Naissance et qualités
de Marie-Thérèse. — Mariage de cette princesse avec François-Étienne de
Lorraine. — Mort de Charles VI. — Avènement de Marie-Thérèse. — Ses premiers
actes. — Prétendants à la succession d'Autriche. — Le roi de Prusse, Frédéric
II, envahit la Silésie. — Sages dispositions de Marie-Thérèse. — Belle
défense du colonel Roth dans la ville de Neiss. — Naissance de l'archiduc
Joseph. — Bataille de Molvitz. — Couronnement de Marie-Thérèse à Presbourg. —
Alliance de Nymphembourg. — Marie-Thérèse implore le secours des Hongrois.
—Prise de Prague par l'armée franco-bavaroise. L'électeur de Bavière élu
empereur sous le nom de Charles VII. — Succès de Khevenhuller. —
Marie-Thérèse traite avec le roi de Sardaigne. — Bataille de Chotusitz. —
Traité de Breslau avec Frédéric II. — Blocus de Prague. Expédition inutile de
Maillebois. — Retraite du maréchal de Belle-Isle. Honorable capitulation de
Chevert. — Charles VII rentre dans sa capitale qu'il est bientôt obligé
d'abandonner une seconde fois. — Bataille de Dettingen. Le prince Charles
essaie de passer le Rhin. — Opérations militaires en Italie. — Traité de
Worms.
Marie-Thérèse
naquit le 13 mai 1717, de l'empereur Charles VI et d'Élisabeth-Christine de
Brunswick. Après la mort de l'archiduc Léopold, son fils unique, Charles VI
résolut d'assurer la succession de ses États héréditaires à sa fille aînée,
l'archiduchesse Marie-Thérèse. Dès la même année, il publia dans ce but sa
pragmatique sanction, par laquelle il réglait qu'à défaut d'enfants mâles de
sa race, ses filles lui succéderaient par ordre de primogéniture,
préférablement à celles de l'empereur Joseph Ier, son frère. Il travailla
pendant près de trente ans' à revêtir cette disposition d'un caractère sacré,
en la faisant ratifier par les états provinciaux de ses pays héréditaires,
par ses nièces et leurs époux, les électeurs de Saxe et de Bavière, et par la
plupart des grandes puissances de l'Europe. Instruite
sous la direction de la vertueuse Élisabeth de Brunswick, la jeune Marie
donna bientôt les plus grandes espérances. Son enfance même annonça en elle
des qualités supérieures à son sexe, celles qui immortalisent les bons rois
et révèlent les grands hommes. Un esprit juste et pénétrant, un cœur sensible
et généreux, une âme ferme et courageuse, les charmes de la beauté, et plus
encore l'ascendant d'un caractère fait pour dominer les autres, furent les
dons heureux qui présagèrent ce qu'elle serait un jour. On remarquait dans la
princesse, ainsi que dans l'impératrice sa mère, un air de modestie, de
douceur et de majesté qui inspirait autant de confiance que de respect. Elle
s'employait avec empressement afin d'obtenir des grâces, et c'était pour elle
un bonheur que de pouvoir en accorder. Comme elle ne cessait d'en solliciter
auprès de son père : « Je vois bien, lui dit un jour celui-ci, que vous ne voudriez
être reine que pour faire le bien. — Il n'y a que cette manière de régner,
répondit-elle, qui puisse faire supporter le poids d'une couronne. » Toutes
les actions de la jeune archiduchesse tenaient de l'éclat de sa dignité et de
la bonté de son âme. Le 12
février 1736, Marie-Thérèse épousa François-Étienne, duc de Lorraine, investi
l'année suivante du grand-duché de Toscane, à la place de celui de Lorraine
qu'il avait cédé à la France. L'inclination, qui ne préside pas toujours aux
mariages des princes, prépara la félicité de celui-ci. François, élevé à la
cour de Charles VI, eut une éducation presque commune avec l'archiduchesse ;
la conformité de caractère fit germer dans leur cœur le goût constant des
mêmes vertus. Après de longs soucis, l'amour paternel de l'empereur sentit la
joie la plus pure de cette union, qui allait faire revivre son nom prêt à
s'éteindre, et contribuer au bonheur de l'Autriche. Trois ans plus tard, le
grand-duc François-Étienne fit avec son épouse son entrée solennelle à
Florence, au milieu des acclamations unanimes du peuple. Charles VI étendit
alors l'investiture même sur les femmes, ce qui n'avait pas été accordé à
Jean Gaston, le dernier rejeton de la famille des Médicis. François établit
le gouvernement et institua pour les jeunes nobles une académie où il appela
les professeurs de Lunéville. Mais la grande-duchesse ayant quitté la Toscane
vers la fin d'avril, il s'empressa de la suivre à Vienne. L'empereur le nomma
lieutenant général pendant la guerre contre les Turcs, à laquelle il avait
d'abord assisté comme volontaire, et ensuite généralissime de son armée. Charles
VI, prince d'une bienveillance inaltérable, ami des sciences et des arts,
mais faible et privé des moyens que demandait le gouvernement de ses vastes
États, descendit dans la tombe avec le regret d'avoir perdu tout le fruit des
conquêtes du prince Eugène (20 octobre 1740). De ses trois filles, deux seules vivaient encore
: Marie-Thérèse et Marie-Anne, âgées la première de vingt-trois ans et la
seconde de vingt-deux. Marie-Thérèse se trouvait à Vienne au moment de la
mort de son père. Elle fut aussitôt proclamée souveraine de tous les États
héréditaires de la maison d'Autriche, selon les dispositions de la
pragmatique sanction, sous le titre de reine de Hongrie et de Bohême,
archiduchesse d'Autriche. Dans cette cérémonie, elle déploya tout l'appareil
de la majesté royale ; placée sous un dais magnifique, le bonnet archiducal
sur la tête, elle reçut les hommages des députés de la haute et de la basse
Autriche. Son premier acte d'autorité fut un témoignage d'amour qu'elle donna
au grand-duc de Toscane en le déclarant son corégent, ce qui ne fut pourtant
qu'un simple titre, car quoiqu'elle aimât tendrement son époux et qu'elle
s'éclairât quelquefois de ses conseils, elle ne lui donna aucune part au
gouvernement. Par un acte particulier, Marie-Thérèse transféra sur le
grand-duc le suffrage électoral de Bohême et tous les droits qui y étaient
attachés. Elle le nomma aussi grand-maître de l'ordre de la Toison d'or et
lui prépara le chemin du trône impérial. La
jeune reine trouva ses États épuisés d'argent et dégarnis de troupes ; le
trésor ne renfermait pas plus de 100.000 florins, dont elle se servit pour
ses premiers besoins ; l'armée comptait à peine 36.000 hommes, indépendamment
des forces envoyées en Italie et dans les Pays-Bas. Cet épuisement excita une
foule de prétendants à méconnaître les droits de Marie-Thérèse et à lui
disputer une succession que lui avait garantie la sainteté des serments. Le
prince Eugène avait dit à Charles VI qu'une armée de 100.000 hommes
défendrait mieux sa pragmatique sanction que 100.000 traités. Les évènements
prouvèrent qu'il avait eu raison de tenir un tel langage. Du reste, la
tentation devait être grande : il s'agissait d'un immense héritage. Il se
composait des royaumes de Hongrie et de Bohême, de la Souabe autrichienne, de
la haute et basse Autriche, de la Styrie, de la Carinthie, de la Carniole, de
la Silésie, de la Moravie, des Pays-Bas, du Brisgau, du Frioul, du Tyrol, du
Milanais, du Mantouan, du duché de Parme et de Plaisance. L'électeur
Charles-Albert de Bavière réclama la succession d'Autriche comme descendant
de l'archiduchesse Anne, fille de l'empereur Ferdinand Ier. Son ambassadeur à
la cour de Vienne osa même, aussitôt après la mort de Charles VI, donner
l'ordre à tous les ministres de l'empereur de se rendre près de lui. Mais sa
lettre d'invitation lui fut renvoyée sans avoir été ouverte, et les habitants
de la capitale menacèrent de le massacrer. L'électeur de Saxe et roi de
Pologne, Auguste III, allégua ses droits plus récents, ceux de sa femme,
fille aînée de Joseph Ier. Le roi d'Espagne, Philippe V, revendiqua seulement
les royaumes de Hongrie et de Bohême, et celui de Sardaigne ;
Charles-Emmanuel III, le duché de Milan. Aux protestations de tous ces
princes, Marie-Thérèse opposa le droit naturel qui l'appelait à l'héritage de
son père et la plus solennelle des sanctions garantie par tous les souverains
de l'Europe et par ceux-mêmes qui voulaient l'enfreindre. Elle leur fit
signifier en même temps la résolution où elle était de se défendre jusqu'au
dernier soupir. Ainsi cette grande querelle de tant de têtes couronnées
commença par des écrits, et chacun se prépara à la soutenir les armes à la
main. L'Europe fut inondée de manifestes, avant-coureurs de la guerre qui
allait embraser l'Allemagne. Le
signal en fut donné tout à coup par un cinquième prétendant auquel personne
d'abord n'avait pensé. Le trône de Prusse était alors occupé par Frédéric II,
successeur de son père, Frédéric-Guillaume, mort depuis quelques mois. Jeune
et n'étant connu jusqu'alors que par son goût pour les lettres et les arts,
on ne soupçonnait pas qu'un prince toujours entouré d'une colonie d'artistes,
de littérateurs et d'amis spirituels, ambitionnât la gloire des conquérants.
Mais la nature l'avait doué d'un génie également propre à la paix et aux
armes, et le temps était arrivé où il devait donner un brillant démenti aux
paroles de son père, qui s'était écrié avec colère en voyant sa répugnance à
porter l'uniforme : « Ce n'est qu'un petit-maître, un bel esprit français qui
gâtera toute ma besogne ! » Politique profond et général habile,
laborieux, vigilant, infatigable, d'un caractère ferme et d'un esprit
flexible, Frédéric II parut avec honneur dans les conseils et sur les champs
de bataille. Sa valeur et ses talents annoncèrent bientôt le héros du siècle
à l'Europe étonnée. A la mort de Charles VI, survenue l'année même de son
avènement, il était malade, mais cette nouvelle lui rendit ses forces. Il
résolut de profiter de la guerre générale qui allait éclater, et demanda, ou
la restitution de quatre duchés en Silésie, sur lesquels ses ancêtres
avaient, suivant lui, des prétentions fondées, ou la Silésie entière, offrant
en retour son amitié, le secours de ses armes contre les autres puissances,
avec sa voix pour François-Étienne. « Le temps est venu, écrivit-il à
Voltaire, où l'ancien système politique doit être remplacé et changé : la
pierre est prête qui doit être lancée sur la statue de Nabuchodonosor
composée de quatre métaux, pour l'écraser. » C'est à
peine si le royaume de Prusse comptait quarante ans d'existence, lorsque
Frédéric prenait la résolution de se faire justice par les armes et ne
craignait pas d'attaquer avec ses seules forces la monarchie autrichienne.
Composé de provinces d'abord étrangères les unes aux autres, sans frontières
déterminées par la nature, entouré de voisins jaloux et ambitieux, mal
peuplé, inculte, et d'ailleurs peu fertile, le nouveau royaume, créé par le
consentement impolitique de l'empereur Léopold Ier, paraissait ne pouvoir
s'élever de longtemps à une puissance respectable. Mais l'énergie et la
constance d'un homme avaient triomphé de tous ces obstacles.
Frédéric-Guillaume avait accueilli 15.000 habitants de Salzbourg, chassés de
leur patrie par leur archevêque, ainsi que des milliers d'émigrés de la
Moravie et du Palatinat, qui avaient peuplé ses provinces et défriché les
cantons incultes. Les protestants, que le rigoureux édit de Nantes avait
forcés de quitter la France, avaient apporté dans ces contrées une industrie
déjà savante. Enfin une sage économie avait permis au roi de laisser à sa
mort 9.000.000 d'écus en caisse, 7.500.000 de revenus, libres de toutes
dettes, et une armée de 80.000 hommes qu'il avait rompus à la plus sévère
discipline. C'était avec ces éléments que le roi de Prusse allait opérer les
merveilles de la guerre de Sept ans. La cour
de Vienne se montra résolue à ne rien céder ; Marie-Thérèse regardait l'offre
de Frédéric comme une injure, et l'idée seule de démembrer l'héritage des
empereurs, ses ancêtres, comme une faiblesse honteuse, tandis qu'elle aurait
des soldats pour le défendre. Le roi part alors de Berlin, au milieu de
décembre, et va fondre sur la Silésie, à la tête de 40.000 hommes. Le secret
de cette audacieuse entreprise fut si bien gardé, que le marquis de Beauveau,
envoyé par Louis XV pour complimenter le roi sur son avènement au trône,
voyant les troupes prussiennes se rendre de tous côtés aux environs de la
capitale, ne put deviner sur quel point elles allaient se porter ; il ne
l'apprit qu'au départ de l'armée, lorsque Frédéric lui dit : « Je vais, je
crois, jouer votre jeu ; si les as me viennent, nous partagerons. » A peine
ce prince eut-il passé les frontières de la Silésie, qu'il fit remettre aux
ministres étrangers alors à Berlin, un mémoire dans lequel il déclarait que
son entrée dans cette province ne devait être considérée ni comme un acte de
conjuration contre l'héritière de la maison d'Autriche, ni comme la première
étincelle de la guerre prête à s'allumer dans toutes les parties de l'Europe
; qu'il se voyait obligé de prendre ce parti pour faire valoir des droits
incontestables sur la Silésie, fondés sur d'anciens pactes de famille et de
confraternité entre les électeurs de Brandebourg et les princes silésiens, et
sur d'autres titres respectables ; que les circonstances actuelles et la
crainte de se voir prévenir par ceux qui avaient des pré - tentions à la succession
de l'empereur Charles VI, l'avaient déterminé à cette voie de fait. Le roi
de Prusse s'exposait beaucoup en commençant seul la guerre contre l'Autriche
; mais il comptait avec raison sur l'appui de la France, dont l'intérêt était
de soutenir l'électeur de Bavière, Charles-Albert, fils de ce prince qui
avait été le fidèle allié de Louis XIV et qui avait tout sacrifié pour
soutenir les intérêts du monarque abandonné de la fortune. En plaçant le
jeune électeur sur le trône impérial, Louis XV et le vieux cardinal de Fleury,
son ministre, terminaient la longue rivalité entre les Bourbons et la maison
d'Autriche ; ils couronnaient l'œuvre commencée par Henri IV et poursuivie
avec succès par le grand Richelieu et son habile successeur Jules Mazarin.
Frédéric prévoyait encore que la Saxe et l'Espagne ne tarderaient pas à
descendre sur le théâtre de la guerre. Dans cette querelle sanglante,
Marie-Thérèse ne trouverait d'autres alliés que la Grande-Bretagne et la
Russie. Mais
elle avait encore un allié que le roi de Prusse oubliait, et que les grâces
de son esprit et de sa personne, son courage et sa grandeur d'âme lui
concilièrent, c'était l'affection de ses sujets, c'était l'enthousiasme
qu'inspira aux nobles Hongrois l'aspect d'une jeune reine, belle et
infortunée, résolue à montrer qu'elle était le digne sang de vingt empereurs,
et faisant appel à leur loyauté. Les Hongrois lui ayant envoyé des députés
avec ordre de la supplier de rendre à la nation l'usage de ses privilèges,
Marie-Thérèse prit conseil de sa prudente politique, dont le principe était
de rendre précieuse à ses peuples l'autorité souveraine que la fierté de ses
aïeux leur avait trop souvent rendue odieuse. Un refus pouvait devenir le
signal de la révolte pour un peuple belliqueux et fier, qui depuis tant
d'années avait été presque toujours insurgé contre ses maîtres. Les cendres de
Ragotzki fumaient encore, et il en pouvait sortir un nouveau chef de rebelles
que viendrait appuyer le Turc toujours prêt à reculer les barrières que les
traités avaient posées en Hongrie. La reine ne balança donc point à
satisfaire aux demandes des députés. Ils furent flattés de traiter avec elle
sans médiateurs, et lui jurèrent d'éteindre à jamais le flambeau de la guerre
civile qui, depuis si longtemps, désolait leur pays. Chaque
jour du nouveau règne de Marie-Thérèse était marqué par des actes de clémence
et par des bienfaits. Sa main brisa les fers dont l'empereur avait chargé les
maréchaux de Wallis et de Seckendorf, et le comte de Neipperg. Habile dans
l'art de juger les hommes et de les mettre à leur place, elle déclara
feld-maréchal le prince Charles de Lorraine, frère du grand-duc ; puis elle
admit au nombre de ses conseillers intimes le comte de Kœnigseck, au nombre
des chambellans de la Clef d'or le comte de Staremberg, et créa colonel
d'infanterie l'illustre comte, ensuite maréchal Daun, qui fut depuis le rival
de Frédéric II et que devaient immortaliser de nombreuses victoires. Le choix
de ces grands hommes devait contribuer à la gloire de l'auguste reine. Tandis
que la fille de Charles VI prenait les plus sages dispositions afin de
réparer les fautes de son père, le roi de Prusse envahissait la Silésie
dégarnie de troupes, et n'avait qu'à se présenter devant la plupart des
places pour s'en faire ouvrir les portes. Les habitants de Breslau, capitale
du pays, se rendirent avant que l'ennemi eût tiré un coup de canon. Au milieu
de ses faciles conquêtes, Frédéric publia, dans un manifeste, que les
Prussiens venaient prendre possession de la Silésie dans l'intention de la
protéger contre l'irruption d'un tiers. En même
temps il envoyait à Vienne le comte de Gotter avec de nouvelles propositions
d'accommodement. Ainsi il offrait à Marie-Thérèse, moyennant la cession de la
Silésie, d'employer toutes ses forces pour lui assurer la possession des
États héréditaires d'Autriche, de contracter pour cet effet une étroite
alliance avec la reine, la Russie, l'Angleterre et la Hollande, de lui
fournir en argent comptant 2.000.000 florins, et de soutenir avec ses troupes
l'élection du grand-duc son époux. Marie-Thérèse rejeta cette offre exprimée
en termes assez insultants, et lui fit une réponse pleine de sagesse et de
cette noble fermeté qui caractérise les grandes âmes : « Mes États, dit-elle au
comte de Gotter, jouissaient d'une paix profonde lorsque votre maître est
entré en Silésie, les armes à la main. Si c'est là, comme ce prince
l'insinue, le moyen qu'il croit le plus propre de garantir et d'assurer
l'effet de la pragmatique sanction, j'ai peine à concevoir quel pourrait être
celui de l'anéantir. Je reconnais tout le prix de l'amitié de Sa Majesté
Prussienne, et je n'ai pas lieu de me reprocher de ne l'avoir pas cultivée
avec soin ; mais sans donner la moindre atteinte à ce principe, je crois
pouvoir lui faire observer que sa première proposition ne va pas aussi loin que
l'engagement qui résulte de la garantie de la pragmatique sanction, dont tout
l'empire est chargé ; que les alliances avec la Russie, l'Angleterre et la
Hollande existaient avant l'entrée des troupes en Silésie, et que l'intention
de ces puissances n'est pas de me faire perdre une partie de mes États pour
affermir des alliances dont le principal objet est de les conserver en
entier. On n'a jamais vu faire la guerre pour obliger une puissance
d'accepter l'argent qu'on lui offre. D'ailleurs cet argent que me propose le
roi, ne doit pas lui coûter beaucoup, puisque les sommes qu'il a tirées de la
Silésie dépassent les 2.000.000 florins qu'il s'engage à donner. Je remercie
le roi de ses dispositions bienveillantes pour le grand-duc ; mais l'élection
d'un empereur doit être libre, le roi n'a point dû l'oublier, et rien n'est
plus capable d'y mettre obstacle que des troubles excités ail milieu de
l'empire. Loin de moi la pensée de vouloir commencer mon règne par le
démembrement de mes États. Je ne puis consentir à céder la Silésie ni en
entier, ni en partie, et la première condition pour un accommodement, c'est
que le roi de Prusse en sorte. D A la
première nouvelle de l'invasion du roi de Prusse, la cour de Vienne, qui
n'avait en Silésie que des forces insuffisantes aux ordres du comte de Brown,
s'empressa d'envoyer des secours ; mais la rigueur de la saison, la
difficulté des routes, les pluies continuelles et le débordement des rivières
retardèrent leur marche. Le comte de Brown résolut cependant de faire un effort
et de couvrir au moins les frontières de Bohême. A la tête d'un corps de
troupes légères, il s'avança jusqu'à Neustadt, jeta quelques renforts dans
Neiss, et chargea le colonel Roth de la défense de cette ville. Informé de
ces opérations, Frédéric ordonna au comte de Schwerin de passer la rivière
rte Neiss et d'attaquer les Autrichiens. Il se rendit lui-même devant la
ville de Neiss et l'investit. Brown
s'était retiré au bourg de Gratz, sur la rivière de Mora, et s'était
déterminé à défendre h tête du pont. Le général prussien marche droit aux
ennemis, culbute un détachement de dragons, le force à passer sur la rive
opposée et charge les Autrichiens. L'attaque fut terrible, mais Brown se
trouvait partout ; ses troupes, encouragées par son exemple, soutiennent le
choc, et à l'aide d'un feu bien nourri, elles repoussent les Prussiens et les
mettent en déroute. Schwerin les rappelle au combat ; bientôt les rangs sont
repris, et la charge recommence avec une nouvelle ardeur ; les Autrichiens,
repoussés à leur tour, s'abandonnent à la fuite et n'écoutent plus la voix de
leur chef. Brown passe alors le pont, rassemble ses soldats à quelque
distance, et attend le comte de Schwerin qui s'attache à sa poursuite. Les
Autrichiens se flattaient de l'espoir de tomber sur des détachements en
désordre, lorsqu'ils virent des bataillons épais et serrés s'avancer au son
des instruments de guerre. Ce coup d'œil imposant ne les ébranle point, ils
restent intrépides en présence du danger, se défendent et essuient
courageusement cinq décharges. Enfin la victoire se déclare pour leurs
adversaires, supérieurs en nombre, et ils s'éloignent une seconde fois du
champ de bataille, pour se jeter sans ordre dans les faubourgs de Gratz,
auxquels ils mettent le feu ; puis, à la faveur des flammes, ils se retirent
en Moravie. Schwerin
triomphant alla rejoindre le roi toujours arrêté sous les murs de la petite
ville de Neiss. Après avoir tout disposé pour un siège et établi plusieurs
batteries, Frédéric avait envoyé le colonel de Borck sommer le commandant de
se rendre. A peine le trompette qui annonçait l'officier prussien eut-il
commencé à sonner, que du haut des remparts on fit feu sur lui. Le colonel
ordonne au trompette de s'avancer de quelques pas et de sonner de nouveau ;
il aperçoit tout à coup une troupe de cavaliers qui cherchaient à les
envelopper. Alors Borck de se retirer et d'aller rendre compte de sa
commission au roi. Le récit du colonel enflamma Frédéric d'une colère extrême
; il ordonna de dresser aussitôt une batterie de mortiers, pour écraser la
ville ; mais la garnison et le commandant demeurèrent inébranlables au milieu
de l'horrible fracas de cette batterie. Le roi
fit savoir le lendemain au brave Roth son intention de venger, d'une manière
éclatante, l'audace qu'on avait eue de tirer sur l'officier envoyé par lui le
jour précédent. Le colonel lui répondit qu'il n'avait aucune connaissance du
fait dont il se plaignait ; qu'il prendrait des informations et punirait les
coupables ; qu'au surplus, Sa Majesté pouvait attaquer la ville comme bon lui
semblerait ; que pour lui, il s'efforcerait de la défendre de façon à mériter
son estime, et à témoigner sa fidélité à sa souveraine. Il ajouta qu'avant de
la rendre, elle serait son tombeau et celui de ses intrépides compagnons.
Cette réponse irrita le roi encore davantage ; pendant toute la journée, les
batteries ne cessèrent point leur feu ; de son côté, le colonel tint parole
et se défendit avec un rare courage. Après un nouveau bombardement, on crut,
dans l'armée de Frédéric, que la garnison avait abandonné les remparts afin
d'échapper au danger, et que le moment était favorable pour s'approcher de la
place. A peine les Prussiens outils fait quelques pas, qu'ils voient tomber
sur eux le commandant avec ses troupes. Roth met en déroute le premier corps
qu'il rencontre ; les Prussiens se rallient et reviennent à la charge. Le
colonel soutient son avantage, les attaque brusquement et les repousse
jusqu'à leurs batteries. Frédéric, pour la première fois, est témoin de la
fuite de sa redoutable infanterie, sans pouvoir rétablir l'ordre dans ses
rangs. Cette vigoureuse sortie détermina la levée du siège. Roth envoya porter
cette heureuse nouvelle à la reine. Il avait eu la gloire, avec cinq
bataillons seulement, d'arrêter les armes victorieuses du roi de Prusse et de
braver sa colère. Le
siège de Neiss fut la dernière opération de cette campagne. Frédéric retourna
à Berlin faire de nouveaux préparatifs, discipliner ses troupes et disposer
une nombreuse artillerie, car il prévoyait que les armées de la reine de
Hongrie, commandées par des généraux qui lui étaient entièrement dévoués,
rendraient désormais ses conquêtes plus difficiles. Pendant
ce temps, le commissaire prussien resté à Breslau déclara aux magistrats de
cette ville que le roi son maître, voulant donner des marques de son
affection aux habitants de la ville, n'exigeait d'eux aucune imposition, mais
le paiement des contributions demandées et la subsistance de ses troupes. Le
conseil de régence comprit qu'il serait dangereux d'irriter le vainqueur ; il
se mit néanmoins à délibérer gravement sur un objet si important. Frédéric
abrégea les lenteurs de ce corps pacifique, en déterminant d'une manière bien
positive la somme qu'il voulait, 15.000 florins par mois. ll ordonna de plus
qu'un des hôpitaux de Breslau servît de magasin pour ses troupes ; que
l'église luthérienne, située sur le chemin d'Hunsfeld, leur fût affectée ;
enfin que tous les catholiques romains sortissent de la ville, et qu'on ne
leur, accordât que le temps nécessaire pour enlever leurs effets. Ces
demandes déconcertèrent le conseil de Breslau, qui se voyait ainsi dépouillé
de ses privilèges ; mais il fallut céder à la force. Le roi
de Prusse partit de Berlin dès le milieu de février, afin de se mettre à la
tête de ses troupes. Comme le siège de Neiss paraissait être le premier objet
qui devait l'occuper, Brown, après avoir mis en déroute un détachement de 800
hommes envoyés à la découverte, se hâta de jeter des secours dans cette
place. Mais Frédéric méditait un autre projet. Une partie •de ses forces
était employée au blocus de Grand-Glogau qu'il avait l'espoir de réduire par
la famine, lorsqu'il apprit en même temps l'approche de l'armée autrichienne,
forte de 30.000 soldats, et que la ville assiégée avait encore des vivres
pour six semaines. Il résolut de la prendre d'assaut, et 'ses efforts furent
couronnés d'un plein succès. Au
milieu de ce revers, Marie-Thérèse donna le jour à un fils, l'archiduc Joseph
(13
mars 1741). Elle
ressentit la plus grande consolation de la naissance de cet enfant ; elle
voyait en lui un rejeton des empereurs ses aïeux, l'espoir d'une postérité
nombreuse, le réparateur et l'appui d'une maison autrefois si puissante, et
dont maintenant l'Europe entière se disposait à déchirer l'héritage. Cependant
le comte de Neipperg, à qui la reine avait confié le commandement des troupes
rassemblées dans les environs d'Olmutz, s'était mis en mouvement pour aller
combattre l'ennemi. Vers la fin de mars, ce général, marchant sur deux
colonnes à travers des montagnes couvertes de neiges, arriva à Hermanstadt,
sur la frontière de Silésie. Frédéric, instruit de cette marche, réunit
toutes ses forces et passa la rivière de Neiss en deux endroits, au-dessus et
au-dessous du pont, sans que le comte de Neipperg s'en aperçût, car il
s'était occupé de la prise de Grotkau. Il méditait aussi de s'emparer d'Olhau
qui renfermait la grosse artillerie des Prussiens et un magasin considérable.
Rien de mieux conçu que ce projet, dont l'exécution devait affaiblir l'ennemi
pour le reste de la campagne et l'empêcher de tenter quelque entreprise
importante. Le roi de Prusse le sentit, et, pour détourner ce coup, il ne vit
de ressource que dans une bataille. Dès le
lendemain, il s'avance en face du village de Molwitz, où les Autrichiens
avaient établi leur quartier général. Il débouche par quatre colonnes, et
range son armée en bataille. Le comte de Neipperg arrive dans la plaine et en
fait autant. A deux heures après midi, une décharge générale de l'artillerie
prussienne donne le signal du combat. Le baron de Romer, qui commandait la
gauche des Autrichiens, tombe avec sa cavalerie sur l'aile droite des
ennemis. Le roi s'y trouvait et avait sous ses ordres le prince Léopold
d'Anhalt. Le choc fut des plus rudes. Romer enfonce, renverse et met en
désordre la première ligne de la cavalerie du roi ; celle-ci, se jetant sur
la seconde, y porte le trouble et l'épouvante, et tout est en fuite. Alors le
baron d'arrêter sa troupe, de tourner sur le flanc de l'infanterie, d'essuyer
le feu des premiers bataillons, de pénétrer au milieu et de les écraser. Ce
n'est pas tout : il pousse jusqu'au camp, s'empare de quelques pièces de
campagne, se précipite sur le quartier du roi, dont il pille les bagages.
Frédéric avait vu tomber à ses côtés un officier et un page ; son régiment
des gardes avait été taillé en pièces, et presque tous les officiers
restaient sur le champ de bataille. Le maréchal de Schwerin s'aperçoit du
danger qui menace le monarque. Occupé lui-même à rassurer l'infanterie, il
envoie prier son souverain de ne pas s'exposer davantage, de céder à la
fortune et de laisser à son général le soin de la retraite. Frédéric, qui
comprenait qu'il n'y avait pas de sûreté pour lui d'aller plaider sans armée,
à Vienne, la cause de la Silésie, écouta le conseil du maréchal, et s'enfuit
accompagné d'un seul page. Tandis
que le roi cherchait loin de Molwitz un asile assuré, Schwerin remportait une
victoire signalée. Malgré le désordre que le baron de Romer avait jeté dans
les lignes, le général prussien rétablit le combat. Le prince Léopold attaqua
d'abord la cavalerie de Romer qui revenait du pillage et la fit reculer. Son
intrépide commandant revint quatre fois à la charge ; enfin il périt dans
l'action, et sa mort entraîna la défaite entière de sa troupe. Schwerin,
suivi de son infanterie, marche à celle de la reine, et, après quelques
efforts, la défait entièrement. En vain le comte de Neipperg, qui avait été
blessé, veut tenir ferme, il est entraîné dans la fuite. Deux blessures que
reçoit aussi Schwerin ne peuvent ralentir son ardeur ; il se place à la tête
des escadrons et poursuit l'ennemi vaincu jusqu'à l'entrée de la nuit. La
perte des Prussiens ne fut pas considérable. Du côté des Autrichiens, 3.400
hommes furent tués, et 2.000 faits prisonniers. On leur enleva dix pièces de
canon et quatre étendards (20 avril). Après
cette victoire, sur laquelle il ne comptait guère, Frédéric entreprit le
siège de Brieg, qu'il emporta au bout de quelques jours d'attaque. De là il
s'avança vers Neiss, qui, l'année précédente, avait résisté à tous ses
efforts. Mais,le comte de Neipperg mit obstacle à toutes ses entreprises sur
cette ville. Dans tout le reste de la campagne, il n'y eut plus entre les
deux parties belligérantes que des escarmouches et quelques combats peu
importants. Les
ennemis de Marie-Thérèse se multipliaient. Les plus puissants souverains de
l'Europe s'étaient ligués contre elle ; mais au milieu de tous ces revers,
son courage bravait les dangers, et sa fermeté savait les prévenir ou les
réparer. Deux mois après la naissance de l'archiduc, elle tint à Presbourg
une diète des États de Hongrie, accorda à la nation diverses grâces,
renouvela la dignité de palatin et se concilia le cœur de ses nouveaux sujets
en se soumettant à prêter l'ancien serment du roi André II, à l'exception du
trente-unième article, que Léopold Ier avait aboli, et qui était ainsi conçu
: « Si moi ou quelqu'un de mes successeurs, en quelque temps que ce soit,
veut enfreindre vos privilèges, qu'il vous soit permis, en vertu de cette
promesse, à vous et à vos descendants, de vous défendre, sans pouvoir être
traités de rebelles. » La reine crut ne devoir pas différer son
couronnement. La cérémonie fut célébrée avec une magnificence extraordinaire
et de vives démonstrations de zèle et d'allégresse de la part des Hongrois (25 juin 1741). Marie-Thérèse reçut la
couronne des mains de l'archevêque de Strigonie, auquel était réservé le
privilège de sacrer le roi. Elle se rendit ensuite, entourée d'un brillant
cortége, à l'église des Franciscains où lui fut remise l'épée royale ; puis
elle monta à cheval, traversa lentement le faubourg de la ville, et,
lorsqu'elle fut arrivée au pied de la colline nommée le Mont-Royal, qui
domine le Danube, elle mit son cheval au galop jusqu'au sommet, et suivant
l'antique usage, la reine tira l'épée de Saint-Étienne, et la présenta aux
quatre parties du monde. Par cette cérémonie, le souverain annonçait aux
Hongrois qu'il était prêt à les défendre contre tous leurs ennemis. De là,
conduite par les évêques et les barons du royaume sous un arc de triomphe,
Marie-Thérèse y prêta le serment ordinaire. La
reine quitta la Hongrie au bruit des acclamations de ses sujets. Des soins
importants la rappelaient à Vienne. Il ne s'agissait pas seulement de
combattre un prince guerrier qui ne voulait lui ravir qu'une province ; il
fallait résister aux armes de la Bavière appuyées de celles de nombreuses
puissances, toutes déterminées à réduire la maison d'Autriche au seul
patrimoine du grand-duc. Marie-Thérèse s'était efforcée de parer le coup
qu'elle prévoyait. Elle avait écrit les lettres les plus pressantes et les
plus affectueuses au cardinal de Fleury, naturellement ami de l'équité et de
la paix, pour le conjurer de ne point donner le signal d'une guerre qui
menaçait d'embraser l'Europe entière. Retenu par la garantie de la
pragmatique, incapable d'ailleurs de grands desseins à l'âge de
quatre-vingt-cinq ans où il était parvenu, le ministre hésitait à
compromettre sa réputation et sa vieillesse dans une guerre nouvelle. Mais le
cri d'une partie de la nation, le vœu presque général des officiers, les
sollicitations du duc de Bavière, et surtout les conseils du maréchal et du
comte de Belle-Isle, tous deux petits-fils du fameux Fouquet, l'emportèrent
enfin auprès de Louis XV. Ces deux hommes, d'une ambition vaste, d'une
politique hardie et d'une imagination ardente, envisageant dans la guerre
future un exercice illustre à leurs talents et une voie rapide à leur
fortune, entreprirent de changer la face de l'Europe. Ils firent parler au
conseil le génie de Richelieu, et rappelèrent que le dernier soupir de ce
grand ministre avait été pour l'abaissement de la maison d'Autriche, que
jamais l'occasion n'avait été plus favorable. Enfin, sans songer combien
cette politique avait déjà coûté d'argent et de sang à la France, on résolut
d'accorder à l'électeur de Bavière l'appui qu'il demandait, et le cardinal de
Fleury présida lui-même à une entreprise que désapprouvaient sa conscience et
sa prudence. Le
maréchal de Belle-Isle partit aussitôt pour l'Allemagne, se rendit au congrès
de Francfort, visita les cours des princes du Rhin, puis celle de Dresde, et
Frédéric II, au camp de Strehlen. `fous consentirent à placer l'électeur de
Bavière sur le trône impérial. Le 18 mai 1741, fut conclue à Nymphembourg,
près de Munich, entre ce prince, la France et l'Espagne, un traité d'alliance
offensive auquel adhérèrent successivement les rois de. Prusse, de Pologne et
de Sardaigne, l'électeur palatin et celui de Cologne. On projetait d'enlever
à Marie-Thérèse la Bohême, la Silésie, la Moravie, la haute Autriche, le
Tyrol, la Souabe autrichienne et le duché de Milan. Afin de paralyser les
efforts de la Russie qui paraissait disposée à donner des secours à la fille
de Charles VI, on excita une guerre entre cette puissance et la Suède. A
l'approche de l'orage qui la menaçait, Marie-Thérèse, pleine de confiance en
Dieu et dans son droit, déploya un courage viril et résolut de con server
intact le patrimoine de ses ancêtres. Elle ne se trouva pas entièrement
réduite à ses propres ressources. Georges II, roi d'Angleterre et électeur de
Hanovre, se montra fidèle à ses engagements. Il persuada à son parlement de
lui envoyer des subsides, et se rendit lui-même en Hanovre, où il conclut
encore avec elle un traité pour la défense de la pragmatique sanction, et
pour favoriser l'élévation du grand-duc François à la dignité impériale. Il
fallait rendre inutile cette bonne volonté de l'Angleterre. Aussi deux armées
françaises se mirent-elles aussitôt en mouvement ; la première de 40.000
hommes, sous les ordres du maréchal de Belle-Isle, passa le Rhin, au mois
d'août, afin de se joindre aux Bavarois ; la seconde, d'égale force,
commandée par le maréchal de Maillebois, pénétra en Westphalie, et ses
opérations, combinées, avec celles d'un corps prussien qui obéissait au
prince d'Anhalt, firent craindre à Georges II l'invasion de son électorat. Il
crut ne pouvoir la prévenir qu'en signant avec la France un traité par lequel
il s'engageait à ne pas fournir de secours à la reine. Le roi
de Prusse, après avoir terminé la conquête de la Silésie, était entré en
Moravie et s'y était emparé d'Olmutz. De son côté, Charles-Albert, à la tête
de ses Bavarois, s'était jeté sur l'Autriche. En peu de temps il se rendit
maître de Lintz, où il se fit couronner archiduc d'Autriche, et menaça
Vienne. Lorsque les premières divisions de l'armée française se furent
réunies à ses troupes, il envoya des détachements jusqu'aux portes de cette
capitale. Le grand-duc y était revenu, accompagné du prince Charles son
frère, afin de prendre les dispositions propres à soutenir un siège que l'on
croyait prochain. La
cause de Marie-Thérèse semblait désespérée, la jeune reine la releva à force
d'héroïsme. Obligée de quitter Vienne, elle emporte l'archiduc, son unique
consolation, et se rend au milieu des Hongrois, que sa douceur lui avait
inviolablement attachés. Elle rassembla les quatre ordres à Presbourg et se
présenta devant eux en habits de deuil à la hongroise, avec la couronne
angélique sur la tête, ceinte de l'épée royale, et tenant son fils dans ses
bras : a Abandonnée de mes amis, leur dit-elle en langue latine, persécutée
par mes ennemis, attaquée par mes plus proches parents, je n'ai de ressources
que dans votre fidélité, dans votre dm-rage et dans ma constance. Je remets
entre vos mains le fils et la fille de vos rois. » A ces paroles prononcées
d'une voix noble et touchante, à la vue de cette héroïque princesse confiant
ses droits, sa couronne et son enfant encore au berceau, à leur fidélité et à
leur bravoure, tous les assistants, saisis d'enthousiasme, s'écrient d'une
voix unanime en tirant leurs sabres : « Moriantur pro rege nostro
Maria-Theresid — mourons pour notre roi Marie-Thérèse. » Les
Hongrois consentirent ensuite à ce que le grand-duc de Toscane fût chargé de
la corégence par son épouse. Toute la noblesse s'arma ; on mit sur pied
22.600 hommes de nouvelle infanterie pour la Hongrie et 10.000 pour la
Croatie et l'Esclavonie. On accorda tous les subsides nécessaires pour solder
ces troupes. Dix
jours plus tard, les députés se présentèrent eu pied du trône, afin de
recevoir le serment du corégent. Dans ce moment, ils furent témoins d'une
scène non moins attendrissante que la première. Après avoir juré,
François-Étienne s'écria : « Mon sang et ma vie pour la reine et le royaume !
» Marie-Thérèse, prenant alors le petit archiduc sur ses bras, le montra aux
magnats dont les acclamations éclatèrent plus vives que jamais. Pendant
que la reine enflammait ainsi le zèle des Hongrois, elle réclamait l'appui
des puissances qui avaient garanti la pragmatique sanction et s'efforçait
d'introduire une discipline sévère dans ses armées. Malgré son courage et son
activité, elle n'aurait cependant pu éviter sa ruine sans les fautes de ses
ennemis. Ainsi, au lieu de marcher sur Vienne, dont la prise eût été un coup
décisif, l'électeur de Bavière, qui ne s'était point préparé à ce siège, et
qui n'avait ni gros canons ni munitions, tourna ses armes vers la Bohême.
L'armée franco-bavaroise, aidée de 20.000 Saxons, n'arriva devant Prague qu'à
la fin de novembre. La saison avancée et le manque de vivres imposaient la
nécessité de tout hasarder pour s'en emparer au plus tôt. Quoique mal
fortifiée, cette grande ville pouvait aisément soutenir les premières
attaques. Le général Ogilvi, Irlandais de naissance, auquel était confié le
commandement de la place, avait 3.000 hommes de garnison, et le grand-duc
venait au secours à la tête de l'armée de Silésie. Le 25, ce prince était
déjà arrivé à cinq lieues de Prague, mais la nuit même les Français et les
Saxons donnèrent l'assaut. La
gloire de ce dessein, les détails du plan et une bonne partie de l'exécution
furent dus au comte Maurice de Saxe, général plein de valeur, très-habile
dans l'art militaire, et alors au service de la France. Parmi les officiers
placés sous ses ordres, il avait distingué le fameux Chevert, né de parents
pauvres et qui, à force de courage, était parvenu au grade de
lieutenant-colonel du régiment de Beauce. De toute l'armée, c'était l'homme
le plus capable d'exécuter un coup de main ; le comte jeta les yeux sur lui
pour conduire l'attaque. Au moment où l'on allait poser la première échelle,
Chevert s'adressant au sergent Pascal, l'un des plus braves de son
détachement : « Tu vas monter le premier, lui dit-il. — Oui, mon colonel. —
La sentinelle criera : Qui va là ? Tu ne répondras rien. — Oui, mon colonel.
— Elle tirera sûr toi et te manquera. — Oui, mon colonel. — Tu la tueras. —
Oui, mon colonel. — Et j'arrive là pour te secourir. » Le sergent monte ; on
tire, il est manqué ; la sentinelle tombe. Chevert monte ensuite ; le fils
aîné du maréchal de Broglie le suit, puis les autres arrivent en foule, et la
ville est prise. Ogilvi se rend prisonnier de guerre avec ses 3.000 hommes.
Il n'y eut ni pillage, ni désordre, ni une goutte de sang répandue. A six
heures du matin, la ville était rentrée dans sa tranquillité accoutumée. Charles-Albert,
prince vaniteux et sans intelligence, et que l'impatience de mettre sur son
front une seconde couronne avait empêché d'assiéger Vienne, fit son entrée
solennelle dans Prague le jour même de la prise ; il y fut couronné roi de
Bohême le 7 décembre. Il ne manquait plus à ses désirs que la couronne
impériale ; tout était préparé pour la lui faire donner. Il courut donc à
Francfort, où il fut élu empereur sous le nom de Charles VII et reconnu par
tout l'empire, excepté par les États autrichiens. « On l'aurait cru au comble
de la gloire et du bonheur, mais la fortune changea, et il devint un des plus
infortunés princes de la terre par son élévation même[1]. » En
effet, on ne tarda pas à comprendre, malgré ce rapide succès, la fauté
qu'avait commise l'armée franco-bavaroise, en ne marchant pas sur Vienne,
quand la fortune lui présentait l'occasion de s'en emparer. Marie-Thérèse
avait trouvé des secours prompts et inépuisables chez ses fidèles Hongrois.
Un nombre infini de serfs auxquels elle avait promis la liberté, étaient
venus se ranger sous ses étendards. C'était à qui témoignerait plus de zèle
pour la cause de la reine. Le clergé lui fournissait généreusement des sommes
considérables. Son nom déjà célèbre, et l'histoire de ses malheurs portés
jusqu'au fond de l'Esclavonie et sur les bords de la Drave, enflammaient les
habitants de ces tristes contrées de l'enthousiasme guerrier qui animait tous
ses sujets. Il sortait de ces pays sauvages des armées de troupes légères, si
connues depuis sous le nom de pandoures et de talpaches, dont la bravoure
étonnante, le vêtement singulier et l'air affreux jetaient partout
l'épouvante. Tandis
que des milliers de bras s'armaient pour sa vengeance, Marie-Thérèse agissait
fortement auprès des cours étrangères ; elle ranimait en sa faveur le
ministère britannique, dont le chef, milord Carteret, à l'exemple d'Annibal,
avait juré• une haine implacable à tout ce qui portait le nom français, et
les Hollandais qui lui donnèrent des secours d'argent. Elle s'efforçait de
détacher de la ligue le roi de Sardaigne qui, négligé par la France,
commençait à redouter l'accroissement des Bour bons en Italie. Tout le peuple
anglais s'anima d'un zèle extraordinaire pour les intérêts de cette
princesse. La duchesse de Malborough, veuve de l'illustre duc qui avait
combattu avec tant de succès pour Charles VI, assembla les principales dames
de Londres, qui s'engagèrent à fournir à Marie-Thérèse un don gratuit de
100.000 livres sterling ; elle-même en déposa 40.000. La reine de Hongrie
refusa l'argent qui lui était offert avec tant de générosité ; elle ne voulut
recevoir que celui qu'elle attendait de la nation assemblée en parlement.
Alors toute l'Europe la regarda comme une héroïne digne de conserver un trône
qu'elle- savait si bien défendre. « Cependant
le grand-duc, n'ayant pu dégager Prague, s'était retiré derrière les marais
de Budweiss. Là, il couvrit la marche des détachements qui devaient pénétrer
dans la Bavière. Le plan des opérations futures fut savamment combiné ; le
comte de Khevenhuller, le plus entreprenant et le plus heureux des généraux
autrichiens, l'exécuta habilement. L'armée principale, divisée en deux corps,
l'un sous le commandement de François-Étienne, et l'autre sous celui du
prince de Lobcowitz, demeura dans la Bohême pour y tenir l'ennemi en échec[2]. » Khevenhuller, à la tête
de 30.000 hommes, arriva aux environs de Lintz, où les courses impétueuses
des troupes légères du célèbre partisan Nentzel avaient repoussé 10.000 Français
aux ordres du comte de Ségur. Il se hâta de former le siège de la ville, dont
il se rendit maître, le jour même où l'électeur était proclamé à Francfort,
après des attaques si vigoureuses et une défense si opiniâtre que le
grand-duc, lorsqu'il y entra, ne prit possession que d'un monceau de pierres
et de cendres. Ce ne
fut là que le prélude de plus grands succès qui ternirent promptement l'éclat
des beaux jours de Charles VII, resté à Francfort sans troupes, sans argent
et sans crédit. En effet, Khevenhuller pénétra dans la Bavière et livra ce
pays aux troupes avides de pillage, qui s'étaient réunies autour de son
étendard. Il trouva de courageux auxiliaires dans les habitants du Tyrol. Ils
descendirent de leurs montagnes et s'avancèrent jusqu'aux portes de Munich,
où Khevenhuller entra sans obstacle (13 février 1742). En Italie aussi, la fortune
commençait à se ranger du côté de Marie-Thérèse. Douze jours avant la prise
de Munich, le roi de Sardaigne, alarmé des projets des espagnols, qui
n'avaient pris part à la guerre que dans l'espoir de faire la conquête de la
Lombardie pour en former un établissement à l'infant don Philippe, s'était
détaché de la coalition et par la convention de Turin s'était engagé à
défendre la reine de Hongrie contre ses ennemis. La
France ne cessait d'envoyer des troupes en Allemagne pour soutenir le nouvel
empereur. Le duc d'Harcourt passa le Rhin le 10 mars et se dirigea sur la
Bavière. Cependant le comte de Saxe méditait une conquête importante. Egra,
sur les frontières de la Bohême, était le dépôt de tous les magasins
autrichiens. La prise de cette ville assurait la conquête de la Bohême et
facilitait les communications avec la Bavière. Quoique cette place fût
très-forte, le comte s'en rendit maître au bout de quinze jours de siège. De son
côté, le roi de Prusse, ayant partagé son armée en trois corps, sortit de la
Moravie et s'avança dans la Bohème. Son dessein était de combattre le prince
Charles, auquel était confié le commandement des troupes de la reine dans ce
royaume, et de se réunir ensuite à l'armée des alliés campée dans tes
environs de Prague. Le frère du grand-duc formait un autre projet, celui
d'empêcher la jonction de Frédéric II avec le maréchal de Broglie et de
marcher brusquement sur Prague qu'il espérait surprendre. Les mouvements que
firent ces deux princes, chacun pour exécuter son entreprise, les mirent
bientôt en présence (15 mai). Les deux armées engagèrent l'action le 17, de grand matin. Les
Autrichiens s'avancèrent sur quatre colonnes pour attaquer leurs ennemis.
Ceux-ci étaient postés près du village de Chotusitz, et avaient à peine formé
leur ordre de bataille, lorsque la canonnade commença. Les forces étaient à
peu près égales, et l'on combattit avec ardeur des deux côtés. Les troupes du
prince de Lorraine donnèrent des preuves multipliées du courage le plus
exalté ; mais les savantes manœuvres de la cavalerie de Frédéric, la valeur
et la discipline de son infanterie décidèrent la victoire. Les Prussiens
restèrent maîtres du champ de bataille. La perte fut considérable de part et
d'autre. Les Autrichiens eurent 4.000 hommes tués et 3.000 blessés ; ils
laissèrent entre les mains de l'ennemi 1.200 prisonniers, 20 pièces de canon
et plusieurs drapeaux. La cavalerie du roi de Prusse fut presque entièrement
ruinée. Peu de
temps après la sanglante journée de Chotusitz, la reine de Hongrie, malgré la
répugnance qu'elle avait de démembrer les États de Charles VI, se laissa
persuader par le roi d'Angleterre de faire un sacrifice pour séparer la
Prusse de l'alliance de la Bavière et de la France. Elle consentit à
satisfaire les prétentions de Frédéric, et par le traité de Breslau elle lui
céda en toute souveraineté la haute et la basse Silésie et le comté de Glatz,
excepté les villes de Troppau, de Jagerndorf, et les hautes montagnes situées
au-delà de l'Oppa (11 juin). La défection du plus redoutable des adversaire de
Marie-Thérèse fut promptement suivie de celle du roi de Pologne qui adhéra à
cette paix et reconnut la validité de la pragmatique sanction. Quelque
secrète que fût d'abord cette négociation dont le roi d'Angleterre se rendait
garant, le maréchal de Belle-Isle vint à bout de la pénétrer, et il en fut
vivement alarmé. Il voyait que si le roi de Prusse abandonnait l'alliance
générale et retirait ses troupes de la Bohème, les Autrichiens seraient
libres de tourner toutes leurs forces contre les Français qui occupaient une
partie de ce royaume. Il vole donc au camp de Frédéric, lui communique ses
craintes, déploie toute la finesse d'un négociateur habile et étale tous les
grands raisonnements de sa politique. Le roi de Prusse l'écoute avec calme et
lui répond laconiquement : Q J'ai donné ma parole. » La
défection des Prussiens et des Saxons jeta, en effet, l'armée française,
réduite à 30.000 hommes, dans la plus fâcheuse position. Attaquée par les
troupes du prince Charles réunies à celles du prince de Lobcowitz, trop
faible pour tenir la campagne, malgré un avantage remporté à Sahé par les
maréchaux de Broglie et de Belle-Isle, elle fut obligée de se renfermer dans
Prague. Le
comte de Kœnigseck entreprit aussitôt le blocus de cette ville, tandis que la
science et l'habileté supérieure de Khevenhuller tenaient le duc d'Harcourt
en respect sur les bords du Danube et le mettaient dans l'impossibilité
d'aller au secours de ses compatriotes. Les
revers des armes françaises affligèrent profondément le cardinal de Fleury
qui, courbé sous le poids de l'âge et affaibli par les infirmités, n'en parut
que plus timide. Dans cette fâcheuse conjoncture il offrit la paix. Une
lettre qu'il adressa au comte de Kœnigseck, renfermait des propositions pour
l'évacuation de la Bohême. Le cardinal s'excusait de la guerre présente, dont
il rejetait tout le blâme sur le maréchal de Belle-Isle, et protestait de sa
répugnance aux résolutions qu'on avait prises. Pour unique réponse, la reine
de Hongrie fit rendre sa lettre publique ; il en fut de même d'une autre dans
laquelle le vieux ministre se plaignait au comte de cet abus de confiance en
ajoutant qu'il ne lui écrirait plus désormais ce qu'il pensait. De son côté,
Charles VII. fit porter des projets de paix à la cour de Londres qui avait
repris à la guerre une part active et engageait Marie-Thérèse à repousser
toute proposition d'accommodement. Ses lettres furent également publiées, et
le cardinal et l'empereur, joués à la face de l'Europe, mirent le comble à
cette risée en désavouant leurs propres lettres. Malgré
cette insulte, les Français, renfermés dans Prague, entamèrent des
conférences. Le maréchal de Belle-Isle offrit de sortir de la ville et des
terres de la reine de Hongrie, à condition qu'il lui serait permis de se
retirer avec armes et bagages. Le grand-duc, son frère le prince Charles, et
le comte de Kœnigseck paraissaient disposés à recevoir favorablement cette
offre, mais toute proposition de paix fut rejetée par Marie-Thérèse. « Je
suis bien surprise, dit-elle en présence de toute sa cour, de la demande du
maréchal de Belle-Isle. Il faut être tel que lui pour oser la faire. Il a
surpris par argent et par diverses promesses la religion de presque tous les
souverains de l'empire, pour soulever l'Allemagne contre moi et m'écraser. Ni
moi ni mes descendants n'oublierons jamais qu'il a entretenu, en temps de
paix, des espions dans Luxembourg, pour séduire la garnison et embraser la
ville[3]. » En
France, le parti de la guerre ne tarda pas à reprendre son ascendant et
résolut de tenter les derniers efforts afin de tirer les armées de la
position dangereuse où elles se trouvaient. Le maréchal de Maillebois, qui
commandait les 40.000 hommes cantonnés dans la Westphalie pour maintenir
l'électeur de Hanovre, reçut ordre de marcher sur Prague. Il fallait
traverser un pays de six cents milles de longueur, rempli de défilés et
occupé par les troupes de l'ennemi. Après avoir laissé en Flandre un corps
assez nombreux chargé d'observer les mouvements des Anglais, Maillebois
s'avança à marches forcées sur la Bavière, et arriva, le 14 septembre, à
Amberg, dans le Haut-Palatinat. C'est là que vint le joindre Seckendorf,
général en chef des troupes bavaroises. Le comte de Saxe, à qui le
commandement du corps du duc d'Harcourt avait passé, trompa Khevenhuller par
des manœuvres habiles et se réunit bientôt au gros de l'armée française.
Maillebois, alors à la tête de 60.000 hommes, tourna vers Prague et s'avança
jusqu'à Egra. Cependant
le comte de Kœnigseck avait ouvert la tranchée devant la place, au
commencement de juillet, et les opérations du siège étaient poussées avec une
activité infatigable. La disette exerçait des ravages parmi les assiégés,
déjà en butte à un terrible bombardement et en proie aux maladies. « Ils
tuaient et mangeaient leurs chevaux, pour suppléer à la viande de boucherie,
qu'à peine on servait à la table des maréchaux[4]. » Dans cette situation
presque désespérée, ils faisaient toutefois des sorties journalières et
sanglantes, afin de retarder les opérations des Autrichiens. Dans une de ces
sorties, la plus terrible, ils comblèrent les travaux du siège, tuèrent et
prirent 3.000 hommes aux ennemis, leur enlevèrent quelques pièces de canon et
plusieurs drapeaux, et rentrèrent triomphants dans Prague, suivis de leurs
trophées et de leurs prisonniers. Cette heureuse expédition et la marche du
maréchal de Maillebois obligèrent les assiégeants de suspendre leurs
attaques. Le grand-duc fit même des propositions qui furent transmises au
gouvernement français. Mais la reine de Hongrie les désapprouva, et pour que
le comte de Kœnigseck ne pat se laisser abuser plus longtemps par les
discours artificieux et les confidences insidieuses de Belle-Isle, défendit
toute conférence. Les
Autrichiens avaient donc pressé avec une nouvelle vigueur les opérations du
siège. A la nouvelle de l'approche de Maillebois, le prince Charles, ayant
laissé dans les environs de Prague un corps de troupes légères, s'était mis
en mouvement afin de lui disputer le passage. Le maréchal de Broglie n'avait
point laissé échapper cette occasion de sortir de Prague avec son corps de
troupes réduit à 12.000 hommes, et s'était avancé jusqu'aux environs de
Leutmeritz, dans l'espoir de se réunir à lui. Mais le grand-duc, le prince
Charles et le comte de Khevenhuller, prirent de si sages mesures et suivirent
de si près toutes les démarches de la nouvelle armée, qu'elle ne fut d'aucun
secours à celle de Prague. Pour cela il aurait fallu en venir aux mains avec
le prince Charles, et le ministre avait ordonné à Maillebois d'éviter une
bataille décisive. « Si l'on avait donné carte blanche à ce maréchal, dit le
roi historien, le destin de la Bohême aurait pu changer ; mais de Versailles
le cardinal le menait à la lisière. » Cette circonstance et la
mésintelligence survenue entre Maillebois et le comte de Saxe, empêchèrent
l'expédition de réussir. Maillebois, sur la fin d'octobre, ramena dans le
Haut-Palatinat ses troupes réduites et affaiblies par de longues marches et manquant
de vivres. Bientôt après le maréchal de Broglie, qui n'avait pu parvenir à
opérer sa jonction avec lui, reçut l'ordre de quitter le camp de Prague et de
le remplacer dans le commandement de l'armée. Depuis
cette retraite, la ville fut resserrée de nouveau par un corps de troupes
légères de Croates et de Hongrois. Elle demeura sans espoir de secours, et le
maréchal de Belle-Isle se trouva seul chargé de sa défense. Il la prolongea
jusqu'au moment où l'extrême disette l'empêcha d'y rester. Après avoir trompé
la vigilance de l'ennemi et les habitants de Prague, réuni en une seule
colonne 11.000 hommes de pied et 3.000 chevaux, avec 30 pièces de canon et
des vivres pour douze jours, il sortit dans la nuit du '16 décembre, laissant
dans la place 6.000 hommes, ra plupart malades ou blessés, aux ordres du
brave Chevert. Avec tout cet attirail il s'ouvre péniblement un chemin à
travers les neiges et les glaces, il évite les défilés où l'ennemi
l'attendait, et passe des marais que la glace avait rendus solides. Il arrive
le douzième jour à Egra, non sans avoir perdu beaucoup d'hommes par le froid
excessif et par la fatigue extrême d'une marche entreprise, à la vue des
troupes légères de Hongrie, par des soldats déjà accablés des souffrances d'un
long siège, qui n'avaient eu pour toute nourriture qu'un pain gelé et pour
tout lit que la glace et la neige. « Les chemins, dit l'historien de
Bohême, Pelzel, présentaient un spectacle épouvantable : ils étaient jonchés
de cadavres ; on en voyait des monceaux de cent et de deux cents, pêle-mêle,
officiers et soldats. » Beaucoup d'entre eux eurent des membres gelés et durent
subir l'amputation à leur arrivée à Egra, et les autres furent décimés par
une fièvre maligne. Ceux qui rentrèrent en France périrent presque tous des
suites de cette retraite. Désespéré
d'avoir laissé échapper l'armée française, le prince de Lobcowitz exigeait
que les 6.000 hommes de troupes qui étaient restés dans Prague sous la
conduite de Chevert, se rendissent à discrétion ; mais leur intrépide chef
répondit à l'officier qui lui en fit la proposition : « Dites au prince que
s'il ne m'accorde pas les honneurs de la guerre, je vais mettre le feu aux
quatre coins de Prague, et que je m'ensevelirai sous ses ruines. » On le
connaissait homme à tenir parole. Le désir de conserver la capitale de la
Bohême lui fit accorder l'honorable capitulation qu'il demandait. Chevert
alla rejoindre avec sa vaillante troupe le 'reste de l'armée française à
Egra. Malgré
son dépit d'avoir vu échapper les Français à sa vengeance, Marie-Thérèse
célébra la reddition de Prague par Une fête magnifique. « On y vit, dit Coxe,
des courses de chars, à l'imitation de celles des Grecs ; et, pour honorer
son sexe, la reine ne permit qu'à des femmes d'entrer dans la lice. Elle-même
y parut, accompagnée de sa sœur., Au mois de mai de l'année suivante, elle
fut couronnée dans cette ville importante, comme souveraine d'un royaume dont
elle devait le recouvrement encore plus à sa fermeté qu'à la force de ses
armes. Au
milieu de leurs succès, les Autrichiens éprouvèrent un regret causé par la
perte momentanée de la Bavière que le feld-maréchal Seckendorf occupa, après
la retraite de Khevenhuller. Charles VII rentra dans Munich le 2 octobre. Les
Espagnols n'avaient pas été plus heureux en Italie que les Français en
Allemagne. Le roi de Sardaigne, qui n'avait pu gagner à son parti le duc de
Modène, avait occupé ses États et repoussé jusque sur les terres du pape le
duc de Montemar que la cour de Madrid avait envoyé en Italie à la tête d'une
armée. Montemar se vit bientôt abandonné par les Napolitains, que leur roi
don Carlos rappelait au secours de sa capitale menacée par les Anglais qui le
forcèrent à se déclarer neutre. Vers le même temps, le prince don Philippe
était entré en Savoie avec une autre armée espagnole et s'était rendu maître
de Chambéry ; mais des forces supérieures l'avaient contraint à une retraite
précipitée. Dès le
commencement de l'année 1743, le maréchal de Belle-Isle avait ramené dans
leur patrie 8.000 hommes seulement, débris malheureux de la brillante, armée
à la tête de laquelle il avait traversé une partie. de l'Allemagne en
législateur et en conquérant. Après avoir pris le repos qu'exigeaient les
fatigues d'une retraite que la flatterie contemporaine comparait à celle des
Dix-Mille, il était retourné à Francfort. Le cardinal de Fleury, dont
l'histoire a loué le désintéressement et la prudence, en lui reprochant
toutefois d'avoir poussé l'économie trop loin, avait fini ses jours au
village d'Issy, près de Paris, dans la quatre-vingt-dixième année de son. âge
(29 janvier). Toutes les puissances de l'Europe parlaient de paix, sans
qu'aucune eût un désir sincère de terminer la guerre. Elle continua donc, et
la reine de Hongrie se couvrit d'une nouvelle gloire en délivrant l'Allemagne
de toutes les troupes étrangères qui l'avaient inondée les années précédentes.
Le roi et le parlement d'Angleterre, dont le zèle ne s'était point refroidi,
continuèrent le subside de 300.000 livres sterling qu'on avait voté pour
Marie-Thérèse, et l'armée que le comte de Stairs commandait en Flandre dut se
disposer à passer le Rhin. La
Bavière fut le théâtre des premières opérations de la campagne. Au
commencement de mai, le prince Charles força les postes avancés des Français
à se replier sur l'Iser, et au lieu de poursuivre les fuyards, il tourna vers
Braunau afin de surprendre le général Minuzzi, qui commandait 7 à 8.000
Bavarois fortement retranchés à Erblach. Ce corps, composé en partie de la
meilleure cavalerie impériale, éprouva une entière défaite. Le prince lui
enleva ses bagages, son artillerie, ses drapeaux, et fit de nombreux
prisonniers parmi lesquels se trouva Minuzzi. Puis, reprenant le cours de ses
opérations contre les Français, il força le maréchal de Broglie à se retirer
sur le Rhin, quoiqu'il eût été renforcé' à Schellenberg par 12.000 hommes
détachés de l'armée du maréchal de Noailles. Lw plupart des villes qui se
trouvaient sur son passage, furent réduites en cendres et subirent tous les
malheurs de la guerre. Délaissé
par ses alliés et alarmé des progrès de l'ennemi, Charles VII s'enfuit encore
une fois- de Munich. Seckendorf, qui s'était maintenu en Bavière avec un
petit corps de troupes, se trouva' bientôt dans l'impossibilité de la
défendre contre les armées autrichiennes, et reçut l'ordre de conclure un
traité de neutralité. Par ce traité, &Inde comte de Khevenhuller et le
feld-maréchal Seckendorf signèrent les préliminaires le 27 juin ; Charles VII
renonçait à ses prétentions sur la succession d'Autriche et abandonnait ses
États à la reine de Hongrie jusqu'à la conclusion de la paix générale. Les
troupes bavaroises se retirèrent dans la Franconie, et l'empereur, sans
états, sans argent et sans armée, réduit à solliciter de la France un secours
alimentaire pour sa personne, de quoi ne pas mourir de faim, alla tenir sa
triste cour à Augsbourg, puis à Francfort. Cependant
l'armée anglaise, rassemblée dans les Pays-Bas sous le nom d'armée
pragmatique, avait pénétré en Allemagne au mois d'avril et avait été
fortifiée en route de plusieurs corps de Hessois, de Hanovriens et même de
Hollandais, que les états généraux, pressés par l'Angleterre de se déclarer
ouvertement pour Marie-Thérèse, avaient envoyés avec le comte Maurice de
Nassau. Le comte de Stairs, l'un des élèves du fameux Malborough, commandait
cette armée. Il s'avança sur le Mein, afin de se joindre au prince de
Lorraine, dans le Palatinat bavarois, écraser le maréchal de Broglie et
pénétrer en Alsace. Il arriva sans obstacle à Hanau, et de là se porta
jusqu'à Aschaffenbourg, où il plaça son quartier général. Le duc de Noailles,
à la tête d'une armée de 55.000 hommes, parmi lesquels étaient l'élite de la
noblesse et la maison du roi, arrêta la marche du général anglais, lui coupa
les vivres au-dessus et au-dessous d'Aschaffenbourg et le tint comme bloqué
dans cette ville, où bientôt son armée souffrit extrêmement de la disette. Dans
cette conjoncture, Georges II, accompagné de son second fils, le duc de
Cumberland, arriva au camp, pour être témoin de la situation déplorable de
ses troupes. Sa présence inspira une nouvelle ardeur à l'armée, et lord
Stairs résolut de se retirer vers Hanau, sur le chemin de Francfort. Mais ce mouvement
ne pouvait s'opérer sans s'exposer au plus grand danger. En effet, Noailles
avait jeté des ponts sur la rivière entre le village de Dettingen et
Aschaffenbourg, occupé ce défilé et tous les postes avantageux des environs,
et placé sur la rive gauche assez d'artillerie pour foudroyer l'ennemi dans
sa retraite. « Georges devait, dit le roi de Prusse en apprenant ces
dispositions, ou périr ou mettre bas les armes. »- La
folle impétuosité du duc de Grammont, lieutenant général et colonel des
gardes, comprit toutes les habiles combinaisons du maréchal de Noailles. A la
vue du désordre où le feu des batteries jetait les alliés, il quitta la
position inexpugnable qu'il occupait près du défilé de Dettingen, et courut
dans la plaine au-devant des ennemis. Ceux-ci, qui marchaient en ordre de
bataille, forment leurs rangs et attaquent les Français, dont les forces,
dans cette rencontre, étaient bien inférieures, et dont l'artillerie placée
sur les bords du Mein devenait inutile. Le maréchal arriva, mais trop tard,
avec un renfort ; la faute était irréparable. La bataille ne fut plus qu'une
suite de combats isolés ; l'armée française n'échappa à une déroute que par
la bravoure de la maison du roi et les prodiges de valeur de la noblesse. Le
duc de Rochechouart, qui se défendait encore malgré deux blessures qu'il
avait reçues, fut tué sur la place. Les marquis de Sabran, de Fleury, les
comtes d'Estrade et de Rostaing, perdirent la vie. Le jeune comte de
Boufflers de Remiancourt, enfant de dix ans et demi, eut la jambe cassée d'un
coup de canon ; il en souffrit l'amputation avec un courage héroïque„ et
mourut avec la même fermeté d'âme. La perte fut à peu près égale des deux
côtés ; mais les Français éprouvèrent ce désavantage de plus, d'avoir perdu
le fruit des plus belles dispositions, et d'être obligés d'abandonner le
champ de bataille (27 juin). Le
maréchal de Noailles, malgré cet échec, réussit à se maintenir en Allemagne,
et il ne repassa le Rhin qu'à l'approche du prince Charles ; et toute
l'Allemagne fut ainsi évacuée par les troupes françaises. Après
la bataille de Dettingen ; l'avis du comte de Stairs avait été de passer le
Mein et de poursuivre l'ennemi dont l'armée autrichienne aux ordres du prince
Charles n'était pas éloignée ; mais on rejeta.sa proposition. Cette armée
était une des plus belles et des plus fortes que la maison d'Autriche eût
entretenues depuis longtemps en Allemagne. Elle arriva sur les bords du Rhin,
et campa du côté de. Bade, après avoir traversé la Souabe. De là le prince se
préparait à porter le ravage en Lorraine et en Alsace. II descendit jusqu'au
Vieux-Brisach, et son armée, partagée en deux corps, passa un des bras du
Rhin et occupa Me de Reignac. Au premier bruit de cette marche, le maréchal
de Coigny se mit à la tête de toutes les troupes qu'il put rassembler et
s'avança vers le Rhin, afin d'empêcher les Autrichiens de franchir le second
bras de ce fleuve ; il disposa des batteries sur ses bords et attendit
l'ennemi avec confiance. Le 30
août, à quatre heures du matin, 3.000 grenadiers autrichiens, commandés par
le comte de Harrach, passent le Rhin sur des bateaux ; ils étaient suivis
d'un grand nombre d'autres qui portaient tous les agrès nécessaires pour
construire un pont. Ce détachement débarque et marche à la redoute de
Rhinviller en poussant des cris affreux. Les soldats français reçoivent de
leurs généraux l'ordre de n'employer que l'arme blanche. Au premier cri des
ennemis, le comte de Bérenger, les marquis de Balincourt et de Caraman,
s'élançant à la tête des dragons à pied, enveloppent les grenadiers, les
chargent la baïonnette au bout du fusil, les culbutent les uns sur les autres
et en font un horrible carnage. Aussitôt les Autrichiens de reculer, de fuir
vers leurs bateaux, et les Français de les pousser dans le Rhin et de faire
feu sur ceux qui se rembarquent. Ils y périssent tous, et le comte de Harrach
va mourir à Bâle de ses blessures. C'est dans cette attaque sanglante qu'un
grenadier de Champagne, qui avait quitté le combat avant les autres, fut
rencontré par un officier général qui lui en demanda la raison : « Ma
foi, mon général, répond le soldat, j'ai fait ma tâche, voilà le septième
grenadier que j'ai tué ; je suis las ; que mes camarades en fassent autant ;
on n'a plus besoin de moi. » Le
mauvais succès de cette expédition dégoûta, pour cette fois, le prince
Charles de passer le Rhin. Il se retira dans le Brisgaw, où il laissa une
partie de son armée, et dispersa le reste dans la Bavière, la Bohême et la
haute Autriche. Marie-Thérèse,
qui avait célébré le combat de Dettingen comme une victoire éclatante, et en
attendait les plus heureux résultats, n'apprit pas sans quelque chagrin
l'échec des grenadiers autrichiens ; mais elle eut bientôt la satisfaction de
recouvrer la seule ville de Bohême que ses ennemis occupassent encore. Toutes
les autres avaient été reprises. Celle d'Egra, bloquée depuis trois mois,
était réduite à la dernière extrémité. Après avoir souffert, avec une
constance sans exemple, des maux plus grands que ceux-mêmes que les soldats
du maréchal de Belle-Isle avaient éprouvés à Prague, la garnison française
fut obligée de se rendre prisonnière de guerre (7 septembre). En
Italie, les opérations militaires avaient commencé avec l'année. Le comte de
Gages, que distinguait son caractère entreprenant ; avait remplacé le comte
de Montemar. Il avait tenté de reprendre l'offensive, s'était avancé jusqu'au
Tanaro et avait livré bataille, près de Campo-Santo, à l'armée que commandait
le comte de Traun. Au commencement de l'action, les Espagnols avaient obtenu
quelque avantage sur la cavalerie autrichienne ; mais à la fin ils avaient
été repoussés avec perte. Les deux partis s'attribuèrent la victoire. Le
comte de Gages, qui s'était ensuite retiré à Bologne, fut bientôt forcé par
Traun, qui avait reçu des renforts, de quitter cette ville et de se réfugier
à Rimini avec son armée réduite presque à 12.000 hommes. Le reste de la campagne ne répondit pas à ces premiers succès. Marie-Thérèse, n'appréciant pas assez l'alliance du roi de Sardaigne, ne paraissait pas disposée à remplir ses promesses. De son côté Charles-Emmanuel exigeait plus qu'il n'avait demandé d'abord. Tout l'été s'écoula en négociations infructueuses. Enfin les menaces du roi de Sardaigne, indigné de tant de délais, et les instances de l'Angleterre arrachèrent à la reine de Hongrie son consentement, et un traité fut conclu à Worms entre l'Autriche, Georges Il, Charles-Emmanuel et l'électeur de Saxe pour la défense de la pragmatique et de l'équilibre européen. Le but secret de cette alliance était d'enlever la couronne impériale à Charles VII, de reprendre la Silésie, de conquérir l'Alsace et la Lorraine, et de fermer l'Italie aux Espagnols. Marie-Thérèse abandonnait au roi de Sardaigne la ville et une partie du duché de Plaisance, le Vigévanesque, le duché de Pavie et le comté d'Anghiera. Georges II s'engageait à tenir dans la Méditerranée une flotte toujours prête à servir la cause commune et à payer au roi de Sardaigne, durant la guerre, un subside annuel de 280.000 livres (13 septembre). A la conclusion du traité, le prince de Lobeowitz, successeur du feld-maréchal Traun dans le commandement de l'armée d'Italie, marcha contre les Espagnols, les chassa de Rimini et les obligea de se retirer derrière Foglia. La saison avancée mit fin aux hostilités, et les deux armées retournèrent dans leurs quartiers d'hiver. |