CHAPITRE
PREMIER — LES CHRÉTIENS AU COMMENCEMENT DU RÈGNE DE SEPTIME SÉVÈRE.
I. - L’Église et le droit d’association
Pendant les deux premiers siècles l’État persécute les
chrétiens, mais ignore l’Église - Faits qui la lui révèlent au commencement
du troisième siècle - Accroissement du nombre des fidèles - ,Nécessité de
posséder des cimetières - Les cimetières chrétiens ont été d’abord des
propriétés privées, lis se sont transformés peu à peu en propriétés
collectives - Législation du commencement du troisième siècle, favorables aux
sociétés de secours mutuels et aux confréries funéraires - L’Église en prend
extérieurement la forme, afin de pouvoir posséder. Calliste, diacre du pape
Zéphyrin, est chargé d’administrer le premier cimetière possédé par elle à
titre corporatif.
II. - Les sentiments de Septime Sévère a l’égard des chrétiens
Mouvement démocratique au commencement du troisième siècle -
Décadence de l’aristocratie : groupement des petits - L’association
substituée à la clientèle - Ce mouvement est favorable à l’Église - Septime
Sévère entièrement dégagé des préjugés aristocratiques - Nombreux chrétiens
dans sa maison - Il protège des familles chrétiennes contre l’hostilité du
peuple de Rome - Motifs de cette conduite - Les chrétiens ont toujours été
favorables à sa cause - Entré par une adoption posthume dans la famille des
Antonins, il a voulu imiter la bienveillance que leur avait montrée Commode.
III. - Les préludes de la persécution
Les magistrats imitent la tolérance de l’empereur - Quelques
esprits exagérés parmi les chrétiens - Manifestation d’un soldat, louée par
Tertullien - Les chrétiens modérés la blâment comme une provocation inutile -
Passions populaires qu’une étincelle suffit à rallumer - La persécution
reprend en Afrique vers 498 - Tertullien écrit son Exhortation aux martyrs - Il compose son livre aux Nations et son Apologétique - Date de ces
ouvrages - La situation qu’ils dépeignent est celle qui résulte de la
jurisprudence du deuxième siècle - Nombreux martyrs en Afrique - Chrétienne
condamnée au leno -
Martyrs en Égypte - Aucun édit de persécution n’a encore été promulgué.
I. - L’édit de 202
Voyage de Sévère en Orient - Pendant son séjour en
Palestine, il interdit la propagande juive et chrétienne - Cette défense
s’étend à tout l’Empire - L’édit relatif à la propagande juive n’est qu’un
rappel des lois antérieures, et fut mollement exécuté - L’édit relatif à la
propagande chrétienne fut un acte formel de persécution - Il aggrava la
situation des chrétiens, en commandant de poursuivre d’office les convertis
et les complices de leur conversion - Sévère espérait arrêter l’accroissement
du nombre des chrétiens, dans lequel il voyait une menace pour l’Empire.
II. - Sévère en Égypte. - Premières applications de l’édit
Séjour de Sévère à Alexandrie - Importance de l’école
chrétienne de cette ville - Jalousie de la cour de Septime Sévère contre
l’influence intellectuelle du christianisme - L’impératrice et ses amis
inspirent à Philostrate sa Vie
d’Apollonius - Insuccès de cette contrefaçon païenne de l’Évangile
- Pantène et Clément - Ils enseignent l’accord de la raison et de la foi, et
voient dans la science antique le pédagogue
qui conduit les âmes au Christ - Grand succès des leçons de Clément - Elles
contreviennent à l’édit prohibant la propagande chrétienne - Le préfet Lætus
commence la persécution - Principes de Clément sur le martyre - Sa retraite
en Cappadoce - Martyre de Léonide, père d’Origène - Origène catéchiste -
Martyre de plusieurs de ses disciples - Sainte Potamienne – L’appariteur
Basilide - Faits surnaturels attestés par Origène.
I. - La persécution de Rome
Pénurie de documents - Le confesseur Natalis - Travaux pour
mettre le cimetière de Calliste en communication avec une sablonnière –
Labyrinthe - Escalier dérobé - Les chrétiens traqués dans leurs réunions.
II. - La persécution en Afrique
Le procurateur Hilarianus - Émeute à Carthage contre les areæ funéraires des chrétiens -
Les cimetières chrétiens d’Afrique ne sont pas souterrains - Les chrétiens
invoquent les lois protectrices des sépultures - Ils donnent de l’argent pour
échapper à la persécution - Tertullien : traité de la Fuite
- Le martyr Rutilius - Le Scorpiaque
de Tertullien : tableau de la persécution - Divers martyrs - Actes de sainte
Perpétue et de ses compagnons - Ce ne sont pas des montanistes - Arrestation
de Perpétue, Revocatus, Félicité, Saturninus, Secundulus et Saturus -
Dialogue entre Perpétue et son père : le symbole du vase - Les martyrs en
Frison - Première vision de Perpétue - Nouvelle entrevue avec son père –
Interrogatoire - Autre entrevue avec son père - Deuxième vision - Troisième
vision - Accord de cette vision avec l’enseignement de la primitive Église -
Dernière entrevue avec son père - Jugement d’un historien - Quatrième vision
de Perpétue - Vision de Saturus - Conformité de ces visions avec l’antique
symbolisme chrétien - Mort de Secundulus dans la prison - Accouchement de
Félicité - Gaieté de Perpétue - Le repas libre - Entrée dans l’amphithéâtre -
Martyre de Revocatus et de Saturninus - Saturus livré aux bêtes - Perpétue et
Félicité exposées à une vache furieuse - Martyre de Saturus, de Perpétue et
de Félicité - Leur sépulture - Martyre de sainte Guddene - Proconsulat plus
doux de Julius Asper - Tertullien : traité
du Jeûne - Rigorisme outré : erreur d’un historien moderne -
Calomnie de Tertullien - Recrudescence de persécution.
III. - La persécution en Asie
Naissance du montanisme en Phrygie - Idées excessives,
contraires à la direction modérée des chefs de l’Église - Renversement de
toute hiérarchie – Rigorisme - Destruction de la famille - Recherche imprudente
du martyre - Haine de la société civile - Calculs sordides - Le montanisme
condamné par tous les évêques - Julien d’Apamée et Zotique de Comane -
L’Église recommande aux fidèles d’éviter tout rapport avec les montanistes,
même en prison - Martyre de Caius et Alexandre à Apamée de Phrygie -
Persécution en Cappadoce : le légal Claudius Herminianus - La persécution
dure encore en 211 : l’évêque Alexandre en prison.
CHAPITRE
QUATRIÈME — LES DERNIERS TEMPS DE LA PERSÉCUTION. -
CARACALLA.
I. - Les dernières années de Septime Sévère
Retour de Sévère à Rome - Voyage d’Abgar IX, roi chrétien
d’Édesse - Grandes constructions de Sévère - Son économie et ses libéralités
- Prospérité apparente, décadence réelle - Rivalité de Caracalla et de Geta -
Mort tragique de Plautien - Sévère emmène ses fils en Bretagne - Le
christianisme dans ce pays - Sévère traverse la Gaule pour s’embarquer -
Il s’arrête à Lyon. — Saint Irénée - Son caractère - Sa loyauté envers
l’Empire - Fut-il martyrisé par ordre de Sévère ? – Discussion - Conclusion
en faveur de la probabilité de son martyre - Martyre de saint Andéol.
II. - Caracalla
Mort de Sévère - Caracalla empereur - Meurtre de Geta -
Martyre de saint Alexandre de Baccano - Expéditions guerrières - Destruction
du royaume chrétien de l’Osrhoène - Le droit de cité donné aux provinciaux
dans un intérêt fiscal - Suppression du recours à César - La persécution
continue - Modération relative des légats de Numidie et de Mauritanie -
Martyre de Mavilus d’Adrumète - Lettre de Tertullien à Scapula - Grand nombre
des chrétiens d’Afrique - Décroissance de la persécution - Quelques disciples
de saint Irénée martyrisés en Gaule.
CHAPITRE
CINQUIÈME. — LA PAIX D’ALEXANDRE
SÉVÈRE ET LA
PERSÉCUTION DE MAXIMIN.
I. - La paix d’Alexandre Sévère
Décadence de l’esprit romain - Le vicieux Élagabal et le
vertueux Alexandre Sévère aussi peu romains l’un que l’autre - Mépris
d’Élagabal pour la religion romaine - Il veut lui substituer le culte du dieu
d’Émése - Sa tolérance pour les chrétiens - Ses sympathies pour le
monothéisme - Avènement d’Alexandre Sévère - Rapports de sa mère Mammée avec
Origène - Alexandre Sévère s’inspire des idées et des maximes chrétiennes -
Son syncrétisme religieux - Développement de la propriété ecclésiastique -
Aristocratie chrétienne - Mariages de patriciennes et d’esclaves : décision
de Calliste - Faveur d’Alexandre Sévère pour les associations - Il juge en
faveur des chrétiens, une question de propriété - Son préfet du prétoire,
Ulpien, ne fut pas un persécuteur - Cependant émeutes contre les chrétiens :
martyre de Calliste - État dans lequel celui-ci laisse l’Église de Rome - Son
successeur Urbain vit et meurt en paix.
II. - La persécution de Maximin
Assassinat d’Alexandre Sévère - Caractère de Maximin -
Persécution contre le clergé - Exil du prêtre Hippolyte et du pape Pontien -
Martyre de Pontien - Martyre du pape Anteros - La persécution varie
d’intensité selon les provinces - Soulèvements populaires contre les
chrétiens de Cappadoce - Cruautés du légat Serenianus - Ambroise, ami
d’Origène et confesseur de la foi - Exhortations aux martyrs, composée
par Origène pour Ambroise et ses compagnons - Quelques martyrs de la
persécution de Maximin - Avènement du Pupien et Balbin - Caractère des
Gordiens - Règne de Gordien III - Humanité et tolérance - Souffrances isolées
: l’esclave Sabine.
CHAPITRE
SIXIÈME. — LE PREMIER EMPEREUR CHRÉTIEN.
I. - La pénitence de Philippe
Origine de Philippe - Le christianisme dans la Trachonitide et le
Haouran - Guerre de Gordien III contre les Perses - Philippe préfet du
prétoire - Ses intrigues - L’armée oblige Gordien à l’associer à l’empire -
Philippe fait tuer Gordien - Paix avec la Perse - Philippe s’associe son fils - Saint
Babylas lui refuse l’entrée de l’église d’Antioche s’il ne fait pénitence - Vérité
de ce fait.
II. - La paix de l’Église sous Philippe
Énergie guerrière de Philippe - Souci de la morale -
Célébration du millénaire de Rome (247) – Amnistie - Les chrétiens
prirent-ils part aux fêtes du millénaire ? - Philippe garde les dehors d’un prince
païen - Part indirecte qu’il eut peut-être dans la chute de la confrérie
païenne des Arvales - Liberté laissée aux chrétiens - Rapports de la famille
impériale avec Origène - Le pape Fabien ramène de Sardaigne les restes du
martyr Pontien - Un consul chrétien - Anatolie, fille du consul, donne un
terrain funéraire à l’Église.
III. - L’émeute d’Alexandrie
Grand essor de la propagande chrétienne - Saint Grégoire le
Thaumaturge - Conquêtes du christianisme dans les hautes classes -
Relâchement des mœurs chrétiennes - Hostilité des païens - Émeute à
Alexandrie - Chrétiens martyrisés par les insurgés - Agitation dans les
provinces - Dèce proclamé empereur - Mort de Philippe et de son fils -
Jugement sur Philippe.
CHAPITRE
SEPTIÈME. — LA
PERSÉCUTION DE DÈCE EN OCCIDENT.
I. - Caractère de la persécution de Dèce
Portrait de Dèce - Il veut réagir contre la séparation de
l’ordre civil et de l’ordre religieux inaugurée par le christianisme - Sa
volonté de tout ramener au paganisme officiel - Ses rancunes personnelles
contre Philippe - En déclarant la guerre au christianisme, il ne fait pas un
acte patriotique - Les chrétiens n’étaient pour rien dans les périls éprouvés
par l’Empire du côté des Barbares - Ils ne sont point davantage responsables
de la diminution de l’esprit militaire - Ils n’ont point donné le signal de
la désertion des carrières civiles - De vrais politiques eussent reconnu en
eux le plus solide soutien de l’Empire - Caractère systématique de la
persécution de Dèce - Instructions données à ses agents - Teneur de l’édit.
II. - La persécution à Rome, en Italie, en Gaule et en Espagne
Martyre du pape Fabien - Quelle avait été son administration
- Lettre de saint Cyprien sur son martyre - Sa sépulture - Retard de la
reconnaissance officielle de son titre de martyr - Le clergé romain pendant
la persécution - Chutes de beaucoup de chrétiens de Rome - Confesseurs
romains en prison - Comparution de Celerinus devant Dèce - Son acquittement -
Martyre du prêtre Moïse - Calocerus et Partenius - Date exacte de leur
martyre - Fresques contemporaines représentant peut-être leur procès -
Martyre d’Abdon et de Sennen - Actes des saints Secondien, Marcellien et
Véranius - Autres martyrs italiens - Sainte Agathe - Saint Cyprien de Capoue
et sa mère sainte Félicité - Saint Saturnin de Toulouse - Le christianisme en
Espagne - L’édit de Dèce en Tarraconaise et en Lusitanie - Basilide, évêque
libellatique de Léon et d’Astorga - Martial, évêque libellatique de Lérida -
Élection du pape Corneille dans l’été de 251.
CHAPITRE HUITIÈME.
— LA PERSÉCUTION DE
DÈCE EN AFRIQUE
I. - La promulgation de l’édit à Carthage
Caractère des païens et des chrétiens d’Afrique - Fermeté de
saint Cyprien - Effet produit à Carthage par la promulgation de l’édit -
Multitude des apostats - Signes de la colère divine - Chrétiens obtenant un
certificat d’apostasie sans avoir sacrifié - Distinction charitable faite par
saint Cyprien entre ces libellatiques et les tombés proprement
dits.
II. - Les martyrs, les bannis et les fugitifs
Chrétiens jetés en prison - Charité des fidèles et de
l’Église pour les prisonniers - Confesseurs morts de faim en prison - Efforts
des persécuteurs pour amener les chrétiens à l’apostasie - Chrétiens cédant
après une longue résistance : jugement indulgent de saint Cyprien - Chrétiens
mourant à la suite de la torture - Martyre de saint Mappalique et de ses
compagnons - Chrétiens immolés par la populace - Impression produite par le
courage des martyrs - Chrétiens condamnés au bannissement et à la
confiscation des biens - Chrétiens fugitifs.
III. - La question des tombés
Saint Cyprien se décide à fuir - Il règle avant de partir
l’administration des affaires ecclésiastiques - Hostilité de cinq prêtres -
Ils calomnient sa retraite - Ils excitent les confesseurs à usurper sur
l’autorité de l’évêque - Ceux-ci accordent de leur autorité privée la paix
aux tombés - Orgueil du confesseur Lucien - Lettres de saint Cyprien
aux confesseurs, au clergé et au peuple - Obstination de plusieurs
confesseurs - Leurs désordres : lettres de saint Cyprien - Schisme fomenté
par Félicissime et Novat - Rentrée de saint Cyprien à Carthage en avril 251 -
Il règle dans un concile la question des tombés - Fin du schisme.
CHAPITRE
NEUVIÈME. — LA
PERSÉCUTION DE DÈCE EN ORIENT.
I. - La persécution en Égypte
L’édit est appliqué différemment selon les pays - Caractère
de la population d’Alexandrie - Superstition et fanatisme - Chrétiens invités
à sacrifier par appel nominal - Magistrats chrétiens donnant l’exemple de
l’apostasie - Martyre de Julien et de Cronion - Le peuple égyptien aime à
voir souffrir - Macar, Némésion, Alexandre brûlés vifs - Plusieurs femmes
décapitées - Martyre d’Héron, d’Ater, d’Isidore ; acquittement du jeune
Dioscore - Martyre de quatre soldats : terreur des juges - Patience et
soumission des chrétiens - Chrétiens martyrisés dans les campagnes :
Ischyrion - Haine des paysans égyptiens contre les soldats romains - Fuite de
saint Denys, évêque d’Alexandrie - Il est arrêté par des soldats avec ses
compagnons - Des paysans mettent en fuite les soldats et le délivrent malgré
lui - Nombreux chrétiens fugitifs - Beaucoup périssent - Retraite de Paul à
la campagne - Supplice affreux d’un chrétien - Héroïsme d’un autre chrétien -
Paul se retire au désert, et y mène jusqu’à cent treize ans la vie d’ermite -
Administration de l’Église d’Alexandrie pendant l’absence de saint Denys -
Modération des confesseurs – L’évêque, de retour, réintègre dans l’Église les
tombés repentants.
II. - Les martyrs de Grèce et d’Asie
L’Église d’Athènes au troisième siècle - Martyrs de
l’Attique, du Péloponnèse, de Crète, de Chio - Sentiments favorables aux
chrétiens en Asie Mineure - Douceur des habitants de Smyrne - Mollesse des
chrétiens : nombreuses apostasies - Chute de l’évêque Eudæmon - Joie
insultante des Juifs - Arrestation de Pionius, d’Asclépiade et de Sabine par
le néocore Polémon - Sympathies générales pour Pionius - Son discours au
peuple - Efforts de tous pour changer sa résolution - Dialogue entre Pionius
et Polémon - Interrogatoire des martyrs par Polémon - Les martyrs dans la
prison - On les conduit au temple : ils refusent de sacrifier -
Interrogatoire de Pionius par Julius Proculus Quintilianus, proconsul d’Asie
- Ses efforts pour décider Pionius à un semblant de sacrifice - Son
hésitation à le condamner - Pionius brûlé vif - Incertitude sur le sort de
ses compagnons.
CHAPITRE
DIXIÈME. — LA
PERSÉCUTION DE DÈCE EN ORIENT (suite).
I. - Le culte de Diane et les martyrs d’Asie
Superstitions locales en Asie - Culte d’Artémis à Éphèse, à
Lampsaque - Caractère de l’Artémis asiatique - Optimus, proconsul d’Asie -
Les sept dormants d’Éphèse - Martyre de Maxime à Éphèse ou à Lampsaque -
Martyre de Pierre à Lampsaque - Procès d’André, Paul et Nicomaque - La vertu
de Denise miraculeusement préservée - André, Paul et Nicomaque abandonnés par
le proconsul aux fanatiques - Denise décapitée - Martyre de l’évêque Carpos
et du diacre Papylos à Pergame - Agathonicé se déclare chrétienne - Efforts
du peuple pour la détourner - Elle est brûlée vive - Contraste entre
l’humanité des habitants de Pergame et la sombre exaltation des dévots
d’Artémis.
II. - Les martyrs de la
Bithynie, du Pont et de la Cappadoce
Tryphon et Respicius, à Nicée - Lucien et Marcien, à
Nicomédie - Martyrs en Bithynie - Nombreuses défections à Néocésarée - Grégoire le Thaumaturge conseille de fuir
- Martyre de saint Troade - Mercurius, en Cappadoce - Polyeucte, en Arménie.
III. - Quelques évêques d’Asie
Saint Acace, évêque d’Antioche de Pisidie - Son
interrogatoire - Effet produit sur Dèce parla lecture du procès-verbal -
L’empereur prononce son acquittement - Saint Nestor, évêque de Magydos en
Pamphylie - Il comparait devant l’irénarque et le sénat de la ville -
Courtoisie des sénateurs - L’elogium - Interrogatoire à Perge par le légat -
Martyre de Nestor - Martyrs en Lycie - Saint Babylas, évêque d’Antioche -
Versions différentes sur son martyre - Glorieux épiscopat de saint Alexandre,
évêque de Jérusalem - Il meurt en prison.
IV. — Origène. - La fin de la persécution
Longue captivité des évêques ou des docteurs dont on désire
surtout l’abjuration - Efforts pour triompher d’Origène - Ses souffrances en
prison - Il y reste jusqu’à la mort de Dèce - La persécution avait déjà cessé
depuis plusieurs mois - Invasion des
Goths - Dèce essaie de les détruire - Il est vaincu et tué en Thrace (fin de
251) - Complet avortement de son oeuvre politique et religieuse - Forme
nouvelle que prendront après lui les persécutions - Ce que seront les
rapports de l’Église et de l’État pendant la seconde moitié du troisième
siècle
APPENDICE A — Les domaines
funéraires des particuliers et des collèges
APPENDICE B — Les domaines funéraires chrétiens
APPENDICE C — La conversion de Philippe
APPENDICE D — Polyeucte dans la poésie et dans l’histoire
INTRODUCTION
Dans un précédent volume, j’ai raconté l’histoire des
persécutions subies par les chrétiens sous les règnes de Néron, de Domitien,
de Trajan, d’Hadrien, de Marc-Aurèle, c’est-à-dire pendant cent quarante
années environ. Je consacre aujourd’hui un volume entier aux persécutions qui
se succédèrent dans la première moitié du troisième siècle, sous Septime
Sévère, Maximin et Dèce, coupées par de longs intervalles de paix durant les
règnes d’Élagabale, d’Alexandre Sévère et de Philippe.
On s’étonnera peut-être qu’il ait fallu le même nombre de
pages pour raconter l’histoire d’un demi-siècle et pour résumer celle d’un
siècle et demi. Cette disproportion apparente s’explique par deux raisons :
les documents sont beaucoup plus nombreux et plus sûrs pour une des époques
que pour l’autre, et la société chrétienne s’est trouvée, au troisième
siècle, plus mêlée aux événements généraux, au mouvement social et politique,
qu’elle ne l’avait été dans les deux premiers.
I
Les documents sur les anciennes persécutions étaient loin
d’être aussi riches, aussi précis que l’eût demandé notre curiosité : ils se
réduisaient à d’obscures allusions éparses dans les histoires païennes, de
rares écrits chrétiens antérieurs au second siècle, pour celui-ci les
ouvrages des plus anciens apologistes, quelques Actes de martyrs authentiques
ou possédant une valeur sérieuse. Si nous n’avions pu, par un travail de
critique souvent récompensé, tirer d’Actes moins sûrs des faits ou des noms
certains, et si nous n’avions eu le droit d’invoquer, comme source
d’informations nouvelles ou comme moyen de contrôle, le témoignage chaque
jour plus étendu et mieux compris des monuments, un petit nombre de pages eût
suffi pour résumer l’histoire de cent quarante années tragiques et fécondes
où l’Église grandit sous les coups de la tempête, pendant que le sang des
martyrs arrosait à flots ses racines.
Quand, après avoir tracé péniblement les lignes de ce
tableau, suppléant sans cesse par les découvertes archéologiques à la rareté
ou à l’incertitude des documents écrits, l’historien commence l’étude du
troisième siècle, il est étonné et presque embarrassé de l’abondance des
matériaux qui s’offrent à lui. Les seuls ouvrages de Tertullien, de Clément
et de Denys d’Alexandrie, d’Origène, de saint Cyprien sont une mine
inépuisable d’où il peut extraire, par blocs en quelque sorte taillés et
numérotés d’avance, toute l’histoire religieuse de ce temps. A côté de ces
puissantes masses, qui font penser aux énormes colonnes de marbre d’Afrique,
de Grèce ou d’Asie, toutes prêtes à être mises en place, gisant depuis tant
de siècles sous le sable ou la vase de l’emporium
romain, que de fragments plus petits, mais non moins authentiques et non
moins précieux nous ont été conservés ! Il suffit, pour s’en rendre compte,
d’ouvrir l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, vraie mosaïque toute
formée de débris antiques, et où se rencontrent en si grand nombre les
morceaux du troisième siècle.
En présence de tels documents, on ne songe pas à se
plaindre du petit nombre d’Actes des martyrs qui sont restés de ses cinquante
premières années quelles relations de ce genre pourraient valoir celles qui
se lisent dans les lettres de saint Cyprien et de saint Denys, et tracer des
souffrances des chrétiens persécutés un tableau plus émouvant que certaines
pages de Tertullien ? D’ailleurs, parmi les relations martyrologiques de ce
temps il en est de premier ordre : par exemple la Passion de sainte
Perpétue, de sainte Félicité et de leurs compagnons, cette perle originale et
vraiment exquise, comme peu de littératures en ont dans leur écrin, les Actes
de saint Pionius, très simples et très grands malgré quelque apprêt, et d’une
si exacte couleur locale, la curieuse dispute
de saint Acace, les Actes récemment retrouvés de Carpos, Papylos et
Agathonicé, les Actes de plusieurs martyrs d’Asie.
Mais on a pour ce temps d’autres renseignements encore.
C’est l’époque où la propriété ecclésiastique se fonde, où les catacombes
romaines se creusent et se décorent, grâce aux ressources d’une communauté
nombreuse et déjà puissante : malgré l’extrême réserve des chrétiens de cette
époque, qui confiaient rarement à la pierre leurs émotions intimes ou les
événements de leur histoire, plus d’une peinture, plus d’une épitaphe
éveillent ou satisfont par un nom, par un titre, par une image discrète, notre
désir de savoir. L’architecture et la décoration d’une catacombe, avec leurs
phases diverses si clairement distinguées aujourd’hui, raconteraient à elles
seules les vicissitudes traversées par l’Église. Ici, des galeries
régulières, d’élégantes chapelles, construites dans un intervalle de paix :
le pinceau d’artistes théologiens les a couvertes de symboles médités à
loisir, dont l’enchaînement forme parfois comme une prédication muette et un
cours de doctrine ; on sent que le peintre et le penseur n’ont pas craint
d’être troublés par une irruption de l’ennemi, et d’entendre résonner sous
les voûtes prochaines le pas des soldats traquant les chrétiens. Puis tout se
brouille : le plan régulier est interrompu, la belle ordonnance des travaux
paraît abandonnée : aux galeries droites succèdent les labyrinthes, les
issues tortueuses, les escaliers dérobés ; la persécution menace ou sévit, et
les fidèles se préparent les moyens de lui échapper. Le contrecoup des
révolutions du dehors se fait sentir ainsi jusque dans ces souterrains, qui
nous en ont gardé, après seize siècles, l’empreinte reconnaissable.
II
Telle est l’abondance et la diversité des sources
auxquelles peut puiser celui qui entreprend de raconter la vie des chrétiens
persécutés pendant la première moitié du troisième siècle. Mais, pour bien
comprendre le caractère du sujet, il faut de plus se rendre compte du grand
nombre de points par où l’histoire religieuse de cette époque touche à
l’histoire profane.
Jusqu’aux dernières années du second siècle, ces contacts
étaient rares. La société chrétienne grandissait en silence, méconnue, sains
doute, mais plus encore inconnue de la société civile. Celle-ci punissait
dans les fidèles des ennemis des dieux, mais seulement quand l’initiative
privée ou la haine populaire les déférait aux tribunaux : elle ne s’occupait
autrement ni de les étudier ni même de les détruire. Avant le troisième
siècle, l’Église ne s’était guère trouvée mêlée au mouvement des choses
extérieures, ou exposée au choc des affaires humaines. Le moment vient où le
grand nombre des chrétiens ne permettra plus de les ignorer, leur enlevant à
eux-mêmes la possibilité de vivre à l’écart. Le grain de sénevé de l’Évangile
est devenu un grand arbre : hostiles ou bienveillants, les regards se fixeront
désormais sur lui, et tous les vents d’orage comme toutes les brises
favorables agiteront ses rameaux. Ce n’est plus seulement au pied de quelque
tribunal que le monde profane entendra prononcer le nom des fidèles : il les
rencontre partout, dans les légions comme au forum, dans les palais aussi
bien que dans les greniers où dorment les esclaves, dans les assemblées
délibérantes, que ce soit le sénat de Rome ou l’humble conseil d’un municipe.
Que dis-je ? au bruit de leur enseignement se forment quelques-uns des grands
courants intellectuels qui réveillent la pensée antique et empêchent l’esprit
humain de s’engourdir : la foule lettrée, les hommes avides de pensées Ou
d’émotions connaissent le chemin qui mène à la chaire de Clément
d’Alexandrie, et des impératrices, des gouverneurs de province s’adressent à
Origène comme au grand directeur des consciences inquiètes, au correspondant
naturel des âmes méditatives. Ainsi mêlée au monde, marchant au milieu de
lui, avec lui, la société chrétienne ressent désormais, en bien ou en mal,
l’influence des mouvements dont il est agité.
On ne saurait donc écrire l’histoire de l’Église au
troisième siècle sans écrire en même temps celle de l’Empire romain. Des
liens souvent inaperçus, et que nous nous efforcerons de mettre en lumière,
rattachent telle amélioration dans le sort des chrétiens, tel progrès dans
leur situation extérieure, à un changement d’idées, de mœurs, de politique.
Qu’un souffle démocratique passe, même légèrement, sur le peuple endormi et y
suscite l’esprit d’association, l’Église recueillera de larges bénéfices de
ce mouvement, qui la rendra propriétaire. Voici le règne de parvenus,
d’étrangers, aussi peu Romains par l’esprit que par la naissance : un
empereur fils de ses oeuvres, ancien marchand ou ancien maître d’école, ne
sera pas animé contre elle des passions aristocratiques d’un Trajan ; un
souverain éclectique, rêveur, aux idées larges et flottantes, n’aura pas à
l’égard des chrétiens la jalousie philosophique d’un Marc-Aurèle ; un prince
né en Syrie ne les verra pas du même œil qu’un Romain rigide, nourri de
l’âpre lait de la louve latine. En ce temps où rien n’est stable, où le
pouvoir ne se transmet pas, comme au premier siècle, de César en César ou de
Flavien en Flavien, et ne se perpétue pas, comme au second, entre les membres
d’une même famille formée par l’hérédité de l’adoption ou du sang, mais passe
de main en main au gré d’une émeute de soldats ou d’une intrigue de palais,
l’Église ressent le contrecoup de révolutions fréquentes, qui, selon le
caractère ou les idées du. nouvel empereur, amènent pour elle la persécution
ou la paix.
III
Aussi les persécutions de ce temps ne se comprennent-elles
qu’en les replaçant dans leur milieu, en étudiant les circonstances
extérieures d’où elles procèdent. Au siècle précédent, nous avons distingué
les persécutions par le nom de leur auteur, mais en réalité il n’y en a
qu’une, toujours la même : l’épée de la loi demeure suspendue sur la tête des
chrétiens, à la merci de tout accusateur. Qu’ils s’appellent Trajan, Hadrien,
Antonin ou Marc-Aurèle, les empereurs de l’époque antonine suivent une même
politique : la diversité des caractères y introduit sans doute des nuances,
et l’esprit mobile d’Hadrien prête parfois aux réclamations des apologistes
une attention toute différente de la froideur dédaigneuse de Marc Aurèle :
cependant le fond des choses ne varie pas, et sous l’un comme sous l’autre le
rescrit de Trajan, interprétatif d’édits antérieurs, demeure la loi
inflexible des rapports du pouvoir avec les chrétiens. Au contraire, dans le
troisième siècle il y eut autant de persécutions que de persécuteurs : je
veux dire que chacune diffère de celle qui la précède ou de celle qui la
suit, et que nulle continuité ne relie la politique religieuse de souverains
qui se remplacent sur le trône, mais ne se succèdent pas. Le régime organisé
par le rescrit de Trajan s’efface devant un régime nouveau, plus sanglant et
moins meurtrier, qui fait périr un plus grand nombre de victimes à la fois,
mais s’épuise par sa violence même et ne peut durer longtemps. C’est la
persécution par édit, droit exceptionnel créé contre les chrétiens par chacun
des souverains qui se déclarent contre eux, et destiné ordinairement à
disparaître en même temps que le persécuteur.
Que faut-il punir ou
poursuivre dans les chrétiens ? demandait, en 112, Pline à Trajan.
Je ne suis pas ici pour punir, mais pour
contraindre, dit, en 251, Martianus au confesseur Acace. Entre ces
deux paroles il y a près d’un siècle et demi : combien, en un siècle et
demi, le langage s’est modifié ! combien le point de vue a changé ! Dans
leurs rapports avec les chrétiens les agents du pouvoir impérial, à l’époque
antonine, sont des juges, embarrassés quelquefois de leur mission de juger,
mais n’en connaissant point d’autre : ils constatent la désobéissance des
chrétiens, et la punissent comme un crime. Au troisième siècle les
magistrats, mis en présence des fidèles, sentent que le rôle qui leur est
imposé est moins judiciaire désormais que politique. Les empereurs ne se préoccupent
plus de punir les chrétiens : ils cherchent à les supprimer. Un Dèce est
animé contre les adorateurs du Christ de sentiments et de passions semblables
aux sentiments et aux passions qui animèrent contre leurs victimes les
terroristes de la fin du siècle dernier : les tribunaux révolutionnaires ne
jugeaient pas, ils supprimaient. Seulement ils n’avaient qu’une manière de
supprimer : la mort. Les empereurs laissent aux chrétiens le choix entre la
mort et l’apostasie, et ne prononcent l’une qu’après avoir inutilement essayé
d’obtenir l’autre.
Les juges du second siècle imposaient sans doute aux
fidèles la même alternative, et ne faisaient mourir que sur le refus
d’abjurer ; mais la mise en demeure de renoncer au Christ était surtout pour
eux un moyen de constater le délit qu’ils avaient à punir. Au troisième
siècle il en est autrement : la lutte est engagée, et toute abjuration d’un
chrétien paraît aux païens une victoire. De là, dans la procédure des deux
époques, une différence notable : au second siècle, le chrétien qui a refusé
de revenir au culte des dieux est immédiatement envoyé à la mort ; au
troisième siècle, on le garde longtemps en prison, on le fait comparaître
plusieurs fois devant les magistrats, on le torture, puis on panse ses
plaies, puis on le torture de nouveau, s’efforçant par tous les moyens de
triompher de sa volonté. C’est qu’on le considère moins comme un délinquant
désormais que comme un adversaire ; ce n’est plus un procès, mais une
bataille : et, s’il n’est tout à fait barbare, le pouvoir belligérant préfère
toujours la soumission de ses ennemis à leur extermination.
IV
Les persécutions que nous aurons à raconter dans ce livre,
et dans ceux qui suivront, sont donc toutes politiques. Mais de quelle
politique s’agit-il ?
Même partant d’une idée fausse, même mauvaise dans le
choix des moyens, une politique peut avoir sa grandeur. On comprendrait, tout
en les blâmant, les empereurs se déclarant contre les chrétiens en vertu
d’une sorte de tradition religieuse ou nationale transmise de règne en règne,
et poursuivant ces innocents parce qu’un fanatisme sincère croit venger sur
eux les dieux offensés, ou parce qu’un patriotisme mal renseigné les dénonce
comme des ennemis de l’Empire. Ceux qui regardent de loin, sans s’arrêter aux
détails, l’histoire des persécutions du troisième siècle, peuvent croire
qu’il en fut ainsi ; mais en étudiant chacune d’elles dans le milieu où elle
prit naissance, en scrutant ses causes secrètes et en remontant vers sa
source, on voit clairement qu’une grande idée politique, qui pourrait être
noble jusque dans ses erreurs, ses illusions ou ses cruautés, n’y présida
presque jamais et que leurs mobiles furent ordinairement d’un ordre
inférieur.
Quand un empereur de ce temps déclare la guerre aux
chrétiens, ce n’est point en vertu d’une tradition ininterrompue, sorte
d’axiome nécessaire et d’arcanum imperii ; loin de là, c’est le plus
souvent par réaction contre un règne précédent, pendant lequel l’Église avait
joui de la faveur personnelle du prince, odieux à son successeur qui est
ordinairement son meurtrier. Septime Sévère est peut-être le seul souverain
du troisième siècle qui ait persécuté par suite d’une idée fausse, d’une
crainte chimérique, mais sans mélange de passions basses et de sentiments
inavouables. Les autres ont revêtu d’une couleur politique de mesquines
rancunes personnelles, des peurs absurdes ou de grossières superstitions.
Dire, comme il est de mode aujourd’hui, que l’Empire romain au troisième
siècle se défendit contre les chrétiens, c’est commettre une erreur à peu
près semblable à celle de certains apologistes de la Révolution, qui
croient servir sa cause en prêtant aux crimes des terroristes l’excuse d’une
sorte de fureur patriotique. Non, dans l’un et dans l’autre cas le
patriotisme ne fut pas la cause, mais le prétexte, et ce voile magnifique, au
troisième siècle comme à la fin du dix-huitième, couvrit bien des sentiments
abjects. Le patriotisme, il y a cent ans, était dans les armées qui
défendaient contre l’étranger le sol national, non dans les bourreaux qui
faisaient couler pour des crimes imaginaires le plus pur sang de la France. De même, au
troisième siècle, le patriotisme était aux frontières, avec ces légions, déjà
pleines de chrétiens, qui disputaient pied à pied aux Barbares les provinces
envahies du monde romain ; il n’était point dans les prétoires où, pour obéir
à d’injustes édits, les fonctionnaires impériaux donnaient aux plus fidèles,
aux plus paisibles et aux plus obéissants sujets de l’Empire le choix entre
l’apostasie et la mort.
Tel est le caractère général des persécutions de ce temps
: courtes, ne se rattachant pas les unes aux autres, et ne se reliant à une
grande idée que par un prétexte hypocrite. En étudiant dans ce livre celles
de Septime Sévère, de Maximin et de Dèce, on reconnaîtra que nulle vue
d’ensemble ne les réunit, que les causes ou les prétextes en sont différents,
et que les moyens employés varient selon le tempérament ou le caprice du
souverain qui les dicte. Si nous pouvons un jour raconter les persécutions de
la fin du troisième siècle, et la lutte suprême par laquelle s’ouvre le
siècle suivant, la même impression se dégagera, plus nette encore, du
spectacle de princes tour à tour favorables et hostiles aux chrétiens,
s’entourant d’eux au début de leur règne, les proscrivant à la fin, ou au
contraire commençant de régner par un édit de persécution et terminant par un
édit de tolérance ; jugeant contre les hérétiques et en faveur des orthodoxes
une question de propriété ecclésiastique, puis se tournant contre l’Église ;
confisquant les biens de la communauté chrétienne, et les restituant avec
éclat ; faisant mettre à mort des chrétiens qui répugnaient au service
militaire, et chassant de l’armée des chrétiens qui voulaient y servir ;
traitant les adorateurs du Christ tour à tour comme les meilleurs amis et les
pires ennemis de l’Empire. En contraste avec cette conduite pleine
d’incohérence et de contradictions, l’Église a sa politique propre, qui ne se
dément jamais. Elle réclame et se fait donner peu à peu sa place dans la
société romaine, non comme une force étrangère et conquérante, mais comme
l’auxiliaire, la sauvegarde et déjà l’un des éléments essentiels de la
civilisation menacée. On a vu, dans le volume précédent, la question ainsi
posée par les apologistes du second siècle ; on va voir, pendant la première
moitié du troisième, cette grande politique se continuer sans hésitation et
sans défaillance ; la fin du même siècle en préparera le succès définitif,
et, quelques années plus tard, Constantin n’aura qu’à le reconnaître et à le
consacrer.
15 septembre 1885.
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