Première partie
MAGON, en partant pour l’Afrique, avait laissé dans L’ouverture des hostilités ne lui fut point heureuse ; deux légions et quatre cohortes supplémentaires, entrées par l’Ombrie sur le territoire boïen, pénétrèrent d’abord assez paisiblement jusqu’au petit fort de Mutilum, où elles se cantonnèrent ; mais au bout de quelques jours, s’étant écartées dans la campagne pour couper les blés, elles furent surprises et enveloppées. Sept mille légionnaires, occupés aux travaux, périrent sur la place avec leur général, Caïus Oppius [Tite-Live, 31, 2] ; le reste se sauva d’abord à Mutilum, et, dès la nuit suivante, regagna la frontière dans une déroute complète, sans chef et sans bagages. Un des consuls, en station dans le voisinage, les réunit à son armée, fit quelque dégât sur les terres boïennes, puis revint à Rome sans avoir rien exécuté de plus remarquable [Ibid.]. Il fut remplacé dans son commandement par le préteur L. Furius Purpureo, qui se rendit avec cinq mille alliés latins aux quartiers d’hiver d’Ariminum. Aux premiers jours du printemps, quarante mille
confédérés, Boïes, Insubres, Cénomans, Ligures, conduits par le Carthaginois
Hamilcar, assaillirent Placentia à l’improviste, la pillèrent,
l’incendièrent, et, d’une population de six mille âmes, en laissèrent à peine
deux mille sur des cendres et des ruines [Ibid.] :
passant ensuite le Pô, ils se dirigèrent vers Crémone, à qui ils destinaient
le même sort ; mais les habitants, instruits du désastre des Placentins,
avaient eu le temps de fermer leurs portes et de se préparer à la défense,
décidés à vendre cher leur vie. Ils envoyèrent promptement un courrier au
préteur Furius pour lui demander du secours. Contraint de refuser, Furius
transmit au sénat la lettre des Crémonais, avec un tableau inquiétant de sa
situation et du péril où se trouvait la colonie. De
deux villes échappées à l’horrible tempête de la guerre punique,
écrivait-il, l’une est pillée et saccagée, l’autre
cernée par l’ennemi [Tite-Live, 31, 10]. Porter assistance aux malheureux Crémonais avec le peu
de troupes campées à Ariminum, ce serait sacrifier en pure perte de nouvelles
victimes. La destruction d’une colonie romaine n’a déjà que trop enflé l’orgueil
des barbares, sans que j’aille l’accroître encore par la perte de mon armée.
A la réception de cette dépêche, le sénat donna ordre à C. Aurélius, l’un des
consuls, de se rendre sur-le-champ à Ariminum ; quelques affaires retardèrent
le départ du consul ; mais ses légions se dirigèrent vers Dès qu’elles furent arrivées, le préteur L. Furius se mit en route pour Crémone, et vint camper à cinq cents pas de l’armée des confédérés. Il avait une belle occasion de les battre par surprise, si, dès le même jour, il eût mené droit ses troupes attaquer leur camp, car les Gaulois, épars dans la campagne, n’avaient laissé à sa garde que des forces tout à fait insuffisantes. Furius voulut ménager ses soldats, fatigués par une marche longue et précipitée, et il laissa aux Gaulois, restés dans le camp, le temps de sonner l’alarme. Les autres, avertis par leurs cris, eurent bientôt regagné les retranchements. Dès le lendemain, ils en sortirent en bon ordre pour présenter la bataille ; Furius l’accepta sans balancer [Ibid., 21]. La charge des confédérés fut si impétueuse, et si brusque, que les Romains eurent à peine le temps de ranger leurs troupes. Réunissant tous leurs efforts sur un seul point, ils attaquèrent d’abord l’aile droite ennemie, qu’ils se flattaient d’écraser facilement ; voyant qu’elle résistait, ils cherchèrent à la tourner, tandis que, par un mouvement pareil, leur aile droite essayait d’envelopper l’aile gauche. Aussitôt que Furius aperçut cette manœuvre, il fit avancer sa réserve, dont il se servit pour étendre son front de bataille ; au même instant, il fit charger à droite et à gauche par sa cavalerie l’extrémité des ailes gauloises ; et lui-même, à la tête d’un corps serré de fantassins, se porta sur le centre pour essayer de le rompre. Le centre, que le développement des ailes avait affaibli, fut enfoncé par l’infanterie romaine, les ailes par la cavalerie ; les confédérés, culbutés de toutes parts, regagnèrent leur camp dans le plus grand désordre ; les légions vinrent bientôt les y forcer. Le nombre des morts et des prisonniers gaulois fut de trente-cinq mille ; quatre-vingts drapeaux et plus de deux cents chariots tout chargés de butin tombèrent entre les mains du vainqueur [Ibid.]. Le Carthaginois Hamilcar, et trois des principaux chefs cisalpins, périrent en combattant [Ibid. ; Orose, 4, 20]. Deux mille habitants de Placentia, réduits en servitude par les Gaulois, furent rendus à la liberté et renvoyés dans leur ville en ruines [200 av. J.-C]. Pour récompense de cette victoire, Furius obtint le triomphe, et porta au trésor public de Rome trois cent vingt mille livres pesant de cuivre, et cent soixante-dix mille d’argent[1]. Mais la joie des Romains fut de courte durée. L’année suivante, le préteur Cn. Bæbius Tamphilus, étant entré témérairement sur le territoire insubrien, tomba dans une embuscade où il perdit six mille six cents hommes ; ce qui le força d’évacuer aussitôt le pays [Tite-Live, 32 ,7]. Pendant le cours de l’année 198 [av. J.-C.], le consul qui le remplaça se borna à faire rentrer dans leurs foyers les habitants de Placentia et de Crémone que les malheurs de la guerre avaient dispersés [Ibid., 25]. Cependant le sénat romain se préparait à frapper dans C’était pour l’ennemi une bonne fortune, que le théâtre de la guerre eût été transporté sur la terre des Cénomans, ces vieux instruments de l’ambition étrangère, si longtemps traîtres à leur propre race. Aussi se hâta-t-il d’envoyer des émissaires dans toutes les villes du pays, surtout à Brixia [Ibid.], où le conseil national des chefs et des vieillards s’était rassemblé. Gagnés par crainte ou par argent, les principaux chefs et les anciens protestèrent aux agents romains qu’ils étaient étrangers à tout ce qui s’était passé, et que si la jeunesse avait pris les armes, c’était tout à fait sans leur aveu ; plusieurs même se rendirent au camp ennemi pour conférer avec le consul, qui-les trouva dévoués à ses intérêts, mais incertains sur les moyens de le servir [Ibid.]. Céthégus voulut que, par leur autorité, ou à force d’argent, ils décidassent l’armée cénomane à passer immédiatement aux Romains, ou du moins à quitter le camp des Insubres ; les entremetteurs de la trahison combattirent ce projet comme impraticable. Seulement, ils engagèrent leur parole que les troupes resteraient neutres pendant le prochain combat, et même tourneraient du côté des Romains, si l’occasion s’en présentait [Ibid.]. Ils entrèrent alors en pourparler avec les chefs de l’armée ; en peu de jours, l’odieux complot fut consommé et un traité secret assura à l’ennemi, dans la bataille qui se préparait, la coopération active ou tout au moins passive des Cénomans. Rien que ces intrigues eussent été conduites avec un profond mystère, les Insubres en conçurent quelque soupçon [Ibid.], et lorsque le jour de la bataille arriva, n’osant confier à de tels alliés une des ailes de peur que leur trahison n’entraînât la déroute de toute l’armée, ils les placèrent à la réserve, derrière les enseignes. Mais cette précaution fut inutile. Au fort de la mêlée, les perfides, voyant l’armée insubrienne plier, la chargèrent tout à coup à dos, et occasionnèrent sa destruction totale. Tandis que ces événements se passaient dans Autant les deux grandes nations gauloises montraient de
constance à défendre leur liberté, autant Rome mit d’acharnement à vouloir
l’étouffer. Pendant l’année 196 [av. J.-C.], comme pendant la précédente, les consuls furent employés
tous deux dans A cette nouvelle, les Boïes levèrent le siège du camp de
Marcellus, et coururent sur la route que l’autre consul devait traverser,
route boisée et propre aux embuscades militaires. Purpureo approchait déjà du
fort de Mutilum , lorsque ayant eu vent de quelque chose, il
rétrograda ; et comme il connaissait parfaitement le pays, par de longs
détours en plaines, il réussit à rejoindre sans danger son collègue. Les deux
consols réunis dévastèrent un grand nombre de villes fortifiées et non
fortifiées, et Bononia, capitale de tout le territoire[6] ; partout où
ils promenaient leurs ravages, les vieillards, les femmes, la population
désarmée des campagnes s’empressait de faire acte apparent de soumission à la
république romaine ; mais toute la jeunesse, réfugiée en armes au fond
des forêts, suivait leur marche, ne les perdant jamais de vue et épiant
l’occasion favorable pour les surprendre et les envelopper [Tite-Live,
33, 37]. Boïes et Romains traversèrent ainsi, en s’observant
mutuellement, une grande partie de La campagne de 195 [av.
J.-C.] s’ouvrit encore, pour les Romains, sous les auspices les plus
favorables ; le consul L. Valérius Flaccus battit l’armée boïenne, près
de la forêt Litana, et lui tua huit mille hommes ; mais ce fut là tout,
Valerius perdit le reste de la saison à faire reconstruire les maisons de
Placentia et de Crémone [Tite-Live, 34, 21,42]. Chargé,
l’année suivante en qualité de proconsul, des opérations militaires dans Rome déployait contre Déjà ils combattaient hors des retranchements, et la quatrième légion restait encore arrêtée à la porte, lorsque les Romains entendirent un grand bruit à l’autre extrémité de leur camp ; c’étaient les Gaulois qui avaient forcé la porte questorienne, et tué le questeur, deux préfets des alliés et environ deux cents soldats [Tite-Live, 34, 47]. Le camp était pris de ce côté, sans une cohorte extraordinaire, laquelle, envoyée par le consul pour défendre la porte questorienne, tailla en pièces ou chassa ceux des assiégeants qui avaient déjà pénétré dans l’enceinte, et repoussa l’irruption des autres. Vers le même temps, la quatrième légion, avec deux cohortes extraordinaires, vint à bout d’effectuer sa sortie. Il se livrait donc trois combats simultanés en trois différents endroits autour du camp, et l’attention des combattants était partagée entre l’ennemi qu’ils avaient en tête, et leurs compagnons, dont les cris confus les tenaient dans l’incertitude sur leur sort, et sur le résultat de l’affaire. La lutte dura jusqu’au milieu du jour, avec des forces et des espérances égales. Enfin les Gaulois, cédant à une charge impétueuse, reculèrent jusqu’à leur camp ; mais ils s’y rallièrent, et à leur tour, se précipitant sur l’ennemi, ils le culbutèrent et le poursuivirent jusqu’à ses retranchements, où il se renferma de nouveau. Ainsi dans cette journée, les deux partis se virent successivement victorieux, et successivement en fuite [Ibid.]. Les Romains publièrent qu’ils n’avaient perdu que cinq mille hommes, tandis qu’ils en avaient tué onze mille [Ibid.] ; malheureusement les Gaulois ne nous ont pas laissé leur bulletin. Sempronius se réfugia dans Placentia. Si l’on en croit quelques historiens, Scipion, après avoir opéré sa jonction avec lui, dévasta le territoire des Boïes et des Ligures, tant que leurs bois et leurs marais ne lui opposèrent point de barrières ; d’autres prétendent que, sans avoir rien fait de remarquable, il retourna à Rome[10]. Cette campagne n’avait pas été sans gloire pour la nation
boïenne ; mais une guerre chaque année renaissante consumait rapidement
sa population. Elle renouvela cependant le mouvement de l’année précédente,
prit les armes en masse, et parvint à soulever Les consuls Domitius Ænobarbus et L. Quintius Flamininus eurent ordre de continuer la guerre. Les ravages qu’ils exercèrent dans tout le pays, durant l’année 192 [av. J.-C.], furent si terribles, qu’un grand nombre de riches familles gauloises, ne voyant plus de sauvegarde ailleurs, se réfugièrent dans le camp même des Romains. Le conseil national des Boïes ne tarda pas non plus à faire sa paix, et les principaux chefs se transportèrent avec leurs femmes et leurs enfants auprès des consuls. Le nombre de ces malheureux qui croyaient trouver dans le camp romain, sous la garantie de l’hospitalité romaine, repos et respect pour leurs personnes, s’élevait à quinze cents, appartenant tous à la classe opulente et la plus élevée en dignité [Tite-Live, 35, 22]. Mais, plus d’une fois, ils durent regretter les champs de bataille où du moins la mort était utile et glorieuse, où les souffrances et les outrages ne restaient pas impunis. Le trait suivant, conservé par l’histoire, fera assez connaître quelle était pour les Gaulois suppliants et désarmés la paix du peuple romain et l’hospitalité de ses consuls. Quintius Flamininus avait emmené de Rome une prostituée qu’il aimait, et comme ils s’étaient mis en route la veille d’un combat de gladiateurs, cette femme lui reprochait quelquefois, en badinant, de l’avoir privée d’un spectacle auquel elle attachait beaucoup de prix. Un jour qu’il était à table, dans sa tente, avec elle et quelques compagnons de débauche, un licteur l’avertit qu’un noble boïen arrivait, accompagné de ses enfants, et se remettait sous sa sauvegarde. Qu’on les amène ! dit Flamininus. Introduit sous la tente consulaire, le Gaulois exposa, par interprète, l’objet de sa visite ; et il s’étudiait, dans ses discours, à intéresser le Romain au sort de sa famille et au sien. Mais tandis qu’il parlait, une horrible idée se présenta à l’esprit de Flamininus : Tu m’as sacrifié un combat de gladiateurs, dit-il, en s’adressant à sa maîtresse ; pour t’en dédommager, veux-tu voir mourir ce Gaulois ? [Tite-Live, 39, 42] Bien éloignée de croire sérieuse une telle proposition, la courtisane fit un signe. Aussitôt Flamininus se lève, saisit son épée suspendue aux parois de la tente, et frappe à tour de bras le Gaulois sur la tête. Étourdi, chancelant, le malheureux cherche à s’échapper, implorant la foi divine et humaine, mais un second coup l’atteint dans le côté et, sous les yeux de ses enfants qui poussaient des cris lamentables, le fait rouler aux pieds de la prostituée de Flamininus[11]. Que devait donc faire la soldatesque romaine dans sa brutalité, quand ces horreurs se passaient sous la tente des consuls ? La nation boïenne avait épuisé toutes ses ressources ; cependant elle ne mit point bas les armes ; mais un profond découragement paraissait s’être emparé d’elle. A compter le nombre de ses morts dans cette dernière et funeste année, on eût dit qu’elle s’empressait de périr, tandis que la patrie était encore libre ; et qu’elle n’accourait plus sur les champs de bataille que pour y rester. Dans une seule journée, le consul Scipion Nasica lui tua vingt mille hommes, en prit trois mille, et ne perdit lui-même que quatorze cent quatre-vingt-quatre des siens. Scipion usa de sa victoire en barbare ; il se fit livrer, à titre d’otages, ce qu’il y avait encore dans la nation de chefs et de défenseurs énergiques, et confisqua au profit de sa république la moitié du territoire des vaincus [Tite-Live, 36, 39-40]. Tels furent les massacres et les dévastations exercées par ses soldats, que lui-même, réclamant les honneurs du triomphe, osa se vanter, en plein sénat, de n’avoir laissé vivants, de toute la race boïenne, que les enfants et les vieillards [Tite-Live, 36, 40]. Par une moquerie indigne d’un homme à qui les Romains avaient décerné le prix de la vertu, il fit marcher, dans la pompe de son triomphe, l’élite des captifs gaulois pêle-mêle avec les chevaux prisonniers [Ibid., 41]. Le butin de cette campagne rapporta au trésor public quatorze cent soixante-dix colliers d’or, deux cent quarante-cinq livres pesant d’or, deux mille trois cent quarante livres d’argent, tant en barres qu’en vases de fabrication gauloise, et deux cent trente mille pièces d’argent [Ibid.]. Scipion fut chargé par le sénat de compléter l’ouvrage de
l’année précédente en prenant possession à main armée du pays
confisqué ; mais la vue des enseignes romaines que devaient suivre
bientôt des milliers de colons, porta dans l’âme des Boïes une douleur et un
désespoir profonds ; ne pouvant se résigner à livrer eux-mêmes leurs
villes, à accepter la condition d’esclaves au sein de leur patrie, puisqu’ils
ne pouvaient plus la défendre, ils voulurent l’abandonner ; les débris
des cent douze tribus boïennes se levèrent en ruasse et partirent. L’histoire,
qui s’est complu à nous énumérer si minutieusement leurs défaites, garde un
silence presque absolu sur ce touchant et dernier acte de leur vie nationale.
Un historien se contente d’énoncer vaguement que la nation entière fut
chassée [Polybe, II] ; un géographe [Strabon,
V] ajoute qu’elle traversa les Alpes noriques pour aller se
réfugier sur les bords du Danube, au confluent de ce fleuve et de Instruits par l’exemple de leurs frères, les Insubres
s’étaient hâtés de faire la paix, c’est-à-dire de se reconnaître sujets de
Rome ; il y avait déjà cinq ans que leur inaction dans la guerre boïenne
leur méritait l’indulgence de cette république. Quant aux Cénomans, la
fortune récompensa leur conduite perfide et lâche. Au milieu des calamités
qui accablaient depuis onze ans la race gallo-kimrique, ce furent eux qui
souffrirent le moins : peu d’entre eux périrent sur le champ de bataille ;
et le pillage à peine toucha leurs terres. Cette richesse même, il est vrai,
excita la cupidité d’un préteur romain, M. Furius, cantonné dans Maîtres de toute l’Italie Circumpadane, où de nombreuses
colonies répandaient rapidement les mœurs, les lois, la langue de Rome, les
Romains commencèrent à provoquer les peuplades gauloises des Alpes. Ceux de
leurs généraux qui commandaient l’armée d’occupation dans Un autre événement prouva encore mieux à quel point la catastrophe des Gaulois cisalpins avait effrayé leurs frères d’au-delà des monts, et combien ceux-ci redoutaient d’entrer en querelle avec la république. Une bande de douze mille Transalpins, franchissant tout à
coup les Alpes par des défilés jusqu’alors inconnus, descendit dans Les émigrants, après avoir ramassé ceux de leurs effets qui leur appartenaient réellement, sortirent de l’Italie et les commissaires romains se rendirent chez les principales nations transalpines afin d’y publier la déclaration du sénat. Les réponses de ces peuples révélèrent assez la crainte dont ils étaient frappés. Les anciens allèrent jusqu’à se à plaindre de la douceur excessive du peuple romain à l’égard d’une troupe de vagabonds qui, sortis de leur patrie, sans autorisation légitime, n’avaient pas craint d’envahir des terres dépendantes de Rome, et de bâtir une ville sur un sol usurpé. Au lieu de les laisser partir impunis, Rome, disaient-ils, aurait dû leur faire expier sévèrement leur insolente témérité ; la restitution de leurs effets était même un excès d’indulgence capable d’encourager d’autres tentatives non moins criminelles [Tite-Live, 39, 55]. A ces discours dictés par la peur, les Transalpins joignirent des présents, et reconduisirent honorablement les ambassadeurs jusqu’aux frontières. Néanmoins, quatre ans après, une seconde bande d’aventuriers descendit encore le revers méridional des monts, et, s’abstenant de toute hostilité, demanda des terres pour y vivre en paix sous les lois de la république. Mais le sénat lui ordonna impérieusement de quitter l’Italie, et chargea l’un des consuls de poursuivre et de faire punir par leur nations mêmes les auteurs de cette démarche [Tite-Live, 40, 53]. Ainsi donc Le territoire gaulois, réuni à la république romaine, porta dès lors le nom de Province gauloise cisalpine ou citérieure ; elle reçut aussi, mais plus tard, le nom de Gaule togée[18], qui signifiait que la toge ou le vêtement romain remplaçait, sur les rives du Pô, la braie et la saie gauloises, c’est-à-dire que ce qu’il y a de plus tenace dans les habitudes nationales avait enfin cédé à la force ou à l’ascendant du peuple conquérant. |
[1] La livre romaine
équivalait à
[2] La livre romaine
est évaluée, comme nous l’avons dit plus haut, à
[3] C’était une monnaie romaine qui portait le nom de bigati (scil. nummi), et équivalait à un denier.
[4] L’as valait à cette époque une once (as uncialis) ; le denier peut être évalué à 82 centimes.
[5] Côm, en langue gallique signifiait sein, giron, et dans le sens figuré, garde, protection. C’est aujourd’hui la ville de Côme.
[6] Tite-Live, XXXIII, 37. — Felsina était, comme on l’a vu plus haut, l’ancien nom de Bononia chez les Étrusques.
[7] Tite-Live, XXXIII, 37— Paul Orose, IV, 20. — Fasti Capitol.
[8] Tite-Live, XXXIV, 46. — Paul Orose, IV, 20.
[9] Boiorix. Righ, que les Latins prononçaient rix, signifie roi, en Gaélic ; rhuy (cym.) ; rûcik ( armor.), un petit roi, un chef.
[10] Tite-Live, XXXIV, 48. — Paul Orose, IV, 20.
[11] Tite-Live, XXXIX, 42. — Flamininus ne fut recherché pour ce crime que huit ans après, et encore sous la rigoureuse censure de Caton.
[12] Cæs., Bell. Gallic., I. — Strabon, V.
[13] Placentia en 190 av. J.-C. (Tite-Live, 37, 46-47). — Mutines et Parme en 183 av. J.-C. (Tite-Live, 39, 55).
[14] En 189 av. J.-C. (Tite-Live, 37, 57).
[15] Tite-Live, XXXIX, 3. — Diodore de Sicile, XXVI.
[16] Diodore de Sicile, Tite-Live, l. c.
[17] Ce nom paraît signifier chef des montagnes : ceann, cinn, chef ; ceap, cip, sommet, montagne.
[18] Gallia togata.
Quelques savants pensent que