L'Angleterre ne sera que trop vengée de vos desseins hostiles, quand votre
gouvernement sera examiné, jugé, condamné d'après les principes qu'on
professe à Philadelphie, et qu'on applaudit dans votre capitale. » Les
principes que réfutait cette brochure étaient cependant préconisés avec
enthousiasme dans les deux chambres du parlement anglais, par les membres de
l'opposition, entre lesquels brillaient du plus vif éclat Pitt, Fox et Burke,
tous défenseurs chaleureux de l'insurrection américaine. Les whigs, qui
devinaient les intentions du gouvernement, soutenaient que l'Angleterre
n'avait pas le droit de taxer ses colonies et demandaient que le ministère
révoquât tous ses actes : « Je me suis nourri tout jeune, disait Pitt,
du patriotisme des Grecs et des Romains ; eh bien ! je déclare que dans
ces deux terres classiques de la liberté, je ne vois ni peuple ni sénat dont
la conduite me paraisse plus noble et plus ferme que celle du congrès de
Philadelphie... L'esprit qui résiste à nos taxes en Amérique est le même
esprit qui fit soulever l'Angleterre contre les Stuarts : c'est le glorieux
esprit whig qui anime trois millions d'hommes qui préfèrent la liberté et la
pauvreté à des chaînes dorées. Félicitons-nous de ce que le cri des gardiens
fidèles de la constitution a retenti au-delà de l'Atlantique. Whigs, les
Anglo-Américains sont nos frères : leur chaleur s'est allumée à notre
patriotisme ; leur cause est la nôtre. » Le
cabinet britannique, dirigé par lord North, homme habile dans les intrigues
parlementaires, reprochait aux whigs la rébellion des colonies d'Amérique,
comme la conséquence de leurs idées républicaines. Loin de s'émouvoir de
leurs clameurs et de la fermentation qu'elles excitaient, il envoyait sans
cesse des secours aux généraux chargés de soumettre les rebelles. Il achetait
des soldats à tous les princes allemands, et soulevait contre les colonies
des hordes féroces d'Indiens, qui promenaient de tous côtés la désolation et
la mort. Cette conduite excitait encore l'indignation de Pitt, et, du haut de
la tribune, il couvrait d'invectives le gouvernement pour avoir pris à sa
solde « ces bandes allemandes qui portent leur vénale férocité dans des
provinces encore anglaises, pour avoir associé aux armes britanniques la
massue et le scalpel de ces tribus sauvages qu'on enivre pour les rendre plus
barbares. — Quoi ! remettre à l'impitoyable Indien la défense de nos droits
contestés ! Quoi ! lancer sur nos frères les fils mercenaires du pillage et
du meurtre ! Si j'étais Américain comme je suis Anglais, tant que les hordes
étrangères auraient le pied sur mon pays, je ne poserais pas les armes !
Jamais, ! jamais ! jamais ! » Au
milieu de ces invectives, North, toujours impassible, se flattait de l'espoir
de terminer la querelle avant que la France, déjà occupée à relever sa marine
et à lui rendre des officiers et des équipages qui en fussent encore la
gloire, n'embrassât ouvertement la cause des insurgés. Mais un événement
heureux ranima le courage des Américains, qu'avaient abattu de récentes
défaites, et fixa les incertitudes de Louis XVI. Un membre des communes, je
général Burgoyne, décidé à réparer ses lenteurs, partit du Canada à la tête
de quatorze mille soldats, afin de soumettre les provinces du nord. Il devait
se joindre au commandant en chef des troupes britanniques, le 'général How e,
que Washington, auquel la campagne de 1776 avait mérité le glorieux surnom de
Fabius américain, tenait en échec non loin de Philadelphie. Après une marche
pénible et désastreuse à travers des contrées sauvages, sans communication
avec Hove, qui venait 'de renoncer au projet de réunir les deux armées, Burgoyne
voit bientôt toutes ses espérances ruinées. Il veut néanmoins payer d'audace
en présence des ennemis ; il passe l'Hudson et vient camper sur les hauteurs
et dans la plaine de Saratoga. Attaqué dans ses retranchements, dont une
partie est emportée, il se résout à la retraite et tente vainement de
repasser le fleuve, mais les corps américains en gardaient les rives. Bientôt
ceux-ci forment un cercle infranchissable autour de son camp, et malgré sa
vigueur et sa résolution, le général anglais est forcé de mettre bas les
armes avec six mille hommes, seuls débris-de son armée (17 octobre
1777). A la
nouvelle de la capitulation de Saratoga, les Américains reprirent partout
l'offensive. En France l'opinion publique et la force des événements
décidèrent le gouvernement à se prononcer. Entraînée par ses idées de
générosité, de philanthropie, de dévouement, et par le désir de venger les
affronts qu'elle avait reçus de sa rivale, la nation demandait la guerre ; en
outre, les envoyés des États-Unis exigeaient une réponse définitive. Maurepas
et Vergennes s'efforcèrent en conséquence de calmer les scrupules de Louis
XVI, qui, nullement convaincu de la justice de sa cause, répugnait à prendre
les armes contre les Anglais, bien qu'il se montrât quelquefois importuné de
leur domination. Un traité de commerce, avantageux aux Américains et aux
Français, pouvait être signé sans violer la neutralité. « L'Angleterre,
disaient les ministres, ne pourrait blâmer la France d'user de ses droits ;
si cependant elle osait les méconnaître, et s'irriter au point d'en venir à
une rupture, ce serait le cabinet de Saint-James, et non celui de Versailles,
qui déclarerait la guerre[7]. » Le roi, adoptant enfin leur
projet, fit annoncer à Franklin et à ses collègues que la France conclurait
un traité et soutiendrait de toutes ses forces les intérêts des États-Unis. L'Angleterre,
afin de prévenir cette alliance, se montra disposée aux plus grands
sacrifices en faveur de ses colonies, si elle pouvait compter sur leur
coopération dans la guerre qui allait éclater entre les deux couronnes. Mais
les bills conciliatoires de lord North, qui ne reconnaissait pas
l'indépendance de l'Union, furent repoussés, et les clauses du traité signées
le 6 février 1778. Elles consacraient le principe du droit des gens et de la
liberté commerciale, que le gouvernement français avait hautement proclamés
et pour le maintien desquels il devait encore combattre. Par l'introduction
de ces maximes dans leurs premiers traités, les Américains en firent
eux-mêmes la base de leurs transactions ultérieures avec d'autres États, et
la France doit s'honorer de l'influence qu'elle put exercer à cette époque
sur le caractère de leur législation maritime. En signant avec les Américains
ce traité d'amitié et de commerce, le gouvernement français ne déclarait
point la guerre à l'Angleterre ; mais ses nouveaux liens lui faisaient
prévoir que la paix pourrait être incessamment rompue entre les deux
couronnes. Un traité d'alliance fut conclu pour ce cas éventuel. Son but
essentiel était de maintenir la liberté, la souveraineté, l'indépendance
absolue et illimitée des États-Unis. Si l'une des deux parties formait
quelque entreprise dans laquelle elle eût besoin du concours de l'autre
puissance, celle-ci se joindrait à elle pour agir de concert autant que sa
propre situation le lui permettrait. A la nouvelle de l'heureux résultat de
sa diplomatie, le vieux Franklin s'applaudit et s'écria : « Notre
République, née le 4 juillet 1776, vient enfin d'être baptisée ; il faut
avouer qu'elle a une belle marraine. » Ce
traité avec les Américains était la guerre avec la Grande-Bretagne, guerre
impolitique qui devait entraîner d'énormes dépenses, augmenter le déficit du
trésor, imprimer une plus forte impulsion au mouvement des esprits et au
progrès des idées libérales et républicaines qui semblaient déjà menacer le
trône. Secourir la rébellion en Amérique n'était pas le moyen de la prévenir
en France. Jamais résolution ne fut cependant accueillie dans ce royaume avec
plus de faveur. L'occasion de réparer de grandes pertes venait s'offrir ; on
voyait dans le démembrement des possessions anglaises la fondation d'une
nouvelle puissance. Aussitôt
après la notification des traités, Georges III rappela son ambassadeur de
Paris, et l'on mit en délibération dans la Chambre des communes s'il fallait
se réconcilier avec les États-Unis en reconnaissant leur indépendance, ou
soutenir à la fois la guerre contre la France et contre les insurgés. Ce
dernier avis prévalut. A la Chambre des pairs, le vieux Pitt, un pied dans la
tombe, prit la parole pour la dernière fois. Il s'indigna qu'on voulût faire
renoncer son pays à la souveraineté de l'Amérique, et rassembla le peu de
forces qui lui restaient pour élever la voix contre le démembrement de cette
antique et noble monarchie. Il ne voulut pas que l'Angleterre tombât
prosternée aux pieds de la maison de Bourbon, et si la paix ne pouvait se
maintenir, il demandait que l'on commençât la guerre sans hésiter. Mais la
discussion épuisa ses forces défaillantes : il s'évanouit au milieu du
parlement, et rendit quelques jours après le dernier soupir. La nation
anglaise fut profondément attristée de la perte de ce grand homme, et rendit
à sa mémoire les plus justes hommages. Un an
avant la conclusion de cette alliance, un voyage de l'empereur Joseph II, en
France, avait donné naissance à de nombreuses conjectures politiques, qui ne
furent point justifiées. Ce monarque passa deux mois à Paris, sans faste et
sans suite pompeuse, sous le nom de comte de Falkenstein. A la brillante
hospitalité de Versailles il préféra l'obscur séjour d'un hôtel garni.
Possédé d'un insatiable désir de tout voir et de tout étudier, il visita
l'École Militaire l'Hôtel des Invalides, les hôpitaux, les différentes
académies, les manufactures, les établissements utiles, les cabinets des
savants, les ateliers des artistes célèbres. Partout on fut touché de sa modestie et de son extrême affabilité ; partout on apprécia l'étendue de ses con naissances. A
l'Hôtel-Dieu,
il voulut goûter au bouillon (lu pauvre et assister au pansement des blessés. Il alla, comme autrefois
l'archiduc Maximilien, visiter Buffon au Jardin du Roi, et lui dit en
l'abordant : Je viens chercher l'exemplaire que mon frère a oublié. Familiarisé avec notre langue
qu'il préférait à toute autre, l'auguste voyageur s'entretint souvent avec
quelques-uns des philosophes de l'époque, étonnés de la vie frugale et de
l'austère simplicité du frère de Marie-Antoinette. Il se montra assidu aux
audiences du Parlement et apporta une religieuse attention aux délibérations
de ce tribunal. Ce fut lui qui le premier attira l'attention du public et de
la cour sur l'institution de l'abbé de l'Épée pour les sourds-muets, et clans
laquelle ce modeste ecclésiastique consacrait ses loisirs et sa fortune à
leur rendre la parole et le bonheur. Il lui demanda la permission de placer
près de lui, comme disciple, un homme intelli2ent, qui pût transporter en
Allemagne les bienfaits de sa découverte. On le vit plus d'une fois vêtu d'un
simple habit brun, se mêler au peuple, à l'exemple du czar Pierre-le-Grand,
pour en étudier le caractère et les mœurs. Joseph
II accompagna un soir Marie-Antoinette à l'Opéra où cependant il voulait
rester caché ; mais la reine prit son frère par la main, avec un peu de
violence, et l'attira vers le premier rang de la loge que remplissait la
famille royale. Cette espèce de présentation faite au public eut le plus
grand succès : on jouait Iphigénie en Aulide, et pour la seconde fois le
chœur : Chantons, célébrons notre reine, fut demandé avec la plus vive
instance et répété par tous les spectateurs au milieu d'applaudissements
universels[8]. Sévère pour lui-même, sévère
pour sa famille, l'Empereur rappela quelquefois à la reine de France, d'une
manière ingénieuse, la simplicité de la cour de Marie-Thérèse, leur mère ; et
souvent à la vue des mille superfluités flatteuses que renfermait le palais
de Versailles, il disait : « Que de choses dont nous n'avons pas besoin à
Vienne ! » Il ne déguisait aucune de ses préventions sur l'étiquette et les
usages de la cour de France ; il en faisait même, en présence de Louis XVI et
de Marie-Antoinette, que son esprit frondeur n'épargnait pas, le sujet de ses
railleries. Le roi souriait au lieu de répondre ; mais la reine paraissait
souffrir de l'indiscrète sincérité de son frère, et finit par lui faire
elle-même quelques leçons sur la facilité avec laquelle il se permettait d'en
donner. Quoique
Joseph II se fût imposé la loi de respecter l'opinion du jour qui se
prononçait en faveur des colonies américaines révoltées contre leur
métropole, il lui arriva cependant une fois de la contredire. Dans une
nombreuse et brillante réunion à laquelle, assistait ce prince, une dame
avait exalté les principes des législateurs américains, et montré le plus vif
enthousiasme pour la courageuse patience des milices de Washington. Blessée,
du silence que gardait le frère de la reine, elle osa l'interroger sur son
opinion : « Qu'en pensez-vous, monsieur le comte, lui dit-elle, et quel parti
embrassez-vous ? » — « Eh ! mais, madame, répondit-il, mon métier à moi est
d'être royaliste. » Cette réponse judicieuse inspira de sérieuses inquiétudes
aux sociétés ; on craignait que Louis XVI, qui, presque seul, répugnait à la
guerre, ne prêtât une oreille trop favorable à ces avertissements, et
n'examinât en royaliste les principes du congrès de Philadelphie. Avant
de retourner dans ses États, l'Empereur résolut d'observer la France dans ses
principales villes, et de visiter les provinces, à l'exception de celles du
nord qu'il avait parcourues en se rendant de Bruxelles à Paris. Dans ce
voyage, le canal de Picardie, dirigé par Laurent, avait fixé surtout son
attention. Étonné de son immense cavité souterraine, il s'était, écrié : « Je
suis fier d'être homme, en voyant un homme imaginer et exécuter un ouvrage
aussi vaste et aussi hardi. » Il quitta donc Versailles et se dirigea d'abord
sur la Normandie, où il admira les haras qui devaient leur état florissant à
la vigilance de Louis XVI. En Bretagne, il examina avec intérêt le port de
Nantes, dont tous les bâtiments étaient pavoisés en l'honneur de l'hôte
illustre qu'il recevait. De Brest, il se rendit à Bordeaux et parut envieux
de la splendeur de cette magnifique cité. Dans toutes les provinces qu'il
traversa, les habitants se transportaient en foule sur son passage. Ce n'était
pas seulement l'Empereur qu'on s'empressait de voir : « C'était, disait le
peuple, le frère de notre belle reine. » Joseph II sortit de la France par
Lyon, après avoir interrogé toutes les ressources de cet immense entrepôt, où
s'échangeaient les marchandises du midi et du nord. En se promenant sur le
quai Saint-Clair qu'embellissaient de somptueuses maisons, le fils de
Marie-Thérèse s'arrêta pour avouer que les marchands de Lyon étaient mieux
logés que les princes de son pays. A la vue des merveilles de son industrie,
il ne put contenir son admiration ; niais là encore il laissa éclater son
dépit ; le parallèle des villes les plus florissantes du royaume avec la
capitale de ses États sembla l'attrister. Les
philosophes, que le comte de Falkenstein avait recherchés pendant son séjour
à Paris, et dont il avait reçu les applaudissements, le suivirent des yeux
jusqu'à Genève, dans l'espoir qu'il daignerait visiter le plus grand génie du
siècle, le fameux Voltaire. Mais ils furent trompés dans leur attente :
Joseph II passa près du château de Ferney, et ne jugea pas convenable d'aller
saluer le seigneur du village[9]. En
s'éloignant du royaume, « l'Empereur laissait sa sœur heureuse et environnée
d'hommages, la France paisible et remplie d'espérances, le Roi avide de bien
public et comblé d'amour, le peuple tranquille et ne pensant pas même à la
possibilité d'être agité, la société remplie de charmes, et les arts de toute
espèce rivalisant à qui jetterait plus de lustre sur le règne de Louis XVI et
de Marie-Antoinette[10]. « Encore quelques années, et
de tristes ombres couvriront ce tableau flatteur !... » Ce
voyage de Joseph II devint même funeste plus tard à la reine sa sœur. Dès
cette époque, les nombreux ennemis qui s'agitaient autour d'elle,
commencèrent à répandre d'injustes soupçons parmi le peuple. Ils paraissaient
alarmés de l'ardeur de ce prince à étudier toutes les ressources de la
France, à découvrir le secret de sa prospérité et de sa grandeur. A les
entendre parler, ses démarches auprès de quelques négociants de Brest et du
Hâvre, n'étaient propres qu'à porter un coup funeste à notre commerce maritime,
au profit du sien. Ses visites dans les principales villes du royaume,
n'étaient sans doute pas désintéressées. Pourquoi cette confiance accordée à
un prince qui ne pouvait avoir oublié les ressentiments de la cour de Vienne
contre la maison de Bourbon ? N'était-il pas fils de Marie-Thérèse, l'ennemie
de la France ? Ne devait-on pas craindre que Marie-Antoinette n'eût donné de
fatales instructions à son frère ?... La calomnie s'empara de ces odieux
soupçons, et bientôt les changea en certitude. On s'efforça de confirmer
l'opinion, déjà répandue en 1775, que la reine préférait l'Autriche à la
France. On l'accusa faussement d'avoir changé le nom du Petit-Trianon, sa
maison de plaisance, et de lui avoir substitué celui de Petit-Vienne ou de Petit-Schönbrunn[11]. Peu de temps après, ses
ennemis attribuèrent son usage de s'habiller de blanc à la préférence qu'elle
accordait au lin de Bruxelles sur les étoffes de soie de Lyon. Les négociants
de cette ville, redoutant alors la ruine de leur industrie, élevèrent des
plaintes fort vives, et consignèrent leurs griefs dans un mémoire qui fut
présenté au roi par ses tantes. Depuis ce moment, on prétendit que
Marie-Thérèse n'avait donné sa tille à un Bourbon que pour se venger de la
France : Marie-Antoinette reçut l'injurieux surnom d'Autrichienne. « L'Autrichienne
! dit un écrivain de notre époque, mot redoutable, dont la révolution
s'empara, et que nous entendrons retentir au pied d'un échafaud[12]. » Un
autre événement occupa la capitale et lit bientôt oublier le comte de
Falkenstein : ce fut l'arrivée à Paris du patriarche de Ferney, qui ne
voulait pas quitter la vie sans venir dire un dernier adieu à cette société
française, désireuse aussi de saluer son maître. Après s'être longtemps
opposé au retour de Voltaire, jugé par lui connue « universel pour le mal, »
Louis XVI, sur les instances de Maurepas, aux yeux duquel le philosophe
octogénaire était plus digne de compassion que de rigueur, lui permit de
revoir sa patrie. Voltaire reparut à Paris, dont il était exilé depuis
vingt-sept. ans (10 février. 1778), et descendit dans l'hôtel du marquis de Villette, au coin de la
rue de Beaune et du quai des Théatins qui, depuis, a conservé son nom. A la
nouvelle de ce retour inattendu, le clergé se troubla et quelques hommes,
austères ou prudents, blâmèrent la condescendance de la cour. Le vieillard
courtisan, qui durant son exil avait plusieurs fois sollicité la protection
de la divine Antoinette, s'empressa de faire parvenir aux pieds du roi «
l'impatience qu'éprouvait le plus fidèle de ses sujets de voir, avant de
mourir, le Titus donné par le ciel à la France. » Louis XVI ne se laissa
point toucher et refusa l'audience. Marie-Antoinette, priée de lui accorder
les honneurs de la présentation, hésita un jour, et répondit le lendemain «
qu'il était décidé irrévocablement que Voltaire ne verrait aucun membre de la
famille royale, ses écrits étant pleins de principes qui portaient une
atteinte trop directe à la religion et aux mœurs[13]. » L'enthousiasme
avec lequel Voltaire fut reçu à Paris le consola de cet échec. Dans les
salons du marquis, son ami, se pressait chaque jour une foule de visiteurs.
Les philosophes, les poètes, les savants, les artistes de tout genre, le
comblaient d'éloges et couraient à l'envi s'incliner devant le plus beau
génie du siècle. L'illustre Franklin voulut l'entretenir de la destinée des
Provinces-Unies et lui présenta son petit-fils à bénir. Exalté par un si
touchant hommage, Voltaire étendit les mains sur la tête de l'enfant : « Dieu
et liberté, dit-il, avec un ton solennel, voilà la seule bénédiction qui
convienne au petit-fils de M. Franklin. » Quelques hommes cependant
refusèrent de joindre leurs hommages à la foule passionnée de ses
admirateurs, et Bernardin de Saint-Pierre, interrogé par Rousseau, lui
répondit : « Je serais trop embarrassé en abordant un homme qui a des peuples
pour clients et des rois pour flatteurs[14]. » En dépit du petit nombre de
ceux qui se tinrent à l'écart, l'opinion publique décerna une ovation
solennelle au chef des philosophes. Au jour
annoncé, toutes les classes de la société fêtèrent, avec des transports inouïs
dans les annales littéraires et politiques, l'auteur d'Œdipe et de Zaïre, le
défenseur de Calas, des idées de tolérance et de justice. Voltaire, revêtu
d'une magnifique fourrure de martre zibeline, sortit de la maison du marquis
de Villette, dans un carrosse à fond d'azur parsemé d'étoiles, pour se rendre
du quai des Théatins au Louvre[15]. C'est là que l'Académie
française avec toutes les autres académies, rassemblées en séance
extraordinaire, lui prodigua les honneurs, et le reçut moins comme un égal
que comme le souverain de l'empire des lettres. Mais c'était au théâtre
surtout, où il avait régné si longtemps, qu'il devait recevoir les marques
les plus touchantes de l'admiration publique. Il ne put y arriver qu'au
milieu des flots de la multitude répandue sur son passage. Déjà l'élite de
toutes les classes de la société parisienne l'attendait frémissante à la
Comédie-Française. Quand il parut dans la loge des gentilshommes de la
chambre, entouré du sénat académique, la salle retentit d'un tonnerre
d'applaudissements : « La couronne ! la couronne ! » s'écrie-t-on de toutes
parts. La couronne arrive ; on la place sur la tête de Voltaire, qui l'ôte
ensuite et veut la déposer entre les mains de la marquise de Villette ; mais
le prince de Beauvau s'empressa d'en ombrager le front de l'heureux
vieillard. Les acclamations prolongées des spectateurs empêchèrent longtemps
de commencer la pièce : c'était la troisième représentation d'Irène, tragédie
faible à la vérité, mais parsemée de beautés, et où les rides de l'âge
laissaient paraître encore l'empreinte du génie. Pendant l'entr'acte, la
toile se relève ; on voit le buste de Voltaire au milieu du théâtre et
couronné par les acteurs, fiers de se trouver les interprètes des vœux de la
foule. L'un d'entre eux, Brizard, débite les vers suivants à la louange du
triomphateur : Aux
yeux de Paris enchanté. Reçois
en ce jour un hommage, Que
confirmera d'âge en âge La
sévère postérité. Non
! tu n'as pas besoin d'atteindre au noir rivage, Pour
jouir des honneurs de l'immortalité. Voltaire,
reçois la couronne Que
l'on vient de te présenter ; Il
est beau de la mériter Quand
c'est la France qui la donne. Ces
vers furent redemandés par tous les spectateurs, qui les répétèrent au milieu
d'un frénétique enthousiasme. Beaucoup versaient des larmes
d'attendrissement, quelques-uns, oserons-nous l'avouer, tombèrent à genoux.
Dans l'ivresse de son cœur, Voltaire se penchait sur la foule, et la
remerciait de ces tributs de respect et de zèle, par quelques paroles
entrecoupées : « Vous voulez donc me faire mourir de plaisir et de gloire I
Vous voulez m'étouffer sous des roses !... » A la sortie du théâtre, tous se
précipitèrent pour jouir encore de son ravissement. Les cris de : Vive
Voltaire ! Vive la Henriade ! Vive Mahomet ! et aussi, nous ne pouvons le
taire, de : Vive la Pucelle ! retentissaient autour de lui. On baisait
ses vêtements, on se précipitait à ses pieds, et ce fut avec peine que des
bras fidèles, le portant jusqu'à sa voiture, parvinrent à le dérober au
danger de cette tumultueuse ovation. Le vieillard ne put résister à tant
d'émotions : il tomba dangereusement malade, refusa les consolations de la
religion et mourut le 30 mai 1778, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
L'archevêque de Paris et son clergé paraissaient décidés à le priver des
honneurs de la sépulture[16]. Mais son corps fut conduit à
l'abbaye de Scellières, dont son neveu était abbé, rapporté, en 1791, à
l'hôtel de Villette par décret de l'Assemblée nationale, et, la même année,
transféré solennellement au Panthéon. Cette
étrange fête, qui prouve que les peuples ont aussi leurs jours de délire,
étonna les gens sages et pénétrants : ne semblait-elle pas réhabiliter aux
yeux du siècle l'homme coupable de lèse-nation, pour avoir rimé le poème
infâme de la Pucelle ? Ils ne virent pas sans une profonde tristesse
l'apothéose du philosophe qui s'était efforcé de saturer les consciences
d'indifférence et de scepticisme, qui se plaisait à railler l'humanité quand
elle avait foi en elle-même, et qui la raillait encore quand elle avait foi
en Dieu. Pendant
que Voltaire descendait dans la tombe au milieu de toutes les splendeurs
sociales, un autre philosophe au cœur ardent, à l'âme passionnée, aux
sentiments impétueux, Jean-Jacques Rousseau, son émule en gloire et en
influence, consumait les restes de sa vie dans l'isolement et le désespoir.
Après avoir tourné la raison du siècle en démence par ses téméraires utopies,
par la hardiesse de ses opinions paradoxales, et avoir donné en spectacle, à
Paris, les bizarreries de son caractère inquiet et de sa farouche
indépendance, Rousseau était devenu triste jusqu'à l'excès, soupçonneux
jusqu'à la folie. « Vers la fin, sujet à des accès d'égarement, se croyant
toujours environné d'ennemis et presque réduit à l'indigence, il accepta pour
asile, du marquis Stanislas de Girardin, son ami, la belle et mélancolique
solitude d'Ermenonville. Dans cette retraite, située à peu de distance de
Paris, au sein d'une campagne riante, la vile des arbres et des fleurs, l'air
embaumé des côteaux et les promenades le long des eaux limpides, ne purent
lui rendre la paix du cœur et dissiper les vains fantômes de son imagination
malade. Découragé de vivre, le pauvre vieillard, dont les amis et les
disciples s'efforcèrent de poétiser les derniers instants, chercha, (Eton,
dans le suicide, la fin de ses douleurs (2 juillet 1778)[17]. » Une petite île, bordée de
peupliers, reçut les restes mortels du citoyen de Genève, et son modeste
tombeau devint comme un lieu de pèlerinage pour tous ceux qui honoraient sa
mémoire. Ainsi
s'éteignaient, à un mois d'intervalle, Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, qui
avaient exercé une puissante influence sur leur époque. Au
milieu de ces derniers et enthousiastes hommages rendus à ceux qui marchaient
à la tête de la pensée du siècle, et du mouvement des esprits qui ne
ralentissait point son cours, la France se préparait à la guerre contre sa
rivale. Heureusement pour elle, Machault et Choiseul avaient relevé sa
marine, si négligée par le cardinal de Fleury. Mais, à l'approche de cet
événement important, on cherchait en vain un homme d'État assez habile pour
donner de l'ensemble à des opérations compliquées et lointaines. On ne
pouvait attendre une direction énergique et constante, ni d'un monarque
toujours irrésolu, ni d'un premier ministre, sans titre et sans volonté, qui
ne comprenait pas assez combien le patriotisme et la gloire pouvaient
contribuer à l'affermissement du nouveau règne. De tous les ministres, Necker
était le seul qui jouissait d'une haute considération, sans avoir le rang de
secrétaire d'État. On admirait les opérations de ce directeur des finances,
économe, loyal et vigilant, occupé de guérir les blessures du royaume, et
dont les emprunts étaient remplis avec une rare promptitude. Necker usa de son influence pour inspirer à Louis XVI un des actes les plus honorables de son règne, l'abolition de la main-morte clans ses domaines. « Deux sortes de servitude rappelaient les temps de barbarie. L'homme sujet à la servitude de tenement ne pouvait disposer ni de sa personne, ni de ses biens, sans la permission de son seigneur ; elle lui était indispensable pour se marier, pour laisser à ses enfants le fruit de son travail, à moins qu'il ne fît ménage commun avec eux ; et si, pour fuir la tyrannie, il allait vivre en lieu franc, son héritage était dévolu à son seigneur. La servitude qu'on appelait de corps ôtait même la ressource d'affranchir sa personne, en abandonnant ses biens. Le serf de corps qui avait pris la fuite, pouvait être rappelé par son seigneur, ou arbitrairement imposé ; rien de ce qu'il acquérait en pays étranger ne lui appartenait ; le seigneur était armé contre lui du droit de suite. L'édit d'affranchissement dans les domaines royaux (1779) exprime le regret que les droits de la propriété ne permettent pas au monarque d'abolir la main-morte dans toutes les seigneuries de France. Necker n'osa supprimer complètement, que le droit de suite[18]... Le Parlement n'enregistra qu'avec cette réserve : sans que les dispositions du présent édit puissent nuire aux droits des seigneurs. Quelques-uns s'empressèrent de suivre l'exemple du roi ; toutefois, l'on vit avec indignation le chapitre de Saint-Claude y rester insensible. Il aurait, disait-il, perdu vingt-cinq mille livres de rentes, et, pour affranchir les serfs du Jura, il voulait être indemnisé par le gouvernement[19]... » L'année suivante, Louis XVI abolit encore la torture en question judiciaire avant la condamnation à mort et les cachots souterrains. Ces deux réformes si importantes et la honteuse opposition de la plupart des privilégiés à la première, donnèrent une grande popularité à Necker. |
[1]
« M. de Saint-Germain a été diversement jugé, et toujours presque avec
injustice. J'en puis dire quelques mots certains, mes relations de famille
m'ayant mise à même de savoir beaucoup de choses sur ce ministre, dont les
intentions et les talents ont été, j'ose le dire, méconnus. » (La baronne
d'Oberkirch, Mémoires sur la cour de Louis XVI, etc., t. I, chap. VIII,
p. 162.)
[2]
« Les jurandes rie reprirent qu'une existence passagère ; plusieurs communautés
furent réunies, ce qui diminua le nombre des procès La plupart des formalités
des apprentissages, compagnonnages, des chefs-d'œuvre, restèrent abolies.
L'entrée des arts, déclarée libre par l'édit de Turgot de 1776, fut rendue plus
facile. » (Dupont de Nemours, Œuvres de Turgot, t. I, p. 376).
[3]
Lacretelle, Histoire de France pendant le XVIIIe siècle, t. V, p. 23.
[4]
Anciennes lois françaises, t. XXIV, p. 102.
[5]
Copié par MM. Edmond et Jules de Concourt sur la lettre autographe signée,
possédée par le chevalier Morbio, à Milan. — Voyez les Portraits intimes du
XVIIIe siècle, p. 1-5.
De cette noble lettre sortit l'arrêt du conseil du 30
août 1777, que résume l'article suivant : « Tout auteur qui obtiendra en son
nom le privilége d'un ouvrage, aura le droit de le vendre chez lui, et jouira
de son privilége pour lui et ses hoirs à perpétuité, pourvu qu'il ne le
rétrocède à aucun libraire. »
[6]
L'auteur anonyme d'une brochure intitulée : Le Moment présent, imprimée
en 1787, prétend que ce dernier ouvrage était tout entier de la femme de Necker
« femme bel esprit, » le cadre était heureux, dit-il ; « il s'agissait de
donner des leçons aux gouvernements, et de faire soupçonner que celui qui
traitait avec tant d'habileté un si beau sujet, serait le Colbert de son
siècle. L'exécution ne répondit pets au plan : style entortillé, tours
empruntés, discussions mal placées, peu de mouvements oratoires. »
[7]
Droz, Histoire du règne de Louis XVI, t. I.
[8]
Mémoires de madame Campan, t. 1, chap. vin, p. 184. — Mémoires de
Weber, t. I, chap. I, p. 41.
[9]
Madame la baronne d'Oberkirch, Mémoires sur la cour de Louis XVI et la
société française avant 1789, t. I, chap. V, p. 95-96, édition in-12.
[10]
Mémoires de Weber, t. I, chap. I, p. 52.
[11]
Mémoires de madame Campan, t. I, chap. V, p. 111.
[12]
Louis Blanc, Histoire de la révolution française, t. II, chap. I, p. 29.
[13]
Mémoires de madame Campan, t. I, chap. VIII, p 187.
[14]
Bernardin de Saint-Pierre, t. XII, des Œuvres.
[15]
« La reine le regardant passer du haut du pavillon de Flore, voulut bien agréer
son salut. » (Lafont d'Aussonne, Mémoires secrets et universels des malheurs
et de la mort de la reine de France, chap. XI, p. 46.)
[16]
« La reine n'approuva point des intentions si rigoureuses, et elle prononça ces
paroles, beau témoignage de sa prudence, de son esprit et de sa bonté : Il a
fait Zaïre et la Henriade, l'Histoire de Louis XIV et de Charles XII. M. de
Voltaire était irascible, mais j'ose répondre de son cœur : il était bon. »
(Lafont d'Aussonne, Mémoires, etc., chap. xi, p. 41).
[17]
Relation de Corancez.
[18]
« Bien que M. Necker fût très-prononcé contre des privilégies, tels que les
droits féodaux et les exemptions d'impôts, d voulait entrer en traité avec les
possesseurs de ces privilèges, afin de ne jamais sacrifier sans ménagement les
droits présents aux biens futurs. Ainsi, lorsque d'après sa proposition, le roi
abolit dans ses domaines les restes de la servitude personnelle, la mainmorte,
etc., l'autorité royale ne prononça rien sur la conduite que devaient tenir les
seigneurs à cet égard ; elle se confia seulement à l'effet de son exemple. »
(Madame de Staël, Considérations sur les principaux événements de la
révolution française, 1re partie, chap. IV, p. 32 ; édition Charpentier).
[19]
Droz, t. I, p. 283.