Les protestations contre le 2 juin n’émanèrent pas seulement des députés de la Droite ou de la Plaine. Plusieurs représentants en mission, sous l’empire des sentiments d’indignation qui éclataient autour d’eux, s’associèrent de loin, bien qu’appartenant à la Montagne, aux réclamations de leurs collègues restés à Paris. A ce titre la lettre suivante méritait d’être citée : Lorient, le 14 Juin 1793, l’an II de la République française. Nous, représentans du peuple envoyés près l’armée des Côtes de Brest, extraordinairement réunis à Lorient pour aviser aux mesures à prendre dans l’état actuel où se trouvent les départements que cette armée est destinée à défendre. Considérant que nous serions les mandataires les plus infidèles et les plus coupables, si nous laissions ignorée à la Convention nationale les maux dont la France est menacée, par l’effet désastreux qu’ont produit dans cette partie de la République les journées des 31 mai, 1er et 2 juin. Qu’il faut enfin qu’elle sache toute la vérité ; qu’elle l’apprenne de la bouche de ceux-là mêmes qui, associés à ses travaux, doivent aussi partager sa gloire et sa honte. Arrêtons que Sevestre, l’un de nous, se rendra de suite auprès de la Convention nationale ; qu’il lui dira, en notre nom et pour le salut de la République, que le mécontentement est général dans tous les départements ci-dessus ; que ce mécontentement a été provoqué par les excès auxquels on s’est porté contre la Convention nationale, dans les journées des 31 mai, 1er et 2 juin, par la faiblesse qu’elle a montrée en accédant au vœu d’hommes armés qui, entourant le lieu de ses séances, lui ont dicté des lois. Que l’indignation publique s’est accrue, lors surtout qu’on a vu Marat, désignant parmi ses victimes celles qu’il croyait dignes de sa clémence, et la Convention nationale déférant à ses propositions ; lorsqu’on a vu le même député, accusé d’avoir demandé un chef, ne se justifier de cette inculpation qu’en alléguant que le chef dont il avait parlé ne devait être qu’un guide pour diriger le peuple dans son insurrection. Que la confiance du peuple dans la Convention est étrangement affaiblie ; qu’on révoque en doute si les décrets qu’elle a rendus depuis le l’’ juin sont obligatoires ; qu’on refuse dans quelques départements de les publier ; que les représentants qu’elle a envoyés éprouvent en plusieurs endroits les dégoûts d’une injuste défiance ; que, dans le département du Finistère leur liberté a été hautement menacée et leur autorité presque méconnue. Que la Commune de Paris excite aussi de vives alarmes ; qu’on croit voir dans ses arrêtés, dans sa marche, le projet insensé de s’ériger en commune dominatrice ; que pour lui en ravir l’espoir, si elle l’a conçu, on s’arme de toute part. Qu’il parait que la rénovation de la Convention est résolue, si elle ne décrète bientôt une constitution républicaine et si elle demeure plus longtemps dans l’oppression, où on croit qu’elle est encore. Chargeons Sevestre de déclarer à la Convention nationale que nous sommes déterminés à rester inébranlables au poste où elle nous a envoyés ; mais que, si elle ne prend pas incessamment des mesures pour rétablir la confiance qui lui est nécessaire pour sauver la République, notre présence dans ces lieux ne pourrait que compromettre le caractère dont nous sommes revêtus, et la souveraineté du peuple. SEVESTRE, MERLIN (de Douai), GILET, CAVAIGNAC. Cette velléité de résistance ne dura guère. Dès le 21 juin, et sans attendre le retour de Sevestre, ses trois collègues écrivaient au Comité de Salut public une longue lettre, insérée dans le Moniteur du 28 juin, pour déclarer que, malgré les difficultés de leur situation, rien ne les empêchera de remplir leur devoir et de faire respecter la Convention. |