A Rome, comme de nos jours, les fraudes avaient pour but soit d'éluder le paiement des droits sur des marchandises sujettes à l'impôt, soit d'importer, ou, plus généralement d'exporter, des marchandises frappées de prohibition à l'entrée ou à la sortie du territoire romain. Elles constituaient, suivant le cas, de simples contraventions aux dispositions de la lex censoria ou des crimes contre la sûreté de l'État. Nous allons examiner en deux sections différentes : 1° le système de répression des infractions commises en matière de douane ; 2° les actions données contre les publicains aux particuliers victimes de leurs exactions et les peines édictées par les empereurs pour réprimer les abus de pouvoir des collecteurs d'impôts. SECTION PREMIÈRE. — DE LA RÉPRESSION DE LA FRAUDE. Les fraudes et contraventions en matière de douane peuvent se ramener aux cinq types suivants : 1° importation d'étoffes teintes en pourpre.Le port de la pourpre constituant l'un des insignes de la puissance impériale, celui qui fabriquait, vendait ou importait des étoffes de cette teinte était réputé s'emparer des attributs du pouvoir suprême. Aussi s'exposait-il aux châtiments les plus sévères, la mort et la confiscation de ses biens[1]. 2° L'importation ou l'exportation de marchandises quelconques par la frontière de Perse.Toute relation commerciale était interdite entre l'empire romain et la Perse. Il n'y avait d'exception à cette règle qu'en faveur des ambassadeurs et des gens de leur suite. Ceux qui l'enfreignaient étaient punis de l'exil perpétuel indépendamment de la confiscation de leurs marchandises ou du prix qu'ils avaient obtenu en échange[2]. La faculté d'importer la soie était réservée au comes commerciorum. La même peine atteignait probablement ceux qui cherchaient à se soustraire à ce monopole[3]. 3° L'exportation à destination des pays occupés par les barbares de marchandises considérées comme contrebande de guerre.Les marchandises étaient confisquées et l'auteur de la fraude puni de mort. Le navire sur lequel des marchandises de cette nature avaient été clandestinement embarquées était également passible de confiscation. La restitution pouvait toutefois en être obtenue par le propriétaire, s'il était établi que la fraude y avait été cachée à son insu par le patron, le pilote, un timonier ou un matelot[4]. Au Bas-Empire, la condamnation à mort pour crime de contrebande entraînait la confiscation générale des biens. C'était, en effet, presque une trahison, suivant l'expression d'une constitution des empereurs Marcien et Constantin, de porter chez les barbares des armes et d'autres objets dont il importait à la sûreté de l'empire qu'ils ne fussent pas pourvus[5]. 4° L'exportation à destination des pays occupés par les barbares de marchandises prohibées, mais non considérées comme contrebande de guerre.Par une constitution que l'on date généralement de l'année 374 de l'ère chrétienne, les empereurs Valentinien, Valens et Gratien rappellent qu'avant eux l'exportation de l'or était interdite, sans toutefois que les marchands qui contrevenaient à cette défense fussent punis de mort. Ils ne trouvèrent pas, il est vrai, cette législation assez efficace pour empêcher la contrebande de l'or et recoururent au système de répression que nous avons analysé dans le paragraphe précédent. Non jam damnis sed suppliciis subjugentur[6]. Ces peines que nous ne connaissons pas et que la constitution précitée désigne sons le nom de damna, par opposition à supplicia, sont vraisemblablement celles qui étaient édictées en vue de réprimer l'exportation des marchandises prohibées, non comme contrebande de guerre, mais simplement par mesure économique. 5° L'importation ou l'exportation sans déclaration de marchandises soumises à des droits.Les dispositions pénales que nous venons d'étudier datent toutes de l'époque impériale. Elles ont pour but de réprimer, non des contraventions à des lois fiscales, mais la violation de mesures d'ordre public dictées soit par des considérations militaires, soit par des considérations économiques. En somme, elles ne constituent pas l'accessoire nécessaire du système douanier de l'empire romain. Il nous reste donc à étudier les moyens que la loi, ou plutôt que les édits des magistrats donnaient aux publicains pour réprimer les fraudes auxquelles ils étaient exposés. Ces fraudes peuvent se ramener aux deux types suivants : 1° Faire franchir la frontière à une marchandise passible de droits sans la déclarer aux publicains, c'est-à-dire soit en évitant le bureau de perception, soit en la dissimulant au milieu de marchandises exemptes de droits ou passibles d'une taxe beaucoup moins élevée ; 2° Déclarer comme exempte de droits une marchandise soumise à l'impôt, présenter, par exemple, comme esclaves attachés à sa personne, des esclaves destinés au commerce ou à une exploitation agricole. Bien que presque toutes les marchandises fussent soumises à l'impôt, la fraude que l'on tentait le plus fréquemment, celle dont les textes nous ont conservé, par conséquent, le souvenir le plus précis, avait pour objet les esclaves[7]. Il suffisait, en effet, pour éluder le paiement des droits de faire passer un esclave pour un homme libre en le revêtant de la toge, vêtement dont le port était réservé aux citoyens romains. Mais ce procédé à l'aide duquel il était si facile de tromper les publicains, n'était pas sans danger pour le propriétaire de l'esclave, car il pouvait arriver que ce dernier, après avoir franchi le bureau de perception du portorium, se prétendit libre et trouvât un assertor libertatis pour soutenir qu'en lui plaçant sur les épaules la toge romaine, son maitre l'avait affranchi[8]. Pour découvrir la fraude, les Portitores avaient, comme nos douaniers modernes, le droit de vérifier le contenu des ballots de marchandises qui leur étaient présentés et de fouiller les voyageurs, à l'exception toutefois des matrones, c'est-à-dire des femmes de famille patricienne[9] ; ils s'arrogeaient même celui de décacheter les lettres qu'ils pensaient susceptibles de les mettre sur la trace de quelque opération de contrebande[10]. La fraude pouvait être constatée de deux manières, soit au moment même du passage de la marchandise à la frontière, soit, plus tard, à la suite de recherches ou de dénonciations. Occupons-nous d'abord du premier cas, celui qui, naturellement, se présentait le plus fréquemment. Toute marchandise non déclarée ou faussement déclarée était saisie par les Portitores et la propriété en était transférée à la société de publicains ou au fisc suivant que, dans la province où la fraude était pratiquée, l'impôt était en ferme ou en régie. Notre opinion, qui est, d'ailleurs, celle de Cujas[11], n'est pas suivie par la majorité des auteurs qui ont écrit sur les douanes romaines. MM. Humbert, Naquet et Cagnat pensent que la peine du commissum n'était autre que la confiscation dans le sens propre du mot, c'est-à-dire que la propriété de la marchandise saisie passait au fisc et non à la société dont les agents avaient découvert la fraude. Cette doctrine semble résulter d'un texte de Paul dans lequel on lit navis quoque fisco vindicatur[12]. Mais cette loi n'a pas trait à notre sujet. Loin de viser toutes les fraudes tentées par les marchands pour éluder le paiement de droits dus aux fermiers publics, son application est limitée à la répression de crimes commis contre la sûreté de l'État et dont la poursuite appartient à des fonctionnaires publics, stationarii, limenarchæ, etc.[13] Aussi la propriété des marchandises saisies dans ces conditions se trouve-t-elle tout naturellement attribuée au fisc. S'il en avait été de même, en cas d'importation ou d'exportation clandestine de marchandises simplement soumises à des droits, les sociétés de publicains n'auraient eu qu'un bien médiocre intérêt à réprimer la fraude. Le résultat de toute tentative de contrebande eût été de priver les fermiers de l'impôt qui leur était dû, puisque, même en cas de saisie, ils n'auraient eu que la satisfaction purement platonique de déposséder le fraudeur au profit de l'État. Avec un tel système de répression de la contrebande, on ne s'expliquerait pas dans quel but les publicains se seraient exposés à des peines sévères pour saisir illégalement des marchandises, et quel intérêt ils auraient eu à amener, à l'aide de faux renseignements, les voyageurs inexpérimentés à commettre des contraventions. A ces considérations générales viennent se joindre différents arguments de textes : D'après le témoignage de Marcien, Antonin le Pieux décida que lorsqu'on tomberait en contravention, non par fraude mais par erreur, les publicains devraient restituer les esclaves saisis et se contenter du double du droit[14]. Ce texte indique bien que les peines portées contre les contrevenants profitaient non à l'État mais aux fermiers. Un rescrit des empereurs Arcadius et Honorius est encore plus formel : Sales ipsi una cum corum pretio mancipibus addicantur[15]. Tous les impôts et revenus publics désignés sous le nom de vectigalia étant soumis à des règles de perception communes, il importe peu, au point de vue de la destination à donner aux objets saisis, que ce texte soit relatif au monopole du commerce du sel, plutôt qu'au portorium. Quel est l'effet juridique de cette saisie ? Ulpien répond d'une façon très précise à la question : Quod commissum est statim desinit ejus esse qui crimen contraxit dominiumque rei vectigali adquiritur[16]. La saisie est donc un mode d'acquisition lege. Les publicains n'ont aucune action à exercer pour se faire déclarer propriétaires des marchandises qu'ils ont arrêtées pour défaut de déclaration et dont ils n'ont pas abandonné la possession. Les seules actions qui puissent naître à la suite d'une saisie sont celles que la loi ou le préteur accorde aux particuliers qui soutiennent avoir été, sous prétexte de contravention, injustement dépouillés par les agents des publicains. Nous aurons l'occasion de les étudier dans la seconde section de ce chapitre. Peu importe, d'ailleurs, que la marchandise pour laquelle on cherche à éluder l'impôt appartienne ou non à celui qui la transporte. La peine du commissum atteint non les personnes, mais les choses[17]. Tout objet non déclaré est saisissable. Ce principe est rigoureusement appliqué dans toutes ses conséquences. Aussi décidait-on que, lorsqu'une marchandise volée avait été saisie par les publicains, elle ne pouvait plus être revendiquée par son propriétaire[18]. Une loi célèbre par les discussions philologiques auxquelles elle a donné lieu semble cependant faire échec à la règle que nous venons de poser : si unum ex pluribus heredibus rem communem causa vectigalis subripiat, portiones ceteris non auferuntur[19], dit Papinien au XIIIe livre de ses Réponses. Comme le fait remarquer Cujas, celte loi, telle que nous la lisons, pose un principe opposé à celui de la loi qui la précède immédiatement dans la compilation de Tribonien. Si, lorsqu'une chose commune à plusieurs héritiers est saisie par les publicains, ceux-ci en retiennent seulement la portion appartenant au cohéritier auteur de la fraude, il n'est plus exact de dire qu'en notre matière la peine du commissum atteint l'objet de la fraude en dehors de toute considération de propriété. Pénétré de l'idée que ces deux textes se rapportent au même sujet et qu'une antinomie n'est pas admissible, Cujas s'efforce d'expliquer le fragment de Papinien en prenant pour exacte la leçon de la Florentine Rem munem causa vectigalis, leçon que l'on a reproduite après lui dans la plupart des éditions du Digeste. Son explication ne froisse aucun principe de droit si l'on admet avec lui que l'adjectif munis ait existé dans la vieille langue latine et que Papinien ait affecté dans son langage de rechercher les expressions anciennes. Si plures fuerint heredes ejus qui in commissi pœnam incidit, et unus ex eis renz munem vel non immunem vectigalis causa, rem obnoxiam vectigali subripuerit, in eunz solum traitsmitti pœnam, quia nihil pervenit ad cœteros, nullæ sunt portiones, quæ auferri possint cœteris coheredibus. Et rem munem dicit rem munificam ut in l. 4 in fine h. tit. Quod est muneri publico et vectigali subjectum[20]. Mais malgré sa profonde connaissance de l'antiquité romaine, Cujas n'a pu citer un seul exemple de l'emploi du mot munis. D'un autre côté, le passage des Basiliques[21] où se trouve reproduit le texte de Papinien emploie l'expression de τό κοινόν qui traduit rem communem et non rem munem, en admettant que ces mots fussent synonymes de rem munificam. Le témoignage si précis des auteurs byzantins a fait abandonner la leçon de la Florentine et par suite l'ingénieuse interprétation de Cujas. Il nous reste donc à rechercher comment on peut expliquer le premier paragraphe de la loi 8 sans violer le principe en vertu duquel toute marchandises saisie par les portitores est définitivement acquise aux fermiers de l'impôt, que le délinquant soit ou non propriétaire de la marchandise qu'il transportait. La traduction de la loi 8 est trop facile et trop sûre pour que nous ayons l'espoir d'arriver à une conciliation, alors surtout que Cujas ne l'a obtenue que grâce à une incorrection. Nous ne croyons pas, d'ailleurs, cette conciliation nécessaire. L'explication littérale de la loi 8 ne viole pas, d'une façon générale, les principes du droit. Appliquée à une autre matière qu'au portorium son interprétation ne présenterait pas de difficulté. Or, pour plusieurs motifs que nous allons énumérer, elle nous semble se rapporter à l'impôt sur les successions plutôt qu'aux douanes et aux péages. D'abord, ce n'est pas sous le titre de Portorio, mais sous le titre plus large de publicanis et vectipalibus et commissis que cette loi est écrite. En second lieu, le XIIIe livre des Réponses de Papinien dont elle est extraite, étant consacré à l'étude de la quarte de Falcidie, il est beaucoup plus naturel de supposer que les questions fiscales qui s'y trouvent traitées sont du domaine de la vicesima hereditatis que de celui du portorium. Enfin, au lieu de se servir de l'une des expressions que l'on rencontre dans les textes relatifs au portorium, le jurisconsulte emploie le verbe subripere dont on retrouve précisément le synonyme dans un texte qui se rapporte certainement, — nous aurons l'occasion de le démontrer bientôt, — à la vicesima hereditatis[22]. On objectera, sans doute, à notre système que la vicesima hereditatis a été supprimée par Constantin et que rien ne justifie, dès lors, l'insertion au Digeste et aux Basiliques d'un texte relatif à cet impôt. Cette objection suffirait à faire rejeter l'explication qui précède si, avec la vicesima hereditatis, avait disparu toute taxe sur les héritages ; mais les constitutions impériales nous apprennent que cet impôt a laissé une trace dans l'ordre des Curiales, la Lucrativa descriptio, redevance imposée au profit de la curie aux héritiers des décurions qui ne sont pas eux-mêmes décurions[23]. Il ne suffisait pas, pour assurer la répression de la contrebande, de décider que la propriété d'une marchandise saisie pour contravention aux lois de douane passait immédiatement à l'État, à la cité, ou aux fermiers de l'impôt, il fallait fournir aux fonctionnaires ou aux agents des fermiers le moyen de poursuivre les fraudes qui n'avaient pu être constatées à la frontière, mais qui leur étaient plus tard dénoncées. Pour arriver à ce résultat sans créer au profit du fisc, des cités ou des publicains une action spéciale, on eut recours à la fiction suivante : Toute marchandise non déclarée, c'est à dire in causa commissi est considérée comme acquise, dès le moment de la contravention, à la personne juridique (État, cité ou société de publicains) qui a été victime de la fraude[24]. Il s'ensuit que les représentants de cette personne peuvent réclamer la marchandise dont il s'agit, soit au contrevenant, soit à ses héritiers, soit à des tiers, par la voie de l'action en revendication[25]. Rigoureusement appliquée, cette fiction eût apporté un tel trouble dans la propriété des choses mobilières que les empereurs durent, par des décisions spéciales, en tempérer les effets. Aussi Sévère et Antonin décidèrent-ils : 1° Que l'esclave in causa commissi qui aurait été affranchi sans fraude ne pourrait être privé de la liberté[26] ; 2° Que lorsqu'un objet également in causa commissi cesse d'exister, sans que sa perte résulte d'un dol, celui qui en était possesseur ne peut être condamné à en payer la valeur[27] ; 3° Que l'action en revendication ratione commissi ne peut être intentée que dans le délai de cinq ans à dater du jour où la fraude a été commise[28]. Il s'agit ici d'une prescription spéciale établie au profit du contrevenant, de ses héritiers ou des tiers qui ne seraient pas in causa usucapiendi, car l'action des publicains s'éteint naturellement avant le délai de cinq ans si la res commissa a été usucapée. A cette occasion, il convient de remarquer que la peine du commissum est la seule qui puisse atteindre une personne restée complètement étrangère à la fraude. Ce résultat est dû à la fiction écrite dans la loi 14. Pour les autres peines, nous dirions en style moderne, pour les amendes que la loi accorde à titre de réparation pécuniaire aux fermiers ou à la régie, on rentre dans le droit commun : Pœnæ ab heredibus peti non possunt, si non est quæstio mota vivo eo qui deliquit : et hoc sicut in cæteris pœnis, ita et in vectigalibus est[29]. Ce retour aux règles du droit commun n'a, toutefois, pas d'application en matière de portorium ; car les contraventions que nous venons d'étudier ne comportent pas les amendes du double ou du quadruple droit auxquelles fait allusion le passage précité de Marcien. Le seul texte où se trouve mentionnées ces peines du double et du quadruple droit est un passage du fragment de jure fisci[30]. Les auteurs qui ont eu l'occasion de le citer le rattachent à la matière du portorium, à cause de l'analogie apparente qu'il présente avec un texte qui se rapporte évidemment à cet impôt[31] ; mais ils seraient fort embarrassés de concilier ces deux textes entre eux et surtout le passage du de jure fisci avec les nombreux textes relatifs au portorium. Suivant Marcien, la peine du double droit est substituée, par faveur, à celle du commissum lorsqu'il est établi que la contravention, au lieu d'avoir été commise avec intention de fraude, est le résultat d'une simple erreur. Suivant l'auteur du de jure fisci qui est certainement contemporain de Marcien et que l'on suppose être Ulpien, la même peine serait appliquée à celui qui aurait soustrait, par fraude, une marchandise au paiement des droits. D'un autre côté, tandis que tous les jurisconsultes et les écrivains qui ont touché à ce sujet reconnaissent que l'absence de déclaration ou la présentation d'une déclaration inexacte entraîne l'application d'une peine analogue à la confiscation, le fragment du de jure fisci décide que ces infractions sont punies du paie ment d'une somme égale au double ou au quadruple du droit fraudé. Ces remarques suffiraient déjà à prouver que le texte dont il s'agit n'a pas trait au portorium, mais d'autres arguments nous permettront d'établir qu'il est relatif à la vicesima hereditatis. D'abord, un passage du panégyrique de Trajan nous apprend que les peines du double et du quadruple droit étaient infligées à ceux qui cherchaient à éluder l'impôt[32]. En second lieu, l'expression quadruplum fisco dependitur suppose nécessairement que l'impôt fraudé est perçu directement par des agents du fisc. Or, à l'époque d'Ulpien les impôts de douane étaient affermés tandis que le recouvrement de la vicesima hereditatis était confié à des fonctionnaires impériaux. Quelques décisions spéciales ont atténué les rigueurs de la peine du commissum : 1° Sévère et Antonin en exemptèrent les militaires, et, en leur promettant l'impunité, les engagèrent à payer les droits qu'ils auraient essayé d'éluder[33]. 2° Marc-Aurèle et L. Verus décidèrent qu'il serait fait remise au pupille de la peine du commissum s'il payait dans les trente jours de la contravention les droits qu'il avait cherché à frauder[34]. Toutefois, le bénéfice de cette exception devait être réservé au pupille qui était propriétaire de l'objet tombé in commissum ; car, s'il avait suffi pour l'obtenir que la contravention fût constatée contre un impubère sui juris, on n'aurait pas manqué de se servir de ces enfants pour tenter impunément la fraude. 3° Antonin le Pieux décida qu'un mineur de vingt-cinq ans qui conduit des esclaves destinés à son usage et qui commet, par erreur, une fausse déclaration ne doit pas être condamné[35]. Les mineurs de vingt-cinq ans n'ayant pas droit à la restitutio in integrum lorsque la lésion dont ils souffrent résulte de leur délit ou de leur dol[36], Antonin le Pieux a naturellement limité sa faveur au cas où la contravention résulte d'une simple erreur et ne peut, par conséquent, faire prononcer contre un majeur que la condamnation au double droit. 4° Aux termes d'un rescrit des empereurs Sévère et Antonin, l'esclave tombé in commissum doit être rendu à son maître moyennant le paiement de la somme à laquelle il est estimé viri boni arbitratu dans les deux cas suivants : 1° lorsqu'il est chargé de la gestion des affaires de son maitre[37] ; 2° quand accusé d'avoir corrompu la femme de son maître ou commis un crime plus grave, il a été reconnu coupable par le Procurator Cæsaris[38]. Cette faveur accordée à certains contrevenants s'explique d'autant mieux que l'ancien propriétaire d'une marchandise saisie a toujours eu le droit de la racheter[39]. Les dispositions que nous venons d'analyser sont dictées par un sentiment de bienveillance à l'égard de certaines personnes, mais elles supposent toutes qu'il y a eu fraude ou inobservation de la lex censoria. Il ne faut donc pas confondre avec elles certaines réponses des empereurs qui étaient consultés sur le point de savoir si un objet était ou non in causa commissi. C'est dans ce dernier ordre d'idées qu'ils décidèrent : 1° Que l'esclave fugitif qui franchit les limites d'une circonscription douanière ne tombe pas in commissum[40] ; 2° Que les marchandises que la tempête oblige à déposer sur le rivage ne peuvent être revendiquées par les publicains[41] : 3° Que le pécule de l'esclave saisi n'appartient pas aux saisissants[42] ; 4° Que la marchandise déclarée, mais dont les droits n'ont pas été acquittés, du consentement du publicain, ne tombe pas in commissum[43]. Dans ces quatre cas, il n'y a pas saisie, parce qu'il n'y a pas fraude. Plusieurs auteurs modernes ont pensé que les Portitores pouvaient saisir même les marchandises exemptes de droits, lorsqu'elles n'étaient pas déclarées. Leur opinion se fonde sur deux arguments : le premier résulte du rapprochement de la loi 203 de Verborum significatione et de la loi 16 § 3 de Publicanis et vectigalibus. Tandis que Alfenus Varus pose en principe que les esclaves que l'on conduit pour son usage personnel sont exempts de droits, Marcien décide que ces mêmes esclaves pourront être saisis pour défaut de déclaration s'ils n'ont pas encore un an de service en ville. Le second argument est tiré de la célèbre inscription de Tyra, dont un passage impose aux habitants de cette ville l'obligation de déclarer les marchandises qu'ils importent ou exportent, bien qu'ils soient dispensés du paiement du portorium[44]. Ces arguments ne nous paraissent pas convaincants ; nous pensons qu'on n'a pas assez tenu compte du commentaire d'Alfénus Varus sur le passage de la lex censoria relatif aux esclaves conduits par leur maitre suo usu. Cette expression n'embrasse pas, ainsi que l'explique le jurisconsulte, tous les esclaves que l'on achète autrement que pour les revendre, par exemple, ceux que l'on attache à une exploitation agricole ou industrielle ou ceux auxquels on confie la surveillance de ses immeubles ; elle doit, au contraire, être réservée aux esclaves exclusivement attachés à la personne de leur maître tels que les parfumeurs, les valets de chambre, les cuisiniers et les domestiques chargés de fonctions analogues. Mais la règle posée par Alfénus n'aurait pas été applicable dans la pratique si l'on n'avait pas adopté un moyen de distinguer à priori quels étaient les esclaves attachés à la personne de leur maître et quels étaient ceux qui ne pouvaient être considérés comme tels. Les censeurs furent, dès lors, amenés à établir cette distinction. Or, comme un esclave n'acquiert pas, en un jour, l'habileté suffisante pour être attaché, en qualité de valet de chambre, cuisinier, parfumeur ou secrétaire, à la personne de son maître, on conçoit très bien que ces magistrats aient exigé que l'esclave eût une année de service en ville pour pouvoir être rangé dans la catégorie des mancipia veterana et bénéficier de l'exemption d'impôt accordée à ceux qui étaient affectés à des fonctions purement domestiques. Quant aux mancipia usualia novicia ils restent soumis aux droits et sont, par suite, saisissables lorsqu'ils ne sont pas déclarés aux Portitores. Il n'est donc pas nécessaire de chercher à démontrer que les marchandises exemptes de droits sont elles-mêmes susceptibles de tomber in commissum pour expliquer le § 3 de la loi de Marcien. Quant à l'obligation imposée aux habitants de Tyra de déclarer les marchandises qu'ils importaient ou exportaient, bien qu'ils fussent dispensés du paiement du portorium, on ne saurait en conclure que, d'une façon générale, tout ce qui est exempt de droits fût soumis à la formalité de la déclaration. Tandis que les objets destinés à l'usage des particuliers, les attelages ou autres moyens de transport et les instruments de culture sont exempts de droits par leur nature, les marchandises dont les habitants de Tyra font le commerce n'en sont dispensées qu'exceptionnellement, sur un point déterminé du territoire romain et en raison de la qualité des personnes auxquelles elles sont expédiées. Il n'est donc pas étonnant qu'on ait exigé pour elles la production d'une déclaration analogue à celle qui devait accompagner les marchandises expédiées aux gouverneurs des provinces ou à leurs procurateurs[45]. Ce sujet a dû toutefois donner lieu à des controverses qui n'avaient pas encore complètement cessé à l'époque de Quintilien, car cet auteur pose, malheureusement sans la résoudre, la question de savoir an non ostensi teneri possint, quum ostensi nihil debuerint[46]. La fraude qui échappe quelquefois aux Portitores chargés de la surveillance de la
frontière peut leur être dénoncée plus tard. Dans ce cas, l'actor societatis réclame, par la voie de
l'action en revendication, la marchandise dont la propriété est acquise à la
société, en vertu de la fiction de la loi 14, dès le moment où la
contravention a été commise. Il a un délai de cinq ans pour intenter cette
action[47]. Indépendamment du droit de saisie et de l'action en revendication qui leur permettent de réprimer la contrebande, les publicains sont protégés contre tout trouble apporté à l'exercice de leurs fonctions par l'interdit de loco publico fruendo[48]. SECTION II. — ACTIONS DONNÉES CONTRE LES PUBLICAINS ET PEINES PORTÉES CONTRE LES EXACTEURS. L'histoire romaine est pleine du récit des exactions des publicains et des collecteurs d'impôts. Tant que le pouvoir judiciaire fut aux mains des chevaliers, il fut impossible, même en Italie, d'obtenir justice contre les fermiers publics. Aussi Cicéron reconnaît-il que le peuple vota la suppression des portoria moins à cause du poids de l'impôt que de la façon vexatoire dont il était perçu[49]. Quant aux provinciaux, ils étaient exposés sans défense à la cupidité des publicains. Le plus souvent le proconsul ou le propréteur, qui avait hâte de s'enrichir pendant la durée de son commandement et de payer les frais de son élection au consulat ou à la préture, se faisait l'auxiliaire des fermiers ; et, lorsqu'un gouverneur de province, par haine de l'ordre des chevaliers plutôt que par esprit d'équité, rendait justice aux provinciaux dans leurs procès avec les publicains, ceux-ci ne manquaient pas, à son retour à Rome, de faire porter contre lui une accusation de prévarication dont leurs amis étaient juges[50]. L'impuissance des pouvoirs publics à réprimer les exactions des fermiers, et plus tard des fonctionnaires chargés de la perception de l'impôt, explique les lois d'exception portées contre eux et la sévérité excessive des peines dont les menaçaient les constitutions des souverains du Bas-Empire. Armés du droit de saisir les marchandises non déclarées ou faussement déclarées, et cette saisie leur conférant la propriété de tous les objets qu'elle atteignait sans qu'il fût nécessaire de la faire suivre, comme dans notre droit moderne, d'un jugement de confiscation, les publicains étaient naturellement enclins à abuser de ce pouvoir exorbitant et à s'emparer, sous prétexte de contravention, des marchandises qui leur étaient présentées. Avant la publication de l'édit dont nous allons étudier les dispositions, les voyageurs devaient, pour obtenir réparation, recourir aux actions du droit commun, le plus souvent à l'actio vi bonorum raptorum par laquelle ils pouvaient obtenir le quadruple de la valeur de la chose dont ils avaient été injustement dépouillés. Mais comme les grands personnages qui remplissaient à Rome les fonctions de nos anciens fermiers généraux, ne se livraient pas eux-mêmes aux actes de rapine dont ils profitaient et auxquels ils excitaient probablement leurs agents, il arrivait, le plus souvent, que l'action du voyageur dépossédé était dirigée soit contre un esclave fugitif recueilli par les publicains, soit contre un esclave sans valeur dont l'actor societatis s'empressait de faire l'abandon noxal, soit contre un homme libre insolvable. Ulpien qui, dans son commentaire sur l'édit, ne ménage pas les publicains, nous apprend, en effet, qu'ils prenaient volontiers à leur service des esclaves vagabonds et d'autres gens sans aveu[51]. Enfin, soit qu'il voulût faire mettre à la torture l'esclave qui avait illégalement saisi ses marchandises, soit qu'il ne connût pas son nom, le demandeur était obligé d'agir préalablement ad exhibendum. Or, actio ad exhibendum ne pouvant être utilement intentée que contre celui qui possède ou qui s'est mis par dol dans l'impossibilité d'exhiber, le publicain échappait à toute condamnation lorsqu'il avait sans dol vendu ou affranchi l'esclave coupable, ou lorsque celui-ci avait pris la fuite[52]. C'est pour remédier à ces conséquences des actions du droit commun que, par une disposition de l'édit dont Ulpien rapporte le texte, le préteur créa une action spéciale contre les publicains : Quod publicanus ejus publici nomine vi ademerit quodve familia publicanorum, si id restitutum non erit, in duplum aut, si post annum agetur, in simplum judicium dabo. Item si damnum injuria furtumve factum esse dicetur judicium dabo. Si id ad quos ea res pertinebit non exhibebitur, in dominos sine noxœ deditione judicium dabo[53]. On s'est demandé, dit M. Jousserandot, pourquoi un édit particulier destiné à. réprimer les dommages, les vols simples, les vols accompagnés de violence, dont les publicains ou leurs esclaves se rendaient coupables, lorsque le préteur a pourvu à la répression de ces délits d'une manière générale. Il est d'autant plus difficile de
justifier pour ce cas particulier une loi d'exception, qu'Ulpien qui pose la
question et dit que le préteur a eu pour but de réprimer l'audace et
l'impudence des publicains, reconnaît que la peine portée par l'édit est plus
douce, puisque l'action n'est donnée qu'au double, tandis qu'elle est donnée
au quadruple pour les mêmes délits commis par d'autres personnes. De plus le
publicain a la faculté de restituer ce qui a été enlevé, et cette restitution
met à néant non seulement l'action résultant de l'édit mais l'action pénale.
Cette conséquence a paru tellement étrange aux commentateurs qu'ils se sont
demandé si, au lieu d'avoir recours à cet édit, on ne pourrait pas user des
voies ordinaires ; et Pomponius avait répondu affirmativement ; car, dit
Ulpien, il est absurde de penser qu'on ait voulu rendre la situation des
publicains meilleure que celle des autres coupables. Dès lors n'y a-t-il pas
contradiction entre cette déclaration d'intentions sévères et l'indulgence
relative dont use l'édit. Il y a là évidemment une lacune que, dans l'état de
nos sources, il est impossible de combler[54]. Nous sommes loin de partager l'opinion de M. Jousserandot qui ne voit que contradictions dans le titre de publicanis et vectigalibus. Il est facile, du reste, de combler la lacune qu'il signale, en comparant avec le droit commun les règles spéciales à l'édit contre les publicains ; car il résultera de cette comparaison que, si cet édit prononce une peine moins sévère que celles auxquelles donnent lieu les actions vi bonorum raptorum, furti manifesti et legis Aquiliæ, il a pour effet de permettre aux personnes lésées par les esclave sou les hommes libres attachés à la perception d'un impôt mis en ferme, d'obtenir réparation des fermiers alors que les actions du droit commun ne leur en donnent pas le moyen. Pour mettre ce point en lumière, nous allons analyser le fragment de l'édit rapporté par Ulpien et rechercher, dans le commentaire de ce jurisconsulte, les effets de l'actio adversus publicanos qui dérogent au droit commun. Le préteur commence par définir le délit, quod publicanus ejus publici nomine vi ademerit, quodve familia publicanorum ; ces paroles visent bien la saisie injustement pratiquée par les publicains ou leurs agents, délit qui, en droit commun, donnerait ouverture à l'actio vi bonorum raptorum. Puis, il indique la condition d'exercice de cette action, si id restitutum non erit, et fixe la quotité de la peine au double ou au simple du id quod interest, suivant que l'action est intentée pendant ou après le délai d'un an. Il ajoute dans une seconde phrase qu'il donnera une action dans les mêmes conditions, c'est à dire, si id restitutum non erit, in duplum mit, si post annum agetur, in simplum, lorsque le demandeur prétendra avoir été victime du damnum legis Aquiliæ ou d'un vol[55]. Après avoir fait connaître les différents cas dans lesquels il donnera l'action qu'il vient de créer, le préteur revient à une règle relative au mode d'exercice de cette action et il déclare que, lorsque le délit aura été commis par des esclaves et que ceux-ci n'auront pas été exhibés, il refusera au maitre le bénéfice de l'abandon noxal. C'est dans cette obligation d'exhiber et dans l'étendue donnée, pour le cas particulier, au mot familia que réside le caractère tout exceptionnel de l'action contre les publicains. Remarquons d'abord qu'ici le mot publicain n'est pas pris dans son sens vulgaire. Ce n'est pas le portitor qui visite les marchandises et fouille les voyageurs ; mais le fermier public qui publico fruitur[56] ; c'est le maître des portitores, maître dont la responsabilité sera beaucoup plus étendue que ne l'est en droit commun celle d'un propriétaire d'esclaves. Ulpien ajoute, d'ailleurs, que ce qu'il a dit des maîtres doit s'entendre des socii vectigalis, bien que ceux-ci ne soient pas les maîtres des esclaves de la société[57]. Dans l'édit que nous étudions, le mot familia désigne non seulement la réunion des esclaves des publicains, mais l'ensemble des agents qui sont préposés à la perception de l'impôt, esclaves de la société, esclaves étrangers ou hommes libres. A l'inverse, cette désignation ne s'étend pas aux esclaves appartenant aux fermiers, mais qui ne font pas partie du personnel chargé de l'exploitation de la ferme[58]. Quant à l'obligation d'exhiber écrite dans cet Mit, elle donne au demandeur un droit bien plus étendu que celui qu'il puiserait dans l'actio ad exhibendum. Le demandeur n'a qu'à désigner, dès le début de l'instance l'esclave ou les esclaves dont il désire obtenir l'exhibition. Il peut même exiger que, pour faciliter la recherche du coupable, le maure les exhibe tous[59]. Le défendeur ne peut pas, comme dans l'actio ad exhibendum se soustraire aux conséquences de l'obligation d'exhiber en prouvant qu'il n'a plus l'esclave en sa possession. Qu'il puisse ou non l'exhiber, il sera considéré comme ne satisfaisant pas à son obligation s'il ne le représente pas[60]. Il y a contre lui une sorte de présomption de dol à laquelle il n'échappe que par la mort de l'esclave coupable[61]. Que celui-ci ait été vendu, affranchi ou qu'il ait pris la fuite, le maitre n'en est pas moins responsable de son fait[62]. Car les publicains manquent à leurs devoirs en prenant à leur service une bande d'esclaves prêts à tous les crimes[63], et font preuve de mauvaise foi en employant sciemment dans leur exploitation des esclaves vagabonds[64]. Il résulte de cet édit que, sauf le cas où l'auteur du délit est un esclave décédé avant que l'action ait été intentée, les fermiers ne peuvent jamais échapper aux conséquences des exactions commises par leurs agents. Si le coupable est un homme libre, le demandeur a une action au double contre les socii vectigalis, car, d'une part, l'homme libre attaché à l'exploitation d'un impôt mis en ferme fait partie de la familia publicanorum et, d'autre part, il ne peut être l'objet d'un abandon noxal. Si c'est un esclave qui a pris la fuite après sor crime ou qui, pour tout autre motif, n'est plus à la disposition des fermiers, ces derniers sont également tenus d'une action au double tandis qu'ils auraient échappé aux actions du droit commun. Si l'auteur du délit est, au contraire, un esclave attaché d'une façon permanente à l'exploitation et ayant, par suite, une certaine valeur, les fermiers peuvent en faire l'abandon noxal et se soustraire ainsi à toute condamnation. Mais, dans ce dernier cas, il devait souvent arriver que les publicains préféraient subir la condamnation dont ils étaient menacés que de se défaire d'un esclave ayant l'expérience de ses fonctions et capable, dès lors, de leur rendre d'utiles services. C'est alors que le demandeur avait intérêt à recourir à une action du droit commun entraînant une condamnation au quadruple. En raison même de la personnalité que l'édit du préteur attribue à la familia publicanorum, il importe peu que le délit ait été commis par un ou par plusieurs esclaves. Le négociant lésé n'aura pas, à moins qu'il recoure au droit commun, autant d'actions qu'il y a d'esclaves coupables. Il aura, sous les conditions spéciales à cet édit, une action au double ou au simple suivant qu'elle sera intentée pendant ou après l'année du délit ; il sera donc, comme le fait remarquer Ulpien, dans la même situation que s'il avait été victime d'un délit commis par un homme libre au service des publicains[65]. Après avoir examiné les conditions d'exercice de l'actio adversus publicanos, il nous reste à en étudier la nature. La clause si id restitutum non erit, une analogie apparente avec l'actio ad exhibendum et la différence qu'elle présente avec les actions délictuelles ordinaires, dans le cas où le délit a été commis par plusieurs esclaves, l'ont fait considérer par Cujas et, tout récemment par M. Ledru[66], comme appartenant à la catégorie des actions arbitraires ; mais de Savigny lui restitue son véritable caractère d'action pénale : on ne doit pas, dit-il[67], ranger parmi les actions arbitraires l'actio adversus publicanos, car si la restitution libérait de la pœna dupli, l'édit lui-même n'entendait par là qu'une restitution ante judicium acceptum (loi 5 eod. tit.), et dès lors il ne pouvait avoir lieu à un arbitrium avant le jugement. Il est vrai qu'après avoir posé le principe que la peine
doit être subie si la restitution n'a pas lieu ante
judicium acceptum, Gaïus ajoute sed
tamen absolvendus est etiam qui post acceptum judicium restituere paratus est
; mais il ne s'ensuit pas que, dans la pensée de ce jurisconsulte, l'action
que nous éludions fût arbitraire, car, bien que l'école sabinienne dont il
fut l'un des derniers représentants et dont Justinien adopta l'opinion sur ce
point, ait posé la règle omnia judicia
absolutoria sunt, il ne faudrait pas croire, comme le fait
remarquer de Savigny que, dans l'opinion des
Sabiniens, toutes les actions fussent arbitraires. Eux aussi reconnaissaient
que le signe distinctif des actions arbitraires était, dans une prestation
déterminée, imposée au défendeur par l'arbiter avec menace, en cas de
désobéissance de procéder au jugement[68]. On peut donc, sans hésiter, s'appuyer sur la première phrase du principium de la loi 5 pour décider que l'actio adversus publicanos n'est pas arbitraire. Au point de vue de la classification des actions en actions rei persequendæ gratia, pénales et mixtes, l'actio adversus publicanos rentre dans la catégorie des actions mixtes puisqu'elle n'entraîne après l'année du délit que la condamnation au simple[69]. Elle offre, d'ailleurs, ce caractère commun avec la plupart des actions mixtes (exception faite bien entendu de l'actio logis Aquiliæ) qu'elle n'est pas donnée autant de fois qu'il y a de personnes coupables du délit. Elle ne s'éteint pas, il est vrai, par une seule poursuite, mais elle ne permet d'obtenir qu'une seule satisfaction[70]. Les textes que nous venons d'analyser suffisent à faire connaître l'actio adversus publicanos. On pourrait donc, si l'on s'en tenait absolument à l'étude de cette action, s'abstenir de citer le § 5 de la loi 9 de publicanis et vectigalibus. C'est ce qu'ont fait Baudi di Vesme[71] et M. Vigié. D'autres auteurs se sont bornés à rappeler les dispositions de ce passage de Paul sans chercher à les concilier avec les autres textes du même titre[72]. Enfin, M. Jousserandot a déclaré que le texte dont il s'agit était en contradiction avec l'édit analysé par Ulpien, et que Paul ne pouvait, dès lors, avoir eu en vue que l'actio vi bonorum raptorum. Sans oser prétendre, comme Justinien, qu'il n'existe aucune contradiction dans le Digeste, nous pensons qu'il faut se défendre contre la tendance qu'ont certains auteurs à déclarer qu'il y a antinomie entre deux textes, dès qu'ils éprouvent de la difficulté à les concilier. Pour qu'il puisse y avoir contradiction entre deux dispositions pénales, il faut qu'elles traitent absolument du même délit. Or, comme nous l'avons expliqué plus haut, l'actio adversus publicanos a surtout en vue la répression des saisies illégales, et des vols commis sur les marchandises déclarées par les voyageurs. C'est à ces actes que font allusion les textes relatifs à l'édit que nous venons d'étudier. Le fragment de Paul que l'on oppose à ces textes suppose, au contraire, que par habileté ou par violence, les publicains se sont fait payer par les redevables plus qu'il ne leur était dû. Il y a certainement une grande analogie entre ce procédé et celui qui consistait à saisir, sous prétexte de contravention, une marchandise exactement déclarée. Aussi pensons-nous que la jurisprudence a étendu à ce genre d'exactions les peines portées par l'édit contre les publicains, c'est à dire la condamnation au double dans l'année du délit et au simple après cette année : Quod illicite publice privatimque exactum est, cum altero tanto passis injuriam exsolvitur[73]. Mais lorsque les portitores avaient eu recours à des violences pour se faire payer plus qu'il ne leur était dû, une action spéciale était ouverte au voyageur lésé. C'était l'actio de Calumnia[74], action mixte qui comprenait dans la condamnation au quadruple la réparation du préjudice causé[75]. Cette action ressemblait non seulement sous ce rapport à l'actio adversus publicanos, mais, comme cette dernière, elle se réduisait au simple quand elle était exercée après l'année du délit[76]. Ce caractère commun à toutes les actions pénales prétoriennes[77] explique d'ailleurs pourquoi Paul n'a pas ajouté au premier membre de sa phrase qui est relatif à l'actio adversus publicanos la restriction si post annum agetur in simplum judicium datur. Ces rappels aux règles générales se trouvent dans le texte des édits où les Romains avaient l'usage de ne pas s'épargner les répétitions ; mais on ne les rencontre pas dans les commentaires des jurisconsultes. Ulpien, par exemple, se dispense de rappeler, lorsqu'il compare les actions adversus publicanos, et vi bonorum raptorum, qu'elles se réduisent au simple après une année utile. Loin de contredire les autres textes du titre de publicanis et vectigalibus, le fragment de Paul, que nous venons d'analyser, ne fait donc qu'en confirmer les dispositions. Si le publicain coupable mourait avant la litis contestatio, l'action n'était donnée contre ses héritiers que dans la limite de leur enrichissement[78]. Ce n'était là, d'ailleurs, que l'application d'une règle commune à toutes les actions pénales et mixtes. La loi 9 que nous venons d'étudier est la plus ancienne de celles qui font mention d'une peine publique édictée contre les publicains qui se seraient rendus coupables d'exactions. Cette peine est prononcée extra ordinem et sa fixation dut être, à l'origine, laissée à l'appréciation du juge. C'est, du reste, ce qui résulte de deux lois qui datent du début du règne de Constantin, et par lesquelles ce prince prescrit de punir les exacteurs avec une juste sévérité[79]. Ces mesures furent impuissantes à modifier un état de choses qui était inhérent au système d'administration des Romains. Aussi le même prince ordonna-t-il que la peine de mort fût prononcée contre les publicains qui auraient exigé des provinciaux des droits supérieurs à ceux inscrits dans le cahier des charges de la location[80]. Les empereurs Arcadius et Honorius renouvelèrent les mêmes prescriptions[81]. Mais cette sévérité excessive, qui ne mit d'ailleurs pas fin aux exactions des collecteurs d'impôts, ne se retrouve plus dans la législation de Justinien. Une loi attribuée à Constantin et dont le texte a vraisemblablement été interpolé, punit simplement les mêmes crimes de l'exil perpétuel[82]. Il ne faut pas confondre avec les dispositions que nous venons d'étudier et qui visent spécialement les exactions commises par les agents des publicains certaines lois ou sénatus-consultes destinés à réprimer les prévarications des magistrats. C'est dans ce dernier ordre d'idées seulement que nous citerons un S.-C. qui menace des peines de la loi Julia de ambitu, c'est à dire de l'infamie et d'une amende de cent aurei, quiconque aura créé de nouveaux impôts[83], et le texte qui punit de l'interdiction de l'eau et du feu, comme ayant contrevenu à la loi Julia de vi publica, ceux qui auront perçu ou fait percevoir ces nouveaux impôts[84]. |
[1] Loi 1, Code Justinien, IV, 40.
[2] Loi 4, Code Justinien, IV, 63.
[3] Loi 2, Code Justinien, IV, 40.
[4] Loi 11 princ. et § 2, Digeste, XXXIX, 4.
[5] Loi 2, Code Justinien, IV, 41.
[6] Loi 2, Code Justinien, IV, 63.
[7] Loi 16 princ. et § 1, 2, 3 et. 4, Digeste, XXXIX, 4.
[8] Suétone, De claris rhetoribus, I. — Quintilien, Declam., CCCXL.
[9] Quintilien, Declam., CCCLIX. — Burmann, De vectigalibus populi romani, page 57.
[10] Plaute, Trinummus, III, 3,
84.
[11] Cujas, Comment., in. Cod.
Just., IV, 61.
[12] Loi 11, § 2, Digeste, XXXIX, 4.
[13] Loi 11, § 2.
[14] Loi 16, § 10, Digeste, XXXIX, 4.
[15] Loi 11, Code Justinien, IV, 61.
[16] Loi 14, Digeste, XXXIX, 4. — Ce texte pose en même temps le principe d'une fiction de droit sur l'étendue de laquelle nous aurons l'occasion de revenir.
[17] Loi 7 princ., Digeste, XXXIX, 4.
[18] Quintilien, Declam., 341.
Nous considérons la solution donnée par Quintilien comme admise en droit romain. Telle n'est cependant pas l'opinion que Burmann développe dans une note de son édition de Quintilien que nous reproduisons ci-après : Quæ hic pro publicanis dicuntur, probabiliter et oratorie dicuntur. Cæterum et alio jure utimur, vel si res furtiva non ait. Nam iniquum est dominum re sua privari, abaque. facto et culpa sua. Paulus de Public : Dominus navis... Idem a Justiniano rescriptum est, Constitutio 131 § si quis dorai sua. A Constantino, C. de Falsa monta. Ab Accursio notarum ad 1. 2 C. de navibus non excusan. Causarum tamen et criminum habenda aligna ratio est. Sed ubi res non professa, alio etiam vitio laborat, puta, furtive est, eut servus fugitivus est, nulla jam dubitatio est, rem domino auferri non posse. Nam ex lege XII, rei furtivæ perpetua est auctoritas... De fugitivo servo a divo pio sæpissime rescriptum est, l. interdum Dig. de Publicanis.
Nous reconnaissons avec Burmann que la doctrine de Quintilien froisse l'équité ; mais est-ce un motif pour décider qu'elle n'a pu être admise en droit romain ? Nous n'hésitons pas à répondre : non. Notre droit moderne respecte l'équité autant que le droit romain classique et beaucoup plus quo le vieux droit romain. On y admet cependant la doctrine que Burmann rejette uniquement parce qu'elle conduit à un résultat injuste.
Nous ne discuterons pas les nombreux textes cités par cet auteur et à l'aide desquels il établit que la loi romaine ne rendait pas le propriétaire d'une chose responsable des délits commis à l'occasion de cette chose. On pourrait multiplier à l'infini les exemples de ce genre. Ils constituent nécessairement la règle générale dans toute législation intelligente. Quant à l'argument tiré de la loi 16, § 4, De publicanis et vectigalibus, il ne nous parait pas concluant. Il n'existe, au point de vue où nous devons nous placer, aucune analogie entre un esclave fugitif et un objet volé. Il est en effet facile d'apercevoir dans le transport d'un objet volé un acte de commerce pouvant donner lieu à une fraude en matière de douane, tandis que l'on ne saurait dire qu'un esclave, qui en fuyant la maison de son maître franchit les frontières d'une province, lèse les intérêts de la société de publicains qui a affermé les revenus du portorium de cette province. Dans l'hypothèse prévue par le rescrit d'Antonin le Pieux, il n'y a pas lieu à saisie parce qu'il n'y a pas fraude ; dans l'autre, au contraire, il y a fraude et, par suite, application de la peine du commissum.
[19] Loi 8, § 1, Digeste, XXXIX, 4.
[20] Cujas, in lib. XIII. Respons. Papin.
[21] Basiliques, LVI, 1, 8.
[22] Fragm., De jure fisci, § 18.
[23] Code Théodosien, XII, 4 ; Code Justinien, X, 35. Poisnel, Recherches sur l'abolition de la vicesima hereditatium. Extrait des mélanges d'archéologie et d'histoire, publiés par l'École française de Rome, 3e année, fascicule IV.
[24] Loi 14, Digeste, XXXIX, 4.
[25] Loi 8 princ. ; loi 11, § 3, Digeste, XXXIX, 4.
[26] Loi 1, Code Justinien, IV, 61.
[27] Loi 2 in fine, Code Justinien, IV, 61.
[28] Loi 2, Code Justinien, IV, 61.
[29] Loi 16, § 13, Digeste, XXXIX, 4. Il s'agit bien entendu dans cette matière d'actions pénales civiles. Dans ces actions, en effet, la situation et la qualité des parties est déterminée par la litis contestatio. En matière criminelle, au contraire, que le coupable meure avant ou pendant la poursuite, ou même après une condamnation dont l'appel est encore recevable, il aura conservé jusqu'à la fin l'intégrité de ses droits et ses biens passeront, selon les règles ordinaires, à ses héritiers testamentaires ou légitimes. Accarias, Précis de droit romain, tome II, n° 486.
[30] Frag., De jure fisci, § 18.
[31] Loi 16, § 10, Digeste, XXXIX, 4.
[32] Pline, Panégyrique de Trajan, § 40.
[33] Loi 3, Code Justinien, IV, 61. Les empereurs n'ont pas eu à faire une semblable exception en faveur des vétérans. Ceux-ci étaient exempts même du Portorium.
[34] Loi 7, § 1, Digeste, XXXIX, 4.
[35] Loi 16, § 9, Digeste, XXXIX, 4.
[36] Lois 9, § 2 et 37, § 1, IV, 4.
[37] Loi 16, princ., Digeste, XXXIX, 4.
[38] Loi 16, § 1, Digeste, XXXIX, 4.
[39] Loi 11, § 4, Digeste, XXXIX, 4.
[40] Loi 16, § 4, Digeste, XXXIX, 4.
[41] Loi 16, § 8.
[42] Loi 16, § 2.
[43] Loi 16, § 12.
[44] Corpus Inscrip. lat., III, 781.
[45] Loi 4, § 1, Digeste, XXXIX, 4.
[46] Quintilien, Declam., CCCLIX, Lis publicani de unionibus.
[47] Loi 2, Code Justinien, IV, 61.
[48] Loi 1, princ. et § 1, Digeste, XLIII, 9.
[49] Cicéron, ad. Quint. fr., I,
1.
[50] Laboulaye, Essai sur les lois criminelles des Romains.
[51] Loi 12, § 2, Digeste, XXXIX, 4.
[52] Loi 5, Code Justinien, III, 42.
[53] Loi 1 princ., XXXIX, 4.
[54] Jousserandot, l'Édit perpétuel, tome II, page 235.
[55] Sur ce point, notre opinion diffère absolument de celle de Rudorff, que suit, d'ailleurs, M. Jousserandot. Ces auteurs pensent qu'une action différente correspond à chacune des deux phrases que nous venons d'analyser.
A la première correspondrait l'actio adversus publicanos proprement dite, dont la formule serait la suivante :
J. e. si Paret Num Num publicanum (illius publicani socium) ejus publici q. d. a. Ao Ao Mon rem in hoc anno vi adernisse neque eam rem A° A° restitutam esse, quanti ea res est, tantam pecuniam duplum Num Num A° A° C. s. n. p. a.
Nous n'avons aucune objection à faire contre la rédaction de cette formule, si ce n'est que l'intentio doit comporter certaines modifications et l'adjonction de la condition : Neque eos ad quos ea res pertinet exhibitos esse lorsque le délit a été commis par un esclave.
A la seconde phrase de l'édit, correspondrait une action De furto a familia publicanorum, qui serait une simple variante de l'actio legis Aquiliœ ou de l'actio furti. Cette action, dont nous reproduisons ci-après la formule, proposée par Rudorff, entraînerait, suivant le cas, la condamnation au double ou au quadruple.
J. c. Si paret familiam Ni Ni A° A° furtum (damnum injuria) fecisse rei d. q. a. neque cos ad quos eu res pertinet exhibitos esse, quanti ea res est, tantæ pecuniæ, judex Num Num A° A° in duplum (quadruplum) c. s. n. p. a.
Une telle action aurait certainement été très utile aux personnes lésées par les publicains ; mais il suffit de lire le commentaire d'Ulpien (loi 1, § 3 et 4, eod. tit.) pour se convaincre qu'elle n'a jamais existé.
Si l'édit avait donné une action permettant d'obtenir une réparation au quadruple, en cas de vol commis par les esclaves des publicains, Ulpien aurait-il dit : Quod quidem edictum in cliqua parte mitius est, quippe cum in duplum datur, cum vi bonorum rapturum in quadruplum sit et furti manifesti roque in quadruplum ? Et si le préteur avait créé, à côté de l'action in duplum, une action de furto a familia publicanorum, permettant d'obtenir, suivant le cas, une réparation au double ou au quadruple, avec l'adjonction de cette clause toute favorable au demandeur : Neque eos ad quos ea res pertinet exhibitos esse aurait-on pu se poser la question : Si quis velit cum publicano non ex hoc edicto, sed ex generali vi bonorum raptorum, damni injuria, vel furti agere, an possit ?
Nous pensons donc que l'édit contre les publicains n'a créé qu'une action, mais une action pouvant être exercée, soit en cas de rapine ou saisie non fondée, soit en cas de vol, soit en cas de damnum injuria datum.
[56] Loi 1, § 1, Digeste, XXXIX, 4.
[57] Loi 3, § 1, Digeste, XXXIX, 4.
[58] Loi 1, § 5 et loi 12, § 2, Digeste, XXXIX, 4.
[59] Loi 3, § 2, Digeste, XXXIX, 4.
[60] Loi 1, § 6, Digeste, XXXIX, 4.
[61] Loi 13, § 3, Digeste, XXXIX, 4.
[62] Loi 1, § 6 in fine, loi 13, § 2, Digeste, XXXIX, 4.
[63] Loi 3 princ., Digeste, XXXIX, 4.
[64] C'est également à l'obligation d'exhiber que se rattache un petit fragment de Gaïus qui se réduit à quelques mots et qui se trouve intercalé, sous forme de phrase incidente, entre la première et la troisième loi d'Ulpien. Nous ne le rencontrons cependant dans aucune citation des auteurs qui, à notre connaissance du moins, ont écrit sur l'actio adversus publicanos ; et, dans l'exposé qui précède, nous n'avons pas eu l'occasion de le citer, tandis que nous nous sommes appuyés sur tous les passages d'Ulpien qui le précèdent ou le suivent.
Il n'est pas permis au maitre, dit Gaïus, de défendre son esclave absent. Nous ignorons si ce texte a été écrit à l'occasion d'une action intentée contre des publicains ; mais le XXIe livre de Gaïus ad edictum provinciale, traitant spécialement des délits commis avec violence (loi 5, XLI, 3, loi 5, XLVII, 8, lois 2 et 5, XLVII, 9, loi 41. L, 16) tout indique qu'il s'agit, dans le texte précité de l'actio ad exhibendum, dirigée contre le maître d'un esclave qui se serait rendu coupable de violences envers le demandeur. En effet, le maitre poursuivi par l'actio ad exhibendum n'est pas admis à plaider sur le fond à moins qu'il ne soit à même d'établir, sans de longs débats, que le demandeur n'a aucun intérêt à obtenir l'exhibition (loi 3, § 13, X, 4). S'il n'exhibe pas, lorsqu'il est en mesure de le faire, il subit une condamnation qui doit fournir au demandeur tous les avantages qu'aurait procurés à celui-ci l'action directe.
En cette matière, la règle : Nec liceat domino absentem defendere servum se trouve donc tout naturellement applicable. Elle ne le serait pas au contraire, en cas d'exercice de l'actio adversus publicanos. Les maîtres ou les socii vectigalis, contré lesquels iule action est donnée en raison des actes de leurs esclaves, alors même qu'ils sont, sans dol, dans l'impossibilité de les exhiber, doivent pouvoir se défendre sur le fonds ; car, sans cela, les publicains seraient exposés à une condamnation certaine toutes les fois qu'une accusation, fondée ou non, serait portée contre un esclave qui ne serait pas en leur possession.
Nous pensons donc que l'insertion du fragment précité de Gaïus, au milieu de textes d'Ulpien relatifs à l'action spéciale contre les publicains, est le résultat d'une erreur commise par les compilateurs byzantins dans une matière qui, en raison de la transformation du système des impôts, avait cessé d'être familière aux jurisconsultes.
[65] Loi 3, § 3, eod. tit.
[66] A. Ledru, Des publicains et des sociétés vectigalium, page 80.
[67] De Savigny, Traité de droit romain, trad. par Guenour, tome V, page 142, note 12.
[68] De Savigny, Traité de droit romain, tome V, page 147.
[69] Loi 5, § 1, eod. tit.
[70] Loi 6, eod. tit. Il ne faut pas confondre l'hypothèse prévue par cette loi de Modestin avec celle du dernier § de la loi 3 d'Ulpien. Ce dernier texte prévoit le cas d'un délit commis par plusieurs esclaves appartenant à la même société vectigalienne ou au même fermier ; Modestin suppose au contraire que la responsabilité du fait incombe à plusieurs personnes contre lesquelles compète l'action spéciale, c'est-à-dire à plusieurs fermiers, hypothèse qui ne peut se présenter que dans le cas où plusieurs citoyens, ne formant pas entre eux une société, vectigalienne, ont été déclarés adjudicataires d'un impôt.
[71] Baudi de Vesmes, Des impositions de la Gaule dans les derniers temps de l'Empire romain, extrait de la Revue historique du droit français et étranger, année 1861.
[72] Humbert, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, page 116 ; Naquet, Des impôts indirects chez les Romains, page 160 ; Cagnat, Impôts indirects chez les Romains, page 135.
[73] Loi 9, § 5, eod. tit., et loi 2, Code Justinien, II, 11.
[74] Loi 7, § 2, III, 6.
[75] Loi 5, § 1, III, 6.
[76] Loi 1 princ., eod. tit.
[77] Loi 35 princ., XLIV, 7.
[78] Loi 4 princ., XXXIX, 4.
[79] Loi 1, Code Théodosien, VIII, 10 et loi 1, Code Théodosien, XI, 7.
[80] Loi 1, Code Théodosien, IV, 12. — Cette constitution se retrouve au code de Justinien (loi 4, IV, 61), mais elle a été mutilée par les compilateurs.
[81] Lois 1 et 2, Code Théodosien, XI, 8, et loi unique, Code Justinien, X, 20.
[82] Loi 4, Code Justinien, IV, 62.
[83] Loi unique, Digeste, XLVIII, 14.
[84] Lois 12 et 10, § 2, Digeste, XLVIII, 6.