Bonaparte s'empare de Vérone ; débats avec le gouvernement vénitien. — Blocus de Mantoue. — Armistice avec Naples. — Marche des Français sur l'Apennin Révolte des fiefs-impériaux ; débats avec Gênes. — Entrée à Bologne et à Ferrare. — Armistice avec le pape. — Expédition à Livourne. — Bonaparte à Florence. — Reddition du château de Milan. — Révolte de Lugo. Après la bataille de Borghetto, les Français entrèrent dans Peschiera. Les Autrichiens venaient de l'évacuer. Le provéditeur vénitien Foscarelli n'osa pas s'en plaindre ; il sentit qu'il ne le pouvait pas. Mais quand ils demandèrent les clefs de l'arsenal pour armer les remparts, quand ils se mirent en devoir d'armer les galères, il se plaignit de cette violation de la neutralité. Bonaparte ne se laissa pas imposer par ces tardives protestations. Pour s'assurer un passage sur l'Adige, il était résolu à s'emparer de Vérone. C'était un poste militaire de la plus. grande importance, la base de tous ses mouvements. Pour dissuader le général en chef de marcher sur cette ville, le provéditeur Foscarelli se rendit auprès de lui à Peschiera, le 12 prairial. Ce vieil oligarque se crut perdu. Je pars, écrivit-il à son Gouvernement ; que Dieu veuille bénir mes efforts et me recevoir en holocauste ! Écoutons-le lui-même rendre compte du résultat de son entrevue : J'ai rempli le devoir de citoyen. Je suis allé à Peschiera ; je me suis trouvé entre les mains des Français ; j'ai traversé les longues colonnes de ces farouches soldats ; j'ai vu le général Bonaparte. Il m'a dit que la république de Venise avait mal répondu aux dispositions amicales de sa nation ; que les faits se trouvaient fort différents des promesses ; que nous avions trahi la France en laissant les Allemands occuper Peschiera, ce qui lui avait fait perdre 1.500 hommes dont le sang demandait vengeance ; que pour garder la neutralité, il aurait fallu résister aux Autrichiens ; que si on eût craint de n'avoir pas des forces suffisantes, il fallait le lui déclarer ; qu'il serait venu à notre secours ; que si, comme je le lui disais, les Autrichiens avaient abusé de notre bonne foi, il fallait, non pas protester, mais leur déclarer la guerre. Ensuite, après avoir rappelé tous les griefs que la France avait contre la République, il ajouta qu'il avait reçu de son gouvernement l'ordre de brûler Vérone, ce qui allait être exécuté cette nuit même par la colonne du général Masséna qui était en marche avec des canons et des mortiers, et que peut-être dans ce moment le feu était déjà commencé. Le ton de Bonaparte imposa tellement au provéditeur qu'il consentit à recevoir les troupes françaises dans Vérone. Masséna s'en empara le 15 prairial (3 juin) ; le même jour, Bonaparte y fit son entrée et y fut reçu par Foscarelli comme il l'avait été à Brescia. Il écrivit au Directoire[1] : J'arrive à Vérone, pour en partir demain matin ; elle est très-grande et très-belle ; j'y laisse une bonne garnison pour me tenir maître des trois ponts qui sont ici sur l'Adige. Je n'ai pas caché aux habitants que, si le prétendu roi de France n'eût évacué leur ville avant mon passage du Pô, j'aurais mis le feu à une ville assez audacieuse pour se croire la capitale de l'empire français. Je viens de voir l'amphithéâtre. Ce reste du peuple romain est digne de lui. Je n'ai pu m'empêcher de me trouver humilié de la mesquinerie de notre champ de Mars. Ici cent mille spectateurs sont assis et entendraient facilement l'orateur qui leur parlerait. Les émigrés fuient de l'Italie. Plus de 1.500 sont partis cinq jours avant notre arrivée ; ils courent en Allemagne porter leurs remords et leur misère. L'archiduc de Milan, qui s'était réfugié à Venise, ne s'y trouvant plus en sûreté, en partit avec de nombreux équipages. Lallemant en donna avis au général en chef, et, pour qu'il en pût profiter, lui envoya même des détails sur la route qu'ils prenaient. Quand les Français voulurent faire les dispositions nécessaires pour l'armement de Vérone, Foscarelli eut encore de vives discussions avec le général en chef ; elles étaient désormais inutiles. Le sénat les jugea impolitiques ; il rappela Foscarelli et le remplaça par Battaglia, auquel il conféra la dignité de provéditeur général de toutes les provinces au-delà de l'Adige, y compris Vérone. C'était un homme souple, instruit, de manières douces, et sincèrement attaché à sa patrie, très-porté pour la France d'autrefois et préférant même la France républicaine à l'Autriche[2]. Ce nouveau provéditeur et Nicolas Erizzo eurent, le 17 prairial (5 juin), en qualité de commissaires de leur gouvernement, des conférences avec Bonaparte à Vérone. Il leur dit que la république française avait de grands sujets de plainte contre la république de Venise ; mais que l'accueil que les Véronais avaient fait à ses compagnons d'armes et à lui-même l'avait confirmé dans l'opinion qu'il fallait regarder ce qui était arrivé comme un effet de l'imprévoyance ; qu'il serait bien aise de pouvoir donner au sénat des preuves de l'amitié de son gouvernement, bien persuadé que pendant le séjour des troupes françaises sur le territoire de Venise, le sénat ne discontinuerait pas de manifester sa loyauté, et que rien ne manquerait à la subsistance de l'armée qui, n'ayant à sa suite ni magasins ni équipages, était obligée de tirer sa subsistance du territoire qu'elle occupait. Les commissaires lui ayant demandé, avec toutes les précautions dont une pareille question était susceptible, s'il pouvait prévoir la durée du séjour de ses troupes à Vérone, il leur répondit qu'il serait obligé de les y, laisser tant que les circonstances de la guerre pourraient l'exiger ; mais qu'il consentirait à les retirer dès à présent si la République se mettait en état d'interdire aux Autrichiens le passage de l'Adige ; qu'au surplus il espérait qu'avant peu l'ennemi serait totalement expulsé de l'Italie, ce qui permettrait de réduire à un très-petit nombre les troupes françaises qu'on laisserait pour la garde des ponts de Vérone. Il parla ensuite de la guerre, de la politique ; dit qu'il était redevable de la rapidité de ses conquêtes au peu de prévoyance des généraux alliés ; annonça la probabilité d'une paix prochaine avec le roi de Naples ; dit que le chevalier d'Azara, ministre d'Espagne, l'attendait à Brescia pour traiter d'un accommodement avec le pape, et ajouta que les intentions bien connues de son gouvernement étaient de rendre l'Italie indépendante, et de faire du duché de Milan un État séparé comme autrefois, ce qui ne pouvait qu'être conforme aux vues de la république de Venise. Les commissaires vénitiens ajoutaient dans leur rapport : La finesse des observations du général Bonaparte, l'étendue de ses vues, la manière dont il les développait, ses aperçus sur les intérêts de sa nation et des autres, tout cela nous autorise à penser, non-seulement que cet homme est doué de beaucoup de talent pour les affaires politiques, mais qu'il doit avoir un jour une grande influence dans son pays. D'un autre côté, d'après Bonaparte, il renouvela aux commissaires vénitiens ses griefs et leur parla de l'accueil fait au comte de Lille et de leur conduite à l'égard de Peschiera. Il leur dit que du reste il avait rendu compte de tout au Directoire et qu'il ignorait comment il prendrait les choses ; mais qu'il croyait que l'envoyé de Venise à Paris pourrait conjurer l'orage. En rendant compte de cet entretien au Directoire, Bonaparte ajoutait[3] : Si votre projet est de tirer cinq ou six millions de Venise, je vous ai ménagé exprès cette espèce de rupture. Vous pourriez les demander en indemnité du combat de Borghetto que j'ai été obligé de livrer pour prendre Peschiera. Si vous avez des intentions plus prononcées, je crois qu'il faudrait continuer ce sujet de brouillerie, m'instruire de ce que vous voulez faire, et attendre le moment favorable que je saisirai suivant les circonstances ; car il ne faut pas avoir affaire à tout le monde à la fois. Bonaparte, en informant Lallemant de son entrevue, lui recommandait de témoigner du mécontentement de ce que Peschiera avait été livré aux Autrichiens, et de ce que le sang français avait coulé pour le reprendre. Sans cependant se brouiller avec une république dont l'alliance était utile, il devait insister fortement pour que les Français portassent la cocarde nationale et que l'injure qui lui avait été faite fût réparée[4]. Le Directoire comptait bien en effet trouver des ressources en argent à Venise. Il pensait à y lever un emprunt au moins de 12 millions, et à lui faire accepter pour garantie des délégations sur la dette que les Bataves avaient contractée envers la France, et que la somme prêtée devait être imputée sur les fonds que le roi et le gouvernement d'Angleterre avaient dans le trésor de Venise, et dont il fallait exiger la remise à la France. Mais l'intention du Directoire n'était pas de rompre avec la république de Venise. Il recommandait au général en chef de régler ses démarches de manière à ne pas amener cette rupture ; de réprimer les désordres commis par les troupes françaises dans le Brescian, si elles en avaient commis, ainsi que l'envoyé de Venise, Quirini, s'en plaignait, et néanmoins d'agir avec fermeté à l'égard du sénat[5]. Jugeant d'après les règles ordinaires de la morale et de la justice ce débat de Bonaparte avec la république de Venise, des historiens l'ont amèrement blâmé. Ils opposent aux promesses généreuses qu'il fit aux Vénitiens, en entrant sur leur territoire, le langage impérieux et menaçant qu'il tint aux délégués de leur Gouvernement, l'invasion de leurs villes et de leurs places, les charges qu'il leur imposa pour l'entretien de Son armée, celles qu'il insinuait au Directoire de leur imposer encore par voie d'emprunt ou sous toute autre forme. Mais le droit barbare de la guerre est-il autre chose qu'une violation consacrée des lois de l'humanité et de la justice ? Ne permet-il pas, ne légitime-t-il pas la ruse, la violence, la spoliation ? La gloire militaire la plus pure ne repose-t-elle pas sur le sang et la destruction ? La nécessité de vaincre connaît-elle des bornes ? Les Autrichiens n'avaient-ils pas les premiers violé la neutralité de Venise ; si les Français battus se fussent retirés sur son territoire, Beaulieu l'aurait-il respecté ? Deux géants qui s'élancent l'un contre, l'autre pour se détruire daignent-ils abaisser leurs regards sur l'être faible qui rampe à leurs pieds ? Dans leur aveugle- fureur ils le foulent et l'écrasent. Que les victimes en gémissent, que le philanthrope s'en indigne : voilà la guerre ! voilà du plus au moins l'histoire de tous les conquérants ! du reste, si dans ce premier moment Venise fut victime de la politique et de la guerre, il se présenta dans la suite des occasions où elle aurait pu obtenir une réparation ou un dédommagement. Mais l'oligarchie, au lieu d'en profiter, ainsi que lui conseillait la sagesse, trop orgueilleuse pour plier, incapable de se défendre, ne sut, comme on le verra, que commettre des fautes, aggraver sa situation, accélérer sa ruine et celle de l'État. Mantoue était en Italie le boulevard de la puissance autrichienne ; il fallait s'en emparer, et commencer par en faire le blocus. La division Masséna suivit les restes de l'armée de Beaulieu, pour les contenir, et prit la forte position de Rivoli et de la Corona. Le 16 prairial (4 juin), à 5 heures du matin, Dallemagne et Lannes se portèrent, avec 600 grenadiers, sur le faubourg Saint-Georges de Mantoue. Bonaparte, qui était au palais de la Favorite, fit avancer Serrurier avec une demi-brigade pour les soutenir. Le faubourg et la tête du pont furent emportés. Déjà les grenadiers s'avançaient en tirailleurs sur la chaussée et prétendaient même se former en colonne pour enlever Mantoue. On leur montra l'artillerie formidable des remparts : À Lodi, dirent-ils, il y en avait bien davantage. Mais les circonstances étaient bien différentes ; le général en chef les fit retirer ; l'ennemi perdit cent hommes. Augereau s'était porté à Castiglione-Mantovano, d'où il était parti le 16 à la pointe du jour. Après avoir passé le Mincio au-dessous du lac, il s'avança sur le faubourg de Ceriole, il enleva les retranchements, la tour, et força l'ennemi à se retirer dans le corps de la place. En informant le Directoire de ces mouvements, Bonaparte rapportait, comme un trait peignant la barbarie qui régnait encore dans ces contrées, que ses soldats avaient trouvé, dans un couvent de religieuses à Saint-Georges, une jeune et belle fille enchaînée, dont ils avaient brisé les fers[6]. Quand on sut à Naples la retraite de Beaulieu dans le Tyrol, et que les Français occupaient Modène et Reggio, on craignit une invasion et on fit des armements extraordinaires. On envoya 40.000 hommes sur la frontière. Le roi publia des manifestes, des proclamations, écrivit aux évêques, invoqua la sûreté de l'état et l'intérêt de la religion. Il se rendit à la basilique, et, en présence du peuple, exalté par toutes ces démonstrations, il déposa en hommage sur l'autel son manteau, son sceptre et sa couronne, les confia à la garde de Dieu, et partit pour se mettre à la tête de ses armées. Mais quand il vit les légations occupées par les Français et l'extrémité où le pape se trouvait réduit, toutes ces grandes résolutions s'évanouirent. Ainsi presque en même temps que le roi de Naples jurait la guerre sur les autels, son ambassadeur, le prince Belmonte Pignatelli, demandait la paix à Bonaparte. Un armistice fut signé le 17 prairial (5 juin). Le général en chef en donna pour motifs au Directoire qu'on enlevait à l'armée autrichienne 2.400 hommes de cavalerie ; qu'ils seraient placés de manière à ce qu'il pût en disposer ; qu'on ôtait aux Anglais cinq vaisseaux de guerre et plusieurs frégates ; qu'il continuait par là à mettre les coalitions en déroute ; que si l'on faisait la paix avec Naples, la suspension d'armes aurait été utile, en ce qu'elle aurait affaibli de suite l'armée allemande ; que si au contraire on ne faisait pas la paix, la suspension l'aurait mis en état de s'emparer des a,400 hommes de cavalerie napolitaine, et que le roi de Naples aurait fait un pas qui aurait déplu à la coalition. Examinant ensuite la question militaire, si l'on pouvait et si l'on devait aller à Naples, il répondait : Le siège du château de Milan, la garde du Milanais et la garnison des places conquises, demandent 15.000 hommes. La garde de l'Adige et les positions du Tyrol 20.000 ; il n'en reste, compris les secours qui arrivent de l'armée des Alpes, que 6.000. Mais quand bien même on aurait 20.000 hommes, il ne conviendrait pas de faire 25 jours de marche dans les mois de juillet et d'août, pour chercher la maladie et la mort. Il ajoutait que, pendant ce temps-là Beaulieu reposait et recrutait son armée dans le Tyrol, qu'elle se renforçait tous les jours, et qu'il pourrait bien reprendre à l'automne ce qu'on lui avait pris au printemps. Moyennant l'armistice avec Naples, Bonaparte se flattait
d'être en état de dicter à Rome toutes les conditions qu'il lui plairait ; il
prétendait même savoir que la cour de Rome était déjà occupée de faire une
bulle contre ceux qui prêchaient en France la guerre civile sous prétexte de
religion. D'après une conversation qu'il avait eue avec M. d'Azara, ministre
d'Espagne envoyé par le pape, le général en chef pressentait que ce ministre
avait l'ordre de lui offrir des contributions. Je
serai bientôt à Bologne, ajoutait-il[7]. Voulez-vous que j'accepte alors, pour accorder
un-armistice au pape, 25 millions de contribution en argent, cinq millions en
denrées, 300 tableaux, des statues et des manuscrits en proportion, et que je
fasse mettre en liberté tous les patriotes arrêtés pour fait de révolution ?
J'aurai au reste le temps de recevoir vos ordres là-dessus, puisque je ne
crois pas être à Bologne avant dix ou quinze jours. Alors si les 6.000 hommes
que commande le général Château- neuf-Randon arrivent, il n'y aura pas
d'inconvénient à se porter de Bologne jusqu'à Rome. Au reste, je vous prie de
rester persuadés que lorsqu'une fois vous m'aurez fait connaître positivement
vos intentions, il faudrait qu'elles fussent bien difficiles à exécuter pour
que je ne le pusse pas. Comme les opérations en Allemagne pouvaient changer, d'un moment à l'autre, la position de Bonaparte, il écrivit confidentiellement à Carnot qu'il serait bon de lui laisser la faculté de conclure l'armistice avec Rome ou d'y aller ; dans le premier cas de lui prescrire les conditions de l'armistice, dans le second, de lui dire ce qu'il devait y faire ; car il pensait que ses troupes ne pourraient pas s'y maintenir longtemps, attendu que l'espace était immense, le fanatisme très-grand, et que la grande disproportion de forces donnerait de la hardiesse aux Romains. Il remerciait Carnot des choses honnêtes que ce Directeur lui avait écrites, regardant l'estime du petit nombre d'hommes qu'il appréciait, comme la récompense la plus douce des fatigues, des dangers et des chances du métier de la guerre[8]. On ne voit pas que Bonaparte eut, comme on l'a dit, tant de peine à faire adopter sa politique au Directoire qui, sans calculer les obstacles, voulait révolutionner Rome, Naples et la Toscane[9]. Le Directoire aurait, il est vrai, désiré que le roi de Naples contribuât de quelques millions en concluant l'armistice ; mais il n'hésita pas à l'approuver ; en même-temps, se méfiant, non sans raison, de la sincérité de cette cour, et craignant qu'elle n'éludât la négociation de la paix, il chargea le général en chef de lui notifier que, si cette négociation n'était pas encore commencée à Paris avant l'expiration d'un mois, l'armistice serait regardé comme non avenu[10]. La cour de Naples donna l'ordre au prince Belmonte Pignatelli, négociateur de l'armistice, de se rendre à Paris, et au commandant de la cavalerie napolitaine de se séparer de l'armée autrichienne. Le général Clarke envoya un de ses parents, Elliot, près de Bonaparte à Milan. Ce fait, quoique insignifiant pour l'histoire, donna lieu à la lettre suivante du général en chef, qui n'est pas sans intérêt : Votre jeune cousin m'est arrivé hier : il me paraît actif, quoiqu'encore un peu jeune. Je le tiendrai avec moi. Il sera bientôt en état d'affronter le péril et de se distinguer. J'espère qu'il sera digne de vous et que j'aurai un bon compte à vous en rendre. Je suis bien aise de faire quelque chose qui vous soit agréable. Ici tout va assez bien ; mais la canicule arrive au galop, et il n'existe aucun remède contre son influence dangereuse. Misérables humains que nous sommes ! Nous ne pouvons qu'observer la nature et non la surmonter. La campagne a commencé deux mois trop tard ; nous nous trouvons obligés de rester dans le pays le plus malsain. Je ne vois qu'un moyen pour ne pas être battus à l'automne ; c'est de s'arranger de manière à ne pas être obligés de s'avancer vers le sud de l'Italie. Selon tous les renseignements que l'on nous donne, l'empereur envoie beaucoup de troupes à son armée. Nous attendons ici avec impatience des nouvelles du Rhin. Si notre armée a des succès comme je l'espère, il faut que l'on fasse payer à l'empereur son entêtement : en attendant je vous prie de croire aux sentiments de fraternité, etc.[11] Sur les contributions en argent que le général en chef percevait en vertu des traités ou armistices, il envoyait de nouveau deux millions à Gênes, à la disposition du Directoire. Il expédiait 210.000 francs à Kellermann[12], et un million à Bâle pour l'armée du Rhin. L'armée d'Italie, écrivait-il à Moreau[13], a demandé au Directoire la permission de vous faire passer cet argent provenant des contributions de guerre, afin de soulager nos frères d'armes de l'armée du Rhin. D'après des observations du général en chef sur les abus du service administratif dans la levée et l'emploi des contributions, le Directoire fit un règlement (3 messidor) sur leur perception, leur versement, leur emploi, et leur comptabilité. Cette administration était entièrement séparée de celle de l'armée, et confiée aux commissaires du gouvernement qui devaient avoir auprès d'eux une caisse particulière d'où les versements se feraient au payeur général de l'armée ou au trésor national. Conforme aux principes, ce règlement mettait cependant le général en chef dans la dépendance des commissaires du Directoire, mais il sut s'en affranchir, et maintint seulement les dispositions de pure comptabilité. Bonaparte avait parfaitement démontré au Directoire qu'avec les 40.000 hommes qu'il avait sous son commandement, on ne pouvait pas penser à une expédition sur Naples. Ce calcul s'appliquait à plus forte raison au projet annoncé dès le commencement de la campagne, de pénétrer en Allemagne par le Tyrol. L'armée ne pouvait plus avancer sans qu'on eût pris Mantoue ; on n'avait point d'équipage de siège, il était employé à réduite la citadelle de Milan : il fallait donc accélérer sa reddition ; il fallait réprimer une insurrection qui avait éclaté dans les fiefs-impériaux, repasser le Pô, jeter l'armée du pape au-delà de l'Apennin, le forcer à signet un armistice, chasser les Anglais de Livourne et l'occuper ; il fallait que l'armée fût de retour sur l'Adige avant la mi-juillet, époque à laquelle Bonaparte calculait qu'arriveraient 30.000 hommes de troupes d'élite que Wurmser, qui avait remplacé Beaulieu, amenait de l'armée du Rhin. Pour faire toutes ces opérations, il ne restait à Bonaparte que 30 ou 40 jours ; il les trouva suffisants. Pour cela il fallait nécessairement renoncer à toute entreprise vers l'Allemagne. Cependant Bonaparte portait encore ses vues de ce côté. Au moment même où ses troupes marchaient pour opérer en Italie, il adressait une proclamation aux Tyroliens, 26 prairial (14 juin). Il leur disait : Je vais passer sur votre territoire, braves Tyroliens, pour obliger la cour de Vienne à une paix nécessaire à l'Europe comme à ses sujets. C'est votre propre cause que je vais défendre. Depuis assez longtemps vous êtes vexés et fatigués des horreurs d'une guerre entreprise, non pour l'intérêt du peuple allemand, mais pour les passions d'une seule famille. Vous nous recevrez avec hospitalité et nous vous traiterons avec amitié et fraternité. S'il en était qui connussent assez peu leurs véritables intérêts pour prendre les armes contre nous, nous serons terribles comme le feu du ciel, nous brûlerons les maisons, nous dévasterons les territoires des villages qui prendront part à une guerre qui leur est étrangère. Bonaparte vint à Milan, fit ouvrir la tranchée devant la citadelle, se rendit à Tortone, dirigea sur les fiefs-impériaux une colonne de 1.200 hommes sous les ordres de Lannes. Il entra de vive force dans Arquata, fit passer par les armes les brigands qui avaient égorgé un détachement de 150 Français, raser le château, brûler les maisons des rebelles et fusiller les principaux d'entre eux. Le général en chef fit publier un arrêté du 26 prairial portant que les communes et les seigneurs déposeraient leurs armes et renouvelleraient le serment d'obéissance à la République ; qu'il serait pris des otages pour répondre de leur fidélité ; qu'il serait perçu une contribution militaire ; que ceux qui seraient trouvés avec des armes et des munitions seraient fusillés ; que les cloches seraient brisées, à défaut de quoi, les villages brûlés. A cet arrêté était jointe la proclamation suivante : Les habitants des fiefs-impériaux, à l'instigation de plusieurs de leurs seigneurs, et des agents de l'empereur à Gênes, ont violé le serment d'obéissance qu'ils avaient prêté à la république française ; ils ont assassiné plusieurs détachements français, et ont assiégé dans Arquata les troupes qui y étaient. Il n'est point de crimes dont ils ne se soient rendus coupables, point d'horreurs qu'ils n'aient commises. Les insensés comptaient sur l'impunité ! ils croyaient l'armée éloignée ; ils ne savaient pas que les phalanges de l'armée d'Italie sont partout où il y a des ennemis de la République à punir. Ils ne savent pas encore, leurs instigateurs, qu'il n'est pas de refuge qui puisse les soustraire au courroux du peuple français ; qu'ils apprennent, par le spectacle terrible d'Arquata, le sort qui les attend, s'ils ne changent de conduite et s'ils ne profitent de la porte que la clémence nationale laisse ouverte au repentir. Le général en chef fit traduire devant une commission militaire le marquis Spinola, sénateur génois, seigneur d'Arquata, principal moteur des rassemblements. Il demanda au gouverneur d'Alexandrie de faire punir sévèrement la conduite indigne des officiers et soldats de la garnison de Serravalle qui avaient pris part à la rébellion, et encouragé les paysans, en leur fournissant des munitions de guerre[14]. Il requit le gouverneur de Novi de faire arrêter les brigands qui s'étaient réfugiés sur son territoire et auxquels il donnait asile, et lui déclara qu'il le rendait responsable, et qu'il ferait brûler les villes et les maisons où l'on n'arrêterait pas les assassins[15]. La République de Gênes avait refusé de prendre parti dans la guerre, parce que sa neutralité favorisait éminemment son commerce. Cependant son port fut violé par une escadre anglaise, et la catastrophe de la frégate française la Modeste était restée impunie. Plusieurs familles nobles les plus attachées à la France, avaient été bannies. La Convention et le Directoire avaient ajourné la réparation de leurs griefs à un moment plus favorable. Le Directoire avait même ouvert des négociations avec le sénat pour en obtenir un secours extraordinaire de 5 ou 6 millions. La défection du roi de Sardaigne et la défaite des Autrichiens avaient bien changé la situation de la république de Gênes ; Bonaparte crut pouvoir aussi changer avec elle d'attitude et de langage. La révolte des fiefs-impériaux lui servit de prétexte. Il fit donc porter par le général Murat une note énergique au sénat (26 prairial, 14 juin). La ville de Gênes, y disait-il, est le foyer d'où partent les scélérats qui infestent les grandes routes, assassinent les Français, et interceptent nos convois autant qu'il est en eux. C'est de Gênes que l'on a soufflé l'esprit de rébellion dans les fiefs-impériaux. M. Girola — ministre d'Autriche — qui demeure dans cette ville, leur a publiquement envoyé des munitions de guerre ; il accueille tous les jours les chefs des assassins encore dégoutants du sang français. C'est sur le territoire de la république de Gênes que se commettent une partie de ces horreurs, sans que le gouvernement prenne aucune mesure. Il paraît, au contraire, par son silence et l'asile qu'il accorde, sourire aux assassins. Malheur aux communes qui voient avec joie et même avec indifférence ces crimes qui se commettent sur leur territoire et le sang français répandu par des assassins. Il est indispensable que ce mal ait un terme, et que les hommes qui, par leur conduite, protègent les brigands soient sévèrement punis. Le gouverneur de Novi les protège, je demande que le gouvernement en fasse un exemple sévère. M. Girola, qui a fait de Gènes une place d'armes contre les Français, doit être arrêté, ou au moins chassé de la ville de Gênes. Ces satisfactions préalables sont dues aux mânes de mes frères d armes égorgés dans votre territoire. Pour l'avenir, je vous demande une explication catégorique. Pouvez-vous ou non purger le territoire de votre république des assassins qui le remplissent ? Si vous ne prenez pas des mesures j'en prendrai : je ferai brûler les villes et les villages sur lesquels il sera commis l'assassinat d un seul Français. Je ferai brûler les maisons qui donneront refuge aux assassins. Je punirai les magistrats négligents qui auraient transgressé le premier principe de la neutralité, en accordant asile aux brigands. L'assassinat d'un Français doit porter malheur aux communes entières qui ne l'auraient pas protégé. La république française sera inviolablement attachée aux principes de la neutralité, mais que la république de Gênes ne soit pas l'asile de tous les brigands. Bonaparte adressa le général Murat au ministre de France Faypoult, lui recommandant de le présenter de suite au sénat pour qu'il remît lui-même cette note, attendu que si Faypoult la présentait, il lui faudrait quinze jours pour avoir la réponse, et qu'il était nécessaire d'établir une communication plus prompte qui électrisât les sénateurs[16]. Le sénat n'accorda pas une satisfaction complète. Il destitua le gouverneur de Novi : il promit d'établir des colonnes pour purger les routes, escorter les convois français et rétablir la sûreté des communications ; mais il se borna à déclarer au ministre autrichien Girola que mû par des circonstances impérieuses il l'engageait à s'absenter de Gênes. Voyant qu'on ne lui faisait qu'une invitation et qu'on lui fixait pas une époque précise, il répondit qu'il attendrait les ordres de sa cour, et resta. Le sénat fit remettre à Faypoult une note justificative de sa conduite. Bonaparte en fut mécontent. Il écrivit au ministre français[17] : Je connais trop bien l'esprit du perfide gouvernement ï génois pour ne pas avoir prévu la réponse qu'il ferait. Un incident vint compliquer les rapports de la France avec Gênes. Les Anglais prirent sous le canon du fort de l'Arma cinq bâtiments français chargés de munitions. Le ministre Faypoult se plaignit au sénat de cette violation de la neutralité favorisée par la faiblesse ou la connivence du commandant du fort. Le Directoire jugea prudent d'ajourner toute mesure tendant à punir le gouvernement génois ou à le forcer à des réparations jusqu'à ce qu'on eût retiré de Gènes les fonds, les approvisionnements et les munitions de tout genre appartenant à la France ; qu'on eût conclu un armistice avec Rome ; que celui de Naples fut exécuté, et que le général en chef eût terminé sa tournée de Bologne et de Livourne[18]. Il chargea donc Faypoult de faire évacuer de Gênes toutes les propriétés françaises en lui écrivant[19] : Voilà deux sujets de plainte ; tenez querelle ouverte sur l'un et l'autre. Tout en exécutant les ordres du Directoire, Faypoult n'en partageait pas tout-à-fait les inquiétudes. Il pensait que Gênes n'était pas en état de résister, et que Bonaparte lui ferait la loi quand il voudrait, en s'en approchant avec 15 ou 18.000 hommes et un train de mortiers ; mais il croyait qu'il ne suffirait pas de muleter ce gouvernement par des réparations qui coûteraient à son orgueil et à ses finances, et que, pour pouvoir compter enfin sur la sincérité de cette République, il fallait y ordonner l'exil d'une cinquantaine de personnes ennemies de la France, et la réforme du mode de délibérations en les faisant prendre désormais dans tous les cas à la simple majorité[20]. Le général en chef partagea cette opinion. Il proposa au Directoire de chasser du gouvernement de Gênes une vingtaine de familles qui, par la constitution même du pays, n'y avaient aucun droit, étant feudataires de l'empereur ou du roi de Naples ; d'obliger le sénat à rapporter le décret qui avait banni les 8 ou 10 familles nobles attachées à la France. Par ce moyen là, écrivait Bonaparte au Directoire[21], le gouvernement de Gênes se trouverait composé de nos amis, et nous pourrions d'autant plus y compter que les nouvelles familles bannies se retireraient chez les coalisés, et dès-lors les nouveaux gouvernants de Gênes les craindraient, comme nous craignons le retour des émigrés. Si vous approuvez ce projet là, vous n'aurez qu'à m'en donner l'ordre, et je me charge des moyens pour en assurer l'exécution. Délivré de la révolte des fiefs impériaux et ajournant la querelle avec Gènes, Bonaparte se retourna du côté de Rome. Bologne, ainsi que Brescia, renfermait des partisans zélés de la liberté italienne. On y était humilié du joug de la cour de Rome. Le sénat créa une commission des citoyens les plus distingués, lui donna des pouvoirs extraordinaires, et envoya au-devant de Bonaparte à Milan une députation composée des sénateurs Caprara et Malvasia et de l'avocat Pistorini. Il leur fit le meilleur accueil. Il fut convenu, dans des conférences, d'affranchir le pays de la domination du pape et de rendre au peuple la liberté : Bonaparte leur promit que les troupes se comporteraient avec modération sur le territoire bolonais. Les députés retournèrent à Bologne très-satisfaits, et préparèrent leurs compatriotes, qui y étaient déjà bien disposés, à recevoir en amis les Français. La division du général Augereau passa le Pô à Borgo-Forte, le 28 prairial (18 juin), arriva à Bologne le 1er messidor (21), fit prisonniers quatre cents soldats qu'elle y trouva, ainsi qu'un état-major et le cardinal légat. Le tumulte de la guerre ne pouvait distraire Bonaparte de celui que l'amour excitait dans son cœur. Il faut en avoir été alors témoin pour croire à la peinture énergique et bizarre qu'il en faisait à Joséphine[22]. Il partit de Tortone le 29 (19), arriva le 1er messidor à Modène, d'où il envoya l'ordre à la garnison du château d'Urbin d'ouvrir ses portes, de poser les armes, et de se rendre prisonnière de guerre. On trouva dans le fort Urbin cinquante pièces de canon bien approvisionnées, cinq cents fusils de calibre de très-beau modèle, des munitions de bouche pour nourrir six mille hommes pendant deux mois, et trois cents hommes qui se rendirent. A Ferrare, on fit prisonniers le commandant du fort et le cardinal légat ; on s'empara de 114 pièces de canon. Bonaparte se rendit à Bologne. Il remit aussitôt cette ville en possession du Castel-Bolognese, abolit l'autorité du Pape, lui rendit sa liberté et son indépendance, attribua provisoirement l'autorité suprême au sénat, et reçut dans la salle Farnèse le serment des sénateurs. Le peuple fut dans l'enthousiasme. La ville et les citoyens donnèrent des fêtes. Le général en chef leur montra une grande confiance. On ne manqua pas de lui faire présenter le livre d'or, où étaient inscrits, parmi les sénateurs, plusieurs de ses ancêtres. Il mit en liberté le cardinal légat, et lui ordonna de partir. Déjà alarmée par l'armistice de Naples, la cour de Rome, qui naguère encore prêchait la croisade contre la république française, avait envoyé à Bonaparte, pour conjurer l'orage, le chevalier d'Azara, ambassadeur d'Espagne, et le marquis de Guidi. Le zèle ardent du pape pour les trônes et l'église s'évanouit à la nouvelle de l'invasion de Bologne ; elle ne permettait plus de différer, pu accommodement. Tout en paraissant ne céder qu'au désir de donner à la cour de Madrid une marque de déférence, mais dans la seule vue d'être plus tôt prêta faire tête à l'Autriche, Bonaparte consentit à un armistice ; il fut signé le 5 messidor (23 juin) avec les deux envoyés du pape. Il y était stipulé que la suspension d'armes n'expirerait que cinq jours après la conclusion du traité de paix qui se négocierait ; que le pape enverrait de suite un plénipotentiaire à Paris ; qu'il ferait des excuses pour les injures et les pertes supportées par les Français, notamment pour l'assassinat de Basseville dont la famille serait indemnisée ; que tous les détenus 8 pour opinion politique seraient mis en liberté ; que les ports de l'État romain seraient ouverts à la République et fermés à ses ennemis ; que les légations de Bologne et de Ferrare continueraient d'être occupées par l'armée française ; que la citadelle d'Ancône lui serait remise ; que le pape donnerait, au choix des commissaires de la République, 100 tableaux, bustes, vases ou statues, notamment les bustes de Junius et de Marcus-Brutus et 500 manuscrits ; qu'il payerait 21 millions de livres tournois, dont 15.500.000 en numéraire, et 5.500.000 en denrées ; qu'il fournirait le passage aux troupes françaises toutes les fois que la demande lui en serait faite. Le Directoire aurait désiré que le pape révoquât les anathèmes qu'il avait lancés contre la République ; en attendant Bonaparte obtint du Saint-Père un bref adressé aux fidèles de France (le 5 juillet). Il les exhortait paternellement et cependant avec force, à la soumission et à l'obéissance envers les magistrats établis dans le pays. Il affirmait que la religion catholique reconnaissait en principe, dans les pouvoirs temporels, l'œuvre de la sagesse divine qui les envoie aux peuples afin de ne pas abandonner leurs intérêts à l'inconstance de la fortune et aux chances du hasard, pour diriger les nations sur les flots agités de cette vie ; que l'apôtre Saint-Paul avait établi, non pas en parlant d'un prince en particulier, mais en traitant la question générale, que toute puissance, vient de Dieu, et que résister à cette puissance, c'était résister à Dieu même ; qu'il fallait bien prendre garde de se tromper et de fournir aux novateurs, par un excès de zèle mal entendu, l'occasion de calomnier la religion catholique, péché que les hommes et Dieu surtout puniraient des châtiments les plus sévères, puisque la damnation, ajoutait-il, attend ceux qui résistent au pouvoir. Je vous exhorte donc, disait en terminant le pontife, je vous exhorte par Notre Seigneur Jésus-Christ à l'obéissance envers ceux qui vous gouvernent ; je réclame pour eux toute votre affection, toute votre ardeur et tous vos efforts. C'est ainsi que vous rendrez à Dieu l'obéissance que vous lui devez. Vos gouvernants, eux-mêmes, voyant que les lois n'ont rien à craindre de la religion orthodoxe, prêteront à celle-ci assistance et protection. Ainsi s'accompliront les préceptes divins, ainsi se fortifieront les lois de l'église. Enfin, nos très-chers fils, n'ayez aucune confiance en ceux qui répandent, comme émanées du Saint-Siège, des doctrines en opposition avec ce manifeste ; c'est là notre désir, et nous voulons qu'il vous soit connu. C'était le pape lui-même qui démentait son propre langage, et qui ordonnait la soumission à un gouvernement contre lequel il n'avait cessé de commander la révolte. Rome, comme toujours, changeait de principes au gré de ses intérêts temporels. Le Directoire approuva l'armistice et s'en montra satisfait, par le même motif pour lequel Bonaparte l'avait conclu ; parce qu'il permettait à l'armée de se porter rapidement en-deçà du Pô, avant que les Autrichiens eussent pu rien entreprendre. Son intention n'était pas de presser la conclusion du traité de paix, parce qu'il était persuadé que l'armée d'Italie, en maintenant ses glorieuses conquêtes, lui donnerait toute la latitude nécessaire pour imposer les conditions les plus favorables à la République[23]. Cacault, agent du Directoire en Italie, fut envoyé à Rome avec des instructions du général en chef pour l'exécution de l'armistice. Les ennemis du pape, et surtout les Bolonais, en conçurent des alarmes. Bonaparte les rassura et leur promit que la paix ne se ferait pas aux dépens de leur liberté. Le Directoire appela l'attention du général en chef sur les approvisionnements maritimes et les belles races de chevaux qu'offrait l'Italie. Bonaparte envoya de Bologne à Nice 80 voitures chargées de chanvre et au Directoire cent superbes chevaux de voiture. A cette époque, ses conquêtes en artillerie s'élevaient à 60 pièces de canon de campagne et à 619 pièces de siège[24]. Tandis qu'une division de l'armée occupait Bologne, Ferrare et Faenza, une autre, celle de Vau- bois, se portait de Reggio sur Pistoia, menaçant de se rendre à Rome par Florence. L'alarme se répandit à la cour de Toscane. Manfredini, son premier ministre, accourut à Bologne, auprès du général en chef. Il représenta que le grand duc ayant refusé le passage aux Napolitains, il serait injuste de violer un territoire que les coalisés avaient respecté. Après quelques pourparlers, Bonaparte convint de ne pas faire passer par Florence la division qui se portait sur Rome, et de la diriger sur Sienne. Manfredini était un homme éclairé, aussi près des idées philosophiques de la révolution que loin de ses excès, opposé aux prétentions de la cour de Rome, d'un sens droit, généralement estimé, penchant en secret pour l'indépendance de l'Italie[25]. Cependant Bonaparte ne crut pas devoir lui confier son projet sur Livourne. Il se trouva même retenu à Bologne en vertu d'un ordre général de ne rien laisser sortir de cette ville pour Florence, qui fut levé à l'égard du ministre toscan, seulement lorsque tout fut en mouvement pour l'expédition[26]. Le 8 messidor (26 juillet), Vaubois arriva à Pistoia. Bonaparte l'y rejoignit. Il écrivit au grand duc que le pavillon de la République étant constamment insulté dans le port de Livourne, la propriété des négociants français violée, chaque jour marqué par un attentat aussi contraire aux intérêts de la France qu'au droit des gens ; que son ministre ayant avoué l'impossibilité où était son Altesse Royale de réprimer les Anglais et de maintenir la neutralité de ce port, le Directoire avait senti qu'il était de son devoir de repousser la force par la force, et lui avait ordonné de prendre possession de Livourne ; qu'en conséquence une division de l'armée y entrerait le 10 (28), qu'elle y respecterait le pavillon, la garnison et les propriétés de S. A. R. et de ses sujets, le gouvernement français désirant voir continuer l'amitié qui unissait les deux États[27]. Le général en chef envoya cette lettre à Florence par son aide-de-camp Marmont, et chargea Miot, ministre de la République, de la présenter au grand duc. Le 9 (27) l'avant-garde de la division Vaubois, conduite par Murat, passa l'Arno à Fusecchio, suivie de la 75e demi-brigade commandée par Vaubois en personne. Le lendemain, 10, ces troupes, au lieu de se diriger sur Sienne, changèrent brusquement de route, et marchèrent à grands pas sur Livourne ; le reste de la division resta à Pistoia. Le grand duc répondit que sa mémoire ne lui rappelait aucun acte dont la France pût se plaindre ; que son amitié avait été sincère ; qu'il s'étonnait du parti que prenait le Directoire ; qu'il. n opposerait aucune résistance ; qu'il donnait au gouverneur de Livourne des pouvoirs pour traiter des conditions relatives à l'occupation de la place. Après avoir un moment fait trêve aux affaires pour écrire à Joséphine[28], Bonaparte partit de Pistoia et rejoignit ses troupes au moment où elles étaient aux portes de Livourne. Une frégate anglaise sortait du port, enlevant deux bâtiments français ; elle fut canonnée, mais il était trop tard ; quelques heures auparavant plus de 40 bâtiments anglais chargés avaient mis à la voile. Le général en chef fit arrêter et conduire sous escorte à
Florence le chevalier Spanocchi, gouverneur de la ville, et en informa le
grand duc. Il était accusé d avoir laissé enlever sous le feu de ses
batteries les deux bâtiments français valant 500.000 francs ; d avoir montré,
par toutes ses démarches, une haine prononcée contre les Français ; d'avoir
cherché, au moment de leur arrivée, à ameuter le peuple contre eux, et
d'avoir fait essuyer toutes sortes de mauvais traitements à leur avant-garde,
en un mot, d'être vendu à l'Angleterre. J'aurais été
autorisé, sans doute, écrivait Bonaparte au grand duc, à le faire juger par une commission militaire, mais par
respect pour Votre Altesse Royale, intimement persuadé de l'esprit de justice
qui caractérise toutes vos actions, j'ai préféré l'envoyer à Florence,
convaincu qu'elle donnerait des ordres pour le faire punir sévèrement[29]. Le grand duc répondit qu'il retiendrait Spanocchi en arrestation jusqu'à ce que les motifs sur lesquels elle avait été fondée fussent connus, afin de donner au général en chef, à la république française, et à toute l'Europe, le plus grand témoignage de cette équité conforme aux lois de son pays, auxquelles il s'était toujours fait un devoir d'être soumis lui-même[30]. Il envoya Manfredini pour éclaircir cette affaire, et exprima le plus vif désir de recevoir un écrit de la main du général en chef, qui pût le tranquilliser complètement, et assurer en même temps le repos de toute la Toscane. Bonaparte laissa le général Vaubois à Livourne avec la 75e demi-brigade, une compagnie d'artillerie et un escadron du premier de hussards. Ses instructions lui prescrivaient de mettre l'entrée du port en bon état de défense, et le meilleur fort à même de contenir 2.000 hommes et de les nourrir pendant 40 jours avec tous les moyens de soutenir un siège ; de n épargner aucun moyen pour maintenir Livourne dans une parfaite tranquillité ; de faire en sorte de s'attacher les troupes du grand duc, sur lesquelles il aurait toujours l'œil ; de se maintenir en bonne harmonie avec le gouverneur, de lui renvoyer toutes les affaires de détail, de lui montrer de grands égards, surtout en particulier, mais de conserver sur lui, surtout en public, une grande supériorité ; s'il y avait à Livourne des complots ou toute autre chose qui intéressât l'existence des troupes françaises, de prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir le calme et punir les malintentionnés, de n'épargner ni les personnes, ni les propriétés, ni les maisons ; dans toutes les affaires difficiles qui pourraient lui survenir, de consulter Miot, ministre de la République, qui serait à même de lui donner de bons renseignements ; de protéger le consul dans l'opération intéressante dont il était chargé, de surveiller, comme le premier agent de la République à Livourne, tous ses intérêts, et de rendre compte au général en chef de tous les abus qu'il ne dépendrait pas de lui de réprimer ; de vivre d'une manière convenable, d'avoir souvent à sa table des officiers du grand duc et les consuls des puissances étrangères, à l'effet de quoi il lui serait alloué des dépenses extraordinaires ; de nommer un officier pour surveiller le port, un commandant pour chaque fort ; de maintenir les corsaires dans une sévère discipline, de veiller à ce qu'ils respectassent les pavillons neutres et spécialement le pavillon espagnol ; de se faire tous les jours rendre compte des rapports des vigies, de tenir le général en chef informé de tout ce qui se passerait dans le pays, et de lui envoyer le rapport de toutes les nouvelles de Corse qui lui arriveraient ; d'écrire aux fiefs impériaux qui environnaient la ville, afin qu'ils reconnussent la République, et de faire part au général en chef du nombre de ces fiefs, de leur population, de leur richesse et de l'esprit qui les animait ; de maintenir une sévère discipline parmi ses troupes, de tenir la main à ce que tous les soldats fussent casernes, et à ce que personne, depuis le général jusqu'au dernier employé, ne fût logé chez l'habitant[31]. L'opération confiée au consul français, Belleville, consistait à faire lever les scellés, et dresser les inventaires de tous les magasins appartenant à l'Angleterre et aux négociants anglais, à l'empereur et à la czarine de Russie, et enfin aux princes et particuliers des États avec lesquels la France était en guerre ; à faire toutes les démarches et à prendre toutes les mesures nécessaires pour découvrir, faire restituer et saisir toutes les marchandises qui auraient été mises en dépôt par les différents particuliers, chez des négociants livournais[32]. Bonaparte estimait ce butin 7 ou 8 millions[33]. Malgré une nuée de voleurs qui accoururent de Gènes et de Marseille, le trésor de l'armée reçut de Livourne 12 millions[34]. Le général en chef se rendit de Livourne à Florence seulement avec Berthier et une partie de son état-major. Chemin faisant il visita à San- Miniato un vieux chanoine, son parent[35]. Le grand duc accueillit parfaitement Bonaparte, lui donna un grand dîner, et le conduisit dans la célèbre galerie de cette ville pour y considérer les chefs-d'œuvre des arts. Le grand duc voulut faire, deux jours après, une semblable réception au commissaire du Directoire Sallicetti, qui s'y refusa ; ce qui a fait dire à un écrivain[36] que les triomphes de la République changeaient étrangement les opinions et les convenances ; car Sallicetti avait voté la mort de Louis XVI, et le grand duc était son neveu. Bonaparte écrivit au Directoire : Le grand duc, quoique sollicité de tous côté de s'en aller, n'a point prêté l'oreille à ses ennemis et aux nôtres. Il est resté ferme dans sa capitale, environné de. nos troupes, mais se reposant sur la loyauté française ; cette conduite lui a mérité une part dans mon estime. La République de Lucques m'a fourni de gré à gré 6.000 fusils, dont l'armée a grand besoin, la campagne ayant considérablement détérioré nos armes[37]. Le Directoire approuva absolument tout ce qu'avait fait le général en chef, et s'occupa avec activité de retirer de l'occupation du port de Livourne tous les avantages qu'elle présentait, comme de séquestrer tous les effets appartenant aux puissances ennemies, et d'imposer de fortes contributions sur leurs sujets. C'était particulièrement sur les Anglais qu'il voulait faire peser ce droit de la guerre. Il avait à venger à la fois sur eux le droit des gens que le gouvernement machiavélique de l'Angleterre avait sans cesse violé, et l'indépendance des peuples neutres qu'il avait méprisée pour nuire avec plus de sécurité à la France. Les Anglais établis à Livourne devaient donc être considérés comme habitants de Londres et subir des impositions sévères. La générosité nationale conseillait cependant à la République, tout en s'indemnisant de ses pertes, de ne pas porter la rigueur jusqu'à la dureté. Le ministre de Toscane, Corsini, avait fait des représentations au Directoire sur la manière dont on traitait cette puissance, tout en convenant ce-, pendant que la conduite de l'Angleterre rendait celle de la France très-légitime. Mais il ne reçut que des réponses vagues. Le Directoire ne crut devoir rien changer aux instructions qu'il avait données au général en chef et à ses commissaires, et leur prescrivit de continuer à agir en conséquence[38]. Bonaparte ne restait pas en arrière des intentions du Directoire. Il fit séquestrer aussi à Livourne tous les biens des Napolitains, attendu que par l'armistice la suspension d'armes n'était censée devoir commencer qu'au moment où la cavalerie napolitaine serait arrivée dans les positions qui lui avaient été indiquées. Il croyait cependant que le Directoire pourrait ordonner, par un article du traité de paix, la restitution des biens des Napolitains, et ordonna que l'inventaire de tous leurs effets fut fait devant leur consul[39]. Cette mesure fut également approuvée par le Directoire[40]. On ne peut s'empêcher, dit un écrivain[41], de blâmer l'envahissement de Livourne, bien qu'il parût une juste représaille des infractions qu'on s'était permises dans les ports de la Méditerranée pendant les années précédentes. Cette réflexion fait tomber la critique. La République devait-elle faire la guerre en philanthrope à des ennemis pour qui tous les moyens de nuire étaient bons ? Comparativement à l'incendie du port de Toulon, qu'était-ce que l'invasion de Livourne ? N'était-il pas notoire et avéré que les Anglais y étaient plus maîtres que le grand duc de Toscane ? Ce fut en dînant chez le grand duc que Bonaparte reçut la nouvelle de la reddition du château de Milan. Le Directoire fut d'avis que sous les rapports militaires et politiques, il devait être démoli, et chargea le général en chef de donner les ordres nécessaires. Il trouvait utile de montrer aux militaires cette démolition et celle des casernes de la place, comme celle d'une autre Bastille, dont le despotisme autrichien s'était servi pour retenir sous le joug ces contrées florissantes et qui semblaient particulièrement faites pour la liberté. Il pensait qu'en accréditant cette idée parmi le peuple, la chute de cette citadelle exciterait un enthousiasme généreux, réveillerait l'antique haine de la Lombardie contre l'empereur, et y ferait redouter le retour de sa domination. Le Directoire prescrivit d'envoyer en France toute l'artillerie, tous les effets de magasin trouvés à Milan qui ne seraient pas nécessaires à l'armée, et de ne garder que ce qui était utile à ses mouvements, et rien de ce qui pourrait les embarrasser[42]. Le général en chef jugea convenable de conserver momentanément et de faire occuper le château de Milan. Le Directoire répliqua que cependant tout devait être disposé pour faire jouer les mines et détruire ses ouvrages, dans le cas où des succès de la part des ennemis rendraient cette mesure nécessaire[43]. Du 29 au 30 prairial (du 17 au 18 juin) la tranchée fut ouverte devant ce château, le 9 messidor (27), les batteries tirèrent à la fois pendant quarante-huit heures et obtinrent une telle supériorité que le gouverneur battit la chamade et capitula le 11 (29), à trois heures du matin. Les troupes de la garnison furent faites prisonnières et les émigrés et les déserteurs livrés. On trouva dans la citadelle cinq mille fusils, cent cinquante bouches à feu, deux cents milliers de poudre et des approvisionnements assez considérables ; l'artillerie fut embarquée de suite sur le Pô pour Mantoue. Le général Despinois qui avait commandé le siège avait reçu, le jour de l'ouverture de la tranchée, le brevet de général de division que le Directoire avait envoyé pour lui. Un soulèvement éclata à Césène. Les révoltés arrêtèrent le général Verdier qui venait d'une mission dont il avait été chargé par le général Augereau pour Ancône. Ce général dépêcha un courrier aux magistrats de Césène et les somma, sous leur responsabilité personnelle, de mettre Verdier en liberté, et de le renvoyer sous bonne et sûre garde. Il donna ordre en même temps au général de brigade Beyrand de part de suite pour Césène avec de l'infanterie, de la cavalerie et un obusier, et de faire tout rentrer dans l'ordre. Il éclata une révolte plus sérieuse à Lugo, petite ville du Ferrarais. Un moine venant de Trente apporta dans la Romagne la nouvelle que les Autrichiens avaient passé l'Adige, débloqué Mantoue, et marchaient à grandes journées sur la Romagne. Des imprimés séditieux excitèrent partout à l'insurrection ; des prêtres fanatiques la prêchèrent ; ils organisèrent en peu de jours ce qu'ils appelèrent l'armée apostolique ; ils établirent leur quartier-général à Lugo. Dans une proclamation imprimée, les révoltés disaient : Les circonstances critiques dans lesquelles se trouve le peuple de Lugo par l'invasion des Français dans l'état pontifical, l'enlèvement des subsistances, les insultes faites aux personnes, tout porte à prendre les armes pour la défense des saints protecteurs du souverain, de l'État et de la patrie ; tous doivent concourir au salut commun dans le commun péril. Tous animés par le zèle de la religion, l'attachement à Sa Sainteté, leur légitime souverain, et l'amour de la patrie, travailleront unanimement au succès d'un si beau dessein, en se rangeant sous les glorieux étendards de l'Église. L'armée apostolique était composée de plusieurs milliers d'hommes, elle avait de la cavalerie, des chefs et des généraux. Des règlements, des proclamations, des actes d'autorité en tout genre étaient déjà sortis de ce foyer d'insurrection. Le général Augereau y envoya de Forli le général Beyrand avec un piquet de cavalerie et On détachement d'infanterie pour arrêter l'imprimeur des proclamations. Cette troupe fut reçue à coups de fusil et contrainte de se retirer après avoir eu trois hommes tués et quatre ou cinq blessés. Les révoltés portèrent en triomphe les têtes à Lugo. Indigné de l'audace de ces brigands, et résolu de venger le sang français, Augereau marcha avec 800 hommes d'infanterie, 200 chevaux et deux pièces d'artillerie. L'évêque d'Imola, depuis Pie VII, dans le diocèse duquel se trouvait l'insurrection, fit un mandement pour ouvrir les yeux aux révoltés ; Rendez à César ce qui est à César, disait-il, Jésus-Christ ordonne d'obéir à celui qui à la forêt. Il envoya même à Lugo l'évêque d'Edessa alors son grand-vicaire, et depuis son aumônier : il échoua dans sa mission ; les révoltés l'accueillirent avec respect, mais n'obéirent point à ses ordres, ne suivirent point ses conseils. Le baron Capeletti, chargé d'affaires d'Espagne, proposa sa médiation, se rendit à Lugo, et ne fut pas plus heureux. Le 18 messidor (6 juillet) Augereau attaqua donc les révoltés : ils se défendirent ; mais après un combat de quelques heures, ils se débandèrent, et prirent, la fuite laissant environ 300 morts. La ville de Lugo fut livrée au pillage pendant trois heures ; on en avait fait partir auparavant les femmes et les enfants. Augereau écrivit à Bonaparte le 20 (8 juillet) : L'armée apostolique et son quartier-général n'existent plus. Les chouans de la Romagne et du Ferrarais ont été chassés, battus et dispersés sur tous les points ; et si je ne me trompe, la fantaisie de nous combattre ne leur reprendra plus. Le Directoire vit dans ces mouvements séditieux une haine profonde des Italiens pour les Français, et indiqua au général en chef, comme le meilleur moyen de les prévenir, l'enlèvement d'un grand nombre d'otages[44]. Mais il dédaignait ces impuissants palliatifs, et pour lui la plus sûre garantie de la tranquillité de l'Italie était de battre les Autrichiens ; aussi renvoya-t-il promptement au-delà du Pô toutes les troupes qu'il avait employées à ces expéditions secondaires, ne laissant sur la rive droite que des dépôts, quelques piquets de gendarmerie, 400 hommes dans la citadelle de Ferrare, et les patriotes organisés en gardes nationales. Les soulèvements qui avaient éclaté en Italie fournirent au Directoire une nouvelle occasion de recommander au général en chef de ne pas trop s'éloigner de la Lombardie et de ne pas pénétrer trop avant dans le Tyrol ; cette opération lui paraissant désastreuse et ne pouvant avoir lieu tout au plus que dans le cas où les armées d'Allemagne parviendraient à rejeter l'ennemi vers la Bohême ou le Danube[45]. |
[1] Lettre du 15 prairial (3 juin).
[2] Montholon, tome IV, page 130.
[3] Lettre du 19 prairial (7 juin).
[4] Lettre du 16 prairial (4 juin). Le Directoire avait ordonné à ses agents diplomatiques de ne reconnaître pour Français que ceux qui porteraient la cocarde nationale. A Venise cinq ou six Français l'avaient prise. Les inquisiteurs d'État la leur avaient fait enlever ; Lallemant adressa au sénat une réclamation énergique.
[5] Lettre des 23 et 27 prairial (11 et 15 juin).
[6] Lettre du 20 prairial (8 juin).
[7] Lettre du 19 prairial (7 juin).
[8] Lettre du 20 prairial (8 juin).
[9] Montholon, tom. III, page 251.
[10] Lettre du 27 prairial (15).
[11] Lettre du 20 prairial (8 juin).
[12] Lettre au Directoire, du 23 prairial (11).
[13] Lettre du 21 prairial (11 juin).
[14] Lettre du 25 prairial (13 juin).
[15] Lettre du 28 prairial (16 juin).
[16] Lettre du 27 prairial (15 juin).
[17] Lettre du 4 messidor (22juin).
[18] Lettre du 17 prairial (15 juin).
[19] Lettre du 4 messidor (22 juin).
[20] Lettre du 6 messidor (24 juin).
[21] Lettre du 18 messidor (6 juillet).
[22] V. pièces justificatives, n° VIII. Lettre du 27 prairial (17 juin).
[23] Lettre à Bonaparte, 18 messidor (6 juillet).
[24] Lettre du 17 messidor (5 juillet).
[25] Montholon, tom. III, page 264.
[26] Lettre de Bonaparte à Miot, du 8 messidor (25 juin).
[27] Lettre du 8 messidor (26 juin).
[28] V. pièces justificatives, n° IX. Lettre du 8 messidor.
[29] Lettre du 11 messidor (29).
[30] La place de Livourne, disait Napoléon à Sainte-Hélène, avait pour gouverneur un homme dont j'ai pu apprécier le caractère depuis ma chute. Je n'avais au fond que peu de chose à en craindre alors, mais on ne m'en avait pas dit du bien ; mes troupes étaient exténuées, le temps était précieux. Je ne voulus pas m'exposer à de vaines chicanes ; je le mandai ; je l'accablai de reproches, je m'en débarrassai. J'allai trop loin cependant ; je dépassai le but ; je ne me proposais que de l'éloigner, je le maltraitai, j'avais tort. Je pus m'en assurer depuis. Spanocchi était plein de noblesse et de loyauté ; j'en fis l'expérience à l'île d'Elbe. (Antommarchi, tome I, page 160).
[31] Instruction du 11 messidor (29 juin).
[32] Ordre du 12 messidor (30 juin).
[33] Lettre au Directoire, 14 messidor (2 juillet)
[34] Montholon, tom. III, page 263.
[35] V. pièces justificatives, n° X.
[36] Pommereuil, Campagnes de Bonaparte, page 78.
[37] Lettre du 4 messidor (22 juin).
[38] Lettre du 23 messidor (11 juillet).
[39] Lettre du 18 messidor (6 juillet).
[40] Lettre du 29 messidor (17 juillet).
[41] Jomini, tom. VII, page 154.
[42] Lettre du 23 messidor (1er juillet).
[43] Lettre du 14 thermidor (2 juillet).
[44] Lettre du 7 thermidor (25 juillet).
[45] Lettre du 4 messidor (22 juin).