LES CONSEILLERS DU GRAND ROI

LOUVOIS

 

CHAPITRE VI. — LOUVOIS ET LES CONQUÊTES EN PLEINE PAIX.

 

 

Après plus de trente ans, Louis XIV et son ministre s’avisèrent de remarquer que les traités de Westphalie n'avaient jamais reçu leur complète exécution. Le traité d’Aix-la-Chapelle, même celui de Nimègue, comportaient des compléments- que la France avait négligés par pure grandeur d’âme. On ne lui en savait aucun gré ; le moment était venu de quitter tout ménagement pour une Europe en vérité bien peu reconnaissante.

Les traités avaient cédé à la France les Trois Évêchés, l’Alsace et la Franche-Comté avec leurs dépendances. Il s’agissait de savoir quelles étaient ces dépendances : affaire purement juridique d’ailleurs, du ressort des parlements locaux, constitués- pour la circonstance en tribunaux ou chambres de réunion. Il y avait aussi l’affaire de la Décapole ou, pour mieux dire r des dix villes impériales d’Alsace. Dépendaient-elles de l’empereur, malgré le suprême domaine concédé au roi ? C’est ce qu’il devenait temps de décider.

Il y avait enfin la grave question de la ville libre de Strasbourg.

C’est Louvois qui, libre désormais des soucis de la guerre, sera l’âme de ces trois entreprises. Colbert de Croissy n'est plus qu’un sous-ordre, un commis subordonné au premier ministre. En veut-on un exemple ? Voici comment Louvois l’informe de l'institution des chambres de réunion :

Les évêques de Metz, Toul et Verdun ayant représenté au roi que la plupart de leurs vassaux leur refusaient obéissance, Sa Majesté a nommé une chambre composée de treize juges du Parlement de Metz pour connaître des différends desdits évêques avec leurs vassaux. Voilà donc quelque chose d’apparence toute bénigne et pacifique ; mais comme la vraie pensée se dévoile un peu plus loin : Afin de ne point faire trop de bruit, il ne faut comprendre dans une même requête que cinq ou six villages, et de huitaine en huitaine en faire présenter sous le nom de chacun desdits évêques, moyennant quoi, en peu de temps, l’on aura fait assigner tous les lieux qui ont reconnu le duc de Lorraine et qu’on peut prétendre avoir été autrefois desdits évêchés[1].

Voilà nettement définie l’œuvre que devront poursuivre les chambres de réunion. C’est ainsi que le Parlement de Besançon décida la réunion de Montbéliard, et le duc de Wurtemberg se vit contraint de prêter hommage pour ce fief à Louis XIV. Le conseil souverain d’Alsace, tenant lieu de parlement et siégeant au Neuf-Brisach, rappelait qu’au temps du roi Dagobert, certains fiefs allemands relevaient de l’abbaye de Wissembourg. Mais la palme revient encore au Parlement de Metz dirigé par le conseiller Ravaux. Il prononça, entre autres réunions, celle de Sarrebourg, de Sarrelouis, de Pont-à-Mousson, du duché de Deux-Ponts. C’était un fief que détenait le roi de Suède. Il réclama vivement, mais vainement, et Louis XIV ne craignit pas de s’aliéner pour jamais l’alliance si précieuse de la Suède.

L’Europe assistait à ces annexions en pleine paix, frappée de stupeur, mais au demeurant impassible. Elle commença à s’émouvoir sérieusement, surtout l’Allemagne, quand elle apprit que le Parlement de Metz avait prononcé la réunion du comté de Chiny.

Comme territoire, c’était là peu de chose ; mais de ce comté avaient dépendu autrefois de nombreuses terres allemandes, et Louis XIV pouvait désormais pousser ses revendications jusqu’au-delà de Trêves. La France devenait comme un cancer qui allait indéfiniment ronger l’Allemagne : on ne savait où s’arrêterait le roi et s’il ne franchirait pas la ligne du Rhin. Telle n’était point cependant son intention. L’objectif de Louvois était la forteresse de Luxembourg, alors au pouvoir des Espagnols.

Profitant de ce que tous les territoires avoisinant Luxembourg dépendaient du comté de Chiny, il les fit occuper militai- rement. Se fondant ensuite sur ce que le roi de France réclamait Alost et quelques autres lieux des Pays-Bas sans les obtenir, à cause des lenteurs de la conférence de Courtrai, il s’avisa d’ordonner aux gens de guerre d’arrêter toute denrée ou marchandise à destination de Luxembourg, qui se trouva ainsi affamée et bloquée en temps de paix.

L’opinion, longtemps contenue, éclata enfin, surtout en Allemagne, où parurent de nombreux pamphlets. Il est plaisant de voir en cette circonstance les airs étonnés de Louvois demandant à tout homme impartial s’il n’était point permis au roi de loger des troupes dans les villages qui lui appartenaient, si ce n’était pas bien faire voir qu’il ne voulait point la guerre que de bloquer une place, lorsqu’il était en état d’en prendre trois ou quatre devant qu’on songeât seulement à s’y opposer ; et il termine en admirant la bonté toute paternelle du roi qui fait ce que font proprement ces pères et mères, lesquels montrent les verges à leurs enfants, pour les corriger seulement, de peur qu’ils ne se portent à des excès qui puissent leur attirer une autre punition. Mais tout de même que la plupart de ces enfants accusent leurs pères et leurs mères de cruauté pour ne les pas vouloir laisser dans le libertinage, ainsi le roi, pour ne vouloir rien laisser de ses droits, passe chez ses envieux pour un prince rempli d’ambition...[2] Un peu plus, et il faudrait, que l’Europe remerciât le roi et son ministre.

L’Espagne perdit enfin patience et déclara la guerre ; mais> personne n’osa venir à son secours. L’Allemagne était à peine remise de l’émotion que lui avait fait subir le siège de Vienne par les Turcs. Réduite à ses propres forces, l’Espagne fit pauvre figure. Les Français entrèrent sans résistance à Courtrai, à Dixmude, où il y avait bien 17 bommesdegarnison.il n’y eut de résistance sérieuse qu’à Luxembourg, mais Vauban était là. En Alsace, les choses avaient marché avec une égale facilité. Dès 1679, Louvois, faisant un voyage dans la province, écrivait à Louis XIV : J’ai fort entretenu l'intendant de tout ce qu’il y a à faire pour étendre la domination de Votre Majesté, autant qu’elle le doit être suivant le véritable sens du traité de Munster[3] (traité de Westphalie).

Il y avait lieu en effet de se demander quel était ce véritable- sens, en présence des articles 73 et 87 de ce traité, articles absolument contradictoires.

L’article 73 et le suivant disent en propres termes : L’empereur... cède... les dix villes impériales situées en Alsace, savoir Haguenau, Colmar, Schlestadt, Wissembourg, Landau, Obernai, Rosheim, Munster dans la vallée de Saint-Grégoire, Kaiserberg, Turkheim... avec tous les droits régaliens, sans aucune réserve, avec toute espèce de juridiction, de supériorité, de domaine suprême... de manière qu’aucun empereur ou prince de la famille impériale ne puisse ni ne doive jamais, à l’avenir, prétendre y posséder aucun droit.

Voilà qui semble clair et précis, tout autant que l’article 87, qui dit absolument le contraire : Le roi très chrétien sera tenu de laisser... les dix villes impériales dans le droit dont elles ont joui jusqu’ici de relever immédiatement du Saint-Empire, de sorte qu’il n’y puisse prétendre ultérieurement aucune supériorité royale, mais qu’il se contente des droits qui appartenaient à la maison d’Autriche, et qui par ce présent traité sont cédés à la couronne de France ; de manière cependant que, par cette déclaration, il ne soit point dérogé aux droits de domaine suprême ci-dessus accordés à la France. On avait longtemps bataillé sur cet article, mais Mazarin, qui sentait venir la fronde, avait prescrit à nos plénipotentiaires de céder là-dessus, sachant bien qu’en cas de discussion, la raison du plus fort serait la meilleure. Louvois s’était arrangé de façon à rendre cette raison tout à fait excellente, il voulait en profiter. L’opération se fit le plus simplement du monde. Il suffit aux troupes royales de se présenter devant les places ci-dessus indiquées, pour y entrer sans résistance comme sans protestation.

Restait, au milieu de l’Alsace, la ville libre de Strasbourg.

C’était une sorte de république aristocratique où quelques grandes familles détenaient les magistratures, soucieuse avant tout de sauvegarder son indépendance tant contre les entreprises de l’empereur que contre celles du roi de France.

Tant que le premier avait été à craindre, Strasbourg avait eu avec la France des relations très cordiales. Mais cette bienveillance s’était changée en hostilité, depuis que le roi de France était devenu un puissant voisin. Pendant la guerre de Hollande, Strasbourg avait plusieurs fois violé sa neutralité et livré le passage de son pont aux troupes allemandes, ce qui n’avait pas été sans préjudice pour les armes françaises. A la fin de la campagne, au mépris des traités, elle avait appelé et accepté une garnison impériale. Tout cela s’était préparé sans trop de mystère, de telle façon que le maréchal de Créqui, commandant nos forces sur la rive droite du Rhin, avait proposé à Louvois d’enlever Strasbourg par un coup de main. La réponse ne s’était pas fait attendre. Sa Majesté ne juge pas à propos de faire une pareille entreprise[4], répondait le ministre. Cette parole est bonne à retenir et montre assez quelles étaient les intentions conciliantes à l’égard de Strasbourg, à la fin de juillet 1G78. Mais l’incartade des Strasbourgeois modifia les sentiments du roi ; car, lorsque Créqui demande l’autorisation de réparer les deux forts qui protégeaient la tête du pont de Strasbourg sur la rive allemande, Louvois répond : Comme on les restituera dans l’état où ils seront lors de la signature de la paix, ils causeraient peut-être des difficultés insurmontables, dans des temps où Sa Majesté pourrait prendre la résolution de faire attaquer Strasbourg[5]. Les Strasbourgeois, qui avaient vu s’éloigner, en vertu du traité de Nimègue, la garnison allemande, se sentirent fort inquiets des suites de leur équipée, et ils députèrent deux de leurs magistrats vers Louis XIV pour sonder ses intentions. Le roi demeura impénétrable, mais honora les deux ambassadeurs, Dietrich et Güntzer, chacun d’une belle chaîne d’or avec médaille : ce qui leur valut plus tard d’être accusés d’avoir vendu et trahi la ville dont ils devaient défendre les intérêts. Il faudrait avouer alors que leur conscience était à un taux peu élevé, car on a retrouvé l’ordre du roi à son trésorier pour payer les fameuses chaînes, et le compte s’élève à trois mille livres !

Le peu de succès de cette ambassade fit comprendre aux magistrats de Strasbourg que les jours de la république étaient comptés. Ils ne songèrent plus qu’à tirer d’une situation mauvaise par leur faute le meilleur parti possible. Bientôt la ville reçut des visites plus que suspectes. Un baron de Merci séjourna dans la ville, sous prétexte d’intérêts particuliers à suivre, en réalité pour négocier la remise de la place entre les mains de l’empereur. Le Palatinat se remplissait de troupes allemandes. Tout paraissait préparé pour un coup de main. L’agent que Louis XIV entretenait auprès du gouvernement de Strasbourg le tenait au courant de toutes ces démarches et de ces préparatifs ; mais le roi avait encore un autre allié très utile, c’était l’archevêque de Strasbourg, Egon-François de Furstemberg. Cet archevêque in partibus entretenait des relations suivies avec un petit parti catholique, et par suite français, demeuré dans la place. C’était donc en toute connaissance de cause qu’il faisait écrire : Je dois avertir Votre Majesté qu’il court un bruit sourd que l’on traite sous main de la part de l’empereur avec les plus zélés pour ses intérêts dans la ville de Strasbourg, afin d’y introduire trois ou quatre mille hommes de ses troupes, avant que Votre Majesté en puisse être avertie. Puis il traçait la conduite à tenir : des concessions, le respect aussi large que possible de l’autonomie locale, se portant garant de la soumission des habitants, lesquels n’abhorreraient pas, disait-il, la souveraineté de Votre Majesté, s’ils étaient assurés qu’ils dussent garder sous sa domination les mêmes privilèges qu’ils possèdent sous l’empire[6].

Guillaume de Furstemberg, secrétaire de son frère, est sans doute bien renseigné quand il donne dépareilles affirmations. Il ne paraît pas en effet que la masse de la population fût sérieusement attachée à un gouvernement oligarchique et traçassiez Les lettres du résident français abondent en détails à ce sujet. Il parle des doléances des artisans qui ne pouvaient avoir plus de deux garçons, afin qu’un seul ne puisse avoir toute la besogne et tout le gain (1)[7] : ce qui fâchait fort les artisans habiles. Un décret de la municipalité en date de 1673 enjoignait à tous les aubergistes et brasseurs de rapporter au magistrat les propos tenus dans leur auberge. Une pareille liberté ressemblait parfois à de la servitude.

L’empereur Léopold craignait de s’attirer une guerre où seul il aurait dû supporter tout le poids des forces de la France. Il prodiguait les bonnes paroles et les assurances de bonne volonté, mais il ne se pressait point de passer aux actes. Son attitude hésitante découragea ses meilleurs partisans. En désespoir de cause, ils se retournèrent du côté de la France ; ils cherchèrent à atténuer un malheur qu’ils ne pouvaient éviter. L’avocat de la ville, Stœsser, désigné en 1678 par le résident français comme un adversaire résolu de la France, en 1681 était noté comme un de ses partisans.

L’ammeister ou maire, Dominique Dietrich, était dans le même cas. Si je ne savais à n’en pouvoir douter, écrivait le 24 juillet 1681 l’agent français Frischman, que tous les conseillers de cette ville, qui sont au nombre de cinq, se haïssent mortellement, je croirais qu’ils eussent concerté ensemble de me venir offrir leur service, puisqu’il n’y en a pas un qui ne l’ait fait depuis deux jours.

Même en Allemagne, on ne se faisait pas illusion sur le sort réservé à Strasbourg. Des plénipotentiaires français envoyés à Ratisbonne écrivaient : Nous avons trouvé au-delà du Rhin tout le monde persuadé que si Votre Majesté voulait par des bienfaits à quelques particuliers et par des espérances générales de conservation de privilèges, il lui serait aisé de faire désirer par la ville de Strasbourg de ne dépendre que de Votre Majesté[8]. Au moment même où cette lettre était écrite, Louvois prenait toutes les mesures pour forcer par une éclatante démonstration les hésitations dernières. Avec cette sûreté de calcul dont il avait déjà donné des preuves, il faisait parcourir l’Alsace par une foule de détachements qui, pris isolément, étaient peu de chose, mais qui, se trouvant réunis brusquement autour de Strasbourg, devaient composer une imposante armée de trente mille hommes, bien pourvue d’artillerie.

Dans la conduite de cette importante affaire, Louvois fit preuve de ce goût qu’il avait pour les dissimulations bizarres et parfois puériles. Lorsque, le 25 août, il prévint l’intendant d’Alsace, Lagrange, de prendre les dispositions nécessaires, il lui enjoignit tout d’abord d’envoyer deux de ses gens dans un cabaret de Lure, en Franche-Comté, pour s’aboucher avec ses propres émissaires. Un ruban bleu et jaune devait servir de signe de ralliement, une cassette être échangée contre un billet. Ce billet était l’ordre de mobilisation.,

On rapporte même que Louvois aurait appelé devant lui un jeune officier coupable de quelque peccadille et lui aurait promis le pardon, à la condition d’endosser, séance tenante, un costume de paysan et d’aller se poster ainsi affublé sur le pont de Bâle, pour noter scrupuleusement tout ce qu’il verrait. Au milieu du défilé des voitures et des gens affairés, l’officier remarqua un grand coquin culotté de jaune qui, s’approchant du garde-fou, le frappa trois fois du bâton qu’il tenait à la main. Sa faction finie, l’officier repartit en toute hâte pour Versailles, où il arriva de nuit, mais où il trouva cependant le ministre qui l’attendait avec impatience. Aussitôt qu’il entendit parler de la culotte jaune, Louvois se serait précipité dans l’appartement du roi lui annoncer que Strasbourg était à nous. L’homme à la culotte n’aurait été qu’un messager inconscient des magistrats de Strasbourg[9]. Le récit est agréable et le conte piquant ; malheureusement c’est un conte ; il faudrait, pour qu’il fût vrai, admettre la trahison des magistrats, ce que des historiens allemands, comme M. Ranke, repoussent eux-mêmes. Nous sommes ici en présence d’un roman quia sa conclusion classique, puisque l’aventure se termine par un mariage.

Ce qui est plus certain, c’est que Louvois prit toutes les mesures nécessaires pour dépister les indiscrets. Quand, le 25 septembre, il partit rejoindre Montclar et ses troupes, il avait accepté pour ce jour une partie de chasse et plusieurs invitations à diner. Nul ne pouvait soupçonner sa fugue. Il ne perdit pas le temps ainsi gagné. Il fit en quatre jours et à franc étrier la distance qui sépare Paris des bords du Rhin. Le 29 septembre, il était au quartier général de Montclar.

Le 28, l’avant-garde s’était présentée devant les murs ; Montclar avait déclaré qu’il n’y avait qu’à se soumettre de bonne grâce. La garde bourgeoise courut aux remparts, plus par curiosité que par désir de se battre. Les magistrats avaient, du reste, prudemment laissé les canons sans poudre, afin d’éviter quelque coup de tête funeste.

Ils députèrent auprès de Louvois afin de demander du temps pour réfléchir ; mais il se montra inflexible et exigea une reddition immédiate.

Le résident français, Frischman, a écrit l’histoire des dernières délibérations du corps municipal de Strasbourg. Une partie des magistrats opinait pour la capitulation immédiate, d’autres voulaient un semblant de résistance, pour obtenir des conditions plus favorables ; tous étaient d’accord sur le principe de la reddition. Seul un tailleur, petit homme de 70 ans, fut d’avis de se défendre jusqu’à la mort[10]. Tout se passa avec le plus grand ordre. Il est minuit, disait Frischman en terminant sa relation, tout est si tranquille qu’on n’entend pas le moindre bruit dans les rues. L’entrée des Français s’était faite à 4 heures de l’après-midi, avec le plus grand calme. Les gens de Strasbourg étaient satisfaits des concessions que leur faisait la capitulation, surtout au point de vue de la liberté de conscience. Les soldats étaient entrés en ville sans aucun désordre ; l’habitant, de son côté, avait montré un peu de curiosité, mais point du tout de malveillance. L’Allemagne était consternée, mais point surprise. Tout le monde, écrivait Montclar, dit que c’est une roue du chariot sur lequel on doit entrer dans l’empire et que la porte de l’Alsace est fermée présentement[11].

Si Louvois avait ainsi pressé la reddition de Strasbourg, c’est qu’il voulait frapper l’opinion par un véritable coup de théâtre. Une laborieuse et secrète négociation avait obtenu du duc de Savoie la cession de Casai en Piémont. Les troupes françaises devaient en prendre possession le 30 septembre. Il fallait que les deux entrées triomphales se fissent le même jour. L’effet voulu fut produit. On convenait que le roi était un grand prince, et qu’il paraissait n’y avoir pas eu depuis Charles-Quint un plus grand personnage dans le monde[12]. En France, l’enthousiasme devenait du délire. Quel jour pour toute l’Europe que le 30 septembre ! s’écriait Boufflers ; quel point de gloire dans toute l’éternité pour le roi et pour vous ! Dans le vrai, un événement si extraordinaire servira, à l’avenir, d’exemple et de raison à tout le monde pour se soumettre, dès les premières semonces, à tout ce que Sa Majesté délirera[13].

 

 

 



[1] Mémoire pour Colbert de Croissy du 7 janvier 1680. D. G. 637.

[2] Réponse au livre intitulé : La conduite de la France depuis la paix de Nimègue, p. 25 et 26.

[3] Louvois au roi. 15 juin 1679. D. G. 632.

[4] Louvois à Créqui, 27 juillet 1678.

[5] Louvois à Créqui, 15 août 1678. D. G. 608.

[6] Lettre de Guil. de Furstemberg, Archives affaires étrangères 1681, citée par Legrelle, Louis XIV et Strasbourg, p. 515 et 477.

[7] Frischman à Louvois, 23 juin 1678. D. G. 607.

[8] Lettre de Harlay et Saint-Romain du 9 septembre 1681, Archives affaires étrangères, citée par Legrelle, p. 506.

[9] Revue d’Alsace 1835. — Voir aussi Siebecker, Grands jours d’Alsace, p. 170 et 172.

[10] L. Pilon, Strasbourg en 1681. Revue d’Alsace 1852.

[11] Montclar à Louvois, 14 octobre 1681. D. O. 063.

[12] Catinat à Louvois, 15 octobre 1631. D. G. 165.

[13] Boufflers à Louvois, 11 octobre 1631.