NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

 

PAR FRÉDÉRIC MASSON.

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE.

PARIS - PAUL OLLENDORFF - 1912.

 

 

AU LECTEUR.

I. — DE MALMAISON AU NORTHUMBERLAND.

II. — CEUX QUI SUIVENT L'EMPEREUR.

III. — LA PRISON. - LE GEÔLIER - LES COMPARSES.

IV. — LE DRAME.

 

AU LECTEUR

 

Dans les études que j'ai entreprises sur Napoléon, subsistent des lacunes que je voudrais avoir le temps de combler. La première série : Napoléon dans sa jeunesse doit être remise au point, perdre l'aspect de Notes que je lui avais volontairement donné d'abord et prendre la forme d'un livre ; dans la seconde série, j'ai à parler de Madame Bonaparte en un volume qui prendra place entre Joséphine de Beauharnais et Joséphine Impératrice. Dans la troisième série, Napoléon et sa famille, j'ai à raconter, au point de vue d'où je me suis placé, ce qui s'est passé depuis l'abdication de Fontainebleau jusqu'à la mort de l'Empereur, et trois volumes encore me seront nécessaires. Le tome dixième est presque achevé et paraîtra avant la fin de cette année ; le tome onzième est préparé et le tome douzième aurait pu être livré à l'impression. D'autres séries sont moins avancées et la documentation seule en est réunie : je me borne a celles-là, les seules que mon âge me donne l'espoir de terminer.

Le procédé que j'ai employé explique, s'il ne justifie, lé retard que j'ai mis à donner au public les trois derniers volumes de Napoléon et sa famille et la publication que je fais à présent de Napoléon à Sainte-Hélène. C'est que j'ai mené mon enquête, non pas chronologiquement, mais simultanément, sur les événements qui se sont accomplis de mars 1814 à mai 1821 et qui intéressent mes divers sujets d'étude. J'en ai détaché plusieurs fragments trop développés pour figurer tels quels dans mon livre, trop importants pour qu'ils ne dussent point être racontés dans un détail aussi complet que possible. Ainsi, entre autres, l'Affaire Maubreuil dont la publication remonte à six ans, et Le colonel Camille (Comment l'Empereur revint de l'île d'Elbe), paru il y a quatre ans. De même, ai-je fait pour les problèmes que posait l'histoire de la captivité : j'ai abordé le plus important il y a exactement dix ans dans une conférence à la Société de géographie. Des circonstances m'ont alors obligé à publier intégralement les documents sur lesquels j'avais fondé ma conviction, auxquels on n'a rien su opposer et d'après lesquels il me parait matériellement impossible qu'on puisse penser différemment. J'ai procédé de même pour divers personnages qui entouraient Napoléon, pour les médecins, pour le prétendu capitaine Piontkowski[1], pour les cuisiniers, pour le commissaire du roi de France le marquis de Montchenu, puis pour certains événements. Les études contenues dans les trois volumes parus sous le titre Autour de Sainte-Hélène apportent suivies hommes et les choses qui y sont envisagés autant de lumières que j'ai pu en projeter. Ainsi s'est trouvé préparé le présent livre. Sans doute eût-il été préférable qu'il ne parût qu'après le tome douzième de Napoléon et sa famille où j'essaierai de déterminer quels rapports ont pu, de Sainte-Hélène, subsister entre l'Empereur, sa mère, ses sœurs et ses frères ; mais n'avais-je pas dû ci-devant dans Napoléon et son fils exposer la part qu'avait eu le sentiment paternel dans les souffrances du prisonnier ? Le jour où mon œuvre, telle quelle, sera achevée, on y verra que, depuis vingt ans, j'ai suivi un plan dont j'avais cru reconnaître la logique et dont l'enchaînement m'a paru irrésistible. C'est ainsi que au présent volume, s'en adjoindra un encore : le Testament de Napoléon, où mon but sera d'abord de montrer les sentiments, les souvenirs et les espérances qui ont déterminé l'Empereur dans cette suprême manifestation de sa pensée ; en second lieu de préciser les motifs de chacune des dispositions ; enfin de raconter les péripéties vraiment surprenantes de l'exécution testamentaire.

S'il était vraisemblable que je vive assez pour aborder, après l'étude des sentiments, celle des idées dont j'ai déjà essayé de rendre certains aspects ; pour continuer l'inspection de la vie extérieure et des entours impériaux, j'aurais encore de quoi remplir une existence, mais cela rentre dans les rêves qui ne sont permis à un vieillard qu'à l'expresse condition qu'il en sache la vanité. Aussi bien je ferai de mon mieux, comme j'ai fait jusqu'ici et, j'espère, jusqu'au bout. Mais faire de mon mieux, cela est peu. Si j'avais pu garder quelque illusion sur cette œuvre de ma vie, les injures dont je suis l'objet auraient dû m'enseigner la modestie ; comment se fait-il donc qu'elles m'aient surtout appris l'orgueil ? Nul ne peut faire que je ne sois resté constamment et uniquement fidèle au drapeau auquel je me suis attaché et à la cause que je sers. Quant à 'mes livres, si souvent et si audacieusement démarqués, il ne me semble pas que les outrages en aient compromis la solidité.

Je ne suis rien qu'un chercheur de vérité : s'il m'est arriva de satisfaire mon esprit en croyant la trouver et ma conscience en m'efforçant de la dire, si je me suis fait comprendre et que j'aie touché a mon but, qu'importe que mes phrases paraissent a quelques-uns malhabiles et peu correctes. Elles auront tout de même, dans la mesure où elles pouvaient agir, contribué, a l'œuvre de salut et de glorification nationale. Et c'est assez.

 

***

 

Je dois dire comment j'ai compris ce livre : Quoique j'ai eu la bonne fortune d'obtenir communication de mémoires inédits d'une grande importance et d'en contrôler même la véracité par d'autres souvenirs également inédits, je ne pouvais penser à fournir jour par jour une analyse chronologique de la vie de l'Empereur à Sainte-Hélène. Un tel livre n'eut point été lisible, mais de plus un tel livre ne peut être écrit : cela, pour cette raison essentielle, que, sur quatre des six années de la captivité, l'on ne possède aucun témoignage.

Il existe sur l'Empereur et sa vie à Sainte-Hélène trois sources d'informations. Sources anglaises : telles sont sans doute d'une importance majeure lorsqu'il s'agit des rapports de Napoléon et de ses compagnons avec les Anglais, mais, hors cela, elles sont sans valeur, lorsqu'il s'agit de pénétrer à l'intérieur de Longwood, d'y voir vivre l'Empereur, de raconter ses gestes, puisque nul Anglais, depuis la rupture entre l'Empereur et Lowe, n'est entré dans la maison, que nul n'a assisté à l'existence quotidienne de Napoléon. Ce qui est publié, surtout depuis les derniers ouvrages de M. Frémeaux, est amplement suffisant et je ne crois pas qu'on puisse attendre de ce côté aucune lumière nouvelle.

Sources européennes : Rapports et lettres des commissaires des Puissances. Le commissaire d'Autriche disparaît presque tout de suite, le commissaire russe ne tarde pas à suivre son collègue autrichien et sa correspondance, intéressante au début ; est tout à fait nulle près d'une grande année avant son départ ; enfin, le commissaire français demeure bien à Sainte-Hélène jusqu'à la mort de l'Empereur, mais, pas plus que ses collègues, il n'entre à Longwood, pas plus qu'eux, il n'a de notions exactes sur l'Empereur et sur sa vie, et n'était que par certaines confidences — d'ailleurs mensongères et tendancieuses — reçues de Montholon, il verse sur ce personnage un jour qui aide à le comprendre, la nullité de sa correspondance égalerait celle de son intelligence. J'ai, au surplus, fourni un portrait suffisant de Montchenu dans Autour de Sainte-Hélène (2e série) où j'ai publié les parties caractéristiques de ses dépêches.

Il y a enfin les témoignages français ou anglais (O'Meara) émanés de l'entourage de Napoléon, des hommes qui l'approchaient et eussent été a même de rendre compte de ses actes et de ses idées. Las Cases, Gourgaud, Bertrand, Montholon, O'Meara, Antommarchi, Marchand, Saint-Denis.

Las Cases aurait pu fournir, par son journal un document de premier ordre, mais il y a mis tant dé littérature, il y a inséré tant de réclames personnelles, il y a interpolé, lorsqu'il a rédigé son texte définitif, tant de pièces apocryphes qu'il a nécessairement invalidé une grande partie de son témoignage : j'y attache pourtant une importance, mais à le prendre dans la première édition imprimée en Angleterre avant les atténuations. Il faudrait voir le manuscrit original, s'il existe, dont je doute.

Gourgaud a jusqu'ici fourni le document le plus précieux et le plus essentiel. Gomme je l'ai fait pressentir ailleurs, j'ai pu me référer utilement à une copie intégrale du manuscrit original. J'estime qu'on y prend une idée très juste, très complète et peut-on dire définitive de l'état des esprits A Longwood durant les deux premières années de la captivité.

Mais, si Las Cases quitte Longwood le 25 novembre 1816, Gourgaud le quitte le 13 février 1818. On reste — pour combien peu de jours ! — en présence d'O'Meara. J'ai dit ce que je pense du personnage[2], il n'inspire aucune confiance. Il est à qui le paye, à qui lui fait espérer d'être mieux payé. Par suite, tout ce qu'il avance sans l'appuyer de documents formels est suspect. Toutefois, mieux que les Français, il aide à comprendre Lowe.

Ce que j'ai pu connaître des souvenirs de Bertrand m'a paru rédigé très tardivement avec des erreurs de mémoire évidentes.

Les Récits de Montholon n'ont aucune valeur ; ils ont été écrits vingt ans au moins après les événements, revus sinon rédigés par un romancier illustre et je me suis expliqué ailleurs (Le Cas Gourgaud — AUTOUR DE SAINTE-HÉLÈNE 1re série) sur leur véracité. L'objet de cette publication a été fort différent de ceux que le prince Louis Napoléon qui en paya l'impression, eût pu être tenté de lui attribuer.

L'édition anglaise (en langue anglaise) renferme certains documents qui ont été truqués dans l'édition française postérieure et le récit qui a plus tard été repris, est, dans cette première édition, plus sincère quoique aussi peu intéressant. Les Lettres publiées de Montholon à sa femme, sont entre les plus précieux documents qu'on ait mis au jour : de même certaines lettres en appendice aux Souvenirs de Mme de Montholon.

Antommarchi a certainement tenu un journal ; pour certains faits de la maladie qui sont contrôlables, il fournit même des indications qui ne sont pas inutiles. Tout le reste est de pure invention et il ne faut admettre aucun des propos de l'Empereur rapportés par le prosecteur Corse, lequel a certainement employé lin teinturier pour étirer son journal en deux volumes. De ces mémoires, une première édition fut imprimée et parut en Angleterre ; la comparaison avec l'édition postérieure, imprimée en France, est édifiante.

Restent les souvenirs de Marchand dont j'ai dû la communication à l'ancienne amitié de M. le Comte Desmazières et ceux de Saint-Denis sur lesquels je n'ai pu jeter qu'un coup d'œil, mais dont la conformité avec ceux de Marchand m'a paru témoigner d'une amitié étroite et si l'on peut dire d'un contrôle mutuel. Ce sont, après Gourgaud, les plus précieux témoignages, et ils fournissent sur la dernière période de la vie de l'Empereur, des informations qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Mon vieil ami G. Clairin m'a communiqué en outre des Lettres précieuses de son grand'père, le comte Marchand. Ecrites de Sainte-Hélène sous l'œil des geôliers, elles provoquent une émotion profonde, mais elles n'apportent guère de renseignements nouveaux.

Tels sont les témoignages recueillis. On peut y ajouter quelques lettres dispersées de gouvernantes, de domestiques, quelques livres de compte, quelques indications fournies par des passants, quelques interviews prises par de grands seigneurs ou de grands fonctionnaires anglais ; rien de cela ne permet de rétablir, mémo sommairement, la vie quotidienne de Napoléon depuis 1818 jusqu'à l'extrême fin de 1820.

J'ai donc dû procéder d'une façon différente pour chercher à exprimer les idées que m'avait suggérées l'étude des documents imprimés ou manuscrits. La situation juridique de Napoléon m'a paru expliquer, justifier, exalter sa résistance à l'oppression anglaise. Tout dérive de là, tout y doit être rapporté. J'ai donc précisé dans le détail quelles raisons avaient déterminé l'Empereur à chercher un asile sur le Bellérophon et comment les Anglais l'y avaient attiré et l'y avaient traité. De l'abus de la force commis envers lui, ont résulté toutes les résistances qu'il y a opposées : C'est la première partie de ce livre : De Malmaison au Northumberland.

Cet élément formulé, j'ai montré quels personnages allaient s'agiter dans le décor de Sainte-Hélène : ceux qui ont suivi l'Empereur et dont personne n'a jusqu'ici recherché la biographie exacte et le caractère véritable, de même que personne n'a exposé les mobiles auxquels ils ont obéi. De précieux documents inédits m'ont permis de mettre en lumière des personnages auxquels la postérité accorde infiniment plus de considération que ne faisaient les contemporains. J'ai exposé sans réticence ce que j'ai trouvé. Il m'a semblé que les pièces, extraites la plupart d'Archives publiques, n'avaient pas besoin de commentaires : elles se suffisent. La reconstitution du milieu est l'un des points nouveaux de cette étude. Je crois n'avoir pas laissé dans l'ombre le moindre des figurants.

Je me suis moins attaché au personnel anglais : un seul individu présente un intérêt majeur Hudson Lowe. Certaines communications précieuses qui m'ont été faites par des Anglais, la série des articles que lui ont consacrés, lors de sa mort, dans des revues spéciales, ses camarades-officiers, m'ont permis, je crois, de m'approcher davantage de sa psychologie et de le traiter sinon avec sympathie du moins avec quelque justice. Je n'ai vu en lui qu'un agent d'exécution et j'ai cherché, derrière le bourreau, le Ministère anglais. Je n'ai point tenté, bien que les éléments en fussent rassemblés, de peindre tous ceux qui ont eu quelque rapports avec l'Empereur ; l'Amiral et Lady Malcolm, l'Amiral Planpin, le Général et Lady Bingham, les officiers des divers régiments. A quoi bon ? Non plus les passants : ce n'est point d'eux que dépend l'action du Drame ; ils n'y influent pas plus qu'ils n'y participent, et tout ce qui en distrairait je l'ai évité. En même temps que les personnages, j'ai tenté d'esquisser le décor et une abondante collection de vues photographiées m'y a aidé. Je ne saurais certes, avoir la prétention de décrire un pays où je ne suis point allé, mais l'ensemble des documents iconographiques que je me suis procurés m'a permis d'en prendre une idée et de situer le Héros dans des paysages approchant au moins de la réalité.

Ainsi ai-je préparé l'action dont tout esprit réfléchi pouvait dès lors imaginer les péripéties successives, inévitables et dirai-je infaillibles ; à condition de supposer de cette action, certaines phases sur lesquelles manquent les informations, mais que rendent nécessaires le choc de caractères désormais connus et cette vie en cage dont s'exaspéreraient les hommes les mieux doués de patience. Il eût été d'un art plus subtil et peut-être approchant de plus près la vérité de laisser le lecteur rêver ce drame entier dont nous ne connaissons que quelques scènes et reconstituer un ensemble dont je ne pouvais retrouver que des lambeaux déchirés. Mais c'eût été me soustraire à l'obligation que je m'étais imposée. J'ai donc rangé en ordre, autant que je l'ai pu faire, les questions qui se sont présentées durant la Captivité et qui ont déterminé la lutte entre le Captif et son geôlier. J'ai tenté de les exposer clairement, de faire le partage des responsabilités. Est-ce ma faute si toujours, du misérable Hudson Lowe, j'ai dû, pour frapper juste, m'élever à ceux qui lui envoyaient leurs ordres.

Après avoir recherché quelles raisons avaient fatalement amené la lutte entre Napoléon et Lowe, après avoir rendu compte des incidents de cette lutte, j'ai montré dans leur jeu les personnages dont j'avais ci-devant décrit les caractères et par la s'est dévoilée une des pires cruautés de la Captivité ; j'ai dit les départs successifs, l'oisiveté, l'ennui, le terrible et douloureux ennui ; puis autant qu'il m'a été possible, j'ai suivi la progression de la maladie. J'ai eu plus de moyens pour la raconter et je l'ai fait avec quelque détail. Mais, si souvent que ma plume ait tremblé dans ma main, j'ose penser qu'on ne trouvera dans ces pages ni déclamation, ni hors d'œuvre. Je me suis appliqué a exposer, avec une sincérité entière, les faits que les documents me fournissaient, non les impressions qu'ils me suggéraient ; J'espère qu'il n'a rien subsisté de celles-ci dans un récit dont la passion eût fait suspecter la véracité.

 

FRÉDÉRIC MASSON.

Clos des Fées, 1910-1911.

 

 

 



[1] Un Anglais, M. G. L. de St M. Watson, vient de publier un volume de 300 pages intitulé : A Polish exile with Napoleon inbodying the letters of captain Piontkowski to general sir Robert Wilson and many documents from the Lowe papers, the Colonial office records, the Wilson manuscripts, the Capel Lofft correspondence, and the French and Genevese Archives Whithezto Unpublisned. London et New-York. Harpcr brothers, 1912 (Un exilé polonais avec Napoléon, comprenant les lettres du capitaine Piontkowski au général Sir Robert Wilson et beaucoup de documents inédits des papiers Lowe, des Archives du Colonial Office, de la correspondance de Capel Lofft, et des Archives françaises et genevoises). Je m'attendais à y trouver des renseignements nouveaux qui complétassent ou contredisissent ceux que j'ai donnés sur Piontkowski dans Autour de Sainte-Hélène (2e série). J'y ai trouvé le démarquage intégral de mon étude, mais accompagné d'appréciations qui visent à être critiques et dénotent en même temps que la plus audacieuse fatuité et la plus complète ignorance, la plus épaisse sottise. Pour prendre au sérieux Piontkowski, sa dame et Cappel Lofft, pour réhabiliter le Polonais et consacrer trois cents pages à son apologie, sans apporter aucun fait nouveau, il faut assurément une sublime fatuité : les compatriotes de M. G. L. de Saint Macaire Watson s'étant chargés de remettre les choses au point (Times du 7 mars 1912), je n'ai rien à ajouter, sauf que les garants de la vertu de Mme Piontkowski me paraissent ou bien naïfs ou étrangement dissolus.

[2] Les médecins de Napoléon à Sainte-Hélène ; Autour de Sainte-Hélène, 3e série.