Origine des Gaulois – Étendue des Gaules –
Les Celtes – Température, richesse du pays – Courage des Gaulois –
Hospitalité – Armes des Gaulois – Druides – Druidesses – Fées – Le gui de
chêne.
Fondation de Marseille – Ambigat –
Sigovèze – Brennus – Les Gaulois à Rome – Second siège de Rome par les
Gaulois – Viridomare – Les gaulois s’unissent à Annibal – Les Gaulois en
Macédoine – Brennus II – Les Galates – Alliance avec Mithridate – Les Romains
dans les Gaules – Combats des Cimbres et des Teutons contre les Romains – Ils
sont vaincus par Marius – Révolte des esclaves.
Conquête de la Gaule par César –
Description de la Gaule
– Bataille d’Autun – César chasse les Germains des Gaules – Prise de Noyon et
de Beauvais – Sergius Galba – Combat naval – Irruption des Germains – César
arme contre les Bretons – Ambiorix – Défaite de Sabinus – Les Germains
chassés une seconde fois – Massacre d’Orléans – Vercingétorix – Siège de
Bourges – Soumission des Éduens – Siège de Paris – La Gaule entière est
conquise.
Prospérité de Marseille – Elle se rend à
César – Fondation de Lyon – Les Gaulois admis dans le sénat romain – Velléda
– Éponine – Confédération des Germains – Première invasion des Francs – Le
christianisme dans les Gaules.
Histoire des Gaulois, depuis la mort de
Constantin jusqu’à celle de Théodose – Magnence usurpateur des Gaules –
Julien dans les Gaules – Julien réside à Paris – Proclamé empereur – Les
allemands repassent le Rhin – La
Gaule en dix-sept provinces – Les serfs – Les Bourguignons –
Théodose empereur d’Orient – Arbogaste fait nommer un empereur franc.
État de la Gaule avant la puissance
des barbares – Arcadius et Honorius – Les Goths – Les Huns – Invasion des
barbares – Les Francs et les Vandales – Passage du Rhin – Constantin,
empereur gaulois, repousse les barbares – Édit d’Honorius et de Théodose le
jeune – Aëtius – Pharamond et Clodion – Établissement des Francs dans la Belgique – Triste état
des Gaules – Attila – Mérovée – Geneviève – Tableau de la cour de Théodoric
II, roi des Visigoths – Égidius Afranius – Childéric – Établissement des
Bretons dans le Berri – Chute de l’empire d’Occident – Clovis – Fin de
l’histoire des Gaules.
INTRODUCTION
En sortant du monde romain, le premier peuple qui, sur ses
débris, se lève puissant et victorieux, c’est le peuple français ; nous
devons donc commencer l’histoire de l’Europe moderne par celle de la France ; puisque c’est en
France que nous suivrons les premiers pas de la civilisation et de la
grandeur Européenne.
La gloire de notre nation ne craint aucune comparaison
avec celle de Rome : nous pouvons fièrement opposer notre Clovis à son
Romulus ; Charles-Martel à Camille, Charlemagne à César.
Nos Godefroy, nos Raimond, nos Duguesclin, nos Dunois, nos
Coligny, nos Montmorency, nos Bayard, nos Catinat, nos Turenne, nos Villars,
nos Condé, peuvent marcher à côté de ses consuls, et de nos jours une foule
de héros égale tous ceux de la Grèce et de l’Italie.
Saint Louis, Charles V,
Louis XII,
Henri IV,
semblent avoir été vivifiés par l’âme des Antonins ; Louis XIV, comme Auguste,
a donné justement son nom à son siècle ; depuis, un nouvel Alexandre a brillé
et a disparu ainsi que le Macédonien ; conquérant rapide, guerrier
longtemps indomptable, aussi belliqueux que Trajan, il a porté notre gloire,
nos armes et son nom en Afrique, en Germanie, en Italie, en Espagne, en
Scythie, au centre de l’Asie, et, comme lui, a perdu ses conquêtes pour avoir
refusé de leur fixer des bornes.
Sully, Lhôpital et d’Aguesseau, célèbres par leurs vertus
autant que par leur habileté ; l’immortel Bossuet, le touchant Fénelon, l’illustre
Montesquieu, le sublime Corneille, l’inimitable Racine, ce Montaigne, si
original, ce Molière et ce naïf Lafontaine qui n’ont point eu de rivaux dans
leur genre ; Voltaire si étonnant par l’universalité de son génie ;
enfin un nombre prodigieux d’écrivains brillants, d’ingénieux moralistes, de
poètes harmonieux, de savants profonds et d’éloquents orateurs, ne nous
laissent rien à envier pour les palmes de la chaire, du barreau, de la
tribune, du théâtre, et pour toutes les couronnes que décernent les muses.
Nos découvertes dans les sciences, nos progrès dans les arts,
le perfectionnement de l’agriculture et de toutes les industries, le pinceau
des David et des Gérard, le ciseau de Houdon, de Pigalle et de leurs émules,
la création de nos machines, la diversité de nos métiers, les prodiges de nos
manufactures, la destruction de tout esclavage, la variété et la multiplicité
des jouissances qui embellissent la vie des citoyens de tous les rangs, des
laboureurs comme des citadins, nous feraient trouver aujourd’hui, si elles
reparaissaient, Athènes sauvage, et
Rome barbare.
Soyons donc fiers de notre siècle et de notre France, de cette
France que d’Europe liguée a tant redoutée dans ses triomphes, qu’elle
respecte encore après ses défaites, et que ses efforts réunis ont ébranlée sans
pouvoir l’anéantir.
Mais que notre juste fierté ne jette point un œil de
dédain sur notre antique origine ; n’imitons pas la plupart des historiens
qui ne font remonter nos souvenirs que jusqu’à Clovis ; montrons-nous moins
injustes pour les auteurs de toutes nos races ; nous descendons tous des
Gaulois, des Romains, des Germains et des Francs ; notre nom, notre langage,
nos mœurs sont nés de leur mélange ; nos caractères, nos lois, nos coutumes,
nos vices, nos vertus conservent encore des traces indélébiles.
Une partie du droit romain nous régit jusqu’à présent ; nos
poésies doivent leur charme à l’ancienne mythologie grecque et latine ; nos jurés
nous rappellent l’antique égalité des Francs ; nos duels, leur belliqueuse
indépendance.
Nos croisés en Palestine, nos rois conquérants de l’Italie,
notre invasion aventureuse en Égypte, la prise de Rome même, réveillent le
souvenir des Sigovèze, des Bellovèze et des Brennus.
Les fées gauloises, amusent encore notre enfance ; nos
pontifes, succédant autrefois en Gaule à la prééminence et à la puissance des
druides, inspirent toujours aux peuples une juste vénération, même après la
chute des abus d’une domination ambitieuse.
Les nobles, ducs, comtes et barons français ont hérité
longtemps dans notre patrie de l’influence et du pouvoir qu’exerçaient en Gaule
les sénateurs, les grands, les chefs, entourés d’Ambactes ou de dévoués et
nombreux Soldurii, ainsi que de l’autorité des Antrustions et des Leudes
parmi les Francs : aujourd’hui même encore, réduits à la seule puissance
des souvenirs, plusieurs se rappellent avec fierté et regrettent trop
vivement ces temps chevaleresques où ils dominaient les peuples et combattaient
les rois : enfin, en France, ainsi que dans la Gaule, les femmes, loin d’être
asservies, exercent un grand empire sur nos mœurs et reçoivent une espèce de
culte d’autant plus durable qu’il est plus moral et plus épuré.
Remontons donc orgueilleusement à la source de notre
existence et de notre gloire ; saluons avec respect nos vieux et rustiques
monuments ; pénétrons dans les vastes et ombres forêts qui ombrageaient
notre berceau ; et avant d’écrire les fastes de la France parcourons rapidement
ceux des Gaulois et des Francs nos aïeux.
Leurs fables n’ont pas le charme séduisant de celles d’Hésiode
et d’Homère ; mais elles sont peut-être moins absurdes que celles des
adorateurs d’Isis, des farouches Pélasges, et des grossiers fondateurs de Rome.
L’Hercule gaulois est plus moral que l’Hercule grec : au
lieu d’une massue, il porte attachée à sa bouche une chaîne, emblème heureux
du pouvoir, de la raison et de l’éloquence.
Notre Theutatès, remplit dans les cieux la même mission
que Mercure.
Ésus est sanguinaire comme Mars, mais moins débauché que
Jupiter.
Les Gaulois rendaient à Minerve le même culte que les
Grecs.
Nos fées sont plus attrayantes que les sibylles.
Le gui de chêne par ses merveilles, choque moins le bon sens
que ce clou sacré, enfoncé solennellement par les dictateurs à la porte des
temples pour éloigner la peste, et l’image de Bérécynthie promenée dans les
champs gaulois, ainsi que les chrétiens portèrent depuis celle de la vierge
de Nanterre pour appeler sur eux la rosée du ciel, plaît davantage à l’imagination
que le culte sévère de Cybèle et de Vesta. Revenons donc à présent sur nos
pas, et reportons nos regards sur cette époque désastreuse où la ruine de Rome
parut replonger dans le chaos le monde civilisé.
Les antiques monuments, les mystérieuses et gigantesques grandeurs
de l’Égypte sont loin de nous ; nous avons vu naître et mourir l’empire de Cyrus
; les héroïques et riantes fables de la Grèce ont disparu ; la nation des
miracles, le peuple de Dieu languît dispersé ; l’orgueilleuse Carthage est
détruite.
Nous avons suivi tous les pas du colosse romain depuis son
berceau jusqu’à sa tombe ; nous avons décrit son accroissement rapide, son habileté
profonde, sa force, sa gloire, sa grandeur, sa liberté, son luxe, sa
corruption, sa décadence, sa servitude ; nous entendons encore le bruit de sa
chute, et nous venons de voir ses derniers débris écrasés dans Byzance : par
les farouches enfant de Mahomet.
Au signal de la destruction de l’empire romain en Italie,
l’Occident est devenu la proie des sauvages guerriers du nord. Une moitié du
monde s’est vue esclave et musulmane, l’autre chrétienne, mais barbare ; les arts, les lumières, les richesses, la
civilisation de tant de siècles ont fui devant le fer des Celtes et des Scandinaves
; l’Olympe est sans Dieux, le Parnasse
sans Muses.
Le voile sombre de l’ignorance s’est étendu sur ces belles
contrées, où les sciences jetaient naguère un si vif éclat : ce Capitole
où montaient tant de triomphateurs, ce Forum où Cicéron enchaînait par son éloquence
une foule attentive, cette superbe Rome que Virgile enorgueillissait en
ressuscitant les héros troyens, cette cité célèbre où les vers harmonieux d’Horace
disposaient le cruel Octave à faire chérir le pouvoir d’Auguste, où le sévère
Tacite faisait pâlir les tyrans, ne
retentissent plus que des cris de guerre des Hérules, des Goths et des
Lombards..
L’indomptable Espagne a succombé sous les coups des
Suèves, des Visigoths ; les Vandales l’ont traversée pour ravager l’Afrique
; enfin la Gaule,
depuis longtemps plus tranquille, plus riche, plus florissante que l’Italie, la Gaule inondée par un
torrent dévastateur de Goths, de Bourguignons, de Huns, d’Allemands, d’Alains
et de Francs, a vu ses champs dépouillés, ses écoles désertes, des temples
renversés, ses cirques détruits, ses villes incendiées.
La Gaule,
jadis la terreur de Rome et l’effroi de l’Asie ; la Gaule, qui coûta dix années
de travaux à César ; la Gaule,
rempart inexpugnable de l’empire contre les Germains ; la
Gaule, si heureuse sous les Antonins, si paisible sous Constance,
si chère à Julien, la Gaule
est devenue l’esclave de mille tyrans.
Nous la voyons couverte d’épaisses ténèbres, mais, elle
n’est qu’abattue et non détruite ; à la lueur sanglante des glaives meurtriers
qui se choquent dans son sein, admirons ses efforts pour se relever ! Bientôt
elle va civiliser ses farouches vainqueurs ; bientôt, cette Gaule fameuse, se
frayant une nouvelle route à la gloire, va, sous le nom brillant de France,
disputer encore à Rome son antique renommée, fonder un nouvel empire d’Occident,
servir d’exemple au monde par ses lois, l’étonner par ses triomphes, l’éclairer
par ses chefs-d’œuvre, l’enrichir par son commerce et répandre la splendeur
de son nom et de ses armes jusqu’aux extrémités de la terre.
C’est de cette France prospère que doit s’élever un
nouveau monde plus durable, plus riche, plus puissant, plus éclairé que l’ancien
; c’est de cette France glorieuse que
sortiront tant de royaumes célèbres ; tant de génies immortels ; c’est de cette
France, capitole des héros modernes, asile des sciences, musée des arts,
panthéon de tous les talents, que nous allons retracer l’histoire.
Qu’à ce beau nom de France la vieillesse se glorifie par
ses souvenirs ! que l’âge mûr suive avec fierté les progrès de la grandeur,
toujours croissante pendant quinze siècles, d’un empire qui ne laisse point
encore prévoir sa décadence ! que la jeunesse surtout étudie avec ardeur ces
fastes d’un pays dont elle est l’espoir.
Puisse ce vaste tableau que nous allons offrir, puisse
cette histoire rapide de la
France antique et moderne inspirer à nos lecteurs la
vénération pour la vraie piété, l’horreur du fanatisme, le respect pour nos
lois, et pour nos rois, l’attachement inviolable à la liberté, et surtout l’amour
sacré de la patrie ! C’est lui seul qui me dicte cet ouvrage ; c’est lui seul
qui me donne quelque espoir de succès ; et en cédant à son inspiration, je n’invoquerai
d’autre muse que la vérité.
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