LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME IV — LES INSTITUTIONS DE L’ANTIQUITÉ

INSTITUTIONS RELIGIEUSES. — II. - LE CULTE EN ASIE

 

 

LES HÉBREUX. - LES PHÉNICIENS. - LES ASSYRIENS. - LES PERSES. - LES PHRYGIENS.

 

LES HÉBREUX. — Les croyances des Israélites, dit M. Maspero, formaient avec les religions cananéennes le contraste le plus frappant. On trouve bien çà et là quelques traces confuses d’an paganisme primitif, des dieux (Élohim), des pierres sacrées, des idoles qui sont les dieux de la famille et c ont les images font partie du patrimoine de la tribu : mais en fait ils sont monothéistes..... Ils n’ont qu’un seul dieu et ne confondent pas ce dieu avec l’univers, n’admettent pour lui ni la subdivision ni le sexe..... Le tonnerre est sa voix ; l’éclair, sa lumière ; la grêle et l’orage, son arme. Tonnerre, éclair, grêle ne deviennent jamais des êtres indépendants, ce sont des actes du dieu. Ce dieu unique, ce Javeh, est avant tout le dieu national d’Israël.....

Pendant le séjour assez long que les Hébreux firent dans le désert, Moïse les constitua politiquement, leur donna des lois et organisa leur culte. Les rites qu’il institua sont en grande partie empruntés à l’Égypte, mais le fond même du dogme diffère essentiellement. Le monothéisme se retrouve au fond de toutes les religions de l’Orient, mais le dieu suprême se dédouble dans ses qualités, qui, en se personnifiant, deviennent des divinités distinctes quoique subordonnées. Cette hiérarchie des puissances divines ne se retrouve pas chez les Hébreux, dont le dieu national Javeh exerce sa toute-puissance par ses actes directs et non par des agents célestes. De la vient l’impossibilité pour chacune des tribus qui composent la nation d’invoquer un protecteur spécial, et la nécessité absolue d’obéir toutes au chef qui les commande au nom de la divinité unique. Aussi les Hébreux ne bâtissent pas plusieurs temples : ils n’en ont qu’un et toutes les cérémonies du culte israélite convergent autour de ce temple.

Le culte des patriarches était de la plus grande simplicité : ils paraissent n’avoir eu ni époques déterminées ni local spécialement choisi pour les actes de dévotion qu’ils adressaient à la divinité. Ce fut Moïse qui fixa les cérémonies du culte et détermina les ustensiles sacrés. Voici ce que dit l’Exode :

Et l’Éternel parla à Moïse, disant :

Parle aux enfants d’Israël, et qu’on prenne une offrande pour moi ; vous recevrez mon offrande de tout homme dont le cœur nie l’offrira volontairement.

Et c’est ici l’offrande que vous recevrez d’eux ; de l’or, de l’argent, de l’airain.

De l’hyacinthe, de l’écarlate, du cramoisi, du fin lin, des poils de chèvres.

Des peaux de mouton teintes en rouge, et des peaux de couleur d’hyacinthe, et du bois de Sittim.

De l’huile pour le luminaire, des odeurs aromatiques pour l’huile de l’onction, et des drogues pour le parfum.

Des pierres d’onyx et des pierres de remplages, pour l’éphod et pour le pectoral.

Et ils me feront un sanctuaire, et j’habiterai au milieu d’eux ;

Selon tout ce que je te vais montrer, selon le modèle du pavillon, et selon le modèle de tous les ustensiles, vous le ferez ainsi.

Ils feront donc une arche de bois de Sittim ; sa longueur sera de deux coudées et demie, sa largeur d’une coudée et demie, et sa hauteur d’une coudée et demie.

Tu la couvriras d’or très pur ; tu la couvriras par dehors et par dedans, et tu feras sur elle un couronnement d’or tout autour.

Et tu fondras quatre anneaux d’or que tu mettras à ses quatre coins ; savoir, deux anneaux à l’un de ses côtés, et deux autres à l’autre côté.

Tu feras aussi des barres de bois de Sittim, et tu les couvriras d’or.

Ensuite tu feras entrer les barres dans les anneaux aux côtés de l’arche, pour porter l’arche avec elles.

Les barres seront dans les anneaux de l’arche, et on ne les en tirera point.

Et tu mettras dans l’arche le témoignage que je te donnerai.

Tu feras aussi le propitiatoire d’or pur, dont la longueur sera de deux coudées et demie, et la largeur d’une coudée et demie.

Et tu feras deux chérubins d’or ; tu les feras d’ouvrage fait au marteau, aux deux bouts du propitiatoire.

Fais donc un chérubin de chaque côté ; vous ferez les chérubins tirés du propitiatoire, sur ses deux bouts.

Et les chérubins étendront les ailes en haut, couvrant de leurs ailes le propitiatoire, et leurs faces seront vis-à-vis l’une de l’autre, et le regard des chérubins sera vers le propitiatoire.

Et tu poseras le propitiatoire en haut, sur l’arche, et tu mettras dans l’arche le témoignage que je te donnerai.

Et je nie trouverai là avec toi, et je te dirai de dessus le propitiatoire, d’entre les deux chérubins qui seront sur l’arche du témoignage, toutes les choses que je te commanderai pour les enfants d’Israël.

Tu feras aussi une table de bois de Sittim ; sa longueur sera de deux coudées, sa largeur d’une coudée, et sa hauteur d’une coudée et demie.

Tu la couvriras d’or pur, et tu lui feras un couronnement d’or à l’entour.

Tu lui feras aussi à l’entour une clôture de quatre doigts, et à l’entour de sa clôture tu feras un couronnement d’or.

Tu lui feras aussi quatre anneaux d’or, que tu mettras aux quatre coins qui seront à ses quatre pieds.

Les anneaux seront à l’endroit de la clôture, pour y mettre les barres, afin de porter la table avec elles.

Tu feras les barres de bois de Sittim, et tu les couvriras d’or, afin qu’on porte la table avec elles.

Tu feras aussi ses plats, ses tasses, ses gobelets, et ses bassins avec lesquels on fera les aspersions ; tu les feras d’or pur.

Et tu mettras sur cette table le pain qui sera exposé continuellement devant moi.

Tu feras aussi un chandelier d’or pur ; le chandelier sera façonné au marteau ; sa tige et ses branches, ses plats, ses pommeaux en sortiront.

Il sortira six branches de ses côtés ; trois branches d’un côté du chandelier, et trois autres de l’autre côté du chandelier.

Il y aura à une des branches trois plats en forme d’amande, un pommeau et une fleur ; à l’autre branche il y aura trois plats en forme d’amande, un pommeau et une fleur. Il en sera ainsi aux six branches naissantes du chandelier.

Il y aura aussi un chandelier, quatre plats en forme d’amande, ses pommeaux et ses fleurs.

Un pommeau sous chacune des six branches naissantes du chandelier.

Leurs pommeaux et leurs branches en sortiront, et tout le chandelier sera une seule pièce faite au marteau, et d’or pur.

Fais aussi ses sept lampes, et on les allumera au-dessus, afin qu’elles éclairent vis-à-vis du chandelier.

Et ses mouchettes, et ses petits plats, destinés à recevoir, ce qui tombe des lampes, seront d’or pur.

On le fera avec toutes ses parties d’un talent d’or pur.

Regarde donc ; et fais selon le modèle qui t’a été montré sur la montagne.

Le rapport qui existe entre l’arche d’alliance des Hébreux et les chapelles portatives des Égyptiens a été constaté par les savants qui ont accompagné l’expédition française en Égypte. En effet, nous lisons dans le grand ouvrage publié sous les auspices du gouvernement : Il serait possible de trouver quelque analogie entre cette barque et l’arche d’alliance des Israélites ; et cela n’a rien qui doive surprendre, si l’on admet que le législateur des Hébreux ait été élevé au milieu des Egyptiens, et que ses idées se soient formées sur celles qu’il avait acquises dans leur pays. On ne doit pas s’attendre à trouver dans les objets que nous comparons une similitude complète ; mais on remarquera entre eux cette sorte de ressemblance qui tient aux réminiscences et à une imitation en quelque sorte involontaire. En comparant donc l’arche d’alliance avec la barque sacrée des Egyptiens, on pourra trouver que les prêtres vêtus de longue robe, qui portent celle-ci, sont les lévites vêtus de robes de lin qui portaient celle-là ; que le petit temple est l’arche proprement dite et que les figures ailées qui sont tournées l’une vers l’autre, les ailes étendues sur le petit temple, sont les deux chérubins. De plus, le bateau égyptien est porté sur des barres, comme l’arche l’était sur des barres de bois de Sittim. Muant à la partie cintrée qui a la forme d’une barque, il n’en est point parlé dans l’Exode ; et, en effet, une barque n’aurait eu aucun rapport avec la religion des Israélites, tandis qu’elle en avait de très naturels avec celle des Égyptiens, dans laquelle le plus grand nombre des symboles doit être rapporté au Nil et à ses inondations.

Suivant la Genèse, l’usage des sacrifices remonte aux premiers âges de l’humanité, puisque Caïn et Abel offrent à Dieu, l’un les fruits de la terre, l’autre la graisse de ses meilleures brebis. II y a toujours eu chez les Hébreux deux sortes de sacrifices : les sacrifices sanglants, qu’on faisait avec quatre espèces d’animaux, le mouton, le bœuf, la chèvre et la colombe, et les sacrifices non sanglants, qui consistaient en gâteaux de froment, huile, encens, ou libations de vins. Toutes ces cérémonies se faisaient suivant certains rites auxquels les prêtres attachaient une très grande importance, mais qui paraissent en avoir eu beaucoup moins aux yeux des prophètes, personnages inspirés de Dieu, mais n’appartenant pas au sacerdoce.

La ville de Siloh a été, après la sortie du désert, le lieu central où les tribus devaient se réunir, aux époques fixées par la loi, pour les grandes cérémonies du culte. C’est là où Josué avait fixé le tabernacle, mais cous les j figes il semble que cet endroit ait été un peu délaissé. David et Salomon fixèrent L~ sanctuaire religieux à Jérusalem, où s’éleva le fameux temple qui, après avoir subi bien des transformations, finit par être détruit par les Romains après le sac de la ville. Les lévites furent établis comme serviteurs et gardiens du sanctuaire, dont l’intérieur n’était accessible qu’aux prêtres. Les prêtres étaient chargés dans le parvis d’entretenir le feu perpétuel sur l’autel des holocaustes, et d’enlever la cendre chaque matin. Ils versaient l’huile dans les lampes, posaient des pains de proposition sur la table sacrée et faisaient toutes les cérémonies prescrites pour les sacrifices. En dehors du temple, ils avaient l’administration de la police sanitaire, notamment la visite aux lépreux ; ils faisaient l’estimation des objets consacrés par des vœux, et, dans quelques cas difficiles, ils étaient appelés à prononcer dans des questions juridiques. Le grand prêtre, dont la fonction paraît avoir été héréditaire, avait, dans la hiérarchie sacerdotale des Hébreux, une situation qui n’était pas sans analogie avec celle de pape dans l’église catholique.

L’historien Josèphe décrit ainsi le costume des prêtres israélites : Avant que de faire les fonctions du saint ministère, ils devaient être purifiés ; car la loi leur recommande une grande pureté. Ils prenaient un vêtement que nous appelons michnefim. Ce terme signifie qui resserre. C’est une espèce de caleçon de lin, mais d’un double tissu de byssus ; on le met autour des reins, en faisant entrer les pieds dedans comme dans une culotte. Il est fendu par en haut et va jusqu’aux reins, où il est attaché. Ils prenaient ensuite une robe de lin d’un double tissu de byssus, que nous appelons chetoneth, ce qui signifie du lin, car nous donnons ce nom à cette plante. Cette robe est juste au corps, et les deux manches sont serrées sur les bras. Elle se ceint sur la poitrine, un peu au-dessus du sein. La ceinture dont le prêtre se ceint est large de quatre doigts : comme son tissu n’est pas serré, elle a quelque ressemblance avec la peau d’un serpent qui s’est dépouillé. Le tissu de cette ceinture est de byssus, mais relevé par des fleurs de couleur d’écarlate, de pourpre, de bleu céleste et de byssus ; elle faisait deux tours en forme d’hélice, en commençant vers la poitrine, où on la nouait, de manière que pour la bonne grâce elle pendait jusqu’à la cheville du pied,.quand le prêtre n’officiait pas : car quand il officiait, comme il était obligé de se donner alors du mouvement, il la rejetait sur son épaule gauche, afin qu’elle ne l’embarrassât pas en flottant. Moïse l’appelle abnet. C’est des Babyloniens que nous avons appris à l’appeler emian, car c’est le nom qu’ils donnent à une ceinture. La robe des prêtres ne faisait aucun pli : on la resserrait par le collet sur les deux clavicules où elle est plus ample ; on l’y resserrait, dis-je, avec des cordons qu’on laissait pendre sur la poitrine. Nous appelons cette robe maffabafane.

Le prêtre porte sur la tête un bonnet rond, mais qui n’en couvre que la moitié. Nous l’appelons mitfnephet, et il est coupé de façon qu’il paraît une couronne. Il est fait d’une bande de lin très serrée, qu’on roule plusieurs fois et qu’on arrête par quelques points d’aiguille. Le prêtre met par-dessus un morceau de toile qui descend du haut de la tête, sur lequel on l’applique, jusque sur le front, et couvre ce que pourrait avoir de moins gracieux les différents plis du bonnet de dessous. Ce morceau de toile est juste à la tête, afin qu’il ne tombe pas quand le prêtre officie. Voilà ce que nous pouvons dire pour donner quelque idée de, l’habit des simples prêtres.

 

LES PHÉNICIENS. — Le culte des Phéniciens est peu connu et il règne une grande obscurité et de graves contradictions sur tout ce qui concerne les coutumes religieuses de ce peuple. En Syrie, dit M. Maspero, les mythes étaient demeurés à l’état flottant, et les dieux se partageaient le pays comme autant de princes féodaux. L’adoration de Baal, le maître et le seigneur suprême, et de sa compagne Astarté, impliquait la croyance primitive au dieu unique, de même que l’adoration de Tammouz et de Baalit, de Mama et de Derketo, d’Hadar et d’Atagarth. La multiplicité des Baalem secondaires ne prouve pas plus contre cette unité primordiale que la subdivision du dieu égyptien en ces puissances divinisées ; seulement, en Phénicie et en Syrie, cette répartition de la puissance divine est plus géographique et politique que philosophique. Ce sont moins les attributs divins que les sanctuaires locaux qui ont donné naissance aux dieux secondaires, Baals éponymes des principales villes. Baal, adoré à Tyr, à Sidon, à Tarse, devient Baal-Tsour, Baal-Sidon, Baal-Tars. Comme tel, il peut recevoir un nom particulier qui achève de détruire dans l’esprit du vulgaire son caractère primitif, mais qui ne laisse pas moins subsister la notion confuse de l’unité primordiale ; c’est ce qu’une inscription nous démontre en deux mots. Melquarth, le grand dieu de Tyr, dont le culte avait été porté au loin par les colonies tyriennes, n’était autre que le Baal de la métropole : Au dieu Melquarth, Baal de Tyr. L’hommage aux dieux se rendait sur les hauts lieux et dans les bocages sacrés. Il admettait des pratiques licencieuses et barbares dont la seule idée faisait horreur aux prophètes d’Israël. Moloch exigeait des sacrifices humains et voulait qu’on brûlât des enfants devant lui. Astarté, à la fois guerrière et voluptueuse, avait pour prêtresses des courtisanes sacrées.

A défaut d’écrivains phéniciens, nous sommes bien obligés de nous en référer aux historiens grecs et latins, qui s’élèvent contre les atrocités du culte phénicien, tel qu’il avait été importé à Carthage. Il y avait dans cette ville une statue colossale de Baal-Hamon, placée devant le temple de ce dieu. Elle était de bronze, dit Diodore de Sicile, avec les bras étendus en avant et abaissés ; ses mains, dont la paume était en dessus, étaient inclinées vers la terre, afin que les enfants qu’on y plaçait tombassent immédiatement dans un gouffre plein de feu.

Les monuments nous font complètement défaut pour les cultes phéniciens. On a retrouvé dans la Cyrénaïque quelques statuettes en terre cuite qui représentent des prêtresses (fig. 500 à 503). Ces figurines portent un costume dont la plus grande partie est grecque, mais où l’élément oriental est assez accentué ; et il est probable que le culte auquel il se rattachait était un mélange de rites asiatiques et de traditions grecques. On sait, en effet, que cette contrée, habitée par des populations d’origines très diverses, avait adopté le culte des Grecs, mais en gardant toujours une forte empreinte des religions primitives de l’Asie. Toute la côte de l’Afrique septentrionale avait reçu, à différentes époques, des colonies phéniciennes.

 

LES ASSYRIENS. — Une sorte de panthéisme ou adoration de la nature personnifiée parait être le fond du culte assyrien. On y trouve, exprimé d’une manière vague, le principe de l’unité divine, mais le dieu suprême se dédouble dans ses qualités, qui, en se personnifiant, prennent l’apparence de divinités spéciales. La grande divinité des Assyriens parait avoir été celle que les inscriptions nomment Assour, et qui semble personnifier la nation elle-même.

Comme les dieux de ces contrées ont toujours un caractère protecteur du roi ou de la nation avec laquelle ils sont en quelque sorte identifiés, ils sont exposés en temps de guerre à toutes les péripéties de la fortune. Si le roi qu’ils protégent est victorieux, il amène comme captifs les dieux du peuple ennemi et les humilie devant eux. S’il est vaincu, ils partagent le sort de ceux qu’ils n’ont pas su défendre. Leurs images sont brisées ou emmenées en captivité. Écoutez un roi d’Assyrie entrant victorieux dans la ville de Suse : Par la volonté d’Assour et d’Istar, je suis entré dans ses palais et je m’y suis reposé avec orgueil... J’ai enlevé Sousinak, le dieu qui habite dans les forêts, et dont personne n’a encore vu la divine image, et les dieux Soumoudou, Lagamar, etc., dont les rois du pays d’Élam adoraient la divinité. J’ai enlevé tous ces dieux et toutes ces déesses avec leurs richesses, leurs trésors, leurs pompeux appareils, leurs prêtres et leurs adorateurs, j’ai tout transporté au pays d’Assour.

La Bible semble nous donner elle-même l’explication d’un bas-relief assyrien du Musée britannique, dont le sujet se rattache à une cérémonie qui avait lieu à Ninive aussi bien qu’à Babylone. « Vous verrez à Babylone, dit Baruch, les dieux d’or et d’argent, que l’on porte sur les épaules et qui se font craindre par les nations (fig. 504).

On emploie l’or pour ces dieux, continue le prophète, comme on le fait pour une jeune fille qui aime la parure. On met sur leur tête des couronnes d’or, mais il arrive quelquefois que les prêtres de ces dieux leur dérobent l’or et l’argent et s’en servent pour eux-mêmes. Ils le donnent à des femmes impudiques, et après que ces mêmes femmes le leur ont rendu, ils en parent encore leurs dieux ; ils couvrent d’habits ces dieux d’argent, d’or, de bois, comme on en revêt des hommes.

L’un de ces dieux porte un sceptre, comme un homme qui a le gouvernement d’une province. L’autre a une épée ou une hache à la main, mais il ne peut s’en servir que pour se défendre contre les voleurs.

Ils allument devant eux des lampes, et en plus grand nombre que pour eux-mêmes ; mais ces dieux n’en peuvent avoir aucune, et ils sont comme des poutres dans une maison.

Les grandes figures ailées, qui dans l’Orient décoraient les temples et les palais, étaient les emblèmes des dieux protecteurs, et ils avaient dans chaque contrée un rôle en quelque sorte national. Aussi, bien que ces emblèmes fussent les mêmes pour des peuples différents, ils étaient voués en temps de guerre, à une destruction certaine. J’ai brisé les lions ailés et les taureaux qui veillaient à la porte des temples, dit un roi d’Assyrie, entrant dans la Susiane. J’ai renversé les taureaux ailés fixés aux portes des palais du pays d’Élam et qui, jusqu’alors, n’avaient pas été touchés, je les ai jetés bas.

De nombreux bas-reliefs assyriens nous montrent des sacrifices religieux dans lesquels le roi semble toujours accomplir le rôle dé grand pontife. Tantôt, le roi placé en avant de la victime qu’on amène semble invoquer la divinité (fig. 505), tantôt il verse lui-même la libation sacrée près des lions qu’il a tués à la chasse (fig. 506). Malheureusement les écrivains anciens ne nous fournissent aucun renseignement sur les pratiques religieuses des Assyriens, en sorte que les monuments se présentent toujours à nos yeux dans un caractère un peu énigmatique. Ils se rapportent tous au roi et à son entourage immédiat, jamais à la population.

Un fait assez curieux, c’est que les eunuques apparaissent dans les représentations qui se rapportent au culte, aussi bien que dans celles qui ont trait à la guerre. Voici, par exemple, sur la figure 507, un eunuque portant le chasse-mouche royal dans la main droite et tenant avec la gauche une coupe destinée aux libations sacrées. La figure 508 montre le monarque entouré de sa cour. Un eunuque tient le parasol au-dessus de sa tête. En face de lui est un autre eunuque agitant le chasse-mouche, et un grand officier de la couronne portant, comme le roi lui-même, une longue barbe et les cheveux bouclés. Il est probable que le roi est en train d’accomplir un sacrifice, car il tient en main- la : coupe des libations et on voit près de lui un bœuf couché.

Un bas-relief assyrien du Louvre nous montre un prêtre faisant une invocation. Il porte la barbe et les cheveux frisés à plusieurs rangs. La tunique, ornée de galons et de glands, est en partie cachée sous une robe qui passe sur l’épaule gauche en laissant la droite découverte et s’ouvre par devant. Il lève la main droite en signe d’invocation et laisse pendre de la main gauche une tige de pavot à trois capsules. En face de lui est une plante dont la tige porte des rameaux en fleur et dont la base est garnie de larges feuilles.

 

LES PERSES. — Le culte des anciens Perses paraît fondé sur le dualisme. Ormuzd, qui est dans l’ordre physique la lumière et dans l’ordre moral le principe du bien, est en antagonisme perpétuel avec Ahriman, qui représente à la fois les ténèbres et le principe du mal. Les Perses, dit Plutarque dans son traité d’Isis et d’Osiris, débitent beaucoup de fables sur les dieux. En voici une entre autres. Ormuzd, né de la plus pure lumière, et Ahriman, né des ténèbres, sont en guerre l’un contre l’autre. Ormuzd a produit six dieux, dont le premier est celui de la bienveillance, le deuxième celui de la vérité, le troisième de la légalité, le quatrième de la sagesse, le cinquième de la richesse, enfin le sixième est le dieu qui a le privilège de créer les jouissances attachées aux bonnes actions. Ahriman en a produit un nombre égal, comme destinés à être leurs antagonistes. Ensuite, Ormuzd, s’étant donné à lui-même un accroissement triple, est allé se mettre à une distance aussi grande du soleil que celle qui sépare cet astre de la terre, et il a orné le ciel de constellations ; mais il a donné à l’une d’elles la prééminence sur toutes les autres, la constituant comme leur gardienne et leur inspectrice : c’est Sirius. Il a fait encore vingt-quatre autres dieux, et il les a placés dans un œuf. Mais ceux qu’Ahriman créa à son tour, et qui étaient pareillement au nombre de vingt-quatre, percèrent l’œuf : par suite de quoi s’opéra le mélange des maux avec les biens. Un jour viendra, et il est déterminé, où Ahriman, introduisant la peste et la famine, périra entièrement de toute nécessité et disparaîtra par suite du ravage que ces fléaux exerceront. La terre ne sera plus qu’une vaste surface plane ; il n’y aura plus qu’une seule vie, qu’une seule forme de gouvernement ; tous les hommes jouiront d’un bonheur parfait et parleront la même langue.

On ne connaît aucun monument représentant d’une manière certaine la configuration d’Ormuzd et d’Ahriman, ce qui n’est pas bien étonnant, si, comme le dit Hérodote, les Perses n’élevaient pas de statues à leurs divinités. Mais comme toutes les créatures mauvaises, œuvres d’Ahriman, sont les antagonistes et les ennemis irréconciliables des créatures bonnes qui sont l’œuvre d’Ormuzd, on explique par cette lutte les combats d’animaux qui sont représentés sur quelques bas-reliefs de l’ancienne Perse (fig. 509).

Les Perses, dit Hérodote, observent les usages suivants. Ils n’érigent ni statues, ni temples, ni autels ; ils traitent d’insensés ceux qui en élèvent, parce que, selon moi, ils ne croient point, comme les Grecs, que les dieux participent de la nature humaine. Ils ont coutume de faire des sacrifices à Jupiter) sur la cime des monts, et ils appellent Jupiter le cercle entier du ciel. Ils sacrifient encore au soleil, à la lune, à la terre, au feu, à l’eau et aux vents..... Voici comment ils sacrifient à ces divinités : ils n’ont point d’autels, ils n’allument point de feux, ils ne font point usage ni de libations, ni de flûtes, ni de bandelettes, ni d’orge sacrée. Celui qui veut offrir un sacrifice conduit la victime en un lieu pur, où il invoque la divinité, presque toujours couronnée d’une tiare de myrtes. Mais il ne lui est point permis de demander des faveurs pour lui seul. Il prie pour la prospérité des Perses et du roi ; car il fait lui-même partie de l’universalité des Perses. Lorsqu’il a fait bouillir, coupées par morceaux, les chairs de la victime, il les dépose sur une couche d’herbes très fines, particulièrement de trèfles. Alors, un mage (sans mage pas de sacrifice) approche et chante la théogonie, réputée chez eux le charme le plus efficace ; celui qui a sacrifié demeure là quelque temps, puis il emporte les chairs et en use à son gré.

Le sacerdoce avait une très grande importance en Perse. Les Touraniens de la Médie, dit M. Maspero, avaient une caste dont les membres tenaient leur office par droit d’hérédité ; ces prêtres, qu’on appelait mages, s’imposèrent aux vainqueurs et devinrent une des six tribus constituantes de la nation. Ils infectèrent les Aryens de leurs pratiques superstitieuses, développèrent le culte du feu et des corps célestes et se posèrent en intermédiaires nécessaires entre l’homme et Dieu. On ne pouvait offrir le sacrifice ou faire acte de religion en leur absence. Vêtus de longues robes blanches, coiffés de hautes tiares, les mains chargées du faisceau sacré de tamarisc, sans lequel on ne pouvait rien faire, ils se rendaient en procession : aux autels, préparaient la victime, versaient les libations et chantaient sur l’offrande les formules mystérieuses qui lui donnaient toute sa vertu.

Le culte du feu paraît avoir existé de tout temps chez les peuples qui habitent la Perse. Une médaille de Sapor (fig. 510) montre un autel chargé de la flamme sacrée, qui est la forme visible d’Ormuzd.

Le premier ministre d’Ormuzd et son agent le plus actif était Mithra, qui, à l’époque où les cultes orientaux firent irruption dans l’empire romain, fut considéré comme une divinité solaire. Son culte, bien qu’il soit originaire de la Perse, s’est sensiblement modifié en Occident, et nos collections renferment de nombreux monuments qui s’y rattachent. Ils expriment tous le même symbolisme obscur et ne remontent en général pas plus loin que le IIIe ou le IVe siècle de notre ère.

La ligure 511 représente un de ces monuments qui fait partie des collections du Louvre et qui est un des plus complets que l’ou connaisse. Le ministre d’Ormuzd frappe de son poignard le taureau Aboudad, dont le sang doit produire les animaux et les plantes utiles ; ce qu’on explique en disant que, pour rendre la terre féconde, le soleil la perce de ses rayons. Un chien, qui exprime les chaleurs de la canicule, s’élance pour lécher le sang qui s’écoule de la blessure. Mais un serpent, image d’Ahriman, est couché traîtreusement sous le taureau ; il symbolise la fin de l’été qui va mourir pour faire place à l’hiver. Les deux crépuscules sont représentés par, deux jeunes Phrygiens tenant chacun un flambeau. Au-dessus de la grotte où a lieu l’immolation ; on voit le soleil et la lune sur leurs chars.

Le culte de Mithra, comme tous les cultes orientaux qui ont envahi l’Occident pendant l’empire romain, était mêlé d’une foule de pratiques et de superstitions bizarres, dont l’explication n’est pas encore bien déterminée.

 

LES PHRYGIENS. — La grande divinité des Phrygiens était Cybèle, personnification de la terre féconde, qui fut plus tard identifiée avec Rhéa, et honorée sous le titre de mère des dieux. Le centre de son culte était à Pessinonte, mais il était très populaire dans l’Asie Mineure, et c’est de là qu’il est parti pour se répandre en Grèce et ensuite à Rome.

La légende de Cybèle a un caractère oriental très prononcé. Au fond des forêts vivait Atys, jeune berger phrygien remarquable par sa beauté. Il s’attacha à la déesse et promit de se vouer entièrement à elle. Mais il oublia ses serments en voyant la fille du fleuve Sangarus. Dans sa passion jalouse, Cybèle le frappa de vertige, et Atys se mutila lui-même pour n’être plus exposé à mentir à la foi jurée. Les prêtres de Cybèle se mutilaient également en l’honneur de la déesse, et en souvenir d’Atys qui leur en avait donné l’exemple. Ils étaient couronnés de pins, parce que Cybèle, touchée des souffrances d’Atys, l’avait métamorphosé en cet arbre ; ils agitaient des branches en poussant des hurlements et parcouraient les campagnes en demandant l’aumône et en montrant l’image de la mère des dieux.

Nos figures 512 et 513 représentent Atys, que le culte phrygien associa toujours à Cybèle. La première est un petit bronze du Louvre. Son costume extraordinaire, ni grec, ni romain, dit Clarac, le désigne assez pour un personnage dont le culte mythologique fut apporté de l’Asie en Grèce et en Italie. On y retrouve ces anaxyrides, ou grands pantalons des peuples de l’Orient, que l’on voit à des statues de princes ou de soldats barbares et aux amazones. Mais ici l’ajustement en est tout particulier, par les boutons qui, de chaque côté, en réunissent, comme par des crevés, les deux parties sur le devant de la cuisse et de la jambe. On voit aussi que les parties supérieure et inférieure de l’habillement n’en font qu’une et que les longues manches y tiennent. Ce vêtement s’ouvre d’une manière bizarre sur le milieu du corps, qu’il laisse à découvert. La chaussure fixée est haute comme dans la plupart des figures orientales. Par la manière dont s’enfle le vêtement de cet Atys, et par ses mains élevées vers le ciel, il semble qu’il tourne sur lui-même et que la rapidité de son mouvement agite le vêtement, ce qui faisait partie des actes frénétiques d’adoration des prêtres de Cybèle. C’est en effet dans le culte phrygien de la mère des dieux qu’il faut chercher l’origine d’une pratique dont l’usage s’est perpétuée parmi les derviches tourneurs de l’Orient.

Le costume d’Atys présente dans la figure 513 quelques différences avec la précédente. La principale est celle des anaxyrides sans ouvertures et sans boutons ; le haut du vêtement, arrêté sur la poitrine par une grande agrafe carrée, découvre moins le corps.

Les prêtres de Cybèle portaient le nom de galles et leur chef était l’archigalle. Un bas-relief du musée Capitolin (fig. 514) montre un archigalle, dont la tête est ceinte d’une couronne d’oliviers, à laquelle sont attachées trois médailles, une de Jupiter Idéen et deux d’Atys. Une image d’Atys coiffé de la mitre est accrochée sur sa poitrine. La tête de l’archigalle est couverte d’un voile formé avec son manteau, et ses oreilles sont parées de perles. Un serpent à deux têtes, dont chacune tient une pierre précieuse, forme son collier. Dans sa main droite, il tient trois rameaux d’olivier, et dans la gauche un vase cannelé contenant des fruits, des pommes, des poires, un cône de pin, l’arbre consacré à Atys, et des amandes qui furent produites par son sang. Il en sort un fouet, composé de trois rangées d’osselets enfilés. C’est avec ce fouet que les prêtres de Cybèle se flagellaient. Sur la muraille on voit d’un côté des cymbales, de l’autre un tambour, une flûte droite, une flûte recourbée et un ciste mystique.