HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

VIII. — LES CONFLITS DE L’ARMÉE DES PYRÉNÉES.

 

 

Les premiers généraux des deux armées des Pyrénées appartenaient à l’ancienne organisation, et cette circonstance peut, dans une certaine mesure, servir à expliquer leur résistance aux insanités des représentants et la défiance de ces derniers.

 

I

LE GÉNÉRAL DE FLERS.

 

Louis-Charles de Lamotte Ango de Flers, né le 12 juin 1754, sortait de la cavalerie. La révolution de 1789 l’avait trouvé officier supérieur et le fit lieutenant-colonel le 6 novembre 1791, colonel le 23 mars 1792, et maréchal de camp le 7 septembre de la même année. Nommé général de division à l’armée du Nord le 27 avril 1793, de Flers avait été appelé, le 14 mai, au commandement de l’armée des Pyrénées Orientales.

Nous avons donné plus haut son portrait par le commissaire Comeyras[1] ; nous le compléterons par la dénonciation des représentants Espert et Projean.

 

Perpignan, le 10 juillet 1793, l’an II de la République française.

Les Représentants du peuple envoyés près l’armée des Pyrénées-Orientales au Comité de Salut public.

Citoyens, nos Collègues,

D’après les conférences que nous avons eues avec le général Flers, tant en présence des officiers généraux de l’armée que tête à tête, nous nous sommes convaincu de la nullité de ses talents militaires pour commander en chef l’armée des Pyrénées-Orientales ; point de plan de défense d’arrêté, une versatilité continuelle dans ses projets, oui et non dans la même minute, suivant l’impulsion qu’il reçoit.

L’armée ne le connaissait pas quand nous sommes arrivés ici. Il n’a rien fait pour bien monter la partie de l’espionnage, aussi ne sait-il jamais à temps les mouvements de l’ennemi ; il a chargé de ce soin le citoyen Labarrière, l’un des adjudants généraux de l’armée, et le civisme de ce citoyen est suspect à plusieurs bons citoyens ; on assure que le père d’un des courriers du général, qui est de Thuir, a émigré et sert d’espion aux Espagnols. Son état-major est mal organisé, aussi le service ne s’y fait pas comme il convient.

Le général n’a ni le maintien ni le ton nécessaires pour gagner le cœur des soldats, l’affection et la confiance de ceux qui les commandent sous lui ; enfin un général de division et deux généraux de brigade se sont crus obligés de venir nous prévenir qu’ils regardaient le général Flers comme absolument incapable de commander l’armée en chef ; et la seule chose qui soit en sa faveur, c’est qu’il a prié le Comité de Salut public, à ce qu’il nous a dit, d’envoyer un général pour le remplacer.

Nous vous devions notre opinion sur le général en chef et nous venons de vous la dire. Nos collègues Bonnet et Fabre pensent de même à son égard. Nous espérons que le salut de la patrie vous déterminera à nommer un autre général en chef ; hâtez-vous de faire un bon choix, si vous voulez sauver ce département-ci et ceux du Midi. En attendant, nous continuerons d’entourer le général Flers de toute la confiance dont il a besoin pour servir utilement la République, et qui que ce soit ne s’apercevra de notre façon de penser à son égard, jusqu’après votre réponse et son remplacement.

Salut et fraternité,

ESPERT, PROJEAN.

 

Quelle que fût sa capacité, de Flers était parfaitement fondé à se refuser à une attaque téméraire après le conseil de guerre dont nous allons rapporter la décision.

 

Renseignements fournis au Conseil de guerre tenu, en présence des Représentants du peuple, à Perpignan, le 5 août 1793, l’an II de la République française.

 

Le camp de Mas-Ros et les petits camps et cantonnements jusqu’à la mer sont dans ce moment forts de 12. 000 hommes,

— Dans ces camps, il n’y a que 400 hommes de cavalerie en état de combattre —.

Si on voulait attaquer, il faudrait laisser dans les retranchements une force suffisante pour les garder, d’autant plus que la garnison de Perpignan et de la citadelle est extrêmement faible ; il y a 626 hommes à la citadelle et 1.000 dans la ville.

Il y a au Mont-Libre 1.600 hommes.

Depuis Olette en suivant la Tel jusqu’à Perpignan, il y a 4.000 hommes.

A Collioure 2.374 hommes.

A Salces, Leucate, sur les derrières et les côtes 4.000 hommes.

Total ci : 23.974 hommes.

L’artillerie est composée d’environ 110 pièces de canon, et trois petits obusiers.

Nota : Il y a dans ce moment 22 voiles devant Collioure ; il paraît à la vue 8 vaisseaux de guerre et 8 frégates, le reste de brigantins.

 

Armée espagnole.

Grand camp

21.000

hommes

Argelès

3.000

Depuis Bouttemer jusqu’à Villefranche

5.000

Ille, Thuir, Millas, etc.

3.000

Au Mont-Libre

4.000

Total : 36.000 hommes dont 6.000 de cavalerie.

Artillerie ; 130 pièces de canon et 20 obusiers, sans compter les 20 pièces de canon d’Argelès, dont moitié de 2k jusqu’à 8 et un obusier.

 

Je certifie que les canonniers disponibles de l’armée des Pyrénées-Orientales se montent à 800, dont 90 seulement de ligne.

LAMARTILLIÈRE, commandant de l’artillerie de l’armée.

 

A observer que la citadelle et la ville de Perpignan sont dénuées de souterrains à l’épreuve de la bombe, et qu’il n’y a pas sur les lieux assez de bois de blindage pour y suppléer.

Le chef de brigade directeur des fortifications,

VIALIS.

 

J’engage les officiers généraux de motiver leur avis sur les données ci-jointes, à l’effet de répondre aux questions faites dans le mémoire et demandes ci-contre.

1° Êtes-vous d’avis d’attaquer Argelès avec le secours de la garnison de Collioure ?

2° Êtes-vous d’avis d’attaquer le grand camp des Espagnols ?

3° Êtes-vous d’avis de faire des attaques particulières sur Millas, Ille, Vinça, Prades et Thuir, etc. ?

4° Dans le cas d’attaque ci-dessus, quelle est la marche qu’il faudrait suivre ?

FLERS.

 

Quatre généraux de division, de Flers, Puget de Barbentane, Dauvart et Dagobert ; cinq généraux de brigade, d’Aoust, Giacomoni, Frégeville, Massia et Boiscouteau ; le commandant en chef de l’artillerie Lamartillière ; le chef de brigade Vialis, directeur des fortifications, et le capitaine Andréossy, commandant le génie, prirent part à la délibération ouverte sur ces questions. La décision, comme nous l’avons déjà dit, fut rendue à l’unanimité et, pour éviter des répétitions inutiles, nous nous bornerons à reproduire l’avis le plus catégorique et le plus complet.

 

Opinion du général d’Aoust.

 

Du 6 août 1793, an II.

Première question. — Êtes-vous d’avis d’attaquer le grand camp des Espagnols ?

L’avis unanime du conseil de guerre ayant été hier pour la négative, je ne m’étendrai sur cette question que pour prouver que les habitants de ce pays qui sont pour l’affirmative, de bonne foi, sont du même avis, sans s’en douter, que les Espagnols et les contre-révolutionnaires. Je regarde le camp en avant de Perpignan comme l’avant-chemin couvert et le véritable rempart de cette place, car l’ennemi, une fois maître des hauteurs où notre camp est placé, serait bientôt en possession des ville et citadelle de Perpignan, dénuées de souterrains à l’épreuve de la bombe et sans bois de blindage pour y suppléer ; il n’est rien que les Espagnols ne tentent pour nous faire quitter notre position ; moyens extérieurs et intérieurs, tout leur est bon.

Les moyens extérieurs consistent, sur terre, à étendre leurs troupes, et par mer, à menacer les côtes pour nous donner de l’inquiétude sur nos communications avec Tinté-rieur de la République, nous forcer par là à diviser nos forces et à quitter notre position.

Les moyens intérieurs sont de faire crier par leurs partisans qu’il faut attaquer. Ces cris sont répétés par plusieurs bons citoyens qui ne connaissent ni l’art de la guerre ni la faiblesse de nos moyens, que la prudence nous force à cacher. D’autres patriotes, victimes honorables de leur saint amour pour la cause sacrée de la Liberté et de l’Égalité, ont fui leur domicile souillé par la présence impure des vils satellites du despote castillan, et il est bien naturel qu’ils manifestent hautement le désir de rentrer dans leurs possessions.

 

Résumé. — Si nous remportons la victoire, l’ennemi a sa retraite assurée au Boulou et derrière le Tech, ensuite dans la superbe position de Marcillas, et enfin sous le camp de Bellegarde.

Si nous essuyons une défaite, nous livrons la France aux ennemis. Je crois qu’il vaut mieux garder notre position, ne rien donner au hasard, exercer et discipliner les troupes, et les pourvoir de tous leurs besoins, jusqu’à l’arrivée des renforts qui nous sont annoncés par le Comité de Salut public de la Convention nationale et le ministre de la Guerre.

Ainsi, mon avis est : Non.

 

Deuxième question. — Êtes-vous d’avis d’attaquer le camp d’Argelès avec les secours de la garnison de Collioure ?

Il faut pour cette attaque combinée qu’un corps de troupes, parti du camp en avant de Perpignan, passe le Recort, le Candal, prenne Elne, passe le Tech et attaque ensuite Argelès, qui est muni d’une citadelle formidable et où l’ennemi a eu trois mois pour se fortifier.

L’ennemi, supérieur surtout en cavalerie, et qui a la droite de son grand camp postée au Mas-d’Eu, peut facilement nous attaquer avec avantage pendant une marche de trois lieues dans la plaine, pendant laquelle nous lui prêtons toujours le flanc, où il faut passer trois rivières, dont deux ne peuvent se traverser qu’en très peu d’endroits, vu que nous n’avons pas une seule position, et enfin pendant l’attaque préalable d’Elne.

Quant au retour, je le soutiens impossible par les raisons ci-dessus ; car s’il était possible de dérober notre marche à l’ennemi, il est évident qu’on ne peut lui cacher notre retour par terre et, les ennemis étant les maîtres de la mer, il ne faut plus songer à revenir par là.

 

Résumé. — Si nous sommes battus, le corps parti du grand camp est encore détruit et l’artillerie perdue.

Si nous franchissons tous les obstacles et que nous soyons vainqueurs, notre camp dégarni de ses meilleures troupes, qui n’auront pu revenir, sera facile à emporter, et alors notre victoire aura les inconvénients d’une défaite.

Collioure, avec une brave garnison de 2.374 hommes, des munitions de guerre en abondance, des vivres pour six mois, doit tenir plus que le temps nécessaire à l’arrivée des renforts que nous attendons, et alors nous sommes sûrs d’obtenir un succès, qu’une démarche inconsidérée compromettrait sans retour, et de chasser l’ennemi non seulement d’Argelès, mais du territoire de la République.

Ainsi mon avis est : Non.

 

Troisième question. — Êtes-vous d’avis de faire des attaques particulières sur Millas, Ille, Vinça, Prades et Thuir, etc. ?

Je crois qu’il faut attendre qu’il nous soit arrivé au moins 2000 hommes de bonne troupe, car on ne peut les prendre sur notre grand camp sans l’exposer à être emporté ; il faudrait alors menacer l’ennemi sur plusieurs points, par de fausses attaques combinées, tomber brusquement sur le poste qu’il aura dégarni, l’emporter, profiter sur le champ de notre avantage pour les chasser du confluent et occuper la position du Col de Boule, d’où nous lui couperons les eaux ; nous pourrions ensuite nous porter à Corbère, d’où nos chasseurs des montagnes l’inquiéteront sans cesse et lui couperont les vivres.

J’observerai que le général de division Montredon, avec le corps de troupes sous son commandement, peut facilement empêcher les Espagnols de pénétrer dans l’intérieur ; et quant au Mont-Libre, je le crois imprenable d’ici à dix mois, c’est-à-dire au mois de mai, parce qu’il doit tenir — à moins de trahison — six semaines, ce qui mène jusqu’au delà du 15 septembre, époque où les neiges forceront les ennemis à lever le siège.

Ainsi, quant à présent, mon avis est : Non.

 

Quatrième question. — Dans les cas d’attaque ci-dessus, quelle est la marche qu’il faudrait suivre suivant votre avis ?

Elle se trouve dans mes réponses aux trois questions précédentes.

 

Le général de brigade, chef de l’état-major général de l’armée des Pyrénées-Orientales,

DAOUST.

 

Malgré cette délibération, ou plutôt à cause d’elle, de Flers fut destitué par l’arrêté suivant.

Les Représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Orientales arrêtent :

Art. 1. — Le général Flers, ayant perdu la confiance des citoyens soldats qui composent l’armée, est suspendu de ses fonctions et se retirera à vingt lieues des côtes et frontières, pour y attendre les ordres du ministre de la guerre.

Art. 2. — Le général de brigade Nucé est pareillement suspendu de ses fonctions, et se retirera à Cahors, jusqu’à nouvel ordre.

Art. 3. — Le général de division Puget Barbentane prendra le commandement de l’armée des Pyrénées-Orientales.

Art. 4. — Le général de division Dagobert aura sous son commandement les troupes cantonnées depuis Olette inclusivement jusqu’à la Garonne. 11 pourra requérir les gardes nationales des départements dé la Haute-Garonne et de l’Ariège, des districts de Quillan et Prades.

Art. 5. — Nul ne pourra faire partie, ni être adjoint à l’état-major de l’armée, s’il n’a au moins trois ans de service.

A Perpignan, le septième août, l’an II de la République française.

Jean ESPERT, FABRE, BONNET, BROUSSES, secrétaire.

 

La mauvaise fortune du général de Flers ne s’arrêta pas là. Il fut incarcéré à son arrivée à Paris, et impliqué plus tard dans la conspiration des prisons du Luxembourg. Le Tribunal révolutionnaire le condamna à mort le 4 thermidor an II.

 

II

LETTRES DU GÉNÉRAL BARBENTANE.

 

Le général en chef de l’armée des Pyrénées-Orientales au représentant du peuple Fabre.

 

Sigean, le 10 septembre 1793, l’an II de la République.

Citoyen représentant,

Au moment de mon départ de Perpignan, lorsque je vous faisais mes adieux, je vous ai demandé : Ai-je votre estime ? Oui. Ai-je votre confiance ? Vous m’avez répondu : Vous avez Tune et l’autre. Je vous ai déclaré que j’avais besoin de cette assurance de votre part ; que, comme individu, je la prisais infiniment ; que, comme représentant du peuple, je la regardais comme absolument nécessaire et que je renoncerais, sans cette certitude, à occuper le poste républicain auquel les circonstances m’avaient élevé, avec un dévouement bien rare, vu la position de cette armée de la République.

Actuellement, je vous réitère les mêmes questions et je vous prie d’y répondre.

Il me revient de Perpignan toutes sortes de propos ; tantôt on parle de mon arrestation, de ma destitution, que j’ai perdu la confiance. Ces bruits sont-ils l’effet des faux calculs, des fausses combinaisons de quelques individus de Perpignan ? Sont-ils excités par des désorganisateurs, des faux patriotes dont je découvre tous les jours le masque ? Est-ce enfin seulement les aristocrates sortant de Perpignan qui cherchent à les répandre ? C’est à vous à qui je le demande. Représentant du peuple, si vous le saviez, vous auriez pris un parti dicté par votre devoir, puisque c’est moi qui vous indique les bourdonnements qui sont venus à mes oreilles ; vous examinerez sans doute, et je saurai à quoi m’en tenir par vous.

Vous devez vous rappeler toutes les propositions que je vous ai faites à Perpignan. Je vous ai dit : comme général en chef, je ne puis rester dans cette ville du moment où je crois militairement que le quartier général doit être porté ailleurs, opinion qui n’a pas été seulement la mienne, mais bien celle des généraux Lafitte, Daoust, Frégeville, Giacomoni. Je vous ai ajouté : ne croyez-vous pas ma personne plus utile à Perpignan ? J’y resterai avec la plus grande satisfaction. Et je disais vrai, comme je le dis encore, en vous répétant que j’aimerais mieux, pour mon propre compte, occuper ce poste que celui où je suis. Je vous ai offert d’aller prendre la place de l’intrépide Dagobert, si, dans les circonstances pressées où nous sommes, vous le jugiez plus utile au commandement en chef de l’armée. Vous m’avez laissé à ce poste et je ne dirai pas que j’en remplis tous les devoirs, car je le défierais à aucun individu quelconque ; mais je dirai avec vérité que j’y passe les nuits et les jours de la manière la plus pénible par le peu de moyens secondaires, par l’insouciance, par la trahison qui nous entourent, et par l’extrême peine et sensibilité que j’éprouve à voir mes braves frères d’armes supporter avec un courage héroïquement républicain un bivouac prolongé depuis un mois, marchant nu-pieds et enfin manquant de tous les objets nécessaires

Je ne vous cache pas que, comme on sait que vous avez donné des ordres pour ne rien laisser sortir de Perpignan, on se plaignait hier au camp de ce que les tentes n’arrivaient pas. Vous devez sentir quelle a été ma réponse. On a bien mis de la négligence à ce départ, malgré les demandes et les ordres réitérés ; si elles ne le sont, portez-y votre vigilance active et fraternelle ; faites joindre à cet envoi des outils de toute espèce dont Perpignan doit avoir un superflu

J’avais bien envie d’aller hier à Perpignan ; je laisse à votre sagesse de décider si ma présence y serait utile. Pour peu que vous pensiez à le croire, je trouverai personnellement 4e la satisfaction à m’y rendre.

Salut, fraternité, dévouement sans bornes.

PUGET BARBENTANE.

 

Le général en chef de l’armée des Pyrénées-Orientales aux représentants du peuple près la dite armée.

 

Au quartier général de Sigean, le 12 septembre 1703, l’an II de la République française.

Appelé à servir dans l’armée des Pyrénées, j’y suis arrivé aa moment où la division des deux armées s’opérait ; je suis revenu à celle des Pyrénées-Orientales, parce que l’ennemi se trouvait le plus près de la route que je tenais ; j’y ai contribué, comme général de division, à l’organisation du corps d’armée qui est actuellement au camp devant Perpignan ; j’ai combattu plusieurs fois à la tête de mes frères d’armes, et notamment à la journée du 17. Appelé par vous à prendre le commandement en chef, malgré la position critique, j’ai eu le courage républicain de prendre les rênes de ce pénible fardeau ; j’ai rempli mon devoir. J’espérais que les événements intérieurs permettraient à l’armée de Carteaux de venir renforcer cette armée. Le travail immense que j’ai été dans le cas de faire pour l’organisation, en même temps qu’il fallait s‘occuper d’une défensive active, ont épuisé mes forces physiques. Cette armée n’ayant pas encore reçu de renforts conséquents, je sens qu’il est au delà de mon intelligence morale de la diriger. Je vous prie donc, citoyens représentants, d’en confier le commandement à un autre.

Je serai bien aise d’avoir un ordre de votre part pour me rendre au Comité de Salut public ; j’y rendrai compte de mes opérations militaires et de ma conduite, et si je suis reçu avec la confiance que je crois mériter, je pourrai peut-être y être de quelque utilité par les renseignements que je serai dans le cas de donner. Si vous voulez me donner une autorisation pour prendre connaissance des moyens que les départements peuvent avoir à vous fournir, je mettrai un grand zèle et un grand intérêt à vous les faire parvenir ; sans cette autorisation, je ferai néanmoins tout ce que je pourrai...

J’avais véritablement espéré de contribuer à chasser l’Espagnol du territoire de la République ; il m’est pénible de partir sans avoir rempli ce vœu ardent ; je cède à la nécessité des circonstances.

Salut, fraternité et dévouement absolu.

PUGET BARBENTANE.

 

III

LE GÉNÉRAL DAGOBERT.

 

Dagobert de Fontenilles (Luc-Siméon-Auguste) a laissé une réputation militaire sans tache. Né dans la Manche le 8 mars 1736, il avait débuté en qualité de lieutenant au régiment de Tournaisis infanterie, à 20 ans, et fait de 1757 à 1762 la campagne d’Allemagne, où il reçut quatre blessures graves. Major le 17 mai 1787, lieutenant-colonel le 1er janvier 1791, colonel le 27 mai 1792, Dagobert fut nommé, le 12 octobre de la même année, maréchal de camp provisoire à l’armée des Alpes, où il servait avec honneur sous Biron. La confirmation du ministre se lit attendre jusqu’au 8 mars 1793, et le nouveau général passa presque aussitôt après à l’armée des Pyrénées-Orientales et y reçut, le 15 mai, le grade de divisionnaire. Cette page de son histoire est la plus brillante, bien que ses services n’aient pas toujours éloigné de lui le soupçon et la disgrâce. Indépendamment de sa lutte avec les représentants Bonnet, Fabre et Gaston, lutte qui motiva son retour au Mont-Libre, Dagobert fut suspendu de ses fonctions, le 17 novembre 1793, et ne les reprit que le 2 février 1794. Il mourut de fatigues à Puycerda, le 18 avril 1794, au milieu de la conquête de la Cerdagne, opérée par ses soins. Son nom, après avoir été gravé au Panthéon, brille aujourd’hui sur l’arc de triomphe de la place de l’Étoile.

 

Le général en chef de l’armée des Pyrénées-Orientales aux citoyens représentants du peuple composant le Comité de Salut public de la Convention nationale.

 

Perpignan, le 24 septembre 1703, l’an II de la République française (3 vendémiaire).

Citoyens représentants,

Je suis arrivé à Perpignan le 19 au soir ; je me rendis aussitôt chez les représentants du peuple Fabre et Cassanyès. Vous aurez peine à concevoir mon étonnement, quand je les entendis me dire que tout était arrangé pour attaquer l’ennemi pendant la nuit, sans attendre la petite armée que j’amenais de Mont-Libre, qui était encore à cinq lieues et qui ne devait arriver que le lendemain. C’est d’après ces sollicitations d’attaquer que je m’y déterminai le 22 au matin.

Je ne dois pas vous dissimuler, citoyens représentants, que je n’ai point été secondé, et que c’est le bruit général de la ville et du camp qu’on a voulu me sacrifier. La cavalerie et l’élite de l’armée sont restées cachées derrière un bois, sans faire le moindre mouvement, ce qui aurait déconcerté l’ennemi, car pour peu que la cavalerie se fût montrée, elle aurait rassuré notre infanterie et en aurait imposé à celle de l’ennemi.

Il était loin de mon idée de vouloir inculper personne ; mais j’entends dire que celui-là même qui commandait l’élite de l’armée, qui avait toute la cavalerie avec lui, qui, loin de se rendre au lieu indiqué, est resté près d’une lieue en arrière, caché dans des oliviers, le général Goguet enfin, croit pouvoir se disculper en criant plus fort que moi. Il lui était désigné de se rendre devant Sainte-Colombe, ce qu’il n’a pas fait, puisqu’il est resté bien loin en arrière, de l’autre côté de Thuir. S’il a eu le bonheur de devenir, en un an, de médecin général de division ; si le représentant du peuple Fabre, par sa grande liaison avec lui, a dessein de le faire commander l’armée, il était pour le moins inutile de me faire les instances qu’on m’a faites, pour me faire accepter un poste où je ne suis arrivé que malgré moi, et où je serais bien aise qu’on me fît remplacer par quelqu’un qui ait plus de talents que moi, mais qui, à coup sûr, n’aura jamais plus de zélé pour le service de la République.

Salut et fraternité.

DAGOBERT.

 

Le général Dagobert aux représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Orientales,

 

Perpignan, le 8 vendémiaire an II. (29 septembre 1793.)

Citoyens représentants,

L’arrivée vraisemblablement prochaine du général nommé par le Pouvoir exécutif pour commander cette armée y rend ma présence peu nécessaire ; au lieu que, le corps de 8000 hommes partis des bords de la Bidassoa paraissant menacer les deux Cerdagnes, il serait nécessaire que je m’y rendisse. Je vous demande donc d^autoriser mon retour aux lieux où ma responsabilité m’appelle.

Salut et fraternité.

DAGOBERT.

 

Arrêté des Représentants du peuple,

Les représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Orientales :

Vu la lettre du général Dagobert, qui demande de se rendre au Mont-Libre, où sa présence est absolument nécessaire et où sa responsabilité l’appelle ;

Considérant que la Convention nationale a confirmé la nomination du général Turreau, choisi par le Conseil exécutif pour remplacer le général Barbentane ; que, d’après cette nomination, il paraît que la Convention nationale veut que le général Dagobert conserve le commandement de l’armée du Centre, où déjà son courage et ses connaissances locales lui ont assuré des succès ; que ce serait compromettre l’intérêt de la République, contrarier le vœu de la Convention nationale de se refuser aux vœux du général Dagobert, et de ne pas l’autoriser à reprendre un poste où sa présence et ses lumières deviennent tous les jours plus nécessaires ; que les Espagnols paraissent menacer cette partie du territoire de la République et qu’il est important que le général, qui déjà plusieurs fois les a fait repentir de leurs projets, aille s’opposer à leurs desseins, arrêtent :

Art. 1. — Le général Dagobert est autorisé de se rendre l’armée du Centre, où il reprendra le commandement en chef qui lui avait été conféré par nos précédents arrêtés.

Art. 2. — Jusqu’à l’arrivée du général Turreau, le plus ancien général divisionnaire prendra le commandement de l’armée.

Art. 3. — Il se concertera pour ses opérations militaires avec les autres généraux divisionnaires.

A Perpignan, le 29 septembre 1793, l’an II de la République française.

BONNET, FABRE, GASTON.

 

Perpignan, le 1er octobre 1793, l’an II de la République française.

Les représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Orientales au citoyen ministre de la Guerre,

Nous vous adressons une copie de la lettre que le général Dagobert nous a écrite, après la nomination du citoyen Turreau à la place de général en chef de l’armée des Pyrénées-Orientales. Nous y joignons copie de l’arrêté que nous avons pris cet effet. Les intérêts de la République exigeraient peut-être que le général Turreau, qui connaît l’esprit du soldat, les positons et les localités, de l’armée de La Rochelle, restât à son poste, où il est de la plus importante nécessité. Ici, il sera obligé de faire une étude particulière de la troupe, une étude les postes, des localités, qui lui enlèveront un temps qu’un général instruit de tous ces points tournerait au profit de la chose publique.

La victoire que nous avons remportée à Peyres-Tortes est due au général Daoust, à qui nous avons donné le commandement provisoire de l’armée, qui lui était dû comme plus ancien général divisionnaire, à la charge de consulter dans ses opérations les autres généraux. Nous ne pouvons trop vous faire l’éloge de ce général ; son sang-froid, ses connaissances militaires et son habileté dans les manœuvres sont des garants presque certains du succès. Nos observations n’ont d’autre but que le salut de la patrie et le désir ardent que nous avons, après avoir chassé l’Espagnol de nos foyers, d’aller passer l’hiver chez lui.

Salut et fraternité.

FABRE, BONNET, GASTON.

 

IV

LE GÉNÉRAL TURREAU.

 

Turreau, général en chef de V armée des Pyrénées-Orientales, aux citoyens représentants du peuple composant le Comité de salut public.

 

Perpignan, le 3 brumaire an II. (24 octobre 1793.)

Citoyens représentants,

Je dois à la place que j’occupe, je dois à la confiance dont vous m’honorez de vous rendre un compte exact de ce qui se passe à l’armée des Pyrénées-Orientales.

Je savais, avant que d’y arriver, qu’il régnait de la mésintelligence entre les officiers généraux de cette armée. Je me suis appliqué à en connaître la cause ; j’ai cru l’avoir trouvée dans les prétentions de quelques individus à la place de général en chef ; j’ai jugé que mon arrivée, devant les faire cesser, il me serait facile de rétablir l’harmonie entre des hommes qui ne doivent être animés que du bien public.

Avant que de commencer aucune opération militaire, il était indispensable d’acquérir des connaissances locales, d’étudier le caractère des principaux agents militaires, de m’instruire de tout ce qui s’était passé avant mon arrivée, des causes de nos succès et de nos revers ; j’ai voulu connaître quel était l’esprit, la force, la discipline de notre armée ; j’ai particulièrement porté mes regards sur toutes les parties de l’administration. En conséquence, jusqu’à ce que j’eusse acquis toutes ces connaissances, j’ai cru devoir laisser le commandement provisoire de la principale armée au général Daoust, en me faisant rendre compte de son plan et de ses projets ; j’ai fait part de cette disposition au citoyen Gaston, l’un des représentants du peuple près de cette armée, qui l’a approuvée et j’en ai rendu compte au ministre.

Pour connaître tout le théâtre de la guerre dans cette partie de la République, je me suis transporté à Villefranche et au Mont-Libre ; j’y ai trouvé le général Dagobert, dont la division avait été séparée de la grande armée, et qui, avec peu de moyens, avait eu de grands succès et conquis la Cerdagne espagnole. Cette conquête importante garantissant le district de Prades de l’invasion de l’ennemi, j’ai cru devoir rappeler près de moi le général Dagobert, dont les talents militaires, la parfaite connaissance du pays et la confiance qu’il a su inspirer aux troupes rendaient la présence nécessaire à la grande armée, où d’ailleurs il y a peu d’officiers généraux instruits.

Revenu au quartier général à Bagnols, je me suis fait rendre compte par le général Daoust, devant les représentants du peuple, de ses projets et de ses moyens pour opérer une entreprise dont la réussite pût hâter la retraite des Espagnols, campés au Boulou, deux lieues en deçà de Bellegarde. J’ai annoncé que, cette opération concertée entre les représentants du peuple et le général Daoust et que j’ai approuvée étant finie, je me mettrais à la tête de la grande armée et que j’agirais entièrement par moi-même.

Je ne puis vous cacher, citoyens représentants, que l’indiscipline et le désordre règnent dans cette armée ; que plusieurs parties de l’administration en sont viciées ; que les moyens de subsistance ne sont pas assurés et que, faute de fourrages, je serai peut-être obligé de reporter sur mes derrières le peu de cavalerie qui me reste.

 

D’après cette incertitude sur les subsistances, celle que Ton doit avoir sur les dispositions de nos troupes, les difficultés que présente la localité, la position de l’ennemi encore sur le territoire de la République, je n’ai pas été peu surpris d’entendre le citoyen Fabre, représentant du peuple, proposer pour cet hiver des conquêtes en Espagne. En vain j’ai voulu combattre ce projet dont l’exécution, du moins cet hiver, me paraît impossible, et dont l’entreprise pourrait compromettre le sort de nos armes et nous faire perdre tout le fruit des succès que nous avons obtenus jusqu’à ce jour. Le citoyen Fabre, aidé de ses collègues, paraît tenir à son plan, et je vous avouerai, citoyens représentants, que je m’opposerai de toutes mes forces à cette entreprise dangereuse sous tous les rapports. Je rends justice au civisme, au zèle et à l’activité des représentants près de cette armée ; mais je crois qu’ils se laissent circonvenir par des hommes adroits et ambitieux et qui ne cherchent qu’à surprendre leur bonne foi ; je crois encore qu’ils ne doivent pas se mêler des opérations militaires et chercher à substituer leurs idées et leurs plans à ceux des généraux ; autrement ceux-ci sont inutiles à l’armée.

Après avoir recueilli tous les renseignements possibles sur le compte du général Dagobert, je crois pouvoir assurer qu’il mérite l’estime générale dont il jouit ; il réunit les suffrages des citoyens et de l’armée.

Depuis l’affaire du 22 du mois dernier, il ne s’est rien passé d’intéressant à cette armée que l’attaque d’une redoute ennemie qui n’a pas réussi. Le général Daoust m’en avait communiqué le projet et je l’avais approuvé ; peut-être je m’y serais opposé si j’avais mieux connu le terrain, que je n’avais pas encore eu le temps d’examiner ; au surplus, la position des Espagnols, les mouvements de leur troupe, tout paraît indiquer le projet qu’ils ont de se retirer, et peut-être ils l’auraient déjà fait, s’ils ne voulaient pas se conserver les honneurs d’une retraite volontaire. Du moment qu’ils auront quitté le district de Céret, le seul point qu’ils occupent sur le territoire de la République, mon projet, citoyens représentants, est de fermer la campagne, sans même entreprendre le siège de Bellegarde, à moins que des circonstances favorables et imprévues ne présentent des facilités pour s’en emparer. En laissant reposer nos troupes pendant trois mois et profitant de ce temps de repos pour les instruire, les discipliner, former les officiers, établir des magasins, porter la réforme dans toutes les parties de l’administration, je crois qu’on pourra se promettre de grands succès pour la campagne prochaine.

J’aurai l’honneur, citoyens représentants, de vous faire passer mon plan et un aperçu de mes moyens d’exécution ; mais si les représentants près de cette armée s’obstinent à me faire exécuter leurs projets ; si, quoique nommé général en chef de cette armée, je n’y suis qu’un être absolument passif et si je n’y puis agir que d’après les idées des autres, je vous prie en grâce, citoyens représentants, de disposer de moi pour une autre place. Étranger à l’intrigue, n’ayant d’autre ambition que celle de coopérer de tous mes moyens au succès de nos armes, je serai toujours satisfait du grade que j’occuperai et du poste qui me sera confié, pourvu que je puisse être utile.

Le ministre de la Guerre peut vous dire que je ne lui ai jamais rien demandé, que je n’ai jamais sollicité d’autre place que celle d’adjudant général, dans la seule vue d’apprendre mon métier ; j’étais alors chef de bataillon.

J’ai cru cette lettre assez importante pour vous l’adresser par un courrier extraordinaire. En attendant vos ordres, je m’opposerai de toutes mes forces à l’exécution de tous projets qui pourraient compromettre le salut de l’armée.

Le général en chef de l’armée des Pyrénées-Orientales,

TURREAU.

 

V

ARRÊTÉS DES REPRÉSENTANTS SUSPENDANT LES NOMINATIONS DE GÉNÉRAUX FAITES PAR LE CONSEIL EXÉCUTIF À L’ARMÈE DES PYRÉNÉES-OCCIDENTALES.

 

Les représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales et les départements voisins :

Instruits que le ministre de la Guerre vient d’élever au grade de général de division, dans l’armée des Pyrénées-Occidentales, des citoyens qui n’ont pas la confiance des républicains ; que cette nomination a excité la sollicitude de la société populaire de Rayonne, qui a craint d’abord, de voir enlever à leurs postes les officiers sans-culottes placés par des représentants Montagnards, en second lieu, de voir de nouveau des intrigants et des militaires suspects travailler à égarer le soldat ; ce qui les a engagés de faire part de ces craintes à leur collègue Garrau, qui a déjà pris à cet égard des mesures provisoires ;

Qu’en même temps, le citoyen Dumas, nommé par le Conseil exécutif général de l’armée des Pyrénées-Occidentales, est près d’arriver à Bayonne, et qu’il a été annoncé par son aide de camp, déjà arrivé dans ladite ville ;

Considérant qu’au moment où le ministre de la Guerre a fait les nominations dont il est question ci-dessus, il ne pouvait encore être instruit des opérations commandées par la voix impérieuse du salut de la chose publique, et auxquelles le ministre et le Conseil exécutif s’empresseront d’applaudir, lorsqu’ils en auront connaissance ;

Considérant que l’intérêt de l’armée exige que la nomination faite par les représentants du peuple des généraux et officiers qui ont mérité, par leur courage, leurs talents et leurs sentiments républicains, la confiance du soldat, soit maintenue, arrêtent :

Art. 1er. — Les nominations faites jusqu’à ce jour par les représentants du peuple dans l’armée des Pyrénées-Occidentales, soit du général en chef, soit de tout autre officier, sont maintenues.

Art. 2. — Il est défendu au citoyen Muller, général en chef de l’armée des Pyrénées-Occidentales, de délivrer des lettres de service aux officiers qui viennent d’être ou qui seraient promus, à quelque grade que ce soit, par le Conseil exécutif dans ladite armée, et de les faire reconnaître dans le grade que le ministre vient de leur conférer ou pourrait leur conférer.

Art. 3. — II est ordonné, tant au citoyen Dumas, nommé général en chef de l’armée des Pyrénées-Occidentales par le Conseil exécutif, qu’à tous autres officiers qui pourraient être ou avoir été promus à quelque grade par ledit Conseil exécutif, dans ladite armée, de sortir des murs de Bayonne et du Saint-Esprit, dès qu’ils y seront arrivés, jusqu’à l’arrivée des représentants du peuple dans cette ville. Le général Laroche, commandant de la ville de Bayonne et de la citadelle du Saint-Esprit, tiendra la main à l’exécution rigoureuse de cette disposition ; sont exceptés pourtant de ladite disposition les officiers qui étaient déjà dans l’armée, lorsqu’ils ont été nommés par le ministre ; ceux-là resteront à leur poste, dans le grade qu’ils avaient précédemment.

Art. 4. — Les représentants du peuple se rendront incessamment à Bayonne ; ils y conféreront ensemble sur le parti à prendre sur les nouvelles nominations du Conseil exécutif ; en attendant, ils invitent le citoyen Garrau, leur collègue, actuellement à Bayonne, de vouloir bien adhérer au présent arrêté et de tenir la main à son exécution.

Fait à Mont-de-Marsan, le premier jour du deuxième mois de l’an II de la République française une et indivisible.

J.-B.-B. MONESTIER (du Puy-de-Dôme), J. PINET aîné, DARTIGOYTE.

 

Le représentant du peuple soussigné, adhérant à l’arrêté ci-dessus, déclare qu’il n’a et ne peut avoir aucune application au citoyen Frégeville, général de division, attaché depuis longtemps à cette armée et que les représentants du peuple ont appelé auprès d’eux, tant à Toulouse qu’à Bordeaux. Il estime en conséquence que le général Frégeville doit exercer les fonctions de général divisionnaire soit à Rayonne, soit à l’armée, dès le moment de son arrivée.

A Rayonne, le 3 du second mois de l’an II de la République française une et indivisible.

GARRAU.

 

Second arrêté des Représentants.

 

Les représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales et les départements voisins :

Considérant que le Comité de salut public et la Convention nationale ne connaissaient pas les réformes devenues si nécessaires opérées dans cette armée, non plus que les remplacements qui y ont eu lieu, à l’époque où la promotion du général Dumas par le ministre de la Guerre ou par le Conseil exécutif a été approuvée par la Convention nationale ;

Considérant que le général Muller a reçu de ces représentants le soin de commander provisoirement en chef cette armée ; à raison des preuves qu’il avait déjà données de son talent, de son activité, de son courage et de son républicanisme prononcé ; à raison de l’expérience qu’il avait acquise, depuis quatre mois d’un travail assidu, de la manière de faire la guerre en ces contrées, où les localités ne permettent pas d’exercer cet art et cette profession comme dans les autres armées de la République, et où il faut un temps très considérable et un coup d’œil très observateur, pour réduire toutes les portions de forces employées sur une multitude de points en un ensemble et un corps d’armée ; enfin encore à raison de ce que ses services près cette armée et sa manière morale d’exister lui avaient concilié l’amitié, l’estime et la confiance des chefs et des soldats ;

Considérant que le général Muller est encore aujourd’hui en pleine jouissance de cette estime, de cette amitié et de cette confiance ; que seul il peut conduire et terminer une campagne dont seul il a les clefs et les dispositions ; enfin que cette campagne et la guerre ne peuvent durer environ que trois semaines ou un mois ;

Considérant que le général Dumas, contre lequel d’ailleurs les représentants du peuple n’ont aucun reproche à former, ne pourrait obtenir les connaissances de localités, de plans, de positions que dans six semaines au moins, ainsi qu’il s’en est expliqué lui-même dans la conférence amicale que les représentants du peuple ont eue avec lui ;

Considérant que, depuis la réforme opérée dans l’armée et l’élection provisoire du général Muller, Tordre et la discipline, la concorde et la bonne union règnent plus rigoureusement et promettent des succès plus marqués ;

Arrêtent, pour le meilleur service de la République, que provisoirement et jusques à un décret définitif de la Convention nationale, le général Muller retiendra le commandement en chef de l’armée des Pyrénées-Occidentales.

Arrêtent aussi qu’il demeurera libre au général Dumas d’être employé dans cette même armée, en qualité de chef divisionnaire, jusqu’à ce décret définitif.

A Bayonne, le 8 du second mois de l’an II de la République une et indivisible.

MONESTIER, PINET aîné, DARTIGOYTE, GARRAU, CAVAIGNAC.

 

 

 



[1] Voir livre XLVI, § III.