LA VIE SOCIALE À ROME AU TEMPS DE CICÉRON

 

PAR W. WARDE FOWLER, M. A.

Traduit avec l'autorisation de l'auteur par A. Biaudet

PARIS - PAYOT & Cie - 1917

 

 

PRÉFACE.

CHAPITRE I. — TOPOGRAPHIE.

CHAPITRE II. — LA POPULATION DE CONDITION INFÉRIEURE.

CHAPITRE III. — LES GENS D'AFFAIRES ET LEURS OPÉRATIONS.

CHAPITRE IV. — L'ARISTOCRATIE GOUVERNEMENTALE.

CHAPITRE V. — LE MARIAGE ET LE MATRONE ROMAINE.

CHAPITRE VI. — L'ÉDUCATION DES HAUTES CLASSES.

CHAPITRE VII. — LA POPULATION SERVILE.

CHAPITRE VIII. — L'HABITATION DU RICHE À LA VILLE ET À LA CAMPAGNE.

CHAPITRE IX. — LA JOURNÉE DE L'HOMME À SON AISE.

CHAPITRE X. — JOURS FÉRIÉS ET DIVERTISSEMENTS POPULAIRES.

CHAPITRE XI. — LA RELIGION.

ÉPILOGUE.

 

PRÉFACE

L'ouvrage de M. W. Warde Fowler que l'éditeur Payot présente au public de langue française dans l'excellente traduction de M. A. Biaudet est, si je ne fais erreur, le premier qui ait été traduit en français. On pourrait s'en étonner, M. Warde Fowler étant depuis longtemps justement apprécié en Angleterre et en Amérique, mais il vaut mieux souhaiter que ce premier essai ne reste pas isolé, et espérer que d'autres œuvres de cet esprit distingué, profond et charmant trouveront soit en Suisse, soit en France, le traducteur et l'accueil qu'elles méritent. Sans doute cette traduction s'adresse surtout à ceux qui par profession s'occupent de l'Antiquité classique ; mais, si elle révélait au public qui pense, et qui lit autre chose que des récits de guerre, la valeur d'un savant et d'un critique qui est en même temps un lettré et un homme de cœur, il faudrait s'en féliciter, tant est rare la fusion intime de pareilles qualités. On ne peut manquer d'en être frappé, et l'étude de l'Antiquité, dont le besoin (croyons-nous) se fait sentir plus que jamais, en tirera un généreux profit.

Il n'est point nécessaire de faire l'éloge de cet ouvrage-ci, et je n'y songe d'ailleurs point, mais je crois rendre service à plus d'un lecteur en lui signalant brièvement les principaux ouvrages de M. Warde Fowler. Fellow et ancien Vice-Recteur de Lincoln College à Oxford, il est historien de carrière et spécialisé dans l'étude de l'histoire romaine. Son nom est intimement lié à celui de deux autres savants morts récemment : J. L. Strachan-Davidson et H. F. Pelham ; et ces trois hommes éminents ont probablement plus fait que personne, dans la génération précédente, pour promouvoir en Angleterre non point la culture, mais bien la science de l'Antiquité romaine et pour la faire sortir de l'ornière où elle risquait de s'enliser.

Mais, si tous trois ont été des maîtres remarquables, M. Warde Fowler s'est distingué par une production plus intense et plus abondante. Je ne mentionne que pour mémoire ses observations captivantes sur les oiseaux, et parce que, dans l'un des ouvrages qu'il y a consacrés, A Year with the Birds, l'étude de l'Antiquité est représentée par un excellent essai sur les oiseaux dans Virgile. Ce ne sont que les récréations d'un savant ; le meilleur de son effort s'est porté soit sur l'histoire romaine (Julius Cæsar and the Foundation of the Roman Imperial System) ou l'histoire ancienne (The City-State of the Greeks and Romans), soit surtout et d'incomparable manière sur l'histoire de la religion romaine. Peu de savants en ont pénétré le caractère spécial avec une sympathie aussi avisée, aucun ne l'a su faire revivre d'une vie aussi intense. Après un premier travail sur The Roman Festivals of the Period of the Republic, qui reste la meilleure introduction à cette étude difficile entre toutes, il donna en 1911 ce chef-d'œuvre définitif qu'est The Religions Experience of the Roman People, et qui, dans une langue souvent admirable, fait l'histoire des formes du sentiment religieux à Rome jusqu'à l'époque d'Auguste. Si deux ouvrages méritent particulièrement d'être connus et étudiés, ce sont ceux-là, surtout le second, qui devait être écrit après l'apparition du substantiel manuel de M. G. Wissowa sur la religion et le culte romains, mais qui ne pouvait l'être que par un maître aussi richement doué que l'est M. Warde Fowler. Ce n'est point exagérer de dire que rien de pareil en ce domaine n'avait paru depuis les géniales leçons de W. Robertson Smith sur la Religion des Sémites. Les Roman Ideas of Deity, qui sont une sorte de complément à son grand ouvrage, n'ont pas la même félicité, mais offrent quand même un intérêt très réel et abondent en vues ingénieuses.

On ne peut cependant parler de cet esprit exquis et serein sans relever encore tout ce que lui doivent les études virgiliennes. C'est dans la XVIIIe leçon de sa maîtresse œuvre, sur le Sentiment religieux dans les poèmes de Virgile, que M. Warde Fowler a apporté à l'étude de l'Enéide la contribution la plus neuve, la plus juste et la plus féconde de ces cinquante dernières années. Il a ouvert d'amples horizons dans un sujet où la critique allemande, exception faite de Franz Skutsch pour la jeunesse de Virgile, s'est presque exclusivement occupée des questions de sources, de forme et de langue, en négligeant l'essentiel, qui est ailleurs. Pour ceux qui aiment Virgile — et qui pourrait s'empêcher de le vénérer en pays latin ? — M. Warde Fowler est à l'heure présente le maître le plus digne d'être écouté avec respect. Aussi bien s'est-il occupé du prince des poètes toute sa vie et avec la plus clairvoyante piété. Pouvoir lire et comprendre Virgile, dit-il quelque part, est pour moi une des choses qui donnent le plus de valeur à la vie. Il n'a point caché son trésor, mais il l'a généreusement distribué dans de nombreux articles, parus surtout dans la Classical Review ; et son travail sur la IVe Eglogue de Virgile, réimprimé avec deux opuscules des professeurs J. B. Mayor et R. S. Conway, sous le titre de Virgil's Messianic Eclogue, reste une des meilleures choses qu'on ait écrites sur un sujet qui n'est point encore élucidé. Récemment, il publiait sur une partie du livre VII de l'Enéide un exquis petit ouvrage, Virgil's Gathering of the Clans, qui, sans chercher à épuiser la matière, est un modèle d'interprétation intelligente et sympathique. On a coin-pris en Angleterre toute la portée de son œuvre sur Virgile ; on ne peut que gagner à s'en pénétrer aussi chez nous, où la tradition virgilienne ne s'est jamais obscurcie que momentanément.

De purs et nobles sentiments exprimés avec la simplicité la plus courtoise, et avec une délicieuse qualité d'onction, voilà ce qui me semble caractériser l'homme qui a écrit tant de si solides et souvent de si belles pages. On peut y ajouter pour l'écrivain un sens instinctif du moyen le mieux approprié à faire prendre goût à l'entretien qu'il nous propose. Les premières pages de cet ouvrage en sont un excellent exemple. Son secret est bien simple : M. Warde Fowler ne fait point violence à ses lecteurs, il cherche à se mettre à leur portée. Il nous l'a livré, ce secret, sans le vouloir, dans une page de son dernier ouvrage qui est en quelque manière son testament spirituel (Essays in Brief for War-Time, 1916). On lui avait imposé la tâche d'arriver en une demi-heure à faire comprendre aux écoliers de son village ce que fut Shakespeare, et pourquoi tous les peuples de la terre le mettent au premier rang. Après avoir promené ces enfants en imagination dans la patrie de Shakespeare, après avoir relevé ce qu'il y a de saillant dans la vie de l'homme : Si vous sortez, leur dit-il, par une belle nuit d'étoiles, vous en verrez des milliers qui semblent au premier regard toutes égales en éclat. Mais bientôt vous en distinguerez une plus brillante et plus scintillante que les autres, et vous ne pourrez plus en détacher votre regard : toutes les autres pâliront devant sa flamme. Il en est de même pour les hommes ; chez certains d'entre eux, la flamme de vie paraît incomparablement plus forte et plus lumineuse que chez tous les autres. Shakespeare fut une de ces étoiles si brillantes...

Je ne serais pas étonné que M. Warde Fowler ait eu toute sa vie les yeux fixés sur une étoile plus lumineuse que les autres, et c'est ce qui donne tant de prix aux moindres choses qu'il a écrites.

FRANK OLIVIER,

Professeur à l'Université de Lausanne.