PARIS - PLON - 1904
Enfance et jeunesse de d'Éon. — Ses premiers succès et ses premiers protecteurs. — Entrée dans la diplomatie. — Le Secret du roi. — Mission en Russie. — Les négociations du chevalier Douglas et l'alliance avec la Russie. — Retour triomphant de d'Éon.D'Éon va rejoindre en Russie le marquis de L'Hospital. Ambassade du baron de Breteuil, — D'Éon revient en France, porteur de l'accession de la Russie au traité de 1758. — Il quitte la diplomatie pour l'armée et est nommé aide de camp du maréchal de Broglie. — Sa belle conduite pendant la guerre de sept ans. — Il rentre dans la diplomatie pour accompagner à Londres le duc de Nivernais.Le duc de Nivernais, ambassadeur de France à Londres. — Difficile négociation de la paix de 1763. — D'Éon est chargé par le gouvernement anglais de porter à Paris les ratifications du traité. — Il reçoit la croix de Saint-Louis. — Le comte de Guerchy est désigné pour succéder au duc de Nivernais, et d'Éon, nommé ministre plénipotentiaire, fait l'intérim de l'ambassade. — Le chevalier d'Éon mène à Londres un train d'ambassadeur et n'entend pas d'évêque redevenir meunier. — Sa querelle avec le duc de Praslin et le comte de Guerchy.Arrivée à Londres du comte de Guerchy. — Le chevalier d'Éon est disgracié et se venge. — Il accuse l'ambassadeur d'avoir voulu l'assassiner ; l'affaire Vergy. — Mission de Carrelet de la Rozière. — Le duc de Choiseul cherche à faire revenir d'Éon et le roi à obtenir la restitution de ses papiers. — L'extradition de d'Éon est refusée par le cabinet anglais. — Lettre de d'Éon à sa mère.Lutte acharnée du chevalier d'Éon contre le comte de Guerchy ; guerre de libelles ; publication à Londres des Lettres, Mémoires et Négociations. — Louis XV envoie à d'Éon des émissaires ; arrestation d'Hugonnet à Calais ; le secret exposé à être découvert. — Procès intenté par d'Éon au comte de Guerchy ; condamnation de l'ambassadeur de France par le jury anglais. — Le roi accorde une pension au chevalier d'Éon, qui se décide à rester en Angleterre.D'Éon continue à être l'agent secret du roi en Angleterre ; sa correspondance avec le comte de Broglie. — Il offre ses services au nouveau roi de Pologne, Stanislas Poniatowski ; Louis XV s'oppose à son projet. — Popularité de d'Éon à Londres ; les paris sur son sexe. — Il s'enfuit et parcourt l'Angleterre sous un faux nom. — Le chevalier d'Éon se détermine à se faire passer pour femme.Services secrets rendus par d'Éon au roi de France et à Mme du Barry : affaire de Morande ; négociations de Beaumarchais. — Les Loisirs du chevalier d'Éon. — Le roi se désintéresse du secret, qui est surpris par les ministres : Fabvier et Dumouriez en prison ; le comte de Broglie en exil. — Mort de Louis XV. — Louis XVI liquide le bureau secret ; le comte de Broglie fait valoir les services du chevalier et lui obtient une pension. — Nouvelles prétentions de d'Éon.Louis XVI refuse de céder aux exigences du chevalier. — Les créanciers poursuivent d'Éon, qui remet ses papiers secrets en gage chez son ami lord Ferrers. — Les embarras d'argent ramènent d'Éon à l'idée de se faire passer pour femme. — Son aveu à Beaumarchais. — Il consent à négocier et à signer un traité en bonne forme. — Le comte de Vergennes écrit à la chevalière d'Éon et lui envoie un sauf-conduit pour revenir en France.Arrivée de la chevalière d'Éon en France. — Réception qui lui est faite par la ville de Tonnerre. — Son installation à Versailles et sa présentation à la Cour. — Impressions et réflexions de sa famille, de ses amis, des contemporains. — Popularité de la ‘nouvelle héroïne en France et à l'étranger ; ses succès dans le monde de la Cour et la société de Paris ; sa volumineuse correspondance. — Nouvelle querelle avec Beaumarchais. — D'Éon, ayant quitté ses habits de femme, est appréhendé par ordre du roi et conduit au château de Dijon.Captivité de la chevalière d'Éon. — Son élargissement et son exil à Tonnerre. — Nouvelles démarches : l'armement de la Chevalière-d'Éon. — D'Éon séjourne à Paris pendant l'hiver 1780-1781. — Il revient à Tonnerre et y mène une existence tranquille et fêtée. — Il quitte la France à la fin de 1785 pour aller régler ses affaires à Londres.D'Éon retourne à Londres pour payer ses créanciers. — II y retrouve sa popularité d'autrefois. — Il cherche à vendre ses collections et manuscrits. — Premières nouvelles de la Révolution : la citoyenne Geneviève d'Éon se signale par son ardent jacobinisme. — Pétition à l'Assemblée nationale. — Pour gagner sa vie, d'Éon donne des assauts publics : il est blessé. — Maladie et vieillesse de d'Éon. — Il meurt à Londres le 21 mai 1810.PRÉFACE.En retraçant l'aventureuse carrière du chevalier d'Éon, notre dessein n'a pas été d'apporter une solution nouvelle aux énigmes qui ont valu à ce personnage la part la plus large, sinon la meilleure, de sa célébrité. En dépit de la curiosité qui s'y attarde, ces énigmes ont été résolues déjà et, semble-t-il, de façon définitive. D'Éon était réellement un homme. L'enchaînement même de ses aventures le conduisit, après une brillante carrière de soldat et de diplomate, à une métamorphose que son apparence gracile et son étonnante ingéniosité firent accepter — avec une facilité qui reste le véritable mystère de toute cette histoire — par le roi et les ministres, en même temps que par les compagnons de sa jeunesse. Devenu ainsi, par sa propre volonté, l'héroïne de son siècle, d'Éon se trouva prisonnier d'un rôle qu'il joua jusqu'à sa mort avec une stupéfiante perfection. Une existence aussi mouvementée, aussi fertile en incidents de toutes sortes, devait séduire les écrivains et elle offrait, semblait-il, assez de pittoresque pour qu'on ne fût pas tenté d'y rien ajouter. Cependant le premier historiographe de d'Éon, Gaillardet, bien qu'il ait eu entre les mains les documents originaux les plus importants, se montra dédaigneux d'une vérité historique qui cependant était autrement riche et intéressante que ne pouvait le devenir la fiction la mieux imaginée. De sa collaboration avec l'auteur des Trois Mousquetaires il avait sans doute retenu un profond mépris pour les méthodes timides dont usent aujourd'hui les historiens. Il publia en 1836 un ouvrage où il faisait un véritable roman sentimental d'une vie où le sentiment n'avait eu aucune place. Ce ne fut que plusieurs années ensuite, pour confondre un plagiaire, qu'il se décida à donner de son ouvrage une édition plus conforme à la vérité historique, mais où subsistent de nombreuses erreurs et de plus nombreuses lacunes[1]. Le piquant et solide ouvrage du duc de Broglie sur le Secret du roi a mis en lumière, en même temps que le mécanisme compliqué de la diplomatie secrète, tout un côté de la vie de d'Éon, qui fut certainement un des plus intrépides et des plus ingénieux agents du Secret[2]. Les escrimeurs ont tenu à conserver le souvenir de celui qui fut, en leur art, un amateur égal aux maîtres les plus réputés de l'époque[3]. Des érudits ont étudié divers épisodes d'une carrière qui s'est déroulée, à travers maintes métamorphoses, sur les théâtres les plus variés. Enfin, c'est en Angleterre, sa seconde patrie, que d'Éon a trouvé le plus minutieux et le mieux informé de ses biographes[4]. En dépit de ces diverses publications, la matière n'était point cependant épuisée. Le hasard d'une vente a permis, en effet, aux auteurs de cet ouvrage d'acquérir de très curieux documents inédits : ce sont les papiers et la correspondance que le chevalier d'Éon conserva jusqu'à sa mort et qui, confisqués alors par l'un de ses nombreux créanciers, demeurèrent oubliés, pendant plus d'un siècle, au fond de l'arrière-boutique d'un libraire anglais. Rapprochés des pièces diplomatiques qui sont aux archives des Affaires étrangères et des documents administratifs que la ville de Tonnerre possède sur le plus célèbre de ses enfants, ces papiers permettent de fixer d'une façon précise les diverses phases de l'aventureuse carrière du chevalier d'Éon. Mais ils ont encore à nos yeux un plus précieux mérite : cette volumineuse correspondance, que d'Éon entretint sans se lasser pendant plus d'un demi-siècle avec presque tous les personnages marquants de son époque, nous apparaît en effet aujourd'hui comme un miroir où viendrait se refléter, avec l'image de notre singulier héros, celle de tout un siècle plein de contrastes, à la fois léger et philosophique, crédule et sceptique. Ce sont ces lettrés et ces papiers de toutes sortes, soigneusement conservés par le chevalier d'Éon lui-même comme pour servir de cadre à son propre portrait, qui donneront à notre récit une saveur originale et éveilleront peut-être l'intérêt de ceux qui recherchent avant tout dans l'histoire le contact d'une société disparue. |
[1] Frédéric GAILLARDET, Mémoires sur la chevalière d'Éon. La vérité sur les mystères de sa vie. — Paris, Dentu (1866).
[2] DUC DE BROGLIE, Le Secret du roi. — Paris, Calmann Lévy, 1888.
[3] G. LETAINTURIER-FRADIN, La chevalière d'Éon. — Paris, Flammarion, 1901.
[4] J. BUCHAN TELFER, The strange career of the
chevalier d'Éon de Beaumont. — London, Longmann, Green and C°, 1835.