LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME II — LA FAMILLE DANS L’ANTIQUITÉ

LE VÊTEMENT. — IV. - LE COSTUME ROMAIN

 

 

LA TOGE. - LA TUNIQUE. - LE VÊTEMENT DES FEMMES. - LE COSTUME ÉTRUSQUE.

 

LA TOGE. — La toge est le vêtement distinctif du citoyen romain. Quelles que fussent sa classe et sa position sociale, il y avait droit et il était fier de la porter. Un étranger ne pouvait pas se vêtir de la toge, et quand un Romain, par le bannissement, avait perdu le droit de cité, il devait la quitter ; tant qu’il était citoyen romain, il la gardait même en pays étranger. Les esclaves n’avaient pas la toge, parce qu’ils n’étaient pas citoyens.

La toge ne se portait pas dans toutes les circonstances de la vie : vêtement pacifique, on devait l’abandonner quand on partait à la guerre ; vêtement incommode pour les mouvements, on le quittait à table pour mettre la synthèse, et les travailleurs, lorsqu’ils étaient à l’ouvrage, ne gardaient que la tunique. Originairement, la toge était en laine ; mais, à la fin de l’empire, on en fit de diverses étoffes. La couleur naturelle de la laine était primitivement celle de la toge. Mais les pauvres employaient une laine sombre et foncée pour éviter les dépenses de blanchissages fréquents (pulla vestis). En revanche, les riches portèrent des toges d’une extrême blancheur, et on employait, pour en augmenter l’éclat, des préparations spéciales. Ceux qui briguaient une charge devant le peuple se présentaient couverts d’une toge très blanche : on les appelait, à cause de cela, candidati (vêtus de blanc) ou candidats. La toge de l’empereur était de pourpre.

La toge vient des Étrusques ; mais la forme et la grandeur de ce vêtement a beaucoup varié, ainsi que la manière de l’ajuster. Dans les temps primitifs, la toge se mettait directement sur la peau et sans tunique. Quelques monuments nous autorisent à penser que la draperie que les peuples de l’Italie ancienne portaient comme vêtement de dessus ressemblait beaucoup au pallium des Grecs. La figure 366 montre cette draperie sur un personnage vu de dos, et dont l’épaule et le bras droit sont nus. Elle est bordée d’une riche broderie et retombe par derrière en plis abondants. Les deux épaules sont couvertes dans la figure 367 ; et, ici, le pan de la draperie, au lieu d’être rejeté en arrière, passe sur l’épaule gauche et descend en grands plis droits par devant. Pour la manière de porter ce vêtement, nous ne pouvons que renvoyer à ce qui a été dit plus haut à propos de la draperie grecque avec laquelle celle-ci présente une parfaite analogie.

Cette draperie est-elle une toge ? Il est permis d’en douter, puisque la nature des plis semble indiquer une draperie rectangulaire comme le pallium, tandis que, suivant Denys d’Halicarnasse, la toge avait la forme d’un demi-cercle. Au reste, quoique la toge soit représentée sur un très grand nombre de monuments, il y a beaucoup d’incertitude sur l’histoire de ce vêtement. Chez les Étrusques, la toge était fort petite et ne pourrait, dans aucun cas, produire les beaux plis que nous voyons sur les statues de l’époque impériale. Quand on posait la toge sur le clos, on s’arrangeait de façon à donner un peu plus d’étendue au côté que tenait la main droite qu’à celui qui était pris par la main gauche. Lorsque le vêtement était ainsi posé sur le derrière du cou, de manière que les deux extrémités pendissent verticalement par devant, on relevait le côté droit sous le menton et on le rejetait par-dessus l’épaule gauche ; on pouvait avoir ainsi une toge qui enveloppait complètement l’individu comme un manteau. Mais, plus habituellement, on la faisait passer par-dessous l’aisselle droite avant de la rejeter sur l’épaule gauche, de manière à conserver au bras droit la liberté de ses mouvements.

C’est exactement le mouvement que nous a montré le personnage représenté sur la figure 366.

Cette petite toge, qui est celle des Étrusques, n’apparaît jamais dans la période impériale : c’est celle qu’on désigne communément sous le nom de toga restricta.

Comment ce vêtement étriqué s’est-il transformé pour devenir l’ample toge des sénateurs romains ? Les monuments de l’époque intermédiaire nous font malheureusement défaut sur cette période. Nous savons seulement que la toge a été, dès le début, le vêtement national des Romains et n’a jamais cessé de l’être. Sous Auguste, la toge prend un caractère monumental, comme la perruque au temps de Louis XIV ; mais ce vêtement ample et superbe n’est assurément pas commode, car la masse du peuple tend de plus en plus à adopter les costumes importés de l’étranger et la toge, que tous les citoyens continuent à avoir le droit de porter, devient peu à peu, comme la robe de nos magistrats, l’apanage à peu près exclusif de ceux qui briguent ou qui exercent les fonctions publiques. Car il ne faut pas s’y tromper : si les statues qui représentent des Romains sont toujours drapées de la toge, c’est qu’elle est demeurée le costume national ; mais elle n’est pas pour cela le costume habituel. Dans les rues de Rome, ceux qui portent la toge sont ceux qui se rendent au Forum ou ceux qui vont rendre visite à quelques personnages puissants ; mais les autres sont bien plus nombreux, et on se ferait une idée très fausse de la population romaine si on la jugeait d’après îles statues. Pour qu’un pareil vêtement put être porté à l’habitude, il faudrait supposer un climat où il ne ferait jamais. chaud, car la toge devait rendre cette chaleur insupportable ; où il ne pleuvrait pas, car ce long vêtement qui traîne jusqu’à terre s’emplirait immédiatement de boue ; où il n’y aurait pas de vent, car si le vent s’engouffrait dans les plis de la toge, il serait impossible d’avancer, etc. Aussi les hommes en toge se faisaient porter en litière quand ils allaient dans un quartier éloigné ; ils se promenaient gravement sous les portiques, mais ils ne formaient pas, sous l’Empire du moins, les foules qui circulent dans les rues d’une grande ville ou qui en encombrent les places.

Il ne s’agit ici que de l’époque impériale, car il est très possible que, sous la république, la toge ait été un vêtement habituel. C’est même une chose assez probable, si l’on considère l’orgueil des Romains et l’importance qu’ils attachaient au costume national. Mais, sous la république, la toge frétait pas telle que nous la montrent les statues, qui datent presque toutes de l’époque impériale. Nous avons vu que, dans l’origine, la toge était un vêtement d’une dimension assez restreinte : elle s’est agrandie peu à peu sans qu’on puisse préciser comment et quand elle a subi ses principales transformations, puisque les monuments font défaut. Aussi, quoique tout le monde connaisse l’effet que produit la toge sur les statues et la manière dont on l’ajustait, on n’est pas du tout d’accord sur sa coupe et sur la forme qu’elle prenait étant .déployée. Les uns y voient un demi-cercle, qui reproduisait à peu près da toge étrusque sur une échelle beaucoup plus grande ; les autres veulent que la toge, étendue à terre, ait eu la forme d’un cercle complet, et, à l’exception de la forme carrée, que personne ne peut admettre, on ne s’entend aucunement sur le plan qu’il convient de donner à la toge. Les érudits invoquent, à l’appui de leur opinion, des textes qui paraissent souvent spécieux ; mais les artistes dramatiques, qui ont bien aussi une certaine compétence dans la question, puisqu’ils sont obligés de mettre eux-mêmes la toge, sont souvent en désaccord avec eux. Talma avait sur ce sujet des idées tout à fait personnelles.

Quant à la manière de porter la toge et de lui faire produire les magnifiques effets que nous voyons dans la statuaire, il est bien certain qu’elle présentait quelques complications, puisque les élégants de Rome mettaient un temps infini à en ajuster les plis. Il fallait, en effet, commencer par poser un pan de la toge sur l’épaule gauche, de manière qu’un tiers environ de la longueur totale retombât par devant jusqu’aux pieds et couvrît entièrement le côté gauche. Le reste de la draperie était ensuite passé derrière le dos et sous le bras droit ; alors, en la pliant en deux par le milieu, on couvrait tout le devant du corps et on rejetait le reste par-dessus l’épaule gauche (fig. 368), de manière que le pan de la toge retombât par derrière jusqu’aux talons. Cette longueur démesurée des pans de la toge était quelquefois embarrassante et exposait même à des chutes, comme on le voit dans cette phrase de Suétone : Caïus sortit si brusquement de l’assemblée, qu’en marchant sur un pan de sa robe, il tomba du haut des degrés. (Caligula, XXXV.) Aussi il était d’usage de relever la toge avec le bras.

La toge devait être d’un grand effet à la tribune, et les orateurs mettaient le plus grand soin à la porter convenablement : les plis qu’elle faisait n’étaient pas indifférents, et Quintilien, dans son Institution de l’orateur, appelle sur ce point l’attention de ceux qui veulent parler en public. A l’égard de la robe, dit-il, je veux qu’elle soit bien taillée et bien arrondie, autrement elle grimacera de tous côtés. Elle doit descendre par devant jusqu’au bas de la jambe. Un grand pli dans le milieu aura fort bonne grâce, pourvu qu’il commence un peu au-dessus de l’extrémité de la robe ; du moins il ne doit jamais descendre plus bas. Cet autre pli, qui prend par-dessous l’épaule droite, va gagner la gauche et qui traverse la poitrine en manière de baudrier, ne doit être ni assez serré pour brider le corps ni assez lâche pour s’échapper. Le pan de robe qui se met ensuite sur le bras gauche doit être immédiatement au-dessous du pli. Il en aura plus- de grâce et tiendra mieux.

Il y avait plusieurs espèces de toges : la toge prétexte, qui était portée par les enfants libres, ainsi que par les principaux magistrats. Cette toge ne diffère de la toge ordinaire que par une bordure de pourpre que ne représentent pas les statues. Enfin il y avait une toge ornée de broderies que portaient les consuls dans le triomphe, et qu’on voit apparaître dans les diptyques consulaires de la fin de l’empire. Nous l’avons donnée dans le tome Ier, figure 471.

Enfin, les empereurs portaient une toge de pourpre nommée trabée.

 

LA TUNIQUE. — La tunique des Romains est un vêtement de dessous qui était porté directement sur le corps et que les femmes mettaient aussi bien que les hommes. Primitivement, la tunique était sans manches, comme le chiton des Grecs ; on y mit ensuite des manches courtes qui ne descendaient pas jusqu’aux coudes.

Dans la figure 369, où nous voyons des boulangers qui pétrissent le pain, celui qui est près de l’âne porte la tunique à manches courtes dont nous parlons. Ce costume, qui était celui des artisans, n’apparaît pas fréquemment sur les monuments. Les classes supérieures portaient aussi cette tunique, mais seulement comme vêtement de dessous. Plus tard, on porta la tunique à manches longues ; mais ce vêtement, qui finit par devenir assez fréquent sous l’empire, fut longtemps remarqué comme une marque de mollesse.

La tunique primitive ne devait pas descendre plus bas que le genou ; mais lorsqu’on y adapta des manches longues, on la fit descendre jusqu’au milieu de la jambe.

Autrefois, dit Aulu-Gelle, à Rome et dans tout le Latium, il eût été honteux pour un homme de se servir de ces tuniques dont les manches, descendant jusqu’aux bras, couvrent la main jusqu’aux doigts. Les femmes seules portaient par décence les vêtements longs et amples, pour dérober aux regards leurs bras et leurs jambes. Les hommes ne portaient d’abord qu’une simple toge sans tunique ; ensuite, ils firent usage de ces tuniques serrées et courtes qui ne dépassaient pas les épaules. Plein de respect pour cette simplicité antique, P. Scipion l’Africain, fils de Paul-Émile, homme doué de tous les talents honorables et de toutes les vertus, reprenait un jour P. Sulpicius Gallus pour ses mœurs efféminées, et il lui reprochait entre autres choses de porter des tuniques dont les manches descendaient sur les mains. Voici ses propres paroles : Que dire de celui qui, tous les jours se couvre de parfums, s’occupe de sa toilette devant un miroir, qui s’arrache la barbe, s’épile les jambes et porte pour vêtement une robe à longues manches. Douterez-vous qu’il n’ait fait ce que font d’ordinaire les plus infâmes débauchés. Virgile blâme aussi les tuniques de cette espèce comme ne convenant qu’aux femmes et indignes d’un homme : Vos tuniques ont des manches longues et vos mitres sont attachées sous le menton par des bandelettes. Enfin, lorsque Quintus Ennius appelle les jeunes Carthaginois une jeunesse en tunique, ce n’est pas sans l’intention de les flétrir.

Outre la toge, qui est le costume du citoyen, et la tunique, qui est un vêtement de dessous, nous trouvons des vêtements qui ne figurent presque sur aucun monument, nais qui étaient employés très fréquemment par les Romains. En voyage, par exemple, on portait la pénule, espèce de manteau sans manches, fermé jusqu’en haut par des points de couture, et qui était pourvu d’un capuchon. Dans son plaidoyer en faveur de Milon, Cicéron dit que son client était vêtu d’une pénule et s’appuie sur ce fait pour prouver qu’il n’a pu attaquer Clodius. En effet, ce vêtement devait être fort incommode pour la liberté des mouvements.

La lacerne, manteau ouvert par devant et fixé sur l’épaule par une agrafe, était également fort employée. On la mettait quelquefois par-dessus la toge, lorsqu’il pleuvait. Ce vêtement était également pourvu d’un capuchon. Les auteurs parlent fréquemment de ces vêtements ; mais, sur les monuments, les Romains apparaissent toujours vêtus de la tunique et de la toge.

 

LE VÊTEMENT DES FEMMES. — La tunique servait de vêtement de dessous aux femmes comme aux hommes ; mais, au lieu de s’arrêter au-dessus du genou, elle descendait jusqu’aux pieds. Primitivement la tunique était toujours en laine, et ce fut seulement lorsque les relations avec l’Égypte devinrent plus fréquentes qu’on commença à porter des tuniques de lin.

Parmi les vêtements de dessus, le vêtement national était la stole, qui était pour les femmes à peu près ce qu’était la toge pour les hommes.

La stole est une longue robe, quelquefois pourvue de manches, qui se plaçait par-dessus la tunique. Un ample manteau, qui ne laissait pas voir la taille, était ordinairement jeté par-dessus cette robe, en sorte que les dames romaines, lorsqu’elles étaient à la promenade, étaient à peu près invisibles. La figure elle-même, la seule partie qui fût découverte, était en partie masquée par le voile que les Romaines portaient presque toujours.

La statue d’Agrippine, que reproduit la figure 370, nous montre le vêtement que porte une dame romaine dans son appartement. Elle est assise et la robe de dessous apparaît dans la partie supérieure du corps, où l’on voit très bien la disposition des manches, qui ne descendent pas plus bas que le coude, et du vêtement de dessus, qui entoure les membres inférieurs. Si la femme se levait, elle ajustait, sa draperie d’une autre manière pour en couvrir ses épaules, et la figure 371 va nous montrer comment on doit s’y prendre. Elle commence par jeter sur son bras gauche un pan du manteau ; il passe ensuite sous le bras droit, pour revenir par derrière le corps sur l’épaule gauche, et, en retombant, il recouvrirait la main et tout le bras gauche si, par un mouvement plein d’élégance, la jeune fille ne retenait la draperie avec la main droite. Il faut observer que, sous cette draperie, la jeune fille romaine porte une tunique longue qui motive les plis serrés qui recouvrent les jambes, et ceux de l’épaule droite.

Nous allons voir maintenant comment se présente la femme romaine lorsqu’elle a le haut du corps enveloppé dans son vêtement de dessus. Une statue du musée de Naples, la femme de Balbus, représentée sur la figure 372, nous montre une femme romaine avec son manteau le plus ample. Après avoir jeté sa draperie autour de son corps, de manière qu’elle redescende presque jusqu’aux talons, elle a dégagé sa main droite avec un mouvement qui rappelle celui de la statue d’Aristide, dont nous avons parlé à propos du costume grec, et que nous avons reproduit plus haut dans la figure 330. Il suffit de voir ces deux figures à côté l’une de l’autre pour comprendre que le manteau des dames romaines, qui est quelquefois appelé pallia, présente les plus grands rapports avec le pallium des Grecs et devait s’ajuster de la même manière. Quelquefois il est bordé de franges, comme nous le montre la statue de Julie (fig. 373) ; mais sa forme générale est exactement la même.

Ce vêtement est celui qu’on voit le plus ordinairement représenté. Voici maintenant (fig. 374) un costume qui est peut-être unique sur les monuments, mais auquel pourtant plusieurs auteurs anciens paraissent faire allusion. Sa longue tunique à manches courtes est recouverte d’un manteau d’une forme particulière qui est d’origine lacédémonienne, c’était primitivement une sorte de sac percé d’un trou par lequel on passait la tête ; plus tard, on y mit aussi des ouvertures pour les bras. C’était un vêtement de voyage qu’on employait pour se préserver du froid ou de la pluie, et qui était quelquefois fait avec une peau dont les poils se mettaient à l’extérieur. Les soldats le portaient fréquemment lorsqu’ils allaient en campagne, mais les femmes en usaient bien rarement : toutefois, comme cette statue représente Diane, il n’est pas déplacé sur la déesse de la chasse.

Les vêtements des femmes étaient des couleurs les plus variées, surtout sous l’empire, et la foule, qui circulait sous les portiques ou dans les promenades publiques, devait offrir un aspect des plus bigarrés. Tous les auteurs anciens sont d’accord sur ce point. Voici d’abord ce que dit Ovide dans son poème sur l’Art d’aimer :

Je ne veux point d’étoffes tissées d’or ni de laine trempée deux fois dans la pourpre de Tyr. Lorsque nous possédons tant de belles couleurs d’un moindre prix, quelle est cette fureur de porter tout son revenu sur son corps ? Nous avons la couleur. du ciel lorsqu’il est sans nuage, lorsque la chaude haleine de l’autan n’amène pas la pluie. Nous avons celle de ce bélier ; qui jadis servit à Phryxus et à Hellé, pour échapper aux artifices d’Ino. Celle-ci, qui imite le reflet des eaux, en a aussi tiré son nom ; je croirais volontiers que les nymphes en sont revêtues. Celle-là imite le safran ; c’est la couleur dont se couvre la déesse qui verse la rosée, lorsqu’elle attelle ses coursiers qui ramènent le jour. L’une nous rappelle les myrtes de Paphos, l’autre la pourpre de l’améthyste ou la rose pâlissante, ou la grue de Thrace. Nous avons encore celle de vos châtaignes, Amaryllis, et celle des vertes amandes. La cire même à aussi donné son nom aux étoffes. Autant la terre produit des fleurs différentes lorsque, au retour du printemps, la vigne se couvre de bourgeons et le triste hiver disparaît, autant eu plus encore la laine prend diverses couleurs.

Les vêtements portaient souvent des noms différents, suivant la couleur dont ils étaient teints, ce qui fait que les auteurs anciens emploient très souvent, en parlant du costume, des termes qui n’impliquent nullement une différence dans la forme du vêtement, mais seulement dans la teinte. Et ces femmes, dit Plaute, quels nouveaux noms n’inventent-elles pas tous les ans ? La tunique transparente, la rosse tunique, la robe à franges, la chemisette, la robe brodée, la jaune souci, la safran, la jupe de toile ou de gaze, la robe montante, la négligée, la royale, l’étrangère, la vert de mer, la festonnée la jaune de cire, la jaune de miel et tant de fariboles. Elles ont été jusqu’à prendre un nom de chien ! N’ont-elles pas leurs laconiennes ? (les chiens laconiens avaient le poil fauve.) Et c’est pour tous ces beaux noms que les hommes en viennent à vendre leurs biens à l’encan.

Les Pères de l’Église se sont à leur tour, élevés contre la recherche des couleurs dans le vêtement : Il faut, dit saint Clément d’Alexandrie, rejeter les couleurs éclatantes ; elles sont inutiles et attirent à la corruption de ceux qui s’en parent de justes reproches. Ces vêtements magnifiques n’ont rien de plus que les autres pour défendre contre le froid. Toutes ces innombrables couleurs de mille sortes différentes sont le fruit d’une pensée pernicieuse qui détourne les vêtements de leur usage naturel pour les faire servir seulement aux plaisirs des yeux. Loin de nous donc tous les habits où brille l’or, où la richesse des couleurs se mêle à celle des parfums, et sur lesquelles sont imprimées les trompeuses images des fleurs, des plantes et des animaux.

Le même écrivain dit encore un peu plus loin : Je loue et j’admire l’ancienne république de Lacédémone, qui permettait aux seules femmes débauchées les habits de pourpre et les ornements d’or ; car, par cette seule raison qu’elle les permettait aux courtisanes, elle empêchait les femmes chastes de les porter. Les archontes d’Athènes, au contraire, ville corrompue et efféminée, foulant aux pieds leur dignité d’hommes et de magistrats, n’avaient pas honte de porter ‘des robes traînantes d’une étoffe précieuse, et de mêler des cigales d’or dans leur chevelure ; accusant ainsi, par l’insolence de leur faste, leur corruption et leurs vices. Une folle émulation s’empara bientôt des peuples d’Ionie, qui imitèrent ces modes impures, et dont Homère peint la mollesse par l’épithète de peuples aux robes traînantes, qui lui sert à les désigner.

 

LE COSTUME ÉTRUSQUE. — Ce qui frappe tout d’abord dans les plus anciens monuments étrusques, c’est leur caractère absolument oriental. Il suffirait, pour s’en convaincre, de regarder le fameux sarcophage du Louvre, que nous avons reproduit plus haut (fig. 510, t. 1er) et qu’on a longtemps désigné sous le nom de tombeau lydien, à cause de la ressemblance qu’on trouvait entre les figures qui le décorent et celles du même genre qui ont été découvertes en Asie Mineure. Cette influence de l’Asie s’est effacée plus tard devant le goût nouveau importé de la Grèce, et dont on constate la présence sur les monuments d’une date postérieure.

Enfin, les derniers ouvrages des Étrusques se fondent absolument avec ceux des Romains et, avant l’Empire, l’individualité de ce peuple a déjà complètement disparu.

Le bonnet conique représenté sur un petit bronze étrusque (fig. 375-376) a une apparence tout à fait asiatique. Le personnage porte comme vêtement de dessous une robe étoilée dont les manches ne descendent pas plus bas que le coude, et, comme vêtement de dessus, une espèce d’écharpe jetée sur les épaules comme un châle. Par devant, les deux bouts de ce petit manteau ne vont pas beaucoup au-dessous des seins ; mais, par derrière, il descend jusque vers le milieu des jambes. Aucune ceinture ne rattache la robe de dessous autour du corps, et l’on peut observer la même chose sur la figure 377 ; mais, ici, le manteau, ou vêtement de dessus, est beaucoup plus grand : il est ramené sur la tête en manière de capuchon, et, après avoir couvert les épaules comme avec une pèlerine, il redescend par derrière jusqu’au-dessus des talons. Les chaussures de cette figure sont extrêmement curieuses : elles sont formées de sandales beaucoup plus longues que le pied lui-même, en sorte que la semelle se projette en avant bien au delà des orteils et fait songer aux interminables patins que chaussent les Lapons, pour franchir avec rapidité d’immenses étendues neigeuses. Mais ce genre de chaussure ne doit pas offrir les mêmes qualités pour la marche.