Deuxième partie
Les causes et le dénouement de la guerre sociale sont
assez connus. Les peuples de l’Italie ligués contre la république romaine pour
obtenir tous les droits politiques des citoyens de Rome, après dix ans d’efforts,
se virent admis â la jouissance d’une partie de ce qu’ils réclamaient :
ce fut une trêve plutôt qu’une paix formelle; et les Italiens ne se
contentèrent point de la part que Rome avait bien voulu leur faire :
seulement la lutte changea de théâtre, elle se poursuivit, toujours violente
et opiniâtre; au forum et dans lés comices, entre les anciens et les nouveaux
citoyens. La rivalité de deux hommes fameux vint l’envenimer encore. Marius
se plaça à la tête des nouveaux citoyens et du parti romain qui voulait pour
toute l’Italie une complète égalité politique; il mit à leur service sa
popularité, sa gloire, et sa haine passionnée contre la noblesse. Sylla,
patricien arrogant, s’emparant de la faction contraire, tenta de rasseoir sur
son ancienne base l’aristocratie ébranlée : il lui rendit des privilèges depuis
longtemps abolis ; il dépouilla le peuple des siens. Tour à tour
victorieux et vaincus, les deux partis épuisèrent, l’un contre l’autre, tout
ce que les guerres civiles enfantent d’horreurs. Les proscriptions de Sylla
enveloppèrent non pas seulement des individus et des familles sans nombre,
mais des villes et jusqu’à des territoires entiers, que le Dictateur livrait
à ses soldats : ces spoliations collectives frirent régularisées sous le nom
de colonies militaires. Pour échapper à son ombrageuse et implacable
tyrannie, quiconque s’était signalé dans le parti populaire, quiconque avait
au fond du coeur quelque amour de la liberté, de l’ordre, de la justice, s’expatria.
La multitude des bannis et des exilés volontaires se répandit par tout l’univers ;
mais la plupart restèrent dans le voisinage de l’Italie, attentifs au cours
des événements, et tout prêts à reparaître en armes au Beaucoup se rendirent immédiatement dans Sertorius, que nous avons vu se signaler en Gaule, comme
Marius et comme Sylla, durant la guerre des Kimro-Teutons, à force de
constance et d’activité, était parvenu à soulever l’Espagne contre le
Dictateur : après avoir défait à plusieurs reprises les légions du sénat,
maître d’une grande partie de la péninsule, il travaillait à propager l’insurrection
de l’autre côté des Pyrénées. Excités tant par ses émissaires que par les
proscrits restés en Gaule, les Aquitains s’armèrent, menaçant d’une invasion
prochaine Narbonne et Massalie [78 av. J.-C.]. Le propréteur ou proconsul
qui gouvernait Cependant Sylla ayant quitté la direction des affaires
publiques et, bientôt après, la vie, le gouvernement se divisa de nouveau. Un
des consuls, M. Æmilius Lepidus proposa de rappeler les proscrits et d’abolir
les lois despotiques de la dictature; mais, contraint à sortir de Rome, où la
faction aristocratique était plus forte, il se rendit dans Malgré cet échec de son parti, Sertorius resta maître de Pompée entra dans les Alpes ; trouvant les routes occidentales fermées par les troupes de Sertorius, il rebroussa chemin et se fit jour, entre les sources du Pô et du Rhône[3], par le passage des Alpes graies ou celui des Alpes pennines. Alors les postes de Sertorius, tournés et hors d’état de garder le pays, se replièrent sur l’Espagne, rallièrent toutes leurs garnisons et passèrent les Pyrénées. Soit que la province, tout abandonnée qu’elle était, fit encore résistance, soit plutôt que, pour imprimer la terreur, Pompée lâchât la bride à la colère des légions ; tout ce qui se trouva devant elles fut mis à feu et à sang, et le général gagna Narbonne à travers des monceaux de cadavres [Cicéron, pro leg. Manil.]. Là, il régularisa ce que la flamme et l’épée du soldat
avaient commencé. Un décret frappa de proscription la population de villes
entières [Cicéron, pro Man. Font.],
chez les Volkes Arécomikes et les Helves, dont le rôle avait été plus actif
que celui du reste de Le proconsul, procédant alors à son odieuse mission,
parcourut avec ses soldats les territoires décrétés; il marchait environné de
supplices. Les rigueurs de la seconde pacification [75 av.
J.-C.] laissèrent loin derrière elles les rigueurs de la première :
les privilèges dont jouissaient plusieurs des peuples de A ces coups partiels ne se bornèrent pas, les vengeances
du proconsul, il en frappa aussi de généraux. A l’aide de ces mesures politiques, Fonteius exerçait
impunément mille exactions personnelles; et sa rapacité précipita la ruine du
pays. Aussi y laissa-t-il dans tous les cœurs un profond ressentiment; et
lorsque, six ans plus tard, les factions étant calmées, la république romaine
parut incliner à la modération, L’accusation portait sur deux chefs principaux: les cruautés du magistrat, et ses extorsions de toute espèce[7]. Les accusateurs insistèrent peu sur ce qui concernait le caractère public du prévenu. La question en effet était épineuse ; il ne s’agissait pas uniquement d’excès commis par un parti romain contre un autre parti romain dans l’exaspération des guerres civiles : c’était la souveraineté absolue de la république sur ses sujets barbares qu’on traduisait à ses propres tribunaux. On glissa donc légèrement sur les crimes que pouvait couvrir la mission légale de Fonteius. On lui reprocha bien d’avoir outré les châtiments, et prolongé à plaisir la guerre chez les Voconces, pour se ménager plus d’occasions de proscrire et de piller ; on lui reprocha aussi des fautes comme général : mais ses succès répondaient suffisamment à cette dernière inculpation ; quant à la première, elle lui était commune avec Pompée, qui avait pris part à ces guerres, et que sa vanité poussait naturellement à en exagérer l’importance : or qui eût osé porter la main sur le vainqueur de Sertorius ? Il fallut donc se rejeter sur la question personnelle, et
la matière était large encore. On prouva qu’il avait obligé plusieurs peuples
de A ces charges l’accusé opposait les témoignages favorables
d’un grand nombre de citoyens romains de Au milieu de ces difficultés de tout genre, les députés
gaulois, Indutiomar surtout, déployèrent une fermeté digne d’une si bonne
cause. Ils ne ménagèrent point l’orgueil romain ; ils ne craignirent
point d’inspirer de l’inquiétude sur la tranquillité future de Cependant, au jour marqué, Fonteius comparut devant ses juges, accompagné d’une foule d’amis ; et le peuple environnait le tribunal, considérant avec une maligne curiosité le costume et l’air étranger des accusateurs. Le système fondamental de défense, adopté par l’avocat du prévenu, était simple et facile à soutenir devant un tribunal romain. Qui attaquait Fonteius ? des barbares, des gens portant braies et saies [Ibid.]. Qui témoignait pour Fonteius ? des citoyens romains, les uns nobles et riches, les autres utiles et honorés de la confiance publique : le plus recommandable des Gaulois pouvait-il être mis de pair avec le dernier, le plus misérable des citoyens romains ? [Ibid.] Les peuples gaulois se plaignaient d’avoir contracté des
dettes pour assouvir l’avarice du proconsul : mais quel cas devait-on faire d’une
imputation que ne validait le témoignage d’aucun romain ? Et pourtant, disait l’orateur, Bientôt même dédaignant cette argumentation si commode, Cicéron attaque en masse et poursuit de ses sarcasmes la nation gauloise toute entière. Il prononce avec un mépris affecté les noms de Volkes, d’Allobroges, d’Indutiomar ; il livre aux risées de la populace le costume, le langage, la personne des députés. C’est un tumulte gaulois ! s’écrie-t-il ; ils viennent enseignes déployées assaillir leur préteur désarmé ; mais, nous, nous serons assez nombreux et assez puissants, ô juges, pour combattre, sous vos auspices, leur odieuse et atroce barbarie [Cicéron, pro Fonteio]. Il va plus loin : il leur dénie le droit de porter
témoignage. Indutiomar sait-il ce que c’est qu’un
serment ? N’a-t-il pas puisé le jour au sein d’une race sacrilège, en
guerre avec Répondant ensuite aux craintes que les députés faisaient concevoir touchant la tranquillité de la province, Cicéron s’efforce d’exciter contre eux la colère de la multitude ; il récapitule avec ironie tous les souvenirs qui pouvaient blesser des cœurs gaulois ; il les menace, et leur jette même une sorte de défi de guerre. Doutez-vous, dit-il aux Romains, que ces Gaulois ne soient au fond de l’âme, et ne se montrent au dehors nos ennemis ? Croyez-vous que couverts de la saie et de la braie, ils paraissent dans Rome avec un extérieur humble et soumis, comme ont coutume d’y paraître ceux qui, après avoir essuyé des outrages, viennent implorer en suppliant la protection et la pitié des juges ? Loin de là : ils parcourent le forum, la tête haute et avec un air de triomphe ; ils font des menaces, ils voudraient nous épouvanter des sons horribles de leur barbare langage…… Eh bien s’ils entreprennent de nous faire la guerre, nous évoquerons du tombeau C. Marius pour tenir tête à cet Indutiomar si fier et si menaçant ; nous rappellerons à la vie Cn. Domitius et Fabius Maximus pour réduire de nouveau les Allobroges et leurs auxiliaires. Il nous faudra peut-être, puisqu’il n’est pas possible de ressusciter les morts, il nous faudra prier M. Plétorius de détourner ses clients, d’apaiser leur courroux, de calmer leurs mouvements impétueux ; ou, s’il n’y peut réussir, nous prierons M. Fabius qu’il essaie de fléchir les Allobroges auprès de qui le nom de Fabius est en si grande considération. Qu’il les engage à rester tranquilles et soumis, ou qu’il leur apprenne du moins qu’en nous menaçant, ils nous font moins craindre une guerre, qu’espérer un triomphe ! Il paraît que l’absolution de Fonteius couronna cet
insultant plaidoyer, et sûrs dès lors de l’impunité, les magistrats romains
se livrèrent aux excès les plus intolérables contre les gens portant saies et
braies. L’un des successeurs de Fonteius, C. Calpurnius Pison fut accusé des
mêmes crimes sur une nouvelle plainte de La détresse de Un jour qu’ils se promenaient sur la place publique, l’air
soucieux et mécontent, ils se voient abordés par un trafiquant romain, nommé
Umbrénus, qui, ayant fait le commerce quelques années dans Depuis la mort de Sylla, comme il arrive nécessairement à la suite de toute réaction, un parti mixte s’était formé, qui réprouvait également les fureurs du règne de Marius et les froides atrocités de la dictature; parti pacifique, éclairé, où se confondaient, avec l’élite des patriciens, une foule d’hommes nouveaux, les uns illustres par leurs talents, les autres recommandables par leur fortune. L’idée favorite de ce parti était la création d’un pouvoir intermédiaire à la vieille aristocratie et au peuple, pouvoir qui, s’interposant dans leurs chocs, maintiendrait entre eux l’équilibre : pour cela, il avait jeté les yeux sur le corps déjà puissant des Chevaliers et travaillait chaque jour à en accroître l’importance et les attributions. Favorisés par la lassitude universelle, ces amis de la modération et de l’ordre n’eurent pas de peine à s’emparer de la direction du gouvernement : et, à l’époque qui nous occupe, ils avaient élevé au consulat Cicéron, leur chef, et le plus célèbre des orateurs romains. Mais lorsque les passions quelque temps assoupies se ranimèrent, et que les partis extrêmes commencèrent à se reconstituer, la marche de ce gouvernement devint embarrassée et incertaine. Assailli de deux côtés à la fois, il s’efforça de tenir une route mitoyenne et impartiale, mais il finit par s’aliéner également et la faction démocratique et la faction aristocratique: celle-ci parce qu’il touchait trop aux lois de Sylla, celle-là parce qu’il les respectait trop. Quarante-sept légions, colonisées autrefois par le Dictateur sur divers points de l’Italie, murmuraient, et préparaient déjà leurs armes pour soutenir les confiscations, dont la légitimité paraissait attaquée ; tandis que les peuples italiens réclamant avec hauteur la plénitude de leurs droits, restreints par Sylla, menaçaient aussi de la guerre. Au milieu de ces semences de discorde, un tribun du peuple vint jeter à dessein le ferment des lois agraires. Les deux partis extrêmes semblaient donc disposés à se coaliser contre le parti médiateur, pour reprendre ensuite leur vieille querelle, dès qu’ils auraient déblayé et reconquis le terrain. Telle était la révolution imminente que Catilina entreprit de faire tourner à son profit.. Issu d’une des plus anciennes familles de Rome, L. Sergius Catilina avait trempé de bonne heure dans tous les excès de la faction aristocratique ; enrichi des biens des proscrits, en peu de temps il avait dissipé dans -la débauche le fruit du crime. Il détestait ce régime pacifique et modéré qui l’éloignait des dignités publiques ; il détestait les hommes nouveaux, et personnellement Cicéron, qui l’avait emporté sur lui dans la recherche du consulat. Son âme était corrompue, haineuse, cruelle ; il ne manquait d’ailleurs ni de hardiesse, ni de constance, ni de mépris de la mort. Nourri dans le désordre de guerres civiles, il jugea d’un coup d’œil la situation de la république, et le parti qu’un homme audacieux en pouvait tirer. Ses agents se répandirent par toute l’Italie et jusque dans la province transalpine : son titre de complice de Sylla le recommandait vivement aux hommes compromis sous la dictature, et aux colonies militaires ; ses talents et son courage éprouvé suffisaient au parti démocratique, qui ne voulait de lui que le signal et les premiers coups d’une insurrection. Mais Catilina avait associé à ses vues personnelles d’ambition, de rapacité et de vengeance, une troupe de jeunes débauchés, presque tous de la classe patricienne, hommes perdus de dettes et de crimes, et couverts de tous les genres d’infamie. Leur mission était de s’emparer de Rome aussitôt que la guerre civile éclaterait, de piller le trésor public et les maisons de leurs ennemis, de décimer le sénat, de massacrer Cicéron : c’était un complot de brigands, au sein d’une révolution ; ni le peuple de Rome, ni celui des provinces ne pouvaient être et ne furent dans la confidence de ces horreurs. Cependant les manœuvres de Catilina au dehors avaient eu
plein succès : l’Étrurie, le Picénum prirent les armes, et Voilà ce que révélèrent en partie aux députés gaulois les hommes réunis dans la maison de Sempronia, et qui étaient à la tête du complot de Rome. Ils insistèrent sur les services que le peuple allobroge pouvait rendre à la conjuration, et promirent en retour de décréter, l’abolition de toutes ses dettes et de l’élever au rang de peuple libre [Plutarque, Cicéron]. Echauffés par ces espérances, les ambassadeurs applaudirent à tout; ils exigèrent seulement que leurs engagements respectifs fussent précisés dans un traité écrit qu’ils pourraient présenter à leur nation. La demande était juste ; et une seconde conférence fut arrêtée pour débattre les bases du traité et procéder à sa rédaction. A peine les Allobroges furent-ils seuls, que la grandeur du péril où ils allaient se jeter et l’incertitude du succès s’offrirent vivement à leur esprit. Si le désir de se venger du sénat, si l’espérance d’un sort meilleur pour leur patrie, les attirait vers les conjurés, l’idée qu’ils étaient sans mission pour compromettre à ce point leurs frères dans une entreprise hasardeuse les retenait et les faisait pencher en sens contraire. Il leur vint même à la pensée qu’en révélant aux consuls un secret de cette importance, ils pourraient obtenir à coup sûr et immédiatement ces mêmes avantages que la conjuration leur faisait entrevoir dans un lointain et chanceux avenir. Leur foi, à la vérité, se trouvait engagée envers Umbrénus et ses amis ; ils avaient juré d’avance de garder sur toutes ces confidences un silence absolu ; mais ce serment n’avait-il pas été surpris ? Prévoyaient-ils de quels projets on les rendrait dépositaires au péril de leur vie, au détriment de leur pays ? Peut-être aussi se rappelèrent-ils que la nullité des serments prêtés par les Gaulois avait été soutenue naguère sérieusement devant les tribunaux romains. Toute la nuit, ils flottèrent dans ces incertitudes, passant successivement d’une résolution à l’autre. Enfin n’y pouvant plus tenir, ils se rendirent, au point du jour, à la maison de M. Fabius Sanga, qui était, comme nous l’avons dit, le patron des Allobroges, et lui révélèrent tous les événements de la veille, déclarant qu’ils s’en remettaient à son avis. Fabius, citoyen pacifique et honnête, et d’ailleurs lié étroitement avec Cicéron, leur peignit sous les plus noires couleurs la conjuration et les conjurés, les effraya, et finit par les entraîner chez le consul[12]. Cicéron était la première victime désignée au poignard des amis de Catilina ; ce fut donc avec de vifs transports de joie qu’il accueillit la députation allobroge. Il lui était parvenu déjà, touchant leurs projets de meurtre, de pillage et d’incendie, quelques révélations ; mais incomplètes et suspectes par leur source même, elles ne pouvaient servir de fondement unique à une instruction judiciaire. La déposition des Gaulois était d’une toute autre nature ; aussi le consul les combla de caresses et d’encouragements ; comme chef de la république, il s’engagea formellement à remplir envers leur patrie toutes les promesses des conjurés, et, par ce leurre, il les persuada de se rendre aux conférences suivantes, et de conclure le traité afin de le lui livrer aussitôt. Les ambassadeurs promirent et firent tout ; en se dévouant aux volontés du consul, ils croyaient tirer leur malheureux pays de son désespoir et de sa ruine. Étant donc allés au rendez-vous, ils y trouvèrent les personnages les plus éminents du complot, entre autres, les sénateurs Lentulus Sura et Céthégus[13]. Les nouvelles confidences furent plus étendues que les premières ; et la députation allobroge recommença ses instances au sujet de conventions écrites. Les conspirateurs hésitaient ; ils cédèrent enfin ; le traité fut fait en double, signé par les deux parties, et l’une des copies remise aux Gaulois. Comme l’affaire pressait, le départ de ces derniers fut fixé pour une des nuits suivantes. On convint qu’ils passeraient par l’Étrurie où ils auraient une entrevue avec Catilina ; Lentulus les chargea de dépêches pour ce chef, et l’un des conjurés Volturtius, qui se rendait à l’armée eut mission de les accompagner. Dès que la nuit du départ fut venue, les Allobroges se mirent en route ; mais, à peine arrivés au pont Milvius, ils furent saisis par des gardes que Cicéron, sur leurs avis secrets, y avait apostés. Conduits devant lui, ils livrent les papiers dont ils étaient porteurs, et font de toute la conjuration une déclaration publique ; Volturtius effrayé suit leur exemple : et le consul, muni de ces pièces, fait arrêter au moment même Lentulus, Céthégus et leurs complices[14]. Le lendemain au point du jour, les Gaulois répétèrent
leurs dépositions devant le sénat rassemblé et en présence des conspirateurs.
Lentulus d’abord se contenta de tout nier : il ne
savait, disait-il, quels étaient ces hommes
et ce que signifiaient des traités avec les Allobroges ; puis
interpellant les révélateurs, que me
voulez-vous ? leur demanda-t-il ; quelle
affaire vous a amenés chez moi ? [Cicéron, Catilina,
3] Ceux-ci lui répliquèrent avec fermetés énumérant combien de fois,
par qui, pourquoi il les avait mandés ; Lentulus à la fin sentit son
assurance faiblir. Ici finit le rôle des Allobroges. Quant aux conspirateurs,
on sait qu’ils furent mis à mort contre le vote d’une partie du sénat et sans
la délibération du peuple. Depuis ce jour, les forces extérieures de la conjuration
allèrent en déclinant ; les alliés et les provinciaux rentrèrent
successivement sous l’obéissance du sénat ; Catilina poursuivi par deux
armées se dirigea vers Les Allobroges, en dualité de révélateurs, reçurent du sénat des récompenses personnelles : la conduite qu’avaient tenue dans cette affaire ces ambassadeurs mécontents d’une nation mécontente à si juste titre, excita à Rome une surprise générale. Nous ne saurions assez nous étonner, disait à ce propos Cicéron [Catilina, 3], que le seul de tous les peuples qui aujourd’hui ne manque ni de volonté ni de force pour lutter contre le peuple romain, que des Gaulois aient préféré notre salut à leurs intérêts ; quand pour vaincre ils n’avaient pas besoin de combattre, quand il leur suffisait de se taire. Qui ne voit pas dans cet événement un signe éclatant de la bonté des dieux ! Il paraît que le peuple allobroge en jugea autrement [62 av.
J.-C.]. Soit qu’il désapprouvât le rôle de ses députés ; soit que
le consul niât après la victoire les engagements pris au jour du
danger ; ou que le sénat eût refusé de ratifier la parole du consul, ce
peuple prit les armes, et fondit sur le Sur ces entrefaites, Catugnat revint du Mais les Romains, ayant réuni de plus grandes forces, rentrèrent par trois points différents sur le territoire allobroge, et le dévastèrent parle fer et le feu. Catugnat revint sur ses pas ; il était trop tard. Ventia succomba ; et un avantage remporté sous les murs de Solonium ne recula que de quelques jours la perte. du chef gaulois. Lorsque le pays saccagé et incendié sur toute sa surface ne présenta plus aucune résistance, Pomptinus écrivit au sénat que les Allobroges étaient pacifiés ; ce service fut jugé assez important pour mériter au préteur les honneurs du triomphe[15]. |
[1] Cicéron, pro Quintil. — Pigh., t. III, p. 229.
[2] César, Bell. Gall., III, c. 20. — Orose, V, c. 23.
[3] Appien, Bell. civil., I, p. 419. — Epistol. Pompei. ex Sallus. Histor., III.
[4] Cons. au sujet de ce surnom de Narbonne, l’Histoire générale du Languedoc, t. I, p. 48.
[5] Cicéron, pro Man. Fonteio. — Salluste, III, et Epistol. Pomp. ib.
[6] Epist. Pomp. ap. Sallust., loc. cit.
[7] Ces détails sont extraits du plaidoyer de Cicéron pour la défense de Fonteius ; plaidoyer dont nous n’avons malheureusement que des fragments, augmentés, mais non complétés par la découverte de M. Niebuhr.
[8] 6.150.000 francs, d’après l’évaluation de M. Letronne.
[9] L’amphore contenait
environ
[10] Cicéron, pro L. Val. Flacco., n° 98.
[11] Cicéron, Harusp. resp. n° 42.
[12] Salluste, bell. Catilina, p. 25. — Cicéron, Catilina, III. — Plutarque, in Cicéron, loc. cit. — Appien, bell. civil., II, v. 430. — Dion Cassius, XXXVII, p. 45.
[13] Salluste, bell. Catilina, loc. cit. — Cicéron, Catilina, III.
[14] Salluste, bell. Catilina, l. c. — Cicéron, Catilina, III. — Plutarque, in Cicéron, l. c.
[15] Dion Cassius, XXXVII, p. 50. — Tite-Live, epit. c. III. — Cicéron, de provinc. consular.