PRÉFACE.
PREMIÈRE PARTIE.
ENFANCE ET JEUNESSE DE MARC-AURÈLE. SON ÉDUCATION ET
SOCIÉTÉ DE SON TEMPS.
Son origine. Ses adoptions. Sa vie à la campagne. Sa correspondance avec
Fronton. Ses études littéraires. Ses maîtres de philosophie. Sa prédilection
pour les questions morales. Sa reconnaissance pour ses maîtres. — Ses
premières dignités. Son éloignement pour le pouvoir. Causes de cet
éloignement. Entourage du prince. Exemple des empereurs. Marc-Aurèle
n'échappe pas à cette influence. Misère et abaissement du peuple. Corruption
des mœurs. Impiété. Superstitions. Stoïcisme et christianisme. Faux
philosophes et faux chrétiens.
DEUXIÈME PARTIE.
DOCTRINE, MORALE ET MÉTAPHYSIQUE DE MARC-AURÈLE.
Accord de la science et de la vertu. - Conditions de la science pratique
: Emploi de l'analyse. - Théorie de la liberté. Principes de la charité. 1°
Le mal moral est nécessaire. 2° Il ne fait de tort qu'au méchant. 3° Il est
involontaire. 4° Tout homme petit le commettre. 5° Tout homme peut s'en
délivrer, parce qu'il a la raison. — Unité et divinité de la raison. Accord
de la morale et de la piété. La destinée humaine renfermée dans la vie
sociale. La
Providence. Optimisme. La mort. L'immortalité de l'âme.
TROISIÈME PARTIE.
VIE PUBLIQUE ET PRIVÉE DE MARC-AURÈLE.
Gouvernement et législation. - Importance rendue au sénat. La loi romaine
transformée par les jurisconsultes stoïciens. Sort nouveau fait à l'esclave,
à l'enfant, à la femme. - Administration judiciaire de Marc-Aurèle. Examen de
son intolérance prétendue contre le christianisme. — Guerres. - Guerre
contrôles Parthes conduite par Verus. - Guerre contre les Germains.
Marc-Aurèle les combat en personne pendant quatre années. - Révolte d'Avidius
Cassius. - Voyages de Marc-Aurèle en Orient. Son retour à Rome après huit ans
d'absence. - Nouvelle guerre avec les Marcomans. Mort de Marc-Aurèle. — Vie
intérieure. - Affection de Marc-Aurèle pour sa famille, pour sa mère, pour sa
sœur. Son mariage, ses enfants. - Ses rapports avec son frère adoptif. -
Critique des accusations contre Faustine et des reproches adressés à
Marc-Aurèle pour son indulgence envers sa femme et son fils.
CONCLUSION.
La vie de Marc-Aurèle avait eu de nombreux historiens et
biographes. C'est le témoignage d'Hérodien au commencement de son histoire.
La satire de Lucien contre les rapporteurs de la guerre des Parthes doit
affaiblir l'éloge d'Hérodien et aussi nos regrets. Cependant, quelle que fût
la faiblesse ou même l'inexactitude de ces récits, nous y aurions trouvé des
renseignements précieux que nous cherchons en vain ailleurs.
La perte la plus regrettable est celle des Mémoires que
Marc-Aurèle avait composés lui-même pour servir à l'éducation de son fils, et
dont il laissa le manuscrit à Commode. Pourquoi cet ouvrage ne nous a-t-il
pas été conservé avec les Pensées ? Il nous aurait fourni un précieux
commentaire de ce livre admirable ; nous y aurions vu l'application constante
au gouvernement, à la législation et à tous les évènements de la vie, des
beaux principes de la doctrine stoïcienne.
Les Pensées elles-mêmes ne nous font connaître que
le dernier développement de l'âme de Marc-Aurèle. Elles nous la montrent dans
sa force et sa plénitude, tout entière recueillie en face de la mort, dans
l'achèvement d'une vie noble et bien remplie. Elles sont la plus pure
expression du stoïcisme et du caractère d'un grand homme. Mais elles ne nous
apprennent que peu de chose de la vie de Marc-Aurèle et des circonstances
dans lesquelles elles ont été écrites.
La correspondance entre Marc-Aurèle et Fronton renferme
des détails précieux sur les premières années de Marc-Aurèle, sur ses études
et sur sa vie intime ; mais elle nous laisse entièrement ignorer la vie
politique du prince et les bienfaits de son règne. C'est cependant, après les
Pensées, la source la plus abondante, et où il faut surtout puiser
pour une biographie de Marc-Aurèle.
Les grands recueils des lois romaines contiennent un grand
nombre de rescrits de Marc-Aurèle et de sénatus-consultes qu'il fit rendre.
Mais, au milieu des compilations faites par ordre de Justinien, l'œuvre
législative des Antonins ne se retrouve que dispersée, morcelée et incomplète.
On a réuni ces fragments avec un soin religieux ; mais, isolés, ils perdent
de leur valeur, et même dans leur ensemble ils ne forment qu'une faible
partie du monument qu'on voudrait retrouver dans toute sa grandeur et sa
beauté. Quels qu'ils soient cependant, ils sont de la plus grande importance
pour aider à apprécier le caractère et le rôle de Marc-Aurèle.
Parmi les historiens qu'Hérodien indique sans les nommer,
le plus célèbre était Marins Maximus[1] : c'est à lui
qu'ont emprunté au hasard les abréviateurs et les compilateurs qui l'ont
suivi, et qui seuls nous conservent aujourd'hui quelques détails sur l'époque
des Antonins. L'ouvrage de Dion Cassius renferme surtout des récits de la
guerre de Germanie. Capitolin, le biographe d'Antonin, de Marc-Aurèle et de
Verus, nous offre des faits intéressants, mais réunis sans choix et sans
méthode ; l'ordre du temps n'est pas suivi ; bien des évènements sont omis ou
confondus ; la critique manque partout. Spartien, Lampride, et surtout
Vulcatius Gallicanus, le biographe d'Avidius Cassius, ajoutent quelques
traits au portrait et à l'histoire de Marc-Aurèle. Mais, au milieu de tous
ces tableaux à demi effacés ou chargés par places de trop fortes couleurs, la
vérité semble disparaître, les caractères nous échappent, et nous ne pouvons
surtout découvrir l'état de la société et des mœurs.
Pour y suppléer, il faut s'adresser à Lucien, à
Aulu-Gelle, à Apulée, à Épictète, à Plutarque ; il faut se rappeler des
traits empruntés à Pétrone, à Sénèque, à Tacite, et qui n'ont pas encore
vieilli ; enfin il faut interroger les apologistes, tels que Justin, Tatien,
Athénagore, et aussi les grands hérésiarques qui prennent encore au second
siècle le nom de chrétiens.
Ce n'est qu'en réunissant tous ces témoignages, en les
contrôlant les uns par les autres, qu'on peut répandre quelque lumière sur le
temps et la vie de Marc-Aurèle. C'est ce que nous avons cherché à faire, sans
penser y être entièrement parvenu. Que de choses, en effet, nous n'avons fait
qu'entrevoir, et combien d'autres qui sont pour nous restées dans l'ombre !
Cependant notre travail, tel qu'il est, pourra peut-être aider à faire
connaître une époque et un homme trop peu connus et si dignes de l'être. Au
moins il offrira, réunis dans un certain ordre, des matériaux dont un autre
saura mieux se servir.
Nous n'avons pas pu étudier la vie de Marc-Aurèle sans
étudier sa doctrine. Elle est une trop grande partie de lui-même, elle sert
trop à expliquer son caractère et sa vie, pour que nous ayons voulu la
négliger. Ici nous avons retrouvé dans les Pensées un guide sûr que nous
n'avons eu qu'à suivre pas à pas. En laissant presque toujours la parole au
maître, en nous abstenant le plus possible d'intervenir et de commenter, nous
avons voulu montrer dans son unité et sa pureté cette doctrine à la fois
morale et religieuse, qui ne sépare jamais les choses divines des choses
humaines, et à laquelle l'âme douce et triste de Marc-Aurèle donne une
expression si fière et si touchante.
Pour l'ensemble de notre travail, nous avons trouvé peu de
modèles et peu de secours parmi les ouvrages modernes. Celui que nous avons
consulté avec le plus de profit est celui de M. Ripault, intitulé : Histoire
philosophique de l'empereur Marc-Aurèle[2]. L'auteur a
restitué par les médailles un grand nombre de dates et de faits intéressants.
Seulement l'ouvrage a le tort d'être en quatre volumes, d'entremêler
perpétuellement l'exposition de la doctrine et le récit des faits, de n'avoir
d'autre ordre que l'ordre chronologique, et de répéter plusieurs fois les mêmes
détails, et surtout les mêmes maximes. Plein de l'admiration la plus sincère
pour Marc-Aurèle, l'auteur croit qu'on ne se lassera pas d'entendre les
admirables pensées de l'empereur philosophe, et il ne se lasse pas de les
citer. Il ne quitte pas non plus le ton du panégyrique, et son admiration
s'exprime le plus souvent dans un style qui n'a pas assez de naturel et de
simplicité. Cependant le livre de M. Ripault demeure un ouvrage à consulter,
surtout pour la partie chronologique.
Il est inutile de mentionner ici les ouvrages composés sur
la vie et la doctrine de Marc-Aurèle par Guevara, en Espagne, au XVe siècle,
et par Fessier, en Allemagne, au commencement de ce siècle Ce sont des romans
où dominent la fantaisie et les idées de l'auteur, et où Marc-Aurèle tient le
langage de l'évêque de Mondonedo, ou celui d'un libre penseur d'outre-Rhin.
L'éloge de Thomas est un panégyrique assez vide, où il
s'agit moins de faire connaître Marc-Aurèle que de faire la leçon à Louis XV.
Cette remarque que fait M. Ripault est très juste, et dispense d'insister sur
cet ouvrage.
Pour la partie philosophique de notre travail, nous avons
trouvé des secours précieux. Il ne faut pas oublier d'abord l'ouvrage de M.
de Joly, où les pensées, élégamment traduites, sont réunies en groupe autour
d'un certain nombre de titres ingénieusement choisis.
M. J. Simon, dans le Dictionnaire des sciences
philosophiques, a écrit sur Marc-Aurèle un bel article renfermant
plusieurs idées que nous avons été heureux de recueillir.
Dans son ouvrage sur la métaphysique d'Aristote, M.
Ravaisson a consacré à l'étude du stoïcisme chez Marc-Aurèle quelques pages
où le caractère que Marc-Aurèle imprime au stoïcisme se trouve nettement
marqué.
Enfin, nous ne voulons pas omettre de témoigner notre
reconnaissance à notre maître, M. Pierron, dont nous avons toujours consulté
pour nos citations la traduction des Pensées.
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