LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

TOME PREMIER

LIVRE PREMIER. — WISSEMBOURG, FRŒSCHWILLER, FORBACH.

 

 

Napoléon III et le plébiscite. — La candidature de Léopold de Hohenzollern. — Émotion causée en Franco par cette nouvelle. — Déclaration de M. de Gramont, ministre des affaires étrangères, le 6 juillet. — C'était une provocation. — M. Benedetti se rend à Ems auprès du roi de Prusse. — Renonciation du prince Antoine au nom de son fils Léopold. — M. Benedetti demande des garanties au roi de Prusse. — Refus. — Le télégramme de M. de Bismarck. — Interprétation donnée à ce document par le gouvernement impérial. — La guerre est décidée au château de Saint-Cloud. — M. Emile Ollivier porte la déclaration de guerre à la tribune du Corps législatif. — Discours de M. Thiers. — Attitude de la majorité. — MM. Jules Favre et Gambetta demandent la dépêche officielle de M. de Bismarck. — Il n'y en avait pas. — A Berlin ! Napoléon III généralissime. — Ses préoccupations à Saint-Cloud avant de partir. — Proclamation aux Français. — Les généraux placés à la tête de l'armée. — Situation respective des huit corps d'armée de la France. — La France n'est pas dégénérée, elle n'était pas préparée à la guerre. — La désorganisation du service : pas de vivres, pas de munitions ; — dépêches officielles. — L'affaire de Sarrebrück. — Batailles de Wissembourg, de Frœschwiller et de Forbach. — L'invasion.

 

L'Empire avait duré près de vingt ans ; presque tous les complices du guet-apens de Décembre étaient morts. Napoléon III, vieilli, inquiet, songeait à assurer la couronne sur la tête de son fils. La violence s'était imposée en sa personne pendant une longue suite d'années, mais il sentait qu'il laisserait à Napoléon IV un héritage lourd à porter ; de nouvelles générations avaient grandi, chez qui le mépris parlait plus haut que la crainte ; le flot de l'opposition montait ; les souvenirs du 2 Décembre, évoqués tout à coup par le procès Baudin, avaient ravivé dans les cœurs une haine trop longtemps assoupie. Napoléon III voulut rajeunir son ouvrage en faisant un appel apparent à la liberté. Le despote rendit à la liberté cet hommage ; il annonça des réformes libérales ; il s'entoura d'un ministère libéral, présidé par un transfuge du parti républicain, et pour sanctionner ce retour à un gouvernement libre, il se servit de l'instrument favori des gouvernements despotiques, le plébiscite.

Par le plébiscite du 8 mai 1870, Napoléon III ne promit pas seulement la liberté à la France ; il lui promit aussi la paix. Le peuple français répondit à cet appel par plus de sept millions de oui. Trois mois après, Napoléon III déclarait la guerre à l'Allemagne. On se souvint alors de cette parole tombée de sa bouche en 1867 :

« Il n'y a que les gouvernements faibles qui cherchent dans les complications extérieures une diversion aux embarras de l'intérieur. »

L'Espagne fut la cause indirecte de la guerre. Il y avait de l'autre côté des Pyrénées un soldat d'aventure à la recherche d'un roi. Auteur de la révolution qui chassa de son trône Isabelle II de Bourbon, le maréchal Prim songeait à restaurer la monarchie ; l'ambition qui l'avait poussé à détrôner une reine lui disait maintenant de couronner un roi, mais un roi à lui. La sensuelle et bigote Isabelle s'était réfugiée en France. Tandis que, perdant tout espoir de regagner son peuple, elle abdiquait, dans un hôtel de Paris, en faveur de son fils, le prince des Asturies, Prim découvrait en Allemagne un prince en disponibilité, parent du roi de Prusse, Léopold de Hohenzollern, qui, par l'ironie des choses, était petit-cousin du côté de sa mère, née Murat, de l'empereur Napoléon III. Léopold accepta les offres du maréchal Prim. La guerre allait sortir de ces négociations entre un soldat turbulent et ce prince inconnu.

Les pourparlers avaient duré près d'un an sans éveiller l'attention de la France, tout occupée de sa politique intérieure ; mais quand on apprit à Paris qu'un prince prussien allait devenir roi d'Espagne, l'émotion fut très-vive. On ne songea pas à se demander si le" prince Léopold garderait longtemps sa couronne dans cette Espagne fertile en révolutions ; on ne voulut pas savoir si la Prusse, en laissant aller un de ses princes à Madrid, faisait bien ou mal ; on vit dans cette intrigue une menace pour la France, une sorte de défi de la diplomatie de Berlin. La nouvelle s'était répandue à Paris le 3 juillet ; le surlendemain, un député demandait à interpeller le gouvernement ; le 6, M. de Gramont, ministre des affaires étrangères, étant monté à la tribune, lut la déclaration suivante :

« Il est vrai que le maréchal Prim a offert au prince Léopold de Hohenzollern la couronne d'Espagne et que ce dernier l'a acceptée. Mais le peuple espagnol ne s'est pas encore prononcé, et nous ne connaissons point encore les détails d'une négociation qui nous a été cachée.

« Aussi une discussion ne saurait-elle aboutir maintenant à aucun résultat pratique ; nous vous prions, messieurs, de l'ajourner.

« Nous n'avons cessé de témoigner nos sympathies à la nation espagnole et d'éviter tout ce qui aurait pu avoir les apparences d'une immixtion quelconque dans les affaires intérieures d'une noble et grande nation en plein exercice de sa souveraineté ; nous ne sommes pas sortis, à l'égard des divers prétendants au trône, de la plus stricte neutralité, et nous n'avons jamais témoigné pour aucun d'eux ni préférence ni éloignement. Nous persistons dans cette conduite.

« Mais nous ne croyons pas que le respect des droits d'un peuple voisin nous oblige à souffrir qu'une puissance étrangère, en plaçant un de ses princes sur le trône de Charles-Quint, puisse déranger l'équilibre actuel des forces en Europe et mettre en péril les intérêts et l'honneur de la France. (Bruyants applaudissements.)

Cette éventualité, nous en avons le ferme espoir, ne se réalisera pas.

Pour l'empêcher, nous comptons à la fois sur la sagesse du peuple allemand et sur l'amitié du peuple espagnol.

S'il en était autrement, forts de votre appui, messieurs, et de celui de la nation, nous saurions remplir notre devoir sans hésitation et sans faiblesse. » (Applaudissements prolongés.)

Rarement la diplomatie avait parlé un pareil langage. Quoi donc ! de l'aveu du ministre des affaires étrangères, le peuple espagnol ne s'est pas prononcé, le gouvernement français dit avoir observé la plus stricte neutralité entre les divers prétendants, il est résolu à persister dans cette conduite ; et l'on ajoute aussitôt qu'on ne se croirait pas obligé de souffrir l'avènement d'un prince allemand sur le trône de Charles-Quint ! Pourquoi dire avec tant d'imprudence qu'on saura remplir son devoir sans hésitation et sans faiblesse, si le fait qu'on redoute vient à se réaliser ? Que demandait la France justement alarmée des projets de la diplomatie prussienne ? La renonciation pure et simple du prince de Hohenzollern. Fallait-il mettre ce prince dans l'impossibilité de reculer en blessant son amour-propre et celui de l'Espagne ?

Les esprits encore maîtres d'eux-mêmes en France et à l'étranger entendirent avec douleur la provocation de M. de Gramont. On jugea avec sévérité le gouvernement français, parce qu'il paraissait chercher la guerre. Le gouvernement et le ministre furent, en revanche, très-applaudis par la majorité du Corps législatif, expression des candidatures officielles, et par une presse accoutumée à donner le spectacle de sa frivolité. Néanmoins, en dépit des paroles imprudentes tombées de la tribune française, on croyait encore qu'un arrangement était possible.

Le roi de Prusse se trouvait à Ems. L'ambassadeur de France à Berlin, M. Benedetti, se rendit auprès de lui pour l'inviter à faire revenir son parent sur une adhésion dont il n'avait pas calculé les conséquences. Le roi Guillaume répondit qu'il verrait son cousin. Deux jours après, on apprit que le père du prince Léopold avait publiquement renoncé pour son fils à la couronne d'Espagne. Le 12 juillet, l'ambassadeur d'Espagne à Paris, M. Olozaga, annonçait officiellement au gouvernement français que le prince Léopold avait retiré sa candidature ; l'incident paraissait clos. A cette nouvelle, les esprits oppressés par l'inquiétude éprouvèrent un immense soulagement. La France avait eu gain de cause, la perspective de la guerre s'éloignait, la dignité de la France était intacte ; le ministre Ollivier parcourait l'enceinte du Corps législatif annonçant, la dépêche à la main, que la paix ne serait pas troublée.

Mais l'Empire voulait la guerre, et celle solution pacifique, loin de le satisfaire, lui inspira l'idée de présenter à la Prusse des exigences nouvelles. Pour les bonapartistes exaltés, ce n'est pas assez que le prince Léopold se retire ; il leur faut des garanties : il faut que le roi de Prusse prenne l'engagement de s'opposer à l'avenir à toute candidature. Étonnement en Europe. Dès ce moment, les sympathies se déplacent : la France cesse d'avoir raison.

M. Benedetti retourne auprès du roi de Prusse et lui soumet les nouvelles exigences de son gouvernement. Le roi refuse de s'engager, comme on le lui demande. M. Benedetti ne se rebute pas : le lendemain, il sollicite une nouvelle audience. C'est alors que le roi fit répondre par un de ses aides de camp qu'il n'avait plus aucune communication à faire au gouvernement français. M. Benedetti adressa au ministre des affaires étrangères la dépêche suivante :

« A la demande d'une nouvelle audience, le roi m'a fait répondre qu'il ne saurait reprendre avec moi la discussion relativement aux assurances qui devaient, à notre avis, nous être données pour l'avenir. Sa Majesté m'a fait déclarer qu'elle s'en référait à cet égard aux considérations qu'elle m'avait exposées. »

Le refus du roi de Prusse avait été annoncé par M. de Bismarck à toute l'Allemagne en ces termes :

« Après que la renonciation du prince de Hohenzollern a été communiquée officiellement au gouvernement français et au gouvernement espagnol, l'ambassadeur a demandé à Sa Majesté le roi, à Ems, de l'autoriser à télégraphier à Paris que Sa Majesté s'engageait à refuser à tout jamais son consentement, si le prince de Hohenzollern revenait sur cette détermination. Sa Majesté a refusé de recevoir do nouveau l'ambassadeur, et lui a fait dire par un aide de camp qu'elle n'avait pas de communication ultérieure à lui faire. »

Cette dépêche, interprétée comme une insulte par le ministère français, décida de la guerre. Elle était arrivée à Paris le 14 juillet. L'empereur Napoléon convoqua aussitôt le conseil des ministres à Saint-Cloud, et là on prit la résolution suprême.

Le lendemain, une foule immense, inquiète, s'était assemblée autour du Palais-Bourbon. M. de Gramont lut la déclaration de guerre à la tribune du Sénat ; M. Émile Ollivier, à la tribune du Corps législatif. Après avoir résumé les négociations, M. Ollivier prononça ces paroles :

« Notre surprise a été profonde lorsque, hier, nous avons appris que le roi de Prusse avait notifié à notre ambassadeur qu'il ne le recevrait plus et que, pour donner à ce refus un caractère non équivoque, son cabinet l'avait communiqué officiellement à tous les cabinets d'Europe

« Dans ces circonstances, tenter davantage pour la conciliation eût été un oubli de dignité et une imprudence. Nous n'avons rien négligé pour éviter une guerre. Nous allons nous préparer à soutenir celle qu'on nous offre, en laissant à chacun la part de responsabilité qui lui revient. »

L'impudent rhéteur fut couvert d'applaudissements par la majorité. M. Ollivier avait pourtant affiché en plusieurs circonstances, même depuis qu'il était ministre, un grand amour pour la paix. Mais sa situation était menacée par la coalition des bonapartistes de la première heure qui voulaient la guerre pour ramener l'Empire aux violences de son origine. Il se décida pour la guerre, et il ajouta ces mots, maintenant célèbres :

« De ce jour commence pour les ministres, mes collègues et pour moi, une grande responsabilité. Nous l'acceptons le cœur léger. »

M. Thiers monte à la tribune au milieu des interruptions et des murmures de la majorité :

« Ne devons-nous pas, nous aussi, dit-il, avoir la parole ? Et avant de la prendre, ne nous faut-il pas un instant de réflexion ? (Interruption à droite.)

« L'histoire, la France, le monde nous regardent. On ne peut pas exagérer la gravité des circonstances ; sachez que de la décision que vous allez émettre peut résulter la mort de milliers d'hommes. (Exclamations au centre et à droite.)

« Avant de prendre une résolution si grave, une résolution de laquelle dépendra, je le répète, le sort du pays et de l'Europe, messieurs, rappelez-vous le 6 mai 1866. Vous m'avez refusé la parole alors que je vous signalais les dangers qui se préparaient... Vous êtes comme vous étiez en 1866...

« Eh bien, messieurs, est-il vrai, oui ou non, que sur le fond, c'est-à-dire sur la candidature du prince de Hohenzollern, votre réclamation a été écoutée, et qu'il y ait été fait droit ? Est-il vrai que vous rompez sur une question de susceptibilité, très-honorable, je le veux bien, mais vous rompez sur une question de susceptibilité.

« Eh bien ! messieurs, voulez-vous qu'on dise, voulez-vous que l'Europe tout entière dise que le fond était accordé et que pour une question de forme vous vous êtes décidés à verser des torrents de sang ? (Bruyantes exclamations à droite et au centre.)

« ... Je ne voudrais pas qu'on puisse dire (interruptions) que j'ai pris la responsabilité d'une guerre fondée sur de tels motifs.

« ... Sans aucun doute, la Prusse s'est mise gravement dans son tort, très-gravement. Depuis longtemps, en effet, elle nous disait qu'elle ne s'occupait que des affaires de l'Allemagne, de la destinée de la patrie allemande, et nous l'avons trouvée tout à coup, sur les Pyrénées, préparant une candidature que la France devait ou pouvait regarder comme une offense à sa dignité et une entreprise contre ses intérêts.

« Vous vous êtes adressés à l'Europe, et l'Europe, avec un empressement qui l'honore elle-même, a voulu qu'il nous fût fait droit sur ce point essentiel ; sur ce point, en effet, vous avez eu satisfaction ; la candidature du prince de Hohenzollern a été retirée. »

Au centre et à droite. Mais non ! non !

A gauche. Très-bien ! parlez !

« … Quant à moi, je suis tranquille pour ma mémoire ; je suis sûr de ce qui lui est réservé pour l'acte auquel je me livre en ce moment ; mais, pour vous ; je suis certain qu'il y aura des jours où vous regretterez votre précipitation. (Allons donc ! allons donc !)

A gauche. Très-bien ! très-bien !

M. THIERS. « Eh bien ! quant à moi... »

M. LE MARQUIS DE PIRÉ. Vous êtes la trompette antipatriotique du désastre. (N'interrompez pas !) Allez à Coblentz ! (Plusieurs membres qui entourent, M. de Piré le font rasseoir.)

M. THIERS. « Offensez-moi !... Insultez-moi !... Je suis prêt à tout subir pour défendre le sang de mes concitoyens, que vous êtes prêts à verser si imprudemment ! ... »

M. LE GARDE DES SCEAUX. Non ! non !

M. THIERS. « Je souffre, croyez-le bien, d'avoir à parler ainsi...»

M. LE MARQUIS DE PIRÉ. C'est nous qui souffrons de vous entendre ! (Exclamations diverses.)

M. THIERS. « Dans ma conviction, je vous le répète en deux mots, car si je voulais vous le démontrer vous ne m'écouteriez pas, vous choisissez mal l'occasion de la réparation que vous désirez, et que je désire comme vous... »

M. GAMBETTA. Très-bien !

M. THIERS. « Plein de ce sentiment, lorsque je vois que, cédant a vos passions, vous ne voulez pas prendre un instant de réflexion, que vous ne voulez pas demander la connaissance des dépêches sur lesquelles votre jugement pourrait s'appuyer, je dis, messieurs, permettez-moi cette expression, que vous ne remplissez pas dans toute leur étendue les devoirs qui vous sont imposés... »

M. LE BARON JÉRÔME DAVID. Gardez vos leçons ; nous les récusons.

M. THIERS. « Dites ce que vous voudrez, mais il est bien imprudent à vous de laisser soupçonner au pays que c'est une résolution de parti que vous prenez aujourd'hui. (Vives et nombreuses réclamations.)

« Je suis prêt à voter au gouvernement tous les moyens nécessaires quand la guerre sera définitivement déclarée ; mais je désire connaître les dépêches sur lesquelles on fonde cette déclaration de guerre. La Chambre fera ce qu'elle voudra ; je m'attends à ce qu'elle va faire, mais je décline, quant à moi, la responsabilité d'une guerre aussi peu justifiée. » (Vive approbation et applaudissements sur plusieurs bancs de la gauche.)

M. Thiers n'était pas seul à demander communication des fameuses dépêches pour lesquelles on déclarait la guerre.

« Ce n'est pas sur extraits, dit M. Gambetta, ce n'est pas par allusions, mais par une communication directe, authentique, que vous devez saisir la Chambre : c'est une question d'honneur, il faut qu'on sache en quels termes on a osé parler de la France. »

Le garde des sceaux balbutie une réponse embarrassée. En fait, le roi de Prusse a refusé de prendre aucune espèce d'engagement et a refusé de recommencer avec l'ambassadeur français un entretien inutile, puisqu'il avait dit son dernier mot ; cette décision a été notifiée par un télégramme aux cabinets du sud de l'Allemagne. Mais où est la dépêche officielle de la Prusse ?

« Où est la dépêche officielle ? demande à son tour M. Jules Favre ; où est le compte rendu de la conférence dans laquelle notre ambassadeur a vu méconnaître la dignité de la nation ? Voilà ce que nous avons le droit d'examiner. Eh bien ! on n'a rien apporté à cette tribune, si ce n'est des télégrammes, et ce n'est pas avec des télégrammes qu'on peut décider une question de paix ou de guerre. »

La dépêche officielle n'existant pas, le ministère ne pouvait pas la communiquer. Ainsi la déclaration de guerre reposa sur un mensonge du gouvernement. Pendant qu'on apportait à la tribune ces misérables équivoques, on ne négligeait rien au dehors pour entraîner l'esprit public. La Marseillaise, longtemps proscrite, était autorisée dans les théâtres. Des bandes égarées ou stipendiées par la préfecture de police parcouraient les boulevards en criant : A Berlin ! Dans la séance de nuit du Corps législatif, le marquis de Talhouët lisait un rapport où il était dit : « Les explications catégoriques du ministre de la guerre nous ont montré, qu'inspirées par une sage prévoyance, les deux administrations de la guerre et de la marine se trouvaient en état de faire face, avec une promptitude remarquable, aux nécessités de la situation. »

Le ministre de la guerre, directement interpellé par un député, avait répondu :

« Nous sommes prêts, cinq fois prêts. »

Sur ces assurances, les hommes qui s'étaient montrés le plus opposés à la guerre avaient voté les crédits demandés. Quand la guerre était irrévocablement déclarée, quand l'épée de la France était hors du fourreau, le patriotisme ordonnait de ne plus regarder en arrière. L'Empire disparaissait derrière la grande image de la Patrie.

Des ordres furent immédiatement donnés pour rappeler les troupes d'Algérie et d'Italie, et, du nord au midi, la France se prépara à soutenir cette guerre qu'elle n'avait pas voulue, que l'Empire entreprenait sans réflexion, sans alliances, à la stupéfaction de l'Europe. La diplomatie prussienne avait, du reste, singulièrement refroidi l'Europe pour la France, en publiant un projet d'annexion de la Belgique dû à Napoléon III.

La France était donc seule en face do l'Allemagne. Était-elle au moins bien commandée et bien approvisionnée ?

Napoléon III s'attribua le commandement direct de l'armée française. Il prit le titre de généralissime, et partit vers la fin de juillet du palais de Saint-Cloud pour se rendre à Metz.

Avant de s'éloigner, il avait congédié le Corps législatif et le Sénat : il ne voulait laisser debout derrière lui que le pouvoir de l'impératrice, instituée régente par décret du 23 juillet.

L'histoire conserve des documents qui montrent les pauvres préoccupations de ce souverain, dans les derniers jours de sa résidence à Saint-Cloud, au moment où la France, précipitée dans la guerre à son insu, en était réduite à compter sur la prévoyance de ceux qui avaient engagé son honneur et la vie de ses enfants. Ce sont des notes sur le « service de bouche » de Sa Majesté en campagne. On ne dressait pas de plan de campagne, on ne se demandait pas si l'armée avait des munitions et des vivres, mais on décidait « qu'il y aurait toujours deux tables, soit au bivouac, soit pendant les séjours, afin de laisser à l'empereur la faculté de faire des invitations en plus ou moins grand nombre. » Paon n'était oublié dans ce programme : on désignait ceux qui s'assoiraient à la première table et ceux qui figureraient à la seconde ; on réglait le service des valets de chambre de l'empereur ; on nommait l'escorte chargée des précieux bagages de l'empereur ; on rédigeait une note très-soignée « sur l'organisation des équipages de MM. les aides de camp et officiers d'ordonnance de l'empereur et sur leur tenue de campagne ; » on allouait à chacun d'eux une somme de 20.000 francs à titre d'indemnité d'entrée en campagne, indemnité qui fut pour l'empereur de 000.000 francs, en dehors de sa liste civile. L'empereur emmenait à sa suite un escadron de cent-gardes, cinquante chevaux de poste, quatorze voitures avec le personnel des écuries, trente chevaux de selle avec leur personnel, de nombreux fourgons de bagages, toute sa maison militaire, et sa police ; il n'oubliait pas sa police.

Entouré de cette armée domestique, Napoléon III n'osa point traverser Paris ; il monta furtivement en chemin de fer à Saint-Cloud. Lorsqu'en 1859 il avait déclaré la guerre à l'Autriche, pour affranchir l'Italie « des Alpes à l'Adriatique, » son départ avait ressemblé à un triomphe ; aujourd'hui il ressemblait à une fuite.

Avant de partir, l'Empereur publia la proclamation suivante :

« Français,

« Il y a dans la vie des peuples des moments solennels où l'honneur national, violemment excité, s'impose comme une force irrésistible, domine tous les intérêts et prend seul en main la direction des destinées de la patrie. Une de ces heures décisives vient de sonner pour la France.

« La Prusse, à qui nous avons témoigné pendant et depuis la guerre de 1866 les dispositions les plus conciliantes, n'a tenu aucun compte de notre bon vouloir et de notre longanimité. Lancée dans une voie d'envahissement, elle a éveillé toutes les défiances, nécessité partout des armements exagérés, et fait de l'Europe un camp où règnent l'incertitude et la crainte du lendemain.

« Un dernier incident est venu révéler l'instabilité des rapports internationaux et montrer toute la gravité de la situation. En présence des nouvelles prétentions de la Prusse, nos réclamations se sont fait entendre. Elles ont été éludées et suivies de procédés dédaigneux. Notre pays en a ressenti une profonde irritation, et aussitôt un cri de guerre a retenti d'un bout de la France à l'autre. Il ne nous reste plus qu'à confier nos destinées au sort des armes.

« Nous ne faisons pas la guerre a l'Allemagne, dont nous respectons l'indépendance. Nous faisons des vœux pour que les peuples qui composent la grande nationalité germanique disposent librement de leurs destinées.

« Quant à nous, nous réclamons l'établissement d'un état de choses qui garantisse notre sécurité et assure l'avenir. Nous voulons conquérir une paix durable, basée sur les vrais intérêts des peuples, et faire cesser cet état précaire où toutes les nations emploient leurs ressources à s'armer les unes contre les autres.

« Le glorieux drapeau que nous déployons encore une fois devant ceux qui nous provoquent est le même qui porta à travers l'Europe les idées civilisatrices de notre grande Révolution. Il représente les mêmes principes ; il inspirera les mêmes dévouements.

 

« Français,

« Je vais me mettre à la tête de cette vaillante armée qu'anime l'amour du devoir et de la patrie. Elle sait ce qu'elle vaut, car elle a vu dans les quatre parties du monde la victoire s'attacher à ses pas.

« J'emmène mon fils avec moi, malgré son jeune âge. Il sait quels sont les devoirs que son nom lui impose, et il est lier de prendre sa part dans les dangers de ceux qui combattent pour la patrie.

« Dieu bénisse nos efforts. Un grand peuple qui défend une cause juste est invincible.

« NAPOLÉON. »

 

Tel fut le commandant suprême de l'armée française : un homme qui se croyait un grand général, parce qu'il avait fait des études d'artillerie ; qui, à Magenta, avait compromis l'armée ; qui avait failli faire perdre la bataille de Solférino ; qui n'avait ni le génie rapide des grands capitaines, ni le coup d'œil du général, ni la science du stratégiste, ni même peut-être le courage personnel du soldat ; mais c'était un Napoléon et il croyait à son étoile ! Il avait sous ses ordres Canrobert, héros du 2 décembre, brave de sa personne, mais dépourvu de grandes capacités militaires, ainsi qu'il l'avait montré au siège de Sébastopol ; Mac-Mahon, caractère intègre, soldat plein de bravoure, vainqueur à Magenta par une inspiration heureuse ; Lebœuf, élevé pour la circonstance à la dignité de major général, officier d'artillerie distingué, ministre de la guerre présomptueux, imprévoyant, sans autre titre pour commander une armée que la faveur du souverain ; Bazaine, connu depuis le Mexique comme un vaillant soldat, plus encore comme un ambitieux, mais non démasqué encore, et passant pour le plus capable de nos généraux divisionnaires ; de Failly, général de salon, valseur des Tuileries, parrain des chassepots à Montana, chansonne par ses soldats ; Frossard, gouverneur du prince impérial, courtisan ; Ladmirault, peu connu en dehors de l'armée, jouissant dans le monde militaire d'une réputation d'excellent tacticien ; Félix Douay, soldat du Mexique, où il avait dévoilé l'ambition de Bazaine dans des lettres qui depuis ont été publiées.

A la date du 2 août, l'effectif général de l'armée du Rhin s'éleva, d'après les documents officiels, à deux cent quarante-quatre mille huit cent vingt-huit combattants, divisés en huit corps, échelonnés sur la frontière dans les positions suivantes :

Le premier corps, commandé par Mac-Mahon, entre Strasbourg et Haguenau ; il comptait quarante mille hommes.

Le deuxième corps, aux ordres du général Frossard, entre Forbach et Sarreguemines ; environ trente-deux mille hommes.

Le troisième corps, commandé par Bazaine, entre Saint-Avold et Boulay ; quarante-deux mille hommes.

Le quatrième corps, aux ordres du général Ladmirault, entre Sierk et Thionville ; environ vingt-cinq mille hommes.

Le cinquième corps, sous le général de Failly, entre Niederbronn et Sarreguemines ; vingt-cinq mille hommes.

Le sixième corps, commandé par le maréchal Canrobert, et composé de quarante mille hommes environ, était à Châlons.

Le septième corps, sous les ordres du général Félix Douay, attendait à Belfort des troupes d'Italie et d'Afrique destinées à le compléter.

Le huitième corps, aux ordres du général Bourbaki, était formé de vingt-cinq mille hommes de la garde impériale, et se trouvait à Metz avec Napoléon III et son fils.

Si l'on retranche les trois derniers corps, dont l'un était en voie de formation à Belfort, et les deux autres en arrière de la frontière, il reste environ cent cinquante mille hommes jetés de Sierck à Strasbourg, sur une ligne de cent kilomètres au moins. La distance d'un corps à l'autre était telle, qu'il leur était impossible de se secourir en cas d'attaque. A quoi pouvait servir ce rideau de soldats ? Ni à l'attaque, ni à la défense. Quel était donc le but qu'on se proposait ? Hélas ! Napoléon III n'avait pas de plan ; le major général Lebœuf épuisait les troupes en marches et contre-marches ; on s'était mis entre les mains du hasard. Un général envoyé à Belfort pour prendre le commandement do sa brigade ne trouvait dans cette place ni son artillerie ni ses hommes, et télégraphiait au ministre de la guerre : « Que dois-je faire ? je ne sais pas où sont mes régiments. »

La France commençait la guerre avec moins de trois cent mille hommes, et dès les premiers jours d'août, l'Allemagne en avait rassemblé cinq cent soixante-cinq mille ; par suite de l'absence complète de toute conception stratégique, les forces do la France se trouvèrent éparpillées sur une immense étendue ; elles étaient, pour comble de malheur, commandées par des hommes d'une incapacité notoire, Napoléon III et le maréchal Lebœuf, et, en sous-ordre, par des généraux qui se jalousaient entre eux ; ajoutons, pour que le tableau soit complet, que la désorganisation régnait partout : les vivres et les munitions manquaient, les arsenaux étaient vides, certaines places fortes étaient abandonnées. Le général de Failly écrit de Bitche, le 18 juillet : « Envoyez-nous de l'argent pour faire vivre les troupes. » Le 20 juillet, on télégraphie de Metz : « Il n'y a à Metz ni sucre, ni café, ni riz, ni eau-de-vie, ni sel, peu de lard et de biscuit. » Le général Ducrot télégraphie de Strasbourg, le 20 juillet : « Demain il y aura à peine 50 hommes pour garder la place de Neuf-Brisach, et Fort-Mortier, Schlestadt, la Petite-Pierre et Lichtenberg sont également dégarnis. » Bazaine écrit de Saint-Avold, le 20 juillet : « Nous n'avons pas une carte de la frontière de France. » Le commandant du quatrième corps écrit de Thionville au major général, 21 juillet : « Le quatrième corps n'a encore ni cantines, ni ambulances, ni voitures d'équipages pour les corps et les états-majors. » L'intendant du troisième corps, de Metz, 24 juillet : « Le troisième corps quitte Metz demain. Je n'ai ni infirmiers, ni ouvriers d'administration, ni caissons d'ambulance, ni fours de campagne, ni train, ni instruments de pesage, etc. » De Mézières, on télégraphie, le 25 juillet : « Il n'existe aujourd'hui, dans les places de Mézières et de Sedan, ni biscuit, ni salaisons. » De Metz, 27 juillet : « Les détachements qui rejoignent l'armée continuent à arriver sans cartouches et sans campement. »

Tel était l'état militaire de la France quinze jours après la déclaration de guerre.

On était au commencement d'août ; depuis plus de quinze jours la guerre était déclarée, et l'armée française restait inactive, au grand étonnement de l'Europe qui ne s'expliquait pas cette hésitation de la part d'un gouvernement si prompt à se mettre en campagne. On avait pensé que le plan de Napoléon III consistait à se jeter hardiment au-delà du Rhin, à séparer les États du Sud du reste de l'Allemagne et à déconcerter l'ennemi par des coups rapides. On n'avait pas pensé que Napoléon III n'avait pas de plan, et que l'armée française était désorganisée.

Cependant, le 2 août, Napoléon III résolut d'ouvrir les hostilités par une tentative sur Sarrebrück. Cette ville, située sur la rive gauche de la Sarre, et dominée par des hauteurs du côté de la France, était défendue par un millier d'Allemands environ. Pour l'attaquer, on mil en mouvement quinze mille hommes des corps de Frossard, Bazaine et de Failly, en présence de l'empereur, du prince impérial et des courtisans accourus de Metz pour assister à cette fête dont le futur Napoléon IV était le héros. Le dénouement de cette comédie fut tel qu'on pouvait l'attendre. Des obus et des mitrailleuses délogèrent de la ville les huit cent Prussiens qui s'y trouvaient, et aussitôt l'on fit savoir à toute la France que le prince impérial s'était couvert de gloire. Napoléon III adressa à l'impératrice la dépêche suivante :

« Louis vient de recevoir le baptême du feu. Il a été admirable de sang-froid, n'étant nullement impressionné, et semblait se promener au bois de Boulogne. Une division du général Frossard a pris les hauteurs qui dominent la rive gauche de Sarrebrück. Les Prussiens ont peu résisté. Il n'y a eu qu'un feu de tirailleurs et de canonnade. Nous étions en première ligne, mais les balles et les boulets tombaient à nos pieds. »

Cette ridicule affaire, qui coûta la vie à une centaine d'hommes, fut un thème fécond pour la presse bonapartiste. On parla beaucoup, on parla longtemps des vétérans qui avaient pleuré d'attendrissement en voyant le jeune Louis ramasser des balles.

Des événements plus sérieux ne devaient pas tarder à occuper l'attention.

L'armée allemande allait paraître à Wissembourg.

Depuis longtemps l'Allemagne était prête, et souhaitait la guerre avec la France ; elle la souhaitait surtout depuis qu'elle avait remporté sur l'Autriche de si rapides victoires ; mais elle eut l'art de se faire provoquer, pour attirer do son côté les sympathies de l'Europe. Quelques jours après la déclaration de guerre, M. de Bismarck ayant fait publier par les journaux anglais un plan d'annexion de la Belgique à la France, tracé de la main de Napoléon III, l'effet de cette révélation fut immense. Cette publication, jointe aux fanfaronnades du gouvernement français, mit aussitôt toutes les puissances sur la réserve. Chacune d'elles avait compris qu'il y avait tout à craindre d'un souverain qui, en pleine paix, osait tramer des projets si audacieux.

La France resta donc seule en présence de l'Allemagne, de cette Allemagne à qui l'on avait enseigné dès le commencement du siècle la haine du nom français. Cette haine froide, raisonnée, était devenue l'âme même du patriotisme allemand. Les poètes de l'autre côté du Rhin chantaient la destruction de Paris, les moralistes flétrissaient la grande cité du nom de Babylone moderne, les savants annonçaient la fin du rôle des races latines dans le monde, les militaires, les professeurs appelaient une vengeance complète de l'humiliation d'Iéna, les patriotes enfin, c'est-à-dire la presque universalité des Allemands, entendaient mener à bonne fin l'unité de leur patrie sous le sceptre d'un seul roi ; mais, pour eux, quel était l'obstacle ? C'était la France. Ces divers motifs de haine, plus ou moins légitimes, mais très-réels, étaient devenus un puissant instrument entre les mains de M. de Bismarck ; au nom de la grande patrie allemande, M. de Bismarck avait violemment annexé à la Confédération du Nord des États jaloux de leur indépendance ; au nom de la grande patrie allemande, M. de Moltke avait porté l'organisation militaire à sa plus haute perfection. La guerre de 1866 contre l'Autriche avait montré la redoutable puissance de l'armée prussienne, sous des chefs tels que le comte de Moltke et le prince Frédéric-Charles. Cet avertissement, du reste, n'avait pas été perdu pour la France : les rapports du colonel Stoffel sont précieux à cet égard ; mais l'empereur Napoléon se berça jusqu'au dernier moment d'une illusion funeste : il crut que les États du Sud refuseraient de marcher avec la Prusse ; il crut que les provinces annexées de force à la Confédération du Nord seraient pour lui des alliés ; il espérait briser l'unité germanique par les moyens qui devaient, au contraire, la resserrer et la consolider ; une partie de l'opinion publique partagea, d'ailleurs, ces vues fausses, et, dès l'ouverture des hostilités, les bruits les plus étranges coururent dans le public, répétés à plaisir par une presse légère, toujours ouverte aux mensonges. Si l'empereur Napoléon garda cette illusion jusqu'au bout, les avis salutaires ne lui avaient pas fait défaut. L'ambassadeur de France à Berlin l'avertissait, dès 1867, que l'Allemagne était poussée à l'unité par un mouvement irrésistible, et ce renseignement authentique fut confirmé en mainte occasion par tous les représentants militaires ou diplomatiques du gouvernement impérial.

En admettant que l'espoir de détacher de la Prusse les Etats du Sud ne fût pas chimérique, quelle était la conduite à suivre dès l'ouverture des hostilités ? Il fallait se jeter hardiment en Allemagne et empêcher la jonction des armées confédérées par la promptitude et la vivacité de l'attaque. Telle ne fut pas, on le sait, la lactique de Napoléon III. Du 18 juillet au 2 août, l'armée française s'épuisa en marches et contre-marches. Le 2 août, l'escarmouche de Sarrebrück ne fut pas autre chose qu'une mise en scène destinée à provoquer un certain retentissement autour du fils de Napoléon III.

Cependant, l'armée allemande, prête pour celle guerre depuis 1868, opérait sa concentration avec une précision merveilleuse et se dirigeait vers la frontière. Elle était divisée en trois corps. La première armée, forte de 120.000 hommes et commandée par le général Steinmetz, formait la droite et se trouvait non loin de Sarrebrück aux premiers jours d'août.

La deuxième armée, sous le prince Frédéric-Charles, comptait environ 240.000 hommes, et allait franchir la frontière à Sarreguemines.

La troisième, commandée par le prince royal de Prusse, et forte d'environ 200.000 hommes, attaquait le 4 août, à Wissembourg, la division du général Abel Douay, avant-garde perdue du corps de Mac-Mahon.

La division Douay était campée à l'extrême frontière de la France, sur cette mémorable colline du Geissberg illustrée par la victoire de Hoche sous la première République. On domine, de cette hauteur, Wissembourg et le cours de la Lauter ; cette rivière est bordée de bois épais que le général français avait négligé de faire explorer par ses reconnaissances. Ainsi, non-seulement la division Douay était laissée par le maréchal Mac-Mahon dans une position périlleuse où il était difficile de lui porter secours, mais, en outre, le général se gardait mal. Il ne s'était pas douté que, dans la nuit du 3 au 4 août, près de 100.000 hommes avaient bivouaqué dans les bois de la Lauter. Grande fut sa surprise lorsqu'il entendit le canon éclater sur Wissembourg, et lorsqu'il vil des obus éclater au milieu de ses troupes, lancés des hauteurs de Schweigen. Les soldats faisaient la soupe ; ils courent aux armes, dans le désordre d'un camp surpris par l'ennemi. Le général Douay détache à la hâte une partie de ses forces et les envoie au secours des régiments laissés dans Wissembourg ; mais que peuvent neuf mille hommes contre quatre-vingt-dix mille Allemands qui débordent sans cesse des bois et menacent d'entourer d'un cercle de fer cette poignée de soldats ? Le brave général, désespéré, dit-on, de s'être laissé surprendre, se précipite au-devant de la mort, et tombe, léguant à ses soldats un exemple sublime mais inutile. Wissembourg reste aux mains de l'ennemi ; il y avait eu un sanglant combat des rues, où les gardes nationaux avaient rivalisé de bravoure avec les troupes régulières. Deux fois les turcos, emportés par un élan irrésistible, avaient enfoncé les bataillons prussiens et leur avaient pris des canons ; deux fois, sous un ouragan de mitraille, ils avaient été ramenés en arrière. Il fallut enfin cesser cette lutte inégale et reculer ; on laissa entre les mains des Allemands un canon et cinq cents prisonniers, et sur le champ de bataille, deux mille morts ou blessés. Les troupes se replièrent sur le col du Pigeonnier, qui commande la ligne de Bitche. La valeureuse division Douay s'était battue pendant huit heures sans recevoir de secours. La division Ducrot, se trouvait à Wœrth, à trente kilomètres en arrière, elle ne fil aucun mouvement au bruit du canon.

L'Alsace était ouverte à l'ennemi et l'invasion commençait.

Le maréchal Mac-Mahon était à Strasbourg, lorsqu'il apprit la mort du général Douay et la déroute de Wissembourg. Il accourut pour rallier les débris de la vaillante division si maltraitée. Le maréchal avait commis une double faute : il avait laissé les huit mille hommes de Douay isolés, exposés aux coups de l'ennemi ; en outre, au lieu de leur conseiller de battre en retraite au cas où ils seraient attaqués par des forces supérieures, il leur avait ordonné de garder leurs positions à tout prix. Il se hâta de réparer sa faute et de concentrer toutes les troupes répandues dans la contrée. Le général de Failly reçut l'ordre de se rapprocher de lui avec le 5e corps, la division Conseil-Dumesnil fut aussi rappelée ; malheureusement, soit que l'ordre ne fût pas assez impératif, parce que le maréchal n'avait pas le sentiment du danger dont il était menacé, soit mollesse de la part du général de Failly, le 5e corps devait arriver trop tard. Les termes des dépêches envoyées au général de Failly donneraient à penser que le maréchal Mac-Mahon ne s'était pas rendu un compte exact de la marche des armées allemandes.

Quoi qu'il en soit, le 6 août, Mac-Mahon était à Frœschwiller, occupant les collines qui dominent le cours de la Sauer ; il avait à son extrême gauche Langensulzbach, et Morsbronn à son extrême droite. L'aile gauche de son armée, formée de la division Ducrot, s'étendait de Nechwiller à Frœschwiller, faisant face à la route de Lembach, par où l'ennemi devait déboucher ; au centre, la division Raoul, placée sur les coteaux boisés situés entre Frœschwiller et Elsashausen, se trouvait en présence de la petite ville de Wœrth, bâtie sur le bord de la Sauer ; la division de Lartigue formait l'aile droite, d'Elsashausen au village de Morsbronn. En arrière étaient placées la division Conseil-Dumesnil et la division Abel Douay, maintenant division Pelle, renforcées de la grosse cavalerie des généraux Septeuil, Bonnemain, Michel et Nansouty. L'effectif total de ces forces était de trente-cinq mille hommes. Les huit mille soldats du général Abel Douay s'étaient battus à Wissembourg contre quatre-vingt-dix mille Allemands ; les trente-cinq mille hommes de Mac-Mahon, à Wœrth, allaient engager la lutte contre cent soixante mille.

Dans la nuit du 5 au 6 août, l'armée allemande, partie de Wissembourg, avait occupé les hauteurs de la rive gauche de la Sauer. Le 2e corps bavarois s'était approché de Langensulzbach par la route de Lembach ; le 5e corps prussien était arrivé au village de Preuschdorf, à une lieue de Wœrth ; le 11° s'était établi sur les hauteurs de Gunstett, avec son artillerie. La cavalerie fut disposée en arrière, sur la route de Soulz à Wœrth.

Le combat commence le 6 août, à l'aube, par une violente fusillade entre les tirailleurs bavarois et les avant-postes de la division Ducrot. Bientôt le feu est ouvert sur toute la longueur du front des deux armées. Le bruit sourd de l'artillerie se mêle au crépitement de la fusillade. Sur les coteaux boisés de Gœrsdorf et de Gunstett, les Allemands ont disposé des batteries qui lancent des obus dans le camp français par-dessus le vallon. Vers huit heures, le but de l'armée ennemie se dessine : cette armée veut franchir la Sauer, entre Elsashausen et Wœrth, et couper l'armée française. Une colonne d'infanterie du 5e corps passe la rivière pour attaquer Elsashausen ; elle est repoussée avec vigueur. Deux fois Wœrth est enlevé par les Allemands, et deux fois il est repris par les soldats des divisions Raoul et Lartigue. Jusqu'à midi, l'avantage est à l'armée française ; mais tandis que les troupes de Mac-Mahon s'épuisent, tandis que le 5e corps de Failly, que l'on attend toujours, ne vient pas, les Prussiens ne cessent de recevoir des renforts : des trains de chemin de fer versent des troupes fraîches à deux pas du champ de bataille ; ainsi accourent tour à tour la division Schachtmeyer qui se place à Gunstett, sur la gauche du 5e corps prussien ; le général Bose, qui amène le reste du 11e corps ; la division Gœrsdorf, qui vient prêter main-forte aux troupes très-compromises dans la lutte avec les divisions Raoul et Lartigue ; et enfin l'avant-garde des Wurtembergeois, qui décida de la journée. L'artillerie allemande s'était renforcée dans les mêmes proportions et avait pris sur la nôtre un avantage très-marqué.

Il est une heure ; plus de soixante mille hommes ont été engagés du côté de l'ennemi sans que le résultat désiré ait été obtenu. L'arrivée des Wurtembergeois décide un nouvel effort. Toute une armée sort des bois de Wœrth, se précipite sur cette ville, qu'elle emporte, et pousse une vigoureuse attaque contre Frœschwiller. La division Raoul, admirable de ténacité, défend pied à pied le village et les jardins qui l'entourent ; mais comment résister à ces masses toujours grossissantes ? Le brave général Raoul vient d'être frappé mortellement ; une partie de l'artillerie est démontée, les munitions font défaut aux mitrailleuses. A droite, vers Elsashausen, les divisions Lartigue et Conseil-Dumesnil faiblissent ; le centre et la gauche de l'armée française sont menacés d'être cernés. Le maréchal Mac-Mahon, le désespoir dans l'âme, cherchant sans cesse à l'horizon le général de Failly, qui n'arrive pas, ne peut plus se faire illusion sur le sort de la journée. Il ne lui reste plus qu'à sauver la gauche et le centre qui vont être enveloppés, écrasés, ou forcés de mettre bas les armes. Il ordonne alors aux lanciers et aux cuirassiers de charger l'ennemi. Ces braves vont mourir presque tous, mais ils sauveront l'armée.

On s'arrête avec respect devant ces héros du sacrifice.

Au signal donné, lanciers et cuirassiers s'élancent à travers un terrain accidente, coupé de houblonnières, parsemé d'arbres derrière lesquels s'abritent les tirailleurs allemands ; avant d'arriver à leur but, et d'avoir pu frapper, les intrépides cavaliers sont fauchés par les balles et les obus. Aux premières décharges, le sol est jonché de leurs cadavres ; ils se reforment, chargent encore avec une impétuosité désespérée qui fait l'admiration et la terreur des Allemands ; mais en un clin d'œil ils sont dispersés, foudroyés, anéantis ; la plus grande partie de l'armée a pu, du moins, battre en retraite.

A trois heures, Frœschwiller est aux mains de l'ennemi, et les débris de l'armée de Mac-Mahon s'écoulent en désordre par la route de Reischoffen à Saverne. La 1re division du 5e corps arrive enfin pour recueillir les fuyards et protéger la retraite. L'ennemi, d'ailleurs, avait été assez cruellement éprouvé pour renoncer à toute poursuite immédiate. Nous avions perdu cinq mille hommes tués ou blessés, huit mille prisonniers, trente canons, six mitrailleuses, deux drapeaux. La lutte avait duré onze heures. Le général Colson et le général Raoul étaient tués. Les pertes en tués ou blessés étaient à peu près les mêmes du côté des Allemands. Le général Rose, commandant en chef du 11e corps prussien, avait trouvé la mort sur le champ de bataille. Les bagages et la correspondance du maréchal Mac-Mahon avaient été pris dans la fureur de la lutte.

L'Alsace était perdue pour la France après cette lutte sanglante, et, dans l'état où était l'armée, on ne pouvait plus songer à défendre les défilés des Vosges.

Le même jour, le général Frossard essuyait un grave échec à Forbach, en Lorraine.

On se souvient qu'après la puérile affaire de Sarrebrück le général Frossard avait conservé, mais sans les fortifier, les hauteurs qui dominent le cours de la Sarre. Parmi les plateaux qui forment comme une citadelle dans cette partie de la Lorraine, le plus élevé est celui de Spickeren, situé à une petite distance de Forbach et entouré d'une ceinture de forêts. Détaché avec 28.000 hommes dans cette position aventurée, Frossard n'était pas sans crainte sur les conséquences possibles de son isolement. Heureusement l'état-major impérial eut la bonne idée de concentrer les troupes, après la cruelle leçon de Wissembourg. Bazaine, appelé au commandement supérieur des 2e, 3e et 4e corps, reçut l'ordre de se rapprocher de l'Alsace menacée. Le mouvement de concentration devait s'effectuer de la manière suivante : le corps de Frossard (2e) marcherait dans la direction de Bitche ; le corps de Bazaine (3e) se porterait à Sarreguemines ; celui de Ladmirault (4e) à Haut-Hombourg ; la garde devait rester à Saint-Avold. Le grand quartier général commençait à reconnaître la faute qu'il avait commise en éparpillant les troupes de Sierck à Wissembourg.

Le général Frossard s'était mis en mouvement le 5 août au soir ; le 6 au matin, des troupes étaient distribuées de la manière suivante : la division Laveaucoupet campait sur le plateau de Spickeren, d'où elle dominait la route de Sarrebrück ; la division Bataille était à trois kilomètres en arrière, au village d'Œttingen ; la division Vergé, dans le vallon qui s'allonge sur la gauche de Spickeren ; une brigade gardait le hameau de Stiring, au fond du vallon ; une autre se tenait en arrière de Forbach. Des bois profonds couronnent cette vallée, en sorte que les soldats de la division Vergé pouvaient être criblés de balles par l'ennemi, sans que celui-ci courût aucun danger ; mais il fallait, selon le général Frossard, garder la gare de Forbach, où avaient été déposés des munitions et des vivres. On avait détaché quelques troupes dans le bois de Saint-Arnual, sur la droite de Spickeren. En somme, la position de Spickeren était très-forte, pourvu que le général Frossard prît des précautions en vue d'une attaque, et qu'il ne fût pas abandonné par le maréchal Bazaine, commandant en chef ; celui-ci, en vertu des ordres de concentration arrivés du quartier impérial, avait sous la main les troupes du 3e et du 4e corps, et ces troupes se trouvaient, en effet, à la distance de quatorze ou quinze kilomètres de Forbach le jour de la bataille.

Le 6 août, la première armée prussienne, commandée par Steinmetz, se trouvait de l'autre côté de la Sarre, lorsque le général Kamecke apprit que l'armée française avait abandonné les hauteurs de Sarrebrück. Le général prussien pensa que ce mouvement en arrière était l'indice d'une retraite générale de l'armée française ; aussitôt, il ordonne à sa division de franchir la Sarre ; la canonnade commence ; la fusillade éclate à son tour sur la lisière des bois.

Le général Frossard se trouvait à Forbach, à quatre kilomètres de Spickeren ; il fait aussitôt prévenir Bazaine qu'il est attaqué, mais il ne juge pas à propos de venir voir par ses yeux ce qui se passe.

La fusillade augmente d'intensité : une grêle de balles s'abat sur la brigade Jollivet, de la division Vergé, imprudemment placée, comme il a été dit plus haut, au fond du vallon de Stiring. Des hauteurs boisées qui leur servent d'asile, les Allemands tirent à coup sûr ; nos soldats à découvert essuient des pertes sensibles et ripostent sans efficacité. En mémo temps, le général Kamecke attaque de front, avec une grande vigueur, le plateau de Spickeren ; il est repoussé, et les Allemands, décimés par le feu de la division Laveaucoupet, rentrent sous bois. Dans l'intervalle, le général Vergé avait lancé, dans le bois de la Brême-d'Or, quatre régiments, résolus à déloger les tirailleurs qui nous font toujours beaucoup de mal. Un feu meurtrier les accueille. Où ils avaient cru rencontrer un simple rideau de grand'garde, nos soldats se heurtent à des régiments entiers. On vit une fois de plus ce qu'il en coûte de ne pas fouiller les bois ; les Prussiens avaient tendu des fils de fer d'un arbre à l'autre ; ces fils indiquaient à l'ennemi la ligne qu'il ne devait pas dépasser, ils servaient à le diriger pendant la nuit ; en outre, ils empêchaient les méprises, si fréquentes dans les escarmouches à travers les taillis. Il ne fallait pas songer, en dépit de la valeur des troupes, à déloger les Prussiens à la baïonnette ; on ne leur faisait aucun mal en tirant sur eux, car ils étaient abrités derrière le pied des arbres, d'où ils faisaient sur nous des décharges meurtrières. A quoi bon engager une lutte inégale ? Il fallut reculer, non sans laisser dans le bois beaucoup de morts et de blessés.

Les renforts ne cessaient d'arriver aux Allemands, selon la coutume. Vers deux heures, une nouvelle attaque est dirigée contre le plateau de Spickeren. Le général prussien von François est tué. La division Laveaucoupet soutient le choc avec l'admirable ténacité dont elle a fait preuve depuis le commencement de la bataille. Mais aucun secours n'arrive, et le général Frossard ne juge pas à propos de venir juger par lui-même de ce qui se passe. Il est toujours en arrière, à Forbach ; de là il expédie des télégrammes à Bazaine. Mais Bazaine ne répond pas, n'envoie aucun secours, et, quoique commandant en chef des troupes engagées, reste à Saint-Avold, où il n'a que faire. Les généraux divisionnaires qui sont autour de lui n'accourent pas davantage au bruit du canon. Pendant ce temps, les Prussiens reçoivent des troupes fraîches qui, à peine arrivées, sont jetées en avant. A trois heures, la division Barnckow paraît avec plusieurs batteries. Une brigade du corps du prince Frédéric-Charles passe la Sarre à Saint-Arnual, traverse les bois, débouche sur le plateau. Un combat acharné s'engage ; là meurt le brave général Doens. Enfin, vers sept heures, notre position étant menacée d'être prise à revers, Frossard, toujours à Forbach, se décide à ordonner la retraite. Mais l'héroïque division Laveaucoupet n'abandonne que vers dix heures du soir le plateau qu'elle défend depuis le matin. Nous avions plus de quatre mille hommes tués ou blessés ; tous les approvisionnements de la gare de Forbach étaient tombés aux mains de l'ennemi ; les lignes de la Moselle étaient perdues ; ce qui était pis encore, la démoralisation gagnait les troupes qui dépensaient en vain tant de sang et de courage.

La bataille avait duré toute la journée ; cinq mille Prussiens tués ou blessés jonchaient les bois ; mais il faut bien le dire, quoi qu'il en puisse coûter à notre vanité, les Allemands n'avaient engagé que vingt mille hommes environ pour remporter cette victoire, et le général Frossard avait vingt-huit mille hommes sous ses ordres. Il est vrai que Frossard ne parut pas sur le champ de bataille ; il est vrai que Bazaine ne tint aucun compte des télégrammes qui lui furent expédiés ; il est vrai que les généraux divisionnaires, placés à une petite distance, ne firent aucun mouvement au bruit du canon. De mesquines jalousies amenèrent la perte de la bataille de Forbach ; la responsabilité de cet échec pèse sur le général Frossard ; elle pèse plus encore sur le maréchal Bazaine.

Napoléon III, généralissime des armées françaises, était resté à Metz pendant que ces tristes événements se passaient à la frontière. Los routes de Metz à Forbach et à Frœschwiller étaient libres encore ; mais tel était le désordre du commandement, et telle l'incurie du quartier impérial, que le chef suprême ignorait ce qui se passait en dehors de la ville. L'histoire recueille avec une pitié méprisante les dépêches que ce souverain expédiait à Paris tandis qu'on se battait à Frœschwiller et à Forbach. Elles doivent être conservées, parce qu'elles sont uniques dans leur genre :

A Sa Majesté l'Impératrice, à Saint-Cloud.

« Metz, le 6 août 1870, à 3 h. du soir.

« Je n'ai pas de nouvelles de Mac-Mahon. Ce matin, les reconnaissances du côté de la Sarre ne signalaient aucun mouvement de l'ennemi.

« J'apprends maintenant qu'il y a un engagement du côté du général. Frossard.

« Il est trop loin pour que nous puissions y aller.

« NAPOLÉON. »

 

Quelques heures après, arrivait à Paris cette autre dépêche de l'empereur :

« Je n'ai pas encore de nouvelles de Mac-Mahon.

« Sur la Sarre, le corps du général Frossard a été seulement engagé, et le résultat est encore incertain. — J'ai bon espoir.

« NAPOLÉON. »

 

Les armées allemandes avaient culbuté tout ce qui s'était trouvé sur leur passage ; elles s'avançaient en France avec l'assurance que donnent des victoires inespérées. La première armée, commandée par le général Steinmetz, celle qui s'était battue à Forbach, marchait sur Metz ; elle était forte de cent mille hommes ; la deuxième, sous les ordres du prince Frédéric-Charles, suivait la route de Sarreguemines à Pont-à-Mousson, et se disposait à barrer la route de Verdun au maréchal Bazaine, occupé à concentrer ses troupes sous le canon de Metz ; la troisième, commandée par le prince royal de Prusse, après avoir combattu à Wissembourg et à Frœschwiller, avait franchi les Vosges et s'avançait vers Nancy. Le 13 août, elle atteignait Frouard et coupait la ligne ferrée de Paris à Metz et à Strasbourg.

Avant d'assister à de nouveaux chocs sanglants, nous devons revenir à Paris et voir les sentiments excités dans la grande cité et dans les régions officielles par les tristes événements dont nous avons fait le récit.