COURS D'HISTOIRE MODERNE

 

FRANÇOIS GUIZOT.

PREMIER COURS - 1828

Histoire générale de la civilisation en Europe, depuis le chute de l’Empire romain jusqu’à la Révolution française

 

 

Première leçon.

Histoire de la civilisation européenne — Rôle de la France dans la civilisation européenne — Que la civilisation peut être racontée — Que c’est le fait le plus général de l’histoire — Du sens usuel et populaire du mot civilisation — Deux faits principaux constituent la civilisation : 1° le développement de la société, 2° le développement de l’individu — Preuves de cette assertion — Que ces deux faits sont nécessairement liés l’un à l’autre et se produisent tôt ou tard l’un l’autre — La destinée de l’homme est-elle contenue toute entière dans sa condition actuelle et sociale ? — Que l’histoire de la civilisation peut être considérée et présentée sous deux points de vue — Quelques mots sur le plan du cours — De l’état actuel des esprits et de l’avenir de la civilisation.

IIe leçon.

Unité de la civilisation ancienne — Variété de la civilisation moderne — Sa supériorité — État de l’Europe à la chute de l’Empire romain — Prépondérance des villes — Tentative de réforme politique par les empereurs — Rescrit d’Honorius et de Théodose II — Puissance du nom de l’Empire — L’Église chrétienne — Les divers états par où elle avait passé au cinquième siècle — Le clergé dans les fonctions municipales — Bonne et mauvaise influence de l’Église — Les Barbares — Ils introduisent dans le monde moderne le sentiment de l’indépendance personnelle et le dévouement d’homme à homme — Résumé des divers éléments de la civilisation au commencement du cinquième siècle.

IIIe leçon.

Tous les divers systèmes prétendent à la légitimité — Qu’est-ce que la légitimité politique ? — Coexistence de tous les systèmes de gouvernement au cinquième siècle — Instabilité dans l’état des personnes, dans les propriétés, dans les institutions — Il y en avait deux causes, l’une matérielle, la continuation de l’invasion ; l’autre morale, le sentiment égoïste d’individualité particulier aux Barbares — Les principes de civilisation ont été le besoin d’ordre, les souvenirs de l’Empire romain, l’église chrétienne, les Barbares — Tentatives d’organisation par les Barbares, par les villes, par l’église d’Espagne, par Charlemagne, Alfred — L’invasion germaine et l’invasion arabe s’arrêtent — Le régime féodal commence.

IVe leçon.

Alliance nécessaire des faits et des doctrines — Prépondérance des campagnes sur les villes — Organisation d’une petite société féodale — Influence de la féodalité du possesseur de fief, et sur l’esprit de famille — Haine du peuple pour le régime féodal — Le prêtre pouvait peu pour les serfs — Impossibilité d’organiser régulièrement la féodalité — 1° point d’autorité forte, 2° point de pouvoir public, 3° difficulté du système fédératif — L’idée du droit de résistance inhérente à la féodalité — Influence de la féodalité, bonne pour le développement de l’individu, mauvaise pour l’ordre social.

Ve leçon.

La religion est un principe d’association — La coaction n’est pas l’essence du gouvernement — Conditions de la légitimité d’un gouvernement ; 1° pouvoir aux mains des plus dignes ; 2° le respect de la liberté des gouvernés — L’Église étant un corps et non une caste a rempli la première de ces conditions — Des divers modes de nomination et d’élection en vigueur dans son sein — Elle a manqué à l’autre condition par l’extension illégitime du principe de l’autorité, et par l’emploi abusif de la force — Mouvement et liberté d’esprit dans le sein de l’Église — Rapports de l’Église avec les princes — L’indépendance du pouvoir spirituel posée en principe — Prétentions et efforts de l’Église pour envahir le pouvoir temporel.

VIe leçon.

Séparation des gouvernants et des gouvernés dans l’Église — Influence indirecte des laïques sur le clergé — Le clergé recruté dans tous les états de la société — Influence de l’Église sur l’ordre public et sur la législation — Son système pénitentiaire — Le développement de l’esprit humain est tout théologique — L’Église se range en général du côté du pouvoir — Rien d’étonnant ; les religions ont pour but de régler la liberté humaine — Divers états de l’Église du cinquième au douzième siècle — 1° L’église impériale —  2° L’église barbare ; développement du principe de la séparation des deux pouvoirs ; de l’ordre monastique — 3° L’église féodale ; tentatives d’organisation ; besoin de réforme ; Grégoire VII — 4° L’église théocratique — Renaissance de l’esprit d’examen ; Abailard — Mouvement des communes — Nulle liaison entre ces deux faits.

VIIe leçon.

Tableau comparatif de l’état des Communes au XIIe et au XVIIIe siècle —  Double question — 1° De l’affranchissement des communes — État des villes du Ve au Xe siècle — Leur décadence et leur renaissance — Insurrection communale — Chartes — Effets sociaux et moraux de l’affranchissement des communes — 2° Du gouvernement intérieur des Communes — Assemblée du peuple — Magistrats — Haute et basse bourgeoisie — Diversité de l’état des Communes dans les divers pays de l’Europe.

VIIIe leçon.

Coup d’œil sur l’histoire générale de la civilisation européenne — Son caractère distinctif et fondamental — Époque où ce caractère commence à paraître — État de l’Europe du XIIe au XVIe siècle — Caractère des Croisades — Leurs causes morales et sociales — Ces causes n’existent plus la fin du XIIe siècle — Effets des croisades pour la civilisation.

IXe leçon.

Rôle important de la royauté dans l’histoire de l’Europe, dans l’histoire du monde — Vraies causes de cette importance — Double point de vue sous lequel l’institution de la royauté doit être considérée — 1° Sa nature propre et permanente — Elle est la personnification du souverain de droit — Dans quelles limites — 2° Sa flexibilité et sa diversité — La royauté européenne semble le résultat de diverses espèces de royauté — De la royauté barbare — De la royauté impériale — De la royauté religieuse — De la royauté féodale — De la royauté moderne proprement dite et de son véritable caractère.

Xe leçon.

Tentatives pour concilier et faire vivre et agir en commun, dans une même société, sous le même pouvoir central, les divers éléments sociaux de l’Europe moderne — 1° Tentative d’organisation théocratique — Pourquoi elle a échoué — Quatre obstacles principaux — Fautes de Grégoire VII — Réaction contre la domination de l’Église — De la part des peuples — De la part des souverains — 2° Tentative d’organisation républicaine — Républiques italiennes — Leurs vices — Villes du midi de la France — Croisade des Albigeois — Considération suisse — Communes de Flandre et du Rhin — Ligue hanséatique — Lutte de la noblesse féodale et des communes — 3° Tentative l’organisation mixte — États généraux de France — Cortés d’Espagne et de Portugal — Parlement d’Angleterre — État particulier de l’Allemagne — Mauvais succès de toutes ces tentatives  — Par quelles causes — Tendance générale de l’Europe.

XIe leçon.

Caractère particulier du XVe siècle — Centralisation progressive des peuples et des gouvernements — 1° De la France — Formation de l’esprit national français — Du territoire français — Manière de gouverner de Louis XI — 2° De l’Espagne — 3° De l’Allemagne — 4° De l’Angleterre — 5° De l’Italie — Naissance des relations extérieures des États et de la diplomatie — Mouvement dans les idées religieuses — Tentative de réforme aristocratique — Conciles de Constance et de Bâle —Tentative de réforme populaire — Jean Huss — Renaissance des lettres —  Admiration pour l’antiquité — École classique ou de libres penseurs — Activité générale — Voyages, découvertes, inventions — Conclusion.

XIIe leçon.

Difficulté de démêler les faits généraux dans l’histoire moderne — Tableau de l’Europe au seizième siècle — Danger des généralisations précipitées — Causes diverses assignées à la Réforme — Son caractère dominant est l’insurrection de l’esprit humain contre le pouvoir absolu dans l’ordre intellectuel — Preuves de ce fait — Destinées de la Réforme dans les différents pays — Côté faible de la Réforme — Des Jésuites — Analogie des révolutions de la société religieuse et de la société civile.

XIIIe leçon.

Caractère général de la révolution d’Angleterre — Ses principales causes — Elle est plus politique que religieuse — Trois grands partis s’y succèdent — 1° Du parti de la réforme légale ; 2° du parti de la révolution politique ; 3° du parti de la révolution sociale — Ils échouent tous — De Cromwell — De la restauration des Stuart — Du ministère légal — Du ministère des roués — Du ministère national — De la révolution de 1688 en Angleterre et en Europe.

XIVe leçon.

Différence et ressemblance entre la marche de la civilisation de l’Angleterre et celle du continent — Prépondérance de la France en Europe dans les XVIIe et XVIIIe siècles — Au XVIIe par le gouvernement français — Au XVIIIe par le pays lui-même — Du gouvernement de Louis XIV —  De ses guerres — De sa diplomatie — De son administration — De sa législation — Causes de sa prompte décadence — De la France au XVIIIe siècle — Caractères essentiels de la révolution philosophique — Conclusion du Cours.

 

Notes des éditeurs

M. Guizot avait entrepris de retracer le cours de la civilisation européenne, depuis la chute de l'empire romain et l'invasion des Barbares jusqu'à notre propre temps. Il a tour à tour passé en revue les principaux éléments de la société moderne, savoir : l'aristocratie féodale, l'église, les communes et la royauté. Il a observé leur développement successif ou parallèle, et les métamorphoses qu'ils ont subies à travers les siècles. Il a recherché quel avait été, dans chacun de ces éléments, le contrecoup des grands événements qui ont changé la face du monde, tels que les croisades, la révolution religieuse du seizième siècle, la révolution d'Angleterre au dix-septième. Il a décrit avec un soin particulier cette fusion secrète, cette transformation intérieure qui, dissolvant peu à peu tous les éléments du moyen âge longtemps en guerre, a enfin partagé les sociétés modernes en deux grandes forces, les peuples et les gouvernements. Le tableau du règne de Louis XIV et de sa lutte prolongée contre Guillaume III, celui du dix-huitième siècle en France, toujours le centre et le foyer de la civilisation européenne, ont surtout frappé les esprits. Ce n'est pas en quelques lignes que nous pouvons faire apprécier le mérite de ces leçons ; le prodigieux empressement du public à les entendre et à les lire nous en dispense pleinement.