Nous avons donné dans le cours de notre récit plusieurs extraits des pièces relatives à l'arrestation d'Adrien Duport. Nous nous contenterons donc de donner in extenso la copie textuelle : 1° de la dernière lettre écrite par Danton pour réclamer la mise en liberté du célèbre constituant ; 2° du jugement du tribunal du district de Melun qui fait droit à cette demande. Paris, ce 17 septembre 1792, l'an IV de la liberté et le 1er de l'égalité. D'après le décret de l'Assemblée nationale du neuf de ce mois, vous voudrez bien, messieurs, statuer promptement sur la légalité ou l'illégalité de l'arrestation de M. Adrien Duport, afin que ce prisonnier soit mis en liberté s'il n'a pas mérité d'en être privé plus longtemps. Le Ministre de la justice, DANTON. JUGEMENT DU TRIBUNAL DE MELUN.Le 17 septembre 1792, le tribunal du district de Melun, assemblé extraordinairement tant pour faire droit à la lettre émanée du ministre de la justice, qui ordonne de statuer promptement sur la légalité ou l'illégalité de l'arrestation du sieur Adrien Duport, qu'à la requête présentée par le sieur Adrien Duport, qui demande son élargissement ; après avoir examiné toutes les pièces, au nombre de douze, relatives à son arrestation, a rendu, le 17 septembre 1792, le jugement qui suit : Vu la requête présentée au tribunal du district de Melun par M. Adrien Duport, ex-député de l'Assemblée nationale constituante, ce jourd'hui en état d'arrestation depuis la nuit du sept au huit de ce mois en la maison commune de cette ville, où il a été conduit par quatre gardes nationaux des communes de Bazoches et du Bignon, tendant à ce que le tribunal prononce son élargissement, ensemble toutes les pièces, datées, dénoncées et détaillées au procès-verbal dressé ce jour par le tribunal, dont la minute est annexée au présent jugement, et notamment : 1° L'expédition certifiée par le ministre de la justice d'un décret de l'Assemblée nationale, du huit de ce mois, par lequel le pouvoir exécutif est chargé de faire statuer sur l'arrestation de M. Adrien Duport ; 2° Une lettre adressée ce jourd'hui au tribunal par le Ministre de la justice, par laquelle il lui ordonne de statuer promptement sur la légalité ou l'illégalité de l'arrestation dudit sieur Adrien Duport, afin que ce prisonnier soit mis en liberté s'il n'a pas mérité d'en être privé plus longtemps. 3° Un certificat signé par les sieurs Bouchu, commandant en chef, Martin, adjudant major, et Perrier, capitaine de la cinquième légion, septième bataillon, section armée du Marais, et délivré le neuf du présent mois, duquel il résulte que M. Adrien Duport est grenadier dans ladite section, qu'il y a toujours fait son service personnel et nommément les journées des neuf et dix août dernier, qu'il a passé la nuit du neuf à la caserne et que le dix il s'est transporté avec ses camarades à la prison de la Force, où il a fait son service jusqu'à onze heures du soir. Oui le rapport de M. Eicher de Rivière et le commissaire provisoire du pouvoir exécutif entendu, Le tribunal, considérant : 1° que la constitution, décrétée par l'Assemblée nationale aux années mil sept cent quatre-vingt-neuf, dix et onze, doit être exécutée dans toutes les dispositions auxquelles il n'a point été dérogé par les lois postérieures ; 2° Que par l'article sept de la déclaration des droits de l'homme, il est dit : que nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites ; 3° Qu'aux termes de l'article dix du chapitre cinq du pouvoir judiciaire, nul homme ne peut être saisi que pour être conduit devant un officier de police, et nul ne peut être mis en état d'arrestation et détenu qu'en vertu d'un mandat des officiers de police, d'une ordonnance de prise de corps d'un tribunal, d'un décret d'accusation du Corps législatif dans le cas où il lui appartient de le prononcer, ou d'un jugement de condamnation à prison ou à détention correctionnelle ; 4° Que la détention de M. Duport n'a pour base aucun des actes ci-dessus mentionnés ; Que sa détention n'a été précédée ni même suivie d'aucune dénonciation, et enfin qu'il résulte du certificat ci-dessus énoncé que M. Adrien Duport ne peut être suspect d'avoir participé aux événements du dix août dernier, ayant fait ledit jour un service personnel de garde nationale à l'hôtel de la Force jusqu'à onze heures du soir ; Déclare illégale l'arrestation de M. Adrien Duport et ordonne qu'il sera à l'instant élargi, à l'effet de quoi charge le commissaire provisoire du pouvoir exécutif de notifier le présent jugement au procureur de la commune de Melun pour être par lui exécuté. — Fait en la chambre du conseil du tribunal du district de Melun le dix-sept septembre mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an quatrième de la liberté et le premier de l'égalité par nous André Eicher de Rivière, juge faisant fonction de président ; Martin-Honoré Gaulthier, juge ; Louis-Jacques Venard, et Pierre Guibert, juges suppléants. EICHER DE RIVIÈRE, GAULTHIER, VENARD, GUIBERT. |