HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

VIII. — PROTESTATIONS MILITAIRES CONTRE LE 10 AOÛT.

 

 

Nous réunissons dans une seule note plusieurs pièces émanées d'officiers de tous grades appartenant à différents corps. Elles permettent de juger quel esprit animait une grande partie de l'armée française au lendemain de l'insurrection parisienne.

 

LETTRE DE MONTESQUIOU, GÉNÉRAL EN CHEF DE L'ARMÉE DU MIDI, À M. SERVAN, MINISTRE DE LA GUERRE.

 

Au camp de Cossieuz (Isère), le 15 août 1798.

Vous acceptés donc le ministère, monsieur, si vous y trouvés bonheur et honneur j'en serai fort aise ; je crois que vous mérités l'un et l'autre, mais je doute que vous ayez pris le Chemin qui y conduit. rai reçu hier au soir les actes du corps législatif du 10, et je les ai fait mettre aujourd'hui à l'ordre de l'armée, même celui qui invite M. Pétion à se montrer au peuple.

Vous avez raison de penser que je ne porte les armes que pour le peuple. Il y a près de quatre ans que ma vie lui est consacrée. Mais je donne à ce mot peuple une extension un peu plus grande que celle des décrets auxquels j'obéis. Lorsque le peuple aura donné à de nouveaux représentants le pouvoir de faire une constitution nouvelle, lorsque cette constitution sera faite, je connaîtrais des lois, un corps social, un empire. Je me croyais, depuis un an, parvenu à ce terme, mes serments étaient dans mon cœur. On vient de m'en relever à coup de canon, et je prévois tous les malheurs que l'injustice et la violence ont toujours entrainés. Je ne m'en crois pas moins obligé de contribuer, autant qu'il est en moi, à empêcher tous les maux évitables, et voilà ce qui me détermine à demeurer où je suis. La nation non représentée — car elle ne l'est plus —, la nation est toujours présente à ma pensée et m'impose des devoirs que je remplirai jusqu'à ce que l'on m'ordonne un crime. Je n'ai pas cela à craindre tant que vous présiderez à l'administration où je suis, ainsi je resterai à mon poste.

 

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LETTRE DE D'HARAMBURE, LIEUTENANT GÉNÉRAL, COMMANDANT À NEUFBRISACH, EN DATE DU 15 AOÛT 1792, L'AN 1V DE LA LIBERTÉ.

 

A Monsieur Dabancourt.

Monsieur,

Ce fut le 13, à dix heures chi soir, que j'appris tous les désordres et les malheurs arrivés à Paris ; j'écrivis à l'instant à tous les corps qui sont à mes ordres, je leur recommandais le calme et l'ensemble, seules ressources dans une circonstance pareille pour rassurer la société et mettre les généraux à même de servir la patrie de la manière la plus utile à tous les Français ; ils ont tous parfaitement répondu à cette invitation, et m'en ont fait porter l'assurance par des visites ou des réponses de tous les corps. Je donnai hier à dîner à une députation que me fit le département du Haut-Rhin dans les personnes de MM. Rewbell et Lavie, lesquels vont à Huningue, Hœsingen et Porentruy ; département et militaire veuillent décidément une monarchie et Louis XVI pour roi, et je crois que ce sera le vœu de la majorité des départements, et je vous atteste que c'est bien le mien. Rien de nouveau dans cette partie où le service se fait avec la dernière exactitude.

Le lieutenant général commandant les troupes du Haut-Rhin et du Porentruy,

D'HARAMBURE.

 

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DÉMISSION DU CAPITAINE D'ASSAS.

 

Jean-Charles-Marie d'Assas, capitaine au 11e régiment de cavalerie, ayant juré d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, de servir la patrie sous les autorités reconnues par la constitution, ayant appris qu'une de ces autorités vient d'être suspendue, prie M. du Meilet de vouloir bien faire agréer sa démission à M. le maréchal de Luckner, pensant qu'il ne lui est plus permis d'exercer son emploi d'après son serment, promettant de rester à son poste et d'en remplir les fonctions jusqu'à ce que les formalités prescrites par le décret pour les démissions aient été observées.

En foi de quoi j'ai signé la présente.

D'ASSAS.

A Metz, le 28 août 1792.

 

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Vu par nous, commissaires de l'Assemblée nationale, la demande en démission à nous présentée de la part de M. Charles-Marie d'Assas, capitaine au 11e régiment de cavalerie, ladite demande ayant pour motif ou pour prétexte la suspension du pouvoir exécutif dans les mains du roi, prononcée par le décret du 10 du mois d'août.

Considérant qu'il importe au salut de la patrie que tous les officiers de l'armée soient soumis aux décrets de l'Assemblée nationale, de donner à la nation le gage du dévouement le plus absolu dans le moment du péril :

Suspendons provisoirement ledit sieur d'Assas des fonctions de sa place de capitaine au 11e régiment de cavalerie, en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés par le décret de l'Assemblée nationale du 20 de ce mois.

Fait à Metz, le 28 août 1792, l'an IV de la liberté.

Les commissaires de l'Assemblée nationale à l'armée du centre,

SÉB. DELAPORTE, F. LAMARQUE, BRUAT.

 

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DÉMISSION DU MARÉCHAL DE CAMP RICHELIEU D'AIGUILLON.

 

Au quartier général à Weissembourg, ce 14 août 1792, l'an IV de la liberté.

Mon général,

Je viens d'apprendre que M. Victor Broglie, chef de l'état-major de l'armée du Rhin était suspendu. Je ne sais pourquoi le même traitement m'est refusé. Mes opinions sont les mêmes que les siennes, ma déclaration contient les mêmes principes que celle qu'il a faite, et si elle a été mal comprise, j'ai l'honneur de vous répéter que notre manière d'envisager le moment actuel est la même et que notre conduite sera semblable. Je vous prie, en conséquence, mon général, de vouloir bien faire attention qu'il est de votre justice que je sois traité comme lui.

Le maréchal de camp, chef de l'état-major de l'armée du Rhin,

RICHELIEU D'AIGUILLON.

 

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Richelieu d' Aiguillon, ancien membre du corps constituant et maréchal de camp, aux membres de la première législature.

À Bâle, ce 9 septembre 1792, l'an IVe de la liberté.

C'est au sein d'une terre étrangère, c'est en présence de l'Europe qui nous contemple et de la postérité qui va nous juger, qu'une des nombreuses victimes de vos proscriptions élève sa voix pour rendre compte à tout le peuple français de ses principes et de sa conduite.

J'ai voulu la liberté de mon pays, je ne parlerai point des sacrifices que j'ai faits pour elle. Je n'aurais rien perdu si mon pays était resté libre. J'ai voulu qu'il n'y eût plus en France que des hommes. C'est sur la base sainte de l'égalité qu'a éte fondée par le concours de l'intérêt et de la volonté nationale cette constitution qui, environnée dès sa naissance de l'amour et des hommages de la nation entière, reçut ses serments et ses votes, et qui déjà n'existe plus.

Vous vous honorez de ce parricide, vous qui n'existiez que par elle, qui aviez promis tout votre sang pour elle, qui deviez au reste de l'empire l'exemple auguste du respect pour les lois dont il vous rendit dépositaires.

Après avoir anéanti la constitution en plongeant dans un cachot le roi qu'elle avait donné à la France, en réunissant tous les pouvoirs, vous en avez investi des commissaires chargés d'aller dans les départements et dans nos armées prévenir ou dépraver l'expression du vœu national sur les événements du 10 août.

La lâcheté de l'égoïsme, le despotisme de la peur a courbé presque toutes les têtes, celles même qui s'étaient levées d'abord avec le plus d'énergie. Il me fut prouvé dès lors que les Français n'avaient pas cessé d'être esclaves. Je suis resté libre, moi, et j'ai déclaré à vos commissaires que je ne reconnaissais plus un pouvoir qui s'était détruit lui-même ; que, rentré dans l'exercice de mes droits naturels par la violation du pacte social, je ne devais reconnaître de nouvelles lois, puisqu'il n'existait plus de législateurs, et que je ne devais pas obéir à dés ordres qui n'émanaient d'une autorité déléguée par la nation.

Je résolus cependant de rester à mon poste pour y défendre la constitution qui régnait toujours pour moi, le territoire français et l'indépendance nationale.

Ce triste et dernier devoir d'un citoyen resté fidèle à son serment, il ne me fut pas même permis de le remplir. Des clubs, des organisateurs, des émissaires d'anarchie, des libelles homicides, montrant au peuple sa souveraineté, sa liberté, son bonheur dans la violation de tous les principes de la justice, de l'humanité, de la propriété, avaient si profondément corrompu des âmes simples et neuves encore aux lumières comme aux vertus de la liberté que ma profession de foi constitutionnelle devint un titre d'incivisme aux yeux des soldats égarés, un titre de proscription auprès de l'Assemblée nationale.

Une lettre écrite d tris le secret et avec l'effusion de l'amitié à un membre de l'Assemblée constituante[1], puni, comme tous ses collègues, d'avoir voulu rendre la France libre, a été livrée contre la garantie de la foi publique et des droits de l'homme à la lâche inquisition de vos comités. Il ne m'a pas été permis d'espérer que l'Assemblée nationale pardonnât à un ami de l'ordre et des lois l'expression de son regret pour la constitution, pour la justice, pour les droits d'autrui, pour les principes de la vraie liberté, et surtout sa haine pour une secte désorganisatrice et régicide qui a vendu au despotisme le sang et la liberté du peuple français, qui s'est liguée avec les législateurs de la France pour anéantir sa constitution et la fortune publique, pour violer tous les droits jusqu'à ceux de la propriété, toutes les libertés jusqu'à celles de la presse, de la circulation des lettres, de la pensée même, pour ériger enfin des tribunaux féroces qui abreuvent le peuple de tout le sang qu'il demande, de ce sang qui coule déjà trop lentement pour lui sur les échafauds, qu'il va verser par torrents dans le fond des cachots et que sans doute il ira chercher bientôt jusque dans le flanc du roi de la constitution.

Convaincu qu'il est également contre le devoir d'un homme libre (le demander grâce à qui n'est pas digne d'en obtenir, et d'abandonner sa tête aux poignards qui remplacent le glaive des lois, je vais porter sur une terre étrangère la conscience d'avoir fait tout mon devoir et d'avoir voulu faire pour la liberté de mon pays tous les sacrifices dont elle était digne.

Qu'il me serait doux, au fond de l'asile ignoré que je vais chercher, de partager avec tous les amis de l'humanité l'espérance de voir bientôt cette grande famille d s Français rendue à la dignité d'homme, de voir la vraie liberté ramen3e par la justice et la paix sur cette terre souillée par tant de bassesses et de crimes, et qui a trop mérité peut-être de l'être bientôt par l'esclavage !

RICHELIEU D'AIGUILLON, ancien membre du corps constituant et maréchal de camp.

 

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SUSPENSION DE VICTOR DE BROGLIE.

 

Déclaration remise par N. Victor Broglie, maréchal de camp et chef de l'état-major de l'armée du Rhin, à M. de Biron, général en chef de cette armée.

Au quartier général de Wissembourg, le t6 août 1792, l'au IV de la liberté.

Je pense que le pouvoir de suspendre le roi n'est pas au nombre de ceux qui ont été délégués par la nation à l'Assemblée nationale législative.

Je pense que, par la suspension du roi, la constitution est violée. Je pense que jusqu'au moment où la Convention nationale sera rassemblée, et où elle aura prononcé, il est du devoir de tous ceux qui sont investis d'un pouvoir national, et qui sont demeurés fidèles à leurs serments, de continuer à exercer les fonctions qui leur sont déléguées.

Je pense que, dans les circonstances actuelles, la conduite et le devoir de tout bon citoyen sont invariablement tracés par le serment constitutionnel qu'il a prêté.

Je pense que toutes les autorités civiles et militaires qui sont émanées de la constitution, qui observent les formes qu'elle a prescrites et se tiennent dans les bornes qu'elle a tracées, sont les seules qui aient droit de commander à tout bon citoyen.

En conséquence, à cause du danger de la patrie et de la présence des ennemis, je déclare que je reste à mon poste à l'armée du Rhin pour combattre et résister aux ennemis quelconques de la France, pour m'opposer à toute invasion du territoire français, pour accomplir mes serments ; je déclare en outre que j'exécuterai fidèlement les ordres de tous les militaires auxquels je suis constitutionnellement subordonné.

Le maréchal de camp, chef de l'état-major de l'armée du Rhin,

VICTOR BROGLIE.

A la suite de cette déclaration, et avant qu'elle ne fût rendue publique, le général a reçu des commissaires la réquisition suivante :

Nous, commissaires de l'Assemblée nationale, envoyés par elle à l'armée du Rhin, en vertu des pouvoirs qu'elle nous a délégués par son décret du 10 de ce mois, requérons le général Biron d'écarter provisoirement de toutes les fonctions relatives à son commandement MM. Victor Broglie, maréchal de camp, Cafarelli-Dufalga, officier du génie, et Jean Briche, lieutenant-adjoint à l'état-major de l'armée ; lesquels ont manifesté des sentiments qui nous paraissent contraires aux décrets du corps législatif et qu'il serait dangereux de laisser propager dans l'armée, dont l'Assemblée nationale leur a confié l'inspection.

Les commissaires de l'Assemblée nationale à l'armée du Rhin,

ANNE-PIERRE COUSTARD, L. CARNOT, J. RITTER, PRIEUR.

Pour copie conforme et exacte :

Le général d'armée,

BIRON.

En conséquence de cette déclaration, le général Biron a donné à M. Victor Broglie l'ordre suivant :

En vertu de la réquisition qui nous a été faite par messieurs les commissaires de l'Assemblée nationale et à laquelle nous avons cru devoir obtemp3rer, nous en envoyons copie à M. Victor Broglie, en lui faisant connaître que notre intention est qu'il s'y conforme ; nous lui permettons en conséquence de quitter l'armée.

Le général de l'armée du Rhin,

BIRON.

Au quartier général à Wissembourg, le 17 août 1702, l'an tv de la liberté.

 

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COPIE DE LA LETTRE DE M. VICTOR BROGLIE À M. D'HARAMBURE, LIEUTENANT GÉNÉRAL, COMMANDANT À NEUF-BRISACH.

 

A Fessenheim, le 21 août 1702.

Mon général,

Je suis passé ce matin à Neuf-Brisach, où je n'ai pas eu l'honneur de vous voir, et où je n'ai fait que relayer parce que j'ai cru que cette conduite m'était tracée par ma position actuelle : la réserve qu'elle m'impose et que j'ai observée en quittant Wissembourg sans voir les troupes, et en partant de Strasbourg au moment où MM. les commissaires de l'Assemblée nationale y sont arrivés, cette réserve, dis-je, vous expliquera très-naturellement que j'ai appris avec peine que vous aviez fait donner officiellement aux troupes lecture de ma déclaration : ce genre de publicité étant jusqu'à présent le seul que j'aie évité de faire donner à l'énonciation de mes opinions politiques.

Non-seulement je n'ai pas cru devoir user de l'influence que je pouvais avoir sur les troupes pour leur faire partager mes sentiments, mais je pense que, dans l'état actuel des choses dans les départements du Rhin et vu notre position militaire, ce serait nuire essentiellement à l'ordre public que de ne pas attendre du temps et de la Convention nationale la décision des grandes questions du moment.

J'ai cru, mon général, ne devoir pas perdre un moment pour vous transmettre franchement ma manière de voir. Vous trouverez simple que je désire qu'elle ait autant de publicité que vous en avez donné à ma déclaration.

Pour copie conforme à l'original :

Le maréchal de camp,

VICTOR BROGLIE.

 

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POURSUITES EXERCÉES CONTRE VICTOR DE BROGLIE DEVANT LE TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.

 

Le comité de sûreté générale et de surveillance de la Convention nationale à l'accusateur public près le tribunal révolutionnaire.

Du 5 messidor, l'an Ile de la république française une et indivisible.

Nous t'adressons, citoyen, de nouveaux renseignements sur la conduite politique de Victor Broglie, ci-devant général de division ; ils prouveront au tribunal combien cet intrigant, vendu à la cour de Capet, était dangereux à la chose publique dans le poste important qu'il occupait à l'armée du Rhin.

Les représentants du peuple,

PHILIPPE RÜHL, LOUIS (du Bas-Rhin), AMAR.

 

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Je certifie que l'Assemblée législative m'ayant envoyé avec mes collègues Ritter et Prieur (de la Côte-d'Or), en qualité de ses commissaires à l'armée du Rhin, après la journée du 10 août 1792, pour annoncer les événements de cette journée, en développer les causes, prévenir les dangereux effets de la malveillance et faire expliquer les chefs de l'armée sur ces événements et les mesures de l'Assemblée législative prises en conséquence, nous trouvâmes à Wissembourg Victor Broglie qui, non-seulement refusa d'adhérer franchement à ces mesures, mais qui n'oublia aucun des moyens que l'astuce, l'audace et l'intrigue pouvaient lui suggérer pour soulever l'armée et les autorités civiles contre l'Assemblée nationale et ses commissaires ; ce qui nous détermina à le suspendre sur-le-champ de ses fonctions.

CARNOT.

29 prairial an II de la république une et indivisible.

 

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Je déclare qu'ayant été envoyé près l'armée du Rhin comme commissaire de l'Assemblée nationale, avec mes collègues Carnot et Ritter, à l'époque de la révolution du 10 août, j'ai su, par la voix publique, et j'ai été convaincu par le rapprochement des circonstances, que Victor Broglie conspirait avec Dietrich et autres adhérents prononcés de Lafayette, pour soulever les départements du Rhin et l'armée contre l'Assemblée nationale, faire méconnaître ses décrets, marcher sur Paris et pendre tous les patriotes ; qu'étant au quartier-général à Wissembourg avec mes collègues, Victor Broglie fut interpellé par nous en présence de tout l'état-major, de déclarer par oui ou par non s'il était soumis aux décrets de l'Assemblée nationale, qu'il tergiversa de la manière la plus astucieuse, se retrancha sur la fidélité qu'il disait devoir à son serinent constitutionnel à la nation, à la loi et au roi, et qu'en manifestant son opposition au vœu national il essaya d'infirmer l'autorité de l'Assemblée nationale et de ses commissaires ; sur quoi, ayant été sévèrement rappelé au respect qu'il devait à la représentation nationale, il prononça d'un air extrêmement contraint le oui qui lui était demandé ; qu'ayant tenté inutilement de tourner l'armée en sa faveur, et après qu'il fut certain de ses dispositions patriotiques par l'inspection que nous en fîmes en sa présence, il nous fit remettre une déclaration écrite de ses sentiments, qui était une vraie protestation contre la révolution et fut le signal de plusieurs autres que des officiers, ses complices, nous envoyèrent en même temps ; que nous le suspendîmes de ses fonctions, conformément à nos pouvoirs, ainsi que ceux qui avaient imité son exemple ; que, malgré la défense du général, il retourna aussitôt à Strasbourg pour y continuer ses intrigues et que, n'ayant pu les faire réussir, il nous précéda dans tout le trajet que nous avions à parcourir, pour nous tendre des pièges, en allant d'abord auprès d'Harambure, à Neufbrisach, et ensuite au camp de Saint-Louis, sous Huningue, rejoindre son ami d'Aiguillon, hommes qui nous présentèrent tous les deux les mêmes caractères de suspicion, et dont Victor Broglie provoqua des protestations semblables à la sienne et qui furent imprimées scandaleusement ; que cette conduite de sa part fut si marquée que nous donnâmes des ordres pour l'arrêter, mais qu'il nous échappa ; enfin que c'est à mon grand étonnement que j'ai vu ce contre-révolutionnaire, signalé par toute sa vie, mais aussi rusé que pervers, trouver jusqu'à ces derniers temps je ne sais quelle protection à Paris, malgré les comptes bien positifs que mes collègues et moi avons rendus de tout ce que nous savions à son égard, soit au moment même, soit dans maintes circonstances qui se sont présentées depuis.

PRIEUR.

Paris, 1er messidor an II.

 

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Je déclare ce que dessus, à l'exception que, lorsque Victor Broglie fut interpellé de déclarer, en présence de l'état-major général de l'armée du Rhin, s'il adhérait ou non au décret du 10 août, il dit non et fut de suite suspendu de ses fonctions ;

Qu'après cette suspension il continua encore, pendant que nous faisions l'inspection de l'armée campée sous Wissembourg, ses fonctions de chef de l'état-major de l'armée.

F.-J. RITTER.

Paris, le 5 messidor, l'an II de la république une et indivisible.

 

 

 



[1] D'Aiguillon avait écrit à Barnave une lettre qui fut interceptée.