FRANÇOIS DE LORRAINE

 

DUC DE GUISE, SURNOMMÉ LE GRAND

PAR CHARLES CAUVIN.

TOURS - ALFRED MAME ET FILS - 1884

 

 

PRÉFACE. — CHAPITRES. I. — II. — III. — IV. — V. — VI. — VII. — VIII. — IX. — X. — XI. — XII.

 

PRÉFACE

À MONSIEUR JULES DE MONICAULT, À PRIVAS.

MON CHER AMI,

A qui dédierais-je ce livre si ce n'est à vous ? Votre femme est Lorraine, et l'amour qu'elle porte à son pays natal, qui fut le berceau des Guises, s'est accru dans son noble cœur de toute l'étendue de nos désastres. Quant à vous, vous êtes de ceux qui ne répudient aucune des pages glorieuses que la monarchie nous a léguées.

En écrivant l'histoire de François de Lorraine, qui mérita de ses contemporains le titre de GRAND, titre que la postérité lui a confirmé, je n'ai pas eu la prétention de réfuter toutes les erreurs qui ont été répandues sur les origines de nos discordes civiles du XVIe siècle, ni de laver le nom de Guise de toutes les souillures dont il a été l'objet. J'ai voulu seulement, puisque ce livre est surtout destiné à la jeunesse, présenter au lecteur un des plus grands héros que la France ait connus, une des gloires les plus pures de notre histoire.

Notre unité nationale, dont nous sommes si fiers et que tous les peuples nous envient, s'est faite lentement, péniblement. Le duc de Guise y a puissamment contribué en arrêtant Charles-Quint sous les murs de Metz, et en chassant les Anglais de Calais. Et cependant ce ne sont pas là les services les plus grands qu'il rendit à sa patrie d'adoption.

Le maréchal Strozzi aurait pu défendre Metz, peut-être ; Senarpont aurait pu s'emparer de Calais ; mais si tout autre capitaine, même moins habile que lui, aurait pu chasser l'étranger, nul autre, à cette époque, n'avait assez de prestige et assez de génie pour défendre la France contre les ennemis de l'intérieur.

Qui pourrait prévoir ce qui serait advenu si la conjuration d'Amboise avait réussi, et si, plus tard, Condé et Coligny avaient gagné la bataille de Dreux et opéré leur jonction avec les Anglais, à qui ils avaient rouvert les portes de la France ?

L'Angleterre rentrait en possession de Calais et même de Boulogne ; c'était le prix de son alliance avec Condé, et les princes et les seigneurs protestants imposaient à Charles IX, encore enfant, leur implacable et ambitieuse volonté. Devant eux, l'astucieuse Catherine de Médicis et l'intègre chancelier Michel de l'Hôpital étaient obligés de s'incliner.

Dès lors c'en était fait de notre unité nationale : la France en un seul jour perdait le fruit de ses conquêtes et retournait à la féodalité.

Elle s'était constituée par le catholicisme, elle s'effondrait sous les premiers coups du protestantisme naissant !

Dieu ne voulut pas que la fille aînée de son Église pérît par la main des sectateurs de Calvin ; il suscita les Guises comme de nouveaux Macchabées, et la France se releva.

Les crimes restent des crimes, et je ne suis nullement tenté d'excuser ceux qui les ont commis, quelle que soit la cause qu'ils aient servie. Mais les événements qui se sont passés au XVIe siècle veulent être jugés de haut. Si nous embrassons dans son ensemble la situation politique de la France, lorsque, malheureusement, éclatèrent les guerres de religion, nous voyons d'une part les catholiques groupés autour du pouvoir royal pour défendre leurs croyances et le principe d'autorité ; et d'autre part des factieux qui conspirent avec l'étranger contre leur roi et contre leur patrie. Guise venait à peine de chasser les Anglais et les Impériaux que déjà Condé et les Châtillon sollicitaient l'appui d'Élisabeth et des princes luthériens allemands.

Si donc, plus tard, les massacres appelèrent d'autres massacres, si les catholiques à leur tour appelèrent Philippe II à leur aide, est-ce que la responsabilité de toutes ces représailles ne doit pas retomber sur ceux qui les premiers levèrent l'étendard de la révolte ?...

Certes, François de Guise fui, comme tous ceux de sa race, un grand ambitieux. Au début de sa carrière militaire et politique, son regard hardi semblait embrasser à la fois l'Écosse, l'Italie et la France. Ce cadet de. Lorraine ne voulait rien moins qu'une couronne royale pour lui et la tiare pour son frère. Mais Dieu l'avait fait naître et l'avait comblé de tous ses dons pour être le soldat de la foi, et non pour courir les aventures comme un vulgaire usurpateur.

Il a pu se faire illusion, un moment, sur la possibilité de reconquérir une partie de l'héritage de la maison d'Anjou ; mais ce ne fut qu'un rêve. Là conduite qu'il tint en Italie témoigne que jamais l'idée de trahir la France ne se présenta à son esprit. Son assassinat, qui est un des plus grands malheurs qui soient arrivés à la France, peut être considéré comme un crime de lèse-nation. S'il avait vécu quelque temps encore, Orléans était pris, l'armée royale marchait contre Coligny, qui ne pouvait lui opposer aucune résistance sérieuse, et l'heure de la pacification sonnait enfin !

Que de larmes, que de sang, que de hontes eussent été épargnés !

Après sa mort, il y eut, il est vrai, comme un moment de répit ; mais les haines et les vengeances n'étaient qu'endormies, et vous savez si le réveil fut terrible.

Trois siècles se sont écoulés depuis cette époque, et cependant on ne peut évoquer le souvenir de ces guerres fratricides sans en être troublé. Il semble que les blessures qu'elles ont faites à la France ne sont pas encore cicatrisées. C'est qu'en effet la lutte continue entre la vérité et l'erreur, entre ceux qui sont restés fidèles à l'Église et ceux qui l'ont abandonnée.

Mais aujourd'hui, malgré de récents et douloureux excès, cette lutte est, grâce à Dieu, plus pacifique... Le sang ne coule plus du moins.

Ne nous endormons pas, toutefois, dans une fausse sécurité. Souvenons-nous des leçons du passé et restons sur la brèche, en soldats de la foi, toujours prêts à combattre pour la gloire de Dieu et pour l'honneur de la patrie.

Ch. CAUVIN.