LE CHRISTIANISME ET SES ORIGINES — LE JUDAÏSME

 

Ernest HAVET.

PARIS 1878

 

 

PRÉFACE

CHAPITRE I. — Israël avant la Loi

CHAPITRE II. — Les Livres mosaïques - La Genèse

CHAPITRE III. — L'Exode et la Loi

CHAPITRE IV. — Histoire des Juifs depuis la Loi jusqu'à la fin du règne d'Hérode

CHAPITRE V. — Le Deutéronome. - Les premiers Prophètes

CHAPITRE VI. — Les derniers Prophètes

CHAPITRE VII. — La Bible en grec - Les hagiographes - Les Psaumes - Job - Les Proverbes - Les Méghilloth - Daniel - Les Chroniques, etc.

CHAPITRE VIII. — Fin de l'histoire des Juifs

CHAPITRE IX. — Les Apocrypha. - Le Judaïsme aux derniers temps

CHAPITRE X. — Le Judaïsme alexandrin et Philon

CHAPITRE XI. — La Conversion des Gentils

NOTE

 

PRÉFACE

Mon premier soin doit être de rappeler que ces mots : le Judaïsme, placés en tête du volume, ne sont qu’un sous-titre, et que le titre principal est toujours : le Christianisme et ses origines. En d’autres termes, ce n’est pas le judaïsme en lui-même que j’étudie : je ne suis pas un hébraïsant, et il n’y a qu’un hébraïsant qui pût entreprendre une pareille tâche[1]. Je me propose seulement de rechercher la part qu’a eue le judaïsme à la formation du christianisme et la manière dont l’un est sorti de l’autre ; évolution qui s’est accomplie dans un milieu grec, au moyen de traductions grecques ou de livres originaux écrits en grec : c’est ainsi que le travail que j’ai entrepris m’a été possible. J’ai d’ailleurs eu constamment sous les yeux, dans la lecture de la Bible, les commentaires des hébraïsants.

Quand j’ai commencé dans ma jeunesse l’étude de la Bible, ç’a été sur la traduction française de Samuel Cahen. Elle était la première et elle reste encore aujourd’hui la seule à côté de laquelle on trouve en regard le texte hébreu ; la seule aussi où ce grand monument du judaïsme soit commenté par un Juif. Ce sont deux avantages que celle même de M. Ed. Reuss ne lui enlève pas. Le grand travail de M. Reuss comprend à la fois l’Ancien et le Nouveau Testament[2]. Pour ne parler ici que de l’Ancien, il n’est pas encore entièrement traduit à l’heure où j’écris : je me trouve pourtant heureux d’avoir eu déjà ce secours à ma portée. Comme je ne louerais pas un pareil ouvrage avec assez d’autorité, je renverrai à l’éloge qu’a fait M. Renan, dans un Rapport à la Société asiatique (1877), d’une traduction qui présente, dit-il, à peu près les derniers résultats de la critique et de l’exégèse. Les introductions de M. Reuss, ainsi que ses notes, généralement courtes, mais très pleines, m’ont tenu lieu des commentaires en allemand dont je ne pouvais profiter. Elles rassurent celui qui s’en sert contre la crainte de ne pas se trouver, comme on dit, au courant de la science, et l’avertissent sur tous les points importants[3].

Dans ma première partie, l’Hellénisme, je n’ai pas fait de la polémique, mais de l’histoire. Ou du moins l’histoire était toute ma polémique. Sans discuter ni combattre les doctrines, je m’attachais à montrer que la révolution qui a fait du monde hellénique le monde chrétien n’a rien de brusque, rien qui sente le mi-racle ou le mystère ; que le christianisme était déjà en grande partie dans l’hellénisme et en est sorti naturellement. J’ajoutais cependant qu’il y a autre chose dans le christianisme que l’hellénisme, et d’abord le judaïsme, qui en est un élément considérable. C’est cet élément que j’ai à reconnaître aujourd’hui, et cette étude ne paraîtra pas d’abord devoir être très intéressante ; car personne ne conteste qu’il y ait du judaïsme dans le christianisme, puisque l’orthodoxie professe au contraire que les deux religions n’en font qu’une, et que la nouvelle n’est que le développement et l’achèvement de l’ancienne. Cependant ici encore l’orthodoxie est trop souvent en désaccord avec la critique historique, et cela de deux manières. Tantôt en effet, comme elle a rompu avec ce judaïsme dont elle est sortie, elle s’efforce de s’en distinguer, et de se montrer à la fois autre et supérieure. Elle parle comme parle le Discours sur la montagne : Il a été dit aux anciens... Et moi, je vous dis..., et il s’en faut bien que ses prétentions soient toujours justes ; on verra que le christianisme doit quelquefois plus au judaïsme qu’il ne l’avoue. Mais l’orthodoxie chrétienne pèche surtout contre la critique en sens contraire ; je veux dire en méconnaissant les lois de l’histoire dans le développement du judaïsme lui-même. Séduits par la conception purement idéale d’une religion perpétuelle et immuable, elle suppose arbitrairement que tout ce qui se trouve dans le judaïsme au temps de Jésus s’y trouvait déjà au temps de Moïse : un dieu incorporel, la foi au Messie, la croyance à la résurrection ; elle s’imagine que depuis Moïse (ou ce qu’on appelle de ce nom) rien n’a changé. Et elle prétend reconnaître dans la Bible, non seulement ce qui n’a été juif qu’après la Bible, mais même ce qui ne l’a jamais été, et que le christianisme a pris ailleurs, comme la Trinité ou l’Incarnation. Ce sont là de pures illusions, et l’histoire du judaïsme, comme toute histoire, n’est qu’une suite de transformations, qui tiennent à l’influence des événements sur les idées. Les idées elles-mêmes ne sont que des événements : les faits extérieurs agissent sur les faits de l’ordre moral, comme ceux-ci agissent à leur tour sur les autres. C’est l’étude de ces transformations de la foi juive, dont la dernière est l’avènement même du christianisme, qui fait l’objet de ce volume. C’en est le fond, et les questions accessoires que je puis rencontrer sur mon passage ne doivent jamais le faire oublier.

Parmi ces questions accessoires, la plus considérable est celle de la chronologie des livres de la Bible. Elle rentre même jusqu’à un certain point dans la question générale ; car, pour suivre le développement du judaïsme, il faut classer chronologiquement les livres de la Bible, au moins d’une manière relative. Par exemple il faudra admettre que les livres dits mosaïques sont les plus anciens qu’après viennent les livres des prophètes ; les hagiographa ensuite, et enfin les apocrypha. On aura ainsi quatre époques du judaïsme, ayant chacune son caractère religieux particulier. Mais cette conclusion restera acquise, quelle que soit la date à laquelle on place chacune de ces époques, pourvu qu’on n’en dérange pas la succession : la détermination précise de ces époques n’est donc, pour môn objet, qu’accessoire. Elle n’en est pas moins très intéressante, et j’appelle l’attention des lecteurs sur les vues que cette étude m’a suggérées.

Elles ne sont d’ailleurs miennes qu’en partie, et je n’ai fait que pousser plus loin un travail critique commencé depuis longtemps. Supposer, par exemple ; que la Pentateuque a été écrite du temps d’Esdras, et non du temps de Moïse, est une vieille idée, soutenue déjà dans le Tractatus theologico-politicus de Spinoza, 1670 (chapitre VII, n° IV), et appuyée sur des traditions qui remontent jusqu’à l’antiquité. Spinoza étendait d’ailleurs sa proposition à tous les livres historiques[4].

Ces livres sont les seuls, à ce que je crois, dont l’authenticité ait été contestée si anciennement ; mais la science moderne s’est exercée sur d’autres livres de la manière la plus hardie. Ainsi, tandis que la tradition attribue les Psaumes à David, les critiques rationalistes s’accordent aujourd’hui à les faire descendre jusqu’aux temps des chefs Asmonées, à neuf siècles de David, et la Bible de M. Reuss donnera désormais en France toute autorité à cette doctrine. C’est à cette même époque, et non plus à celle de Cyrus, qu’on place généralement aujourd’hui le livre appelé du nom de Daniel. On a pu voir dans le tome v de M. Renan, au chapitre il, que le livre de Judith est regardé maintenant comme ayant été écrit pendant la guerre d’Hadrien contre les Juifs. Ce n’est donc nullement chose nouvelle que de prendre les plus grandes libertés à l’égard de la tradition.

Cependant il y a des parties de la Bible sur lesquelles cette liberté de la critique n’a rien entrepris, ou peu de chose. On a sans doute été obligé de reconnaître que plus d’un tiers du livre d’Isaïe ne saurait appartenir au temps où on place ce prophète (celui de l’invasion assyrienne), et ne peut avoir été écrit avant Cyrus ; on a donc mis à part ces chapitres, qu’on a appelés le Second Isaïe. Il a bien fallu encore, même dans le Premier Isaïe, détacher certains chapitres, où on retrouvait célébrée la prise de Babylone. On a rectifié de même la tradition au sujet de quelques autres passages prophétiques, comme le XIXe chapitre d’Isaïe. Mais en général, pour ce qui regarde les prophètes, on s’en est tenu aux idées reçues. On a continué d’admettre que le Premier Isaïe était du temps de l’invasion assyrienne, c’est-à-dire du VIIIe siècle avant notre ère ; de placer à la même date Amos, Osée, Michée, et Joël encore plus haut. On met toujours Jérémie et Ézéchiel au commencement du VIe siècle ; Aggée et Zacharie à la fin. En un mot, la tradition, au sujet des prophètes, fait encore loi parmi les critiques, et M. Reuss l’accepte et la consacre dans sa Bible.

Pour moi, la lecture des prophètes m’a laissé des impressions toutes différentes. Il m’a paru que tout indiquait dans ces livres une époque beaucoup plus moderne que celle à laquelle on les rapporte. Je suis arrivé à croire que les noms d’Isaïe ou de Jérémie ne devraient pas imposer à la critique plus que ne lui impose le nom de David dans les Psaumes, et qu’au lieu de regarder les livres prophétiques comme inspirés par la destruction de Samarie, ou par celle de Jérusalem, on peut supposer avec plus de vraisemblance qu’ils sont nés de la lutte des Juifs contre les rois de Syrie au second siècle avant notre ère. Il y a même tels livres prophétiques, ceux que d’ailleurs tout le monde estime les plus récents, que je ne craindrais pas de faire descendre jusqu’au temps d’Hérode. Il m’a paru aussi que l’esprit dans lequel ont été composés les livres d’Isaïe et des prophètes du même âge est le même que l’on sent dans le Deutéronome (à la différence des quatre premiers livres du Pentateuque), et qu’ainsi le Deutéronome devra être également rapporté à l’époque hellénique de l’histoire des Juifs.

J’ajoute que si une fois on en vient à faire ces livres aussi modernes, on sera conduit par là à penser que ceux que la critique a déjà fait descendre jusqu’au temps des Asmonées sont encore placés trop haut, et on arrivera à regarder les Psaumes et Daniel comme appartenant à l’époque d’Hérode et des Romains.

Je propose à l’examen des hébraïsants ces idées, qui ne sauraient prévaloir que si elles trouvent appui parmi eux. Je ne me dissimule pas qu’autrement il est difficile qu’elles soient acceptées par le public[5].

Il faut reconnaître que pour celui qui ne recule pas devant ces conjectures, l’aspect général de la Bible est bien changé. On se sent loin des imaginations que Philon et Joseph ont transmises aux Pères de l’Église, et qu’on retrouve dans Balzac, dans Pascal et dans Bossuet.

Lorsque les Grecs étaient encore des enfants, et que leur éloquence bégayait encore, la sagesse des Hébreux avait atteint la perfection ; elle rendait des oracles à toute la terre[6].

Le livre qui contient cette loi, la première de toutes, est lui-même le plus ancien livre du monde, ceux d’Homère, d’Hérode et des autres n’étant que six ou sept cents ans depuis[7].

L’Écriture, c’est-à-dire sans contestation le plus ancien livre qui soit au monde[8].

Ajoutons cette définition, qu’on lit encore dans la sixième et avant-dernière édition du Dictionnaire de l’Académie (1835), au mot ORIGINAL :

Le texte original de la Bible, le texte hébreu qui représente le manuscrit de Moise (!)[9].

On retombe de bien haut si, de ce manuscrit de Moïse, qui daterait d’environ 1600 ans avant notre ère, il faut franchir, pour arriver au véritable Pentateuque, un intervalle de douze siècles ; ou si, dans les prétendues prophéties d’Isaïe, on doit reconnaître des écrits du second siècle avant notre ère. Mais tandis que les livres juifs paraissent peut-être par là moins vénérables, ils doivent, d’un autre côté, à leur date récente, d’exprimer un état de l’humanité plus avancé que celui dont témoignent les monuments des âges primitifs. Ils nous sont ainsi plus prochains et plus accessibles. Les Juifs ont de bonne heure agi sur ceux qui les entouraient ; mais on n’agit pas sur les autres sans se rapprocher d’eux ni sans subir soi-même une influence. Il est à croire qu’ils se trouvèrent placés assez tôt dans le courant de la civilisation générale, et que leurs idées s’en ressentirent par une infiltration inaperçue. Il n’est pas douteux du moins qu’à l’époque des Asmonées, l’esprit juif ne fût en commerce avec l’esprit hellénique, dont il était enveloppé. C’est ce qui fit que Juifs et Hellènes eurent tant de facilité à s’entendre, et ce qui détermina le succès de la propagande juive dans le monde grec, avant-coureur de celui de la propagande chrétienne.

Cependant la Bible n’est pas la seule source, antérieure à l’époque chrétienne, où on puisse étudier le judaïsme : il faut y joindre les livres de Philon d’Alexandrie, et j’ai employé à l’étude de ces livres un chapitre entier. Comme ils sont tout voisins du christianisme, et comme en même temps ils ne lui ont rien emprunté, ils fournissent à l’histoire de ses origines un document du plus grand prix, et s’ils étaient lus davantage en France, cette histoire y serait, je le crois, bien mieux connue. Malheureusement, les Œuvres de Philon ne sont, pour ainsi dire, pas encore traduites en français, puisqu’il n’en existe qu’une traduction du XVIe siècle, non complète, non réimprimée, qu’il faut aller chercher dans un volume peu accessible et peu attirant, et dont la langue n’est plus précisément notre langue[10].

Sans doute plusieurs de nos écrivains et de nos critiques ont parlé et très bien parlé de Philon. Le chapitre de M. Franck dans sa Kabbale, sur les Rapports de la Kabbale avec les doctrines de Philon, suppose une étude complète de Philon lui-même. M. Vacherot, dans son Histoire de l’école d’Alexandrie, 1846, c’est-à-dire de la grande école philosophique du IIIe siècle, a résumé fortement l’esprit et la philosophie de Philon, en manière d’introduction à son sujet. M. J. Denis, dans son Histoire des théories et des idées morales de l’antiquité, 1856, dont j’ai dit ailleurs le mérite (et je ne l’ai peut-être pas encore assez dit), a écrit sur Philon quinze pages, excellentes comme tout le livre. Enfin, M. Ferdinand Delaunay a joint à la traduction des deux écrits historiques de Philon une Introduction très intéressante sur la situation du Juifs et du Judaïsme à cette époque. Mais, quelque fruit qu’on tire de ces travaux, ils ne sauraient familiariser les esprits avec les idées de Philon et de son temps autant que le ferait la lecture directe de ses ouvrages. Il est vrai que cette lecture ne sera jamais attrayante et facile : si elle avait dû l’être, il y a longtemps qu’ils seraient traduits. Ce sera toujours une tâche réservée aux lecteurs laborieux et patients ; je souhaite d’autant plus qu’elle leur soit facilitée. Procurer au public français une traduction de Philon est une couvre que devraient se proposer les académies, ou les autorités qui président à l’instruction publique, ou encore la communauté israélite. Je crois, en adressant aux uns et aux autres cet appel, remplir un devoir et rendre un service.

Quant au Talmud, voir ce que j’ai dit dans ce volume, au chapitre IX.

 

Dans la préface de mon Hellénisme, j’ai mentionné et apprécié quelques-uns des écrits antérieurs dont j’avais profité. Je me promettais alors de faire de même quand j’arriverais au Judaïsme, mais j’y renonce, effrayé du nombre et de l’importance des travaux dont j’aurais à parler et de la difficulté de les juger. Je ne pourrais mentionner d’ailleurs que des livres français, et ce ne serait pas assez, car les études d’histoire religieuse relèvent surtout de la science allemande. Chez nous, la domination de l’Église a tué l’exégèse. Richard Simon avait essayé de la faire vivre, mais son effort a nécessairement avorté. Il est vrai que le génie de la France s’est amplement dédommagé par l’incomparable essor de la libre-pensée philosophique. Elle a eu Voltaire, celui qui a dit, et il avait le droit de le dire :

J’ai fait plus en mon temps que Luther et Calvin.

Elle a enfanté l’esprit qu’on appelle la révolution, et contre lequel l’Église lutte en vain. Mais dans ces grandes conquêtes de la raison, la part de la science n’a pas été tout ce qu’elle aurait pu être. On ne se souciait même pas assez de savoir ; et comme on dédaignait les traditions théologiques, on ne prenait pas la peine de les approfondir. Cependant rien n’est achevé, là où la science elle-même n’a pas achevé son œuvre, et, tant que l’étude n’a pas dissipé les obscurités qui enveloppent la tradition, ces obscurités mêmes lui sont une protection et une défense ; Irais on ne peut faire pleinement la lumière qu’à l’aide de l’érudition et de la critique. Cette critique, la liberté du protestantisme germanique l’a donnée à l’Allemagne ; c’est de là qu’elle nous est venue, et ce sont d’abord les maîtres allemands qu’il faudrait citer. Mais je n’ai pu étudier d’une manière directe que ceux de leurs livres qui ont été écrits en latin ou traduits en français. Je n’en ai pas moins indirectement profité des autres, en ce que les vérités qu’ils ont répandues ont passé dans les leçons et les ouvrages des critiques français.

Parmi les écrits composés sur le judaïsme, il y a lieu de considérer à part ceux qui l’ont été par des Israélites, et que cette circonstance rend particulièrement intéressants. On a toujours à profiter avec l’écrivain qui parle de ce qu’il connaît et de ce qu’il aime : mais chacun sait quelle est la vénération et l’amour de tous les Israélites pour Israël ; quel est leur juste orgueil du rôle que le judaïsme a rempli dans l’histoire morale et religieuse de l’humanité, et leur ambition même d’un avenir digne de ce passé et qui en soutienne la grandeur. Ces sentiments leur sont communs à tous ; ils entraînent quelque péril, dont tous ne savent pas se défendre. Ils comptent parmi eux des philosophes et des savants qui, dans leur pieuse fidélité à de grandes traditions, restent assez philosophes et assez savants pour qu’on puisse les prendre pour guides ; mais il faut se tenir en garde contre ce que j’appellerais les livres d’édification, et aussi contre les écrits polémiques. La polémique peut dominer même dans un ouvrage qui se présente comme livre d’histoire ; elle domine en effet dans les Pharisiens de M. Cohen[11]. C’est un ouvrage très instructif, notamment par les citations talmudiques dont il est rempli, et d’une lecture très intéressante ; mais l’auteur est trop évidemment dominé par la préoccupation de l’apologie. Il avait mieux gardé la mesure dans son livre des Déicides (1861), où il ne faisait guère que protester contre les injustices chrétiennes, et où il restait d’ailleurs constamment dans son sujet ; tandis que cette fois il passe sans cesse des Pharisiens au judaïsme lui-même, qu’il embrasse sous leur nom tout entier, et dont il ramène à tout propos la défense et la glorification. Cet ouvrage a paru quand le mien était achevé, et, si je l’avais connu plus tôt, j’en aurais profité davantage ; mais je pourrai le faire dans la suite de mon travail, quand j’arriverai au temps de Jésus.

 

Mes deux premiers volumes n’ont pas convaincu tous mes lecteurs. Je ne parle pas des orthodoxes, que je ne pouvais évidemment espérer d’amener à mes idées ; mais même parmi les esprits indépendants, j’ai rencontré des résistances. Comme ils ne trouvaient dans mon étude sur l’hellénisme que l’hellénisme, ils ont cru que je ne voulais pas voir dans le christianisme autre chose ; ou du moins que si j’y reconnaissais, comme je l’avais dit tout d’abord dans ma préface, un élément juif et un élément galiléen, je ne tenais pas assez de compte de ce que l’un et l’autre ont d’originalité et d’importance. Un assez grand nombre de critiques ont exprimé cette pensée, mais personne ne l’a développée avec plus de force que ne l’a fait Eugène Despois, dans un article de la Revue politique et littéraire du 25 janvier 1873. L’auteur était des plus bienveillants pour moi, mais il présentait à l’appui de sa thèse les considérations les mieux faites pour m’engager moi-même à me défier de l’entraînement de ma pensée. Il m’a fait beaucoup réfléchir ; mais, après réflexion, je crois pourtant devoir m’en tenir au point de vue où je m’étais placé d’abord[12].

Je crois que plusieurs des dogmes et des sentiments qu’on a regardés comme essentiellement chrétiens et étrangers à l’hellénisme, ou bien ne lui sont pas en effet aussi étrangers qu’on le pense ; ou bien, s’ils ne se trouvent pas dans les philosophes antiques, ne se trouveraient pas davantage dans les monuments primitifs du christianisme, et s’éloignent des anciens, non pas tant comme chrétiens que comme modernes.

Despois nous montre par exemple dans Bourdaloue des développements sévères sur la richesse, qui aboutissent à ce trait, que la richesse contient en soi le péché, tout riche étant nécessairement injuste de sa personne, ou héritier de l’injustice d’autrui, et il croit que ces idées viennent uniquement de la prédication galiléenne. Mais si on lit, ces invectives contre les richesses, qui étaient un lieu commun de la philosophie hellénique, on y trouvera précisément les mêmes reproches. Ce cri de Fabianus : Ô pauvreté ! que tu es un bien inconnu ! est un élan de la sagesse hellénique[13].

Bien avant l’évangile où Jésus dit à un jeune Juif : Va, vends tout ce que tu as, et donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi, des philosophes avaient donné le même conseil à leurs disciples, et ils avaient été obéis.

Despois objecte que le philosophe qui embrassait ainsi la pauvreté prétendait y trouver le bonheur dans cette vie même, tandis que le chrétien disait : Heureux les pauvres, parce que le royaume des cieux est à eux ! Heureux ceux qui ont faim, parce qu’ils seront rassasiés ! (Luc, VI, 20.) Et il est vrai que le philosophe ne pouvait parler ainsi, puisqu’il n’attendait pas, comme le Galiléen, la fin prochaine de ce monde et l’avènement d’un monde nouveau. Mais je ne vois pas que cela constitue ce que Despois appelle une inspiration morale tout autre ; car on aboutissait toujours en pratique au mépris de la richesse et à l’amour de la pauvreté. Et, au contraire, il est clair que l’inspiration d’oie est sortie cette croyance galiléenne, c’est précisément le sentiment moral exalté qui, dans le monde tel qu’il est, faisait voir à certaines âmes, dégoûtées du spectacle de la corruption et de l’injustice, la richesse comme un mal et la pauvreté comme un bien.

Despois relève encore ces paroles de Bourdaloue : La morale de l’évangile nous apprend que plus un chrétien est riche, plus il doit être pénitent, c’est-à-dire plus il doit se retrancher des douceurs de la vie ; et que ces grandes maximes de renoncement, de dépouillement, de crucifiement, si nécessaires au salut (c’est Despois lui-même qui souligne), sont beaucoup plus pour le riche que pour le pauvre. Il est clair que le crucifiement est un mot chrétien, et Bourdaloue pense ici aux passages des évangiles où Jésus dit : Celui qui veut marcher derrière moi, qu’il se renonce, qu’il porte sa croix et qu’il me suive (Marc, VIII, 34, etc.). Mais cela signifie simplement que le disciple du Christ doit être prêt à sacrifier sa vie, comme le Christ lui-même ; les versets suivants le prouvent assez : il n’est nullement question ici de ces privations, de ces austérités, de ces actes pénibles, par lesquels le langage dévot dit qu’on se crucifie ou qu’on se mortifie, suivant une autre expression empruntée aussi au Nouveau Testament ; mais détournée encore de son sens[14].

Cette morale ascétique vient réellement de Platon, non de l’évangile : il suffit de relire, pour s’en convaincre, les pages 64 à 84 du Phédon. Elles ne sont que le développement de ce thème, que la philosophie est un apprentissage que l’âme fait de la mort dans la vie même, en se détachant du corps par la renonciation volontaire à tous les désirs et à toutes les jouissances des sens. Je n’ai pas besoin de remonter ici aux origines orientales de l’ascétisme ; il suffit de montrer qu’il est pour le moins aussi hellénique que galiléen.

On se fait bien d’autres illusions sur les prétendues nouveautés chrétiennes. Voici des moines ; voici des couvents ; on s’écrie que l’antiquité n’a rien connu de tel : mais il n’y a dans le Nouveau Testament ni couvents ni moines. D’où viennent-ils donc ? Si on considère principalement dans les couvents le silence et la claustration, ils paraissent venir de l’Égypte. Si on est frappé surtout du zèle du moine, actif, remuant, militant, agissant d’autant plus sur le monde qu’il s’est isolé du monde, n’ayant ni bien ni jouissance, vivant sans famille, pour être le père de toutes les familles, et travailler au salut de tous ; le Cynique en réunit, tous les traits et il en a fourni le modèle[15].

Combien de chapitres, dans l’Imitation de Jésus-Christ, où l’auteur travaille également sur les textes des évangiles et sur ceux des philosophes, plus encore quelquefois sur ceux-ci que sur ceux-là !

Je passe à un autre ordre d’idées. On a prétendu souvent qu’une certaine piété tendre, passionnée, amoureuse, avait dû rester inconnue aux religions des anciens, dont les dieux, dit-on, toujours heureux et toujours indifférents, ne pouvaient obtenir des hommes qu’un froid respect. Il y a là encore plus d’une méprise. Il suffit d’entrevoir les démonstrations des cultes de Déméter, de Dionysos et d’Adonis, pour comprendre de quels mouvements les douleurs ou la mort de ces dieux remplissaient les âmes, et pour entendre les cris et les lamentations. Qu’on relise aussi ce que Cicéron nous raconte de ce qu’il a vu à Enna, quand il parcourait la Sicile pour préparer l’accusation de Verrès, ce terrible amateur de statues, qui les volait de tous côtés. Les prêtresses d’Enna vinrent au-devant de lui en procession solennelle pour protester contre l’enlèvement de leur déesse : Tout un peuple suivait, avec des pleurs et des gémissements tels qu’on aurait cru la ville plongée dans le deuil d’une de ces morts qui produisent une consternation universelle. Que veut-on de plus en fait d’émotions et de transports[16] ?

On insiste : Mais la Passion ! mais le Jardin des Oliviers et le Calvaire ! Que mettre à côté de Jésus délaissé, trahi, abîmé dans l’humiliation et la tristesse, couvert d’insultes, de crachats, de coups et de plaies, cloué enfin sur une croix, et, là, criant à son père : Pourquoi m’as-tu abandonné ? ou bien laissant tomber la sainte et douce prière : Pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ? Ce n’est plus une simple aventure tragique, comme celles des personnages divins dont je parlais tout à l’heure ; c’est le Fils de Dieu qui meurt pour nous sauver, pour expier nos péchés ; qui souffre non seulement pour nous, mais aussi par noirs, et, en le faisant souffrir, nous ne lassons pas sa tendresse. C’est là sans doute, pour l’éloquence pathétique, un thème tout à fait à part. En prêchant la Passion, Bossuet s’écrie : Laissons attendrir nos cœurs à cet objet de pitié ; ne sortons pas les yeux secs de ce grand spectacle du Calvaire. Il n’y a point de cœur assez dur pour voir couler le sang humain sans en être ému ; mais le sang de Jésus-Christ porte dans les cœurs une grâce de componction, une émotion de pénitence. Ceux qui demeurèrent auprès de sa croix et qui lui virent rendre les derniers soupirs s’en retournèrent, dit saint Luc, frappant leur poitrine... Ne soyons pas plus durs que les Juifs ; faisons retentir le Calvaire de nos cris et de nos sanglots ; pleurons amèrement nos péchés ; irritons-nous saintement contre nous-mêmes[17]. Et tandis qu’il prêchait ainsi du haut de la chaire devant la cour assemblée, Pascal écrivait sur le même thème, dans le silence de sa solitude, des paroles extraordinaires, qu’on a retrouvées il y a trente ans : Console-toi (c’est Jésus qui lui parle) ; tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé. Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi... Veux-tu qu’il me coûte toujours du sang de mon humanité : sans que tu donnes des larmes ?... Les médecins ne te guériront pas, car tu mourras à la fin ; mais c’est moi qui guéris, et qui rends le corps immortel. Mais à ce discours du Sauveur, son cœur s’échappe : Seigneur, je vous donne tout. Et Jésus reprend encore : Je t’aime plus ardemment que tu n’as aimé tes souillures[18]. Certes, voilà des choses purement chrétiennes, absolument originales, et on a le droit de dire qu’il ne se trouve rien de pareil dans l’antiquité profane. Mais ce qu’il faut ajouter, et ce qui surprendra bien des chrétiens, c’est qu’il ne se trouve non plus rien de pareil dans ; le christianisme lui-même pendant des siècles. En mettant à part le génie d’un Pascal et son imagination maladive, ces effusions, dans leur fond même, étaient étrangères aux anciens chrétiens : ils ne se livraient pas à ces sentiments ; ils ignoraient la plupart de ces idées. Les Pères ne s’intéressaient pas en général à l’humanité de Jésus-Christ. On n’appuyait pas volontiers sur son supplice, regardé comme ignominieux par les Gentils ; on ne le figurait pas aux yeux ; on ne fabriquait pas de crucifix ; Minucius Felix écrivait même en propres termes : Nous n’avons pas le culte de la croix (Octav. 29). Il semble que les Pères ne veuillent considérer dans le Christ que le Verbe et le Fils de Dieu. Léon va jusqu’à dire dans ses sermons qu’il ne faut pas s’attrister ni pleurer à l’occasion de la Passion (Sermons 58 et 59). Et Ambroise avait déjà dit que Marie elle-même, au pied de la croix, ne pleurait pas, donnant ainsi un démenti par avance à la prose fameuse :

Stabat mater dolorosa

Juxta crucem lacrymosa[19].

Ces larmes appartiennent au christianisme du moyen âge.

Ainsi la dévotion pieuse à Jésus souffrant et mourant est chrétienne sans doute, mais elle ne peut être comptée parmi les traits où se marque une opposition essentielle entre le christianisme et l’hellénisme, puisqu’au temps où l’hellénisme et le christianisme étaient en face l’un de l’autre, celui-ci ne la connaissait pas ; de sorte que plus on étudie, plus on reconnaît qu’il n’y a nulle part de contradiction tranchée ni de passage brusque et soudain ; que tout est l’œuvre du temps et porte la marque du temps, et qu’il faut effacer partout dans l’histoire les coups du ciel et les miracles. C’est la conclusion où une vraie critique revient toujours.

 

Les critiques citent d’ordinaire les livres bibliques d’après la distribution qu’en font les Juifs, distribution suivie en général dans les Bibles protestantes, mais non dans la Vulgate romaine. De là la nécessité de quelques avertissements.

Je cite dans ce volume, sous le titre de Samuel I et II, les livres I et II des Rois de la Vulgate romaine, et sous le titre de Rois I et II, les III et IV des Rois de la Vulgate.

J’appelle Chroniques les deux livres que la Vulgate romaine appelle Paralipoménes.

Je dis Esdras tout court, au lieu de Premier livre d’Esdras, Néhémie au lieu de Second livre d’Esdras.

J’appelle Additions à Esther, ou à Daniel des morceaux que la Vulgate romaine confond avec la partie authentique de ces livres, mais qui n’existent pas en hébreu.

Je désigne par ce titre : La Sagesse de Jésus, fils de Sirach (en abrégé le Fils de Sirach, ou même Sirach), le livre grec que la Vulgate romaine appelle Ecclesiasticus. Ne pas le confondre avec le livre hébreu appelé en grec et en latin Ecclésiastes (l’Ecclésiaste).

Les chiffres des Psaumes, dans mes citations, diffèrent de ceux de la Vulgate romaine d’une ou deux unités.

Les chiffres des versets, dans les livres dont l’original est en grec, sont ceux du grec et non ceux de la Vulgate.

Il aurait été facile de donner l’orthographe exacte des noms hébreux ; je n’avais qu’à les prendre dans la Bible de M. Reuss. Mais on n’obtient cette exactitude que par l’emploi d’une espèce d’alphabet particulier, où certaines lettres portent des points ou des accents. Il m’a paru que ce purisme, qui gêne le plus grand nombre des lecteurs, ne seyait pas à un écrivain qui lui-même ne sait pas l’hébreu. J’ai donc laissé à ces noms la forme sous laquelle on est habitué à les voir en français, forme qui est, en général, celle de la Vulgate[20].

 

 

 



[1] On nous dit que M. Renan doit aborder ce grand travail, après avoir achevé ses Origines du Christianisme. — Ses Études d’histoire religieuse, 1857, contiennent une soixantaine de pages sur l’Histoire du peuple d’Israël.

[2] Il parait à la librairie Sandoz et Fischbacher.

[3] Un commentaire perpétuel, plein de judicieuse érudition, des introductions raisonnées, des résumés historiques font de ce grand livre un vrai Bibelwerk comme celui de Bunsen. Il fera sûrement époque dans l’histoire des études hébraïques parmi nous. (Renan).

[4] Il semble qu’au temps même de Joseph, les Grecs contestassent aux Juifs l’antiquité de leur Loi, si on en juge par un passage de son livre où il dit : Nos coutumes sont belles..... et il y a longtemps qu’elles sont établies parmi nous, quoique tout le monde n’en juge pas ainsi (εί καί μή τισι δοκεΐ). Antiq., XVI, II, 4.

[5] Mon chapitre des Prophètes, où je développe ces conjectures sur la date des livres prophétiques, a paru pour la première fois dans la Revue politique et littéraire des 30 septembre, 7 et 14 octobre 1816.

M. Maurice Vernes, dans un article de la Revue critique du 4 mai 1818, rabat beaucoup de l’antiquité attribuée à Joël, qu’il fait descendre jusqu’au quatrième et même jusqu’au troisième siècle avant notre ère, c’est-à-dire qu’il le place déjà cinq siècles plus bas que ne le fait la tradition.

[6] Balzac, Relation à Ménandre, troisième Défense. Il fait allusion au mot du prêtre de Saïs dans le Timée (p. 22) : Vous autres Grecs, vous n’êtes que des enfants.

[7] Pascal, Pensées, XIV, 4, p. 297 du manuscrit autographe.

[8] Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, seconde partie, n° I, sixième alinéa (dans la première édition). Voir aussi n° XIII, Second alinéa.

[9] Dans la septième et dernière édition, qui vient de paraître (1878), la phrase a été changée. La disparition de cette naïveté est un des signes qui témoignent des progrès qu’a faite la critique depuis quarante ans.

[10] Dans un volume intitulé : Philon d’Alexandrie, Écrits historiques, etc., 1867 (librairie Didier), M. Ferdinand Delaunay a donné la traduction des deux livres Contre Flaccus et Légation à Caïus. Il a traduit depuis, dans Moines et Sibylles, 1814, le petit écrit sur la Vie contemplative.

[11] Les Pharisiens, 2 vol. in-8, 1871, librairie Calmann Lévy.

[12] En 1874, M. Boissier a publié ses deux volumes intitulés : La Religion romaine, d’Auguste aux Antonins (librairie Hachette), et il a parlé de mon Hellénisme dans sa préface. Après quelques mots très obligeants pour son ancien professeur, il ajoute : Mais on verra que l’étude des faits m’a conduit à des conclusions différentes des siennes. Je ne suis pas bien convaincu de cette différence. Ici et là, l’histoire établit également ces deux faits : 1° qu’il y a dans l’hellénisme beaucoup d’éléments qui ont préparé le christianisme et qui y sont entrés ; 2° que cependant le christianisme ne se compose pas seulement d’éléments helléniques, mais qu’il a fallu autre chose encore pour le produire. Il me semble que je m’accorde avec M. Boissier sur ces deux points. La différence est plutôt dans une certaine manière générale de penser ou de sentir à l’égard des choses religieuses ; mais ces sentiments ne sont plus précisément des conclusions. Quoi qu’il en soit, je regarde le succès de l’ouvrage de M. Boissier comme ayant beaucoup profité à la critique historique, puisqu’il a su la faire accepter même dans ce qu’on appelle le monde, c’est-à-dire dans un public assez mal disposé à l’accueillir.

[13] O paupertas ! quam ignotum bonum es ! Sénèque le père, Controversiæ, II, IX, 21, 25. Sénèque, Lettre 85, 22, etc.

[14] Dans les Lettres de Paul, les termes de crucifier et de mortifier ont un sens particulier tout mystique, et très différent de celui que le style dévot exprime par ces mots de mortifications et de croix. C’est l’idée que nous devons tuer en nous ce que Paul appelle le vieil homme, ainsi que le Christ a été tué sur sa croix : et cela se fait simplement par la renonciation au passé de l’humanité, et non par la recherche ascétique des privations et des souffrances.

[15] Entretiens d’Épictète, III, 12.

[16] Tanti fletus gemitusque fiebant ut acerbissimus tota urbe luctus versari videretur. Verr., IV, 50.

[17] Sermon sur la Passion, édition Gandar, 1867, p. 511.

[18] Le mystère de Jésus, dans les Pensées de Pascal, édition de 1866, t. II, p. 206. C’est M. Feugère qui a publié le premier ce précieux morceau.

[19] De obitu Valentiniani, 39. Cf. De Instit. virg., I, 49.

[20] Cependant, d’après la Vulgate, on aurait dû dire Noach, et non pas Noé.

La forme Moïse ne diffère de celle de la Vulgate que par l’i. J’ai cru qu’on ne serait pas gêné de voir rétablir l’y.