PARIS - HENRI PLON -1856
DÉDICACE DE M. DE REUMONT À MADAME LA PRINCESSE ROSPICLIOSI, DUCHESSE DE ZAGAROLO, NÉE DE CHAMPAGNY DE CADORE. CHAPITRE PREMIER. — LES ORIGINES. CHAPITRE DEUXIÈME. — MARIAGE DE LAURENT DE MÉDICIS ET DE MADELEINE DE LA TOUR D'AUVERGNE. CHAPITRE TROISIÈME. — NAISSANCE DE CATHERINE DE MÉDICIS ET MORT DE MADELEINE DE LA TOUR D'AUVERGNE SA MÈRE. CHAPITRE QUATRIÈME. — DE L'ÉTAT DE FLORENCE APRÈS LA MORT DE LAURENT, DUC D'URBIN. CHAPITRE CINQUIÈME. — LE CARDINAL JULES DE MÉDICIS ADMINISTRE FLORENCE. CHAPITRE SIXIEME. — CLARICE DE MÉDICIS STROZZI, TANTE DE CATHERINE DE MÉDICIS. CHAPITRE SEPTIÈME. — LA RÉVOLTE DE 1527 CONTRE LES MÉDICIS. CHAPITRE HUITIEME. — LE PALAIS MÉDICIS ET LES ÉVÉNEMENTS DE 1527. CHAPITRE NEUVIÈME. — LE SIÈGE DE FLORENCE PENDANT L'ANNÉE 1529. CHAPITRE DIXIÈME. — CATHERINE DE MÉDICIS AU COUVENT DES MURATE. CHAPITRE ONZIÈME. — CATHERINE DE MÉDICIS AU COUVENT DE SAINTE-LUCIE. CHAPITRE DOUZIÈME. — CATHERINE DE MÉDICIS APPELÉE À ROME PAR CLÉMENT VII. CHAPITRE TREIZIÈME. — LES PRÉTENDANTS À LA MAIN DE CATHERINE DE MEDICIS. CHAPITRE QUATORZIÈME. — FRANÇOIS II SFORZA, DUC DE MILAN, ET HENRI, DUC D'ORLÉANS, AUTRES PRÉTENDANTS À LA MAIN DE CATHERINE DE MÉDICIS. CHAPITRE QUINZIÈME. — NÉGOCIATIONS DU MARIAGE AVEC CLÉMENT VII. CHAPITRE SEIZIÈME. — LE PAPE CLÉMENT VII. CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. — CATHERINE DE MÉDICIS À FLORENCE. - CONDITIONS FINANCIÈRES DE SON MARIAGE. CHAPITRE DIX-HUITIÈME. — CATHERINE DE MÉDICIS VIENT EN FRANCE. - CÉRÉMONIES DE SON MARIAGE À MARSEILLE. PRÉFACE.L'histoire de la jeunesse de Catherine de Médicis a été traitée et racontée par deux écrivains étrangers à la France, l'un, M. Alfred de Reumont, historien et diplomate allemand d'un très-grand mérite littéraire[1] ; l'autre, M. T. A. Trollope, publiciste anglais de beaucoup de savoir. Tous les deux ont habité longtemps Florence, ils ont pratiqué et consulté les archives diplomatiques, et, pour ainsi parler, ils sont devenus les familiers des anciens Médicis, par une étude assidue des choses, des faits et des caractères qui furent notables, dès les premiers temps où cette grande famille entra dans l'histoire et la politique avec la personne de Côme l'Ancien. Ce sujet — Histoire de la jeunesse de Catherine de Médicis — avait de quoi séduire la plume et charmer l'esprit de ces érudits qui avaient fait de Florence une sorte de patrie adoptive ; et il est vrai de dire qu'ils se sont acquittés de cette entreprise avec un succès que l'on ne peut méconnaître. Dès les premiers temps de notre séjour en Italie, nous avions formé le dessein de rassembler les matériaux utiles pour composer un récit de cette nature, car il nous avait paru surprenant que l'enfance et l'éducation de la femme qui a joué un si grand rôle dans le gouvernement de la France et dans sa politique extérieure, ne fussent pas mieux connues. Mais à peine avions-nous commencé nos recherches, que la nouvelle de l'intéressante publication de M. de Reumont nous parvint à Venise. Le succès et la bonne entente de l'ouvrage nous firent tenir pour vaine, à tous égards, et de tous points inutile, l'idée que nous avions conçue. Aussi bien, l'annonce que l'Athenæum anglais produisit, en quelque sorte dans le même temps, pour aviser de la publication prochaine d'un livre portant un titre identique[2], eût achevé de nous bien convaincre — si nous avions pu hésiter à le bien croire — que le récit de la Jeunesse de Catherine de Médicis serait désormais, en histoire, un sujet épuisé. Or, à quoi devait se résoudre, sinon à interpréter l'un des deux ouvrages publiés, un écrivain français épris d'un sujet d'histoire traité dans un même temps, avec art et savoir, par un écrivain allemand d'une part, et par un écrivain anglais d'une autre, ayant consulté tous les deux les sources originales, et ayant écrit leur livre dans la ville qui fut le berceau de leur héroïne ? De là cette traduction à laquelle m'autorisa dès cette époque l'honorable M. de Reumont, avec qui j'entrai plus tard en relations littéraires assidues, et que je visitai diverses fois à Florence, où il représentait, près la personne du Grand-Duc, le Roi de Prusse son souverain. Deux éditions allemandes à Berlin[3], et une édition italienne fort augmentée[4], sont les honorables témoignages du succès de cette étude. Puisse l'édition française avoir l'honneur d'un même accueil ! Nous lui avons consacré des soins assidus, et nous avons fait suivre le récit original de l'auteur d'une série de textes inédits et curieux, cherchés et rencontrés par nous en diverses archives. Tous sont relatifs aux épisodes, aux événements et aux faits particuliers à l'enfance et à l'adolescence de ce faible et unique rejeton de la grande lignée des Médicis, à qui les destins réservaient cependant d'étranges grandeurs et des gloires singulières dans l'histoire de notre pays, où, selon l'humeur des partis, Catherine a été portée jusques aux nues par les uns, précipitée dans les bas-fonds par les autres. Ne vous méprenez pas, et ne cherchez pas dans la jeunesse de Catherine de Médicis des signes faits pour laisser prévoir le caractère et la nature de la femme Reine et Régente en France. Le moral de l'enfant que nous voyons passer de Florence à Rome et de Rome à Florence, en des occasions si diverses, ne me parait pas avoir rien de commun avec celui de la femme qui devint un si notable négociateur en matière politique. Dans sa jeunesse, elle est le jouet des circonstances qui ont agité son pays, et il a tenu à peu qu'elle n'en fût la victime. Son caractère se reconnait et s'aperçoit à peine, sa personne est à peine saisissable, et ce n'est que récemment, en des dépêches étrangères aux recueils florentins, que nous avons pu déterminer les dates précises des séjours qu'elle fit à Rome sous Léon X et sous Clément VII[5]. Nièce d'un Pape, cousine d'un autre, héritière des deux, unique rejeton, comme nous l'avons dit, de cette lignée sitôt interrompue de Côme, Père de la patrie, et de Laurent le Magnifique, ces héros dans l'histoire de la grande Maison florentine, voilà son fait, ses titres, ses qualités à cette époque. Elle n'est autre qu'une jeune personne ballottée au gré des vents de la politique qui se déchaînent, un jour, de Rome sur Florence, un autre, de Florence sur Rome ! Orpheline au lendemain de sa naissance, elle apparaît sur la scène du monde et y croît jusques à son mariage, sans avoir jamais donné signe d'une volonté bien accusée, d'un instinct bien développé, d'un esprit bien marqué. A Rome, hôtesse du palais de.sa famille, elle se rend de temps en temps au Vatican, montée sur sa petite mule d'Espagne ; elle y est servie à la table du Pape, son protecteur et son parent ; les solennités qu'elle y voit, les pompes qu'elle y admire, les fêtes et les galas de la cour sacrée, ce sont là ses joies et ses divertissements. A Florence, elle subit les atteintes, les épreuves, et les secousses du sort, pour ainsi dire sans réflexion et comme un enfant de l'Orient. Plus tard, quand de nombreux Princes à qui l'ambition personnelle ou l'intérêt d'État commandent le mariage, pensent à demander la main de celle qu'on appelait par habitude la nièce du Pape, bien qu'elle n'en fût que la cousine, son indifférence à leur égard apparaît telle qu'il est permis de se demander si elle se connaissait pour être l'objet de convoitises si hautes en même temps que si diverses. Personnellement, en un mot, elle échappe trop souvent aux recherches de l'historien, et toujours aux réflexions du philosophe. Si pour le récit de sa jeunesse, on trouvait bon de se limiter aux faits qui lui sont essentiellement personnels, sans toucher aux événements dont elle fut l'innocent et involontaire témoin, il suffirait d'un court énoncé de quelques dates, accompagnées d'un exigu commentaire, pour contenir toute l'histoire de ses jeunes ans, depuis l'heure où elle naquit, le 13 avril 1519, à Florence, jusqu'à celle où elle se maria, le 28 octobre 1533, dans Marseille, avec un fils de France. A vrai dire, tout ce qui se rapporte à la vie de cette étrange héroïne de la vie politique a un intérêt incontestable, et on ne se peut défendre d'un sentiment qu'il est difficile de caractériser, en considérant tout ce qu'il y a eu de contrastes inattendus — ce que nous pourrions appeler les lignes brisées — dans cette existence de femme, comme enfant, comme adolescente, comme fiancée, comme épouse, comme Reine, comme Régente et comme mère ! Partout et toujours du trouble ! Dans ses défaites comme dans ses victoires, jamais de repos ! Sa naissance coûte la vie à sa mère, une Française, Madeleine de la Tour d'Auvergne : enfant, elle est le jouet le plus inconstant des circonstances les plus imprévues, le destin s'en sert comme d'un instrument fatalement obéissant ; nubile, elle n'épouse pas celui vers qui la portaient ses jeunes inclinations ; femme et Reine régnante, une favorite lui ravit l'amour de son époux et l'autorité du trône ; Reine régente et Reine mère, elle assiste à d'autres et longs orages, elle voit le désordre et l'impuissance de sa race, elle entreprend une lutte de trente années, lutte effrayante en son activité, redoutable et dangereuse en ses moyens, et que signalèrent des épisodes ensanglantés ! Jusqu'à présent nos histoires, en France, se sont peu étendues sur les premières années de Catherine de Médicis, et elle n'est vraiment connue chez nous que depuis le jour où elle y est entrée pour y prendre le nom de Madame d'Orléans. On a ignoré son éducation, et surtout quelles vicissitudes ont traversé son adolescence. Que de pages curieuses, cependant, auraient pu être consacrées aux événements dont elle fut le tout jeune témoin ! On a méconnu l'intérêt extrême qu'elle a excité, au point de vue de la politique de famille, dans le cœur de deux Papes pourtant bien célèbres ! Quel objet d'affection et d'intérêt elle fut pour Léon X, ce grand ambitieux, si puni dans la dispersion des siens, et qui, après avoir dépossédé la légitime famille d'Urbin et avoir rêvé quelques trônes pour chacun de ceux de la lignée du grand Côme son aïeul, ne voyait plus pour la perpétuer que cette créature de peu de mois, frêle et incertaine, lorsqu'en octobre 1519, elle lui fut apportée dans Rome par Alfonsina degli Orsini, sa grand'mère !... ... Recens fert ærumnas Danaûm, disait ce Pape, qui savait bien son Virgile, en donnant audience à l'ambassadeur de Venise[6], et lui annonçant avec une sorte de bonhomie mélancolique l'arrivée de l'aïeule, apportant de Florence à Rome le trésor, le rejeton, l'unique créature de la famille ! Verdeggia un ramo sol con poca foglia, dit aussi l'Arioste[7], par allusion au seul rameau survivant de la grande branche des Médicis. Sait-on comment, sous Clément VII, cet autre pontife son parent, et celui qui, en somme, la fit élever et la maria, elle fut la prisonnière du parti soulevé contre les Médicis, et retenue comme un gage précieux mis en réserve pour le temps où les conditions de la paix viendraient à être traitées ? Elle n'avait alors que neuf ans, et fut confiée, de par l'État, aux soins d'ailleurs attentifs et vraiment maternels des Révérendes Mères du monastère des Murate et de celui de Sainte-Lucie. Autant d'épisodes, autant de faits émouvants dans cette histoire de l'enfant qui, sans qu'il en ait conscience, est un enjeu politique. Les négociations qui précédèrent son mariage n'ont jamais été non plus très-justement établies, tant dans les chroniques contemporaines que dans les écrits postérieurs, et c'est principalement pour les faits y relatifs que nous avons recueilli de piquants détails, d'intéressantes données, dans des recueils de textes diplomatiques manuscrits, demeurés assurément inexplorés jusqu'à nous. Ici donc se trouve Catherine de Médicis, en ses années juvéniles, écoulées tantôt à Rome, tantôt à Florence. Ne la cherchez pas Française, elle est ici uniquement Italienne, Médicis, nièce et cousine de Papes, instrument matrimonial de leur ambition souveraine. L'historien a donné pour limites à son récit l'heure où celle qu'on appelait la petite Duchesse d'Urbin, la Duchessina, devient madame la duchesse d'Orléans, en présence d'une cour infiniment pompeuse et rehaussée de la présence d'un Pontife qui n'était pas venu seulement pour bénir une alliance avec le fils du Roi Très-Chrétien, mais aussi pour convenir d'articles secrets propres à former un traité capital[8]. A compter de cet instant, c'est vers l'histoire de France qu'il convient de se tourner pour y regarder la nouvelle venue, pour la voir devenir Madame la Dauphine par un coup du sort que rien ne faisait prévoir, puis Reine, puis Régente, et régner longtemps, sinon de nom, du moins de fait, avec le titre si caractéristique et d'une signification si grande : a la Reine mère. Telle, l'historien allemand ne l'a point montrée ni cherchée : il n'a point pris la peine de la vouloir montrer en cette grande qualité, connaissant que les sieurs de Tavannes, de Castelnau, de Montluc et de Villeroy, et les sieurs de la Planche, de Thou et de l'Estoile, et Condé, et Brantôme, et la Reine Marguerite, et les Ambassadeurs de Venise, en leurs commentaires, mémoires, journaux et rapports, nous ont donné d'elle assez de portraits variés et remarquables, pour qu'il nous soit aisé avec tous d'en former un de ressemblance suffisante. ARMAND BASCHET. Paris, 30 septembre 1888. Qu'il me soit permis, avant de présenter cette élégante œuvre de M. de Reumont, de parler de sa personne et de désigner ceux de ses ouvrages qui, tant en Allemagne qu'en Italie, ont le plus particulièrement attiré l'attention des esprits lettrés. Ce m'est une bonne fortune, que cette occasion de me faire le biographe d'un homme dont la carrière a été vouée aux travaux intéressants de la diplomatie, au culte assidu des belles-lettres et à l'exercice de l'histoire. M. Alfred de Reumont, issu d'une famille originaire de la Belgique (anciens seigneurs de Sept-fontaines), est né à Aix-la-Chapelle, où il a reçu les premiers éléments d'une éducation qu'il a rendue brillante aux Universités de Bonn et d'Heidelberg, où il fut honoré de l'intérêt tout particulier du célèbre professeur Schlosser. Parti pour voyager en Italie, et recommandé au baron de Martens, ministre de Prusse en Toscane, il demeura près de lui et fut initié aux détails du service diplomatique, tout en donnant cours, dans Florence, à ses études favorites d'histoire et de littérature italiennes. La fin de 1832 le trouva à Constantinople, y accompagnant M. de Martens : il visita la Grèce et.les fies Ioniennes, et revint à Florence, qu'il laissa en 1835 pour passer à Berlin en qualité de secrétaire-rédacteur au ministère des affaires étrangères. Revenu pour la troisième fois à Florence, et cette fois comme attaché, il se rendit ensuite à Rome en la même qualité, auprès de M. de Bunsen d'abord, de M. de Buch ensuite. Son séjour à Rome se prolongea jusqu'en 1843, époque où il fut rappelé à Berlin comme conseiller de légation et attaché au cabinet du Roi. Je le trouve secrétaire à Londres, avec M. de Bunsen pour chef, vers 1846 ; M. de Humboldt l'honore de son amitié ; ses travaux continus, que j'énumérerai ci-après, lui valent les relations les plus distinguées dans les sciences et dans les lettres, et le roi Frédéric-Guillaume IV lui fait l'honneur de l'appeler auprès de lui lors de son voyage à Venise et dans l'Italie supérieure, en 1847. En 1848, il fait partie de la légation de Prusse à Rome, voit la chute du Pontife, et est accrédité chargé d'affaires à Gaëte, près la personne du Saint-Père ; avec lequel il rentra à Rome. Depuis 1851 jusqu'en 1860, on peut dire que M. de Reumont ne quitta presque plus l'Italie. Accrédité chargé d'affaires à Florence, puis ministre résident, il y fut honoré, aimé et distingué, non pas seulement comme diplomate, mais aussi comme érudit et écrivain méritant. L'Académie de la Crusca le compte, depuis cette époque, parmi ses membres. En 1855 et 1857, M. de Reumont, que le Roi affectionnait, suivit Sa Majesté dans ses excursions en Allemagne, et fut du séjour de Marienbad. En 1857 et 1858, je le rencontrai à Rome faisant l'intérim de la légation, d'où il fut rappelé pour accompagner le nouveau souverain à Tegernsee, en Bavière, puis à Florence, Rome et Naples, on Leurs Majestés le Roi et la Reine passèrent l'hiver de 1858 à 1859. Lors de la chute du Grand-Duc, et surtout à la suite de la mort du Roi Frédéric-Guillaume IV, M. de Reumont se voua plus particulièrement au culte des lettres ; il n'a point renoncé à l'Italie, car il est de cet avis que lorsque l'on a goûté aux fruits mûris dans ce pays, pendant tant d'années, la terre en est si séduisante et attirante, que, si on la quitte, on la veut toujours revoir, et toujours y revenir. Aussi M. de Reumont est-il à Rome souvent plus qu'ailleurs, et y est-il avec cette plume méritoire et laborieuse, élégante et heureuse, qui a servi avec tant d'honneur l'Allemagne littéraire en Italie, et l'Italie littéraire en Allemagne. Dès 1835, M. de Reumont publia une Vie d'Andrea del Sarto, puis les Esquisses de voyage dans les pays méridionaux. En 1840, on a de lui les Lettres romaines d'un Florentin ; et l'année suivante, les Tables synchroniques de l'histoire florentine, en langue italienne, publiées à Florence lors de la réunion des savants étrangers et italiens. Les recueils périodiques lui durent aussi une collaboration active en ces temps-là ; — l'Annuaire de M. de Minuter — contient une dissertation sur la Diplomatie italienne au moyen âge (1841), l'Histoire des derniers temps de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem (1843). Le Kunstblatt de M. de Schorn renferme de nombreuses études sur l'histoire des beaux-arts en Italie. Sous le titre sympathique d'Italia, M. de Reumont édita lui-même un annuaire en 1838 et 1840, dont les deux volumes contiennent des travaux de MM. Léo, Witte, de Rumohr et de la Comtesse Ida Hahn. Ses deux nouveaux volumes de Lettres romaines parurent en 1844, suivis bientôt d'un ouvrage sur Ganganelli, ses lettres et son époque (1847), et successivement, un travail sur les dernières années de Benvenuto Cellini, de nombreux articles dans le Kunstblatt, le Morgenblatt, la Gazette d'Augsbourg, la Gazette de Prusse, et dans le précieux Recueil florentin fondé par l'intelligent et persévérant Vieusseux, l'Archivio storico italiano, dont M. de Reumont devint un des rédacteurs habituels : c'est là qu'il a publié la Bibliographie des ouvrages allemands touchant à l'histoire italienne. En 1851, sous le titre de Caraffa de Maddaloni, paraissait l'histoire de Naples à l'époque de la domination espagnole. Six volumes d'Essais sur l'histoire d'Italie, renfermant une partie des travaux insérés dans tant de différents recueils, parurent de 1853 à 1857. C'est à cette dernière période de temps que se rattache la publication des deux éditions allemandes et de l'édition italienne de la Jeunesse de Catherine de Médicis, dédiée par l'auteur à une Française de grande naissance et d'un charmant esprit, devenue par mariage Princesse romaine, mademoiselle Nompère de Champagny de Cadore, aujourd'hui la Princesse Rospigliosi. Il lui dit, dans les termes les plus heureux, comment il lui adresse les pages suivantes, dans lesquelles sont racontés les destins d'une fille de la Toscane, de la maison de Médicis, partie pour la France où elle est devenue Reine. Que l'argument ne l'effraye point, il ne se traite ni de guerres de religion, ni de Ligue, ni de Saint-Barthélemy. C'est le prologue de la vie politique de Catherine ; et des fêtes nuptiales à Marseille en sont la dernière scène. Regardez d'ailleurs à la page ci-après, et lisez cette Dédicace élégante à l'adresse de la spirituelle et gracieuse Princesse, sous le patronage de laquelle M. de Reumont a placé son intéressant ouvrage. A. B. A MADAME LA PRINCESSE ROSPIGLIOSI, DUCHESSE DE ZAGAHOLO, NÉE DE CHAMPAGNY DE CADORE.C'est à vous, Madame, à vous qui joignez les goûts sérieux d'un esprit admirablement cultivé à toutes lés grâces et à toute l'amabilité particulières aux femmes de votre pays, que je dédie les pages suivantes, où sont racontés les destins d'une enfant de la Toscane enlevée plus tard au sol natal par le royaume de France, dont elle occupa le trône. Que cet argument ne vous effraye pas : il n'est question ni des guerres civiles, ni de la Ligue, ni des faits sanglants de la Saint-Barthélemy ! J'avais voulu vous adresser un souvenir de ces journées délicieuses que, pendant un automne, j'ai passées près de vous et des vôtres à Lamporecchio, dans cette villa charmante que le génie créateur du Bernin, splendide dans ses erreurs mêmes, construisit pour Clément IX. Jamais je n'oublierai ces beaux sites, et comment le regard, dominant toute la campagne alentour, embrasse dans un merveilleux ensemble et le riche val de Nievole, et les champs qu'arrose l'Arno, et les montagnes lointaines et bleuâtres du Pisan, et les roches volcanisées du sein desquelles paraît surgir la solitaire Volterra. Ayant visité ses environs, et Vinci, à qui le grand Léonard a pris son nom, et Cerreto Guidi avec l'ancienne Villa des Orsini de Bracciano, où Isabelle de Médicis, la belle et spirituelle épouse de Paolo Giordano, eut une fin si tragique, j'aurais aimé à vous dédier quelque chose qui rappelât ces excursions attrayantes ; mais le choix d'un épisode aussi sombre était peu fait pour répondre au but que je m'étais proposé. Ainsi donc, au lieu d'un récit emprunté à l'histoire des Médicis au temps des Grands-Ducs, acceptez et accueillez-en un pris à une époque où cette famille, en vérité, louée souvent avec excès, mais cependant toujours glorieuse et grande, s'est trouvée passer de cette autorité traditionnelle, que le consentement presque unanime des citoyens lui avait librement accordé, à l'exercice d'un pouvoir absolu forcément. imposé. Les événements qui ont agité la jeunesse de celle qui fut ensuite Reine de France, sont, pour ainsi parler, le milieu où se passe et se développe tout mon récit. Catherine de Médicis est un personnage d'une importance trop grande pour qu'elle ne mérite pas que l'on recherche à infirmer sur ses commencements, sur les circonstances au milieu desquelles elle a grandi, sur les personnes qui ont dirigé son éducation. Elle était en la fleur de ses jeunes ans quand elle a quitté l'Italie, mais les disgrâces de famille qui ont rendu son berceau funèbre, les tempêtes qui se sont déchaînées autour des murailles des cloîtres où elle eut un asile, le caractère de ceux qui furent ses protecteurs, ont peut-être exercé une influence plus grande qu'on ne saurait croire sur ses facultés morales et intellectuelles. Si l'idée me venait de me prononcer sur elle à une époque où, plus âgée, elle a montré une activité si grande, je dépasserais de beaucoup les modestes limites auxquelles j'ai voulu atteindre. Le récit de ses jeunes années appuyé de témoignages et de documents contemporains, inconnus pour la plupart, ou du moins non mis à profit, c'est là ce que j'ai voulu faire et vous offrir. Les fêtes nuptiales de Marseille sont la dernière scène de ce prologue à un drame historique. Puisse maintenant ce petit livre trouver un bienveillant accueil au Quirinal, dans le palais construit par Scipion Borghèse et par Jules Mazarin sur les ruines des Thermes de Constantin, où Guido Reni a peint la merveilleuse Aurore, et d'où le regard peut embrasser la plus grande partie de la grande Rome. A Florence, le 15 août 18.. |
[1] Voyez, à la fin de cette Préface, notre note relative à la personne et aux œuvres de M. Alfred de Reumont.
[2] The Girlhood of Catherine
de' Medici, by T. Adolphus Trollope ;
[3] Die Jugend Katerina's de' Medici, von Alfred von Reumont ; Berlin, 1854 (1re édit.), et 1856 (2e édit.).
[4] La Gioventù di Caterina de' Medici di Alfredo Reumont, traduzione del Dottore Stanislao Bianciardi (Florence, Le Monnier, 1858).
[5] 1519, 1525 et 1530. Nous devons aux papiers conservés dans les Archives de Milan et de Mantoue les détails très-précis que nous avons recueillis.
[6] Marco Minio, ambassadeur des Vénitiens à Rome. Sa dépêche du 29 octobre 1519, n° 402 du recueil possédé par M. Rawdon Brown, à Venise.
[7] Ludovico Ariosto, Opere minori, édit. Le Monnier, p. 216. Elegia prima.
[8] Voyez Documents historiques inédits tirés des Collections manuscrites de la Bibliothèque royale et des Archives, ou des Bibliothèques des départements, publiés par M. Champollion Figeac, t. III, n° XXXV, p. 515, Projet de traité secret entre François Ier et le Pape (autographe de la main du Roi).