Troisième partie
LE DERNIER coup était porté, et César travailla à ce but pacifique avec autant d’activité
que d’adresse. D’abord il fit de sa conquête une seconde province, distincte
de On a dit que César avait conquis César attachait d’autant plus de prix à l’affection de la
nouvelle province, que les sentiments de l’ancienne lui étaient fort
suspects. On sait avec quelle rapidité César [49 av. J.-C.] se
rendit maître de Rome : Pompée, le sénat, tous ses ennemis s’enfuirent sans
oser l’attendre et se dispersèrent en Espagne’, en Grèce, en Afrique. La
présence des bandes transalpines sous ses enseignes contribuait fortement à
cette terreur que sa marche répandit par toute l’Italie. Ce n’était pas sans
indignation ni colère que les Romains, même partisans de sa cause, voyaient
des cavaliers trévires dévaster les campagnes du Tibre et du Nar [Lucien,
Pharsale, I], et les aigles romaines humiliées, fugitives
devant des légionnaires enfants de l’Aquitaine ou de César n’avait point promis aux Transalpins le pillage de Rome, mais il avait doublé la solde de son armée et il manquait d’argent : le fruit de dix ans de rapines avait été consommé en partie dans des largesses corruptrices et de honteux marchés, le reste avait fourni à l’équipement des auxiliaires. Dans son embarras il jeta les yeux sur les deniers publics. Le lecteur n’a point oublié ce trésor fondé jadis par Camillus, et réservé exclusivement aux frais des guerres gauloises [V. part. I, c. 3]. Depuis tant de siècles l’inviolabilité religieuse qui le couvrit à son origine, n’avait pas reçu une seule atteinte ; Rome ; au milieu des plus extrêmes besoins, quand Pyrrhus et Annibal étaient sous ses murs, quand la guerre sociale l’épuisait, n’avait point osé y porter la main ; les factions mêmes, dans les nécessités de la défense ou le délire du triomphe, l’avaient respecté ; il était resté sacré pour Marius et Sylla, il ne le fut pas pour César. A peine arrivé dans Rome, le proconsul monta au Capitole, suivi d’une troupe de soldats, entra dans le temple de Saturne dont le trésor public faisait partie, et, trouvant la porte fermée, ordonna qu’on la rompît à coups de hache. En ce moment, accourut indigné le tribun du peuple L.
Metellus, il venait s’opposer à la profanation ; il se précipita au-devant
des coups, menaçant César, et le conjurant de ne point attirer sur la
république la peine de son sacrilège. La république
n’a rien à craindre, lui répondit ironiquement le proconsul ; je l’ai déliée de ses serments, en soumettant Cependant, César se unit en route pour l’Espagne, où les
Pompéiens avaient réuni de grandes forces. Entré dans Ces protestations pacifiques étaient peu sincères et ne
trompèrent point César ; car il savait que Pompée, en quittant Rome, avait
fait partir en avant, comme ses émissaires, de jeunes nobles massaliotes,
pour exhorter leurs compatriotes à ne pas oublier sa constante amitié ; il
savait aussi que l’assemblée des Six-Cents avait appelé dans la ville de
nombreuses recrues de montagnards albikes, ramassé du blé des pays voisins, établi
des fabriques d’armes, réparé les murs, les portes et les navires [César,
B. C., 1, 34]. En effet, pendant les conférences du proconsul
avec les magistrats massaliotes, un des lieutenants de Pompée, Domitius, que
le sénat avait, quelques mois auparavant, nommé gouverneur de Pendant ces préparatifs de César, Massalie poussait les siens avec non moins de vigueur ; elle tira encore, des montagnes des Albikes, de nouvelles bandes qui furent introduites par mer dans ses murs ; et des émissaires parcourant, l’or à la main, les territoires des Allobroges et des Volkes, excitèrent ces peuples à la guerre. Dix-sept galères, dont onze pontées, composèrent l’escadre massaliote ; on y joignit nombre de bâtiments légers montés par des archers ou par les montagnards stipendiaires ; Domitius se réserva quelques vaisseaux qu’il chargea des pâtres et des esclaves qu’il avait amenés avec lui ; et les forces navales sortirent du port. Brutus avait pris position devant l’île située vis-à-vis ; il appareilla en vue de l’ennemi, et l’action fut bientôt engagée [César, B. C., 1, 56-57]. La flotte romaine était fort inférieure à celle de Massalie, par le nombre des navires ; mais César y avait placé l’élite des légionnaires et des centurions qui d’eux-mêmes s’étaient offerts à ce service, et chaque vaisseau contenait une abondante provision de grappins, de harpons en fer, de javelots et de traits de toute espèce. On combattit de part et d’autre avec courage et acharnement. Les Albikes ne le cédaient nullement aux légionnaires romains pour la bravoure. Ces durs et sauvages montagnards, vieillis dans la guerre, avaient l’esprit exalté par les promesses brillantes des Massaliotes ; et les esclaves de Domitius, gens féroces, animés par l’espérance de la liberté, tâchaient de la mériter en combattant sous les veux de leur maître. Les Massaliotes eux-mêmes, marins habiles, savaient, par l’art de leurs pilotes et la légèreté de leurs vaisseaux, éviter le choc des galères romaines, et braver les tentatives d’abordage ; s’étendant par leurs ailes, autant que possible, ils enveloppaient l’ennemi, se réunissaient plusieurs bâtiments contre un seul, ou essayaient, en le rasant bord à bord, de briser les rangs de ses rames : étaient-ils contraints d’en venir à l’abordage, la force et la valeur des Albikes remplaçaient la science et les habiles évolutions des pilotes grecs. Moins exercés à manier la rame et le gouvernail, sous ce rapport les Romains avaient le dessous ; leurs hommes connaissaient à peine les termes de la manoeuvre, et leurs bâtiments, construits avec des bois verts, gênaient par leur poids et la lenteur de leurs mouvements ; mais dès qu’on pouvait en venir aux mains, la tactique romaine retrouvait ses avantages. Un de leurs vaisseaux ne craignait pas d’avoir affaire à deux vaisseaux ennemis à la fois, et de les combattre bord à bord. Après les avoir saisis et fixés avec des grappins, les légionnaires s’élançaient sur le pont, tuaient les Albikes et les pâtres, et coulaient bas les navires. Plusieurs furent enlevés avec leurs équipages, le reste fut repoussé dans le port ; les Massaliotes perdirent en tout neuf galères[8]. Animé par ce succès de la flotte, Trebonius, résolut d’attaquer
par le continent avec terrasses, tours et mantelets, sur deux points : le
premier, vers le port et l’arsenal ; le second, à l’ouest vers le lieu où les
routes d’Espagne et des Gaules aboutissaient à Mais, depuis longtemps, la ville était pourvue d’une si grande quantité de munitions et de machines de guerre si puissantes, qu’aucun ouvrage en osier ne put leur résister et protéger les approches. Des solives de douze pieds de longueur, et armées de pointes de fer, lancées par des balistes de la plus forte dimension, traversaient quatre rangs de claies et allaient encore s’enfoncer en terre [César, B. C., 2, 2]. Les Romains furent donc obligés de construire une galerie couverte avec des poutres d’un pied d’épaisseur, et fixées l’une à côté de l’autre : c’est par là que se fit de main en main le transport des matériaux. Cependant l’étendue des ouvrages, la hauteur du mur et des tours, la quantité des machines mises en oeuvre par les assiégés, retardaient singulièrement les travaux. Souvent aussi les Albikes faisaient des sorties pour incendier les terrasses et les tours en construction ; mais les assiégeants les rejetaient dans la ville, après leur avoir fait éprouver de grandes pertes. Massalie était pour Pompée une possession tellement importante, qu’il s’empressa d’y envoyer dix-sept grands vaisseaux de sa flotte, sous la conduite de L. Nasidius, un de ses lieutenants : l’escadre vint mouiller au port de Tauroentum, Brutus, pour l’observer, accourut dans les eaux des Stéchades. Depuis le dernier combat naval, les Massaliotes avaient travaillé au rétablissement de leur marine ; ils avaient retiré de leurs arsenaux le même nombre de vieilles galères, les avaient remises en état, armées et équipées avec grand soin, car ils ne manquaient ni de rameurs ni de pilotes ; ils y avaient ajouté des barques de pêcheurs, doublées et garnies de claies à l’épreuve des traits, et les ‘avaient remplies d’archers et de machines de guerre. C’était un dernier effort qu’ils tentaient ; toute la jeunesse, tous les hommes d’un âge mur s’armèrent et s’embarquèrent : il ne resta dans la ville que les vieillards infirmes et les femmes. L’escadre massaliote mit à la voile par un vent favorable et lit sa jonction avec Nasidius dans le port de Tauroentum sans que la flotte de César pût y apporter obstacle. Alors de côté et d’autre on se prépara à combattre ; les Massaliotes les premiers prirent le large et se formèrent en ligne : l’escadre de Massalie tenait l’aile droite, celle de Nasidius l’aile gauche [César, B. C., 2, 4]. Le jour commençait à se lever, dit un poète presque toujours exact comme un historien, mais surtout dans la description qui suit : le soleil naissant projetait sur la vaste mer ses rayons brisés par les ondes ; le ciel était sans nuage ; les vents en silence laissaient régner dans l’air le calme et la sérénité, et l’océan semblait aplanir ses flots pour offrir à la guerre un théâtre immobile. Alors chaque navire quitte sa place, et d’un mouvement égal s’avancent ; d’un côté, ceux de Massalie, de l’autre ceux de Rome. D’abord la rame les ébranle, et bientôt, à coups redoublés, elle les soulève et les fait mouvoir[9]. La flotte des Romains se range en forme de croissant ; aux extrémités se placent les puissantes trirèmes, et les galères surmontées de quatre ou de cinq bancs de rameurs ; les plus faibles garnissent le centre. Au milieu de la flotte et au-dessus d’elle s’élève, comme une tour, la poupe du vaisseau prétorien ; six rangs de rameurs lui font tracer un large et profond sillon, et ses longues rames s’étendent au loin sur la mer. Dès que les flottes ne sont plus séparées que par l’espace qu’un vaisseau peut parcourir d’un seul coup d’aviron, mille voix remplissent les airs, et l’on n’entend plus, à travers ces clameurs, ni le bruit des raines, ni le son des trompettes. La mer tout à coup blanchit d’écume ; on voit les rameurs balayer les flots et, renversés sur leurs bancs, se frapper le sein du levier qu’ils ramènent. Les proues se heurtent à grand bruit ; les vaisseaux se repoussent l’un l’autre ; mille traits lancés se croisent dans l’air, bientôt la mer en est semée. Déjà les deux flottes se déploient, et les vaisseaux divisés se donnent un champ libre pour le combat. Alors, comme dans l’océan, si le flux et le vent sont opposés, la mer avance et le flot recule ; de même les vaisseaux ennemis sillonnent l’onde en sens contraire ; la masse d’eau que l’an chasse est à l’instant repoussée par l’autre, et balancée entre deux rames ; elle y demeure comme en suspens. Mais les vaisseaux de Massalie étaient plus propres à l’attaque, plus légers à la fuite, plus faciles à ramener par de rapides évolutions, plus dociles à la main du pilote ; ceux des Romains au contraire, par leur pesanteur et leur stabilité, avaient pour eux l’avantage d’un combat de pied ferme, et tel que sur la terre on peut le donner. Brutus dit donc à son pilote : — Pourquoi laisser les deux flottes se disperser ainsi sur les eaux ? Est-ce d’adresse que tu veux combattre ? a ramasse nos forces, et que nos vaisseaux présentent le flanc à la proue ennemie. — Le pilote obéit, et le combat change. Dès lors chaque vaisseau qui, de sa proue, heurte le flanc des vaisseaux de Brutus, y reste attaché, vaincu par le choc, et retenu captif par le fer qu’il enfonce. D’autres sont arrêtés par des griffes d’airain ou liés par de longues chaînes ; les rames se tiennent enlacées, et les deux flottes, couvrant la mer, forment un champ de bataille immobile. Ce n’est plus le javelot, ce n’est plus la flèche qu’on lance ; on se joint, on croise les armes, on se bat l’épée à la main[10]. Dans ce conflit, Brutus courut un grand danger. Deux trirèmes massaliotes, ayant remarqué la galère prétorienne, facile à reconnaître à son pavillon, se lancèrent sur elle des deux bords ; mais le pilote de Brutus prévit le coup, et échappa si légèrement et si à propose que les deux navires assaillants se heurtèrent avec violence : l’un brisa son éperon, et fut fracassé ; alors les vaisseaux ennemis, arrivant à force de rames, les attaquèrent, et sur-le-champ les coulèrent bas. Les vaisseaux de Nasidius ne rendirent aucun service, et se retirèrent bientôt du combat : les hommes qui les montaient n’avaient point leur patrie sous les yeux ; et le salut de leur famille ne les forçait pas à affronter la mort ; ils ne perdirent aucun bâtiment. Des galères massaliotes, cinq furent coulées à fond, quatre furent prises ; une se retira avec la flotte de Nasidius, qui sur-le-champ fit voile pour l’Espagne citérieure. Les Massaliotes envoyèrent devant une des galères qui leur restaient, pour porter à leurs frères la désastreuse nouvelle [César, B. C., 2, 5-6]. Du camp de Trebonius, situé sur une des hauteurs qui avoisinaient Massalie au couchant, l’œil plongeait au loin dans l’enceinte de cette ville immense, sur ses rues, sur ses places, sous les portiques de ses édifices [César, B. C., 2, 5]. C’est de là que, durant la bataille, l’armée romaine observait les mouvements divers de cette population inquiète ; les filles et les femmes se pressant vers les temples ; baignant de pleurs les statues des dieux ; les vieillards sur les places, tantôt mornes et silencieux, tantôt exaltés par l’enthousiasme et la confiance ; les soldats postés de garde sur les murailles, laissant parfois échapper leurs armes pour lever au ciel des bras suppliants [Ibid.] ; puis, aussitôt que la trirème messagère de malheur fut aperçue du port, les Romains virent toute la foule y courir hors d’haleine, et alors éclater les signes de la plus touchante affliction. C’était, dit l’historien de cette guerre [César, B. C., 2, 7], un deuil aussi profond, c’était une désolation aussi violente que si la ville eût été prise d’assaut et mise au pillage. Cependant les Massaliotes persistèrent dans leur héroïque défense, et continuèrent à gêner du côté de la terre les travaux des assiégeants. Les Romains, de leur côté, ne montraient pas moins d’opiniâtreté et de bravoure. Trebonius construisit avec un travail immense des machines de toute espèce, livra des assauts, repoussa des sorties, et enfin, après plusieurs mois, vint à bout de faire brèche à la muraille. Une partie d’une tour, sapée par, le pied, tomba, l’autre menaçait ruine ; et les Romains, en achevant de la renverser, se voyaient maîtres de la ville. Dans ce pressant danger, les assiégés eurent recours à la commisération du vainqueur. Ils sortent en foule par la porte voisine, désarmés, vêtus en suppliants, les bras tendus vers l’armée ennemie. A ce spectacle nouveau l’attaque cesse ; les soldats, quittant les machines, accourent de toutes parts pour voir et savoir ce que cela signifiait ; les généraux arrivent bientôt. Alors les Massaliotes se jettent à leurs genoux ; ils les supplient d’attendre l’arrivée de César. Ils considèrent leur ville comme prise, disent-ils, puisque les ouvrages des assiégeants sont achevés et la tour ébranlée dans ses fondements ; ils renoncent donc â toute défense, et le délai qu’ils implorent ne peut avoir aucun inconvénient, César, alors comme maintenant, étant toujours maître de leur sort. Ils représentent que, si leurs murs s’écroulent par le choc des machines, si la brèche s’élargit sous le bélier, c’en est fait d’eux et de leur patrie ; la prudence des chefs sera impuissante pour contenir l’ivresse du soldat : Massalie sera saccagée et effacée du monde. Ces plaintes exprimées par les orateurs massaliotes avec une irrésistible éloquence, an milieu des sanglots et des larmes d’un peuple entier, émurent de, pitié les chefs romains [César, B. C., 2, 12]. Trebonius ordonna de cesser l’attaque, laissant seulement une garde aux ouvrages : la compassion fit une espèce de trêve. En attendant l’arrivée de César, des deux côtés on cessa de lancer des projectiles, et, regardant le siège comme une affaire terminée, les assiégeants négligèrent tous les moyens de surveillance et de précaution. César d’ailleurs avait expressément recommandé par lettres à Trebonius, de ne pas souffrir que la ville fût prise d’assaut, de peur que, le soldat irrité de cette longue résistance, n’accomplît ses menaces, car il avait juré de la mettre à feu et à sang et de massacrer tout ce qui était en âge de porter les armes. Un tel événement eût terni la gloire du proconsul, qui professait tant d’amour pour les lettres et montrait tant de prétentions à la clémence : puis, une si vieille alliée de Rome méritait bien quelques ménagements. Quoique César portât dans le fond du cœur aux Massaliotes une haine profonde, ses ordres étaient donc sincères ; mais les légions murmuraient ; elles reprochaient amèrement à Trebonius de les frustrer d’une conquête assurée, et de leur ravir le fruit de tant de fatigues [Ibid., 13]. Mais au milieu de la sécurité de cette trêve arriva un événement qui ne fut jamais bien éclairci, et dont les deux partis s’attribuèrent réciproquement tout l’odieux. Soit que les soldats romains eussent les premiers tenté une attaque de nuit [Don Cassius, XLI], soit que l’initiative fût prise par les Massaliotes [César, B. C., 2, 14], ceux-ci sortirent de leurs murailles et mirent le feu aux ouvrages des assiégeants : favorisé par un vent violent, l’incendie enveloppa avec rapidité la terrasse, les mantelets, la tortue, la tour et les batteries ; en un instant tout fut réduit en cendres. Ce succès causa aux assiégés plus de joie que d’utilité réelle. Le soldat romain, animé par la colère, travailla à la reconstruction des ouvrages avec une telle ardeur, qu’en peu de jours tout fut rétabli comme auparavant [Ibid., 14-16]. Cependant la ville était dépeuplée par la famine et par des maladies pestilentielles, fruit du blocus et de la mauvaise nourriture, car, depuis longtemps, on n’y faisait plus usage que de vieux millet et d’orge gâtée, déposés autrefois dans les magasins pour les circonstances urgentes [Ibid., 22]. Sur ces entrefaites, César était de retour à Narbonne, vainqueur de l’Espagne, qu’il avait soumise en quarante jours, et ne tarda pas à paraître sous les murs de Massalie. La ville se remit à son entière discrétion. César lui épargna les horreurs du pillage ; il laissa subsister ses murailles et ses édifices ; il respecta sa liberté et ses lois ; mais il la désarma ; il se fit livrer tous ses vaisseaux et tout l’argent de son trésor ; il la contraignit à recevoir dans ses forts une garnison de deux légions[11]. La catastrophe de Massalie affligea vivement le parti pompéien : pour consoler dans son infortune cette fidèle amie, et lui envoyer encore au-delà des mers une dernière marque d’affection, Pompée et le sénat qui siégeait près de lui, octroyèrent à sa métropole, l’antique Phocée, le titre et les droits de cité libre. Le dictateur (César venait d’être
investi de l’autorité dictatoriale par un décret du peuple) n’avait
puni que Massalie ; ses châtiments portèrent, ensuite sur les villes et les
peuples de Les Gaulois suivirent en foule César dans ses campagnes de
Grèce et d’Afrique ; il les appliquait à tous les services militaires
indifféremment ; les faisant tantôt cavaliers, tantôt fantassins, tantôt
rameurs [Hirtius, B. Afriq., 20-34 et passim.]. L’historien de
la guerre d’Afrique raconte ce trait comme incroyable et vrai, que trente
cavaliers gaulois dépostèrent deux mille chevaux numides, et les chassèrent
jusque sous les murs d’Adrumète [Ibid., 6]. Dans un combat de la
même campagne, les cavaliers gaulois de Labienus (car les Pompéiens avaient aussi leurs Gaulois,
enrôlés pour la plupart dans Triomphant de tous ses ennemis, César versa à pleines mains les bienfaits sur les Transalpins qui l’avaient si bien secondé. La légion de l’Alouette fut décorée en masse du droit de cité romaine [Suétone, César] ; et les braves de Pharsale et d’Alexandrie affermirent, sur le champ de bataille des comices, la dictature perpétuelle qu’ils venaient d’enlever à la pointe du sabre. Cet acte de reconnaissance du dictateur fut très mal accueilli dans Rome, et les nouveaux citoyens se virent exposés plus d’une fois à des injures publiques, aux plus brutales avanies : Cicéron (après la mort de César, est vrai) se laissa emporter jusqu’à les qualifier, en plein sénat, d’égout de la république, qui servait de réceptacle à tous les crimes [Philpp., 13]. Quoiqu’il en fût, ils remplirent leurs missions de tout genre avec tant de zèle, ils se montrèrent en tout si utiles et si dévoués au pouvoir, qu’Antoine, qui convoitait l’héritage de la dictature, proposa pour eux, dans la suite, une seconde récompense nationale [Cicéron, ibid.]. La vanité du conquérant l’emporta néanmoins sur ce
penchant intéressé qu’il montrait envers En effet cette intrusion des Transalpins dans l’assemblée aristocratique blessait profondément les Pompéiens, les partisans de la vieille constitution romaine, ceux, en un mot, qui tenaient, comme on disait, à la majesté du nom romain. A les entendre tout était perdu, les arts comme la domination de Rome, la parole comme la liberté. Parce que, aux conseils de leurs vainqueurs, quelques citoyens d’un peuple injustement attaqué et plus injustement conquis plaidaient la cause de leurs frères avec un accent peut- être un peu rude, on s’écriait qu’il y avait tumulte gaulois dans l’éloquence ; et Cicéron laissait échapper ces plaintes douloureuses : Adieu l’urbanité ! Adieu la fine et élégante plaisanterie ! la braie transalpine a envahi nos tribunes[19]. Le système de modération appliqué par J. César [41 av.
J.-C.] à la province chevelue avait produit en peu d’années des fruits
précoces et abondants. Voyez, disait le consul
Marc-Antoine dans le panégyrique du dictateur ; voyez
cette Gaule, qui naguère nous envoya les Ambrons et les Cimbres, cultivée
aujourd’hui comme l’Italie. Des communications nombreuses et sûres sont
ouvertes d’une de ses extrémités à l’autre : la navigation est libre et
animée, non pas seulement sur le Rhône et Ce fut alors que les innombrables difficultés se manifestèrent,
et la république romaine s’aperçut que les cités chevelues n’étaient
nullement résignées à la dépendance. Le consul M. Agrippa, chargé de cette
organisation, ne fut occupé, pendant tout le temps de sa mission, que de
répressions violentes et de guerres, du nord au midi. Il porta ses armes dans
l’Aquitaine soulevée toute entière[20] ; rappelé
bientôt vers le Rhin, il courut le défendre contre les bandes germaniques que
les sollicitations des Gaulois, leurs propres querelles et le pillage
amenaient sur l’autre rive. Les Ubes avaient déjà traversé, Agrippa leur
permit de rester et de s’établir le long du fleuve, partie sur le territoire
des Trévires, partie sur celui des Ménapes[21]. Il concéda aux
Tungres, autre tribu germanique, ces terres rendues désertes par l’anéantissement
des Éburons [Procope, rer. Goth, I], ces ruines
ensanglantées, tombeau de tout un peuple. Agrippa fut le fondateur du système
continué et développé après lui, qui consistait à peupler la frontière
gauloise de Germains chassés par les bouleversements de leur pays, ou faits
prisonniers dans les guerres. Rome créait ainsi sur le point le plus
vulnérable de sa province une population belliqueuse, ennemie des autres
Germains, non moins ennemie de la race gauloise, avec laquelle elle ne se
confondait point, et dévouée au gouvernement de qui elle tenait ses foyers.
Agrippa retourna à Rome sans avoir rien fondé pour l’organisation provinciale
de Maître unique de la république romaine, sous le nom d’Auguste,
Octave César voulut organiser définitivement Il s’occupa d’abord de L’empereur n’oublia pas non plus de châtier, indirectement toutefois, Massalie, cette ville étrangère qui avait eu l’imprudence de prendre sans nécessité un parti dans les discordes de Rome, et surtout d’y demeurer fidèle ; il excita sous main ses colonies à l’abandonner. Antipolis, le plus populeux et le plus florissant des établissements massaliotes en Gaule, déclara tout à coup appartenir au peuple romain, comme faisant partie de l’Italie ; prétexte ridicule et grossièrement faux, puisque Antipolis était située sur la rive droite du Var, commune frontière des deux pays. Néanmoins, le sénat romain l’accueillit sérieusement et le reconnut valable après délibération solennelle [Strabon, 4] : Antipolis, à droite du Var, fut donc dès lors ville italienne et colonie latine, tandis que Nicæa, située à gauche et véritablement en Italie, continua de rester ville grecque et colonie massaliote [Strabon, 4 ; Pline, III, 4-5]. Agathê se sépara pareillement de sa métropole ; eue demanda et obtint le titre de ville romaine [Pline, III, 4]. Ce ne fut pas tout : la colonie maritime de Forum Julii, destinée par le dictateur à précipiter la ruine de la puissance massaliote, reçut de son fils d’immenses développements ; Auguste en fit un des grands arsenaux de l’empire [Strabon, 4 ; Pline, III, 4], ce qui exemptait les habitants de tout subside et de tout service autre que le service de mer. Tout en s’occupant de ces réformes dans Le premier soin du législateur devait être d’imprimer à
ces petits États, à ces confédérations, à ces races diverses et isolées, une
forte unité politique qui rompit les habitudes et l’esprit de l’ancien ordre
social ; puis de faire disparaître promptement tout ce qui pouvait perpétuer
les traditions nationales, surtout les souvenirs héroïques de la dernière
guerre : la division territoriale adoptée par Auguste, toute arbitraire,
toute bizarre qu’elle paraisse à la première vue, fut dans le fond
merveilleusement combinée pour ce résultat. La juxtaposition successive des
races sur le sol de Lugdunum était de fondation romaine très récente ; il ne
datait pas seulement de la conquête de Quoique des villes grandes et illustres existassent dans
la section centrale de Restait à déraciner ces idées invétérées de prééminence
que l’ordre politique gaulois attachait à certains peuples, à certaines
villes ; restait surtout à effacer les souvenirs glorieux, empreints à
quelques localités et à quelques noms, par la guerre de l’indépendance ; en
un mot restait l’oeuvre importante de dépayser, pour ainsi dire, toutes les
traditions. Auguste y travailla non sans succès. On a vu César, immédiatement
après la conquête, accorder à plusieurs lieux la faveur de porter son nom ; il
avait créé des villes juliennes par un motif tout personnel, dans le but d’acquérir
une clientèle nombreuse et des soldats dévoués : son successeur, en créant
des villes soit augustales, soit césariennes, fut mu par une
pensée plus haute et purement politique. Cette mesure, assez indifférente en
apparence, contenait pourtant tout un système d’attaque et de réaction contre
le passé. Auguste choisit, pour les dépouiller de leurs vieux noms, celles
des villes qui se recommandaient le plus aux respects de Auguste appliqua ensuite à L’organisation militaire du pays appelait aussi son attention. Il établit d’abord sur la rive gauche du Rhin deux camps de quatre légions chacun, destinés à réprimer à la fois les mouvements de la population gauloise et les incursions germaniques [Tacite, Ann., 4, 5]. Donnant en outre une nouvelle extension au système déjà mis en oeuvre par Agrippa, il recommanda de transplanter en Gaule, le long du fleuve, soit de gré, soit de force, le plus de Germains- qu’il se pourrait. On verra plus tard avec quelle rigueur ses ordres furent exécutés[49]. Quant à la population indigène, elle fut presque totalement désarmée dans les provinces du centre et du midi[50]. D’après les moeurs de l’ancienne société, tout Gaulois était soldat, tout Gaulois avait ses armes : Auguste restreignit cette capacité à une milice peu nombreuse qui se bornait à la police des villes et des campagnes. Les cités riches et populeuses furent obligées, il est vrai, d’entretenir chacune soit des cohortes d’infanterie, soit une division de cavalerie équipées et exercées à la romaine[51], mais ces troupes régulières dépendirent uniquement des généraux et des gouverneurs romains ; les cités n’eurent aucun droit sur elles : elles formèrent des corps auxiliaires toujours prêts à marcher contre les troubles du dedans ou du dehors à la première réquisition des lieutenants de l’empereur. On sent combien aisément le séjour des mêmes camps, l’habitude d’une commune discipline, devaient les rapprocher des Romains, et les rendre enfin étrangères à leur patrie. Ces mesures assuraient aux Romains la possession du territoire,
il fallait encore celle des esprits : des améliorations successives la
préparèrent avec sagesse. Une école fut fondée dans Augustodinum pour l’enseignement
de la langue latine, de la législation et des sciences des Romains [Tacite,
Ann., 3, 43]. Massalie seconda par son influence forte et
salutaire le développement de l’instruction [Strabon, 4]. Tolose,
Arélate, Vienne[52],
toutes les villes considérables de Venait enfin la question de l’ordre civil, et de l’ordre religieux, fondement du premier chez les Gaulois : là se trouvait pour le réformateur le grand travail et le grand péril. Le druidisme, par sa nature même, comme religion sacerdotale, comme doctrine scientifique, régulatrice des lois civiles et morales, comme magistrature divine et humaine, était incompatible avec toute civilisation étrangère, quelle qu’elle fût. Les révolutions intestines l’avaient dépouillé, il est vrai, de l’autocratie politique, mais il conservait l’empire absolu des moeurs et de la science. Auguste sentait toute l’étendue de sa puissance, et n’osa pas l’attaquer de front ; il se contenta d’interdire aux Gaulois, citoyens romains, l’observance de ce culte, le déclarant contraire aux croyances romaines[54] : interdiction légitime, car l’empereur, dispensateur suprême du droit de cité, pouvait mettre à cette faveur toute condition qui lui semblait juste ; il n’y avait point là violente ni persécution contre la foi transalpine. Il abolit aussi, comme barbare, la célébration complète des sacrifices humains, permettant seulement aux prêtres de faire une légère blessure aux fanatiques qui persisteraient à se dévouer, et de répandre sur l’autel ou le bûcher quelques gouttes de leur sang[55]. Mais en même temps que le système romain respectait en apparence les institutions druidiques, il travaillait en secret à les ruiner. Pour cela il fit alliance avec une doctrine ennemie du druidisme, coexistant près de lui sur le sol gaulois, et partageant avec lui le domaine des consciences gauloises : le lecteur devine que nous voulons parler du polythéisme gallique. Autant l’incompatibilité du druidisme avec le système
général des croyances romaines était profonde et insurmontable, autant il
existait de rapprochements possibles entre ce système et celui du polythéisme
gaulois, développement aussi d’une religion de la nature extérieure. Cette
presque complète identité, nous l’avons dit plus haut, n’avait pas
médiocrement frappé les Romains, lors de leur arrivée chez les nations du
midi et de l’est. César avait témoigné une vive surprise de retrouver sur les
rives de La haute classe de la société gauloise s’empressa d’abjurer
le druidisme ; au contraire, la religion officielle qui promettait la faveur
des conquérants sans violenter la conscience, vit se presser à ses autels
tous les hommes qui avaient de l’ambition, ou qui commençaient à goûter les
études de Mais ce mouvement qui entraînait les hautes classes de la
société gauloise hors du druidisme, produisit dans les rangs inférieurs une
inévitable réaction en faveur du culte attaqué. Son empire, restreint à la
masse populaire, y regagna une force qu’il avait perdue depuis des siècles ;
il prit un caractère énergiquement national, en opposition à la conquête et
aux nouveautés, qu’apportaient les conquérants ; il fut le dépôt sacré des
souvenirs et des institutions proscrites, le foyer où venait se ranimer l’espérance
des patriotes et la haine contre l’étranger. Lui-même, en se retrempant dans
l’énergie du peuple, retrouva plus de fanatisme et de vie ; et il paraîtrait
même que, redevenu plus cruel et multipliant dans l’ombre les sacrifices
humains, il provoqua jusqu’à un certain point et justifia les persécutions
sanglantes dont il fut plus tard l’objet. Il n’avait joué aucun rôle
politique durant la guerre de l’indépendance où un seul druide, Divitiac, se signale,
non comme prêtre, mais comme notable citoyen et magistrat civil ; et son
caractère distinctif est le goût de la civilisation, l’enthousiasme pour les
lumières et l’ordre social de Rome. Les récits qui vont suivre nous
montreront des druides, non plus isolés, mais en corps, mais environnés de
tout l’attirail religieux, de la terreur des excommunications, de l’autorité
des prophéties : ils tenteront de ressusciter la vieille société gauloise ; c’est
par eux que se relèvera, au bout de cent ans, le vieux drapeau abattu par
César, et que Ce vaste plan d’une entière régénération de Il s’occupa alors du travail non moins important [26 à 27] d’aplanir
les communications entre Auguste rendit Lorsque les crimes de Licinius furent dénoncés à Auguste,
il ne sut que répondre : il condamnait en partie, et en partie excusait son
intendant, feignait d’ignorer certains faits, et de ne pas ajouter foi aux
autres ; honteux qu’il était d’un tel ministre, mais n’osant pas avouer
hautement ses infamies. Tout annonçait à Licinius une chute et un châtiment
prochain, lorsqu’il eut recours à un puissant moyen de justification. Il
conduisit le Prince dans le lieu secret où étaient renfermés les fruits de
ses rapines : Seigneur, lui dit-il, voilà ce que j’ai amassé pour toi et pour le peuple
romain, de peur que les Gaulois, possesseurs de tant d’or, ne s’en servissent
contre vous ; je l’ai conservé pour toi, et je te le remets [ibid.].
Auguste prit le trésor, et Licinius fut sauvé. Cette impunité accrut l’irritation
à tel point, qu’un des plus notables citoyens de Chargé de continuer le dénombrement, Drusus, beau-fils de
l’empereur, jeune homme rempli de courage et de vertus brillantes, conduisit
avec sagesse et douceur cette difficile opération ; il sut mériter l’affection
de tous, et il en profita pour ramener vers son père les sentiments de Drusus étant mort, cette même année, d’une chute de cheval, Tibère, son frère et son successeur, continua la guerre en Germanie avec non moins de bonheur. Vainqueur des Suèves et des Sicambres, il força quarante mille de leurs captifs à s’établir sur la rive gauche du Rhin[85]. On vit alors plusieurs de ces tribus suèves qui, après avoir suivi jadis Arioviste en Gaule, en avaient été expulsées par César, y rentrer de nouveau contre leur gré. tels furent les Némètes et les Vangions[86]. C’est encore à l’époque qui nous occupe qu’on doit placer l’établissement d’une peuplade germanique qui joua bientôt un grand rôle. Chassée du territoire de sa nation, par suite d’une violente guerre domestique [Tacite, l. c.], une tribu des Cattes arriva vers le cours inférieur du Rhin, et s’empara de l’île appelée par les Gaulois Batavie [t. II, c. 1] ; comprise entre les deux branches de ce fleuve. Loin d’inquiéter les Bataves, c’est le nom que reçurent et adoptèrent les nouveau venus, les Romains s’empressèrent de faire alliance et amitié étroite avec eux, né leur demandant de tribut que celui de leurs armes et de leur courage [Tacite, ub. supr.]. L’intrusion de ce peuple eut, comme on le verra plus tard, une grande influence sur les destinées ultérieures du pays. Quintilius Varus, qui remplaça Tibère en Germanie, s’étant
laissé surprendre près du Weser par Arminn[87] ou Arminius, le
héros de la liberté teutonique, trois légions romaines périrent tout entières
avec leur commandant. Cette nouvelle accabla l’empereur ; il crut voir les
Germains aux portes de Rome ; il crut voir Sur ces entrefaites, Auguste mourut léguant l’empire à Tibère. Déjà pillées sous le gouvernement précédent, les Gaules se virent livrées à des excès intolérables sous l’administration dure et insouciante du nouveau Prince. Les impôts croissant, il fallut que les particuliers et les villes empruntassent à gros intérêts ; de là les dettes accumulées, les expropriations, et une misère sans terme. Deux hommes essayèrent de tirer leur pays de ce déplorable état ; tous deux appartenaient en même temps à la vieille noblesse gauloise, et à cette autre noblesse de date récente que formaient les familles décorées du droit de cité romaine, et honorées autrefois du patronage de Jules César — c’étaient le Trévire Julius Florus et l’Éduen Julius Sacrovir. Tous deux, Sacrovir surtout, exerçaient sur la haute classe des Gaules une grande autorité. Les talents politiques du noble Éduen n’étaient pas moins estimés que sa bravoure ; il connaissait bien les Romains, et savait se montrer, tantôt souple et rusé, tantôt ferme et opiniâtre, suivant le temps. Quant à Florus, il avait la réputation d’un guerrier intrépide, possédait une clientèle nombreuse, et n’était pas sans influence sur les Belges, organisés à la romaine, et introduits comme auxiliaires dans les camps romains. Il se chargea de préparer une insurrection en Belgique, tandis que Sacrovir solliciterait les peuples du centre et de l’ouest. Sans perdre un moment ils se mirent à sonder de tous côtés les chefs et la multitude, tenant des conciliabules secrets, parcourant les assemblées publiques et particulières, et partout se répandant en plaintes amères sur l’éternité des impôts, sur les usures, sur l’arrogance et la cruauté des commandants. Ils représentaient le mécontentement de l’Italie, opprimée par un mauvais empereur ; les désordres survenus dans les légions de l’orient. — Voilà le temps ou jamais de recouvrer notre liberté, s’écriaient-ils ; autant nous avons de ressources pour la guerre, autant l’Italie est épuisée ; la population romaine a perdu toute vigueur ; ce sont les étrangers qui font la force de ses armées [Tacite, Ann., 3, 40]. Les deux Gaulois réussirent au-delà de leurs espérances, et il n’y eut presque pas de cités où ces semences de révolte ne portassent fruit [Tacite, Ann., 3, 41]. Une grande conjuration commença donc à s’organiser sous la direction de Sacrovir, qui la conduisit lentement, avec prudence, recommandant de ne rien brusquer, d’attendre que toutes les cités conjurées fussent en mesure, et que lui-même donnât le signal. Ces sages, projets furent déjoués par l’impatience de deux peuples, les Andes ou Andégaves et les Turons, qui prirent inopinément les armes [Tacite, Ann., 3, 14]. Les troupes romaines se mirent aussitôt en marche : le lieutenant Acilius Aviola, avec la cohorte en garnison à Lugdunum, entra sur le territoire andégave, et un corps de légionnaires des bords du Rhin alla combattre les Turons. L’éveil était donné, et c’en était fait de la conjuration, si les autres cités eussent entrepris de soutenir celles-ci, mais, loin de là, elles parurent les condamner et s’élever contre elles. De toutes parts arrivèrent aux généraux romains des protestations d’attachement, des accusations contre les insurgés ; c’était à qui signalerait son zèle ; on offrit même des secours pour châtier l’ingratitude des rebelles, pour étouffer cette criminelle tentative contre l’empereur et le peuple romain. Les chefs des conjurés se rendirent presque tous auprès d’Aviola ; Sacrovir amena de plus au lieutenant un corps de volontaires éduens dont il était sûr. Dans les différentes batailles qui furent livrées, Sacrovir combattait toujours au premier rang, sans casque et la tête découverte, ce qu’il faisait, disait-il, pour montrer sa valeur [Tacite, l. c.]. Mais les Romains soupçonnèrent bientôt, d’après le rapport de quelques prisonniers, que le chef éduen avait encore un autre motif, celui de se faire reconnaître des insurgés qui l’épargnaient et ne dirigeaient point leurs traits de son tâté. Le cas était grave ; Aviola en écrivit à Tibère, qui négligea l’avis [ibid.] ; et, après la soumission des Andégaves et des Turons, Sacrovir rentra paisiblement dans ses foyers. Pendant ce temps, Florus poursuivait ses projets en Belgique ; mais avec péril, car il lui fallait conspirer sous les yeux, et presque sous les épées de deux camps ennemis. Les Romains avaient levé dans la capitale des Trévires un corps de cavalerie, qu’ils disciplinaient suivant leur tactique. Florus fit tout ce qu’il put pour le gagner ; il l’excitait à commencer la guerre par le massacre des trafiquants romains établis dans la ville. Une partie de ces cavaliers se laissa entraîner, mais la plupart résistèrent. Après cette tentative malheureuse, le chef trévire réunit ses clients et ses débiteurs, et chercha à gagner avec eux la forêt des Ardennes [Tacite, Ann., 3, 42], afin de s’y retrancher et d’y former un foyer d’insurrection ; mais les légions du Haut et du Bas Rhin, arrivant par des chemins opposés, lui fermèrent passage. En même temps Julius Indus, compatriote et ennemi personnel de Florus, par-là même plus ardent à servir les Romains, se mit à la tête de la cavalerie fidèle, chargea cette multitude d’insurgés en désordre, et la dispersa facilement [ibid.]. Florus, caché dans le fond des bois, trompa quelque temps les recherches du vainqueur ; voyant enfin toutes les issues, autour de sa retraite, occupées par des soldats ; il se tua de sa propre main. L’insurrection du nord finit avec lui. Dans les cités du centre, le mouvement fut plus grave, par
la double raison de la puissance de ces peuples et de l’éloignement des
légions. Les cohortes éduennes disciplinées, troupe auxiliaire de réserve, et
seule force armée que les Romains tolérassent dans le pays, se déclarèrent pour
Sacrovir. S’étant emparées d’Augustodunum (l’ancienne Bibracte), elles y proclamèrent
l’affranchissement de Le premier acte de Sacrovir fut d’enrôler la jeune
noblesse des écoles ; il n’y gagnait pas seulement des soldats, mais des
otages qui lui répondaient de presque toutes les brandes familles de Cependant deux légions et un corps d’auxiliaires germains
ou beiges, partis des bords du Rhin, entrèrent sur le territoire Séquanais.
Silius, qui les commandait, dispersa dans un premier combat les troupes
insurgées, fit dévaster tous les villages sur sa route, et marcha à grandes
journées vers Augustodunum pour attaquer les forces de Sacrovir [Tacite,
Ann., 3, 45]. Dans l’impatience de piller ce pays le plus riche
de toute De son côté Silius ne cessait de crier aux siens qu’il serait honteux pour les vainqueurs de La cavalerie romaine enveloppa les flancs de l’armée gauloise, taudis que les légions l’attaquaient par le front. Les ailes firent peu de résistance et plièrent ; à cette vue, le centre rempli par ces paysans ; presque sans armes, se débanda, entraînant avec lui les cohortes qui tenaient encore. Les crupellaires, dont l’armure ne laissait prise ni au javelot ni à l’épée, arrêtèrent plus longtemps les légions. Pour en venir à bout, les soldats romains, s’armant de haches et de cognées, comme s’ils avaient à rompre une muraille, fendaient à la fois le corps et la cuirasse ; d’autres avec des leviers et des fourches culbutaient ces pesantes masses qui, une fois renversées, faisaient de vains efforts pour se relever. Sacrovir, entraîné dans la fuite des siens, arriva à Augustodunum, où il espérait encore se défendre ; mais trouvant le peuple et les magistrats découragés, craignant même qu’ils ne le livrassent au vainqueur [Tacite, l. c.], il se réfugia avec ses plus chers amis dans sa maison de campagne, voisine de la ville. Ils y mirent le feu ; quand la flamme commença à les gagner, Sacrovir se poignarda, et ses compagnons s’entretuèrent. Tel fut le bûcher qui consuma ces nobles et malheureux défenseurs de la liberté gauloise[89]. Il ne paraît pas que de grandes vengeances aient suivi la réduction des Édues ; Tibère, ombrageux et détesté, se souciait peu de prolonger des troubles qui réjouissaient les ennemis de sa tyrannie, et trouvaient presque des complices à Rome, au sein même du sénat [Tacite, Ann., 3, 47]. D’ailleurs de nouvelles incursions des Germains, plus vives et plus redoutables que toutes celles qui avaient eu lieu depuis Auguste vinrent absorber à propos l’attention des vainqueurs et des vaincus. Pour défendre la ligne du Rhin de concert avec les légions, les cités gauloises se dégarnirent de leurs milices ; la vie des camps établit des rapprochements favorables à une réconciliation mutuelle ; et comme l’empereur n’envoyait point de renforts à ses armées[90], les préfets romains militaires et civils se virent dans la nécessité de ménager beaucoup la population transalpine afin d’obtenir de gré les subventions en hommes et en argent que la force ne pouvait plus imposer. A Tibère succéda Caïus César, surnommé Caligula. Sous prétexte de porter la guerre au-delà du Rhin, cet indigne fils de Germanicus vint promener de ce côté des Alpes sa folie cruelle. Il resta peu de temps dans le voisinage de l’ennemi qu’il ne vit même pas ; et après une longue suite d’extravagances et de lâchetés, il se retira à Lugdunum, satisfait de sa campagne, et la jugeant digne des honneurs du triomphe. Mais ses prisonniers germains étaient en très petit nombre. Pour remédier à ce désagrément, il fit choisir en Gaule dans toutes les classes de la population, même parmi la plus haute noblesse, les hommes les plus grands, et, comme il disait, de taille triomphale [Suétone, Caligula, 47] ; il les habilla à la manière germaine, leur donna des noms germains, les força d’apprendre la langue teutonique, de faire croître et rougir leurs cheveux [ibid.] (usage anciennement gaulois, mais tombé en désuétude depuis la conquête) ; puis il les envoya à Rome, comme de véritables Germains, attendre dans les cachots son retour et la solennité de son ovation. La richesse des Gaulois, disent les historiens, avait enflammé la cupidité de Caïus ; c’était surtout pour les piller qu’il avait passé les Alpes [Dion Cassius, 60]. Il soumit les peuples et les particuliers à des taxes exorbitantes sous le nom de dons volontaires, et ceux qui murmuraient de ses violences, il confisquait leurs biens qu’il vendait ensuite lui-même à l’enchère, beaucoup au-delà de leur valeur. Provinciaux, fédérés, citoyens romains, nul n’était épargné ; il suscitait des délateurs, il imaginait des conspirations pour avoir un prétexte de tuer et de dépouiller. Un jour qu’il jouait aux dés, la chance lui étant contraire, il se leva de table, et se fit apporter les registres des taxes de la province. il désigna quelques-uns des plus imposés à la mort, et revenant vers ses compagnons : Vous autres, leur dit-il, vous jouez pour quelques misérables drachmes ; moi, d’un seul coup, je viens d’en gagner cent cinquante millions [ibid.]. Une conspiration, réelle du moins, mais étrangère à C’est à ces jeux qu’il établit le concours d’éloquence grecque et latine dont les lois sont restées si célèbres par leur bizarrerie. Les concurrents vaincus devaient payer les frais du prix et coin, poser en vers ou en prose l’éloge des vainqueurs. L’auteur d’une pièce jugée mauvaise était obligé de l’effacer avec l’éponge ou même avec sa langue, s’il n’aimait mieux être frappé de la férule ou plongé dans le Rhône [Suétone, Caligula, 20]. Cette scène burlesque se passait devant l’autel d’Auguste au confluent des deux fleuves. Tant de folies n’inspiraient pas aux Gaulois petits et grands moins de pitié que de peur. Un jour que Caligula, assis sur un haut tribunal et déguisé en Jupiter, rendait des oracles au milieu de la place [Dion Cass. 59], un homme du peuple, fendant la foule, s’approcha, et, les yeux fixés sur l’empereur, restait immobile et comme ébahi. Cet étonnement flatta Caïus, qui l’attribua sans doute à l’effet de sa majesté plus qu’humaine, et appelant le Gaulois au pied de son trône, il lui demanda avec complaisance ce qu’il lui paraissait. — Tu me parais, répondit celui-ci, une grande extravagance [ibid.]. Ce sont les propres mots de cet homme, dit l’historien qui nous a transmis l’anecdote. Comme le courageux Gantois était cordonnier [ibid.], la liberté de son propos resta impunie : Jupiter ne voulut pas faire tomber si bas sa vengeance. Claude, qui succéda à cet insensé, était son oncle, frère
de Germanicus et fils de Drusus. Né à Lugdunum, le jour même de l’inauguration
de l’autel d’Auguste[92], il donna, par
affection, une attention sérieuse aux affaires de Comme Auguste avait entremêlé les grâces et les
concessions aux mesures rigoureuses de sa réforme, Claude voulut faire
succéder en dédommagement à une persécution cruelle, la plus haute faveur que
Rome pût accorder à ses sujets : il voulut octroyer aux provinces chevelues
le droit d’entrer dans le sénat et de posséder toutes les charges publiques.
Le projet de l’empereur, qu’appuyaient les réclamations pressantes de toutes
les cités transalpines, trouva de l’opposition dans l’ancienne aristocratie
romaine, parmi les sénateurs, et au sein même du conseil du Prince. De
violentes clameurs s’élevèrent contre cette innovation, qu’on prétendit
dangereuse et impolitique. L’Italie, disaient
les opposants, n’est pas épuisée au point de ne
pouvoir fournir assez de sujets au sénat de sa capitale ; Rome y suffisait
bien jadis avec les seuls citoyens nés dans ses murs, avec les seuls peuples
de son sang ; et l’on n’a point à se repentir de son ancienne administration
: il n’est bruit que des prodiges n de gloire et de vertu qui ont signalé ses
mœurs antiques. N’est-ce point assez que les Vénètes et les Insubres aient
envahi le sénat, sans y introduire encore un ramas d’étrangers, comme dans
une ville captive ? Quelle prérogative auront donc désormais le peu de
patriciens qui restent et les sénateurs pauvres du Latium ? ces nouveaux
venus avec leurs richesses engloutiront toutes les places, eux dont l’aïeul
ou le bisaïeul a été le général de nations ennemies, a taillé en pièces des
armées romaines, a tenu le divin Jules assiégé autour d’Alésia ; que
serait-ce si l’on rappelait le souvenir de leurs anciennes barbaries, l’incendie
du Capitole, de l’autel de Rome, « et le renversement de ses murailles ? Il
faut sans doute les laisser jouir du titre de citoyens ; mais que les
décorations sénatoriales, que les honneurs de la magistrature ne soient point
ainsi prostitués ! [Tacite, Annal., XI, 23] Claude écouta ces objections, les pesa et n’en persista
pas moins dans son projet. Il prononça dans le sénat, à cette occasion, un
discours fameux dont le temps malheureusement ne nous a conservé qu’un
fragment quelquefois assez obscur[95]. Les idées cependant
nous en sont connues, et les voici telles que les a analysées et reproduites
le plus illustre des historiens romains. Clausus, le
premier de mes ancêtres, était Sabin d’origine, et le même jour il fut admis
et parmi les citoyens, et parmi les patriciens de Rome. Cet exemple
domestique me dit qu’il faut m’attacher au même plan, et transporter dans le
sénat ce que chaque pays aura produit de plus illustre : car je n’ignore
point qu’Albe lui a donné les Jules, Camérium les Coruncanius, Tuscullum les Porcius
; et sans fouiller dans ces antiquités, que l’Étrurie et Malgré l’opposition d’un grand nombre de sénateurs, le
projet du prince passa, et un sénatus-consulte fut rendu, qui conférait à |
[1] Gallia comata. La province narbonnaise portait aussi le nom de Gaule-à-braies, Gallia-braccala, parce qu’elle avait conservé, sous la domination romaine, l’ancien vêtement gaulois. La province cisalpine s’appelait au contraire Gaule togée, Gallia togata, parce qu’elle avait adopté l’habit romain. La chevelure longue était â cette époque chez les peuples de l’occident un indice de barbarie, comme aujourd’hui la barbe longue. — Lucien, Pharsale, l. I.
[2] Suétone, Vie de César, 25. — 40.000.000 de sesterces — 8.200.000 francs.
[3] Pline, l. XI, c. 37. — Marcellus Empiricus, c. 39.
[4] Optimi generis homines ex Aquitanis, montanisque qui Provinciam attingunt. César, Bell. civil., I, c. 39. — Sagittarii ex Rutenis, c. 51. — Cohortes XXII ex novis Galliæ delectibus, c. 18 - Et passim.
[5] Bell. civ. Appien. Cæsar. Hirt. passim.
[6] Lucien, Pharsale, III — Plutarque, in César. — Dion Cassius, LXII, 7.
[7] César, Bell. civil., I, c. 36. — Tite Live, epit. CX. — Velleius Paterculus, II, c. 5o. — Suétone, César, 34. — Dion Cassius, XLI, p. 192. – Florus, IV, c. 2. — Paul Orose, VI, c. 15. — Lucien, Pharsale, III, v. 300-370.
[8] César, Bell. civil., I, c. 57-58. — Dion Cassius, XLI, p. 163.
[9] Lucien, Pharsale, III, 521, sqq. — César, Bell. civil., II, c. 5-6.
[10] Lucien, Pharsale, III, 521-581. — Cf. César, Bell. civil. II, c. 5-6.
[11] César, Bell. civil., II, c. 22. — Dion Cassius, XLI, p. 165. — Strabon, IV, p. 181. — Florus, IV, c. 9. — Orose, VI, c. 13.
[12] C. Jul. Cæsar de Gallis et Allobrogibus et Arecomicis triumphavit. Inscript. 15, p. 6. Preuves de l’Hist. du Languedoc.
[13] Julia, Julia Paterna, colonia Decumanorum. Inscript. Pr. de l’Hist. du Languedoc — Le mot Paterna fut ajouté après l’adoption d’Octave par Jules César.
[14] Sextani Arelatenses, colonia Julia Paterna Arelate. Inscript. et num. ap. script. rerum Gallie. D. Bouquet, p. 135.
[15] Dom Bouquet, loc. cit. — Hist. du Languedoc, p. 91.
[16] Aujourd’hui Fréjus.
[17] Eumène, panegyr. Constantin. Flav. nom. c. 12.
[18] Cicéron, de Offic., 2 – Philipp., 8.
[19] Cicéron, Epist., IX ad M. Varron etc., 15, Papir. Pact
[20] Appien, Bell. civil., V, p. 715-725. — Dion Cass., XLVIII, p. 387.
[21] Tacite, Annal. XII, c. 27. – Strabon, IV, p. 194.
[22] Tibul., I, eleg. 8. — Appien, bell. civil., IV, p. 611.
[23] Provinciæ imperatoriæ vel Cæsaris.
[24] Dion Cassius, LIII, p. 505-506. — Tacite, Agricola, 15. - Annal., XII, c. 23 ; XV, 44. — Suétone, Claude, 12 ; Vespasien, 4.
[25] Justitiæ et clementiæ Cæsaris. Inscript. For. Voconii.
[26] Secundanorum Arausio. Mela, II, c. 5. — Pline, III, c. 4. — Col. Arausio secundanor. cohort. XXXIII. volunt. — Num. Neronis op. Golz. ; D. Bouq. p. 136, col. 2. — Arausio est aujourd’hui la ville d’Orange.
[27] Octavanorum colonia. Mela, II, c. 5. Pline, III, c. 4.
[28] Aujourd’hui Carpentras. — Oppidum latinum. Pline, III, c. 4.
[29] Aujourd’hui Valence. — Oppid. lat. Pline, loc. cit.
[30] Inscript. 5. D. Bouq. p. 139, col. 1. — Pline, III, c. 4.
[31] Inscript. D. Bouq. loc. cit. — Pline, ub. sup.
[32] Tacite, Hist., I, c. 65. — Pline, III, c. 4. — Inscript. op. D. Bouq.
[33] Saint-Paul-Trois-Châteaux, dans le Bas Dauphiné. — Pline, III, c. 4.
[34] Apt, en Provence. — Pline, ibid.
[35] Alps, près de Viviers, en Vivarais. — Pline, ibid.
[36] Strabon, IV, p. 189. — Pline, IV, c. 19. — Ptolémée, II, c. 9.
[37] Pline, IV, c. 17. — Ptolémée, II, c. 7.
[38] Strabon, IV. — Pline, IV, c. 18. — Ptolémée, II, c. 8.
[39] Dunum, Dun, dans les dialectes gantois, signifie une colline, et en composition une ville située sur une colline. L’auteur anonyme du livre des Fleuves prétend, d’après le témoignage de Clitophon, que lug veut dire corbeau, et il raconte une fable à l’appui de son étymologie. Dans aucun des dialectes actuels de la langue kimro-gallique, Lug n’a conservé cette signification.
[40] Inscript. ap. J. Gruterum, p. 439, n. 8.
[41] Tacite, Hist., I, c. 65.
[42] Ptolémée, II, c. 8. — Caput Galliarum. Tab. Peutinger. D. Bouq. p. 112, col. 1.
[43] Inserta et excepta. Senec., XIV, ep. 91. Ptolémée, II, c. 8. — Mannert. Geogr. p. 714. Gall. antiq.
[44] Strabon, IV, p. 191. — Aujourd’hui Clermont. — Nemetum, Nemer (Naomh-ait) temple, lieu consacré.
[45] Aujourd’hui Beauvais ; mag, plaine, ville bâtie dans une plaine.
[46] Augustobona, Augustomona, Troyes en Champagne.
[47] Tours. — Dunum, Dun, comme nous l’avons déjà dit, ville construite sur une hauteur.
[48] Tite-Live, Epitomé CXXXIV. — Dion Cassius, LIII, p. 512.
[49] Suétone, Auguste, Tibère.
[50] V. plus bas la révolte de Sacrovir et de Florus.
[51] Tacite, passim. — La division de cavalerie s’appelait ala, aile.
[52] Palladia Tolosa. Martial, IX, ep. 101. — Vienna, VII, ep. 87. — Script. rer. Gallic. passim.
[53] Strabon, IV, p. 180. — Dion Cassius, XLIV, p. 262.
[54] Suétone, Tib. Cl. Cæs. c. 25.
[55] Mela, III, c. 2. — Strabon, IV.
[56] César, bell. Gall., VI, c. 17. — V. ci-dessus, t. II, chap. 1.
[57] Sénèque, quæst. natur., V, c. 17.
[58] AUGUSTO. SACRUM. ET. GENIO. CIVITATIS. BIT. VIV. Grut. Inscrip., p. 227, n. 4. — Et al. passim.
[59] Marti Camulo. Grut. p. 56, n. 12. — Al. inscript. p. 40, n. 9. — Comhal et Calma (gaël.) fort, vaillant. Lluyd et Armstrong. - Dans une autre inscription, on lit Marti Bela tu cadro. Cader (Kirm.) signifie puissant, guerrier.
[60] Deana, Arduinne. V. ci-dessus, t. II, c. 1.
[61] Herodian. Maximin., c. 171. — Jul. Capital. in Maxim. — Gruter. Inscript. p. 37, n. 5, 6, 7. — Auson. profess. Burdig. c. 4 et 10.
[62] Pline, XXXIV, c. 7. — Inscript. passim.
[63] Inscript. et monum. ap. P. Montfaucon, et D. Martin. passim.
[64] Monum. ap. Montfaucon, Caylus, D. Martin. passim.
[65] Ils furent trouvés en 1711, dans des fouilles faites au-dessous du chœur de Notre-Dame de Paris.
[66] Un des bas-reliefs représente un taureau avant une grue perchée sur la tête et deux autres sur le milieu du corps et sur la croupe. On lit au-dessous TARVOS TRIGARANVS. Tarw (cymr.), Tarv (gaël.), Taro (armor.), taureau ; tri, trois ; garan (cym. gaël.), grue.
[67] Imperium, libertas Galliarum. V. ci-dessous la révolte de Civilis.
[68] Hor., l. I. od. 35. — Strabon, IV.
[69] Strabon, IV, p. 205. — Dion Cassius, LIV, p. 538. — Pline, III, c. 21.
[70] Augusta Vagiennorum. Les Vagiens, peuple du diocèse d’Embrun.
[71] Ammien Marcellin, XV, c. 10.
[72] Alpes Cottiæ, Cottianæ. Η τού Κοττίου γή. Strabon, IV, p. 204.
[73] Tite-Live, epit. CXXXVII. — Dion Cassius, LIV, p. 533.
[74] (Lugduni) multos annos Licinius regnavit. Senec. Lud. p. 918.
[75] Dion Cassius, XLIV, p. 543. — Tite-Live, epit. CXXXVII.
[76] Tite-Live, epit. CXXXVII. — Suétone, Tib. Claud., 2. — SACERDOTOS. ROM. ET AUG. AD. ARAM. AD. CONFLUENTES, Grut., p. 13, n. 15, et al. plur. ins. passim.
[77] Dion Cassius, XLIV, p. 543. — Suétone, in Claude et. C. Caligula. — Juvénal, sat. I, v. 44.
[78] Inscript. ap. D. Bouq. t. I, p. 137. — Cf. Hist. gén. du Languedoc, t. I, p. 108.
[79] Inscript. passim. ap. D. Bouq. et D. Vaissette.
[80] Lucus Augusti, Luc en Dauphiné, à une lieue de Die, Dea Augusta.
[81] Inscript. de l’autel de Narbonne. Hist. gén. du Languedoc, t. II, p. 1.
[82] Tite-Live, epit. CXXXIX.
[83] Tacite, Germanie, c. 37.
[84] Tacite, Germanie, c. 28. — Velleius Paterculus, XI, c. 108. — Boïo-hœmum, Boioheim signifie en langue germanique demeure des Boïes.
[85] Suétone, Tibère, 9. – Auguste, c. 21.
[86] Tacite, Germanie, c. 28. — Pline, IV, c. 17. — Ptolémée, II, c. 9. — Lucain, I, v. 431.
[87] Ar, er, ehr, honneur, minn, mann, homme.
[88] Tacite, Annales, III, c. 43. — La dénomination de crupellaire, paraît avoir exprimé la gêne imposée aux combattants par cette bizarre armure. Crup, en langue gallique, signifie resserrer et aussi rendre impotent ; crupach et crieplach, perclus, manchot ; cripple, en langue anglaise actuelle.
[89] Tacite, Annales, III, c. 46. — Velleius Paterculus, II, c. 129.
[90] Suétone, in Tibère, 41. — Tacite, Annales, IV, c. 72 et 73. — S. Aurelius Victor, epit. c. 2.
[91] Suétone, Caligula, 20. — Dion Cassius, LIX, p. 656.
[92] Suétone, Tib. Claud., n. 2.
[93] Pline, XXX, c. 1. — Suétone, Claude, c. 25. — Aurelius Victor, Cœs., c. 4.
[94] Pline, XXIX, c. 3. — V. ci-dessus, t. II, c. 1.
[95] Il est rempli, quant à ce qui concerne la province narbonnaise, de noms propres peu ou point connus et de détails personnels qui sont sans importance pour les faits généraux de l’histoire. Ce discours, gravé sur une table de cuivre, a été découvert à Lyon, dans une fouille.