HISTOIRE POPULAIRE DE L'EMPEREUR NAPOLEON III

TOME PREMIER

 

PAR ADOLPHE GRANIER DE CASSAGNAC ET PAUL DE CASSAGNAC

PARIS - LACHAUD & BURDIN - 1874.

 

 

PRÉFACE.

LIVRE PREMIER.

Naissance de Louis Napoléon Bonaparte. — Caractère de la reine Hortense et de ses deux enfants. — Leur éducation. — Jeunesse du prince Louis. — Ses études. — Ses participations aux événements d'Italie. — 1808-1836.

LIVRE DEUXIÈME.

Etats des esprits en 1836. — Espérances que le prince Louis-Napoléon fait concevoir. — Tentative de Strasbourg. — Transportation en Amérique. — Retour. — Mort de la reine Hortense. — Le prince se réfugie en Angleterre. — Progrès des idées Bonapartistes. — Le Gouvernement envoie chercher les restes de l'Empereur à Sainte-Hélène. — Tentative de Boulogne. — Echec. — Procès devant la cour des Pairs. — Le prince est condamné à la prison perpétuelle. — Forteresse de Ham. — 1836-1845.

LIVRE TROISIÈME.

Le prince prisonnier à Ham. — Calme de son esprit. — Ses travaux. — Analyse de ses ouvrages. — Sa résignation. — Sa popularité. — Il apprend la dernière maladie du roi Louis et demande l'autorisation de se rendre près de lui. — Refus du Roi. — Il prépare une évasion. — Concours que lui donnent le docteur Conneau et Ch. Thélin. — Evasion du 26 mai 1846. — Son arrivée à Londres. — Refus du chargé d'affaires de Toscane de lui permettre de se rendre à Florence. — Révolution de 1848. — Le prince se rend à Paris. — Il est repoussé par le Gouvernement provisoire. — Affaiblissement de la République par ses excès. —L'attention publique se porte sur le prince. — Il est élu député de l'Assemblée constituante. — Incidents divers. — Il vient prendre sa place à l'Assemblée. — Elaboration de la Constitution. — Il accepte la candidature à la présidence delà République. — Election du 10 décembre 1848. — Le prince à l'Elysée.

LIVRE QUATRIÈME.

Idée générale que rédige le Président de la République. — Il se subordonne absolument à la volonté du pays. — Responsable il veut être libre. — Lettre à M. Léon de Malleville. — Représentant de l'autorité il veut être conservateur. — Lettre au prince Napoléon. — Proposition. — Roteau. — Dissolution de la Constituante. — Elections générales du 13 mai 1849. —Affaires d'Italie. — Siège et prise de Rome. — Emeute du 13 juin. — M. Ledru-Rollin à son vasistas. — Lutte de l'Assemblée contre le Président. — Message et ministère du 31 octobre. — Rapprochement temporaire. — Les Burgraves de l'Elysée. — Luttes nouvelles. — Le Président se met en rapport avec les populations. — Voyage à Lyon, à Strasbourg, à Caen, à Cherbourg. — Accroissement de la popularité du Président. — Hostilité et rivalité du général Changarnier. — Rupture ouverte de l'Assemblée avec le Président de la République.

LIVRE CINQUIÈME.

Ministère du 24 janvier 1831. — Interpellation de M. Howyn de Tranchère. — Discrédit des Burgraves. — Refus de la dotation. — Le Président de la République fait vendre ses chevaux. — Il refuse les souscriptions publiques. — Proposition de M. Creton. — Projet de fusion. — Les princes d'Orléans les font échouer. — Ministère du 10 avril. — Pétition pour la révision de la Constitution — Elle n'a pas les trois quarts des suffrages et est rejetée. — Quatre-vingts conseils généraux l'avaient demandée. — Résolution d'appel au peuple. — Ministère du 27 octobre. — Intrigues des partis pour substituer des rivaux au Prince. — M. Carnot, le prince de Joinville, M. La Rochejacquelein, M. Nadot, M. Changarnier, candidats de la présidence. — Proposition des Questeurs. — Séance révolutionnaire. — Préparation de résistance armée. — Rejet de la proposition des Questeurs. — Discussions publiques des divers modes de papier d'Etat —Inanité de ces projets. — Offres de M. de Falloux. — Le Président les décline. — Soirée du 21 décembre 1851.

LIVRE SIXIÈME.

Mesures militaires et de police pour l'exécution du coup d'État. — Arrestations. — Placement des troupes. — Réunion des députés à la mairie du Xe arrondissement. — Proclamation au peuple Français et à l'année. — Convocation pour le Plébiscite du 21 décembre. — Emeutes et luttes du -i décembre. — Emeutes dans les départements. — Résultat du Plébiscite. — Le Président élu pour 10 ans. — Organisation des nouveaux pouvoirs — Corps législatif, Sénat, Conseil d'Etat. — Première session législative. — Actes accomplis pendant la période de la dictature.  — Décrets du 23 janvier. — Fête de l'armée, bénédiction des drapeaux, distribution des aigles. — Vacances parlementaires. — Voyagé du Prince dans les départements du centre et du midi. — Version des Mémoires de M. de Persigny à ce sujet. — Rectification de cette version. — Entretien de Saint-Cloud et de Toulouse. — Discours de Bordeaux. — Rentrée triomphale à Paris. — Sénatus-consulte. — Plébiscite. — Proclamation de l'Empire, le 2 décembre 1872.

 

PRÉFACE

 

Aucun des écrivains qui ont raconté les événements accomplis en France depuis 1789 n'a répondu clairement à ces deux questions :

Quel était le but de la Révolution ?

Quel était le moyen de la clore, en assurant ses résultats ?

Ce que les autres n'ont pas fait, nous allons le tenter en quelques mots, car les vérités bien nettes n'ont pas besoin de phrases bien longues.

La Révolution française, suite du développement des idées chrétiennes et de la marche de la raison publique, avait pour objet, en complétant les progrès déjà accomplis sous l'ancienne monarchie, de faire régner parmi les hommes l'égalité devant la loi, d'abord par la suppression de privilèges que rien ne justifiait plus, ensuite par une équitable répartition faite à chacun des droits et des devoirs de tous.

Ainsi, rendre commun l'accès de toutes les carrières, rompre les digues qui arrêtaient le travail, placer dans l'effort personnel, dans l'étude, dans l'intelligence, clans la moralité les avantages jusqu'alors placés dans la naissance, faire enfin qu'au lieu de devoir son rang à la loi on ne le dût qu'à soi-même, — voilà le but de la Révolution.

Placer la société, les personnes, les intérêts, les progrès sous la garantie d'un pouvoir nouveau ; pouvoir issu de la confiance nationale, pour qu'il fût fort ; et héréditaire, pour qu'il fût stable ; — voilà le moyen d'assurer les résultats de la révolution, et d'en clore les troubles.

Ce peu de mots suffisent à faire comprendre que, de tous les hommes qui prirent ou qui reçurent le mandat de diriger la révolution française, Napoléon Bonaparte, général, premier consul, empereur, fut le seul qui aperçut clairement son but, et qui assura ses conquêtes, en les faisant passer dans nos institutions.

Cela explique la popularité et l'immensité de son pouvoir, dues à la reconnaissance des amis de la révolution, et la grandeur de sa chute, due à la haine de ses adversaires.

Il faut bien remarquer, en effet, que Napoléon Ier n'a pas été renversé, comme Louis XVI, comme Charles X, comme Louis-Philippe, par l'explosion de l'opinion nationale révoltée ; il est tombé sous le poids de l'Europe féodale, coalisée pour la quatrième fois contre celui qui était l'apôtre armé de la révolution, et sa représentation triomphante au milieu de la vieille Europe. Un fait bien simple suffît à peindre l'effet du passage de Napoléon dans la société moderne. La Sicile est une partie intégrante, mais séparée du territoire de Naples. Eh ! bien, le territoire napolitain est régi par le code civil français, tandis que le territoire sicilien est encore régi, à cette heure, par le code féodal du moyen-âge. Pourquoi cette différence ? Parce que, durant tout le temps que le roi Joseph et le roi Murât occupèrent l'Etat de Naples et y établirent les lois françaises, la Sicile resta occupée par les Bourbons, sous la garde des Anglais.

Supposez la coalition, ayant à sa tête l'armée de Condé ou les émigrés de Quiberon, triomphante des armées républicaines ; supposez que Napoléon n'eût pas eu le temps de consolider la révolution française à Marengo, à Austerlitz, à Iéna et à Wagram, et la France serait encore féodale, comme la Sicile.

Le rôle des Bonaparte, deux fois sanctionné par un vote solennel de la France, en 1804 et en 1852, consiste donc à défendre et à développer pratiquement la prépondérance de la démocratie fondée par la révolution, et à la soumettre à une discipline qui la conserve, en la préservant des excès qui la compromettent.

Livrée aux entraînements et aux désordres inhérents à la forme républicaine, la démocratie a toujours dégénéré et s'est changée en démagogie, principe antisocial, contre lequel les esprits et les intérêts réagissent violemment. Au contraire, groupée autour d'un pouvoir fort, né du choix du peuple, et par conséquent investi de sa confiance, la démocratie s'est toujours maintenue et développée, fortifiant la nation par la richesse, élevant les caractères par la moralité.

Dans l'accomplissement de son œuvre civilisatrice, Napoléon Ier eut surtout à porter le dernier coup aux traditions féodales ; et, quoique finalement renversé par elles, il laissa dans ses institutions civiles, administratives et militaires le principe d'égalité qui devait les tuer.

Autre a été l'œuvre de Napoléon III. Chargé, le 10 décembre 1848, d'arracher la France à la compétition des vieux partis et de la rendre à elle-même, il a poursuivi sa tâche, soutenu par l'amour et la reconnaissance du peuple ; mais, arrêté dans sa marche par une guerre inopinée et malheureuse, et précipité du pouvoir par une faction honteusement alliée aux ennemis, il est mort dans l'exil, regretté de la France, respecté de l'Europe, laissant pour héritage à son fils le soin et l'honneur de reprendre et d'accomplir la mission que six Plébiscites ont donnée à sa famille.

Ce livre sera comme le miroir dans lequel l'esprit élevé, l'âme noble, le cœur généreux, le caractère calme et résolu de Napoléon III viendront se réfléchir et se peindre.

Dans ses luttes, entreprises en vue de rendre la France à elle-même, comme dans l'exercice du pouvoir conféré par la confiance publique, il témoigna toujours de son respect pour la souveraineté nationale, de ses efforts pour améliorer, par le développement du travail, la condition matérielle et morale de tous ; de son désir de donner au pays l'ordre, la richesse, la gloire ; de montrer enfin que l'esprit de sa dynastie était toujours vivant dans son âme, et qu'élevé au trône par la volonté du peuple, il n'avait en vue que sa prospérité et sa grandeur.

Il perpétuait ainsi la pensée de Napoléon Ier, qui avait dit, en recevant la couronne : Mon esprit ne serait plus avec ma postérité, le jour où elle cesserait de mériter l'amour et la confiance de la grande nation.

Il pratiquait les leçons de sa mère la reine Hortense, qui lui avait tracé sa voie dans ces paroles d'une élévation et d'une dignité souveraines :

Le peuple, qui donne, a le droit d'ôter. Les Bourbons, qui se croient propriétaires, peuvent prétendre réclamer la France, comme un bien. Les Bonaparte doivent se rappeler que toute puissance leur vient de la volonté populaire. Ils doivent en attendre l'expression et s'y conformer, leur fût-elle contraire. (Mémoires de la reine Hortense.)

Tel il vécut sur le trône, tel il est mort dans l'exil, laissant, des enseignements dans lesquels son fils a puisé la devise napoléonienne :

TOUT POUR LE PEUPLE ET PAR LE PEUPLE.

 

Paris, 1er mars 1874.

A. GRANIER DE CASSAGNAC. — PAUL DE CASSAGNAC.