HISTOIRE DE LA GRÈCE

TROISIÈME VOLUME

CHAPITRE VI — LOIS ET DISCIPLINE DE LYKURGUE À SPARTE.

 

 

Plutarque commence sa biographie de Lykurgue par les mots de mauvais augure suivants :

Relativement au législateur Lykurgue, nous ne pouvons affirmer absolument rien qui ne soit controversé : il y a différents récits au sujet de sa naissance, de ses voyages, de sa mort et aussi de sa manière d’agir, aussi bien comme politique que comme législateur : c’est sur l’époque où il vivait qu’on s’accorde le moins.

Et ce début n’est que trop bien justifié par la nature peu satisfaisante des renseignements que nous trouvons non seulement dans Plutarque lui-même, mais dans ces autres auteurs d’après lesquels nous sommes obligés de nous faire une idée du mémorable système de Lykurgue. Si nous examinons les sources d’où est tirée la vie de Lykurgue de Plutarque, nous verrons qu’à l’exception des poètes Alkman, Tyrtée et Simonide, de qui il a emprunté moins que nous n’aurions désiré, il n’a pas d’autorités plus anciennes que Xénophon et Platon : Aristote est cité plusieurs fois, et c’est incontestablement le meilleur de ses témoins ; mais le plus grand nombre d’entre eux appartiennent au siècle qui suit ce philosophe. Ni Hérodote ni Éphore ne sont nommés, bien que le premier fournisse quelques particularités courtes mais intéressantes ; et le second aussi (autant que nous pouvons en juger par les fragments qui restent) s’étendait au long sur les actes du législateur spartiate[1].

Hérodote représente Lykurgue comme oncle et tuteur du roi Labôtas, de la ligne Eurysthénide ou Agide des rois spartiates ; et ceci le placerait, suivant la chronologie admise, environ 220 ans avant la première Olympiade constatée (vers 996 av. J.-C.)[2]. Tous les autres récits, au contraire, semblent le représenter comme un frère plus jeune, appartenant à l’autre ligne ou ligné Proklide des rois spartiates, bien qu’ils ne soient pas parfaitement d’accord relativement h son extraction. Tandis que Simonide en faisait le fils de Prytanis, Dieutychidas le disait petit-fils de Prytanis, fils d’Eunomos, frère de Polydektês et oncle aussi bien que tuteur de Charilas, le plaçant ainsi le onzième dans la lignée d’Hêraklês[3]. Aristote adoptait cette dernière donnée, coïncidant, d’après la chronologie reçue, avec la date d’Iphitos l’Eleien, et la première célébration des jeux Olympiques accomplie en commun par Lykurgue et par Iphitos[4], ce qu’Aristote admettait comme un fait. Lykurgue, d’après l’hypothèse mentionnée ici, serait de l’an 880 environ, un siècle avant les Olympiades constatées. Eratosthène et Apollodore le plaçaient un assez grand nombre d’années avant la première Olympiade. S’ils entendaient par là l’époque reconnue comme l’Olympiade d’Iphitos, leur date coïnciderait presque avec- celle d’Hérodote ; si, d’un autre côté, ils entendaient la première Olympiade constatée (776 av. J.-C.), ils ne seraient pas bien éloignés de l’opinion d’Aristote. Timée nous fournit indirectement une preuve non équivoque de la confusion inextricable qui régnait dans l’antiquité relativement à l’époque du grand législateur spartiate : il supposait qu’il avait existé deux personnages du nom de Lykurgue, et qu’on avait attribué à un seul les actions des deux. Il est évident par là qu’on ne pouvait arriver à aucune certitude, même au troisième siècle avant l’ère chrétienne, au sujet de la date ou de la naissance de Lykurgue.

Thucydide, sans mentionner le nom de Lykurgue, nous apprend que ce fut 400 ans et un peu plus avant la fin de la guerre du Péloponnèse[5], que les Spartiates sortirent de leur état précédent de désordre intérieur et désespéré, et entrèrent dans leur politique actuelle. Nous pouvons présumer à bon droit que ces mots font allusion a la discipline et a la constitution de Lykurgue que Thucydide doit ainsi s’être représentées comme introduites vers 830-820 avant J.-C., temps coïncidant à peu prés avec le commencement du règne du roi Têleklos. Autant qu’il est possible de se former une opinion, au milieu de preuves à la fois si chétives et si contradictoires, j’incline à adopter l’opinion de Thucydide quant au temps où la constitution de Lykurgue fut introduite à Sparte. L’état d’eunomie et de bon ordre qu’établissait cette constitution, combiné avec la guérison des grandes séditions intérieures qui avaient régné auparavant et qui avaient contribué beaucoup à affaiblir les Spartiates, cet état, disons-nous, est représenté (et avec beaucoup de plausibilité) comme la grande cause de la carrière victorieuse commençant avec le roi Têleklos, le conquérant d’Amyklæ, de Pharis et de Geronthræ. Il semblerait donc, à défaut d’une preuve meilleure, qu’une date, rattachant le récent aiguillon de la nouvelle discipline au règne de Têleklos, est plus probable qu’une époque quelconque, soit postérieure, soit antérieure[6].

O. Müller, après avoir jeté un regard sur les circonstances étranges et improbables qui nous sont transmises relativement à Lykurgue, fait observer que nous n’avons absolument aucun renseignement sur lui comme individu[7].

Cette remarque est parfaitement juste ; mais une autre remarque que fait le même éminent auteur, au sujet du système de lois de Lykurgue, me paraît erronée et a besoin d’être signalée plus particulièrement, en ce que les corollaires qui en découlent dominent dans une grande partie de son excellente histoire des Doriens. Il affirme que les lois, de Sparte étaient considérées comme les vraies institutions doriennes et que leur origine était identique à celle du peuple : Sparte est à ses yeux le type complet des principes, des tendances, des sentiments doriens, et c’est ainsi qu’elle est considérée dans tout le cours de l’ouvrage[8]. Mais une telle opinion est à la fois gratuite — car le passage de Pindare, cité à l’appui, a à peine quelque valeur — et contraire à tout le caractère des preuves anciennes. Les institutions de Sparte n’étaient pas doriennes ; mais particulières à elle-même[9] : elles la distinguaient non moins d’Argos, de Corinthe, de Megara, d’Epidauros, de Sikyôn, de Korkyra ou de Knidos que d’Athènes ou de Thèbes. La Krête était la seule autre partie de la Grèce où régnassent des institutions analogues à bien des égards, différentes toutefois encore dans ces deux attributs qui constituent la marque réelle et le point saillant de la législation spartiate, à savoir : la discipline militaire et la rigoureuse éducation privée. Il y avait sans doute des Dôriens en Krête, mais nous n’avons rien qui prouve que ces institutions particulières leur appartinssent plus qu’aux autres habitants de l’île. Nous pouvons concevoir sans peine que les Spartiates eussent une organisation et des tendances originales qui leur étaient communes avec les autres Dôriens ; mais la Constitution de Lykurgue leur imprima une tendance particulière qui les mit en dehors du mouvement général et les rendit, de tous les États, le moins propre à être cité comme exemple des attributs spéciaux du dôrisme. Une des causes essentielles qui fit que les institutions spartiates agirent d’une manière si puissante sur l’esprit grec, ce fut leur complète singularité, combinée avec l’ascendant remarquable de l’état où elles parurent ; tandis que les communautés krêtoises, même en admettant leur ressemblance partielle avec Sparte — ressemblance qui consistait surtout dans l’institution des Syssitia, et était tout à fait plutôt dans la forme que dans l’esprit —, ces communautés, disons-nous, étaient trop insignifiantes pour attirer l’attention de personne, si ce n’est des observateurs spéculatifs. C’est donc une erreur de la part de O. Müller de traiter Sparte comme le type et le représentant des Dôriens en général, et un très grand nombre des principes avancés dans son histoire des Dôriens ont besoin d’être modifiés dès qu’on signale cette erreur.

Le premier fait capital à signaler relativement aux institutions attribuées à Lykurgue, c’est la période très reculée à laquelle elles eurent leur commencement : il semble impossible de placer cette époque plus tard que 825 avant J.-C. Nous ne trouvons pas, nous n’avons pas non plus le droit d’attendre de récit digne de foi par rapport à des événements si anciens. Si nous avons un pied sur un terrain historique, en tarit que les institutions elles-mêmes sont réelles, l’autre flotte encore dans la région trompeuse du mythe, quand nous nous efforçons d’en saisir les causes créatrices : le nuage existe encore qui nous empêche de distinguer entre le dieu et l’homme. Le jour sous lequel Lykurgue apparaissait aux yeux d’un Grec intelligent du cinquième siècle avant l’ère chrétienne est représenté d’une manière si claire, bien que brièvement, dans le passage suivant d’Hérodote, que je ne puis mieux faire que de le traduire :

Dans les temps très anciens (fait observer Hérodote) les Spartiates étaient chez eux-mêmes les plus dénués de lois d’entre tous les Grecs et les plus inaccessibles aux étrangers. Ils passèrent à un bon ordre légal de la manière suivante : quand Lykurgue, Spartiate considéré, visita Delphes pour consulter l’oracle, au moment où il entra dans le sanctuaire, la Pythie s’écria :

Tu es venu, Lykurgue, à mon riche autel, chéri de Zeus et de tous les dieux olympiques. Est-ce comme à un dieu ou comme à un homme que je dois m’adresser à toi en esprit ? J’hésite, et cependant, Lykurgue, je penche plutôt à t’appeler un dieu.

(Ainsi parla la Pythie.) De plus, outre ces paroles, quelques-uns affirment que la Pythie lui révéla l’ordre de choses établi maintenant chez les Spartiates. Mais les Lacédæmoniens eux-mêmes disent que Lykurgue, étant tuteur de son neveu Labôtas, roi des Spartiates, introduisit chez eux ces institutions prises à la Krête. Il n’eut pas plus tôt obtenu cette tutelle, qu’il changea toutes les institutions pour leur donner leur forme actuelle, et prit des précautions pour qu’elles ne fussent pas transgressées. Ensuite il constitua les divisions militaires, les enômoties et les triakades, aussi bien que les Syssitia ou repas publics ; il institua aussi en outre les éphores et le sénat. C’est de cette manière que les Spartiates passèrent d’un ordre mauvais à un bon ordre ; ils élevèrent un temple à Lykurgue après sa mort, et ils l’adorent encore révérencieusement. Et comme on pouvait naturellement s’y attendre avec un sol productif et un nombre d’hommes peu considérable, ils prirent immédiatement leur élan en avant et fleurirent tellement qu’ils ne purent se contenter de rester tranquilles dans leurs propres limites, etc.

Tel est le renseignement le plus ancien (venant d’Hérodote) que nous ayons relativement à Lykurgue, et qui lui attribue tout l’ordre de choses dont l’écrivain fut témoin à Sparte. Thucydide aussi, bien qu’il lie mentionne pas Lykurgue, est d’accord avec Hérodote, en disant que le système en usage chez les Lacédæmoniens, tel qu’il la vit, avait été adopté par eux quatre siècles auparavant, les avait arrachés à d’intolérables désordres et les avait conduits à la prospérité et an succès[10]. Hellanicus, dont les écrits précédèrent un peu ceux d’Hérodote, non seulement ne fit pas (plus que Thucydide) mention de Lykurgue, mais il est difficile de croire qu’il ait attaché quelque importance au nom, puisqu’il attribuait la constitution de Sparte aux premiers rois, Eurysthenês et Proklês[11].

Mais les écrivains postérieurs, que Plutarque a surtout compilés pour composer sa biographie, déclarent être beaucoup mieux informés au sujet de Lykurgue et entrent dans plus de détails. Son père, nous dit-on, fut assassiné pendant l’état précédent de licence ; mais son frère allié, Polydektês, mourut de bonne heure, laissant une veuve enceinte, qui proposa à Lykurgue de l’épouser et de devenir roi. Mais Lykurgue, repoussant l’offre avec indignation, attendit la naissance de son jeune neveu Charilas, présenta l’enfant publiquement dans l’agora comme le futur roi de Sparte, et renonça aussitôt à l’autorité qu’il avait exercée provisoirement. Cependant la veuve et son frère Léonidas soulevèrent contre lui des accusations calomnieuses de desseins menaçant la vie du jeune roi, accusations qu’il crut devoir prévenir par une absence temporaire. En conséquence, il quitta Sparte et alla en Krête, où il étudia le gouvernement et les coutumes des diverses cités ; ensuite il visita l’Iônia et l’Égypte et (comme l’affirmaient quelques auteurs) la Libye, l’Ibérie et même l’Inde. Pendant qu’il était en Iônia, il obtint, rapporte-t-on, des descendants de Kreophylos une copie des poèmes homériques qui, jusqu’à cette époque, n’avaient jamais été connus dans le Péloponnèse ; il ne manquait pas d’auteurs, en effet, qui disaient qu’il avait fréquenté Homère lui-même[12].

Pendant ce temps, le jeune roi Charilas grandit et prit le sceptre, comme représentant la famille Proklide ou Eurypontide. Mais les rênes du gouvernement s’étaient relâchées davantage, et les désordres étaient devenus pires que jamais quand revint Lykurgue. Trouvant que les deux rois aussi bien que le peuple étaient las d’une condition si désastreuse, il s’imposa la tâche d’y apporter un remède, et dans cette pensée il consulta l’oracle de Delphes ; il en reçut de vives assurances de l’encouragement divin, avec une ou plusieurs injonctions spéciales (les primitives Rhêtræ de la constitution) qu’il apporta avec lui à Sparte[13]. Puis il se présenta soudainement dans l’agora, avec trente des 4artiatà les plus distingués, tous en armes, comme ses gardes et ses partisans. Le roi Charilas, bien que terrifié d’abord, quand il apprit les desseins de son oncle, s’offrit volontairement pour les seconder ; tandis que la masse des Spartiates se soumit respectueusement au vénérable Hêraklide qui venait comme réformateur chargé d’une mission de Delphes[14]. Telles furent les mesures par lesquelles Lykurgue acquit son ascendant : nous avons maintenant à examiner quel usage il en fit.

Son premier acte, conformément à la Rhêtra ou contrat apporté de Delphes, fut de constituer le sénat spartiate, consistant en vingt-huit vieillards, et formant un agrégat de trente membres, conjointement arec les deux rois qui y siégeaient et y votaient. Avec ce corps furent combinées des assemblées périodiques du peuple spartiate, en plein air, entre la rivière Knakiôn et le pont Babyka. Toutefois la discussion n’était pas permise dans ces assemblées ; leurs fonctions se bornaient simplement à admettre ou à rejeter ce qui avait été auparavant décidé dans le sénat[15]. Telle était la constitution politique spartiate comme la fixa Lykurgue ; mais un siècle après (ainsi le raconte Plutarque), sous les rois Polydôre et Théopompe, il fut fait deux changements importants. Il fut alors attaché à l’antique Rhêtra de Lykurgue une clause additionnelle, en vertu de laquelle il était établi que dans le cas où le peuple déciderait de travers, le sénat avec les rois annulerait ses décisions[16] ; tandis qu’un autre changement, destiné peut-être à servir en quelque sorte de compensation à ce frein imposé à l’assemblée populaire, introduisit dans la composition un nouveau Directoire exécutif composé de cinq hommes, appelés les Éphores. Ce conseil, choisi annuellement, par quelque moyen capricieux dont on ne pouvait pas bien prévoir le résultat, et dont tout citoyen spartiate pouvait faire partie, reçut dans l’origine ou usurpa graduellement des fonctions si étendues et si imposantes, par rapport à l’administration et à la police intérieures, qu’il limita l’autorité des rois et la réduisit à n’être plus guère que le commandement exclusif de la force militaire. Hérodote apprenait à Sparte que les éphores aussi bien que le sénat avaient été constitués par Lykurgue ; mais l’autorité d’Aristote aussi bien que la probabilité intrinsèque du fait sanctionne l’opinion qu’ils ont été ajoutés postérieurement[17].

A prendre la constitution politique de Sparte attribuée à Lykurgue, on voit qu’elle ne différait pas essentiellement de la grossière organisation que présentent les poèmes homériques, où nous trouvons toujours un conseil de chefs ou de vieillards, et par occasion les assemblées d’une agora qui écoutait. Il était difficile de supposer que les rois spartiates pussent jamais avoir gouverné sans quelques formalités de cette espèce ; de sorte que l’innovation, si c’était réellement une innovation attribuée à Lykurgue, doit avoir consisté en quelques nouveaux détails relatifs au sénat et à l’agora, à fixer le nombre[18] trente et les obligations du premier, et la place spéciale d’assemblée de la seconde aussi bien que l’étendue du privilège qu’elle avait à exercer ; consacrant le tout par l’érection des temples de Zeus Hellanios et d’Athênê Hellania. L’idée du sujet tel que le présente Plutarque aussi bien que Platon[19], comme si le sénat était entièrement une nouveauté, ne répond pas aux tableaux de l’ancienne épopée. Le là nous pouvons plus naturellement imaginer que la constitution politique de Lykurgue, abstraction faite des éphores qui y furent ajoutés dans la suite, offre seulement les anciens traits du gouvernement héroïque de la Grèce, définis et régularisés d’une manière particulière. La présence de deus rois coexistants et coordonnés ; en effet, succédant en ligne héréditaire et appartenant tous deux à la gens des Hêraklides, est quelque chose de particulier à Sparte, et dont on ne peut expliquer l’origine qu’en remontant aux deux fils jumeaux d’Aristodêmos, Eurysthenês et Proklês. Ces deux ancêtres primitifs sont un type dei deux lignes des rois spartiates ; car on dit qu’ils ont passé leur vie dans des dissensions perpétuelles, ce qui était l’état habituel des deux rois régnant dans le même temps à Sparte. Si la coexistence de ces rois, égaux en pouvoir et dans une opposition constante entre eux, avait souvent un effet funeste sur le cours des mesures publiques, c’était néanmoins une sécurité pour l’État contre une violence heureuse[20], aboutissant à l’établissement du despotisme de la part de quelque individu ambitieux dans la ligne royale.

Pendant cinq siècles successifs de l’histoire de Sparte, depuis Polydôre et Théopompe, aucun des rois ne tenta de commettre une telle violence[21], jusqu’à l’époque d’Agis III et de Kleomenês III (240 av. J.-C. a 220 av. J.-C.). A l’époque que nous venons de mentionner, l’importance de la Grèce avait décliné sans retour, et l’action politique indépendante qu’elle possédait jadis était devenue subordonnée à la force supérieure soit des montagnards ætoliens (les plus grossiers de ses propres fils) soit des étrangers épirotes, macédoniens et asiatiques, état préparant l’absorption finale par les Romains. Mais, de toutes les cités grecques, Sparte était celle qui avait décliné le plus ; son ascendant était totalement perdu, et son éducation et sa discipline particulières (à qui elle en avait été surtout redevable) avaient dégénéré de toute manière. C’est dans ces fâcheuses circonstances que deux jeunes rois, Agis et Kleomenês, le premier, enthousiaste généreux, le second plus violent et plus ambitieux, conçurent le projet de rétablir la constitution de Lykurgue dans sa pureté primitive supposée, dans l’espérance de faire revivre à la fois l’esprit du peuple et l’ascendant de l’État. Mais la constitution de Lykurgue avait été, même du temps de Xénophon[22], en partie un idéal non complètement réalisé dans la pratique ; encore bien moins était-ce une réalité à l’époque de Kleomenês et d’Agis ; en outre, c’était un idéal que pouvaient colorer l’imagination ou les sentiments de ces réformateurs qui déclaraient et, probablement, croyaient, tendre à son rétablissement véritable. Ce que les rois, dans leur tentative de réforme, trouvaient le plus sur leur chemin, c’était l’autorité sans contrôle et les dispositions conservatrices des éphores, qu’ils mettaient naturellement en contraste avec la plénitude primitive du pouvoir royal, à l’époque où rois et sénat étaient seuls. Entre les diverses manières dont l’idée, que les hommes avaient, de l’ancien état de la constitution primitive fut modifiée par les sentiments de leur propre temps (nous en verrons bientôt quelques autres exemples), il faut probablement compter l’assertion de Kleomenês relativement au premier établissement des éphores. Ce prince affirmait que les éphores n’avaient été dans l’origine rien de plus que des subordonnés et des députés des rois, choisis par eux pour remplir momentanément leurs devoirs pendant la longue absence nécessitée par la guerre Messênienne. Partant de cette humble position, et profitant des dissensions des deux rois[23], ils avaient, avec la suite du temps, et surtout par l’ambition de l’éphore Asterôpos, trouvé moyen d’abord de se constituer en conseil indépendant, ensuite d’usurper et de s’approprier de plus en plus l’autorité royale, jusqu’à ce qu’ils eussent uni par réduire les rois à un état d’humiliation et d’impuissance intolérables. Comme preuve de la relation primitive qui existait entre les rois et les éphores, il faisait allusion à ce qui était en usage à Sparte de son propre temps. Quand les éphores envoyaient chercher l’un des deux rois, ce dernier avait le droit de refuser obéissance à deux appels successifs ; mais il était tenu d’obéir à la troisième sommation[24].

Il est évident que le fait allégué ici par Kleomenês (point curieux dans les coutumes spartiates) ne contribue guère à prouver la conclusion qu’il en tirait quant à la qualité primitive des éphores comme simples députés nommés par les rois. Il est probable qu’ils furent établis pour la première fois à l’époque de la guerre messênienne, et cela coïncide avec le récit qui rapporte que le roi Théopompe était une des parties consentantes à la mesure ; il est également probable que leurs fonctions étaient d’abord comparativement circonscrites et s’étendirent par des empiétements successifs. Mais ils semblent avoir été dès le début un conseil dont l’origine était spécialement populaire, en opposition avec les rois et le sénat. On peut en trouver une preuve dans l’ancien serment, qui était échangé chaque mois entre les rois et les éphores ; le roi jurant en son nom qu’il exercerait ses fonctions royales conformément aux lois établies, les éphores jurant au nom de la cité qu’à cette condition son autorité resterait inébranlable[25]. Ce contrat mutuel, qui probablement formait une partie de la cérémonie pendant les sacrifices mensuels offerts par le roi[26], dura jusqu’à une époque où il doit être devenu une pure formalité, et où le pouvoir des rois avait été longtemps subordonné à celui des éphores. Mais il commença évidemment par être une réalité, quand le roi était le chef prédominant et effectif de l’État, et quand les éphores, revêtus de fonctions particulièrement défensives, servaient de garanties au peuple contre l’abus de l’autorité royale. Platon, Aristote et Cicéron[27] expliquent tous l’institution primitive des éphores comme destinée à protéger le peuple et à restreindre les rois : le dernier les assimile aux tribuns de Rome.

Telles étaient les relations qui avaient existé jadis entre les rois et les éphores, bien que dans des temps postérieurs elles eussent été si complètement renversées, que Polybe regarde les premiers comme essentiellement subordonnés aux seconds, un des devoirs des rois étant, selon lui, de respecter les éphores comme leurs pères[28]. Et tel est sans contredit l’état des choses pendant toute la période mieux connue de l’histoire que nous traverserons ci-après. Les éphores sont les directeurs généraux des affaires publiques[29] et le conseil suprême exerçant le contrôle et tenant en échec toute autre autorité dans l’État, sans aucune limite assignable à leurs pouvoirs. L’ascendant extraordinaire de ces magistrats se montre particulièrement dans ce fait dont parle Aristote, qu’ils s’exemptaient de la discipline publique, au point que l’année de leur charge ou ils se livraient à leurs aises formait un contraste marqué avec les exercices fatigants et le sobre régime communs également aux riches et aux pauvres. Les rois sont réduits à un certain nombre de fonctions spéciales, combinées avec des privilèges en partie religieux, en partie honorifiques : leur attribut politique le plus important, c’est qu’ils sont ex officio généraux des forces militaires dans les expéditions au dehors, Mais même ici nous trouvons le déclin sensible de leur pouvoir. En effet, tandis qu’on apprenait à Hérodote, et tel avait été probablement l’ancien privilège, que le roi pouvait faire la guerre contre qui il voulait, et qu’aucun Spartiate ne pouvait l’en empêcher sous peine de commettre un sacrilège[30], nous verrons dans le cours des époques de cette histoire les mieux connues que ce sont ordinairement les éphores (avec ou sans le sénat et l’assemblée publique) qui décident la guerre ; le roi ne prend le commandement que quand l’armée est mise en marche. Aristote semble considérer le roi spartiate comme une sorte de général héréditaire ; mais, même dans la jouissance de ce privilège, on lui mettait des entraves ; car deux des cinq éphores accompagnaient l’armée, et il paraît qu’il invoqua fréquemment leur pouvoir pour assurer l’obéissance à ses ordres[31].

Les pouvoirs politiques directs des rois étaient ainsi considérablement amoindris ; cependant ils conservaient encore de l’importance sous beaucoup de rapports. Ils possédaient de vastes domaines royaux dans un grand nombre des municipes des Periœki ; ils recevaient à l’occasion de fréquents présents, et quand on offrait des victimes aux dieux, les peaux et d’autres portions leur appartenaient comme casuel[32] ; ils avaient au sénat leurs votes, qui, en cas d’absence., étaient donnés en leur nom par tels des autres sénateurs qui étaient leurs plus proches parents : l’adoption d’enfants recevait son accomplissement formel en leur présence, et ils jugeaient les prétentions contradictoires portées devant les juges pour la main d’une héritière orpheline dont un testament ne réglait pas le sort ; mais, avant tout, ils avaient de profondes racines dans les sentiments religieux du peuple. La prééminence de leur lignage rattachait l’État entier à une paternité divine. Pour eux, les chefs des Hêraklides, ils étaient les donataires spéciaux du sol de Sparte octroyé par les dieux, l’occupation des Dôriens n’étant sanctifiée et bénie par Zeus qu’en vue d’établir les enfants d’Hêraklês dans la vallée de l’Eurotas[33]. Ils représentaient l’État dans ses relations avec les dieux, étant de droit prêtres de Zeus Lacedæmôn (les idées du dieu et du pays se confondant en une seule) et de Zeus Uranios, et offrant les sacrifices mensuels nécessaires pour assurer au peuple la protection du ciel. Bien que des individus pussent parfois être écartés, il ne fallait rien moins qu’une nouvelle révélation divine pour engager les Spartiates à sortir de la lignée pure d’Eurysthenês et de Proklês. En outre, la remarquable cérémonie de deuil qui avait lieu à la mort de chaque roi semble indiquer que les deux familles royales, qui se croyaient achæennes[34] et non dôriennes, étaient considérées comme le grand lien commun d’union entre les trois parties constitutives de la population de la Laconie, les Spartiates, les Periœki et les Ilotes. Non seulement on exigeait, à cette occasion, que deux membres de chaque maison de Sparte parussent couverts d’un sac et de cendres, mais on faisait connaître officiellement la mort du roi dans toutes les parties de la Laconie, et on convoquait à Sparte des députés venant des municipes des Periœki ainsi que des villages des Ilotes, au nombre de plusieurs milliers, pour prendre part aux démonstrations abondantes et publiques de douleur[35] qui duraient pendant dix jours, et qui donnaient aux obsèques funèbres une solennité surhumaine. Nous ne devons pas oublier, en énumérant les privilèges du roi spartiate, que, conjointement avec deux officiers appelés Pythii nommés par lui, il se chargeait des communications entre l’État et le temple de Delphes, et avait la garde des oracles et des prophéties en général. Dans la plupart des États grecs, ces manifestations inspirées étaient gardées précieusement, et consultées en cas de circonstances critiques pour la nation : mais les rapports de Sparte avec l’oracle de Delphes étaient particulièrement fréquents et intimes, et les réponses de la pythie rencontraient une attention plus respectueuse de la, part des Spartiates que de celle de tous les autres Grecs[36]. Les fonctions du roi, comme intermédiaire dans ces relations, en étaient d’autant plus importantes : l’oracle soutenait toujours sa dignité, et souvent même secondait ses projets personnels et clandestins[37].

Appuyé par un respect traditionnel d’une force si grande, un roi spartiate, doué de talent militaire et d’énergie individuelle comme Agésilas, exerçait un ascendant considérable ; mais de tels cas étaient très rares, et dans toute la période historique nous trouverons que le roi n’était qu’une force secondaire, efficace dans des occasions spéciales. Pour des ordres politiques réels, dans les circonstances les plus importantes aussi bien que dans les moindres, le Spartiate s’adresse au conseil des éphores, auquel les citoyens les plus puissants non moins que les plus humbles[38] rendent obéissance avec un degré de précision que rien, si ce n’est la discipline spartiate, n’aurait produit. La police intérieure et les affaires étrangères de l’Etat sont entre les mains des éphores, qui exercent une autorité approchant du despotisme, sans aucune espèce de responsabilité. Ils désignent et dirigent le corps des trois cents citoyens jeunes et actifs, qui faisait le service immédiat de police de la Laconie ; ils cassent à volonté tout fonctionnaire subordonné et infligent une amende ou une saisie arrêt, selon leur bon plaisir ; ils assemblent les forcés militaires, à l’occasion d’âne guerre étrangère, et en déterminent la destination, bien que le roi en ait le commandement réel : ils emprisonnent sur un soupçon même le régent ou le roi lui-même[39] ; ils siègent comme juges, parfois individuellement et parfois comme conseil, pour des actes et des plaintes de grande importance, et ils jugent sans être entravés pare des lois écrites dont l’usage était péremptoirement interdit par une Rhêtra spéciale[40], rattachée par erreur à Lykurgue lui-même, mais ancienne en tout cas. Dans certaines occasions d’une importance particulière ils prennent l’avis du sénat et de l’assemblée publique[41] ; telle paraît avoir été l’habitude dans les questions de guerre et de paix. Il semble cependant que des personnes accusées d’homicide, de trahison ou de crime capital en général, étaient jugées devant le sénat. Nous lisons plusieurs exemples qui nous montrent les rois jugés’ et frappés de sévères amendes, leurs maisons condamnées à être’ rasées jusqu’au sol, probablement par le sénat sur la proposition des éphores : une fois, il semble que les éphores, de leur propre autorité, infligèrent une amende même à Agésilas[42].

La guerre et la paix paraissent avoir été soumises, dans la plupart des occasions, sinon dans toutes, au sénat et à l’assemblée publique ; aucune question ne pouvait arriver à la dernière avant d’avoir passé par le premier. Et nous trouvons quelques occasions en petit nombre dans lesquelles la décision de l’assemblée publique était une expression réelle d’une opinion, efficace quant au résultat, comme par exemple, l’assemblée qui précéda immédiatement et décida la guerre dit Péloponnèse. Ici, outre les hasards sérieux que présentait ce cas, outre la prudence générale, attribut du caractère spartiate, il y avait la grande autorité et l’expérience du roi Archidamus qui s’opposaient à la guerre, bien que les éphores y fussent favorables[43]. L’assemblée publique, dans ces circonstances particulières, manifesta réellement une opinion, et en vint à une division. Mais dans la plupart des cas, elle semble n’avoir été rien de, plus qu’une formalité inefficace. La règle générale ne permettait pas de discussion ouverte, et aucun simple citoyen ne pouvait non plus parler qu’avec une autorisation spéciale des magistrats. Peut-être même, la liberté générale de discuter, si elle eût été donnée, aurait pu ne servir à rien ; car à Sparte non seulement on n’avait pas le pouvoir de parler en public, mais on n’avait pas l’habitude de débattre les mesures publiques rien ne caractérisait mieux le gouvernement que l’extrême secret de ses actes[44]. Les propositions présentées par les magistrats étaient ou acceptées ou rejetées, sans qu’il fût permis de les amender. Il ne pouvait y avoir d’attrait qui engageât le citoyen à assister à une telle assemblée ; et nous pouvons conjecturer d’après les paroles de Xénophon que, de son temps, elle consistait seulement en un certain nombre de notables convoqués spécialement, outre le sénat, corps qui lui-même est appelé la petite ekklêsia[45]. En effet, la constante et effrayante diminution que subit le nombre des citoyens ayant droit de l’être suffisait seule pour diminuer le nombre de ceux qui assistaient à l’assemblée, aussi bien que pour abattre toute force imposante qu’elle avait pu jadis posséder.

Une assemblée dans de telles conditions, bien qu’elle fût toujours conservée comme une formalité, et que son consentement fût indispensable dans des questions importantes et pour qu’une loi passât (ce qui toutefois semble s’être présenté bien rarement à Sparte), une telle assemblée, disons-nous, ne pouvait être en pratique qu’un bien faible obstacle à l’administration des éphores. Le sénat, corps permanent avec les rois y compris, était le seul frein réel qui modérât leur pouvoir, et il doit avoir été dans une certaine mesure un corps concourant au gouvernement, bien que le langage élevé et imposant, dont se servent Démosthène et Isocrate pour parler de sa suprématie politique, dépasse de beaucoup ce qui était en réalité. Sa fonction la plus importante était celle de cour de justice criminelle, devant laquelle était traduit tout homme mis en jugement pour crime capital[46]. Mais, dans l’accomplissement de ce devoir ainsi que des autres dont ils étaient chargés, nous trouvons les sénateurs aussi bien que les rois et les éphores accusés de corruption et de vénalité[47]. Comme ils n’étaient pas nommés avant soixante ans et qu’ensuite ils gardaient leur charge toute leur vie, flous pouvons croire sans peine que quelques-uns d’entre eux continuaient de les exercer après le temps de l’extrême vieillesse qui rend l’homme incapable, ce qui, bien que toléré sans doute par les Lacédæmoniens, grâce au respect extraordinaire qu’ils avaient pour la vieillesse, ne pouvait manquer de diminuer l’influence du corps comme élément concourant au gouvernement.

La brève esquisse donnée ici du gouvernement spartiate montrera que, bien que les théoriciens grecs trouvassent de la difficulté a déterminer dans quelle classe ils le rangeraient[48], c’était en substance une oligarchie compacte, sans scrupule et bien obéie, renfermant en elle, comme subordonnées, ces portions qui avaient dominé jadis, les rois et le sénat, et adoucissant l’odieux, sans diminuer le mal du système, par son changement annuel d’éphores qui gouvernaient. Nous devons en même temps distinguer le gouvernement de la discipline et dé l’éducation de Lykurgue, qui tendaient sans doute à égaliser le riche et le pauvre, sous le rapport de la vie, des habitudes et des jouissances pratiques. Hérodote (et vraisemblablement aussi Xénophon) pensait que la forme que nous venons d’exposer était celle que le gouvernement avait reçue dans l’origine de la main de Lykurgue. Or, bien qu’il y ait de bonnes raisons pour supposer qu’il en était autrement, et pour croire que les éphores furent une addition postérieure, cependant ce seul fait, qu’Hérodote reçut ce renseignement a Sparte, attire notre attention : sur un attribut important de la politique spartiate, qu’il est a propos d’exposer. Cet attribut, c’est sa stabilité sans égale pendant quatre ou cinq siècles successifs, au milieu de gouvernements tels que ceux de la Grèce, qui tous avaient éprouvé plus ou moins de fluctuation. Aucune révolution considérable, pas même de changement palpable ou formel, n’y survint depuis le temps de la guerre Messênienne jusqu’à l’époque d’Agis III. Malgré le coup irréparable que portèrent au pouvoir et au territoire de l’État Épaminondas et les Thêbains, la forme du gouvernement resta néanmoins intacte. C’était le seul gouvernement en Grèce qui pût suivre une transmission paisible et non interrompue a partir d’une haute antiquité et depuis son fondateur réel ou supposé. Or, c’était là une d’es principales circonstances (parmi d’autres qui seront mentionnées ci-après) de l’ascendant étonnant que les Spartiates acquirent sur l’esprit hellénique et que, comme on le verra, ils ne méritaient pas par une capacité supérieure dans la conduite des affaires. La fermeté de leurs sympathies politiques, manifestée à un moment par la déposition des tyrans ou (les despotes, à un autre par le renversement des démocraties, tenait lieu de capacité, et même l’es fautes reconnues de leur gouvernement étaient souvent couvertes, par le sentiment de respect qu’inspiraient ses antiques commencements et sa durée non interrompue. Si un tel sentiment agissait sur les Grecs en général[49], son action était beaucoup plus puissante sur les Spartiates eux-mêmes en enflammant cette disposition hautaine et exclusive qui les distinguait. Et il est à remarquer que l’esprit spartiate continua plus longtemps que celui de la plupart des autres peuples de la Grèce, d’être jeté dans le moule des antiques usages et de repousser des influences capables de le rendre moderne. L’ancienne foi légendaire, et la soumission dévouée à l’oracle de Delphes, se conservèrent chez eut sans être affaiblies, à une époque où diverses influences les avaient minées considérablement chez leurs frères Hellênes et chez leurs voisins. Mais bien que le nom et les formes du gouvernement, toujours les mêmes, contribuassent à son effet imposant, tant au dedans qu’au dehors, les causes d’une décadence intérieure n’en agissaient pas moins réellement, en minant son action efficace. Nous avons déjà dit que le nombre des citoyens ayant droit à ce titre allait toujours en diminuant, et dans ce nombre diminué une proportion plus grande qu’auparavant était pauvre, depuis que la propriété foncière tendait constamment à se concentrer dans moins de mains. De cette manière il se forma un corps de mécontents qui n’avait pas existé dans l’origine, tant parmi les citoyens plus pauvres que parmi ceux, qui avaient perdu leur droit comme citoyens ; et ainsi fut aggravé le danger qui menaçait de la part des Periœki et des Ilotes, dont il sera parlé tout à l’heure.

Nous passons de la constitution politique de Sparte aux classes et à la distribution civiles, au-, relations économiques, et en dernier lieu au système particulier d’habitudes, d’éducation et de discipline, que Lykurgue, dit-on, établit chez les Lacédæmoniens. Ici encore nous nous trouvons avec des renseignements imparfaits quant aux institutions existantes, et au milieu de la confusion, lorsque nous essayons d’expliquer comment naquirent ces institutions.

Il semble cependant constaté que tous les Dôriens, dans tous leurs établissements, se divisaient en trois tribus, les Hylleis, les Pamphyli et les Dimanes ; de plus, dans toutes les cités doriennes, il y avait des familles hêraklides distinguées dans lesquelles on choisissait des œkistes quand on formait de nouvelles colonies. On peut retrouver ces trois tribus à Argos, d Sikyôn, à Epidauros, à Trœzên, à Megara, à Korkyra, et vraisemblablement aussi à Sparte[50]. Les Hylleis reconnaissaient comme éponyme et comme premier père Hyllos, fils d’Hêraklês, et par conséquent croiraient descendre d’Hêraklês lui-même : nous pouvons supposer que les Hêraklides, appelés spécialement ainsi, comprenant les deux familles royales, avaient été les aines de la tribu des Hylleis, dont l’ensemble est quelquefois désigné par Hêraklides ou descendants d’Hêraklês[51]. Mais il semble qu’il y a eu aussi à Sparte, comme dans d’autres villes doriennes, des habitants non doriens, séparément de ces trois tribus et incorporés dans des tribus qui leur étaient particulières. L’une de ces dernières, les Ægeides, venus, dit-on, de Thèbes comme alliés des envahisseurs dôriens, est nommée par Aristote, Pindare et Hérodote[52] ; tandis que les Ægialeis à Sikyôn, la tribu Hyrnêthia à Argos et à Epidauros, et d’autres à Corinthe dont nous ne connaissons pas les noms, représentent également les portions non dôriennes de leurs communautés respectives[53]. A Corinthe le nombre total des tribus était, dit-on, de huit[54]. Mais à Sparte, bien que nous paraissions reconnaître l’existence des trois tribus dôriennes, flous ne savons pas combien«il y avait de tribus en tout ; encore moins savons-nous dans quelle relation les Obæ ou Obês, autre division subordonnée du peuple, étaient vis-à-vis des tribus. Dans l’ancienne Rhêtra de Lykurgue il est ordonné que les tribus et les Obês soient conservés sans changement : mais ce qu’avancent O. Müller et Bœckh[55], qu’il y avait trente Obês en tout, dix pour chaque tribu, n’a pas d’autre preuve qu’une ponctuation particulière de cette Rhêtra, rejetée par divers autres critiques, et vraisemblablement à juste titre. Nous restons ainsi sans aucun renseignement relativement à l’Obê, bien que nous sachions que c’était une division antique, particulière et durable dans le peuple de. Sparte, puisqu’elle se rencontre dans la plus ancienne Rhêtra de Lykurgue, aussi bien que dans des inscriptions récentes à la date de l’empire romain. Dans des inscriptions semblables et dans le récit de Pausanias, il est cependant reconnu une classification de Spartiates distincte et indépendante des trois anciennes tribus dôriennes, et fondée sur les divers quartiers de la cité, Limnae, Mesoa, Pitanê et Kynosura[56] ; c’est de l’une de ces quatre divisions qu’était tirée la définition ordinaire d’un Spartiate du temps d’Hérodote. Il y a lieu de supposer que les anciennes tribus dôriennes tombèrent en désuétude à Sparte (comme cela arriva pour des quatre tribus ioniennes à Athènes), et que la classification locale dérivée des quartiers de la ville en prit la place, ces quartiers ayant été originairement les villages séparés de l’agrégat dont Sparte était composée[57]. Il est assez probable que le nombre de trente des vieux sénateurs se rattachait aux trois tribus dôriennes, chacune d’elles fournissant dix membres, bien qu’il n’y ait pas de preuve de ce fait.

On reconnaît trois divisions principales dans la population de la Laconie, les Spartiates, les Periœki et les Ilotes. La première des trois,se composait de citoyens qui avaient tous les droits pour l’être, vivaient dans Sparte, même, répondaient è, toutes les exigences de la discipline de Lykurgue, payaient leur quote-part aux Syssitia ou repas publics, et étaient seuls éligibles aux honneurs ou aux charges publiques[58]. Ces hommes n’avaient ni le temps ni le goût de se livrer même à la culture de la terre, encore moins au commerce ou au travail manuel : de telles occupations ne s’accordaient pas avec les exercices prescrits, si même elles n’avaient été positivement interdites. Ils tiraient leur subsistance des terres qui entouraient la cité, et de la partie considérable de la Laconie qui leur appartenait, le sol étant labouré pour eux par les Ilotes, qui semblent leur avoir payé une proportion déterminée du produit : dans quelques cas du moins, même une moitié[59]. Chaque citoyen conservait la qualification et la transmettait à ses enfants, à deux conditions : d’abord de se soumettre à la discipline prescrite ; ensuite de payer chacun sa quote-part stipulée pour les repas publics, qui n’avaient pas d’autres ressources que ces contributions individuelles. La multiplication des enfants dans les familles plus pauvres, après que les acquisitions de nouveaux territoires eurent cessé, augmenta continuellement, ainsi que le nombre et la proportion des citoyens qui n’étaient pas en état de remplir la seconde de ces conditions, et qui en conséquence perdaient leur privilège : de sorte qu’il s’éleva vers la fin de la guerre du Péloponnèse une distinction entre les Spartiates eux-mêmes, inconnue dans les temps antérieurs ; le nombre réduit des citoyens jouissant de tous leurs droits étant appelés les Égaux ou Pairs, les pauvres privés de leurs privilèges, les Inférieurs. Ces derniers, quoique dépouillés ainsi de leurs droits, n’en devenaient pas pour cela periœki ; il leur était encore probablement permis de reprendre leur qualification, si quelque hasard favorable les mettait à même de fournir leur contingent aux repas publics.

Le Periœkos était aussi un homme libre et un citoyen, non de Sparte, mais de quelqu’un des cent municipes de la Laconie[60]. Ils recevaient, lui et la communauté à laquelle il appartenait, leurs ordres de Sparte, n’ayant pas de sphère politique propre, ni aucune part dans la détermination des mouvements des autorités spartiates. Dans l’île de Kythêra[61], qui formait un des municipes des Periœki, il résidait un bailli spartiate en qualité d’administrateur. Mais en était-il de même dans les autres, c’est ce que nous ne pouvons affirmer ; il n’est pas non plus sans danger de conclure de l’un de ces municipes à tous ; il peut y avoir eu des, différences considérables dans la manière d’agir avec les uns et les autres. Car ils étaient disséminés sur tout le territoire de la Laconie, quelques-uns voisins de Sparte et quelques autres éloignés d’elle : les habitants libres d’Amyklæ doivent avoir été Periœki, aussi bien que ceux de Kythêra, de Thuria, d’Ætheia, ou d’Aulôn ; nous ne pouvons pas non plus supposer que les autorités spartiates eussent à l’égard de tous les mêmes sentiments. Entre les Spartiates et leurs voisins, les nombreux Periœki d’Amyklæ, il a dû exister un degré de commerce et de relations mutuelles où n’avaient point part les Periœki plus éloignés, outre que les édifices religieux et les fêtes d’Amyklæ étaient adoptés de la manière la plus respectueuse par les Spartiates et élevés jusqu’au rang d’objets nationaux ; et nous croyons apercevoir, dans quelques occasions, un degré de considération manifesté en faveur des Hoplites Amyklæens[62], tel que peut-être d’autres Periœki ne l’auraient pas obtenu. Le nom de la classe, Periœki[63], résidant autour de la cité, indiquait ordinairement des habitants nés dans l’endroit, de condition politique inférieure, en tant que comparés aux bourgeois de la ville jouissant de privilèges complets, mais il ne marquait aucun degré précis ou uniforme d’infériorité. Il est quelquefois employé ainsi par Aristote dans le sens d’une condition nullement meilleure que celle des Ilotes, de sorte que, dans une acception large, tous les habitants de la Laconie (Ilotes aussi bien que le reste) pourraient y avoir été compris. Mais quand il est employé par rapport à la Laconie, il a un sens technique qui le met en opposition avec le Spartiate d’un côté et avec l’Ilote de l’autre ; il signifie des hommes libres et des propriétaires indigènes groupés en communautés subordonnées[64] avec un pouvoir plus ou moins grand d’administration locale, mais — comme les villes sujettes appartenant à Berne, à Zurich et à la plupart des treize anciens cantons de la Suisse — incorporés dans l’agrégat lacédæmonien, qui était gouverné exclusivement par les rois, le sénat et les citoyens de Sparte.

Quand nous en viendrons à décrire la démocratie d’Athènes après la révolution de Kleisthenês, nous verrons les dêmes, ou municipes et villages locaux de l’Attique, incorporés comme fractions égales et constitutives du tout appelé le dême (ou la cité) d Athènes, de sorte qu’un dêmotês d’Acharnæ ou de Sphêttos est en même temps complètement citoyen athénien. Mais les municipes des Periœki sont vis-à-vis de Sparte dans un rapport d’inégalité et d’obéissance, bien qu’ils appartiennent comme elle au même agrégat politique, et composent avec elle la libre communauté lacédæmonienne. C’est ainsi qu’Orneæ et autres lieux étaient des municipes d’hommes personnellement libres, mais dépendant politiquement d’Argos, Akrœphiæ de Thèbes, Chæroncia d’Orchomenos, et diverses villes thessaliennes de Pharsalos et de Larissa[65]. Cette condition entraînait avec elle un sentiment de dégradation, et une négation pénible de cette autonomie dont chaque communauté grecque était avide[66] ; tandis qu’étant maintenue par une force supérieure, elle avait une tendance naturelle, peut-être sans le vœu réfléchi de la cité dominante, à dégénérer en une oppression pratique. Mais outre cette tendance générale, l’éducation particulière d’un Spartiate, tout en lui donnant de la force, du courage et une précision militaire, était en même temps si rigoureusement particulière, qu’elle le rendait dur, peu accommodant et incapable de sympathiser avec la marche ordinaire du sentiment grec, pour ne riels dire de la rapacité et de l’amour de l’argent, qui, d’après de bonnes preuves, appartenaient au caractère spartiate[67], et que nous ne devions guère nous attendre à trouver dans les disciples de Lykurgue. Comme Harmostes hors de leur ville natale[68], et dans les relations avec des inférieurs, les Spartiates semblent avoir été plus impopulaires que d’autres Grecs, et nous pouvons supposer qu’une semblable rudesse hautaine dominait dans leurs ‘procédés à l’égard de leurs propres Periœki, qui ne leur étaient certainement attachés par aucun lien d’affection, et qui se révoltèrent pour la plupart après la bataille de Leuktra, aussitôt que l’invasion de la Laconie par Epaminondas leur permit de le faire sans danger.

Isocrate, prenant l’antique légende Hêraklide pour point de départ, avec sa conquête instantanée et son triple partage de tout le Péloponnèse dôrien entre les trois frères Hêraklides, attribue la première origine des municipes des Periœki à des séditions intérieures survenues parmi les conquérants de Sparte. Selon lui, la période qui suivit immédiatement la conquête fut un temps de violente lutte intestine dans Sparte nouvellement conquise, entre :le petit et le grand nombre, l’oligarchie et le dêmos. La première étant victorieuse, deux importantes mesures furent les conséquences de sa victoire. Elle bannit le grand nombre après sa défaite et le refoula de Sparte en Laconie, conservant la résidence à Sparte exclusivement pour elle-même ; elle lui assigna la partie la moins importante et la moins fertile de la Laconie, monopolisant pour elle la plus grande et la meilleure ; et elle le dissémina dans une foule de très petits municipes ou petites communautés subordonnées, tandis qu’elle se concentrait entièrement à Sparte. À ces précautions prises pour assurer sou empire elle en ajouta une autre non moins importante. Elle établit parmi ses propres citoyens spartiates une égalité de privilège légal et de gouvernement démocratique, de manière à avoir les plus grandes garanties pour la concorde intérieure ; concorde, qui, d’après l’opinion d’Isocrate, avait été trop réellement perpétuée, puisqu’elle mit les Spartiates en état de compléter leur domination sur 1a Grèce opprimée, semblables à des pirates[69] qui s’entendent pour dépouiller des gens pacifiques. Les municipes des Periœki (nous dit-il), bien que privés de tous les privilèges d’hommes libres, étaient exposés à toutes les fatigués, aussi bien qu’à un partage injuste des dangers de la guerre. Les autorités spartiates les mettaient dans des postes ou les engageaient dans des entreprises qui, à leurs yeux, offraient trop de dangers pour leurs propres citoyens ; et ce qui est pis encore, les éphores avaient le pouvoir de mettre à mort, sans aucune forme de jugement préliminaire, autant de Periœki qu’ils le voulaient[70].

Le renseignement fourni ici par Isocrate, relativement à la première origine de la distinction établie entre les Spartiates et les Periœki, n’est rien de plus qu’une conjecture ; ce n’est pas même une conjecture probable, puisqu’elle a pour base la vérité historique de l’antique légende hêraklide, et qu’elle transporte les disputes qui avaient lieu du propre temps de l’auteur entre l’oligarchie et le dêmos à une ancienne période à laquelle n’appartiennent pas de telles disputes. Il n’y a non plus rien, aussi loin que s’étend notre connaissance de l’histoire grecque, qui appuie ce qu’il avance, à savoir, que les Spartiates se réservaient le poste le moins dangereux dans le combat, et exposaient indûment les Periœki au péril. Une si lâche combinaison n’était pas parmi les péchés de Sparte ; mais il est vrai sans aucun doute que, comme le nombre des citoyens diminuait continuellement, les Periœki en vinrent à constituer, dans les temps postérieurs, une proportion de plus en plus considérable de l’armée spartiate. Toutefois, quant au pouvoir dont , suivant Isocrate, les éphores étaient investis, de mettre les Periœki à mort sans jugement préliminaire, nous pouvons pleinement croire qu’il était réel et qu’il fut exercé aussi souvent que l’occasion sembla l’exiger. Nous mentionnerons tout à l’heure la manière dont ces magistrats agissaient avec les Ilotes, et nous verrons d’amples raisons pour conclure de là que, toutes les fois que les éphores jugeaient un homme quelconque dangereux pour la pair publique, soit un Spartiate inférieur, soit un Periœkos, soit un Ilote, le mode le plus sommaire de se débarrasser de lui était ordinairement considéré comme le meilleur. A l’égard des Spartiates de distinction et d’un rang élevé, ils étaient sans doute prudents et mesurés dans l’application de la peine ; mais la même nécessité d’être circonspects n’existait pas à l’égard des classes inférieures ; en outre, le sentiment des exigences de la justice, réclamant un jugement équitable avant que la punition fût infligée, appartient aux associations athéniennes beaucoup plus qu’aux Spartiates. Quant au nombre de fois que de telles exécutions sommaires eurent lieu ; nous ne savons rien sur ce point.

Nous pouvons faire remarquer que le récit qu’a fait ici Isocrate de l’origine des Periœki laconiens n’est pas essentiellement inconciliable avec celui d’Éphore[71], qui racontait que Eurysthenês et Proklês, lors de la première conquête de la Laconie, avaient accordé à la population préexistante des droits égaux à ceux des 136Éiens, mais qu’Agis, fils d’Eurysthenês, l’avait privée de cette position égale et l’avait réduite à l’état de sujets défendant des derniers. Les deux récits du moins s’accordent également, en supposant que les Periœki avaient joui jadis d’une position meilleure, dont ils avaient été dépossédés par la violence. Et la politique qu’Isocrate attribue lux oligarques spartiates victorieux, consistant à faire abandonner au dêmos une résidence concentrée dans la cité pour prendre une résidence disséminée dans une foule de municipes séparés et insignifiants, semble être l’expression de ce procédé élut, de son temps, était mis au nombre des précautions les plus efficaces contre des sujets rebelles — la Diœkisis, ou l’agrégat dune ville brisé et réduit à l’état de v1’llages. Nous ne pouvons assigner à ce renseignement aucune autorité historique[72]. En outre, la division de la Laconie en six districts, et sa distribution en municipes (ou distribution des colons dans les municipes préexistants), qu’Éphore attribuait aux premiers rois doriens, sont toutes des conséquences du récit légendaire primitif, qui représentait la conquête dorienne comme achevée d’un seul coup, et doivent être rejetées, si nous supposons qu’elle fut achevée graduellement. Cette conquête graduelle est admise par 0. Müller et par un grand nombre des plus habiles investigateurs postérieurs qui, néanmoins, semblent avoir la supposition contraire involontairement présente à l’esprit, quand ils commentent l’ancienne histoire de Sparte, et, toujours sans en avoir conscience, conçoivent les Spartiates comme maîtres de toute la Laconie. Nous ne pouvons pas même affirmer que tout ce pars ait jamais été sous un seul gouvernement avant l’achèvement des conquêtes successives de Sparte.

Quant à l’assertion de O. Müller, répétée par Schoemann[73], que la différence de races était strictement conservée, et que les Periœki étaient toujours considérés comme Achæens ; je ne trouve pas de preuve sur ce point, et je la crois erronée. Relativement à Pharis, à Geronthræ et à Amyklæ, trois villes des Periœki, Pausanias nous donne à entendre que les habitants préexistants furent chassés assez longtemps après la conquête dôrienne, et remplacés par une population dôrienne[74]. Sans ajouter beaucoup de foi à ce renseignement, a l’appui duquel Pausanias ne pouvait guère avoir de bonnes autorités, nous pouvons toutefois l’admettre comme représentant ce que le cas a de probable et comme contrebalançant l’hypothèse dénuée de preuve de Mailler. Les municipes des Periœki étaient composés, soit entièrement de Doriens, soit de Dôriens incorporés en proportion plus ou moins grande avec les habitants préexistants. Mais quelque différence de race qui ait pu jadis exister, elle fut effacée avant les temps historiques[75], pendant lesquels nous, ne trouvons en Laconie aucune preuve d’Achæens connus comme tels. Les Hêraklides, les Ægides, les Talthybiades, appartenant tous à Sparte, semblent être les seuls exemples de races séparées (qu’on peut partiellement distinguer des Dôriens) connues après le commencement de l’histoire authentique. Les Spartiates et les Periœki constituent un seul agrégat politique, et ce fait aussi entra si complètement dans l’opinion générale (en parlant des temps qui précèdent la bataille de Leuktra) que la paix d’Antalkidas, qui garantissait l’autonomie de chaque cité grecque séparée, ne fut jamais interprétée de manière à détacher de Sparte les villes des Periœki. Ils sont également connus comme Laconiens ou Lacédæmoniens, et Sparte est regardée par Hérodote seulement comme la première et la plus brave parmi les cités nombreuses et braves des Lacédæmoniens[76]. Les vainqueurs à Olympia sont proclamés, non comme Spartiates, mais comme Laconiens, titre également porté par les Periœki. Et bien des noms parmi les nombreux vainqueurs que nous trouvons dans les listes olympiques comme Laconiens peuvent probablement avoir appartenu à Amyklæ ou à d’autres villes periœkiennes.

Les hoplites periœkiens constituèrent toujours une proportion numérique considérable et prépondérante de l’armée lacédæmonienne dans les temps postérieurs, et doivent sans aucun doute avoir été exercés, plus ou moins parfaitement, à la tactique militaire particulière à Sparte, puisqu’ils étaient appelés à obéir aux mêmes ordres que les Spartiates en campagne[77] et à accomplir les mêmes évolutions. On rencontre quelques cas, bien que rarement, où un periœkos a un commandement élevé dans une expédition étrangère. Du temps d’Aristote, la portion la plus considérable de la Laconie — signifiant alors seulement la contrée située à l’est du Têygetês, depuis que la fondation de Messênê par Epaminondas avait été achevée — appartient à des citoyens spartiates[78] ; mais la plus petite portion qui restait doit avoir été la propriété des Periœki, qui doivent avoir exercé la plus grande partie du commerce d’exportation et d’importation, de l’exploitation métallurgique et de la distribution des produits intérieurs que présentait le territoire, puisque ,jamais un Spartiate ne se livrait à de pareilles occupations. Et ainsi l’éducation particulière de Lykurgue, en les mettant toutes entre les mains des Periœki, leur ouvrait une nouvelle source d’importance dont ne jouissaient pas ordinairement les municipes d’Argos, de Thèbes ou d’Orchomenos.

Les Ilotes de Laconie étaient colons ou serfs attachés au sol qu’ils labouraient au profit des propriétaires spartiates certainement, probablement aussi des propriétaires periœkiens. Ils formaient la population rustique du pays, qui, habitait, non dans des villes, mais soit dans de petits villages[79], soit dans des fermes détachées, à la fois dans le district entourant immédiatement Sparte, et aussi autour des villes laconiennes des Periœki. Naturellement, il y avait aussi des Ilotes qui vivaient à Sparte et dans d’autres villes, et faisaient l’office d’esclaves domestiques, mais tel n’était pas le caractère général de cette classe. Nous ne pouvons douter que la conquête dôrienne partie de Sparte n’ait trouvé cette classe dans la condition de villageois et de paysans vivant isolément ; mais dépendaient-ils de propriétaires achæens préexistants, ou étaient-ils indépendants comme une grande partie de la population villageoise dé l’Arkadia, c’est là une question à laquelle nous ne pouvons répondre. Dans l’un ou l’autre cas cependant, il est facile de concevoir que les terres des villages (avec les cultivateurs qu’elles portaient) étaient les plus aisées à approprier au profit de maîtres résidant à Sparte ; tandis que les villes, avec le district placé immédiatement autour d’elles, fournissaient à la fois habitation et nourriture aux détachements avancés des Dôriens. Si les Spartiates avaient réussi dans la tentative qu’ils firent pour agrandir leur territoire par la conquête de l’Arkadia[80], ils auraient très probablement pu convertir Tegea et Mantineia en villes periœkiennes, avec un territoire amoindri habité (soit entièrement, soit en partie) par des colons dôriens, tandis qui ils auraient transféré à des propriétaires résidant à Sparte une grande partie des campagnes des Mænalii, des Azanes et des Parrhasii, en en réduisant les habitants à la condition d’Ilotes. La distinction entre une population de ville et une population de village semble être la principale cause de la différence dans la manière dont les Periœki et les Ilotes étaient traités en Laconie. Une proportion considérable des Ilotes étaient de pitre race dôrienne, étant les Messêniens Dôriens à l’ouest du mont Têygetês, conquis dans la suite et réunis à cette classe de cultivateurs dépendants qui, comme classe, doivent avoir commencé à exister dès le premier établissement même des envahisseurs dôriens dans le district qui entourait Sparte. Nous ne pouvons établir clairement l’origine du nom d’Ilotes : Éphore le tirait de la ville de Helos, sur la côte méridionale, que les Spartiates avaient prise, dit-on, après une résistance si opiniâtre qu’elle les poussa à traiter les captifs avec une extrême rigueur. Il y a bien des raisons poux rejeter ce récit, et on a proposé une autre étymologie d’après laquelle Ilote est synonyme de captif : ce qui est plus plausible, sans toutefois encore être convaincant[81]. Les Ilotes vivaient dans les villages ruraux comme ascripti glebœ, cultivant leurs terres et payant leur redevance au maître à Sparte, mais ayant leurs maisons, leurs épouses, leurs familles, les sentiments mutuels de voisinage loin des yeux du maître. Ils n’étaient jamais vendus hors du pays, et probablement on ne les vendait jamais ; en effet, ils appartenaient moins au maître qu’à l’Etat, qui constamment lés appelait pour le service militaire et récompensait leur bravoure et leur activité par le don de la liberté. Meno le Thessalien de Pharsalos prit trois cents Penestæ parmi ceux qui lui appartenaient pour secourir les Athéniens contre Amphipolis : ces Penestæ Thessaliens étaient sous beaucoup de rapports analogues aux Ilotes, mais aucun Spartiate ne possédait individuellement le même pouvoir sur ces derniers. Les Ilotes étaient ainsi une partie de l’État, ayant leurs sympathies domestiques et sociales développées, le pouvoir dans une certaine mesure d’acquérir une propriété[82], et la conscience d’être Grecs d’origine et de langage, points de supériorité marquée sur les étrangers qui formaient la population des esclaves à Athènes et à Chios. Ils semblent n’avoir été nullement inférieurs à aucune population de village en Grèce ; tandis que l’observateur grec avait une plus forte sympathie pour eux que pour les esclaves achetés d’autres États, sans rappeler que leur aspect homogène, leur nombre et l’emploi qu’on faisait d’eux pour le service militaire, les mettaient plus en vue.

Le service dans la maison d’un Spartiate était tout entier accompli par des membres de la classe des Ilotes ; car il semble qu’il y a eu peu d’autres esclaves dans le pays, s’il y en a eu. Les diverses anecdotes que l’on raconte relativement à la manière dont on les traitait à Sparte marquent moins de cruauté que de mépris plein de faste[83], sentiment que nous ne sommes nullement surpris de découvrir parmi les citoyens prenant place à la table commune. Plais la grande masse des Ilotes qui habitaient à la campagne étaient l’objet d’un sentiment bien, différent de la part des éphores spartiates, qui connaissaient leur bravoure, leur énergie et leur mécontentement constant, et cependant étaient forcés de les employer comme portion essentielle 4e l’armée de l’État. Les Ilotes servaient communément comme troupes légères, qualité dont les hoplites spartiates ne pouvaient dispenser leur suite. A la bataille de Platée, chaque hoplite spartiate avait sept Ilotes[84], et chaque hoplite periœkos un seul Ilote pour le servir[85] ; mais, même dans le camp, les Spartiates prenaient leurs mesures pour se tenir en garde contre quelque mutinerie soudaine de ces compagnons armés à la légère, tandis qu’à l’intérieur le citoyen tenait habituellement son bouclier séparé de son anneau pour prévenir la possibilité qu’il fût saisi dans un but semblable. Quelquefois des Ilotes choisis étaient revêtus de pesantes armures et servaient ainsi dans les rangs, recevant de l’État l’affranchissement comme récompense d’une bravoure, distinguée[86].

Mais Sparte, même à l’apogée de sa puissance, fut plus d’une fois mise en danger par la réalité, et toujours assiégée par la crainte, d’une révolte d’Ilotes. Pour la prévenir ou l’étouffer, les éphores se résignaient à insérer des stipulations expresses de secours dans leurs traités avec Athènes, à appeler des troupes athéniennes dans le cour de la Laconie et à mettre en pratique des combinaisons dé ruse et d’atrocité qui, même encore, restent sans pendant dans la longue liste de précautions prises pour fortifier une injuste domination. Ce fut dans la huitième année de la guerre du Péloponnèse, après qu’on eût demandé aux Ilotes de faire des efforts militaires signalés de diverses manières, et quand les Athéniens et les Messêniens étaient maîtres de Pylos, que les éphores éprouvèrent particulièrement la crainte d’une révolte. Désireux d’isoler les Ilotes les ; plus ardents et Ies plus audacieux, comme ceux dont ils avaient le plus à craindre, ils publièrent une proclamation annonçant que tout membre de cette classe qui aurait rendu des services distingués aurait à faire valoir ses droits à Sparte, et promettant la liberté aux plus méritants. Un nombre considérable d’Ilotes se présentèrent pour réclamer cette faveur : l’on n’en agréa pas moins de deux mille, qui furent formellement affranchis et conduits en procession solennelle autour des temples, avec des couronnes sur la tête, comme inauguration de leur vie prochaine de liberté. Mais la perfide couronne les désignait seulement comme victimes pour le sacrifice : tous disparurent sur-le-champ ; leur genre de mort est un mystère qui n’a pas été révélé.

Pour cet acte sombre et sanglant Thucydide est notre témoin[87], et Thucydide décrivant un fait contemporain pour lequel il avait fait des recherches. Sur une preuve moins sérieuse nous aurions hésité à ajouter foi à cette assertion ; mais se trouvant comme elle l'est au-dessus de tout soupçon, elle en dit plus que des volumes sur le caractère inhumain du gouvernement lacédæmonien, tout en nous découvrant en même temps la grandeur des craintes que leur inspiraient les Ilotes. Pour accomplir l'assassinat de ce régiment de braves gens voués à la mort, il a fallu un grand nombre d'auxiliaires et d'instruments ; cependant Thucydide, avec toutes ses recherches, n'a pu découvrir comment un seul d'entre eux avait péri : il nous dit que personne ne le savait. Nous voyons ici un fait qui démontre d'une manière non équivoque le mystère impénétrable dont étaient entourés les actes du gouvernement spartiate, l'absence non seulement de discussion publique, mais de curiosité publique, et l'empire absolu que les éphores exerçaient sur la volonté, les bras et la langue de leurs sujets spartiates. Le conseil des Dix à Venise, avec toutes les facilités pour les noyades nocturnes que présentait leur cité, aurait difficilement pu accomplir un si vaste coup d'État avec de tels moyens invisibles. Et, d'après cela, nous pouvons juger, même quand nous n'aurions pas d'autre preuve, combien les habitudes d'une assemblée publique se seraient peu accordées soit avec la trempe d'esprit des Spartiates, soit avec la marche de leur gouvernement.

 

À suivre

 

 

 



[1] Hoeren, Dissertatio de Fontibus Plutarchi, p. 19-25.

[2] Hérodote, I, 65. En outre, Hérodote donne le fait comme l’assertion des Lacédœmoniens eux-mêmes.

[3] Plutarque, Lykurgue, c. 1. Suivant Denys d’Halicarnasse (Ant. Rom., II, 49), Lykurgue était l’oncle non le fils d’Eunomos.

Aristote considère Lykurgue comme tuteur de Charilas (Politique, II, 7, 1) ; cf. V, 10, 3. V. O. Müller (Hist. of Dorians, 1-7, 3).

[4] Phlegôn aussi ajoute Kleosthenês de Pisa (De Olympiis ap. Meursii op., VII, p. 128). Il parait qu’il existait un disque à Olympia, sur lequel était inscrite la formule de la trêve olympique avec les noms d’Iphitos et de Lykurgue comme les auteurs communs de la trêve qu’ils auraient proclamée de concert. Aristote croyait à la vérité de cette circonstance et l’admettait comme une preuve du fait que cette inscription déclarait attester ; et O. Müller est aussi disposé à la prendre pour vraie, c’est-à-dire comme contemporaine des temps auxquels elle déclare se rapporter. J’arrive à une conclusion différente : je ne doute pas de l’existence du disque ; mais que l’inscription qu’il portait ait été réellement écrite en 880 avant J.-C. ou à peu près, cela serait en désaccord avec les probabilités raisonnables résultant de la paléographie grecque. Si cet ancien et mémorable instrument eût existé à Olympia du temps d’Hérodote, il eût difficilement assigné à Lykurgue l’époque que nous ‘lisons maintenant dans ses écrits.

Les assertions présentées dans l’History of the Dorians de Müller (I, 7, 7) au sujet de Lycurgue, Iphitos et Kleosthenês, rédigeant la loi fondamentale de l’armistice olympique, ne sont appuyées par aucune preuve suffisante. — Au temps plus avancé de la majesté établie dis la fête olympique, les Eleiens exercèrent indubitablement le pouvoir dont il parle ; mais rattacher cette circonstance à quelque règlement réfléchi a’Iphitos et de Lykurgue, c’est selon moi inexact. V. la mention d’une trêve semblable proclamée dans toute la Triphylia par les Makistiens en qualité de présidents de la fête commune célébrée au temple de Poseidôn Samien (Strabon, VIII, p. 343).

[5] Thucydide, I, 18.

[6] M. Clinton, d’accord avec Thucydide, fixe la législation de Lykurgue à 817 ans avant J.-C. environ, et sa régence à 852 avant J.-C., environ trente-cinq ans avant (Fasti Hellen., V, 1, ch. 7, p. 141) ; il place aussi l’Olympiade d’Iphitos en 828 avant J.-C. (F. H., vol. II, p. 410 ; App., c. 22).

Dans ce chapitre, M. Clinton réunit et discute les divers renseignements relatifs à la date de Lykurgue ; cf. aussi Larcher ad Herod., I, 67, et Chronologie, p. 486-492. — Les différences que présentent ces assertions doivent, après tout, être prises comme elles sont, car elles ne peuvent être conciliées qu’à l’aide de suppositions arbitraires qui ne font que nous égarer en présentant une apparence d’accord là où il n’en existe pas en réalité. Je pense, comme M. Clinton, que l’assertion de Thucydide doit ici être prise comme la meilleure autorité. Mais je n’admets nullement le procédé qu’en commun avec Larcher, Wesseling, sir John Marsham et autres, il emploie relativement au passage d’Hérodote où cet auteur appelle Lykurgue le tuteur et l’oncle de Labôtas (de la ligne Eurysthénide). M. Clinton dit : D’après la notoriété du fait que Lykurgue était attribué à l’autre maison (les Proklides), il est manifeste que le passage doit être corrompu (p. 144) ; et alors il procède à la correction du texte d’Hérodote, conformément à ce que propose sir J. Marsham. — Ce procédé me semble inadmissible. Le texte d’Hérodote se lit parfaitement bien et n’est contredit par rien qu’on puisse trouver ailleurs dans Hérodote lui-même ; de plus, nous avons ici une garantie positive de son exactitude, car M. Clinton lui-même admet qu’il était du temps de Pausanias précisément comme nous le lisons maintenant (Pausanias, III, 2, 3). De quel droit alors le changeons-nous ou que gagnons-nous à le faire ? Le seul droit que nous ayons pour agir ainsi, c’est la supposition qu’il a dû y avoir une uniformité de croyance, et des moyens de constater satisfaisants (relativement à des faits et à des personnes du neuvième et du dixième siècle avant l’ère chrétienne), existant parmi les Grecs du cinquième siècle et des suivants, supposition que je tiens pour inexacte. Et tout ce que nous gagnons, c’est une unanimité illusoire résultant de mots mis gratuitement dans la bouche d’un de nos témoins. — Si nous pouvons prouver qu’Hérodote a été mal informé, il est juste d’agir ainsi ; mais nous n’avons pas de raison pour altérer sa déposition. Il fournit une preuve claire qu’il existait des récits très différents quant à la seule question, celle de savoir à laquelle des deus lignes des Hêraklides appartenait le législateur spartiate, et qu’il y avait une différence énorme quant à l’époque où il vivait.

[7] History of the Dorians, I, 7, 6.

[8] History of the Dorians, III, 7, 8. Alf. Kopstadt reconnaît cette assertion comme une erreur dans l’ouvrage de Müller. V. l’excellente dissertation qu’il a récemment publiée De Rerum Laconicarum Constitutions Lycurgeæ Origine et Indole, Gryphiæ, 1849, sect. 3, p. 18.

[9] Entre autres preuves nombreuses pour ce point, v. Aristote, Ethic., X, 9 ; Xénophon, Republ. Laced., 10, 8.

[10] Hérodote, I, 65-66 ; Thucydide, I, 18.

[11] Strabon, VIII, p. 363.

[12] Plutarque, Lykurgue, 3, 4, 5.

[13] Pour une instructive revue du texte aussi bien que du sens de cette ancienne Rhêtra, V. Urlichs, Ueber die Lycurgischen Rhêtra, ouvrage publié depuis la première édition de notre histoire. La réfutation qu’il fait des changements téméraires de Goettling me semble complète ; mais ses propres conjectures ne sont pas toutes également plausibles ; je ne puis pas non plus souscrire à l’explication qu’il donne de άφίστασθαι.

[14] Plutarque, Lykurgue, c. 5-6. Hermippos, le disciple d’Aristote, déclarait donner les noms de vingt de ces trente dévoués partisans.

Il y avait cependant un récit différent, qui rapportait que Lykurgue, à son retour de ses voyages, trouva Charilas gouvernant comme un despote (Heraclid. Pontic., c. 2).

[15] Les mots de l’ancienne Rhêtra - Διός Έλλανίου καί Άθηνάς Έλλανίας ιερόν ίδρυσάμενον, φυλάς φυλάξαντα, καί ώβάς ώβάξαντα, γερουσίαν σύν άρχαγέταις, καταστήσαντα, ώρας έξ ώρας άπελλάζειν μεταξύ Βαβύκας καί Κνακίωνος, ούτώς είσφέρειν τε καί άφίστασθαι - δάμω δ̕ άγοράν είμεν καί κράτος. (Plutarque, Lykurgue, 5-6.)

La leçon άγοράν (le quatrième mot avant la fin) est celle de l’édition de Coray : d’autres leçons proposées sont κυρίαν, άνωγάν, άγορίαν, etc. Les MSS. sont toutefois corrompus d’une manière irrémédiable, et aucune des conjectures ne peut être déclarée certaine. — La Rhêtra contient divers archaïsmes remarquables, - άπελλάζειν, άφίστασθαι - le dernier mot dans le sens de poser une question à décider, correspondant à la fonction de l’Άφεστήρ à Knidos (Plutarque, Quæst. Græc., c. 4 ; V. Schneider, Lexicon, ad voc.). — O. Müller rattache τριάκοντα à ώδάς et établit en principe qu’il y avait à Sparte trente Obês : je suis plutôt de l’avis des critiques qui placent la virgule après ώβάξαντα et rapportent le nombre trente au sénat. Urlichs, dans sa dissertation Leber die Lykurgisch. Rhetren (publiée dans le Rheinisches Museum de 1847, p. 204), introduit le mot πρεσβυγενέας après τριάκοντα, ce qui semble être une conjecture juste, quand nous songeons à l’addition faite dans la suite par Théopompe. Les assertions de O. Müller au sujet des Obesne me semblent reposer sur aucune autorité. — Le mot Rhêtra signifie un contrat solennel, soit émanant des dieux dans l’origine, soit sanctionné ensuite par eux, car ils sont toujours parties dans. de telles conventions ; V. l’antique Traité entre les Eleiens et les Heræens, - Ά Γράτρα, entre les deux -, rappelé dans la précieuse inscription encore conservée, aussi ancien, suivant Bœckh, que les Olymp. 40-60 (Bœckh, Corp. Inscript., n° II, p. 26, part. I). Les mots de Tyrtée impliquent un pareil traité entre des parties contractantes : d’abord les rois, ensuite le sénat, et en dernier, le peuple - où le participe qui vient en dernier ne s’applique pas au peuple seul, mais à tous les trois. La Rhêtra de Lykurgue émanait du dieu de Delphes ; mais les rois, le sénat et le peuple s’engageaient tous, et vis-à-vis les uns des autres et vis-à-vis des dieux, à lui obéir. Les explications de la phrase proposées par Nitzsch et Schoemann (dans une note du Dr Thirlwall, ch. 8, p. 334) me semblent moins satisfaisantes que ce que l’on trouve dans C. B. Hermann (Lehrbuch der Griech. Staatsalterthümer, s. 23). — Nitzsch (Histor. Homer., sect. XIV, p. 50-551 ne tient pas un compte suffisant de la différence de sens que présente le mot ρήτρα dans les temps anciens et dans les temps postérieurs. A l’époque de l’Éphore Epitadeus, ou d’Agis III, il a raison de dire que ρήτρα est équivalent à scitum, encore cependant, avec une idée de solennité et d’immutabilité plus grande que ne le fait entendre le mot v6µoç, analogue à ce qui est compris par un pacte fondamental ou organique dans les idées modernes. Les anciennes idées d’un mandat donné par le dieu de Delphes et d’un contrat entre les rois et les citoyens, idées qui, jadis, avaient été rattachées au mot, s’en détachèrent successivement. Il n’y a donc pas de contradiction dans Plutarque, telle que celle dont parle Nitzsch (p. 54). — La Dissertation de Kopstadt (p. 22, 30) touche le même sujet. Je partage l’opinion de Kopstadt (Dissertation, p. 28-30), qui regarde comme probable que Plutarque a copié les mots de l’antique Rhêtra constitutionnelle de Lykurgue, d’après l’exposé donné par Aristote du gouvernement spartiate. — Le roi Théopompe rapporta probablement de l’oracle de Delphes l’importante clause additionnelle qu’il rattacha au mandat qui avait été apporté dans l’origine par Lykurgue. L’autorité de l’oracle, en même temps que leur propre influence, leur permettait de faire accepter ces mots par le périple.

[16] Plutarque, Lykurgue, c. 5-6.

Plutarque nous dit que la Rhêtra primitive, antérieure à cette addition, enjoignait spécialement aux citoyens assemblés ou d’adopter ou de rejeter, sans changement, la Rhêtra proposée par les rois et le sénat et que la clause additionnelle fut introduite parce que l’assemblée avait désobéi à cette injonction, et avait adopté des amendements de sa propre invention. C’est le dernier sens qu’il donne au mot σκολιάν. Urlichs (Ueber Lyc. Rhetr., p. 232) et Nitzsch (Hist. Homer., p. 54) le suivent, et le dernier même explique l’épithète Εύθείαις ρήτραις άνταπαμειβομένους, de Tyrtée dans un sens correspondant : il dit Populusiis (rhetris) εύθείαις, id est, nihil inflexis, suffragari jubetur : nam lex cujus Tyrtæus admonet, ita sanxerat - si populus rogationem inflexam (i. e. non nisi ad suum arbitrium immutatam) accipere voluerit, senatores et auctores abolento totam. — Or, en premier lieu, il semble très peu probable que la Rhêtra primitive, avec son antique simplicité, contint une telle restriction spéciale et préconçue quant à la compétence de l’assemblée. Cette restriction ne commença régulièrement qu’à partir de la clause additionnelle annexée par le roi Théopompe, ce qui évidemment indique une dispute antérieure et une conduite rebelle de la part de l’assemblée. — En second lieu, l’explication que donnent ces auteurs des mots σκολιάν et εύθείαις n’est pas conforme à l’ancien grec, tel que nous le trouvons dans Homère et dans Hésiode : et ces anciennes analogies sont le critérium propre, si l’on considère que nous avons affaire à un document très ancien. Dans Hésiode, ίθύς et σκολιός sont employés dans un sens qui correspond presque exactement à droit et à faux (mots qu’en effet, dans leur étymologie primitive, on peut faire remonter au sens de direct et d’oblique). V. Hésiode, Op. Di, 36, 192, 218, 221, 226, 230, 250, 262, 264 ; en outre Théogonie, 97, et Fragm. 217, éd. Goettling : où les phrases sont constamment répétées. Il y a aussi une expression remarquable, Op. Di., 9. Cf. V, 263, et Homère, Iliade, XVI, 387 ; et XXIII, 580 ; XVIII, 508. — Si nous jugeons par ces analogies, nous verrons que les mots de Tyrtée, εύθείαις ρήταις, signifient lois ou conventions, droites, honnêtes, et non propositions adoptées sans changement, comme le suppose Nitzsch. Et de même les mots σκολιάν έλοιτο signifient adoptent une détermination fausse ou déshonnête, et non une détermination différente de ce qui leur était proposé. — Ces mots donnaient aux rois et au sénat la faculté d’annuler toute décision de l’assemblée publique qu’ils désapprouvaient. Elle conserva seulement le pouvoir de refuser son assentiment à quelques propositions essentielles des autorités, d’abord des rois et du sénat, ensuite des éphores. Et ce pouvoir limité, elle semble l’avoir conservé toujours. — Kopstadt explique bien l’expression σκολιάν comme étant l’antithèse de l’épithète de Tyrtée, εύθείαις ρήτραις (Dissertation, sect. XV, p. 124).

[17] Hérodote, I, 65 ; cf. Plutarque, Lykurgue, c. 7 ; Aristote, Politique, V, 9, 1 (où il donne la réponse du roi Théopompe).

Aristote nous dit que les éphores étaient choisis, mais non pas comment ils l’étaient ; c’était seulement de quelque manière excessivement puérile (II, 6, 16). — M. Barthélemy Saint-Hilaire, dans sa note relative au passage d’Aristote, présume qu’ils étaient naturellement choisis de la même manière que les sénateurs ; mais il ne semble pas qu’il y ait dans Aristote des raisons suffisantes pour appuyer cette opinion. Il n’est pas non plus facile de concilier les mots d’Aristote touchant l’élection des sénateurs, où il l’assimile à une αϊρεσις δυναστευτική (Politique, V, 51 8 ; II, 6118), avec le tableau que Plutarque (Lykurgue, 26), fait de cette élection.

[18] Kopstadt admet cette supposition que le nombre des membres du sénat, ne fut pas définitivement fixé avant la réforme de Lykurgue (Dissertation, ut sup., sect. XIII, p.109).

[19] Platon, Leg., III, p. 691 ; Platon, Epist. VIII, p. 354, B.

[20] Platon, Leg., III, p. 691 ; Aristote, Politique, II, 6, 20.

[21] La conspiration de Pausanias, après l’échec de Xerxès, était dirigée contre la liberté de la Hellas combinée, pour se faire lui-même satrape de la Hellas sons le monarque des Perses, plutôt que contre le gouvernement lacédæmonien établi ; bien que, indubitablement, une partie de son projet fût d’exciter les Ilotes à la révolte, et qu’Aristote regarde Pausanias comme se proposant spécialement de renverser le pouvoir des éphores (Politique, V, 5, 6 ; cf. Thucydide, I, 128-134 ; Hérodote, V, 32).

[22] Xénophon, Republic. Laced., c. 14.

[23] Plutarque, Agis, c. 12.

[24] Plutarque, Kleomenês, c. 10.

[25] Xénophon, Republic. Lacedæmon., c. 15.

[26] Hérodote, VI, 57.

[27] Platon, Leg., III, p. 692 ; Aristote, Politique, V, 11, 1 ; Cicéron, De Republ., Fragm. II, 33, éd. Maii : Ut contra consulare imperium tribuni plebis, sic illi (ephori) contra vim regiam constituti ; et De Leg., III, 7, ainsi que Valère Maxime, IV, 1.

Cf. Plutarque, Lykurgue, c. 7 ; Tittmann, Griechisch. Staatsverfassung, p. 108, sqq.

[28] Polybe, XXIV, 8.

[29] Aristote, Politique, II, 6, 14-16.

[30] Hérodote, VI, 56.

[31] Aristote, II, 7, 4 ; Xénophon, Repub. Laced., c. 13 ; Helléniques, II, 4, 29 ; III, 2, 23.

On mit une restriction spéciale aux fonctions du roi, comme commandant en chef de l’armée, en 417 avant J.-C. après l’expédition contre Argos mal conduite par Agis, fils d’Archidamus. On prit soin alors que dix conseillers spartiates accompagnassent toujours le roi dans chaque expédition (Thucydide, V, 63).

[32] L’argent produit par la vente des peaux des nombreuses victimes offertes dans les sacrifices publics à Athènes est compté comme un article spécial du revenu public dans la rigoureuse économie de cette cité. V. Bœckh, Public Econ. of Athens, III, 7, p. 333 ; Eng. Trans. Corpus Inscript., n° 157.

[33] Tyrtée, Fragm. I, éd. Bergk ; Strabon, XVIII, p. 362. Cf. Thucydide, V, 16 ; Hérodote, V, 39 ; Xénophon, Helléniques, III, 3, 3 ; Plutarque, Lysandre, c. 22.

[34] Hérodote, V. 72. V. dans Plutarque le récit du stratagème avorté de Lysandre pour rendre là dignité royale élective, en mettant en avant un jeune homme qui passait pour fils d’Apollon (Plutarque, Lysandre, c. 25-26).

[35] Xénophon, Helléniques, III, 3, 1.

[36] Pour les privilèges des rois spartiates, V. Hérodote, VI, 56-57 ; Xénophon, Republ. Laced., c. 15 ; Platon, Alcibiade, I, p. 123.

[37] Hérodote, VI, 66, et Thucydide, V, 16, en fournissent des exemples.

[38] Xénophon, Republ. Laced., c. 8, 2, et Agésilas, c. 7, 2.

[39] Xénophon, Rep. Laced., 8, 4 ; Thucydide, I, 131 ; Aristote, Politique, II, 6, 14.

Platon, dans sa République, désapprouve également tous décrets généraux enchaînant à l’avance la volonté d’hommes parfaitement élevés comme les gardiens de sa République, qui feront toujours ce qu’il y a de mieux à faire dans chaque occasion spéciale (République, IV, p. 425).

[40] Outre la Rhêtra constitutionnelle primitive, mentionnée plus haut, diverses autres Rhêtra sont aussi attribuées à Lykurgue ; et Plutarque en signale trois sous ce titre : Les Trois Rhêtræ, comme si elles étaient ou les seules Rhêtra véritables de Lykurgue, ou que du moins elles se distinguassent de toutes les autres par une sainteté particulière (Plutarque, Quæst. Roman., c. 87. Agésilas, c. 26).

Les trois Rhêtra étaient (Plutarque, Lycurgue, c. 13 ; cf. Apophth., Lacon., p. 227) : 1. Ne pas recourir à des lois écrites. 2. Ne pas employer dans la construction des maisons d’autres instruments que la hache et la scie. 3. Ne pas entreprendre d’expéditions militaires souvent contre les mêmes ennemis. — Je partage l’opinion de Nitzsch qui croit (Histor. Homer. p. 61-65) que ces Rhêtra, bien que sans doute elles ne soient pas dues réellement à Lykurgue, sont néanmoins anciennes (c’est-à-dire probablement d’une date qui se trouve quelque part entre 650 et 550 avant J.-C.), et non pas les simples fictions d’écrivains relativement modernes, comme semblent le penser Schoemann (Ant. Jur. Pub., IV, 1, p. 132) et Urlichs (p. 241). Et bien que Plutarque spécifie le nombre trois, cependant il paraît qu’il y en avait encore plus, comme on doit croira quo .l’indique le langage de Tyrtée ; les trois Rhêtra : que distingue Plutarque méritaient une attention particulière, pour des raisons que nous ne comprenons pas aujourd’hui. — Ces maximes ou règles d’État étaient probablement conservées avec les réponses de l’oracle de Delphes, autorité d’oit beaucoup d’entre elles peuvent sans aucun doute être émanées, telle que la fameuse prophétie ancienne Ά φιλοχρηματία Σπάρταν όλεϊ, άλλο δέ ούδέν (Krebs, Lectiones Diodorea, p. 140. Aristote, περί πολιτειών, ap. Schol. ad Euripide, Andromaque, 446. Schoemann, Comm. ad Plutarque, Ag. et Cleomen. p. 123). — Nitzsch fait de bonnes remarques en expliquant la prohibition portée contre l’emploi de lois écrites. Cette prohibition fut probablement provoquée par cette circonstance, que d’autres États grecs employaient des législateurs tels que Zaleukos, Drakôn, Charondas ou Solôn, chargés de leur présenter tout d’un coup une série d’ordonnances on de dispositions écrites.. Quelques Spartiates peuvent avoir proposé qu’uni législateur analogue fût nominé pour Sparte : à cette proposition on opposa un refus sous la forme la plus solennelle possible, au moyen d’une Rhêtra formelle qui fut adoptée peut-être après un, avis reçu de Delphes. Il n’y a donc pas (si nous concevons ainsi l’événement) de contradiction, comme quelques auteurs le représentent, à défendre l’usage des lois écrites par une Rhêtra écrite elle-même. Pour employer une phrase qui offre une analogie plus grande avec les discussions modernes : Les Spartiates, d’après l’ordre de l’oracle, se décident à conserver leur loi commune non écrite, et à ne pas codifier.

[41] Xénophon, Helléniques, III, 2, 23.

[42] Le cas de Leotichydes, Hérodote, VI, 72 ; de Pleistoanax, Thucydide, II, 21-5, 16 ; Agis, II, Thucydide, V, 63 ; Agis, III, Plutarque, Agis, c. 19 ; V. Plutarque, Agésilas, c. 5.

Relativement aux éphores en général, v. Wachsmuth, Hellen. Alterthumskunde, V, 4, 42, vol. I, p. 223 ; Cragius, Rep. Lac., II, 4, p. 121. — Aristote signale distinctement les éphores comme άνυπεύθυνοι : de sorte que l’histoire à laquelle il est fait une brave allusion dans la Rhétorique (III, 18) n’est pas aisée à comprendre.

[43] Thucydide, I, 67, 80, 87.

[44] Thucydide, IV, 68 ; cf. IV, 74 ; et sa remarquable expression au sujet d’un homme si distingué que Brasidas, et IV, 24, à propos des ambassadeurs lacédæmoniens envoyés à Athènes. Cf. Schoemann, Antiq. Jur. Publ. Græc., IV, 1, 80, p. 122 ; Aristote, Politique, II, 8, 3.

[45] Τήν μικράν καλουμένην έκκλησίαν (Xénophon, Helléniques, III, 3, 8), ce qui signifie les γέροντες ou sénat, et personne autre, excepté les éphores, qui le convoquaient (V. Lachmann, Spart. Verfass., sect. 12, p. 216). Ce qui est encore, plus à, remarquer, c’est l’expression οί έκκλητοι comme équivalente à ή έκκλησία (cf. Helléniques, V, 2, 11 ; VI, 3, 3), montrant évidemment un nombre spécial et limité de personnes réunies. V. aussi II, 4, 38 ; IV, 6, 3 ; V, 2, 33 ; Thucydide, V, 77.

L’expression de οί έκκλητοι n’aurait jamais pu être usitée comme équivalente pour désigner une ekklêsia athénienne.

[46] Xénophon, Republ. Laced., 10 ; Aristote, Politique, II, 6, 17 ; III, 1, 7 ; Démosthène, Cont. Lept., c. 23, p. 489 ; Isocrate, Or. XII (Panathenaic.), p. 266. Le langage de Démosthène semble particulièrement inexact.

Plutarque (Agésilas, c. 32), à, l’occasion de quelques Spartiates soupçonnés de conspirer qui furent mis à mort par Agésilas et les éphores, quand Sparte était dans un danger imminent d’être,attaquée par Epaminondas, affirme que ce fut la première fois qu’un Spartiate eût été mis à mort sans jugement.

[47] Aristote, Politique, II, 6, 18. Cf. aussi Thucydide, I, 131, au sujet de Pausanias coupable, πιστεύων χρήμασι διαλύσειν τήν διαβολήν ; Hérodote, V, 72 ; Thucydide, V, 16, concernant les rois Leotychides et Pleistoanax ; le brave et habile Gylippe – Plutarque, Lysandre, c. 16.

[48] Les éphores sont considérés quelquefois comme un élément démocratique, parce que chaque citoyen spartiate avait chance de devenir éphore ; quelquefois comme un élément despotique ; parce que, dans l’exercice de leur pouvoir, ils n’étaient soumis qu’à peu de contrainte et à aucune responsabilité. V. Platon, Leg., IV, p. 712 Aristote, Politique, II, 3, 10 ; IV, 7, 4, 5.

[49] On peut voir dans Isocrate un exemple de la manière dont cette antiquité était louée. Or. XII (Panathenaic.) p. 288.

[50] Hérodote, V, 68 ; Stephan. Byz., v. Ύλλέες et Δυμάν ; O. Müller, Dorians, III, 5, 2 ; Bœckh, ad Corp. Inscript., n° 1123. Thucydide, I, 24, au sujet de Phalios l’Hêraklide à Corinthe.

[51] V. Tyrtée, Fragm. 8, 1, éd. Schneidewin, et Pindare, I, 61 ; V, 91, où les expressions descendants d’Hêraklês comprennent évidemment plus que les deux familles royales. Plutarque, Lysandre, 22 ; Diodore, XI, 68.

[52] Hérodote, IV, 149 ; Pindare, Pyth., V, 67 ; Aristote, Λακων Ηολιτ, p. 127, Fragm., éd. Neuman. Les Talthybiadæ, ou hérauts à Sparte, formaient une famille ou caste à part (Hérodote, VII, 134).

O. Müller suppose, sans aucune preuve, que les Ægeides doivent avoir été adoptés dans une des trois tribus dôriennes ; c’est un des corollaires de son hypothèse fondamentale, que Sparte est le type du pur dôrisme (vol. II, p. 78). Kopstadt pense (Dissert., p. 67) que j’ai été injuste envers O. Müller en n’approuvant pas sa preuve ; mais, en étudiant de nouveau le point eu question, je ne puis voir de motif pour modifier ce qui est présenté ici dans le texte. La section de l’ouvrage de Schoemann (Antiq. Jur. Publ. Græc., IV, 1, 6, p. 115) sur ce sujet affirme beaucoup plus qu’il ne peut être prouvé.

[53] Hérodote, V, 68-92 ; Bœckh, Corp. Inscr., n° 1130, 1131 ; Stephan. Byz. v. Ύρνίθιον ; Pausanias, II, 28, 3.

[54] Photius, Πάντα όκτώ ; et Proverb. Vatic., Suidas, XI, 64 ; cf. Hesychius, v. Κυνόφαλοι.

[55] Müller, Dorians, III, 5, 3-7 ; Bœckh, ad Corp. Inscript., Part. IV, sect. 3, p. 609.

[56] Pausanias, III, 16, 6 ; Hérodote, III, 55 ; Bœckh, Corp. Inscript., n° 1241, 1338, 1347, 1425 ; Steph. Byz. v. Μεσόα ; Strabon, VIII, p. 394 ; Hesych., v. Πιτάνη.

Il y a beaucoup de confusion et de différence d’opinion au sujet des tribus spartiates. Cragius en admet six (De Republ. Lacon., I, 6) ; Meursius, huit (Rep. Lacon., I, 7) ; Barthélemy (Voyage du jeune Anacharsis, IV, 185) en donne cinq. Manso a discuté le sujet d’une manière détaillée, mais, à mon axis, peu satisfaisante, dans le huitième appendice du premier livre de son Histoire de Sparte (vol. II, p. 125) ; et le second appendice du Dr Thirlwall (vol. I, p. 517) mentionne à la fois toutes les différentes opinions modernes sur ce point obscur, et ajoute plusieurs critiques utiles. La modique somme de preuves primitives que nous avons laisse beaucoup de place pour fies hypothèses opposées, et peu de chance de parvenir à une conclusion certaine quelconque.

[57] Thucydide, I, 10.

[58] Un ou deux Periœki paraissent comme officiers chargés d’un commandement militaire vers la fin de la guerre du Péloponnèse (Thucydide, VIII, 6, 22) ; mais ce semble être de rares exceptions, même quant au service étranger sur mer ou sus terre, tandis qu’un Periœkos magistrat à Sparte était chose inouïe.

[59] Les Messêniens assujettis payaient une moitié (Tyrtée, Fragm. 4, Bergk).

[60] Strabon, VIII, p. 362. Etienne de Byz. cite ce total de 100 municipes quand il parle de plusieurs d’entre eux différant les uns des autres ; mais probablement il copiait Strabon, et ne peut point par conséquent passer pour une autorité distincte. Le total de 100 municipes appartient à l’apogée de la puissance spartiate, après la conquête et avant la séparation de la Messênia ; car Aulôn, Boiæ et Methônê (les places extrêmes) en font partie.

M. Clinton (Fast. Hellen., II, p. 401) a réuni les noms d’environ 60 sur 100.

[61] Thucydide, IV, 53.

[62] Xénophon, Helléniques, IV, 5, 11 ; Hérodote, Il, 7 ; Thucydide, V, 18-23. La fête Amyklæenne des Hyakinthia, et le temple Amyklæen d’Apollon semblent être au premier rang dans l’esprit des autorités spartiates. (Thucydide, IV, 8), qui sont prêts avant le reste et marchent contre les Athéniens à Pylos, comprennent probablement les Amyklæens.

Thucydide appelle en général la Laconie la περιοικίς de Sparte (III, 16).

[63] Le mot περίοικοι est quelquefois employé pour signifier simplement des États voisins environnants, dans son sens géographique naturel. V. Thucydide, I, 17 et Aristote, Politique, II, 7, 1.

Mais il est employé plus ordinairement pour signifier les membres sans privilèges ou moins privilégiés du même agrégat politique vivant en dehors de la ville, en opposition avec les bourgeois qui vivaient dans ses murs et jouissaient des privilèges complets. Aristote s’en sert pour désigner la classe correspondant en Krête aux Ilotes Lacédæmoniens (Politique, II, 7, 3) ; il n’existait pas en Krête de classe correspondant aux Periœki lacédæmoniens. En Krête il n’y avait pas deux degrés d’infériorité ; il n’y en avait qu’un seul, et qui était marqué par le mot περίοικοι ; tandis que le Periœkos lacédæmonien avait l’Ilote au-dessous de lui. Pour un Athénien le mot entraînait l’idée d’une dégradation vague. — Pour mieux comprendre le status du Periœkos, nous pouvons le comparer au Metœkos ou Metœque. Ce dernier réside dans la cité, mais c’est un étranger résidant par tolérance, et non un indigène ; il paye une taxe spéciale, est exclu de toute fonction politique, et ne peut même avoir accès auprès du magistrat que par l’intermédiaire d’un citoyen ami ou Prostatês (Lycurg. cont. Leocrat., c. 21-53) : il porte les armes pour la, défense de l’État. La situation d’un Metœkos était toutefois bien différente dans les diverses villes de la Grèce. A Athènes, les membres de cette classe étaient bien protégés sous le rapport de leurs personnes comme de leurs propriétés ; ils étaient nombreux et domiciliés à Sparte, il n’y en eut pas d’abord ; la Xenêlasia les excluait ; mais cette rigueur a dû se relâcher longtemps avant l’époque d’Anis III. — Le Periœkos diffère du Metœkos en ce qu’il est né sur le sol, soumis par sa naissance à la loi de la cité. — M. Kopstadt (dans sa Dissertation sur les affaires lacédæmoniennes citée plus haut, sect. VII, p. 60) exprime beaucoup de surprise de ce que j’avance dans cette note relativement à la Krête et à Lacédæmone, à savoir qu’en Krête il n’y avait pas de classe d’hommes analogue aux Periœki lacédæmoniens, mais seulement deux classes, i. e. des citoyens libres et des Ilotes. Il pense que ce principe est prorsus falsum. — Mais je n’avance rien de plus ici que ce que dit Aristote, comme Kopstadt l’admet lui-même (p. 60, 71). Aristote donne à la classe sujette en Krête le nom de Περίοικοι. Et dans ce cas les présomptions générales viennent à l’appui de l’autorité d’Aristote. Car Sparte était une cité dominante ou capitale, renfermant sous sa dépendance non seulement un territoire considérable, mais un nombre considérable de municipes inférieurs, distincts, organisés. En Krête, au contraire, chaque État autonome comprenait seulement une ville avec son territoire circonvoisin, mais sans municipes annexés. Il n’y avait donc point de base pour la classe intermédiaire appelée en Laconie Periœki ; exactement comme Kopstadt lui-même le fait remarquer (p. 78) au sujet de la cité dôrienne de Megara. Il y avait seulement les deux classes de citoyens krêtois libres, et des cultivateurs serfs avec des modifications et des subdivisions diverses. — Kopstadt (suivant Hoeckh, Krêta, b. III, vol. III, p. 23) dit que l’autorité d’Aristote sur ce point est surpassée par celle de Dosiadas et de Sosicrate, auteurs qui écrivirent spécialement sur les affaires krêtoises. Or, si nous sommes forcés de faire un choix, j’avoue que je préférerais le témoignage d’Aristote, considérant que ce que nous savons des deux autres se réduit à peu de chose ou à rien. Mais, dans le cas actuel, je ne pense pas que nous soyons obligés de faire un choix : Dosiadas (ap. Athenæ, XIV, p. 143) n’est pas cité textuellement, de sorte que nous ne pouvons affirmer qu’il contredise Aristote ; et Sosicrate (sur lequel s’appuient Bœckh et Kopstadt) dit quelque chose qui ne le contredit pas nécessairement, mais qui peut être expliqué de manière h mettre les deux témoins d’accord. — Sosicrate (ap. Athenæ, VI, p. 263) dit : Τήν μέν κοινήν δουλείαν οί Κρήτες καλοΰσι μνοίαν, τήν δέ ίδίαν άφαμίωτας, τούς δέ περιοίκους ύπηκόους. Or, le mot περιοίκους ; semble être employé ici précisément comme. Aristote l’aurait employé, pour comprendre les serfs krêtois en général : il n’est pas distingué de μνώιται et de άφαμιώται, mais il les comprend tous deus comme espèces différentes sous un terme générique. L’autorité d’Aristote fournit une raison pour préférer d’expliquer ainsi le passage, et les mots me semblent assez bien comporter cette explication.

[64] Les πόλεις des Periœki lacédæmoniens sont souvent mentionnées. V. Xénophon (Agésilas, II, 24 ; Laced. Repub., XV, 9 ; Helléniques, VI, 5121).

[65] Hérodote, VIII, 73-135 ; Xénophon, Helléniques, VI, 1-8 ; Thucydide, IV, 76-94.

[66] Xénophon, Helléniques, VI, 3, 5, 9, 19. Isocrate, écrivant à l’époque de la puissance thébaine, après la bataille de Leuktra, caractérise les villes bœôtiennes comme étant περίοικοι de Thèbes. (Or. VIII. De Pace, p. 182) ; cf. Orat. XIV. Plataic., p. 299-303. Xénophon tient le même langage, Helléniques, V. 4, 46 : cf. Plutarque, Agésilas, 28.

[67] Aristote, Politique, II, 6, 23.

[68] Thucydide, I, 77-95 ; VI, 105. Isocrate (Panathenaic., Or. XII, p. 283). Cf. Orat. de Pace (Or. VIII, p. 180-181), Orat. Panégyrique, (Or., IV, p. 64-67).

[69] Isocrate, Panathenaic., Or. XII, p. 280.

[70] Isocrate, Orat. XII (Panathenaic.) p. 276-271. Ce qu’il dit dans le même discours (p. 246), que les Lacédæmoniens avaient mis à mort sans jugement plus de Grecs qu’il n’en avait été jugé à Athènes depuis qu’Athènes était une cité, se rapporte à leurs alliés ou sujets hors de la Laconie.

[71] Éphore, Fragm. 18, 61 Marx ; ap. Strabon, VIII, p. 365.

[72] Le Dr Arnold (dans sa Dissertation sur la constitution spartiate, annexée au premier volume de son Thucydide, p. 613) ajoute plus de confiance à la valeur historique de ce récit d’Isocrate que je n’incline à le faire. D’un autre côté, sir G. C. Lewis, dams l’examen qu’il fait de la Dissertation du Dr Arnold (Philological Museum, vol. II, p. 45), regarde « le récit d’Isocrate comme entièrement inconciliable avec celui d’Éphore ; » ce qui est peut-être dire un peu plus que ne le permet rigoureusement la teneur des deux autorités. Dans l’excellent article de sir G. Lewis, on trouvera la plupart des points difficiles relatifs à la constitution spartiate soulevés et discutés d’une manière très instructive.

Un autre point du renseignement d’Isocrate est que les Dôriens, à l’époque de la conquête primitive de la Laconie, n’étaient que 2,000 (Or. XII, Panath., p. 286). M. Clinton rejette cette estimation comme trop faible, et il fait observer : « Je soupçonne qu’Isocrate en donnant le nombre des Dôriens lors de la conquête primitive, a adapté à son exposé le nombre réel des Spartiates de son propre temps » (Fast. Hellen., II, p. 408). — Ceci me semble être une conjecture probable qui explique aussi bien l’absence de données dans laquelle était Isocrate ou ceux qui l’instruisaient, que la méthode qu’ils employaient pour suppléer à ce défaut.

[73] Schoemann, Antiq. Jurisp. Græcorum, IV, 1. 5, p. 112.

[74] Pausanias, III, 2, 6 ; I11, 22, 5. On trouvera l’assertion de Müller dans son History of the Dorians, III, 2, 1 : il cite un passage de Pausanias qui n’a nullement trait au point en question.

Sir G. C. Lewis (Philolog. Mus., ut sup., p. 41) est du même avis que Müller.

[75] M. Kopstadt (dans la savante Dissertation dont j’ai parlé plus haut, De Rerum Laconicarum Constitutionis Lycurgeæ Origine et Indole, c. II, p. 31) conteste ce principe relativement aux Periœki. Il semble le comprendre dans un sens que mes paroles ne présentent guère, sens du moins que je n’avais pas l’intention de leur donner, à savoir, que la majorité des habitants dans chacune des cent villes des Periœki se composait de Dôriens — ut per centum Laconiæ oppida distributi ubique majorem incolarum numerum efficerent (p. 32). Je voilais seulement affirmer que quelques-unes des villes des Periœki, telles qu’Amyklæ, étaient entièrement ou presque entièrement dôriennes ; beaucoup d’autres parmi elles partiellement dôriennes. Mais quel peut avoir été le nombre comparatif (probablement différent dans chaque ville) des habitants dôriens et non dôriens, c’est ce qu’on ne peut en aucune façon déterminer. M. Kopstadt (p. 35) admet qu’Amyklæ, Pharis et Geronthræ, étaient des villes Periœkiennes peuplées par des Dôriens ; et si ce fait est vrai, il dément la maxime générale sur la foi de laquelle il contredit ce que j’affirme : sa maxime est nuuquam Dorienses a Doriensibus, nisi bello victi erant, civitate æquoque jure privati sunt (p. 31). Il est dangereux de poser des principes si larges relativement à une uniformité supposée de règles et de pratique dôriennes. La haute autorité de O. Müller l’a induit en erreur sous ce rapport.

Il est évident qu’Hérodote (cf. son expression, VIII, 73 et I, 145) concevait tous les habitants libres de la Laconie, non comme Achæens, mais comme Dôriens. Il croit à la légende qui raconte que les Achæens, chassés de Laconie par l’invasion des Dôriens et des Hêraklides, occupèrent le territoire situé au nord-ouest du Péloponnèse, qui fut dans la suite appelé Achaïa, et en chassèrent les Ioniens. Quelle que puisse être la vérité touchant ce renseignement légendaire, et quelles qu’aient pu être les proportions primitives de Dôriens et d’Achæens dans la Laconie, ces deux races (au cinquième siècle avant J.-C.), en se confondant, avaient fini par former un seul agrégat ethnique et politique qu’on ne pouvait distinguer, appelé Laconien ou Lacédæmonien, et comprenant à la fois les Spartiates et les Periœki, bien qu’avec des privilèges politiques très inégaux et des différences très considérables dans l’éducation et les habitudes individuelles. Le cas était autre en Thessalia, où les Thessaliens tenaient sous leur dépendance les Magnêtes, les Perrhæbi et les Achæens : ces derniers ne perdirent jamais leur nationalité séparée.

[76] Hérodote, VII, 234.

[77] Thucydide, VIII, 6-22. Ils n’avaient cependant point part à la discipline de Lykurgue ; mais ils semblent être nommés οί έκ τής χώρας παίδες, en oposition avec οί έκ τής άγωγής (Sosibius ap. Athenæ, XV, p. 674).

[78] Aristote, Politique, II, 6, 23.

Sir G. C. Lewis, dans l’article cité plus haut (Philolog. Mus., II, p. 54), dit au sujet des Periœki : Ils vivaient à la campagne ou dans de petites villes du territoire laconien, et cultivaient la terre, qu’ils ne tenaient pas d’un citoyen individuellement, mais ils payaient pour elle un tribut ou une rente à l’État ; étant exactement dans la même condition que les possessores du domaine romain, ou les Ryots dans l’Hindostan avant l’introduction d’un Établissement Permanent. » On peut douter, je pense, que les Periœki payassent une rente ou un tribut quelconque tel que celui que suppose ici sir G. Lewis. Le passage d’Aristote que nous venons de citer semble montrer qu’ils payaient une taxe directe individuellement, et précisément d’après le même principe que les citoyens Spartiates, qui ne s’en distinguent que parce qu’ils possèdent des propriétés foncières plus considérables. Mais, bien que le principe de la taxation fût le même, il y avait en pratique (selon Aristote) de l’injustice dans la manière de l’imposer. Les citoyens spartiates (fait-il observer) étant les plus riches propriétaires fonciers, ont soin de ne pas faire mutuellement un examen rigoureux, dit payement de la taxe foncière, i. e. ils ferment mutuellement les yeux sur les moyens qu’ils emploient pour y échapper. Si les Spartiates avaient été les seules personnes qui payassent l’είσφορά ou la taxe foncière, cette observation d’Aristote n’aurait pas eu de sens. En principe, la taxe était imposée et sur leurs propriétés plus considérables et sur les propriétés plus petites des Periœki ; en pratique, les Spartiates s’entraidaient pour échapper à la proportion due.

[79] Tite-Live signale distinctement le caractère villageois des Ilotes, XXXIV, 27 ; quand il décrit les châtiments infligés par le despote Nabis : Ilotarum quidam (hi suret jam inde antiquitus castellani, agreste genus) transfugere voluisse insimulati, per omnes vicos sub verberibus acti necantur.

[80] Hérodote, I, 66.

[81] V. O. Müller, Dorians, III, 3, 1 ; Éphore ap. Strabon, VIII, p. 365 ; Harpocration, v. Εϊλωτες.

[82] Kleomenês III offrit l’affranchissement à tout Ilote qui pourrait payer cinq mines attiques : il était dans un besoin grand et immédiat d’argent, et leva de cette manière 500 talents. Six mille Ilotes doivent ainsi avoir été en état de trouver chacun cinq mines, ce qui était une somme très considérable (Plutarque, Kleomenês, c. 23).

[83] Tel est le récit rapportant que dis Ilotes étaient obligés de paraître eu état d’ivresse, pour exciter chez les jeunes gens un sentiment de répugnance contre l’ivrognerie (Plutarque, Lykurgue, c. 28 ; et Adversus stoïcos de commun. Notit., c. 19, p. 1067).

[84] Hérodote, IX. 29. Les Spartiates aux Thermopylæ semblent n’avoir été servis chacun que par un seul Ilote (VII, 229).

O. Müller paraît croire que les soldats armés à la légère qui servaient les Hoplites periœkiens à Platée n’étaient pas Ilotes (Dor., III, 3, 6). Hérodote ne dit pas distinctement qu’ils le fussent ; mais je ne vois pas de raison pour admettre deux classes différentes de soldats armés à la légère dans les forces militaires spartiates. — Le calcul que donne Müller du nombre des Periœki et des Ilotes repose complètement sur des données très peu dignes de foi. Entre autres il faut mentionner la supposition qu’il fait que πολιτική χώρα signifie le district de Sparte, en tant que distingué de la Laconie, ce qui est contraire au passage de Polybe (VI, 45) ; πολιτική χώρα dans Polybe veut dire le territoire de l’État en général.

[85] Xénophon, Reg. Lac., c. 12, 4. Kritias, de Lacedæm. Repub. ap. Libanium, Orat. de Servitute, t. II, p. 85, Reisk.

[86] Thucydide, I, 101 ; IV, 80, V, 14-23.

[87] Thucydide, IV, 80.