LA VIE CHÈRE ET LE MOUVEMENT SOCIAL SOUS LA TERREUR

DEUXIÈME PARTIE. — LES ENRAGÉS ET LA VIE CHÈRE

 

CHAPITRE III. — LE VOTE DU PREMIER MAXIMUM

(Avril-mai 1793).

 

 

Les Montagnards s’étaient opposés avec violence, Marat en tête, à la taxation des denrées réclamée au mois de février 1793 par tes Enragés à grands renforts de pétitions menaçantes et de manifestations. Ils avaient proclamé que la mesure prônée par Jacques Roux était contre-révolutionnaire. Les Jacobins avaient pris une part active à la répression du pillage des épiciers dans Paris. Et pourtant, deux mois ne s’étaient pas écoulés que les mêmes montagnards, Marat, Danton, Robespierre, s’appliquaient de toutes leurs forces à faire aboutir le programme de Jacques Roux, au moins en partie. Sous leur pression, la Convention discutait à la fin d’avril, et votait le 4 mai, le premier maximum, la taxe des grains. Comment cette évolution, cette conversion s’est-elle faite ? Pourquoi les Montagnards ont-ils abandonné le libéralisme économique ? Ont-ils changé d’idées ou ont-ils obéi à des nécessités plus fortes que leurs convictions intimes ? Quelles furent ces nécessités ?

 

LA SITUATION EN MARS 1793.

A la fin de février commençait l’offensive de Dumouriez qui pénétrait en Hollande. Les Girondins espéraient que la conquête de ce riche pays, abondant en ressources de toute sorte, tirerait la France d’une partie de ses difficultés économiques. Ils comptaient notamment trouver à Amsterdam de grandes quantités de numéraire qui leur permettraient d’améliorer les changes. Ils espéraient aussi que la victoire de nos armées ferait taire, à l’intérieur, les inquiétudes provoquées par le supplice de Louis XVI et par la formation de la première coalition. La confiance serait ranimée et le crédit de l’assignat restauré. Ces espérances furent cruellement déçues. La défaite de Miranda à Aldenhoven, suivie de la perte de Liège, obligea Dumouriez à abandonner la Hollande déjà envahie pour courir au secours de son lieutenant et essayer de sauver Bruxelles. Il était bientôt défait lui-même à Neervinden, le 18 mars, et contraint d’évacuer la Belgique.

Ainsi, loin de s’améliorer, la situation de la République avait gravement empiré au mois de mars. Le recrutement de 300.000 hommes, ordonné en hâte, rencontrait presque partout de terribles difficultés. Il fut l’occasion de soulèvement vendéen qui éclata le 10 mars. Afin de briser les résistances, la Convention avait envoyé dans les départements une partie de ses membres revêtus des pouvoirs les plus étendus. La correspondance de ces premiers représentants en mission révélait le malaise profond qui travaillait le peuple des campagnes et des villes. On pouvait craindre que la Vendée ne se généralisât, car partout les pauvres criaient hautement leur misère et se détachaient du nouveau régime.

Si les prêtres, les nobles et les riches avaient réussi à soulever les paysans de l’Ouest, c’est que ceux-ci souffrirent cruellement de la crise économique produite par la baisse de l’assignat. Ils s’étaient rués avec une joie féroce à l’assaut des villes peuplées de marchands. Le terrible massacre de Machecoul, survenu les 11 et 12 mars, fit réfléchir, avec ses 542 victimes, les révolutionnaires les plus optimistes. Ils sentirent que partout d’obscures forces de contre-révolution s’agitaient et que le peuple dans sa masse allait leur manquer.

Leurs commissaires à Strasbourg leur signalaient que les assignats perdaient 70 %. Ceux qui parcouraient la Seine-Inférieure se lamentaient de la cherté et de la rareté du pain. Gollot d’Herbois et Laplanche, dans la Nièvre, étaient obligés d’exposer la guillotine. Bô et Chabot, dans l’Aveyron, soumettaient les riches à une taxe de guerre pour nourrir les nécessiteux et ils désarmèrent les suspects. Sevestre et Billaud-Varenne réprimaient à grand’peine le soulèvement des paysans du Morbihan, qui avaient d’abord réussi à s’emparer de quelques villes comme La Roche-Bernard et Rochefort. Lacoste et Faure livraient bataille, dans le Velay, a 2.000 révoltés, vers le même temps, à la fin de mars.

A Lyon, la guerre civile couvait. Le parti montagnard, dont Chalier, président du district, était le chef, perdait la mairie où était élu un Girondin, le médecin Gillibert, pour qui avaient voté les royalistes. Le 18 février, une émeute grave avait éclaté. Le Club central, formé parles amis de Chalier, était saccagé, la statue de J.-J. Rousseau brisée, l’arbre de la liberté brûlé. Les ouvriers en soie, les canuts, chômaient la plupart du temps et payaient le pain six sous la livre. Us réclamaient un impôt progressif sur le capital, la taxe des salaires en même temps que la taxe des denrées et l’interdiction du commerce de l’argent.

Les commissaires de la Convention étaient unanimes à lui signaler le renchérissement comme la cause profonde des troubles, et de la désaffection grandissante des populations. Jeanbon Saint-André, en mission dans le Lot et la Dordogne, écrivait ses craintes à Barère dans cette lettre du 26 mars, que souscrivit son collègue Élie Lacoste :

La chose publique, nous le disons expressément, est prête à périr, et nous avons presque la certitude qu’il n’y a que les remèdes les plus prompts et les plus violents qui puissent la sauver... L’expérience prouve maintenant que la Révolution n’est point faite, et il faut bien dire aujourd’hui ouvertement à la Convention nationale : vous êtes une assemblée révolutionnaire... Les troubles de la Vendée, et des départements voisins sont inquiétants sans doute, mais ils ne sont vraiment dangereux que parce que le saint enthousiasme de la liberté est étouffé dans tous les cœurs. Partout l’on est fatigué de la Révolution. Les riches la détestent, les pauvres manquent de pain et on leur persuade que c’est à nous qu’ils doivent s'en prendre. Les journalistes ont entièrement égaré, perverti, l’opinion publique. Les sociétés populaires elles-mêmes ont entièrement perdu leur énergie. Ces faits sont affligeants sans doute, mais ils sont vrais.

... Nous faisons bien tous nos efforts pour redonner aux âmes un peu de ressort, mais nous parlons à des cadavres. Il y a plus : tout ce qu’on appelait ci-devant modérés, qui faisaient en quelque sorte une cause avec les patriotes et qui tout au moins voulaient une Révolution quelconque, n’en veulent plus aujourd’hui. Ils aspirent, à la faire rétrograder, disons le mot : ils veulent la contre-Révolution et ils sont liés de cœur, d’intention, de volonté, et bientôt ils léseront défait et d’action, avec les aristocrates. Croyez-en des collègues qui cherchent la vérité de bonne foi, qui aiment sincèrement la patrie...

Le pauvre n’a pas de pain et les grains ne manquent pas, mais ils sont resserrés et tous les administrateurs que nous avons vus nous °nt affirmé ce fait. Il faut très impérieusement faire, vivre le pauvre. si vous voulez qu’il vous aide à achever la Révolution. Dans les cas extraordinaires, il ne faut voir que la grande loi du salut public. Nous pensons qu’un décret qui ordonnerait un recrutement général de tous les grains serait très utile, surtout si l’on y ajoutait une disposition qui établît des greniers publics formés du superflu des particuliers, en payant, comme il est juste, au propriétaire la valeur de la denrée. Les districts doivent être chargés de ce soin de préférence aux municipalités. Ils pourraient être autorisés à nommer des commissaires pour faire ce recrutement.

 

Ce n’était pas là un témoignage et un avis isolés. Tous les Commissaires répètent que si les subsistances sont hors de prix, elles ne manquent pas, mais elles sont cachées. Leurs détenteurs ne veulent pas s’en défaire, parce qu’ils n’ont pas confiance en l’assignat et qu’ils craignent le retour des émigrés. La crise économique est essentiellement une crise d’ordre politique, d’ordre psychologique. « Ce n’est pas le manque de denrée qui cause la cherté, c’est un système d’accaparement fait par tous les gens riches et auquel, par une fatalité immorale, tous les citoyens qui ont un peu d’argent coopèrent directement ou indirectement », écrivaient de Lyon, le 20 février, les députés Lacombe Saint-Michel, Salicetti et Delcher.

Dans l’Yonne, le district de Saint-Fargeau accuse de même les aristocrates de garder leur blé dans leurs greniers, plutôt que de l’échanger contre le papier républicain. Ici le prix du blé a triplé et les salaires suffisent à peine à l’achat du pain. « Une preuve que la nourriture absorbait à elle seule presque tout le gain de l’ouvrier, c’est que, s’il était nourri par le patron ou le client, son salaire se trouvait réduit des deux tiers. Le serrurier qui gagnait 3 livres 10 sous, sans la nourriture, ne touchait que 1 livre 10 sous s’il était nourri. La maigre paye qu’il rapportait le soir au logis s’écoulait tout entière pour le pain de la femme et des enfants[1]. » Garrau et Paganel, en mission dans la Gironde, écrivent, le 20 avril, que le peuple met facilement le renchérissement sur le compte dg la dévolution et que le mécontentement peut produire des désordres.

En attendant les lois qu’ils réclament sans cesse pour mettre fin à la crise économique qui menace de perdre la République, les Commissaires de la Convention vont de l’avant. Le décret du 10 mars, qui les a chargés de la levée des 300.000 hommes, les a investis du droit de vérifier l’état des subsistances. Ils ordonnent des recensements et même des réquisitions pour garnir les marchés[2]. Ils remettent ainsi partiellement en vigueur la réglementation d’avant 1789 par des mesures analogues à celles qu’ordonna le Conseil exécutif au moment de l’invasion de la Champagne, au mois de septembre de l’année précédente. Ils y sont encouragés par les administrations locales qui, parfois, les devancent. Il n’est pas rare que certains directoires de département prohibent la sortie du blé de leur territoire, comme le département de la Moselle en février[3], celui de la Côte-d’Or en avril[4] et celui du Jura vers le même temps.

Dans le Jura, le Conseil permanent du département « considérant que la disette s’accroît d’une manière effrayante, que le prix du blé s’élève au-dessus des facultés mêmes du citoyen commode, que la classe indigente, et malheureusement la plus nombreuse, gémit et murmure », ordonna un recensement général et des réquisitions pour garnir les marchés ainsi que la prohibition de toute exportation de grains hors du département, jusqu’il ce que le recensement fui terminé[5]. Les commissaires de la Convention, Léonard Bour- don et Prost, approuvèrent cet arrêté, le 7 avril, et firent même décharger les grains qui étaient déjà embarqués sur la Saône à destination des villes voisines. Les boulangers de Besançon ne purent enlever leurs achats. Ils se plaignirent à l’administration départementale du Doubs et celle-ci dénonça à la Convention les arrêtés illégaux pris par le département du Jura et par les représentants Prost et Léonard Bourdon. Ces arrêtés « foulaient aux pieds les lois de l’humanité et de la fraternité », ils violaient les lois et « tout ce qu’il y a de plus sacré dans la République ».

Besançon faillit manquer de pain. La municipalité avait fait une souscription, le 4 mars, pour fournir de la farine aux indigents. Le général Sparre, gouverneur de la place, donna 300 livres, le maire Marrelier, toute son argenterie. La municipalité invita « les particuliers, qui avaient de l’or ou de l’argent monnayé à venir l’échanger contre des gros sous, afin de pouvoir acheter plus facilement du blé. On espère, dit La Vedette[6], que tous les bons citoyens s’empresseront de concourir à cet échange qui procurera sur- le-champ les subsistances de première nécessité ».

Toutes les villes connurent les mêmes angoisses. Paris malgré ses larges subventions, n’y échappa pas. Les rapports de police sont, a cet égard, très édifiants. 13 mars : « Le renchérissement des vivres s’accentue. » 14-15 mars : « Emeute à la Halle au Blé. Les garçons boulangers menacent de se mettre en grève, si on ne les paie pas 50 sous par jour avec une bouteille de vin. » 17-18 mars : « Nouveaux troubles à la Halle au Blé. Les boulangers veulent pendre Garin, administrateur des subsistances de la ville. »

29 mars : « Le pain manque dans la section des Invalides et rue de Sèvres, d’où tumultes. »

30 mars : « Le pain manque encore chez plusieurs boulangers. »

1er avril : « Un rassemblement, au Palais-Royal, parle de couper lés tètes des accapareurs et de marcher sur la Convention pour exiger la taxe depuis longtemps réclamée. La viande est augmentée de 2 sols. On murmure contre les bouchers. » Les policiers craignent une émeute.

6 avril : « Coalition des garçons boulangers. »

7-8 avril : « Le pain manque encore. »

15-16 avril : « Les boulangers ne cuisent pas autant qu’ils devraient pour forcer la Commune à leur rendre la liberté de vendre à leur guise. »

16 avril : « Beaucoup de bruit pour le pain dans la section de la Halle au Blé. »

17 avril : « Foule considérable aux portes des boulangers dès 5 heures du malin. Un boulanger de la rue Saint-Honoré est presque entièrement pillé. Des femmes crient : Qu’on nous donne un roi, pourvu que nous ayons du pain ! »

18 avril : « Les boulangers se plaignent de la municipalité, qui ne leur paierait pas les indemnités promises. » — En réalité elle les leur payait, mais avec des retards[7].

Cette situation alarmante ne pouvait se prolonger. Les autorités locales et les représentants en mission légiféraient en l’absence de 1a, Convention. Cette anarchie, « ce fédéralisme économique », aggravait le mal. La circulation était complètement arrêtée. La disette pouvait provoquer une explosion générale.

Œuvre de la défiance, elle minait la Dévolution, elle compromettait la défense nationale, juste au moment où nos armées battues refluaient sur la frontière, juste au moment où Dumouriez, leur chef, passait à l’ennemi après avoir cherché vainement à les entraîner contre la Convention.

La trahison de Dumouriez, qui se produit au début d’avril, semble avoir été pour beaucoup dans l’évolution qui se fil dans l’esprit des Montagnards et dans leur politique.

 

ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE DES MONTAGNARDS

Après les journées de février, qu’ils avaient si vivement condamnées, ils s’étaient efforcés de détourner contre les Girondins la colère populaire. Comme l’a bien vu Jaurès, en redoublant de violence contre les Girondins qui avaient voulu sauver le roi et qui prenaient constamment la défense des riches, ils espéraient faire oublier aux Sans-Culottes le problème immédiat de la taxation qui les effrayait alors. Ainsi, ils effaceraient « l’impression de modérantisme » qu’ils avaient pu donner par leur opposition à Jacques Roux. « Ainsi, ils reviendraient ce qu’ils avaient toujours rêvé d’être : la force d’avant-garde en même temps que la force régulatrice. Ainsi, le Père Duchesne ramènerait à la cuisine politique de ses fourneaux le peuple, détourné peut-être par l’odeur de pain chaud, d’épices et d’arômes qu’exhalaient les propos de Jacques Roux[8] ».

Jacques Roux, en homme avisé, comprit qu’en s’associant à la politique des Montagnards contre les Girondins, il réussirait un jour à les entraîner et à leur imposer peu à peu son programme social. Il avait été lié personnellement avec Marat. Il lui avait rendu des services l’année précédente. Il l’avait caché dans sa maison quand il était sous le coup de poursuites judiciaires. Il aimait à se proclamer son disciple, son lieutenant. Il tenait à regagner ses bonnes grâces, à abriter ses ambitions derrière cette grande popularité. Il se garda donc, comme dans la période précédente, de conseiller à ses troupes la neutralité politique, l’indifférence dans la lutte qui s’engageait entre la Montagne et la Gironde. Au contraire, il s'attacha â attiser cette lutte, escomptant bien que « dans l’atmosphère surchauffée de passion révolutionnaire, les hardiesses sociales s’acclimateraient ». Il mêla donc les déclamations contre la Gironde aux déclamations contre les agioteurs. Ainsi, les Montagnards ne pourraient désavouer les unes sans avoir l’air de désavouer les autres. En aidant à abattre les Girondins, Jacques Roux se disait d’ailleurs qu’il travaillait directement pour sa propre cause, puisque les Girondins, c’était le parti des riches marchands, des agioteurs et des accapareurs.

Dès le 4 mars, les Défenseurs de la République, qui avaient déjà joué un rôle important dans l’agitation sociale du mois de janvier, rentrèrent en scène. Cette société avait pour chef un ancien soldat, Mamin, qui avait servi, avec le laineux Maillard des journées d’octobre 1789 et des journées de septembre 1792, dans le régiment de Boulonnais infanterie. Mamin, resté l’ami et le lieutenant de Maillard, nous dit lui- même qu’il avait fondé les Défenseurs de la République, au mois de décembre 1792, pour être « l’effroi de l’aristocratie[9]. » Ils reparurent à la barre de la Convention, le 4 mars, et dénoncèrent, en termes véhéments, « la faction liberticide de la Convention ». « Les députés infidèles doivent non seulement être rappelés, mais leur tête doit tomber sous le glaive de la loi, quand il sera prouvé que, sous le prétexte de la liberté des opinions, ils ont trahi les intérêts de la nation ». Après cet anathème aux Girondins, ils se tournaient contre les auteurs du renchérissement : « L’aristocratie de la fortune veut s’élever sur les ruines de l’aristocratie nobiliaire ; en général, les gros marchands, les financiers, sont accapareurs... Aucun des brigands couronnés n’oserait nous attaquer s’ils n’étaient pas assurés d’un parti dans la Convention... » Je ne sais si Jacques Roux a été pour quelque chose dans cette adresse, la première qui ait sonné avec cette vigueur le tocsin de mort contre la Gironde, mais il semble bien qu’il ne fut pour rien dans le mouvement insurrectionnel que Varlet, son émule, et peut-être son rival, essaya de déchaîner quelques jours plus tard, les 9 et 10 mars, à la nouvelle des premiers revers de la Belgique. Le mouvement avait pour but de chasser de la Convention les députés qui avaient volé l’appel au peuple dans le procès du roi. Les Défenseurs de la République y figurèrent au premier rang[10], à côté d’agitateurs suspects comme Proli, Desfieux et Fournier l’Américain.

Sans doute, la section des Gravilliers, la section de Jacques Roux, était venue, le 9 mars, réclamer, une fois de plus, a la Convention le rapport du décret qui déclarait l’argent marchandise et permettait par conséquent l’agiotage sur les assignats, mais la section des Gravilliers ne figure pas dans la liste des sections qui adhérèrent au manifeste insurrectionnel de Varlet[11]. Jacques Roux était si peu d’accord avec Varlet qu’il ne se borna pas à le désavouer, mais qu’il demanda son arrestation à la Commune[12]. Il est visible que le prêtre socialiste entendait alors calmer les défiances des Montagnards à son endroit, et que loin d’entraver leur politique circonspecte, il la secondait.

Varlet ne parvint pas à entraîner la Commune ni les Jacobins. Son mouvement n’aboutit qu’au pillage de quelques imprimeries de journaux girondins, le Courrier, de Corsas, la Chronique, de Condorcet. Quand les pétitionnaires de la section Poissonnière voulurent reprendre l’action, deux jours plus tard, en lisant une adresse devant la Convention, Marat tes foudroya encore comme des contre-révolutionnaires, et le même soir, 12 mars, les Jacobins accueillirent Varlet par des huées.

C’est qu’à cette date du 12 mars les Montagnards ne croyaient pas encore nécessaire d’user de la violence contre les Girondins. Ils ne voulaient pas non plus s’associer à la destitution de Dumouriez que Varlet réclamait.

Mais, trois semaines plus tard, les événements justifiaient les Enragés, Dumouriez jetait le masque et trahissait !

Les Girondins, las d’être accusés de complicité avec le traître, prenaient à leur tour l’offensive. Ils attaquèrent Danton avec véhémence ; ils lui reprochaient les ménagements dont il avait usé avec Dumouriez en Belgique ; ils imputaient à son action secrète l’émeute avortée du 10 mars. Presque aussitôt, ils faisaient traduire Marat au tribunal révolutionnaire[13]. Ils disputaient enfin aux Montagnards les sections parisiennes, et ils suscitaient contre eux dans les départements un déluge de pétitions menaçantes. Pour se défendre et pour vaincre, les Montagnards étaient obligés, par la force des choses, de s’appuyer franchement sur les masses que dirigeaient les Enragés. Il leur fallut, pour regagner le peuple, pour l’empêcher de passer à la Gironde et à la Contre-Révolution, réclamer en sa faveur des mesures sociales et ils glissèrent très vite dans cette voie jusqu’au programme de Jacques Roux.

Comme d’habitude, c’est Marat qui donne le signal de cette évolution. Le 2 avril, le lendemain même du jour où Danton a dû faire face a une violente attaque des Girondins, l’Ami du peuple s’écrie à la Convention : « La misère est une des causes qui peuvent forcer le peuple a redemander la servitude... Je demande que la Convention, prenant en considération les malheurs des départements dévastés par la guerre civile, leur remette l’arriéré de leurs impositions... »

Dès lors, c’est un mot d’ordre parmi les Montagnards de dénoncer les souffrances populaires et d’en chercher le remède.

 

SÉBASTIEN LACROIX ET DANTON ET LE PAIN À TROIS SOUS

Le 5 avril, la section des Quatre Nations vint réclamera l’Assemblée une série de mesures révolutionnaires, dont les unes avaient un caractère politique et les autres un caractère social : l’expulsion des ci-devants privilégiés de l’état-major des armées ; la constitution au profit de chaque soldat d’une propriété d’un revenu de 500 livres à prendre sur les biens des émigrés, cette propriété lui serait remise après la paix ; la nomination des officiers par les soldats jusqu’au grade de général exclusivement ; la formation d’une armée révolutionnaire soldée pour contenir les ennemis de l’intérieur ; un recensement général des grains et fourrages, un impôt additionnel sur les riches, « afin d’accorder à tous les départements le même avantage qu’à celui de Paris de manger le pain à 3 sous la livre » ; l’obligation pour tout citoyen qui conservera un domestique mâle d’entretenir un homme aux frontières, etc.[14].

L’auteur de cette pétition, qui contenait « des vérités fortes », un certain Sébastien Lacroix, avait été envoyé comme agent du Conseil Exécutif à Châlons, au moment de l’invasion de la Champagne, il avait habité la section du Théâtre-Français, la section de Danton. C’était un jeune homme d’une trentaine d’années, qui aimait la bonne chère et qui, pour se procurer de l’argent, n’hésitait pas à trafiquer de ses fonctions de membre du Comité révolutionnaire de sa section. On l’accusa d’avoir délivré un certificat de résidence au duc de Coigny et un laissez-passer au due du Châtelet, et il dut avouer que le fait était vrai. Ne soyons pas surpris qu’ii ait fait partie du groupe des amis de Danton[15].

Il nous dit lui-même, dans des Observations dont il fit suivre le texte imprimé de sa pétition, qu'avant la séance où il la porta à la barre de la Convention, il s’était entretenu avec Danton et que ce fut Danton qui lui procura l’accès à la barre. Il ajoute aussi que Marat et Panis l’encouragèrent.

Quand il eut terminé la lecture de sa pétition, Danton et son fidèle Delacroix (d’Eure-et-Loir) s’approprièrent certaines de ses idées. Delacroix fit décréter que, dans la nouvelle armée de 40.000 hommes qu’on allait organiser à Péronne pour couvrir Paris, aucun officier ne serait pris dans la classe des ci-devant privilégiés. Danton, qui lui succéda à la tribune, proposa ensuite l’institution d’une armée révolutionnaire soldée : « Il faut que, tandis que vous irez combattre les ennemis de l’extérieur, les aristocrates de l’intérieur soient sous la pique des Sans-Culottes. Je demande qu’il soit créé une garde du peuple qui sera salariée par la nation. » Puis Danton continua en ces termes : « J’ai une autre proposition à faire. Il ne faut ni ruiner l’agriculture, ni décourager le commerce, mais il faut que, dans toute la France, le prix du pain soit dans une juste proportion avec le salaire du pauvre, ce qui excédera sera payé par le riche ». La Convention décréta, au milieu de vifs applaudissements, le principe de la proposition de Danton : « Dans chaque section de la République, où le prix des grains ne se trouve plus dans une juste proportion avec les salaires des ouvriers, il sera fourni, par le Trésor public, un fonds nécessaire qui sera prélevé sur les grandes fortunes et avec lequel on acquittera l’excédent de la valeur du pain comparé au prix des salaires du citoyen nécessiteux. La Convention chargea ses Comités des finances et d’agriculture réunis de lui faire un rapport sur les moyens d’exécuter le présent décret, « de telle sorte qu’il ne nuise ni à l’agriculture, ni à la circulation des grains ».

Le système ingénieux proposé par Danton résolvait en apparence la crise sans contrainte et sans inquisition. Les cultivateurs vendraient leurs denrées librement, mais l’Etat compenserait la différence entre le prix des salaires et le prix du pain par une contribution sur les riches. Par-là les Montagnards espéraient échapper au maximum. Mais, à l’épreuve le système de Danton se révéla inapplicable. Le vote de principe émis par la Convention ne fut jamais transformé en loi. Pour adapter le prix du pain au prix des salaires, il fallait connaître les salaires et les réglementer. Le problème était encore plus difficile à résoudre que de réglementer les denrées. Les Comités ne parvinrent pas à mettre sur pied un projet qui fût cohérent. Baraillon aurait voulu charger les juges de paix de dresser le tarif des salaires en conformité du prix courant des grains[16]. « Mais comment, dit fort bien Jaurès, adapter sûrement les salaires à la variation incessante du prix des denrées ? Comment mettre le fabricant, dont peut-être le produit n’aura pas haussé de valeur, dans l’obligation de payer à ses ouvriers le salaire proportionné au prix que des manœuvres d'accaparement et d’agiotage donneront aux denrées ? De plus, quelle sera la sauvegarde des humbles citoyens qui ne reçoivent pas de salaire, des modestes artisans, qui pourront être affamés soudain par le prix exorbitant des choses nécessaires à la vie ? Ainsi, on fermait l’issue par où la Convention cherchait à s’évader[17] ». Puis, à supposer qu’on pût dresser l’échelle des salaires, comment établir l’impôt sur les riches par lequel Danton cherchait à équilibrer les salaires et les denrées ? A quel titre reconnaîtra-t-on un pauvre ? « Quelle sera la ligne de démarcation, demandait le conventionnel Harmand, de la Meuse, pour reconnaître le citoyen qui aura droit au bénéfice de la taxe et celui qui ne devra pas en profiter ?[18] »

 

CAMBON ET LE COURS FORCÉ DE L’ASSIGNAT

Par la force des choses, il fallait revenir au programme des Enragés. Ceux-ci avaient proposé deux solutions : le cours forcé de l’assignat, le maximum des denrées. La Convention crut qu’en adoptant la première, elle pourrait peut-être éviter la seconde. Cambon, sur qui pesait la lourde responsabilité des finances de in République, rapporta, le 8 avril, et lit voter, le 11, un décret qui dut plaire à Jacques Houx. La vente du numéraire était interdite sous peine de six années de fer applicables aux acheteurs comme aux vendeurs. Toutes les transactions désormais seront faites en assignats. « Toute personne qui refusera des assignats en payement sera contrainte à les recevoir et condamnée à une amende égale à la somme refusée ». C’était l’assimilation complète de la monnaie de papier avec la monnaie métallique. Cambon espérait du décret une sérieuse économie dans les marchés des fournitures militaires. Il escomptait aussi qu’il serait un frein au renchérissement. Il prévoyait sans doute qu’on s’efforcerait de le tourner ou de le violer[19], mais il songeait déjà à faire décréter la fermeture de la Bourse afin de mettre les marchands d’argent à la raison.

 

L’AGITATION DES ENRAGÉS EN AVRIL 1793

Un premier pas était fait vers la réalisation du programme des Enragés. Mais ceux-ci entendaient bien ne pas s’en contenter. La trahison de Dumouriez, les avances des Montagnards qui avaient besoin d’eux contre les Girondins, les rendaient plus exigeants. Ils sentaient leurs forces et les organisaient. Le 1eravril, dès que la trahison du Dumouriez avait été connue, Varlet avait fondé à l’Évêché un comité central révolutionnaire, sorte de Commune illégale composée de délégués des sections. Jacques Roux, de son côté, provoquait, à la même date, une assemblée générale des Comités de surveillance parisiens. Truchon était le secrétaire du Comité central de Varlet. C’était aux Gravilliers l'adversaire de Jacques Roux, et il est significatif que les Gravilliers, sans doute sous l’initiative du prêtre, retirèrent au Comité central leur adhésion, dès le 2 avril, juste au moment où ils lancent l’idée de l’assemblée générale des Comités de surveillance. Les Montagnards virent d’abord avec inquiétude la création de Varlet. Marat soupçonna que celui-ci nourrissait des projets inciviques[20]. Au contraire, l’initiative de Jacques Roux lui sourit[21]. Mais la Commune, elle, donna immédiatement son adhésion au Comité central de Varlet, dès le 2 avril[22].

Chaumette avait pris son parti. Pour vaincre la réaction girondine et royaliste, chaque jour plus menaçante, il fallait intéresser le peuple à la lutte. Le recrutement éprouvait de vives résistances, à Paris même. Dès le 9 mars, Chaumette, au nom de la Commune, avait réclamé une taxe spéciale en faveur des volontaires[23]. Ici Chaumette était d’accord avec Jacques Roux, car, le même jour, les Gravilliers, dans leur adresse à la Convention, inscrivaient l’impôt de guerre sur tous ceux qui possédaient plus de 1.500 livres de revenus. Allié de Jacques Roux, dès le mois de mars. Chaumette devenait, en avril, le protecteur de Varlet. Il groupait ainsi toutes les forces de la Révolution. Il les tenait dans sa main

 Dès le 10 avril, il est visible que l’accord s’est, fait entre la Commune et les sections, d’une part, et la Montagne, de l’autre. La Commune et les sections aideront la Montagne à vaincre la Gironde ; la Montagne, en revanche, soutiendra le programme social des Enragés. Ce jour-là le girondin Pe- tion dénonça à la Convention une adresse de la section de la Halle au Blé, qui réclamait à la fois la mise en accusation des chefs Girondins et des mesures contre les accaparements. La Montagne couvrit de vifs applaudissements la lecture de cette adresse, qu’elle n’aurait pas manqué de blâmer comme séditieuse un mois plus tôt. Après que Danton en eût fait l’apologie, Robespierre prononça contre les Girondins un terrible réquisitoire. Il leur reprochait, entre autres griefs, d’avoir épouvanté le peuple par le fantôme de la loi agraire, d’avoir séparé les intérêts des riches de ceux des pauvres, d’avoir attiré à leur parti tous les ennemis de l’égalité, d’avoir grossi à dessein les troubles du 2o février, et il conclut que la Convention devait s’occuper des moyens de soulager la misère du peuple. Le soir même, aux Jacobins, Robespierre reprit la parole pour donner son adhésion à l’adresse de la section de la Halle au Blé.

L’union des Enragés et des Montagnards portait aussitôt ses fruits. L’administration départementale de Paris était gagnée aux idées de Jacques Roux. Elle éprouvait de grandes difficultés à approvisionner les communes rurales qui n’avaient pas, comme la capitale, la ressource des subventions et des primes. Au milieu d’avril, le pain avait manqué dans plusieurs endroits. Les paysans des environs de Paris venaient jusque-là s’y approvisionner, d’autant plus que le pain y était à meilleur marché, mais la Commune venait de prohiber la sortie de son pain. C’est le moment où le département de Paris adhère au maximum.

 

LA DISCUSSION ET LE VOTE DU MAXIMUM DES GRAINS

Le 18 avril, sur la convocation du département, se réunirent, dans le local des Jacobins, les représentants de le Commune et des municipalités rurales et tous ensemble, avec les membres du département, ils discutèrent les remèdes à la crise. Ils n’en virent pas d’autre que le maximum, et sur-le- champ ils allèrent le réclamer à la Convention[24].

Lullier, procureur général syndic du département, donna lecture de la pétition qu’ils avaient arrêtée en commun. Elle posait en principe que le droit de propriété ne pouvait être celui d’affamer ses concitoyens, et que les fruits de la terre, comme l’air, appartiennent à tous les hommes. Puisque les cultivateurs et les commerçants, par cupidité, par fanatisme, par royalisme, voulaient faire périr le peuple en refusant de vendre leurs grains, il fallait les contraindre à ouvrir leurs greniers et les forcer a vendre à un tarif maximum équitable pour les producteurs et pour les consommateurs. « On veut faire la Contre-Révolution en mettant la subsistance du pauvre hors de sa portée, il faut la rapprocher de lui. » Cette dernière phrase marquait bien le caractère politique et de circonstance de la grave mesure que les pétitionnaires réclamaient. Ils étaient convaincus que la disette était factice, qu’elle avait pour cause dernière la défiance de la Révolution. La taxe qu’ils réclamaient était moins encore une mesure économique qu’une mesure politique. Elle avait, pour but de déjouer « la Contre-Révolution par les subsistances ». L’attitude de la Convention fit saillir au grand jour l’accord déjà réalisé entre les pétitionnaires et les Montagnards. Tandis que Vergniaud se prononçait avec véhémence contre la mesure ruineuse et subversive qui était réclamée, tandis que Buzot rappelait qu’au mois de novembre précédent une pétition semblable avait été suivie des émeutes de la Beauce, Robespierre interrompait avec véhémence, aux applaudissements des tribunes, et accusait Buzot de calomnier les autorités de Paris. Lullier répliquait à la barre, avec hauteur, que loin de provoquer des émeutes, le département de Paris, par sa sage pétition, avait empêché le « rassemblement d’un million d’hommes » qui voulaient se rendre à la Convention. Il donna connaissance d’un appel au calme qu’il avait fait afficher la nuit précédente. La Montagne qui, en février, avait repoussé le maximum comme un présent de Pitt, et qui avait jeté sur ses partisans les accusations les plus injurieuses, fit cette fois une ovation à Lullier, qui termina par cette menace : « On jugera entre les magistrats du peuple et les riches accapareurs, les négociants en grains, qui ne profitent de la liberté du commerce que pour arracher au peuple ses moyens de subsistance ! »

M. Jaurès a cru que la Commune avait adhéré sans enthousiasme au mouvement pour le maximum et qu’elle se serait laissé entraîner par l’assemblée départementale[25]. M. Jaurès a sans doute ignoré le procès-verbal officiel de la séance de la Commune, du 18 avril[26]. Nous y voyons que Chaumette, à son retour à la Convention, où il avait accompagné Lullier, demanda à tous les membres du conseil général de la Commune de renouveler le serment du 10 août, « le serment sacré d’être tous unis et de mourir tous li notre poste, avant qu’on ait porté la moindre atteinte aux droits du peuple ». « Jurons-le donc, dit-il ; jurons union, fraternité et protection mutuelle avec les sections, les sociétés populaires et tout le peuple de Paris ». Le serment fut prêté sur-le-champ, au milieu des acclamations des tribunes. Mais la suite du discours de Chaumette est plus significative encore : « Je demande, ajouta-t-il, que le conseil général déclare qu’il sera en état de révolution, tant que les subsistances ne seront pas assurées, que le conseil général déclare qu’il se croira frappé lorsqu’un de ses membres sera frappé pour ses opinions ; qu’il se croira frappé lorsqu’un président ou un secrétaire de société patriotique, d’assemblées de section ou, en un mot, un simple citoyen sera frappé pour ses opinions ! » Toutes ces propositions furent adoptées.

Chaumette nous apparaît donc comme le centre et le guide du mouvement. Il associe à la demande du maximum les autorités, les sections, la foule. Il les associe en prévision d’une répression possible, par un serment, par un engagement mutuel de se prêter main-forte, par une menace d’insurrection.

Notons encore que ces passages du procès-verbal de la Commune furent applaudis avec véhémence par les Montagnards quand les Girondins commirent l’imprudence d’en ordonner la lecture. Toute la Montagne se leva en criant : « El nous aussi, nous jurons de mourir pour le salut du peuple ! » Robespierre jeune fit l’éloge de la Commune. Elle s’est déclarée en insurrection, « en cela, dit-il, elle n’a fait qu’imiter la nation entière[27] ».

Il était évident qu’il y avait désormais un pacte entre les Enragés, la Commune et la Montagne, et que le vote du maximum en était le premier article. Après Robespierre, Marat donna son adhésion à la pétition du département de Paris, dans son numéro du 19 avril. Cette fois, il n’était plus possible d’esquiver le problème par des diversions. La Convention ne l’essaya même pas. Pendant cinq jours, ses comités d’agriculture et de commerce discutèrent avec les représentants des autorités parisiennes et avec les auteurs de la pétition[28]. Sur les causes de renchérissement, masse des assignats, consommation accrue, mesures arbitraires des autorités, cupidité des aristocrates, inquiétudes du peuple, tout le monde fut d’accord. On s’accorda aussi à convenir que les granges étaient pleines, que les meules environnaient dans bien des pays les maisons des cultivateurs qui avaient encore des vieux blés. On s’accorda encore à admettre que le propriétaire n’avait pas le droit de faire de sa propriété un usage nuisible à la société. On ne différa que sur le remède.

Les taxateurs disaient que la taxe, ne laissant plus aux possesseurs de grains l’espoir d’une hausse, les déterminerait à ouvrir enfin leurs greniers et îi approvisionner les marchés. « L’abondance régnera par cela même qu’il n’y aura plus d’intérêt à faire naître la disette ». L’équilibre se rétablira entre les salaires et les denrées, car le prix du pain est le thermomètre, le régulateur du prix de tous les autres objets de consommation. Les taxateurs citaient l’exemple de la Champagne, où l’usage avait longtemps subsisté de taxer les grains à chaque marché. Cette taxation, à les en croire, n’avait eu que de bons effets. Ils ajoutaient que le peuple avait besoin d’être tranquillisé sur sa subsistance, qu’il avait dans son âme « le sentiment intime que la société lui doit la garantie de son existence ». Ils faisaient craindre les suites d’un refus.

Les adversaires de la taxe répliquaient que la taxe était injuste et impraticable et qu’elle serait inefficace et dangereuse. Injuste, car les cultivateurs seuls en feraient les frais. Impraticable, car il était impossible de l’établir avec équité, selon les lieux et les circonstances, en tenant compte de la nature du sol, de la difficulté des charrois, de la distance aux marchés, etc. Inefficace, car, pour l’appliquer, il faudrait une légion d’agents de police, une inquisition de tous les instants dans les maisons particulières. Dangereuse, car les départements déficitaires, les départements méridionaux surtout, ne seraient plus approvisionnés, la taxe devant avoir pour résultat immédiat de faire disparaître la denrée.

Trois projets de décret sortirent de ta longue délibération. Le projet des taxateurs réclamait un recensement général des grains et des farines pour le 15 mai, des visites domiciliaires, l’obligation pour les détenteurs de grains de vendre un tiers de leurs denrées recensées avant le 15 juin, un autre tiers avant le 15 août et le dernier tiers avant le 15 octobre, et cela, à peine de confiscation. Le maximum serait fixé a 30 livres le setier de 240 livres, et défense serait faite de vendre ailleurs qu’au marché[29]. Chose significative : aucun député, dans les comités réunis, n’avait voulu prendre à son compte ce projet de décret.

Le second projet, dû au montagnard Levasseur (de la Sarthe), était un retour à la législation du mois de septembre 1792, que Roland avait fait abroger le 8 décembre. Il comportait les recensements, les visites domiciliaires, la vente forcée, mais il repoussait la taxe. Le troisième projet, dû à Labre (de l’Hérault), avait recueilli l’approbation de la majorité des membres des comités réunis. Il marquait un effort ingénieux pour résoudre la crise, sans recourir à la taxe, mais avec des procédés nouveaux. On établirait dans chaque district un ou plusieurs greniers d’abondance où les cultivateurs seraient tenus d’apporter leurs grains en excédent de leur propre consommation. Les autorités départementales leur adresseraient des réquisitions et les paieraient sur la moyenne des prix pratiqués dans les marchés de la Saint-Martin, époque où commençaient les baux. Les grains ainsi emmagasinés seraient mis en vente au prix coûtant, mais nul ne pourrait en acheter qu’ii raison de sa consommation de deux mois au plus. Les départements déficitaires seraient approvisionnés au moyen de réquisitions sur les greniers des départements producteurs[30]. La discussion, qui commença le 25 avril et qui se termina le 4 mai par le vote du maximum, fut ardente et passionnée. Dès le début, le montagnard Châles, ami de Chaumette et d’Hébert, avait placé la question sur le terrain politique : « L’article des subsistances est le moyen de contre-révolution le plus puissant et le plus efficace » ; il racontait que dans la Beauce, qu’il venait de parcourir avec Maure, il avait constaté les accaparements les plus manifestes, que « la municipalité de Maintenon, au milieu de l’abondance, entourée et presque écrasée de farines et de grains, avait été obligée, pour ne pas laisser périr de faim ses habitants, de se constituer boulangère et de s'emparer des fours pour cuire du pain » ; que « les aristocrates, les prêtres, les malveillants de toute espèce engageaient les fermiers à ne pas vendre » ; qu’à Nogent-le-Roi, on ne voulait pas entendre parler de République ; que le pays était en pleine contre-révolution, etc. Le maximum était nécessaire pour empêcher la révolte des villes affamées et pour mettre à la raison les ennemis de la patrie.

Les débats prouvent que si le maximum fut finalement voté, ce ne fut pas du tout que les Conventionnels s’illusionnèrent sur ses inconvénients au point de vue économique, mais qu’ils ne se préoccupèrent pour l’instant que de sa valeur politique.

Le réquisitoire Je plus puissant contre la taxe fut prononcé par le girondin Barbaroux, à la séance du 27 avril : « Voudrez-vous établir des visites domiciliaires dans les villes, les campagnes, pour aller à la découverte d’un setier de blé, comme on recherchait autrefois une livre de sel ou de tabac ? » il prévoyait que la taxe réduirait l’étendue des cultures : « Si vous ne payez pas le blé à son prix, le fermier ne sèmera pas. Et que lui répondrez-vous, s’il vous dit : Vous avez taxé le grain, c’est fort bien, mais taxez aussi les chevaux et les bœufs que j’achète pour labourer mon champ ; taxez nos faucheurs, nos moissonneurs, nos batteurs en grange, les habits, les chemises, les bas, les sabots dont nous nous servons tous... » ? Barbaroux enfermait enfin les taxateurs dans ce dilemme : « La taxe sera uniforme ou locale ? Si elle est uniforme, le blé restera où il est, car le vendeur ne sera pas fort aise, lorsque vous le ferez perdre sur le prix réel du grain, d’y ajouter encore les frais de transport, et voyez quelle conséquence pour les approvisionnements de Paris ! Si, au contraire, la taxe est locale, je vous observe qu’il y a eu France 44.000 communes, que les unes sont placées aux bords de la mer, des étangs, des rivières... Là les communications sont faciles, au lieu qu’elles sont impraticables ici... Quel calculateur assez habile classera toutes ces différences et réduira en tables portatives le prix de tous les grains de toutes les communes de la République ? »

Le meilleur discours pour le maximum fut prononcé par le montagnard Philippeaux. Il s’attacha à montrer que la crise était due à la malveillance. « Le trésorier du roi de Prusse, en lui rendant compte des dépenses de l’année dernière, emploie un article de six millions d’écus pour corruption en France. » C’est l’argent étranger, l’argent contre-révolutionnaire, qui faisait monter les cours. Or, il n’y avait pas d’autre moyen que le maximum, c’est-à-dire l’intervention de l’Etat, pour venir à bout de la malveillance systématique. Le projet de Levasseur était inopérant. On avait appliqué son système à l’automne précédent. Il s’était montré insuffisant. Les recensements, les réquisitions ne pouvaient être employés que comme une mesure accessoire de la taxation.

Quant au projet de greniers d’abondance, dû à Fabre (de l’Hérault), il n’était praticable que dans un temps calme. Les greniers exigeraient un nombreux personnel. Ils absorberaient tout le temps des administrations départementales qui devraient débattre les prix avec les cultivateurs. La situation était tellement grave qu’il fallait un remède prompt et énergique.

Philippeaux ne considérait pas d’ailleurs que le maximum suffirait et il proposait, pour le fortifier, tout un ensemble de mesures sociales dont il empruntait manifestement l’idée aux Enragés : retrait de la circulation de deux milliards d’assignats ; interdiction du pain de luxe ; pain unique ; vente des biens d’émigrés par petites parcelles ; ateliers nationaux ; impôt forcé sur les riches pour donner du pain aux pauvres à bas prix, etc. C’était un vaste programme social que Philippeaux mettait à l’étude. Pour l’instant, le maximum s’imposait, afin d’arrêter les progrès du renchérissement et d’atteindre sans secousse l’époque de la moisson. « Nous devons considérer la France, dans son étal actuel, comme une ville assiégée. » C’était le grand mot lâché, le mot d’où sortira la Terreur.

Mais les arguments de Châles et de Philippeaux n’auraient pas suffi à entraîner l’Assemblée sans les démonstrations de la force populaire. Le 30 avril, les tribunes interrompirent le discours de Ducos contre le maximum et le couvrirent de huées. Guadet s’écria qu’une « représentation nationale avilie n’existe déjà plus ». II proposa de transférer la Convention à Versailles. Buzot dénonça « l’abominable repaire des Jacobins » et déchaîna un nouveau tumulte. On dut faire évacuer les tribunes.

A Versailles, les Girondins n’auraient pas été plus respectés qu’à Paris. Dès le 20 avril, la municipalité de cette ville avait donné son adhésion à la pétition parisienne en faveur du maximum[31]. Le 1er mai, une députation des femmes de Versailles arrivait à Paris, avec une bannière portant ces mots : «. Nous demandons la taxe des grains ! » Leur orateur déclara : « Vous voyez devant vous des citoyennes de Versailles, dont les maris sont aux frontières. Elles viennent vous demander du pain. Tous les jours des mères de famille sont obligées de rester à la porte d’un boulanger depuis 4 heures du matin jusqu’à 10 pour avoir un painde2 livres. »

Le faubourg Saint-Antoine, qui n’avait pas bougé pendant les troubles du 25 février, s’ébranla en même temps que les Versaillaises. Il demanda à défiler, au nombre de 8 à 9.000 hommes, devant la Convention. Son orateur, un commissaire de police du nom de Muzine, prononça une violente harangue qu’il conclut en ces termes : « Voilà ô nos mandataires, ce que demandent les hommes libres et républicains du 14 juillet et d’aujourd’hui : le maximum, la résiliation des baux, la contribution sur les riches et leurs départs [pour l’armée] ensuite, et pas avant..., pas avant... Mandataires, voilà nos moyens de sauver la chose publique et que nous croyons les seuls infaillibles. Si vous ne les adoptez pas, nous vous déclarons, nous qui voulons la sauver, que nous sommes en état d’insurrection et que 9.000 hommes, qui sont à la porte de cette salle, partagent ce sentiment ».

Cette menace, que la Montagne elle-même désavoua[32], déchaîna un tumulte qui dura plus d’une heure. Le girondin Mazuyer proposa de décréter la convocation, sous huit jours, des députés suppléants à Tours ou à Bourges. Mais, chose curieuse, les membres de son parti n’appuyèrent pas sa proposition. Ils s’en tinrent à demander l’arrestation des pétitionnaires. Ceux-ci, finalement, s’excusèrent, et Danton prit prétexte de leurs excuses pour faire rejeter la, motion d’arrestation en déclarant que le droit de pétition était sacré : « Ce n’est pas un crime de dire que si telles mesures ne sont pas adoptées, la nation a le droit de s’insurger ! » On finit par accorder aux orateurs du faubourg les honneurs de la séance.

Comme la discussion ne se terminait pas, les citoyennes de Versailles déclarèrent qu’elles passeraient la nuit dans la salle de la Convention. La Commune dut intervenir pour les faire renoncer à cette idée, elles se retirèrent enfin dans les sections voisines[33].

Le lendemain, la Convention délibéra dans le calme. Bile adopta la plus grande partie de la loi, qui fut définitivement votée le 4 mai. Le girondin Buzot lui-même déclara qu’il se résignait à accepter celle mesure de circonstance.

 

POURQUOI LES MONTAGNARDS ONT ACCEPTÉ LE MAXIMUM.

Quand les Montagnards prétendront plus tard que le maximum leur fut imposé malgré eux, quand Barère le qualifiera de présent de Pitt, quand Robespierre y découvrira l’origine de l’affreuse disette qui sévira pendant l’hiver de 1793-1794, ils ne retiendront qu’une partie de la vérité.

Le 23 février, ils avaient résisté courageusement à l’émeute déchaînée par Jacques Roux. Le 30 avril et le 1er mai, il n’est pas exact de dire qu’ils aient cédé à la violence populaire, puisqu’ils avaient donné leur adhésion, au moins tacite, au programme des Enragés, repris par Chaumette, plusieurs semaines avant que les femmes de Versailles et que le faubourg Saint-Antoine n’eussent investi la Convention.

La vérité, c’est qu’ils marchaient d’accord avec les Enragés et d’accord avec la Commune réconciliés, et cela dès le lendemain de la trahison de Dumouriez. Ils avaient alors conclu, dans l’angoisse patriotique provoquée par les défaites, une alliance dont le maximum était le prix. Ce n’est pas Jacques Roux, ce n’est pas Pitt, qui a imposé le maximum, c’est la Vendée, ce sont les revers de Belgique, ce sont les trahisons des généraux. Sur le fond des choses, sur le problème économique, les Montagnards n’avaient pas changé d’avis. Ils restaient partisans de la liberté. Mais la situation de la République était telle que le problème économique n’était plus qu’un problème politique. Ils se servirent du maximum comme d’une arme pour écraser la Contre-Révolution. Ce n’est que plus tard, quand, à l’épreuve, l’arme se révéla assez émoussée et mal trempée, qu’ils exprimèrent le regret de s’en être servis et qu’ils allèrent jusqu’à se calomnier eux- mêmes en laissant croire qu’ils avaient cédé à l’intimidation et à la peur.

 

 

 



[1] Ch. PORÉE, Les subsistances dans l'Yonne, p. XXL

[2] Lettre de Jeanbon Saint-André, datée de Cahors, le 17 avril 1793.

[3] Cet arrêté du département de la Moselle fut cassé par le Conseil exécutif le 20 février.

[4] Séance du Conseil exécutif du 17 avril.

[5] Cet arrêté est conservé aux Archives du Doubs. L 300.

[6] La Vedette du 15 mars.

[7] Voir la délibération du Conseil exécutif, en date du 17 avril. Les rapports de police sur l'état de Paris sont analysés dans le Répertoire de M. Tuetey. Sur les causes de la rareté des subsistances dans la capitale, voir un important rapport de Pache sur sa gestion, dans les papiers du Comité de Salut Public. Archives nationales, A F II 68. Le rapport de Pache n’est pas daté.

[8] La Convention, p, 1074.

[9] Mémoire de Jean Mamin au Comité de Salut public, pour lui demander un emploi, sans date, mais postérieur au 31 mai, (Archives nationales. F⁷ 4774²²).

[10] Voir leur appel insurrectionnel, daté du !) mars 1793, 2 heures du matin. (Archives nationales, F⁷ 4445).

[11] Ces sections furent celles de Mauconseil, des Lombards, du Théâtre-Français, des Quatre-Nations et Poissonnière.

[12] Séance du 10 mars, dans Bûchez et Roux, t. XXV, p. 02.

[13] Marat fut mis en accusation par la Convention, le 13 avril. Il était acquitté, le 24 avril, par le tribunal révolutionnaire et porté en triomphe jusque dans la Convention.

[14] Archives parlementaires, t. LX1I, p. 370 sq. et pp. 357-359.

[15] Nous consacrerons prochainement à ce personnage équivoque quelques notes biographiques.

[16] Voir son projet dans les Archives parlementaires, séance du 30 avril.

[17] JAURÈS, La Convention, p, 1671.

[18] La Commune et le Département se prononcèrent contre le projet de Danton, qu’ils considérèrent comme illusoire, « L’impôt sur les riches pour indemniser le pauvre, dirent-ils, les 18 et 19 avril à la réunion des Comités de la Convention, ira directement dans la poche du cultivateur qui saura bien en profiter par l’accroissement du prix de ses grains. » Précis analytique de Beffroy, aux annexes de la séance du 25 avril, dans les Archives parlementaires). Par contre, Vernier proposa la taxation des salaires comme un moyen d'éviter le maximum. (Voir la séance du 30 avril, aux Archives parlementaires).

[19] Les rapports de police, analysés au répertoire de M. Tuetey, montrent que le commerce de l’argent continua clandestinement. Barbaroux déclara, le 27 avril, que « la fraude et le besoin avaient rendu la loi vaine ». « On réduit, dit-il, les espèces en lingots d’or ou d’argent et on les vend à la Bourse, comme marchandise. »

[20] Voir, à la séance des Jacobins, du 1er avril, l'incident Grenier-Marat.

[21] Il l’avait esquissée la veille, aux Jacobins.

[22] Voir Jaurès, pp. 1258-1259. Voir aussi la séance du 3 avril 1793, à la Convention. Chaumette, répondant à Buzot, déclara que la Commune avait autorisé la réunion des commissaires des sections en Comité central, mais qu'elle avait cassé une de leurs délibérations.

[23] « Nous vous demandons d’imposer sur cette classe d’hommes jusqu'à présent inutile, pour ne pas dire nuisible à la Révolution, une taxe de guerre, dont une partie soit affectée au soulagement des femmes, pères, mères et enfants des défenseurs de la patrie. » La Convention vota sur-le-champ, sur la motion de Thuriot, le principe de cette taxe de guerre.

[24] La pétition du département de Paris sur les subsistances figure à l’erratum du tome LXII des Archives parlementaires. Elle est signée La Chevardière, vice-président du département, et Raisson, secrétaire général.

[25] La Convention, pp. 1246-1247.

[26] Les Girondins obtinrent, le 20 avril, un vote de la Convention qui obligea la Commune à apporter ses registres à l’Assemblée. Un secrétaire en donna lecture, et c’est ainsi qu'ils nous ont été conservés. Voir les Archives parlementaires à la séance du 20 avril.

[27] Robespierre jeune proposa de décréter que la Commune de Paris avait bien mérité de la patrie. La proposition déchaîna un violent tumulte. Elle fut finalement votée, à l’appel nominal, par 101 voix sur 147 votants. Le centre et la droite avaient quitté la salle avant le vote.

[28] Voir, dans les Archives parlementaires (annexas à la séance du 25 avril 1793) ; le Précis analytique des opinions énoncées par plusieurs fonctionnaires publics et autres citoyens sur le maximum du prix des grains, dans les séances tenues par les comités réunis d’agriculture et du commerce, les 18 et 19 avril 1793. Ce précis est l’œuvre du député Beffroy.

[29] Voir ce projet, analysé par Boudin, à la séance du 25 avril. Voir aussi aux annexes de la même séance, les opinions de la Chevardière et de Momoro, en faveur du maximum.

[30] Il est à remarquer qu'au début de mars, la section des Gravilliers avait discuté un projet de magasins nationaux à établir dans chaque district. Ces magasins, administrés par des « comités alimentaires », seraient remplis par les versements en nature des contribuables se livrant a l’agriculture. Voir Le Scrutateur universel du mars 1703. Il est probable que ce projet de greniers d’abondance avait pour auteur ou inspirateur Léonard Bourdon.

[31] Voir la séance de la Commune, en date de ce jour, dans Bûchez et Houx. t. XXVI. La municipalité de Dijon adhéra aussi au maximum. (Séance de la Commune du 1er mai, id., p. 330). Celle d’Argentan applaudit à la pétition parisienne, dans une adresse envoyée à la Convention (datée du 1er mai. On la trouvera aux Archives parlementaires, à la séance du 11 mai). Celle de Rouen demanda également le maximum. (Séance du 12 mai).

[32] Philippeaux déclara la pétition extravagante et subversive ; Couthon ajouta qu’elle était contre-révolutionnaire.

[33] Voir la séance du 1er mai à la Commune, dans Bûchez et Roux, t. XXVI, p. 331, Le même jour, la dantoniste Dufourny avait qualifié de « scandaleuses » les difficultés qu’on soulevait pour empêcher le vote du maximum (Séance des Jacobins),