LA MORT DU ROI

21 JANVIER 1793

 

CHAPITRE IV. — SUR LA PLACE DE LA RÉVOLUTION.

 

 

Ainsi périt Louis XVI, roi de France et de Navarre, âgé de trente-neuf ans, cinq mois moins trois jours, après avoir régné dix-huit ans et avoir été en prison cinq mois et huit jours. (Mémoire de Madame Royale.)

Voilà la tête du tyran bas ! (Refrain improvisé, le 21 janvier, sur la place de la Révolution.)

 

A ce moment[1], les troupes commandées avaient, depuis longtemps déjà, pris position sur la place. Les premiers arrivés avaient été les fédérés de Marseille, entrés dans Paris en décembre 1792. Le commandant général de la garde nationale, Santerre, raconte le chef de ces fédérés, André Girard, dit, hier, à moi et au commandant du bataillon d'Aix, que, connaissant combien 'nous avions toujours détesté les tyrans et surtout celui qui avoit fait verser le sang de nos frères, et que, pour en imposer à nos calomniateurs, il nous placeroit à côté même (le l'échafaud, autant pour nous procurer la satisfaction de voir tomber cette tête infatue, que pour combattre ses partisans s'il s'en présentoit[2]. Aussi, ajoute le même Girard, à une heure du matin nous avons pris les armes et sommes sortis de suite de la caserne pour nous rendre sur la place ci-devant Louis XV, aujourd'hui place de la Révolution, où nous avons eu le plaisir de nous trouver les premiers[3]. Cela était facile à prévoir. Le bataillon des fédérés d'Aix arriva ensuite, puis celui des Vainqueurs de la Bastille.

Les gardes nationaux des Sections armées avaient montré moins de zèle et s'étaient contentés d'obéir strictement aux injonctions reçues qui fixaient leur rassemblement à sept heures. Beaucoup de ces défenseurs de l'ordre semblent, en effet, avoir été moins enthousiastes et moins exaltés que les sans-culottes des provinces. C'est à mon grand regret, mande, le jour même, l'un d'eux à un ami, que j'ai été obligé d'assister à l'exécution, en armes, avec les autres citoyens des Sections, et je t'écris le cœur pénétré de douleur et dans la stupeur d'une profonde consternation[4]. Le jour du supplice du Roi, raconte un autre, la compagnie de garde nationale, dont je faisais partie, ayant dit fournir, comme toutes les autres, un certain nombre de fusiliers pour assister à cette exécution et veiller à ce qu'elle se passât sans trouble, deux ou trois individus s'offrirent seuls de bonne volonté. On dut recourir au sort et je fus du nombre de ceux qu'il désigna[5]. Bon gré, mal gré, il fallait ainsi marcher, et, vers huit heures seulement, les deux légions de la garde nationale, auxquelles était revenu l'honneur — la douleur, donc, pour beaucoup, — d'assister à l'exécution, se trouvaient massées sur la place de la Révolution. C'étaient la 3e et la 4e légions de la garde nationale, en partie du moins : l'une se développant entre le Pont tournant des Tuileries, le pont de la Liberté (pont de la Concorde), le cours de l'Égalité (Cours-la-Reine) et la route de Neuilly (avenue des Champs-Élysées) ; la quatrième, lui faisant face entre le Pont tournant, la rue Saint-Florentin, la rue de la Révolution (rue Royale) , la rue des Champs-Élysées (rue Boissy-d'Anglas) et la route de Neuilly[6].

A l'entrée de chacune des voies par lesquelles on pouvait pénétrer sur la place était postée l'artillerie des Sections : rue de la Révolution, quatre canons : au Pont tournant, quatre canons ; rue Saint-Florentin, quatre canons ; rue des Champs-Élysées, un canon ; route de Neuilly, quatre canons ; cours de l'Égalité, deux canons ; pont de la Liberté, deux canons ; toute cette artillerie étant disposée très en évidence, semble-t-il, puisque des témoins ont eu l'impression que l'espace vide, qu'on avait laissé autour de l'échafaud, était bordé de canons.

Quel était l'effectif des troupes réunies sur la place même de la Révolution ? Il est bien difficile de l'apprécier : 30.000 hommes, dit un témoin[7], 20.000, dit un autre[8]. La vérité doit se trouver non pas entre les deux chiffres, mais beaucoup plus près du second que du premier, et je crois qu'on peut estimer à 20.000 hommes environ le nombre des citoyens en armes qui assistèrent à l'exécution[9].

A qui était remis le commandement suprême de ces troupes ? Encore une question à laquelle il est malaisé de répondre. André Girard, le commandant des fédérés de Marseille, témoin oculaire, prétend qu'il vit à la tête de l'escorte Santerre, commandant général de la garde nationale de Paris, et Jean-François de Berruyer, général de Farinée de l'intérieur, qui, comme tel, devait avoir le pas sur Santerre, simple maréchal de camp[10] ; et beaucoup de mémorialistes ou d'auteurs postérieurs ont affirmé que la Convention, le gouvernement avait, le 21 janvier, investi Berruyer du commandement en chef des troupes[11]. Mais je dois avouer que, si Berruyer et probablement son subordonné, Louis-Charles-Antoine Beaufranchet d'Ayat, maréchal de camp à Farinée de l'intérieur, assistèrent à l'exécution du Roi, il semble bien que c'est Santerre qui fut chargé de la responsabilité des ordres et des mesures de sûreté prises ce jour-là[12].

***

Si beaucoup de points restent ainsi obscurs, il en est un que l'on peut du moins considérer, aujourd'hui, comme acquis : je veux parler de la place occupée par l'échafaud. Tous les textes officiels sont en effet d'accord pour marquer cette place entre le piédestal de la statue de Louis XV (obélisque)[13] et l'avenue des Champs-Élysées[14]. L'un de ces textes, jusqu'ici inédit, la minute du décret du Conseil exécutif du 20 janvier, permet même de préciser davantage. Ce document porte expressément :

Le lieu de l'exécution sera la place de la Révolution, ci-devant Louis XV, entre le piédestal et les Champs-Élysées, et à six toises à gauche de la statue[15].

La statue de Louis XV étant tournée face aux Tuileries et ayant sa gauche vers le Garde-Meuble — aujourd'hui ministère de la Marine —, l'échafaud était donc placé en arrière du piédestal — vers les Champs-Élysées —, et un peu à gauche de ce piédestal — 6 toises ou 12 mètres environ — pour un spectateur faisant face aux Tuileries. Cela est confirmé d'ailleurs par un autre texte qui situe de même la guillotine à 6 toises du piédestal[16] ; par le Récit d'un témoin oculaire qui la place entre les Champs-Élysées et la statue de la Liberté — dressée au mois d'aoùt 1793 sur le piédestal de la statue de Louis XV —, et à quinze pas du socle de cette statue[17] ; enfin, par beaucoup de gravures sur lesquelles apparaît nettement la vraie position de l'échafaud.

Dans ces conditions, il est donc tout à fait impossible d'admettre que le Roi a été guillotiné entre le milieu de la communication du centre de la place avec le Cours-la-Reine et le côté nord du fossé qui, au-dessous du pont de la Concorde bordait le quai, c'est-à-dire au nord de ce fossé et au sud de cette communication[18]. A cela du reste se serait opposé l'ordre de marche des troupes de l'escorte, qui devaient filer et prendre position sur le Cours-la-Reine et sur l'emplacement ainsi faussement présumé de l'échafaud.

Cet échafaud faisait face aux Tuileries, pour que le criminel pût à son heure suprême contempler le palais de ses aïeux[19]. A sa gauche, il avait donc l'hôtel du Garde-Meuble qu'occupaient, depuis quelque temps déjà, en partie, les services de la Marine, et qui est encore aujourd'hui le ministère de la Marine.

Je n'ai pas à décrire longuement ici la guillotine. Sur le devant d'une plate-forme, — de deux mètres environ de hauteur sur trois à quatre de large et cinq à six de long, — entourée d'une balustrade à hauteurs d'appui et à laquelle on accédait par une sorte d'échelle-escalier, se dressait la machine, composée essentiellement de deux montants, d'environ 10 pieds de haut et d'un pied d'écartement, entre lesquels était en bas placée la lunette, c'est-à-dire, les deux planches échancrées chacune en leur milieu en demi-lune, l'une fixe, l'autre mobile et glissant dans deux rainures, et où s'engageait et était maintenue la tête du condamné, au niveau de la base du crâne. En haut des deux poteaux, barrés à leur extrémité supérieure par une traverse, était disposé le couperet, en forme de trapèze, monté sur un dos fort et lourd, un mouton, et qui, déclenché à l'aide d'une corde, glissait, soutenu par deux oreillons, dans des rainures garnies de cuivre, perfectionnement apporté, après que l'on se fut rendu compte que le sang rejaillissant et faisant gonfler le bois rendait l'opération plus difficile. En face du plan ainsi formé par la guillotine, une planche mobile, en son milieu, autour d'un axe, servait à lier le condamné, dont, en rabattant cette planche, on amenait ainsi la tête dans la lunette[20].

Jusqu'alors, la guillotine n'avait fonctionné Glue sur la place du Carrousel et sur celle de Grève. Pour la première fois, on la dressait place de la Révolution. L'opération dut se faire dans l'après-midi du 20 janvier, comme en témoigne la lettre souvent citée de l'exécuteur au citoyen suppléant pour le procureur général syndic du département.

Citoyen,

Je viens de recevoir les ordres que vous m'aviez adressez. Je vas prendre toutes les mesures pour qu'il n'arive aucuns retards à ce qu'ils prescrivent. Le charpentier est avertit pour la pose de la machine, laquelle sera mise en place à l'endroit indiqué...

Le citoyen SANSON

Exécuteur des jugements criminels.

Paris, le 20 janvier 1793, l'an 2e de la République française[21].

 

Le signataire de cette lettre était Charles-Henry Sanson alors âgé de cinquante-quatre ans, celui-là même qui, le lendemain, devait décapiter le Roi. Ce point mérite qu'on y insiste, si banal qu'il puisse sembler. Sanson, a déclaré plus tard expressément Santerre, Sanson n'avait jamais exécuté lui-même. Il voulut exécuter Louis XVI. Il avait ce jour-là son sabre et ses pistolets[22]. Il y aurait là la confirmation d'une hypothèse très curieuse faite autrefois par M. Lenotre, d'après laquelle Sanson, à qui la guillotine répugnait, aurait ordinairement laissé le soin des exécutions à son fils aîné, Henry Sanson[23]. Ce dernier aurait alors simplement joué, le 21 janvier, le rôle de l'un des deux aides, que presque tous les témoins s'accordent à donner ce jour-là à l'exécuteur.

***

Le Conseil général de la Commune, dans sa séance du 20 janvier, avait, je l'ai dit, formellement défendu la circulation dans les rues à tous les citoyens sans armes et aux femmes pendant la matinée du 21 janvier[24]. Après, cependant, que le cortège se fût engagé dans la rue de la Révolution, il se produisit comme un remous et un désordre, qui dut permettre à quelques personnes de pénétrer sur la place à la sui te de la voiture et de l'escorte. C'est cette circonstance du moins qui valut à Étienne-Denis Pasquier, le futur chancelier, de subir l'épouvantable spectacle du 21 janvier. Je demeurais alors, écrit-il, dans une maison qui donnait sur le boulevard et au coin de l'église nouvelle de la Madeleine. Mon père et moi étions, depuis le matin, en face l'un de l'autre, abîmés dans notre douleur, sans avoir la force de prononcer une parole[25]. Nous savions que le cortège s'avançait en suivant les boulevards. Tout à coup, un assez grand bruit se fait entendre. Je me précipite[26], poussé par la pensée que peut-être il se fait une tentative pour la délivrance du Roi. Comment n'aurais-je pas jusqu'au dernier moment conservé cet espoir ? J'arrive ; ce n'étaient que les clameurs des forcenés qui entouraient la voiture ; je me trouve enveloppé dans la foule qui la suivait, qui m'en-traille jusque sur la place, me porte et me fixe, en quelque sorte, en face de l'échafaud ![27] Et nous savons, d'ailleurs, qu'en dépit des défenses officielles, de simples curieux trouvèrent le moyen de s'approcher jusqu'aux abords de la guillotine. Ce fut le 21 janvier qu'eut lieu l'exécution du Roi, écrit Pierre-Joseph Joly, de Reims, alors en séjour à Paris. Je l'avoue, quoique tout frissonnant de ce que je voyais journellement, j'étois jeune et curieux. Je me rendis seul sur la place de la Révolution. Elle étoit déjà remplie de gardes nationales, tant cavalerie, qu'infanterie et artillerie. Toutes les issues en étoient défendues par deux pièces de canon chargées jusqu'à la gueule. Cependant je parvins à passer, quoique sans armes ; il n'y avoit que les corps armés qui y pouvoient rester. Il y avoit, à peu de distance de l'échafaud, de vastes bassins qui servoient aux maçons pour fondre leur chaux. Je me jetai dedans, où je vis déjà trois ou quatre personnes qui s'y étoient réfugiées, et, dans cette position, j'attendis le moment qui devoit couvrir la France de la plaie la plus saignante qu'elle cnt jamais et qu'il y a lieu de croire qu'elle aura jamais... Enfin, sur les dix heures et demie du matin, on entendit une confusion de voix qui crioient : Le voilà ! Le voilà ! Alors je me penchai sur l'angle de ce bassin, dans lequel j'étois enfoncé, et vis arriver le triste cortège ![28]

Les choses étaient réglées de telle manière que ce cortège, arrivant à la place de la Révolution, devait continuer sa marche dans le cours de l'Égalité — ci-devant la Reine — jusqu'à ce que l'on commandât halte à la tête[29]. Et si l'on s'en rapporte, d'autre part, à une relation contemporaine, qui dit que la voiture, dans laquelle était le Roi, a fait le tour de l'échafaud et s'est arrêtée au pied de l'escalier par lequel on y montoit[30], il faudrait admettre que le cortège aurait, en débouchant de la rue de la Révolution sur la place, pris son point de direction sur le pont de la Révolution, pour faire un à-droite à la hauteur de la statue de Louis XV et gagner le Cours-la-Reine, ou opéré une conversion à droite et vers le même point, entre le piédestal de la statue de Louis XV et l'échafaud, pendant que, dans les deux cas, la voiture se serait détachée de l'escorte, pour faire en effet le tour de cet échafaud et s'arrêter devant l'escalier.

Dès que le Roi sentit que la voiture n'allait plus, raconte l'abbé Edgeworth, il se retourna vers moi et me dit à l'oreille : Nous voilà arrivés, si je ne me trompe. Mon silence lui répondit qu'oui. Un des bourreaux vint aussitôt ouvrir la portière, et les gendarmes voulurent descendre ; mais le Roi les arrêta, et appuyant sa main sur mon genou : Messieurs, leur dit-il, d'un ton de maitre, je vous recommande Monsieur que voilà : ayez soin qu'après ma mort il ne lui soit fait aucune insulte. Je vous charge d'y veiller. Ces deux hommes ne répondant rien, le Roi voulut reprendre d'un ton plus haut ; mais l'un d'eux lui coupa la parole : Oui, oui, lui répondit-il, nous en aurons soin ; laissez-nous faire. Et je dois ajouter que ces mots furent dits d'un ton de voix qui aurait dû me glacer, si, dans un moment tel que celui-là, il m'eût été possible de me replier sur moi-même[31].

Ce court dialogue rapporté par Edgeworth suffit-il à remplir les trois, quatre, ou cinq minutes, que presque tous les témoins s'accordent à reconnaître que le Roi passa dans la voiture avant de descendre ? Peut-être que non, et alors il faut admettre, ou bien qu'il s'entretint quelques instants seul à seul avec l'abbé Edgeworth[32], ou bien qu'il acheva ses prières qui n'étaient point finies[33].

Il est un point sur lequel concordent mieux les impressions des spectateurs : l'attitude du Roi quand, sortant de la voiture, il se trouva au pied de l'échafaud. Tous ceux qui le virent à cet instant, — amis et ennemis, sont unanimes à reconnaître son air déterminé et courageux[34], le regard assuré qu'il arrêta sur l'instrument de son supplice, sur le piédestal de la statue de son aïeul et sur le peuple[35], la fermeté et le calme avec lesquels il fixa tout ce qui l'entourait[36]. Ses cheveux n'étaient pas en désordre, son teint ne paraissait pas altéré[37], précise un texte.

Mais c'est à partir de cette heure que varient les dires des assistants, et c'est à partir de cette heure aussi que s'impose la critique la plus sévère de l'autorité de leurs témoignages. Où se fit la toilette du condamné ? au pied de l'échafaud, ou sur l'échafaud même ? Gravit-il seul et sans secours les degrés de la guillotine ? Où fut prononcé le célèbre adieu de l'abbé Edgeworth ? Où et à quel moment le Roi adressa-t-il au peuple ses dernières paroles ? A quel instant et par qui fut-il interrompu ? Tous épisodes qu'il paraît presque impossible, à première vue, de retracer d'une façon certaine, étant donnée la diversité des relations.

J'ai tenté de le faire pourtant, en prenant comme base, je le dis tout de suite, les rapports de ceux qui m'ont paru avoir été le mieux placés pour bien voir et bien entendre, pour vivre dans toute leur horreur, pour raconter plus tard en toute sincérité l'histoire des sept minutes tragiques que je vais exposer d'après eux ; en première ligne : l'abbé Edgeworth, le bourreau Sanson, Santerre ; en seconde ligne : Philippe Pinel, le célèbre médecin aliéniste, âgé de quarante-huit ans ; André Girard, commandant du bataillon des fédérés de Marseille, dont j'ai déjà parlé ; Joseph Trémié, volontaire au même bataillon ; Rouy l'aîné, rédacteur du Magicien républicain ; Pichon, simple garde national, originaire de Pithiviers.

Un fait est d'abord surabondamment prouvé, en dépit des affirmations contraires : c'est que le Roi fut dépouillé au pied même de l'échafaud, et non après qu'il y fût monté. Décendant de la voiture pour l'exécution, on a dit à Louis Capet qu'il faloit ôter son habit ; il fit quelques difficultées, en disant qu'on pouvoit l'exécuter comme il étoit. Sur la représentation que la chose étoit impossible, il a lui-même aidé à ôter son habit. Il fit encore la même difficultée lorsqu'il cest agit de lui lier les mains, qu'il donna lui-même lorsque la personne qui l'acompagnoit lui eut dit que c'étoit un dernier sacrifice. Alors il s'informa sy les tembours batteroit toujour ; il lui fut répondu que l'on n'en savoit rien. Et c'étoit la vérité[38]. Cette courte relation de Sanson est, je crois, de la plus rigoureuse véracité et ne peut qu'être illustrée par celle si connue de l'abbé Edgeworth et par celle de Santerre, plus brutale et réaliste.

Dès que le Roi fut descendu de voiture, dit Edgeworth, trois bourreaux l'entourèrent et voulurent lui ôter ses habits. Mais il les repoussa avec fierté, et se déshabilla lui-même. Il délit également son col, ouvrit sa chemise et l'arrangea de ses propres mains. Les bourreaux, que la contenance fière du Roi avaient déconcertés un moment, semblèrent alors reprendre de l'audace. Ils l'entourèrent de nouveau, et voulurent lui prendre les mains : Que prétendez-vous ? leur dit le prince, en retirant ses mains avec vivacité. — Vous lier ! répondit un des bourreaux. — Me lier ! repartit le Roi, d'un air d'indignation, je n'y consentirai jamais ! Faites ce qui vous est commandé, mais vous ne me lierez pas ; renoncez à ce projet ! Les bourreaux insistèrent ; ils élevèrent la voix, et semblaient déjà vouloir appeler du secours pour le faire de vive force. C'est ici peut-être le moment le plus affreux de cette désolante matinée ; une minute de plus, et le meilleur des rois recevait, sous les yeux de ses sujets rebelles, un outrage mille fois plus insupportable que la mort, par la violence qu'on semblait vouloir y mettre. Il parut le craindre lui-même ; et, se retournant vers moi, il me regarda fixement comme pour me demander conseil. Hélas ! il m'était impossible de lui en donner un, et je ne lui répondis d'abord que par mon silence. Mais comme il continuait de me regarder : Sire, lui dis-je, avec des larmes, dans ce nouvel outrage, je ne vois qu'un dernier trait de ressemblance entre votre Majesté et le Dieu qui va être sa récompense. A ces mots, il leva les yeux au ciel avec une expression de douleur que je ne saurais jamais rendre. Assurément, me dit-il, il ne faudra rien [de] moins que son exemple pour que je me soumette à un pareil affront. Et se tournant vers les bourreaux : Faites ce que vous voudrez, leur dit-il, je boirai le calice jusqu'à la lie ! Puis, — dit une variante du récit d'Edgeworth, — il présenta ses mains avec une majestueuse résignation, et comme on faisait plusieurs nœuds, le Roi dit avec douceur : Il n'est pas nécessaire de serrer aussi fort ![39]

Lorsque Louis fut arrivé, raconte, d'autre part, Santerre, quatre mois après l'événement, il demanda à parler seul à son confesseur. Il resta dans la voiture environ cinq minutes, puis il en descendit. À l'instant, J'exécuteur le saisit et lui dit : Monsieur, laissez votre habit !Non, répliqua le Roi, d'un ton ferme. — Il faut laisser votre habit, je ne peux pas opérer sans cela. — Je ne le veux pas, répliqua Louis. Le bourreau et ses deux valets veulent l'en dépouiller. Eh ! bien, dit-il, laissez-moi ; je vais l'ôter moi-même. Il détache son col, le jette à terre, et quitte son habit. Le bourreau profite de ce moment, lui saisit les mains et les lui attache derrière le dos, tire promptement ses ciseaux et lui coupe les cheveux. Cette opération fit tressaillir Louis[40].

En dehors des particularités fournies par ces récits, trois détails seulement peuvent être empruntés sûrement à d'autres sources : au Mémoire de Madame Royale, et à d'autres souvenirs de Santerre, celui-ci, que les mains furent attachées au Roi avec son mouchoir, non avec une corde[41] ; — à la lettre de Pinel, du 21 janvier, cet autre, que le bourreau, après avoir coupé les cheveux du Roi, les mit dans sa poche[42] ; — aux relations de Rouy l'aîné et d'Ange Pitou[43], ce dernier, qu'au pied de l'échafaud le Roi se mit à genoux devant Edgeworth, pour lui demander sa bénédiction et qu'ils s'embrassèrent.

L'exécuteur, raconte Santerre, montre, alors, au Roi l'escalier de l'échafaud et veut le soutenir pour l'aider à monter. Louis refuse ce secours. Et Santerre ajoute ce que rapportent beaucoup d'autres, que le Roi escalada l'escalier d'un pas très ferme, très courageusement, et seulement appuyé sur le bras de son confesseur[44]. — Un récit, — qui prétend reproduire les propres expressions d'un témoin oculaire, — précise qu'il monta à l'échafaud avec cet air religieux et majestueux d'un prêtre vénérable qui monte à l'autel pour célébrer la messe[45]. La vérité est encore ici, je crois, dans Edgeworth, qui dit l'avoir soutenu dans sa montée qui fut, en réalité, très pénible. Les marches qui conduisaient à l'échafaud étaient extrêmement roides. Le Roi fut obligé de s'appuyer sur mon bras ; et à la peine qu'il semblait prendre, je craignis un moment que son courage ne commençât à fléchir[46]. La chose peut s'expliquer naturellement, autrement que par l'émotion, — à laquelle fait allusion Edgeworth, par la peine que devait avoir un homme de la corpulence du Roi à gravir l'escalier très incliné de la guillotine.

Quoi qu'il en soit, c'est pendant cette ascension ou à son terme que l'abbé Edgeworth dut prononcer le mot fameux : Fils de saint Louis, montez au ciel ! ou Fils de saint Louis, le ciel vous attend, qu'il n'y a pas de raisons absolues pour rejeter[47].

Cependant, à peine parvenu sur la plate-forme, le Roi s'échappe, pour ainsi dire, des mains de son confesseur, traverse, d'un pied ferme, toute la largeur de l'échafaud[48], s'avançant sur le côté gauche[49]. Les bourreaux surpris essaient de le retenir. Il donne un coup de coude à celui des exécuteurs qui était à son côté gauche et le dérange suffisamment pour pouvoir s'avancer jusqu'au bord de l'échafaud[50], contre la balustrade, du côté gauche, vis-à-vis le Garde-meuble[51]. Dépouillé de son habit, et n'étant plus revêtu que de son gilet blanc, de sa culotte et de ses bas gris, sa liante et forte stature se détachant sur le ciel sombre et bas, les épaules plus effacées de ses mains liées, la tête levée[52], le cou dégagé, ses cheveux coupés par derrière devant lui donner le plus étrange aspect, le visage rouge[53] de l'effort physique fait sans doute pour gravir les degrés de la guillotine, promenant ses regards de la droite à la gauche[54], tel apparaît alors le Roi-martyr, dont ses ennemis n'ont même pas pitié à cette minute suprême : A l'exemple de Charles Ier, disent les Révolutions de Paris, Louis Capet, quand il monta sur la guillotine, étoit vêtu de blanc, symbole apparemment de son innocence. Cette affectation n'a point échappé à certaines gens, qui ont su gré à leur bon maître (le soutenir son rôle jusqu'à la fin[55].

Les tambours de l'escorte, qui s'étaient rangés face à la machine, roulaient, ai-je dit, dès avant la descente du Roi de sa voiture. Point important, et qu'aucun récit sûr ne permet de révoquer en doute. Les tambours qui battaient la marche, racontait plus tard Santerre, n'avaient pas à ce moment discontinué, de battre et ne devaient cesser que lorsque toute la troupe serait entrée dans la place et aurait cessé de marcher[56]. Que se passa-t-il alors ? Le Roi, par son seul regard[57], d'un signe[58], d'un geste de la tête ou du pied[59], imposa-t-il silence à ces tambours ? La chose est tout à fait probable. Quelques récits affirment pourtant qu'il leur cria : Taisez-vous ! ou Paix, tambours !... Messieurs, je demande la parole ![60] Quoi qu'il y ait, les tambours, une partie d'entre eux du moins, discontinuèrent de battre, et l'on comprit ou l'on entendit que le Roi voulait parler. Aussitôt, un mouvement d'agitation se manifesta parmi tous les citoyens armés, les uns demandant qu'on le laissât parler, et les autres, déjà trop ennuyés des longueurs que l'appareil avait occasionnées, s'opposant à ce qu'il fût entendu. Cette diversité d'opinions fit augmenter l'agitation, et déjà on craignait un soulèvement qui n'aurait pu être que des plus funestes par les malheurs inévitables qui en auraient été la suite[61]. La foule commençait à s'émouvoir en faveur de Louis[62] ; quelques voix s'élevèrent derrière un amas de pavés et crièrent Grâce ![63] D'autre part, on parlait de divers côtés de faire feu, et les Marseillais étaient disposés à tout événement à tirer sur l'échafaud ; on entendait de toutes parts le bruit menaçant de fusils qu'on armait...[64]

II fallait brusquer les choses. Les chefs de la force armée le comprirent. Ordre est hurlé aux tambours de reprendre, ou de redoubler[65] leur roulement. Hurlé par qui, cet ordre ? Par Santerre ? Par Berruyer ? par Beaufranchet d'Ayat ? par A.-C.-M. Sain de Bois-le-Comte, obscur officier, adjoint d'adjudant général, à qui l'on a fini par infliger cet honneur[66] ? Probablement par tous à la fois, qui, affolés, se le renvoyèrent les uns aux autres. En même temps, les aides de camp de Santerre se ruent vers l'échafaud et pressent le bourreau de faire son métier. L'un d'eux, Richard — dont certains récits font, à tort, un des exécuteurs —, se saisit d'un pistolet et le met en joue[67]. Mais Sanson et ses aides se sont déjà jetés sur le Roi, et l'entraînent de la gauche vers la guillotine. On aperçut alors celui-ci qui, devenu jaune comme un coing[68], fit un geste d'impatience[69], frappa du pied[70]. Et c'est à ce moment, pendant qu'il était conduit à l'endroit où on l'attacha[71], pendant qu'on l'emmenoit à la planche fatale[72], pendant qu'on le lioit à la planche verticale[73], pendant qu'on lui mettoit les sangles[74], autour des reins et aux jambes, c'est à ce moment seulement, semble-t-il, que le Roi commença à prononcer d'une voix si forte qu'elle dut être entendue du Pont-Tournant[75], d'une voix de stentor[76], et acheva dans un tel tumulte qu'on ne put l'entendre à plus de six pas[77], les célèbres paroles dont le texte le plus sûr est certainement le suivant : Peuple, je meurs innocent ! Je pardonne aux auteurs de ma mort ! Je prie Dieu que mon sang ne retombe pas sur la France !... Version dont les trois phrases ont pour elles l'autorité des témoignages les plus sûrs, et dont la dernière est particulièrement confirmée par l'acte horrible qu'allait susciter bientôt cette suprême prière du Roi.

Celui-ci était déjà ligoté lorsqu'il acheva de parler. Sanson prétend même dans son récit qu'après s'être écrié très haut : Peuple, je meurs innocent !, c'est en se retournant vers lui et ses aides qu'il prononça ses dernières paroles[78]. Et qu'il ait paru résister aux bourreaux[79] pendant qu'ils l'attachaient, cela n'a rien d'invraisemblable et s'explique ou par l'horreur si naturelle à tout homme qui voit approcher sa fin dernière, ou bien par l'espoir que le peuple demanderoit sa grâce, car quel est l'homme qui n'espère pas jusqu'aux derniers moments ![80] Mais qu'il ait crié trois fois de suite très précipitamment : Je suis perdu !, ou bien : Quelle trahison ! je suis perdu, je suis perdu ! rien n'est plus improbable[81].

Un seul témoignage veut qu'avant de s'abaisser sous la hache, il ait levé les yeux au ciel[82] ; un autre que, quand la bascule eut pris sa direction, il ait encore relevé la tête, regardant et fixant la multitude[83] ; un troisième enfin, dont il n'est guère possible de vérifier la valeur, qu'en se plaçant sous le fatal couteau, il ait dit : Je remets mon âme à Dieu[84]. Au fond, sur ce suprême instant, le récit de Santerre reste le plus vraisemblable : Au moment où la planche fait la bascule et se porte à la fatale lunette, il jeta un cri affreux que la chute du couteau étouffa en emportant la tête[85].

Le Roi était arrivé au pied de l'échafaud à 10 h. 15. A 10 h. 22, un coup de feu, jamais expliqué, partant du bout des Champs-Élysées[86], saluait en quelque manière la chute de la tête du tyran.

Certains détails se placent ici trop précis et spéciaux pour avoir été imaginés après coup. L'on n'a pu inventer : que le col du Roi s'arrangea avec peine dans le croissant de la guillotine[87] ; — qu'après la chute du couteau, la tête tenait encore et qu'on pesa sur le fer pour la faire tomber[88] ; — que, par suite, enfin, de la mauvaise position du cou du Roi dans la lunette, il eut l'occiput et la mâchoire horriblement coupés[89].

Faut-il attribuer ce dernier fait cette inexpérience professionnelle de Sanson, ù laquelle j'ai fait allusion plus haut ? On peut le croire. Il est impossible, dans tous les cas, d'inférer, comme on l'a fait souvent, du récit d'Edgeworth, que c'est le fils de Sanson, Henry Sanson, qui aurait exécuté Louis XVI. Le texte original d'Edgeworth ne porte rien de pareil. La version de Bertrand de Moleville a seule pu donner lieu à une équivoque, mais rien qu'à une équivoque. On a lieu de croire, raconte, suivant Edgeworth, Bertrand de Moleville, après avoir dit que le forfait fut consommé, on a lieu de croire que Santerre et le conseil du Temple avaient pris la peine de choisir, pour exécuter un tel crime, des hommes dont le patriotisme n'était connu que par le meurtre. Autrement, comment expliquer la férocité du jeune homme qui, en ce moment, prêta son ministère ? Il avait dix-huit ou vingt ans : dès que la tête du Roi fut séparée de son corps, ce jeune cannibale la saisit par les cheveux et, dansant autour de l'échafaud, la fit voir à tout le peuple en criant : Vive la nation ![90] Or, dans ce récit, les mots : ... qui en ce moment prêta son ministère... ne me semblent pouvoir se rapporter qu'à l'acte du jeune homme qui, prenant la tête du Roi dans le sac d'osier doublé de cuir, placé sous la guillotine[91], la montra au peuple, sans prononcer la moindre parole[92], accompagnant cette cérémonie monstrueuse des cris les plus atroces et des gestes les plus indécents[93], dit le texte original d'Edgeworth, lequel s'étant tenu à genoux sur l'échafaud pendant le temps de l'exécution, se trouvait encore dans la même posture, et aurait été couvert de sang, si un mouvement involontaire, que depuis il a regretté, ne l'eût fait retomber lorsque ce monstre approcha de lui ![94] Quant à ce jeune homme, paraissant dix-huit à vingt ans, et qui prit sur lui d'accomplir un acte qui revenait de droit au bourreau lui-même, je ne fais aucune difficulté d'admettre, et tout au contraire, que c'était bien Henry Sanson, qui, né à la fin de 1767, venait à peine d'atteindre ses vingt-quatre ans[95].

A d'autres témoins que l'abbé Edgeworth l'acte parut d'ailleurs moins atroce. Avec un inconscient réalisme : Les bourreaux ont montré au peuple la tête de Capet, raconte Joseph Trémie ; cette tête n'avoit point été dérangée de sa frisure, et sembloit une tête à perruque[96].

 

***

Tous les récits hostiles au Roi placent ici les manifestations enthousiastes qui se seraient produites : cris de Vive la nation ! Vive la République ! Vive la liberté ! Vive l'égalité ! casques, bonnets et chapeaux mis au bout des piques et des baïonnettes insultes au Roi défunt : Périssent ainsi tous les tyrans ! danses à l'entour de l'échafaud et sur la place de la Révolution[97], dit un témoin, danse d'au moins cent personnes, précise un autre, hommes et femmes, formant un rondeau, chantant la chanson des Marseillais à plein gosier, et criant : Voilà la tête du tyran bas ![98]

La haine, la férocité et la peur suffisent trop à expliquer ces cris et ces transports, pour qu'on puisse les mettre en doute. Mais l'on ne doit pas s'arrêter à ces seuls témoignages, et il faut chercher dans les relations d'autres contemporains l'impression de terreur, de stupeur, de consternation et d'indicible tristesse dont eux, et beaucoup autour d'eux, sans doute, furent frappés.

A peine le crime était-il consommé, raconte Pasquier, qu'un cri de Vive la nation ! s'éleva du pied de l'échafaud et fut répété de proche en proche. Il traversa la foule immense. A ce cri succéda le plus profond, le plus morne silence. La honte, l'horreur et l'effroi planaient déjà sur ce vaste espace. Je le traversai une seconde fois, emporté par le flot qui m'avait porté. Chacun marchait lentement, osant à peine se regarder[99].

Aussitôt que Louis a été exécuté, écrit d'autre part Pinel, il s'est lait un changement subit sur un grand nombre de visages, c'est-à-dire que, d'une sombre consternation, on a passé rapidement à des cris de Vive la nation ! du moins, la cavalerie, qui étoit présente à l'exécution et qui a mis ses casques au bout de ses sabres. Quelques citoyens ont fait de même, mais un grand nombre s'est retiré le cœur navré de douleur, en venant répandre des larmes au sein de sa famille[100].

Et croyez-vous qu'il ait beaucoup manifesté, ce petit garde national de dix-huit ans, — Jean-Gabriel-Philippe Morice, — dont le récit naïf nous a été conservé ? Jamais, dit-il, je n'avois assisté à aucune exécution. Je réussis d'abord à faire une assez bonne contenance ; mais, lorsque la victime fut montée à l'échafaud, lorsqu'on lui eut enlevé l'habit dont elle étoit revêtue, il ne me fut plus possible d'y tenir davantage. Je me trouvai mal à perdre connaissance et ne revins à moi qu'au moyen de quelques gouttes d'eau-de-vie que l'un de mes camarades reçut des mains d'une cantinière qui se trouvoit à deux pas de là et qu'il parvint à me faire avaler. Tout étoit fini. Fort heureusement pour moi, je n'étois entouré que de personnes fort honnêtes qui, comme moi, ne se trouvoient pas là de gaieté de cœur[101].

A peine l'exécution finie, rapporte un autre spectateur, Pierre-Joseph Joly, je vis une infinité de personnes se présenter au pied de l'échafaud, pour recueillir quelques gouttes de sang de cette victime. J'ignore dans quel but elles cherchoient à en avoir, je n'en fus pas instruit[102]. Instruits, nous le sommes mieux que ce témoin ingénu. Dans cette foule qui, à peine la tête du Roi tombée, se précipite vers l'échafaud, il y a, comme parmi ceux qui hurlent et qui dansent à côté, d'effroyables gredins. Voyez-vous ceux-là qui se frottent les mains dans le sang répandu sous l'échafaud, pour se venger de ce que la femme du tyran avait dit après la Révolution qu'elle voulait se laver les mains dans le sang des Français[103] ; — voyez-vous ces citoyens des Sections plongeant leurs piques et leurs sabres dans la boue sanglante qui s'amasse au pied de la guillotine, prétendant que ce talisman les rendra vainqueurs de tous les aristocrates et de tous les tyrans de la terre[104], et cela avec un tel acharnement, que l'exécuteur étonné, en une ironie... sanglante : Attendez donc, leur dit-il, je vais vous donner un baquet où vous pourrez les tremper plus aisément[105] ; — voyez-vous ces officiers eux-mêmes imbibant de ce sang impur des enveloppes de lettres qu'ils portent à la pointe de leur épée, en disant : Voici du sang d'un tyran[106] ; — voyez-vous le porte-drapeau des fédérés de Marseille essuyant la guillotine avec l'étoffe de son drapeau[107] ; celui-ci se barbouillant de sang le visage[108] ; cet autre tendant la main au valet du bourreau pour qu'il lui reste, à cette main, un peu de sang[109] ; — voyez-vous ces hommes plongeant leurs doigts dans la flaque rouge, les portant ensuite à leur bouche, goûtant ce sang et semblant le savourer[110], et entendez-vous celui-ci qui déclare qu'il est bougrement salé[111] ; — voyez-vous surtout ce forcené, ce Brestois, dont je ne voudrais pas flétrir à jamais le nom, ayant recueilli à son sujet plutôt des probabilités, que des preuves, et que je crois bien pourtant s'être appelé Thomas-Marie Raby, — le voyez-vous ce jacobin qui, monté sur l'échafaud, passe sa main sur la guillotine, la retire pleine de sang et en asperge la foule : — Les rois, gueule-t-il, ont dit : Si vous faites mourir votre souverain, son sang retombera sur vos têtes... Eh ! bien la prédiction est accomplie ![112] L'acte est tellement immonde que, malgré la terreur que chacun a de se compromettre, un brave citoyen, voulant retenir la foule, lui adresse ces paroles : Que faisons-nous, amis ? Les journaux de demain raconteront tout, et l'étranger qui les lira nous prendra pour des bêtes féroces altérées de sang !Du sang d'un despote nous avons soif... réplique un autre, le sang de Capet est de l'eau bénite. Et la foule bat des mains[113].

Mais à côté de ces exaltés frénétiques ; à côté de cet Anglais, qui donne quinze livres à un enfant, et le prie de tremper un très beau mouchoir blanc dans les traces de sang qui restent[114], mouchoir envoyé à Londres et qu'on vit, quelques jours après, placé en forme de drapeau sur la Tour de cette ville[115] ; à côté de ce citoyen superstitieux qui, tout à l'heure, lorsque le pallier, qui a contenu les restes du Roi, reviendra encore sanglant du cimetière, en frottera le fond avec des dés à jouer[116] ; à côté de tous ces furieux, perdu dans cette foule délirante, saoule de sang, l'apercevez-vous ce royaliste fervent, M. de la Roserie, qui, pieusement, lui, trempe aussi dans le sang du Roi-martyr une enveloppe qu'il se hâte d'envoyer à sa mère comme une relique[117] !

Et si c'est encore un étranger, qui, sur la place même de l'exécution, paie 15 livres une petite touffe de cheveux arrachée du crâne de Louis[118], ne peut-on supposer que ce sont encore, en majorité, des fidèles, ceux qui achètent, non pas peut-être à Sanson qui s'en défendit toujours[119], mais aux garçons charpentiers[120] les cheveux que ceux-ci ont sans doute coupé sur la tête même du décapité ? A moi pour cinq livres ! A moi pour dix livres ![121] Est-ce, aussi, un simple amateur de souvenirs, ce jeune homme bien mis, qui a semblé attacher une grande importance à se procurer le ruban de queue et des cheveux de Louis ? Il les a payés un louis[122].

Puis, le cadavre étant enfin déposé dans la manette d'osier qui l'attend, et chargé sur la charrette qui l'emporte au cimetière de la Madeleine, voici d'autres reliques que l'on va se disputer : voici le chapeau du Roi que les uns prétendent avoir été mis en pièces et partagé entre la foule[123], que d'autres soutiennent avoir été transporté au comité de la section du Mail, où le Comité de sûreté générale le fait réclamer le lendemain[124] ; — voici surtout, au bout d'une pique, que brandit le sans-culotte Heuzé, en haut de l'échafaud, l'habit même du Roi[125]. En un clin d'œil, il est mis en morceaux. Diviserunt sibi vestimenta mea ! A l'esprit de combien la phrase du psalmiste dut-elle revenir à la mémoire en cette heure tragique ? Chacun, disent les Révolutions de Paris, voulut emporter chez soi un lambeau de cet habit, et cela par pur esprit de républicanisme. Vois-tu ce morceau de drap, diront les grands-pères à leurs petits-enfants. Le dernier de nos tyrans en était revêtu le jour qu'il périt du supplice des traitres[126]. Mais est-ce là le sentiment qui les fait considérer aujourd'hui comme d'émouvantes reliques, ces débris de l'habit du dernier tyran ?

De l'échafaud, — le meurtre accompli, — un homme est cependant descendu, lui. Il perce la garde[127] et voit les rangs de la foule hurlante s'ouvrir au seul mouvement de sa main[128]. Cet homme, bientôt confondu dans la masse du peuple éperdu[129], traverse péniblement la place de la Révolution ; longtemps il erre au hasard, et se retrouve enfin rue Saint-Honoré, près de la rue Saint-Florentin, chez Mme de Senozan[130]. Cet homme, c'est Edgeworth, chargé par Louis XVI de ses dernières recommandations pour M. de Malesherbes qui l'attend là. Cette suprême mission remplie, le voilà qui gagne la rue de Vaugirard et le bureau des Petites-Voitures de Choisy-le-Roi. Et le courrier qui l'emporte bientôt après, ce voyageur anonyme et silencieux, se doute-t-il qu'il mène l'un des principaux acteurs du drame qui vient de se jouer[131] ?...

Dans un autre équipage, tapi en un cabriolet, du fond duquel il a assisté, au coin de la rue des Champs-Élysées — Boissy-d'Anglas —, à l'exécution de son cousin, Monseigneur le duc d'Orléans regagne à ce moment le Palais-Royal[132]...

 

 

 



[1] A dix heures un quart précises du matin, est arrivé dans la rue et place de la Révolution le cortège commandé par Santerre. (Procès-verbal de l'exécution, 21 janvier 1793, publié dans Beaucourt, op. cit., t. II, p. 308.) — Capet est arrivé à dix heures dix minutes, dit le rapport de Jacques Roux, membre de la Commune. (Ibid., t. II, p. 309.)

[2] Lettre d'André Girard, du 21 janvier 1793, dans F. Portal, le Bataillon marseillais du 21 janvier 1793, Marseille, 1900, in-8°, p. 150.

[3] Lettre d'André Girard, du 21 janvier 1793, dans F. Portal, le Bataillon marseillais du 21 janvier 1793, Marseille, 1900, in-8°, p. 150.

[4] Lettre de Philippe Pinel, le célèbre aliéniste (1745-1826), du 21 janvier 1793, publiée par E. Johanet, dans la Libre Parole, du 21 janvier 1893.

[5] Récit de Jean-Gabriel-Philippe Morice, employé alors dans les bureaux du Comité de salut public, publié dans la Revue des questions historiques, 1892, t. LII, p. 468.

[6] Dutemple, Ordres du jour inédits de Santerre, Paris, 1875, in-8°, p. 14.

[7] Lettre de Claude-Antoine-Augustin Blad, conventionnel, député de Brest, de Paris, le 23 janvier 1793. (Révolution Française, 1895, t. II, p. 542.)

[8] Lettre de Pichon, de Pithiviers, à son frère, de Paris, le 22 janvier 1793. (Semaine religieuse d'Autun, n° du 10 février 1900.)

[9] Chaque légion comprenant 8 sections, il serait sans doute possible, d'après le nombre des citoyens actifs des 16 sections composant les 3e et 4e légions, d'arriver à fixer approximativement le chiffre des citoyens armés formant ces deux légions. Mais, d'une part, il est très difficile de préciser, à une date déterminée, le nombre des citoyens actifs des diverses sections de Paris, et il serait d'autant plus dangereux de le faire, à cette date de janvier 1793, que, depuis la lin de 1792, le départ de nombreux volontaires diminuait tous les jours la population parisienne ; d'autre part, l'effectif complet des cieux légions n'était pas massé sur la place ; divers détachements de la 3e étaient de service à l'entrée de la rue de Bourgogne et la 4e avait quelques-unes de ses compagnies rues Saint-Honoré et du Faubourg-Saint-Honoré et place Vendôme. Enfin, l'effectif des 3e et 4e légions était diminué, comme celui des autres, des diverses réserves placées dans chaque circonscription de légion, d'arrondissement et de section, soit de 4.500 hommes environ. Si, toutefois, on vent des chiffres, voici ceux que je proposerais. En supposant à chacune des 3e et 4e légions un effectif de 12.000 hommes, chiffre moyeu, vers 1793, de 8 sections réunies ou d'une légion, soit 24.000 hommes, et en diminuant ce chiffre de 6 à 7.000 hommes, pour les raisons que j'ai dites, on arriverait., peut-être, au chiffre de 16.000 à 17.000 hommes, environ, qui, augmenté de 1.200 à 1.500 hommes des bataillons d'Aix et de Marseille, et des 1.200 à 1.500 hommes de l'escorte, ferait un total de 20.000 hommes à peu près, massés place de la Révolution.

[10] F. Portal, op. cit., p. 151.

[11] Choudieu, Mémoires et notes, publiés par V. Barrucand, Paris, 1897, in-8°, p. 277-278 ; Lombard de Langres, Mémoires anecdotiques, Paris, 1823, t. II, p. 75 ; Carro, Santerre, 1847, in-8°, p. 271, etc.

[12] Dutemple, op. cit., et Beaucourt, op. cit., t. II, p. 262-263, 267-269, 274, 277, 286-291, etc.

[13] La statue de Louis XV, dressée sur la place de ce nom, en 1763, avait été, en août 1792, jetée à bas de son piédestal, sur lequel on érigea, en août 1793, la statue de la Liberté.

[14] Proclamation du Conseil exécutif provisoire, du 20 janvier 1793 ; — Procès-verbal de l'exécution, déjà cité. (Beaucourt, t. II, p. 271-272, 138.)

[15] Archives nationales, A. F. II, 3, doss. 14, n° 2.

[16] Décret définitif de la Convention nationale qui condamne Louis Capet, le traitre, à la peine de mort, place de la Révolution, à six toises du piédestal de la statue du ci-devant Louis XV, s. d., in-8°. (Bibi. pat., Lb41 2636.)

[17] Récit d'un témoin oculaire... (Beaucourt, t. I, p. 391.)

[18] Mémoires du général Thiébault, Paris, 1893, t. I, p. 349.

[19] Lettre de Pierre-René Choudieu, conventionnel, eu sieur Mame, d'Angers, du 22 janvier, publiée dans Grille, Lettres des volontaires de Maine-et-Loire, Paris, 1850, 4 vol. in-8°, t. III, p. 350.

[20] Lenotre, La guillotine, Paris, 1893, p. 226 et suivantes. La guillotine. (Revue des documents historiques, 3e année, 1875-1876, t. III, p. 45-62.) — P. Maréchal, la Révolution dans la Haute-Saône, Paris, 1903, in-4°, p. 397-415.

[21] Beaucourt, Op. cit., t. II, p. 298.

[22] Récit de Santerre, d'après les Mémoires de Mercier du Rocher, cités dans Chassin, la Guerre de Vendée, t. III, p. 212.

[23] Lenotre, op. cit., p. 171-172.

[24] Beaucourt, t. II, p. 273, 277.

[25] Dans le récit fait par Pasquier au docteur Ménière et rapporté par celui-ci dans son Journal, on trouve quelques précisions qui manquent ici : Ce matin-là, raconta Pasquier au docteur Ménière, mon père et moi, placés à la grille de notre maison, nous attendions l'arrivée du cortège. Les rues voisines se remplissaient de monde, on semblait compter sur quelque soulèvement, et il ne paraissait pas possible que l'arrêt de mort fils exécuté. (Journal du docteur Prosper Ménière, Paris, 1903, in-8°, p. 393).

[26] Sans chapeau. (Journal du docteur Prosper Menière, Paris. 1903, in-8°, p. 393)

[27] Mémoires du chancelier Pasquier, Paris, 1894, t. I, p. 86-87. — Entrainé par le flot qui suivait la fatale voiture, j'arrivai jusqu'à l'entrée des Champs-Elysées tout près des massifs qui soutiennent les Chevaux de Marly. (Pasquier, dans le Journal de Ménière, loc. cit.)

[28] Récit de Pierre-Joseph Joly, de Reims (1770-1861) publié par A. Tausserat-Radel, dans la Revue de Champagne et de Brie, 1895, 2e série, t. VII, p. 237-240.

[29] Dutemple, Ordres du jour inédits de Santerre, p. 20.

[30] Lettre du conventionnel Blad, déjà citée. (Révolution française, 1895, t. II, p. 542.)

[31] Relation de l'abbé Edgeworth de Firmont, dans Beaucourt, op. cit., t. I, p. 333.

[32] Journal de Perlet, 22 janvier 1793, cité dans Beaucourt, t. I, p. 342.

[33] Santerre, dans les Mémoires de Mercier du Rocher, déjà cités. — Procès des Bourbons, cité dans Beaucourt, t. I, p. 388. — Semaines parisiennes, citées dans Beaucourt, t. I, p. 37o.

[34] Journal de Perlet, 22 janvier 1793. (Beaucourt, t. I, p. 342.)

[35] La Révolution racontée par en diplomate étranger, par MM. de Grouchy et Guillois, Paris, 1903, in-8°, p. 422. (Lettre de Joseph Lama, du 28 janvier 1793.)

[36] Beaulieu, Les Souvenirs de l'histoire... (Beaucourt, t. I, p. 397.) — Lettre de Blad, conventionnel, déjà citée.

[37] Journal de Perlet, 22 janvier 1793. (Beaucourt, t. I, p. 342.)

[38] Lettre de Sanson au rédacteur du journal Le Thermomètre, 20 février 1793. (Bibl. nat., fonds français, ms. 10.268, autographe.)

[39] Relation originale d'Edgeworth (Beaucourt, t. I, p. 333-335), et texte de Bertrand de Moleville (Ibid., p. 334).

[40] Récit de Santerre, dans les Mémoires de Mercier du Rocher. Je suis ici le texte de ces Mémoires tel qu'il est donné, dans la Revue du Bas-Poitou (1908, 2e livraison, p. 189-190), par M. René Vallette, qui a publié une partie du récit de Santerre d'après le manuscrit original des Mémoires de Mercier du Rocher, appartenant à M. Ernest Brisson, ancien magistrat à Fontenay-le-Comte.

[41] Mémoire de Madame Royale, dans Beaucourt, t. I, p. 20. — Santerre, Souvenirs rapportés par Carro, Santerre, p. 171.

[42] Lettre de Pinel (Libre Parole, du 21 janvier 1893).

[43] Récit authentique... des jugement et exécution de Louis XVI... par le citoyen Rouy, l'aîné, témoin oculaire, dans le Magicien républicain, Paris, 1794, in-18. (Beaucourt, t. I. p. 380.) — Ange Pitou, l'Urne des Stuarts, Paris, 1815, p. 173, et le récit des Semaines parisiennes, que je crois être de Pitou. (Beaucourt, t. I, p. 371.) — Voir aussi Windtsor, Agonie et mort héroïque de Louis XVI, Paris, 1793, in-8°, p. 45.

[44] Santerre, d'après les Mémoires de Mercier du Rocher et dans les souvenirs rapportés par Carro, Santerre, p. 169 ; — lettre de M. Chaumine, médecin à Paris, à M. Préval à Angers, Paris, 21 janvier 1793, publiée dans Grille, Lettres des volontaires de Maine-et-Loire, 1850, t. III, p. 348 ; lettre de Joseph Trémié, volontaire des fédérés de Marseille du 21 janvier 1793, publiée dans la Revue rétrospective, nouvelle série, 1892, p. 82 ; — Gazette nationale, ou Moniteur universel, du 23 janvier 1793.

[45] Annales de la République française, 25 janvier 1793. (Beaucourt, t. I, p. 355.)

[46] Relation d'Edgeworth, dans Beaucourt, t. I, p. 335.

[47] Voir sur ce point Edmond Biré, Journal d'un bourgeois de Paris pendant la Terreur, Paris, 1884, in-12, p. 447-451 ; et Beaucourt, op. cit., t. II, p. 353-369.

[48] Relation d'Edgeworth, dans Beaucourt, t. I, p. 335.

[49] Santerre, dans les Mémoires de Mercier du Rocher.

[50] Récit de Rouy l'aîné, dans le Magicien républicain. (Beaucourt, t. I, p. 380.)

[51] Récit d'un témoin oculaire, dans Illustres victimes vengées des injustices de leurs contemporains, Paris, 1802, (Beaucourt, t. I, p. 391.)

[52] Le Républicain, n° du 22 janvier 1793. (Beaucourt, t. I, p. 340.)

[53] Les Révolutions de Paris, 19-26 janvier. (Beaucourt, t. I, p. 364.)

[54] Le Républicain, n° du 22 janvier 1793. (Beaucourt, t. I, p. 340.)

[55] Les Révolutions de Paris, 19-26 janvier. (Beaucourt, t. I, p. 365.)

[56] Santerre dans ses souvenirs, rapportés par Carro, Santerre, p. 169.

[57] Relation d'Edgeworth, dans Beaucourt, t. I, p. 335.

[58] Semaines parisiennes (Beaucourt, t. I. p. 372) ; récit de Rouy l'aîné, dans le Magicien républicain (Ibid., t. I, p. 380) ; Blad, lettre citée.

[59] Lettre de Pinel déjà citée.

[60] Procès des Bourbons... (Beaucourt, t. I, p. 387) ; [Charles-Claude de Montigny], Les Illustres victimes... (Ibid., t. I, p. 391.) — Touchard-Lafosse, Souvenirs d'un demi-siècle, Paris, 1836, t. III, p. 362.

[61] Récit de Rouy l'aîné... (Beaucourt, t. I, p. 380-381.)

[62] Santerre, dans les Mémoires de Mercier du Rocher.

[63] Santerre, d'après des souvenirs rapportés dans Carro, Santerre, 1847, in-8°, p. 168. — Edgeworth m'assura avoir entendu quelques voix proférer et répéter les cris de Grâce ! (Allonville, Mémoires secrets, t. III, p. 159).

[64] Souvenirs de Santerre rapportés par Carro, Santerre, p. 170-171.

[65] Lettre du Joseph Lama, du 28 janvier 1793, dans La Révolution racontée par un diplomate étranger, p. 421.

[66] Feuillet de Couches, Louis XVI, Marie-Antoinette et Madame Elisabeth, Paris, 1873, t. VI, p. 448.

[67] Santerre, dans les Mémoires de Mercier du Rocher.

[68] Lombard de Langres, Mémoires anecdotiques... Paris, 1823, t. II, p. 75.

[69] Lettre du conventionnel Blad, déjà citée.

[70] Lettre du garde national Pichon, déjà citée.

[71] Lettre de Sanson au directeur du Thermomètre. (Bibl. nat., fonds français, ms. 10.268.)

[72] Récit de Rouy l'aîné, dans le Magicien républicain. (Beaucourt, t. I, p. 381.)

[73] La Révolution racontée par un diplomate étranger..., p. 423.

[74] Les Révolutions de Paris, 19-26 janvier. (Beaucourt, t. I, p. 365.)

[75] Relation d'Edgeworth dans Beaucourt, t. I, p. 335.

[76] Lombard de Langres, Mémoires anecdotiques..., t. II, p. 75.

[77] Santerre, Souvenirs rapportés par Carro, Santerre, p. 170.

[78] Lettre de Sanson, déjà citée.

[79] Relation d'Edgeworth, dans Beaucourt, t. I, p. 336.

[80] Lettre de Pinel.

[81] Thermomètre du jour, du 13 février 1791. (Beaucourt, t. I, p. 389.) — Procès des Bourbons... (Beaucourt, t. I, p. 387.) — Touchard-Lafosse, Souvenirs d'un demi-siècle, Paris, 1836, t. III, p. 362.

[82] Annales de la République française, 25 janvier 1793. (Beaucourt, t. I, p. 156.)

[83] Détails authentiques sur les derniers momens de Louis XVI. (Beaucourt, t. I, p. 393.)

[84] Testament de Louis XVI... Paris, chez Caillot, in-8°. (Bibl. nat., Lb41 405.)

[85] Sancerre dans les Mémoires de Mercier du Rocher.

[86] Lettre de Pierre-Joseph Joly, déjà citée.

[87] Derniers moments de Louis XVI, un détail de ce qui s'est passé depuis sa communication arec sa famille jusqu'à son exécution, Paris, in-8°, p. 7.

[88] Détails authentiques sur les derniers lumens de Louis XVI. (Beaucourt, t. I, p. 393.)

[89] S. Mercier, Le nouveau Paris, Paris, Fuchs, in-8°, t. III, p. 4.

[90] Edgeworth, d'après Bertrand de Moleville, dans Beaucourt, t. I, p. 336.

[91] Lettres de Pinel et de Blad, déjà citées.

[92] La Révolution racontée par un diplomate étranger (lettre de J. Lama, du 28 janvier), p. 422.

[93] Relation d'Edgeworth, dans Beaucourt, t. I, p. 337.

[94] Edgeworth, d'après Bertrand de Moleville. (Beaucourt, t. I, p. 337.)

[95] Lenôtre, La Guillotine, p. 151-152.

[96] Lettre de Joseph Trémié, volontaire du bataillon de Marseille, du 21 janvier 1793. (Revue rétrospective, nouvelle série, 1892, p. 82.)

[97] Récit de Rouy l'aîné, dans le Magicien républicain (Beaucourt, t. I, p. 381.)

[98] Lettre de Joseph Trémié, déjà citée.

[99] Mémoires du chancelier Pasquier, t. I, p. 87.

[100] Lettre de Pinel. (Libre Parole du 21 janvier 1893.)

[101] Récit de Philippe Morice. (Revue des Questions historiques, 1892, t, LII, p. 468.)

[102] Récit de Pierre-Joseph Joly, déjà cité.

[103] Lettre de Joseph Trémié, déjà citée.

[104] Les Souvenirs de l'histoire... par Beaulieu (Beaucourt, t. I, p. 398.)

[105] Annales de la République française, 28 janvier 1793. (Beaucourt, t. I, p. 357.)

[106] Les Révolutions de Paris. (Beaucourt, t. I, p. 365.)

[107] F. Portal, Le bataillon marseillais du 21 janvier, p. 151.

[108] Lettre de M. de Bernard à sa mère, 23 janvier 1793, publiée dans P. de Vaissière, Lettres d'aristocrates, Paris, 1907, in-8°, p. 586.

[109] Dauban, La démagogie en 1791, Paris, 1868, in-8°, p. 35, d'après la composition de J.-F.-P. Peyron représentant l'exécution de Louis XVI, faussement classée, dans la collection Hennin, à la date du 6 décembre 1793, comme représentant l'exécution de Philippe-Egalité.

[110] Windtsor, Agonie et mort héroïque de Louis XVI, Paris, 1793, in-8°, p. 46.

[111] Louis-Sébastien Mercier, Le nouveau Paris, t. III, p. 4.

[112] C'est Girard, commandant des fédérés de Marseille, qui, dans sa lettre du 21 janvier (F. Portal, Le bataillon marseillais, p. 151), précise un peu la personnalité de l'acteur de cette horrible scène, en disant que c'était un Brestois. Or, il était un Brestois à Paris, qui était particulièrement célèbre dans les milieux avancés, pour avoir pris part à nombre de journées révolutionnaires : à la fête des Suisses de Châteauvieux, au 20 juin, au 10 aoùt. Délégué de la Société populaire des amis de la constitution de Brest, habitué des Jacobins (Aulard, Le Club des Jacobins, Paris, 1889-1896, 6 vol., in-8°, t. III, p. 419, 420, etc.), Thomas-Marie Raby, étudiant en droit avant la Révolution, était, en 1793, âgé de vingt-deux ans. Absent de Paris à la fin de 1792, on sait qu'il y était de retour les premiers jours de janvier 1793. Et je ne crois pas qu'un autre Brestois ait été plus connu que lui à Paris en ce moment. Il fut guillotiné eu septembre 1793. (Arch. nat., W 542, doss. Raby.)

[113] Grille, Lettres des volontaires de Maine-et-Loire, t. III, p. 355. — Révolutions de Paris, n° du 19-26 janvier 1793.

[114] Journal de Perlet, n° du 22 janvier 1793. (Beaucourt, t. I, p. 343.) — Windtsor, Agonie et mort héroïque de Louis XVI, Paris, 1793, in-8°, p. 46.

[115] Beaulieu, Les Souvenirs de l'histoire... (Beaucourt, t. I, p. 398.)

[116] Lettre de Joseph Trémié, du 21 janvier, dans Revue rétrospective, 1892, t. I, p. 84.

[117] Mémoires du général Thiébault, t. I, p. 349.

[118] Journal français, n° du 24 janvier 1793.

[119] Lettre de Sanson, du 23 janvier 1793, adressée aux Annales patriotiques. (Beaucourt, t. I, p. 343.)

[120] Derniers moments de Louis XVI..., Paris, in-8°, s. d. (Bibl. nat., Lb41 2656.)

[121] Annales de la République française, n° du 22 janvier 1793. (Beaucourt, t. I, p. 353.)

[122] Annales de la République française, n° du 25 janvier 1793. (Beaucourt, t. I, p. 355.)

[123] Biré, Journal d'un bourgeois de Paris, t. I, p. 450.

[124] Arrêté du Comité de sûreté générale décidant d'écrire au président de la section du Mail de se rendre le lendemain eu Comité, pour donner des renseignements relatifs au transport du chapeau du ci-devant foi que l'on assure avoir été fait an comité de celte section. (Arch. nat., AF* II, 288, 22 janvier).

[125] Récit de Rouy, l'aîné, dans le Magicien républicain. (Beaucourt, t. I, p. 382.)

[126] Les Révolutions de Paris, n° du 19-26 janvier 1793. (Beaucourt, t. I. p. 366.)

[127] Relation d'Edgeworth, version de Bertrand de Moleville. (Beaucourt, t. I, p. 337.)

[128] Relation d'Edgeworth. (Beaucourt, t. I, p. 337.)

[129] Lettre de Mlle de Lézardière au directeur de la Quotidienne, 20 janvier 1815. (Biré, Journal d'un bourgeois de Paris, t. I, p. 372-373.)

[130] Anne-Nicole de Lamoignon-Malesherbes, veuve de Jean Olivier de Senozan et sœur du défenseur de Louis XVI.

[131] Je ne sais comment je suis descendu de l'échafaud, dans quelle partie de Paris j'ai erré longtemps au hasard, dirigé par une espèce d'instinct vers la demeure de M. de Malesherbes ; c'est à sa porte seulement que ma mémoire s'est réveillée. Quelle entrevue ! Grand Dieu ! Pas un mot, des pleurs et seulement des pleurs !Voilà ce que me dit Edgeworth au moment où nous nous revîmes... à Choisy-le-Roi. (Comte d'Allonville, Mémoires secrets, t. III, p. 159-160.)

[132] Touchard-Lafosse raconte dans ses Souvenirs... (t. III, p. 365-366) qu'il tient ce détail de M. Befort, ancien négociant, mort en 1834, qui parla au duc d'Orléans quelques instants avant l'exécution. Mais ce Befort déclara à Touchard-Lafosse qu'il n'était pas vrai que le duc eût pris part, le jour même, au Raincy, à une orgie où il attrait bu à la santé du mort. Mille légendes coururent d'ailleurs à ce moment sur le due d'Orléans. Catherine Hyde affirme ainsi qu'il était souvent venu au Temple pendant la détention de Louis XVI, mais toujours déguisé... Il avait corrompu les hommes chargés d'allumer le feu dans les chambres, et c'est comme tel qu'il s'introduisit un jour dans l'appartement de Madame Elisabeth... En le quittant, il se sentit tellement bourrelé de remords qu'il s'écria : Cette femme m'a désarmé ! et ne renouvela plus ses visites. (Catherine Hyde, Mémoires relatifs à la famille royale de France, Paris, 1826, in-8°, t. II, p. 375-376.)