OPINION SUR LES SOCIÉTÉS POPULAIRES. 28 VENDÉMIAIRE AN III.CE projet me parait d'une telle importance, qu'il me semble nécessaire, même quand l'ajournement serait adopté, d'éclairer le peuple par une discussion raisonnée. Je suis effrayé des divers articles de ce projet ; je ne conçois pas comment où pourrait enlever aux agrégations d'hommes libres la faculté de communiquer entre elles. (Murmures.) Je pense comme tous les membres de la Convention, qu'il n'appartient qu'aux représentants du peuple et aux autorités constituées de concourir au gouvernement, que les sociétés populaires ne doivent y avoir aucune part active ; mais je sais aussi qu'elles ont des droits inhérents à la qualité des citoyens qui les composent, des droits qu'il n'est pas au pouvoir du gouvernement de leur ôter. Si les sociétés populaires se sont écartées des bornes que la raison leur prescrit, si elles ont usurpé sur le gouvernement, vous devez en accuser la législation qui, dans plusieurs lois rendues depuis l'établissement du gouvernement révolutionnaire, les y a fait participer. Si, comme je le crois, il y a des inconvénients à ce que les sociétés populaires conservent plus longtemps ce droit, il faut le leur ôter ; il faut qu'elles ne gouvernent plus ; mais il ne faut pas pour cela porter atteinte au droit qu'ont tous les citoyens de communiquer entre eux. Rappelez-vous les services rendus à la république par les sociétés populaires, tant qu'elles ont été contenues dans de justes bornes ; il n'est pas un membre de la Convention qui ne se fasse honneur d'avoir été de ces sociétés, (on applaudit) et qui ne doive à leur influencé le caractère dont il est revêtu, (murmures) parce que c'est là que les patriotes se sont fait connaître. Il ne s'agit pas de détruire ces institutions ; personne n'en a envie ; mais il faut être prudent dans les mesures à prendre : il ne faut pas que ces sociétés puissent influencer d'une manière arbitraire, directe et tyrannique le gouvernement, mais aussi il faut qu'elles jouissent de la plus entière liberté. Ce ne sont point les sociétés populaires qu'il faut accuser des maux qui ont tourmente la république, mais le malheur des circonstances, mais les conspirations du gouvernement lui-même ; car c'est le gouvernement qui fait la morale publique. Lorsqu'il donne de bons exemples, lorsqu'il prêche la morale et qu'il la pratique, les citoyens et les sociétés s'empressent de la suivre. (Applaudissements.) Il n'est pas étonnant que lorsqu'il était composé d'hommes perfides qui ne prenaient que des mesures tyranniques, sous l'apparence du patriotisme, les citoyens de bonne foi qui composaient les sociétés aient été trompés sur ses intentions et aient commis des fautes. Mais si vous-vouliez rechercher tout ce qui a été fait, si vous vouliez convertir les erreurs en crimes, il n'est pas un homme en France qui ne méritât d'être puni. La latitude qu'on vous a fait donner au gouvernement révolutionnaire est cause, en grande partie, des maux que la république a soufferts ; et vous n'aurez rien fait pour neutraliser tout ce que l'influence des sociétés populaires à de funeste, tant qu'un homme ne sera pas à l'abri d'un autre homme, tant qu'on sera responsable envers les passions des individus, et non envers l'impassibilité des lois : Sous ce rapport la loi du 17 septembre a besoin d'être revue ; il importe de bien déterminer ce qu'il faut entendre par gens suspects. J'aime mieux être responsable envers une loi atroce qu'envers les caprices des hommes. Je crois, citoyens ; qu'on ne peut point interdire la correspondance entre les sociétés, et je demande que les trois comités soient chargés de vous présenter les moyens d'ôter aux sociétés populaires la part active qu'on leur a donnée dans le gouvernement. |