LA JEUNESSE DE CATHERINE DE MÉDICIS

 

CHAPITRE II. — MARIAGE DE LAURENT DE MÉDICIS ET DE MADELEINE DE LA TOUR D'AUVERGNE.

 

 

Madeleine de La Tour d'Auvergne, fille de Jean, Comte de Boulogne, et de Catherine de Bourbon, fille du Comte de Vendôme, était la fiancée destinée au Duc d'Urbin. L'envoyé florentin à la Cour française et l'ami intime des Médicis, François Vettori, fut celui qui dirigea l'attention du Pape et du Cardinal de Médicis vers cette parente de la maison royale. Madeleine n'était pas la seule princesse française à laquelle on pensât. Une des filles de Jean d'Albret ; Roi de Navarre, et sœur de Henri d'Albret qui épousa plus tard la spirituelle sœur de François Ier, avait déjà été proposée au Pape pour son neveu ; elle n'aurait pas été la première de sa famille qui fût devenue parente d'un Pape, car César Borgia avait pris pour femme une d'Albret. Monseigneur Stafileo, évêque de Sebenico et Nonce en France, devait conduire les négociations : elles traînèrent en longueur et l'on se décida pour Madeleine. Le Nonce et Vettori conclurent le contrat de mariage[1].

Quant à la maison de Boulogne et d'Auvergne, dit Brantôme, qui ne dira qu'elle ne soit très grande, estant sortie originellement de ce grand Godefroy de Bouillon, qui a porté les armes et armories avec un si grand nombre de princes, seigneurs, chevaliers jusques dans Hierusalem sur le sépulcre de Nostre-Seigneur et Sauveur, et se seroit rendu et fait roy par son espée et ses armes avec la faveur de Dieu... ; au reste recherchée d'alliance quasi de tous les royaumes et grandes maisons, comme celles de France, d'Angleterre, d'Écosse, d'Hongrie, de Portugal, jusques là que le royaume lui appartient de droit, ainsi que j'ay ouï dire au premier président de Thou. Je vous laisse donc à penser si cette maison de Boulogne estoit grande : telle qu'une fois j'ouys dire au Pape Pie IV, estant à table, ainsi qu'il bailla à disner après sa création aux cardinaux de Ferrare et de Guise ses créatures, qu'il tenoit cette maison si grande qu'il n'en sçavoit en France, telle qu'elle fust, qui la surpassast en ancienneté, valeur ny grandeur[2].

La fiancée apporta de belles possessions et quantité de joyaux et d'objets précieux. Elle et sa sœur Anne, l'épouse d'un prince écossais, Jean Stuart, Duc d'Albany, étaient grandes héritières : elles possédaient en Auvergne des biens qui rapportaient plus de dix mille écus d'or. Les Comtes d'Auvergne, qui acquirent le comté de Boulogne par mariage, et le conservèrent jusqu'au temps de Louis XI, étaient la ligne cadette de la maison dont la ligne aînée et ducale s'éteignit en la 'personne de Susanne de Bourbon, mariée à son cousin, le célèbre Connétable ; le Parlement ayant décrété que le duché d'Auvergne deviendrait apanage de la Couronne dans le cas où Susanne mourrait sans enfants, le Connétable s'allia traîtreusement avec l'Espagne, et il en vint à une révolte ouverte.

Les choses avaient changé pendant les quelques années qui suivirent le mariage de Julien de Médicis. La fille des Princes de Savoie ne lui avait pas apporté de dot : on trouvait encore alors si considérable la distance qui séparait les deux familles, qu'on avait aisément consenti à ne rien recevoir du côté de la fiancée. La maison de Médicis, élevée, c'est vrai, mais, après tout, de noblesse bourgeoise, était à même de connaître le prix ou plutôt l'honneur d'une alliance avec la maison ducale de Savoie, le plus souvent recherchée et par des rois et par des empereurs. Maintenant il en était autrement. La maison de Médicis ne se laissa cependant point surpasser en prodigalité et en magnificence. La valeur des présents pour la fiancée, pour la Reine Claude et les membres de la famille royale, est évaluée à trois cent mille ducats : à cette époque, c'était chose incroyable. Trente-six bêtes de somme suffirent à peine à transporter ce trésor au delà des Alpes. Il y avait, entre autres, un lit de parade incrusté d'écaille, de nacre et de pierres précieuses, art dans lequel les Florentins se sont distingués de tout temps. Le Pape Léon ne connaissait plus de bornes, quand il s'agissait de satisfaire son goût pour l'éclat et pour le luxe.

Sur ces entrefaites, Claude, la bonne Reine, fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne, mit au monde son premier fils. La naissance du Dauphin donna lieu à de grandes démonstrations de joie à Rome et surtout à Florence, qui s'était toujours montrée favorable aux Français. A Florence, on célébra une messe solennelle à Santa-Maria del Fiore, et l'on fit un superbe feu d'artifice. Peu de temps après on reçut la nouvelle que le Roi priait le Pape de tenir son premier-né sur les fonts de baptême, et Sa Majesté chargea M. de Saint-Mesme de porter au Saint-Père une lettre autographe[3]. Léon accepta, et chargea son neveu, qui s'apprêtait à son voyage de noce, de le représenter. Rien ne pouvait donner plus d'éclat à l'apparition de Laurent à la Cour de France.

Le Duc d'Urbin était, comme nous l'avons vu, revenu à Florence, après avoir été retenu trois mois à Ancône par sa blessure, et après que François-Marie della Rovere se fut laissé persuader de renoncer pour le moment à ses prétentions sur l'État qu'on venait de lui enlever. Laurent se mit en route pour la France en mars 1518 : à la nouvelle de son arrivée prochaine, François Vettori vint à sa rencontre, afin de l'accompagner auprès du Roi. La Cour était à Amboise : François reçut en ce beau lieu l'hôte qui devait bientôt devenir son cousin, et le fit avec de grands honneurs et une pompe princière. On lui avait préparé les plus beaux appartements du château, des remparts duquel la vue planait avec délices sur la belle Touraine et sur la vallée de la Loire. C'était le séjour favori des Rois de France, depuis que Charles VII avait réuni Amboise à la couronne.de France. C'est en effet le pays des plus magnifiques châteaux royaux et seigneuriaux de la France : le château de Blois, où l'architecture du moyen âge coudoie celle de Louis XII et de François Ier ensuite Chambord, la merveille de la Renaissance ; et Azay-le-Rideau et Chenonceaux, où Diane de Poitiers et, Catherine de Médicis ont habité, et qui rivalisent en beauté, sinon en grandeur, avec Chambord ; puis Loches, qui nous rappelle à la fois Agnès Sorel et le malheureux Ludovic le Maure. Ce fut là, à Amboise, que Louis XI fonda l'ordre chevaleresque de Saint-Michel, que Charles VIII naquit et fut élevé, qu'il fit venir des architectes italiens pour de nouvelles constructions, et qu'il mourut en laissant à ses deux successeurs la tâche de transformer l'ancien château selon le gracieux et harmonieux style de la Renaissance. La Reine Claude y donna aussi naissance au Dauphin, et, en fait de souvenirs moins heureux, faut-il dire que ce fut encore là que le Roi brisa la résistance du Parlement, qui s'était opposé au concordat dont les conventions récentes avec Rome lésaient les libertés gallicanes.

La cérémonie du baptême du Prince eut lieu dans ce château d'Amboise, le 25 avril 1518. La sœur du Roi, Marguerite, Duchesse d'Alençon, plus tard Reine illustre de Navarre, et le Duc Antoine de Lorraine, ainsi que le Duc d'Urbin, tinrent l'enfant sur les fonts de baptême. On lui donna le nom de son père, auquel il paraissait devoir succéder : mais ce ne fut que plus tard, et pour peu de temps seulement, que, d'après les décrets éternels, ce nom devait être porté sur le trône de France. Peu de temps avant le baptême du Prince aîné, la Reine avait déjà eu un second fils, qui avait reçu le nom de son parrain Henri VIII, Roi d'Angleterre : Henri, Duc d'Orléans, plus tard Dauphin et Roi de France. Le Florentin Andrea del Sarto, appelé à Paris par François Ier, au printemps de cette année, le peignit en le représentant dans un berceau, pour son très-heureux père[4].

Les fêtes furent splendides. Pendant dix jours ce ne furent que banquets, danses et tournois, des combats et des sièges feints, auxquels le Duc d'Urbin prit part : mais il. y manquait un Politien ou un Pulci pour chanter sa bravoure et son habileté, comme autrefois pour Julien et Laurent, dans les brillants tournois qui furent accomplis sur la place de l'église de Sainte-Croix, à Florence. Un tableau de Raphaël Sanzio représente Laurent d'Urbin à cette époque de sa vie ; les traits n'ont ni, beauté ni séduction, quoique ne manquant pas d'énergie et d'expression : on y remarque aussi fort peu de noblesse, chose rare à trouver chez les Médicis, dans la physionomie desquels dominent plutôt la sensualité et l'astuce[5].

Vint le mariage. Il fut célébré le troisième jour après le baptême du Dauphin, et le Roi y déploya une pompe extraordinaire. La cour du château avait été transformée en tente, et les murs étaient recouverts d'étoffes magnifiques : on se fût cru dans la salle la plus immense et la plus splendide. Là se fit le banquet des noces. Les nouveaux mariés avaient leur place à la table du Roi, où Madeleine brillait de tout l'éclat de sa jeunesse et de sa beauté. Près d'eux figuraient tous les Princes français ou étrangers, et les Envoyés, suivant leur rang. A la table en face étaient la Reine Claude et Madame Louise, mère du Roi. C'était une scène fort belle à voir. Chaque mets était apporté au son des fanfares. Après le repas, la danse, qui dura jusqu'à une heure après minuit. La quantité des lumières et des torches était si grande, que la nuit parut semblable au jour. Soixante-douze jeunes dames formèrent des quadrilles pur douze, et en costumes variés, les unes Italiennes, les autres Allemandes ; elles dansaient au son du tambourin et d'autres instruments inusités aujourd'hui. La fête fut terminée à deux heures.

Le matin suivant, les tournois commencèrent : on n'en avait jamais vu de plus beaux en France. Ils durèrent huit jours consécutifs ; le Duc d'Urbin y prit part et se montra, dit- on, à son avantage devant sa jeune épouse. Le plus beau spectacle, cependant, fut celui d'une grande manœuvre militaire. On avait construit, en plein champ, une forteresse de bois entourée de fossés, munie de canons de gros calibre établis en bois cerclé de fer, lançant des boulets pleins d'air qui renversaient gens et chevaux, sans leur faire cependant grand mal. Une artillerie du même genre opérait le bombardement. Le Duc d'Alençon, avec cent hommes d'armes à cheval, était dans la forteresse, assiégée par le Connétable de Bourbon avec cent cavaliers et le Comte de Vendôme avec autant d'hommes d'infanterie. Le sieur de Fleurange, Robert de la Marck, vint avec quatre cents fantassins au secours de la ville assiégée. Tout à coup, le Roi François apparut, armé de pied en cap, et se jeta dans la forteresse avec les troupes de Fleurange. Les assiégés firent des sorties vigoureuses. Alençon attaqua les troupes du Bourbon ; Vendôme combattait contre le Roi et Fleurange, et l'artillerie tonnait comme dans une vraie bataille ; cela eut trop l'air d'un combat véritable, car, cette fois, nombre d'hommes furent écrasés et tués. Les combattants durent se séparer : ce ne fut point chose facile, et ce l'eût été encore bien moins si tous n'avaient été complètement épuisés.

Le jour du baptême, le neveu du Pape avait reçu du Roi François le cordon de Saint-Michel, et s'était déclaré à jamais son serviteur, l'assurant de son inviolable affection dans la bonne comme dans la mauvaise fortune. Le Roi ne voulut pas demeurer avec à Souverain Pontife en reste de bonne grâce et de générosité. Il assura à la jeune Duchesse un revenu de dix mille écus d'or, pris en partie sur sa fortune propre, et en partie, d'après une concession royale, sur le comté de Lavaur[6]. On donna au Duc une compagnie de cent lances. Les Envoyés florentins, François Vettori et Jacques Gianfigliazzi, qui assistèrent aux noces, ne pouvaient assez trouver de paroles pour exprimer les sentiments favorables qui animaient le Roi envers les Médicis et Florence. A en juger d'après les paroles du Roi, écrit Gianfigliazzi, rien au monde ne lui est plus cher que Florence[7]. Tout paraissait sourire à l'alliance nouvelle.

Laurent et Madeleine restèrent encore quelque temps en France. Laurent accompagna, jusqu'à Angers, le Roi, qui partait pour la Bretagne ; puis les deux époux allèrent visiter les terres de la Duchesse. Ce fut dans ce même temps que plusieurs des plus beaux tableaux de Raphaël Sanzio arrivèrent à Paris : la Sainte Famille et l'Archange saint Michel. Laurent de Médicis fut le médiateur de ce précieux envoi. On voulait envoyer ces beaux ouvrages à Marseille par mer : le Pape Léon s'y opposa, et il les fit transporter à Lyon sur des mulets. Le Pape ne voulait pas les confier au perfide élément[8].

Les amis qui étaient à Florence désiraient un prompt retour. Dès que Laurent pourra prendre un congé honorable du Roi, qu'il vienne, écrivait Goro Gheri de Pistoia, évêque de Fano, que le Pape avait adjoint à son neveu pour le soin de ses affaires politiques. Comme les corsaires barbaresques rendaient la mer dangereuse, on recommanda à Laurent de choisir le chemin par terre. La fin de juillet vint, que Laurent était encore à Lyon. Le départ de cette ville fut fixé au 31 : Dieu veuille, écrivit Gheri, que Votre Excellence trouve quelque fraîcheur en chemin ! ici nous mourons de chaleur, et depuis nombre d'années rien ne s'est vu de pareil. La sœur de Madeleine, la Duchesse d'Albany, accompagna les époux jusqu'en Auvergne, où se fit le partage de l'héritage, puis une escorte leur fut donnée pour les conduire jusqu'à Chambéry. Les voyageurs arrivèrent le 20 août à Bologne, où on les reçut avec de grandes marques d'honneur. Deux cents nobles étaient venus de Parme à leur rencontre :.on avait préparé de grandes fêtes à Reggio et à Modène. Le 30, ils étaient à Poggio, château de plaisance au bord de la plaine de Pistoja. Ce château était encore tout plein des joyeux et fastueux souvenirs du jeune âge de Laurent le Magnifique, et ils y demeureront tout aussi attachés que les sombres événements particuliers à Blanca Capello et que les amères dissidences de Côme III et de sa femme Mademoiselle d'Orléans. Alfonsina Orsini, la veuve orgueilleuse et peu aimée de Pierre de Médicis, s'était rendue de la villa Cafaggiuolo à Poggio, pour recevoir son fils et sa bru.

Tout alla pour le mieux. La Duchesse causait une agréable impression à tous ceux qui la voyaient. Le 7 septembre eut lieu la réception solennelle. Laurent de Médicis avait déjà écrit qu'il ne voulait aucune pompe ni aucun tournois. Cependant toute la ville était en mouvement. Les nombreux amis et clients de la famille voulaient absolument honorer et fêter les nouveaux mariés. On employa tant de soie pour les hommes et les femmes, que les réserves de la ville ne purent y suffire, et qu'on dut écrire à Venise et à Lucques. Les anciennes lois somptuaires de la République durent être renouvelées, afin de mettre des bornes à ce luxe, et éviter ainsi la ruine des familles[9].

Laurent de Médicis avait eu l'intention d'aller à Rome auprès du Pape, sitôt après son arrivée à Florence, pour lui rendre compte des commissions verbales dont l'avait chargé le Roi. Mais Madonna Alfonsina tomba malade, et le départ fut retardé. Léon X, cependant, était parti pour Viterbe par Civita Castellana : le Duc quitta Florence le 30 septembre, et baisa les pieds au Saint-Père à Montefiascone. Les Cardinaux et les Envoyés étrangers étaient venus à sa rencontre, et le Pape se montra très-satisfait de ses communications[10]. Peu de temps après, Laurent arrivait de nouveau à Florence.

 

 

 



[1] La correspondance entre le Cardinal vice-chancelier Jules de Médicis avec Laurent, Duc d'Urbin, d'une part, et celle de Monsignor Giovanni Stafileo, Évêque de Sebenico, Nonce du Pape à Paris, avec François Vettori, Ambassadeur florentin près François Ier, d'une autre, se trouvent, ainsi que la minute du contrat, dans les archives de la maison Torrigiani. Ces documents, et d'autres d'une grande importance, proviennent des biens de Pietro Ardinghelli, Secrétaire privé du Pape. Une petite-fille de ce secrétaire, Louise Ardinghelli, ayant épousé en 1636 Philippe Neri del Nero, les biens dit Nero passèrent ensuite en héritage aux Torrigiani, possesseurs actuels de tous ces papiers précieux, qu'on n'a point encore tous mis à profit. La correspondance dont nous parlons est de 1517 à 1518.

Dans une lettre adressée par Stafileo de Corneto le 18 octobre 1517, on lit : Avanti che ci fussi lo adviso vostro qui pel parentado di Navarra, ci era suto ricordato da uno amico (Vettori) una figlia di Monsignor di Bologne, che ha una sorella maritale nel Duca di Albania. Potrete senza scoprirvi intendere e ritrarre un poco le qualità e condizioni sue et avvisarne. Le choix tomba ensuite sur Madeleine, mais la négociation se fit avec une grande lenteur. Le 19 janvier 1518, Laurent écrit : Resta ora che la rosa si concluda senza più prolungarla, perchè N. S. (Léon X) ha tanto desiderio vedermi accompagnato, che ogni  dilazione che si interponga, li pare lunga dopo tanto tempo che questa affinità si è practicata. Perchè sono gia 18 mesi che si cominciò a parlare di quelle di Navarra, e le damigelle furono chiamate in corte e mai non arrivarono. Di poi per le mani vostre semo al terzo mese et ancora non se ne vede il fine. Le Cardinal de Médicis, qui avait déjà écrit au Nonce relativement à Laurent : Essendo or noi una cosa medesima, potete dividere fra noi quelli uffizi che vi parrà da fare et da comunicare, paraissait peu content de l'assentiment du Roi. Le 29 janvier 1518, il écrit de Rome : Speriamo ancora che la cosa non resterà in sù gli capitoli ci mandasti, ma che il Re per sua liberalità et per lo onore del Duca non mancherà di dargli condotta, pensione e l'ordine. Laurent obtint ces trois choses. Il ajoute que les revenus devaient être bien soigneusement assurés ad ciò non gli intervenga poi corne al Valentino. César Borgia avait, en effet, épousé la sœur de Jean, Roi de Navarre. Chacun sait comment, après la mort d'Alexandre VI, il se réfugia près de son beau-père, et mourut en combattant, dans la Navarre. Sa fille, Louise Borgia, épousa en secondes noces Louis de la Trémouille, vaillant capitaine sous Louis XI contre Charles le Téméraire, sous Charles VIII à Fornoue, sous Louis XII à Ghiraddadda, sous François Ier à Marignan, où périt son fils, le prince de Talmont ; il périt lui-même à Pavie, en 1525, où son neveu, qui par Anne de Laval, sa femme, avait hérité des droits aragonais sur la principauté de Tarente, fut fait prisonnier parles Impériaux.

L'instruction pour le Nonce porte le titre suivant :

Instructiones et Memoralia rerum agendarum cum christianissimo Rege Franciæ ex parte sanctissimi D. N. PP. in favorem Illmi Ducis Urbini, nepotis sui charissimi, ad illum Illmum Ducem et Illmam D. Magdalenam de Bologna felicissimo et optatissimo fine consumetur, utque in futura perpetua pace initiata federa ista felicia perdurent, nullaque discordia violari possint, voluntasque et munificentia regia erga ipsos Illmos futuros coniuges verissime executioni demandari possint, nullaque dubitatio super rebus a Regia Maiestate promissis et conventis incidere possit, quia potius ipso promissa et conventa eternum ac inviolabilem ac indubitabilem debeant sortiri effectum, fiant et demonstrentur Regis Chmi ex parte dicti Smi Dal N. et non alterius nomine ea que sequuntur. Suivent les conditions sur les possessions, les revenus, etc. Les concessions et les propositions royales forment un écrit séparé, où se trouve aussi une note sur l'héritage de Madeleine : Les terres et seigneuries de la maison de Boulongne appartenant à Monseigneur le Duc d'Albanie à cause de Madame Anne de Boulongne sa consorte et à Madamoiselle Magdaleine de Boulongne sa sœur. Le mandat de procuration du Duc fut rédigé à Corneto, dans le palais de Sa Sainteté, le 17 octobre 1517 ; étaient présents et témoins : Lorenzo Serapica, Baldassar Turini de Pescia, confident de Léon X, protecteur et ami de Raphaël Sanzio.

[2] Brantôme, Vies des Dames illustres : Catherine de Médicis.

[3] Lettre de François Ier au Pape, relativement à la mission de Saint-Mesme et au mariage de Laurent avec Madeleine, de ma tres chere et amee cousine Magdelayne de Boulongne. Amboise, 11 mars 1518. Voyez les archives de la famille Torrigiani. « Tres sainct Pere », dit la lettre du Roi, je Vous prie ne fetes neule doute de se que Saincte. Mesme Vous dyra, car seur mon honneur ny trouveres point de fote. Et une autre fois, dans une lettre du 22 octobre concernant la future élection de l'Empereur : Tres saynt Pere, Vous pouves estre scur que ne trouvres James fote pn se que je Vous proumés.

[4] Sur le voyage de Laurent de Médicis en France, en 1518, et sur le mariage, on trouvera de nombreux renseignements dans les dépêches de Francesco Vettori an gouvernement florentin (agli Otto di pratica, magistrature qui, de 1512 à 1527, avait la charge des affaires extérieures et des choses de la guerre), ainsi que dans la correspondance épistolaire de Goro Gheri de Pistoie, Évêque élu de Fano et Secrétaire d'État du Duc d'Urbin. Voyez les lettres de Vettori, ainsi que la correspondance étrangère d'août 1517 jusqu'à la fin de 1518 ; dans l'archive des Riformagioni, à Florence, anno X, dist. VI, n. 17. Registrum litterarum, possédé par le marquis Gino Capponi. Voyez aussi le Sommario della Storia d'Italia, publié par l'auteur du présent livre dans l'Archivio storico, appendice VI ; Florence, 1848. Sur le baptême et sur les noces, il faut aussi consulter : Mémoires de Messire Martin du Bellay, seigneur de Langey. La description la plus circonstanciée des cérémonies nuptiales est celle de Robert de La Mark, seigneur de Sedan et de Fleurange. Partant de la mariée, il la dit la plus jeune fille de Boulongne qui estoit tres belle dame et jeune ; il la dit aussi qui estoit trop plue belle que le marié. Sur les présents que le Pape Léon X envoya en France, voyez A. Fabroni, Leonis X Pont. Max. Vita. Pise, 1797, adnot. LXIX.

[5] L'original a disparu, ainsi que le portrait de Julien de Médicis par le même maître. Il en existe une ancienne copie dans le corridor qui conduit du Palais Vieux au Palais Pitti. El retracto mio che fa Raphaello da Urbino, écrit Laurent à Baltazar Turini, le février 1517. Un an après, le portrait fut terminé. (Goro Gheri, Lettere.) Voyez Gaye, Vasari et Passavant, I, 258, où il y a une erreur de date, et II, 177. Dans la chambre de Léon X, au Palais Vieux, pour la fresque qui représente la grande conjuration des Cardinaux, en 1517, Vasari a dépeint Laurent près de son oncle Julien, et, près de Léonard de Vinci et Michel-Ange s'entretenant avec les Médicis. (Rayionamento di Gioryio Vasari, sur les Inventions qu'il a peintes à Florence, dans le palais de Leurs Altesses. Giornata II, rayionamento III. Opere di G. V. Firenze, 1792, 166.) Dans la même salle, outre un médaillon de marbre avec le buste de Laurent de Médicis, et un autre représentant Catherine, on voit deux tableaux dont le sujet est emprunté à l'histoire d'Urbin : l'investiture du Duché pour Laurent et le siège de San Leo. Vasari n'a jamais peint de portraits meilleurs que ceux qui sont dans cette salle, lesquels, soit par le coloris, soit par le caractère, appartiennent aux meilleures fresques de l'époque, Angelo Allori, surnommé le Bronzino, a représenté le Duc d'Urbin dans cette gracieuse collection de portraits des Médicis, qui étaient au battant d'un cabinet du Palais Vieux, et qui sont maintenant dans la chambre du directeur de la galerie publique.

[6] Voyez, aux Archives de l'Empire, les lettres de François Ier pour faire tenir au Duc et à la Duchesse d'Urbin, père et mère de Catherine de Médicis, les dix mille livres de rente qu'il leur a assignées sur le comté de Lavaur.

[7] Guicciardini, Istorie d'Italia, XIII, 4.

[8] Goro Gheri, Lettere al Turini ed a Lorenzo de Medici, 25 mars, 15 avril, 8 mai, 17 mai, 3 juin. Voyez Gaye, II, 146, 148.

[9] Goro Gheri, Lettere a Lorenzo ed a Jacopo Gianfigliazzi, envoyés des Florentins en France ; 2 juin, 23 juillet, 6, 16, 17, 20 et 30 août : Come sapete, Sua Excellenza fugge le ceremonie. Mi pareva gentilissima Madama.

[10] Lettre du Duc d'Urbin au Cardinal Bibbiena, 26 septembre 1518, et de G. Gheri à Jacopo Gianfigliazzi, 6 octobre.