Nous croyons avoir démontré que les douanes n'ont jamais cessé d'exister chez les Romains ; mais elles n'ont pas toujours tenu une place égale dans le système financier de ce peuple. C'est à l'époque où les droits n'étaient, en général, que du quarantième de la valeur des marchandises que les douanes étaient regardées comme une des principales sources de revenus du Trésor public. Il semble, au contraire, qu'au milieu de ses embarras financiers, le Bas-Empire ait peu compté sur le produit des impôts indirects. Les douanes avaient en effet cessé d'être productives. En élevant au huitième de la valeur des marchandises le taux d'un impôt sur le transit qui pouvait être perçu à la frontière de chaque province, et quelquefois sur des routes de l'intérieur, on avait consommé la ruine du commerce dans le monde romain. Le ive siècle avait vu disparaître ces grandes compagnies de marchands romains qui, grâce à leur activité, à leurs capitaux et peut-être aussi à la protection dont elles jouissaient, avaient presque acquis le monopole du commerce et de la banque dans les provinces. On avait dû organiser en une corporation jouissant de privilèges importants, notamment en ce qui concerne les droits de douane, les armateurs qui entretenaient les navires affectés à l'approvisionnement des greniers publics de Rome et de Constantinople. A partir du IIIe siècle, les portoria cessèrent d'être affermés dans certaines provinces ; mais les abus du système de la ferme survécurent à ce système. Aux exactions des publicains succédèrent celles 4es fonctionnaires impériaux. La sévérité des constitutions impériales avait été aussi impuissante à réprimer les unes que l'édit du préteur avait été inefficace contre les autres. Le mode de répression de la fraude n'a jamais varié. Les agents des fermiers ou des fonctionnaires chargés de la perception de l'impôt ont toujours eu le droit de s'emparer et de conserver, sans jugement, les marchandises que l'on cherchait à soustraire au paiement des droits. Le fait même de la fraude était considéré comme transférant aux fermiers ou à l'État la propriété des marchandises qui en étaient l'objet. Cette fiction a, selon nous, contribué, dans une large mesure, à faciliter les exactions auxquelles étaient naturellement enclins les agents si mal recrutés des sociétés de publicains. Réduit à la situation de demandeur et obligé, par suite, de prouver qu'il n'avait commis aucune infraction au règlement du portorium, le marchand victime de ces exactions avait bien peu de chances d'obtenir satisfaction devant ses juges. De là, ces plaintes que Cicéron a reconnues fondées et les efforts inutilement tentés par les préteurs pour ne pas laisser impunis les crimes de ces publicains dont personne n'ignorait l'audace et la témérité[1]. Quant aux peines portées contre les fraudes qui avaient un caractère purement fiscal ; elles n'ont jamais été très sévères. Toute marchandise pour laquelle on cherchait à éluder le paiement du portorium était confisquée au profit de l'État ou des fermiers, suivant que l'impôt était en régie ou en ferme. On ne risquait pas, de la sorte, de punir injustement le voiturier de bonne foi qui déclarait, sous une fausse dénomination, mais suivant les instructions de son commettant, les objets que ce dernier lui avait confiés. Limitée à la valeur des marchandises de fraude, la peine retombait tout entière sur le propriétaire de ces marchandises. Ce système de pénalité, qui est incontestablement le plus équitable, fut appliqué en France jusqu'à l'époque où les douanes y reçurent une organisation d'ensemble. Mais les rédacteurs des ordonnances du XVIIe siècle, craignant que la confiscation ne fût pas une peine suffisante pour réprimer des fraudes auxquelles des tarifs très élevés constituaient un encouragement, y ajoutèrent des amendes fixes ou arbitraires. Les amendes arbitraires ont disparu depuis longtemps ; mais, dans bien des cas, des peines corporelles, auxquelles peut être soumis un voiturier de bonne foi, sont venues se joindre à la confiscation et à l'amende. Depuis que l'impôt de douane a été mis en régie, les redevables n'ont plus eu à craindre les exactions des agents chargés de le percevoir ; mais ils seraient toujours exposés à se voir jeter en prison pour une simple erreur le jour où l'État enlèverait à ses fonctionnaires le droit de faire remise des peines dont l'application ne serait ni équitable, ni nécessaire. FIN DE L'OUVRAGE |