LA VIE CHÈRE ET LE MOUVEMENT SOCIAL SOUS LA TERREUR

PREMIÈRE PARTIE. — LA GIRONDE ET LA VIE CHÈRE

 

CHAPITRE II. — UN ESSAI DE TAXATION POPULAIRE AU PRINTEMPS DE 1792.

 

 

LA CRISE DU PAIN ET SES CAUSES. L’INFLATION.

Le problème du pain se posa avec une acuité croissante pendant les mois qui suivirent la tuile de Louis XVI à Varennes et qui précédèrent la déclaration de guerre de la Révolution à l’Europe. Les prix de toutes les denrées alimentaires renchérirent dans de fortes proportions et la France fut aussi profondément troublée qu’elle avait pu l’être dans les premiers mois de Tannée 1789. Les émeutes provoquées par les subsistances prirent une ampleur toute nouvelle. Des régions entières se soulevèrent et prétendirent remettre en vigueur la réglementation et la taxation de l’ancien régime. Des milliers d’hommes, armés à la voix d’agitateurs obscurs et inconnus, tirent échec aux lois existantes et forcèrent les autorités à se soumettre ii leurs volontés. II y eut par endroits des collisions sanglantes. Ce vaste et profond mouvement, qui remua les ouvriers comme les paysans, est loin d’être connu sous tous ses aspects. On peut cependant essayer d’en tracer une esquisse provisoire et un croquis d’ensemble.

La crise fut-elle provoquée par la pénurie des denrées ? Le ministre de l’Intérieur Delessart déclara, le 1" novembre 1791, dans un rapport ii la Législative, que la dernière récolte avait été abondante dans tout le nord de la France, médiocre dans le centre et de plus en plus insuffisante, au fur et à mesure qu’on se rapprochait du midi. Dès que cette situation avait été connue, une somme de 12 millions avait été mise à la disposition du ministre pour être distribuée à titre d’avances aux départements déficitaires. Il semble que si la circulation avait pu se faire normalement, la quantité de blé existante en France eût dû faire face à tous les besoins. Si le renchérissement se produisit, si des troubles éclatèrent, la cause n’en fut pas simplement la rareté de la denrée. Ce qui le prouve mieux que toute autre considération, c’est que les émeutes furent d’ordinaire plus graves et plus générales dans les départements mêmes où le blé abondait, dans la Beauce et dans la Flandre, dans la Picardie et dans la Brie.

La crise du pain comme la crise du sucre ne fut qu’un épisode de la crise générale des prix provoquée par la baisse de l’assignat et la baisse des changes.

La baisse de l’assignat avait, elle-même, des causes diverses. La Constituante avait commis la faute de n’émettre au début que de grosses coupures. Les plus petites étaient de 200 livres (loi du 16 avril 1790). Il y en eut ensuite de o0 livres (loi du 8 octobre 1790). Les petites coupures de 5 livres, décrétées seulement le 6 mai 1791, ne commencèrent à être distribuées qu’à partir du mois de juillet 1791[1] à Paris, à la fin de l’année dans les départements[2]. L’Assemblée avait hésité longtemps à créer des petites coupures pour des raisons très sérieuses. Les ouvriers étaient payés en écus et en billon. C’étaient leurs employeurs qui jusque-là subissaient la perte du change de l’assignat contre les espèces. Si on créait des coupures de 5 livres et au-dessous, il était à craindre que les écus disparussent et que les ouvriers payés désormais en papier ne supportassent la perte qui jusque-là incombait au patron, car déjà il y avait pour chaque objet, pour chaque denrée deux prix : un prix en espèces ot un prix en assignats. Payer les ouvriers en papier revenait à diminuer leurs salaires. C’est bien, en effet, ce qui se produisit.

En attendant, le manque de petite monnaie fut pendant de longs mois un sérieux embarras pour les industriels, les commerçants et les ouvriers. Ou n’échangeait les grosses coupures qu’en payant une prime de plus en plus forte, 7 % au début, puis 10, 15 et 20 % contre les écus. Au moment de la fuite du roi, les assignats de 50 livres perdaient 12 % dans les Basses-Alpes, 14 % dans l’Aude, les autres de 20 à 25 %, quand on pouvait les négocier. Les assignats de 5 livres firent prime à leur apparition. Ils s’échangeaient contre les gros à 7 ou 8 % de bénéfice. Dans beaucoup de villes, les industriels étaient obligés, pour payer leurs ouvriers, de remplacer le paiement en espèces par le paiement en nature. Ils leur distribuaient, en guise de salaires, du blé ou des étoffes. A Besançon, en mars et avril 1792, la rareté de la petite monnaie et le discrédit du papier entraîna des troubles. Les ouvriers employés aux fortifications se mirent en grève en exigeant leur paiement en argent monnayé. Ils menacèrent les boulangers de piller leurs boutiques[3]. Il en fut de même dans beaucoup d’endroits. Le peuple n’admettait pas la différence de prix entre les deux monnaies. Il s’irritait contre les marchands et les malmenait.

De gros commerçants parisiens, les Monneron, frappèrent des gros sous à leur marque. Leur exemple fut suivi par d’autres. On appela ce billon, émis par des particuliers, des médailles de confiance. Des banques à leur tour eurent l’idée d’émettre des billets de confiance, petites coupures à leur nom qu’elles échangeaient contre des assignats. Si on en croyait Beaumetz (séance du 1er mai 1791), ce serait Bordeaux qui aurait donné le premier exemple d’une émission de billets de confiance. La Constituante régularisa ces émissions particulières, par sa loi du 19 mai 1791, qui mit sous la protection des corps administratifs et des municipalités les établissements particuliers qui se chargeaient à émettre des billets de confiance 5 échanger contre des assignats. Elle exempta du droit de timbre les billets de confiance inférieurs à 25 livres. Une seule obligation fut imposée aux établissements émetteurs : faire une déclaration au greffe de la municipalité et déposer un cautionnement en assignats. Mais la loi restait dans le vague sur la quotité de ce cautionnement par rapport au chiffre des émissions. Elle ne prescrivait aucune mesure de contrôle.

Le résultat fut que, dès le début de l’année 1791, les émissions de billets de confiance se multiplièrent. Il y eut des administrations départementales, des municipalités, des sections parisiennes qui prirent elles-mêmes l’initiative de ces émissions. Mais la plupart du temps ce furent des maisons de banque qui s’en chargèrent et inondèrent le marché de leurs papiers. A Paris il y eut simultanément 63 espèces de billets de confiance.

Les banques émettrices gagnaient à cette opération de deux façons. D’abord elles faisaient payer un courtage, une prime pour l’échange des assignats contre les billets. Ensuite, au lieu d’immobiliser les assignats qu’elles recevaient en échange de leurs billets, elles profitaient de l’absence de contrôle pour les faire servira des spéculations commerciales ou financières. Elles spéculaient sur le sucre ou sur le café, sur le coton, la laine ou le blé. Le danger était qu’en cas de non-réussite, le billet de confiance, perdant sa couverture, ne pouvait plus être remboursé. La spéculation avait fait évanouir le gage. Un autre danger, encore plus grave, était que l’émission des billets de confiance, doublant celle des assignats, augmentait dans des proportions énormes la masse du papier en circulation et en facilitait l’agiotage.

« L’assignat, dit Jaurès[4], représentait les biens nationaux, le billet de confiance représentait l’assignat. Si le billet de confiance et l’assignat circulaient en même temps, il semble qu’il n’y avait plus de limite à l’émission du papier... La monnaie de la Révolution qui, par le gage de l’assignat, avait la solidité de la terre, devient maintenant, par le billet de confiance, une monnaie fluctuante, livrée à tous les courants de la spéculation ». La création des billets de confiance devait, à elle seule, faire baisser l’assignat, puisqu’on n’échangeait les assignats contre les billets qu’à perte. Les achats de denrées, opérés en grand par les banques d’émission qui voulaient placer leurs assignats, agissaient dans le même sens. Iis renchérirent les prix et ils firent baisser le signe de leur valeur. Quand certaines banques d’émission, comme la Caisse de secours de Paris, eurent suspendu leurs paiements, ce krach, qui s’éleva à plusieurs millions, et d’autres analogues répandirent la panique dans le public. Le discrédit des billets de confiance rejaillit sur les assignats. N’oublions pas enfin que des faussaires adroits jetaient dans la circulation de grandes quantités d’assignats faux et que Calonne, 'a l’armée des émigrés, en dirigeait une fabrique spéciale. Les longs délais accordés aux acquéreurs de biens nationaux qui purent se libérer en douze annuités retardèrent la rentrée des assignats dans les caisses du trésor et contribuèrent encore à leur dépréciation. La Constituante commit aussi la faute d’admettre au paiement des biens nationaux les quittances des offices supprimés, les titres de propriété des dîmes inféodées, en général tous les papiers d’Etat par lesquels le Trésor soldait ses dettes (décrets des 30 octobre et 7 novembre 1790). Elle créait ainsi à l’assignat une concurrence et augmentait d’autant la circulation fiduciaire.

Elle eut le tort enfin de faire marcher de pair les ventes de biens nationaux avec le remboursement de la dette. Elle fut ainsi amenée à augmenter sans cesse la masse des assignats en circulation et à augmenter d’autant leur dépréciation. A l’émission primitive de 1.200 millions ordonnée le 29 septembre 1790, s’ajoutaient successivement une émission de 600 millions le 17 mai 1791, une de 300 le 17 décembre 1791, une de 300 le 30 avril 1792, dix jours après la déclaration de guerre, soit 2 milliards et demi en un an et demi. Une partie de ces assignats avait été brûlée à leur rentrée dans le Trésor : 170 millions au 17 mai 1791, 221 millions au 9 septembre 1791, 355 au 17 décembre 1791, 370 au 12 mars 1792. Il n’en restait pas moins que les rentrées avaient été très inférieures aux émissions. La circulation était passée de 980 millions le 17 mai 1791 à 1.700 millions le 30 avril 1792. En un an l’inflation fiduciaire avait presque doublé. Fatalement, par une loi mécanique, le prix des choses devait hausser dans la même proportion, puisque le prix est en rapport direct avec la quantité de signes monétaires. Et tout cela avant que la guerre fût déclarée.

Dès le 30 janvier 1792, si on en croit l’abbé de Salamon, internonce du pape, les assignats perdaient à Paris 44 %. Le louis d’or valait 30 livres en assignats. Si le témoignage de l’aristocrate Salamon est suspect, celui des tableaux officiels de la dépréciation du papier-monnaie ne saurait l’être. Ils nous apprennent qu’à la même date, plus de deux mois avant la déclaration de guerre, 100 livres assignats no valaient à Paris que 03 livres 5 sous, soit une perte de 37% environ. Dans le Doubs, à la fin de ce même mois de janvier 1792, la perte était de 21 %, de 28°% dans la Meurthe, de 12 1/2% dans la Côte-d’Or, de 20% dans la Corrèze, de 33% dans la Gironde et les Bouches-du-Rhône, de 29 % dans le Nord, de 27% dans le Jura, etc. On voit par là que si le prix des denrées s’était relevé partout dans la proportion de la baisse de l’assignat, le renchérissement aurait dû être du tiers ou du quart.

Si les assignats perdaient en France de 23 à 35 °% en moyenne, ils perdaient de 50 à 60 % à l’étranger. Avait-on un paiement à faire à Londres, à Genève, à Hambourg, à Amsterdam, il fallait se procurer 150 livres assignats pour solder un achat de 100 livres en denrées ou valeurs étrangères-. D’ordinaire, quand le change est au détriment d’un pays, c’est que ce pays produit peu et vend peu, mais achète beaucoup. Pour acquitter ses achats, il est obligé d’acheter dos valeurs étrangères qu’il paye d’autant plus cher qu’il eu a plus besoin.

La France de 1792 vendait beaucoup à l’étranger, elle ne lui achetait guère en grande quantité que du blé. Ce n’était pas la différence entre les achats et les ventes qui pouvait expliquer la baisse des changes. Cette baisse avait d’autres causes. L’ancien régime finissant avait contracté, surtout pendant la guerre d’Amérique, de gros emprunts en Hollande, en Suisse et en Allemagne. Quand on remboursa ces emprunts, au début de la Révolution, on dut exporter de grandes quantités de numéraire et d’assignats ou d’autres valeurs. Ces brusques remboursements firent affluer sur les marchés étrangers les papiers français qui en furent dépréciés. Pour payer la solde des troupes en numéraire, le Trésor achetait des espèces à l’étranger et ces achats répétés contribuaient encore à déprécier l’assignat et à faire baisser le change à notre défaveur (Cf discours de Montesquiou du 17 mai 1791). En vain essaya-t-il de parer à la crise en frappant une énorme quantité de billon avec la fonte des cloches des églises supprimées, en accélérant la frappe des écus et des monnaies d’argent divisionnaires. Les pièces d’argent disparurent, parce qu’on avait intérêt à les fondre.

Ce sont là les causes purement économiques et financières de la baisse des assignats et de la baisse des changes qui eut pour résultat, par répercussion, la hausse du prix des denrées à l’intérieur de la France. Mais il y en a d’autres qu’il serait imprudent de négliger. Celles-ci sont d’ordre politique.

La fuite de Louis XVI à Varennes et les menaces de guerre qui suivirent inspirèrent à beaucoup de gens, en France et à l’étranger, des doutes sur le succès de la Révolution. Si on dut créer des billets de confiance pour suppléer au manque de petites coupures d’assignats, c’est que l’ancien numéraire, c’est que les écus, les louis, les pièces blanches et jusqu’au menu billon disparurent de la circulation. Les émigrés en avaient emporté avec eux une certaine quantité au-delà des frontières. Mais il en était resté beaucoup à l’intérieur. S’il ne circulait plus, c’est que ses détenteurs n’avaient pas confiance dans la monnaie de la Révolution et craignaient ou espéraient une Restauration monarchique. Ils gardaient jalousement et cachaient précieusement la monnaie du roi. Plus tard les assignats royaux firent prime sur les assignats républicains. La France était profondément divisée. Ces divisions sont la raison dernière, la raison profonde de ta crise financière comme de la crise économique.

Certains historiens, pour prouver que la masse dos Français avait une confiance inébranlable dans le nouveau régime, citent d’ordinaire le succès indéniable de la vente des biens du clergé, des biens nationaux de première origine, comme on dit en style administratif. Les ventes furent rapides et trouvèrent acquéreurs à des prix souvent au-dessus des estimations. Ce succès de la grande opération révolutionnaire est dù à des causes diverses, dont une des principales me paraît avoir été précisément le désir très vif que beaucoup d’acquéreurs avaient de trouver un placement pour leurs assignats, de s’en débarrasser au plus vite, en échangeant ce papier contre une propriété solide, contre la terre[5]. Comme l’assignat était reçu à sa valeur nominale en paiement des domaines nationaux, l’acquéreur gagnait toute la différence entre la valeur nominale du papier révolutionnaire et sa valeur réelle. II est un fait certain, c’est que des aristocrates notoires achetèrent des biens nationaux ; des curés réfractaires, des nobles comme d’Elbée et Bonchamp qui participeront à l’insurrection vendéenne. On compte dans la Vienne 134 acquéreurs ecclésiastiques et 50 acquéreurs nobles. D’une façon générale, c’est la bourgeoisie des villes qui acheta la plus grande partie des biens mis aux enchères. Les paysans faute d’argent ne recueillirent de ce riche butin qu’une portion médiocre, mais les petits acquéreurs furent nombreux parmi eux.

On a dit parfois que l’assignat avait ranimé notre industrie. Pendant quelques mois, en effet, nos fabriques connurent une prospérité factice. Les détenteurs d’assignats s’étaient empressés de s’en défaire non-seulement en achetant des biens nationaux, mais aussi en les troquant contre des marchandises. Les malins qui prévoyaient la guerre s’empressèrent de constituer des stocks de toutes sortes d’objets et de denrées. Leurs achats répétés et aussi ceux des étrangers attirés par la baisse des changes stimulèrent la fabrication, mais ils eurent aussi pour effet inévitable d’augmenter le prix des marchandises et de contribuer au renchérissement de la vie.

Toujours et partout, à l’occasion des crises économiques, les révolutionnaires ont dénoncé les manœuvres des aristocrates. Ils ont prétendu que ceux-ci s’entendaient, se coalisaient pour jeter te discrédit sur la monnaie révolutionnaire, pour accaparer les denrées et les espèces, pour en empêcher la circulation, ce qui créait une disette factice et un renchérissement grandissant. Il est certain que ces manœuvres ont existé. Le club des Jacobins de Tulle dénonça, le 2 février 1792, le président du district de cette ville, un certain Parjadis, qui conseillait aux contribuables de ne pas payer leurs impôts et leur prédisait la prochaine rentrée triomphante des émigrés[6]. Le 18 mars 1792, le directoire du département du Finistère démontra au roi qu’il lui aurait été impossible de percevoir l’impôt, s’il n’avait pris le parti de mettre les prêtres réfractaires en réclusion à Quimper : « A l’époque où l’arrêté a été pris, on n’avait pu percevoir qu’un quinzième du montant des rôles d’impôts. Les municipaux des campagnes vivaient dans une insouciance criminelle sur l’établissement des contributions foncières et mobilières, bercés par ces prêtres de l’espoir d’une contre-révolution prochaine, foute la machine se désorganisait, à peine trouvions-nous des officiers municipaux qui voulussent occuper ces places. Depuis que ces prêtres se trouvent écartés, nous sommes en paix et nous avons réussi à établir dans presque tout le département les rôles des impositions directes[7] ».

Vers le même temps, au début de 1792, un homme considérable, Séguier, parlementaire de vieille souche, lançait dans le public une brochure agressive, La Constitution renversée, qui avait pour but d’alarmer les Français sur leurs propriétés : « Comment pourrait-on compter sur les propriétés, disait-il, dans une crise aussi violente, avec un infernal agiotage, avec une émission incalculable d'assignats et de papiers de toutes sortes, lorsque les colonies sont embrasées et la France menacée du même malheur, lorsque, par une foule de décrets, les propriétés mobilières sont confisquées, soumises à des formalités menaçantes, longues, etc. » Séguier n’hésitait pas à menacer les acquéreurs de biens nationaux, en leur disant que les anciens créanciers de l’Etat et du clergé avaient sur leurs acquisitions une hypothèque qu’ils feraient valoir un jour !

En février 1792, le district de Noyon voyait dans l’émigration une des raisons essentielles du renchérissement des grains et de l’agiotage des marchands : « Vous savez aussi, écrivait-il le 13 février, à la Législative, que les gros propriétaires ont émigré et qu’ils se sont hâtés de vendre leurs grains et que toute celle denrée est tombée par conséquent entre les mains de marchands et d’avides spéculateurs qui la font partir sur le champ et vouent à la disette les pays où devrait régner l’abondance. Le laboureur même, effrayé et abusé, s’empresse de vendre ses grains à bas prix. Les marchands ne cessent de lui dire : « Vous allez avoir la guerre ; si vous avez des greniers bien remplis, cela attirera l’ennemi chez vous[8]. » Toutes ces raisons, très diverses mais concordantes, raisons financières, raisons économiques, raisons politiques, provoquèrent une agitation intense qui commença avec le renchérissement des denrées au début de l’hiver 1791-92 et qui s’étendit très vite en surface et en profondeur.

 

LES TROUBLES ALIMENTAIRES.

Dès le mois de novembre, dans les régions les plus déférentes-, à Dunkerque, Saint-Omer, Douai, Arras, Chaumont, Mâcon, Toulouse, Montélimar, Nantes, etc., la foule s’attroupe autour des bateaux ou des voitures chargés de grains et en interdit le départ. Par endroits, les chargements furent vendus sur place à un taux fixé par la foule.

A Chaumont, par exemple, le ü novembre 1791, un attroupement considérable arrête une vingtaine de voitures de blé qui se rendaient à Gray. Le procureur de la commune, le procureur général syndic du département, toutes les autorités de la ville, réunies à l’hôtel de ville, essaient dé dissiper l’attroupement, sans succès. Les voitures sont amenées sur la place et déchargées. La garde nationale est requise de prendre les armes. Elle s’y refuse ou elle fait cause commune avec les émeutiers. Les brigades de gendarmerie appelées les jours suivants sont impuissantes. La foule refoule les gendarmes, assiège les autorités dans l’hôtel de ville. Les troubles durent trois jours. Au troisième, la garde nationale de Langres approche. Mais la garde nationale de Chaumont l’empêche d’entrer dans la ville". Elle délivre les manifestants arrêtés, elle force les autorités terrorisées à renvoyer les gendarmeries el les gardes nationales appelées en renforts. Le procureur général syndic du département s’enfuit sous un déguisement pour ne pas être lanterné. Finalement les émeu- tiers taxent les grains et se les distribuent[9].

Dans le Toulousain, il y a des désordres dans les marchés à partir du mois de janvier 1792, à Dieux les 9 et Il janvier, à Portet et à Cugnaux le 22 janvier, à Bourg-Saint-Bernard les 3 et 16 février, à Montjoire le 8 mars, à Labande et à Grenade le 6 mars. Il fallut faire marcher la garde nationale de Toulouse pour rétablir l’ordre[10].

En Flandre maritime et en Artois les désordres furent plus graves. La récolte avait été abondante et de grandes quantités de blé s’embarquaient par les canaux ou par Dunkerque a destination de Cette ou de Marseille. Le peuple attribuait à cette exportation le renchérissement progressif du pain. Il résolut de la faire cesser. A Watten, près de Bergues, le 10 janvier, des femmes et des enfants s’attroupèrent autour des bateaux. L’attroupement grossit le lendemain. On sonna le tocsin, on battit la générale. Le 13, les bateaux furent pillés. Les émeutes recommencèrent tes 23, 24 et 23 janvier[11].

A Saint-Omer, où des désordres avaient déjà eu lieu le 29 décembre, la foule s’attroupa, le 13 février, pour délivrer les prisonniers arrêtés depuis l’affaire de décembre. Rochambeau, qui commandait les troupes, voulut disperser l’attroupement. Il n’y parvint pas. Des bateaux el des charrettes de blé furent pillés. Une potence, élevée pour effrayer les mutins de décembre, fut brisée et changée en une pique surmontée du bonnet de la liberté. Le 14 février commencèrent les troubles de Dunkerque. Les maisons des dix plus gros marchands de grains du port furent saccagées de fond en comble. La municipalité fit proclamer la loi martiale. Il y eut un engagement sanglant : 14 tués, 60 blessés. L’émeute reprit de plus belle les jours suivants. Elle dura deux semaines. 18 navires chargés dans le port et prêts à partir furent envahis et déchargés. Les troupes montrèrent une mollesse croissante et finalement refusèrent de marcher[12].

Les troubles de Noyon, moins sanglants, manifestèrent comme ceux de Dunkerque la toute-puissance du mouvement. Le 6 février, un attroupement arrêta près de la ville de Choisy- au-Bac, sur l’Oise, plusieurs bateaux chargés de grains. Les mariniers n’ayant pas leurs lettres de voiture bien en règle, les autorités locales en prirent prétexte pour faire décharger les bateaux et porter leur contenu dans les vastes greniers de l’abbaye d’Ourscamp toute proche. L’attroupement devint formidable les jours suivants. On sonna le tocsin à dix lieues à la ronde. Il y eut bientôt 7, 10, 20, 30.000 paysans réunis et armés de fourches, de hallebardes, de fusils, de piques, marchant en bon ordre sous la conduite de leurs maires. Le roi dépêcha, pour rétablir l’ordre, le général Gouy d’Arcy, ancien constituant, qui ne put passer et dut rebrousser chemin devant les contingents de 150 paroisses qui barraient tous les chemins.

La Législative à son tour envoya aux paysans quatre de ses membres, Homme, Jacob Dupont, La Bergerie et Vaublanc, pour parlementer avec eux et les décider à se disperser. Les paysans leur dirent qu’ils craignaient la famine et que, sous prétexte d’envoyer des grains dans d’autres départements, on ne les fit sortir du royaume pour les livrer aux émigrés et aux ennemis de la France. Ils réclamèrent une indemnité pour ceux d’entre eux qui avaient débarqué les grains et pour ceux qui avaient monté la garde autour de l’abbaye depuis plusieurs jours. Les députés ne purent obtenir d’eux la promesse de se disperser qu’en acquiesçant à leurs demandes. Ils firent voter, le 18 février, un décret qui leur donnait satis faction. Les frais de débarquement, de transport et de garde des grains arrêtés près de Noyon seraient constatés par les corps administratifs et avancés par le Trésor public aux ayants droit, sauf pour le Trésor à exercer contre les communes où s’étaient produits les désordres, le recours prévu par la loi du 2 octobre 1791[13]. Les maires des communes révoltées taxèrent leurs vacations à 5 livres par jour, les officiers municipaux à 3 livres, les gardiens à 2 livres 10 sous et les porteurs à 2 livres. Ils décidèrent en outre que le tout serait payé en grains et ils taxèrent le grain à 15 livres le sac. Ils procédèrent sur le champ à la répartition des grains emmagasinés dans l’abbaye, conformément à ce tarif, et, après l’opération, ils retournèrent tranquillement chacun chez soi[14]. Quand le général Wittenkof arriva sur les lieux avec deux bataillons de troupes de ligne, il ne trouva plus qu’une quarantaine de paysans armés de fusils et de pistolets, qui se laissèrent désarmer sans résistance. Les troubles de Noyon avaient duré 18 jours[15].

La faiblesse que l’Assemblée avait montrée en cette circonstance encouragea-t-elle les prolétaires de la Beauce ? C’est possible, car c’est immédiatement ensuite qu’un vaste mouvement d’ensemble soulève toutes les campagnes depuis levai de l’Euro jusqu’au val de la Loire et jusqu’au val du Loing.

Les premiers désordres commencèrent sur la lisière des forêts de Conciles et de Breteuil où vivait, sur un pauvre sol ferrugineux, une nombreuse population de bûcherons et d’ouvriers de forges, dont beaucoup se livraient au braconnage. Le 27 février, bûcherons et cloutiers, au nombre d’environ 4-00, se rassemblent à La Neuve-Lyre, puis se portent au marché de La Barre, bourg du district de Bernay. « Ils avaient à leur tète quelques officiers municipaux, même des juges de paix »[16]. « Ainsi, dit Jaurès, les gardes nationales villageoises, formées en grande partie de paysans pauvres, mettaient au service des revendications paysannes la force légale qu’elles avaient reçue de la Révolution »[17]. L’attroupement, qui marchait avec ordre, tambour battant et drapeau déployé, comme les attroupements récents du Noyonnais, grossit rapidement. Il se porta, les jours suivants, aux marchés du Neubourg, de Breteuil, de Conches. A Couches, la municipalité et la garde nationale allèrent à sa rencontre. Les autorités de Conches taxèrent le blé et l’avoine et décidèrent que cette taxe ne subirait pas de changement jusqu’à la récolte. Elles arrêtèrent aussi que les billets de confiance auraient cours forcé. Au début de mars, plusieurs bandes se formèrent et opérèrent partout avec le même ordre et le même ensemble impressionnants. A Verneuil, à Breteuil, à Rugles, les municipalités cédèrent sans résistance. Très vite, on ne se borna plus à taxer les grains, on taxa aussi les œufs, le beurre, les objets manufacturés tels que les fers, le bois, le charbon. Le 3 mars, 5.000 hommes se présentent aux forges de Baudoin, le 6 mars ils sont 8.000 aux forges de La Louche. « Ils ont forcé les régisseurs, dit un procès-verbal du district d’Evreux, à signer un marché que la réflexion et une connaissance exacte du commerce des fers ont dicté[18] ». Le procès-verbal continuait en ces termes : « Certes une multitude de gens grossiers et ignorants n’a pas pu concevoir l’idée d’un plan aussi bien combiné et d’une soi-disant police générale. Une main invisible les guide. Après l’avoir, disent-ils, établie, ils doivent parcourir les campagnes, se faire représenter les baux des fermiers, faire réduction dans le prix et menacer ensuite les propriétaires de les piller. Ils veulent dégager le peuple du paiement de l’impôt. Partout ils font entendre le cri de l’anarchie et de la guerre civile ».

La question du pain passait, en effet, de plus en plus au second plan et c’était toute la question sociale, comme elle se présentait en ce temps-là, que les prolétaires des villes et des champs posaient tout d’un coup. Déjà dans leurs cahiers de doléances, élaborés en 1789, les paysans de l’Ile-de-France avaient protesté contre l’accaparement des grandes fermes parles capitalistes. Ils demandaient leur division. Les émeu- tiers de 1792 réitèrent le vœu des cahiers et veulent l’imposer de force. S’il est vrai, comme l’affirme le député Tardi- veau dans son rapport du 15 mars 1792, que les grains étaient à très bon marché dans l’Eure et que le pain s’y vendait deux sous la livre, le renchérissement des subsistances n’était que le prétexte du mouvement[19].

Les agitateurs ne se bornent pas à réclamer la réduction des fermages, ils prétendent s’emparer des biens des émigrés qui, à cette date, n’étaient pas encore séquestrés. La guerre est imminente. Ils entendent les révolutionnaires dénoncer les émigrés comme des traîtres. La tentation leur est venue de mettre la main sur les châteaux et les domaines des seigneurs qui sont allés à Coblentz ameuter les rois contre la France. Dès le mois de janvier 1792, les paysans de la Dordogne avaient fait une liste des émigrés de leur contrée, afin de piller leurs possessions, au premier signal de la guerre. Au début, d’avril, les communes des environs de Nîmes et d’Alais brûlèrent une vingtaine de châteaux d’émigrés, après les avoir saccagés. Il y eut des troubles du même genre dans l’Aveyron, dans le Lot des émeutes pour le partage des communaux.

Dans la Beauce, les troubles de l’Eure gagnèrent de proche en proche l’Orléanais et le Gâtinais. A Melun, le 10 mars, jour du marché, « tous les cantons environnant la ville s’y rendirent au nombre de plus de 10.000 hommes, tous armés de fourches, tambours battants et enseignes déployées. La ville était sur ses gardes. En y entrant, on fit déposer les armes à tous les habitants de la campagne, qui y consentirent à condition que les habitants de la ville déposeraient aussi les leurs : ce qui fut exécuté. Une autre condition du désarmement fut que le bled ne se vendrait pas plus de 20 livres ; ainsi fut fait »[20].

Nous sommes bien en présence d’un mouvement de classe, inorganique encore et dispersé, mais profond et vigoureux.

A la fin de mars, les rudes bûcherons du Morvan s’ébranlèrent à leur tour. Us réclamèrent une augmentation de salaire motivée par la cherté de la vie. Sur le refus des marchands de bois, ils arrêtèrent le flottage des bûches, barrèrent les rivières et, pour légaliser en quelque sorte leur action, ils nommèrent un chef, un capitaine de flotteurs. Ils invitèrent le juge de paix à signer le procès-verbal de celle élection. Le juge s’y refusa. Ils entrèrent, le 27 mars, à Clamecy, au nombre de plusieurs centaines. Les ouvriers de la ville firent cause commune avec eux et grossirent leur troupe. La municipalité requit la garde nationale, mais celle-ci fut insultée et désarmée. Les bûcherons lui enlevèrent ses habits et jusqu’à ses chemises, qu’ils portèrent en triomphe. Ils firent chanter ensuite un Te Deum pour fêter leur victoire. Il fallut mobiliser la garde nationale de 12 villes, appeler des troupes réglées et amener du canon.

La manière même dont s’accomplit ta répression achève de manifester le caractère de lutte de classe du mouvement.

Les revendications des prolétaires menaçaient à la fois les industriels et les gros propriétaires. Partout ils se liguent pour les faire échouer, et là où ils ont conservé de l’influence sur leurs employés et fermiers, ils les mobilisent contre les taxateurs. Dans l’Eure, la bourgeoisie d’Évreux, qui craint d’être pillée, se met sous les armes à la première annonce des troubles. Les autorités départementales appellent au chef-lieu les gardes nationales des six districts et toutes les brigades de gendarmerie. Ils rassemblent, ainsi 5.000 hommes avec du canon. Les fabricants d’épingles de Laigle lèvent parmi leurs ouvriers une petite armée de 1.800 hommes, qui fait sa jonction le 9 mars avec les troupes d’Évreux à Couches, foyer de l’insurrection. Le maréchal de camp Grimoard, qui commande l'armée de l’ordre, parcourt les communes, désarme et arrête les séditieux qui ne paraissent pas avoir offert de résistance. 63 furent amenés dans les prisons d’Evreux.

A Etampes, gros marché de la Beauce, le maire Simoneau un riche tanneur qui employait 60 ouvriers, voulut résister à la taxation. Quand il apprit que les paysans des communes voisines approchaient, le matin du 3 mars, il requit le commandant d’un détachement de 80 hommes du 18e régiment de cavalerie et lit proclamer la loi martiale, il s’avança courageusement au-devant des paysans, ceint de son écharpe. Mais les cavaliers l’abandonnèrent et il fut tué de deux coups de fusil pendant que le procureur de la commune était blessé à ses côtés.

 

LA RÉPRESSION ET LES REMÈDES.

L’ampleur et la soudaineté du mouvement populaire avaient d’abord déconcerté et comme effrayé les chefs de la Révolution. Les journaux les plus populaires eux-mêmes, comme Le Père Duchesne ou Les Révolutions de Paris n’osèrent pas approuver le programme des agitateurs, lisse bornèrent à plaider les circonstances atténuantes en faveur du peuple malheureux et égaré. Ils adjurèrent l’Assemblée el les autorités de n'employer les moyens de rigueur qu’à la dernière extrémité. La loi martiale leur était odieuse depuis le massacre de Nancy ordonné par Rouillé, en septembre 1790, et le massacre du Champ-de-Mars ordonné par Lafayette et Bailly, le 17 juillet 1791. Ils conseillaient donc de négocier, de temporiser. Ils craignaient, par une répression violente, de détacher le peuple de la Révolution el de le rejeter dans les bras des aristocrates.

L’Assemblée suivit d’abord leurs conseils. Elle apaisa les troubles de Noyon en capitulant devant les émeutiers. Mais, quand elle vil que sa longanimité no faisait qu’encourager les perturbateurs, elle changea d’attitude, elle conseilla aux autorités départementales d’agir vigoureusement. Le meurtre de Simoneau à Etampes fut suivi de nombreuses arrestations. Des colonnes volantes parcoururent les villages, traquant les suspects et employant au besoin la force. Un tisserand, du nom de Jean Petit, fut tué par la troupe qui le poursuivait.

Les jacobins eux-mêmes applaudirent à la répression. Le 9 mars, ils adressèrent une belle lettre de condoléances à la veuve de Simoneau, qui avait fait partie de leur société. L’un d’eux, Jean Debry, proposa à la Législative, le 18 mars, d’élever une pyramide au martyr de la Loi, sur le lieu même où il avait été assassiné. « C’est là dit-il, que pour chaque citoyen sera gravée en caractères funèbres la loi sur la libre circulation des subsistances ». L’Assemblée vola la pyramide et six semaines plus tard, le 6 mai 1792, à la demande d’une partie de la garde nationale parisienne, elle décréta qu’une fête funèbre serait célébrée au Champ-de-Mars, le 1“ dimanche de juin, en l’honneur du maire d’Etampes. De pareilles fêtes funèbres furent célébrées dans toute la France. On leur donna le caractère de fêtes de la Loi. Elles eurent pour but d’encourager la garde nationale à rétablir l’ordre et à faire courageusement son devoir contre les agitateurs. Ce furent essentiellement des cérémonies bourgeoises, auxquelles le peuple resta étranger.

Des fêtes funèbres, des exhortations morales alternant avec des répressions n’étaient que des palliatifs insuffisants pour mettre fin à une crise économique dont les causes étaient profondes. Pas un instant l’Assemblée ne songea à revenir à la réglementation et à la taxation de l’ancien régime. Elle resta attachée avec une opiniâtreté invincible au dogme de la liberté économique. Les mesures législatives qu’elle vota furent des mesures de détail dictées par les circonstances.

Le peuple prétendait que le blé chargé dans les ports du Nord de la France, à destination de ceux du Midi, était en réalité exporté à l’étranger. L’accusation était absurde, car, comme le fit observer le ministre Cahier de Cerville, le 18 février 1792, le blé coûtait plus cher en France qu’à l’étranger et la baisse des changes aggravait la différence des prix. On n’exporte pas pour perdre. Néanmoins l’Assemblée vota, le 28 janvier, une loi rigoureuse pour entourer de toutes les précautions imaginables l’expédition des grains d’un port français à un autre port français : acquits à caution, vérifications par les douaniers et les autorités élues, certificats, etc.

Pour permettre aux départements déficitaires de s’approvisionner, elle ouvrit au ministre de l’Intérieur un nouveau crédit de 10 millions, sur lequel leur seraient consenties des avances à titre de prêts remboursables.

Ainsi le département du Doubs, où la récolte de 1791 avait été médiocre et qui ne se suffisait pas en temps normal[21], réclama au mois d’avril un secours pécuniaire qui put lui permettre d’atteindre la récolte, il lui fut alloué, le 28 avril, 2.000 quintaux de blé à prendre à Toulon et, le 7 mai, 2.000 autres quintaux supplémentaires à prendre au même endroit. Comme les frais du transport étaient à la charge du département et que Toulon était loin, les administrateurs du Doubs trouvèrent plus avantageux de passer un marché avec deux négociants de Gray, Revon et Millerand, qui leur fournirent les 4.000 quintaux dans leurs magasins, en échange du bon délivré par le ministre de l’Intérieur, pour les blés à prendre à Toulon. Les blés étant plus chers dans le Midi qu’à Gray, les négociants faisaient une bonne affaire et le département n’y perdait pas. Les blés achetés par le département du Doubs furent distribués par ses soins aux différents districts qui les mirent en vente sur les marchés. Le produit de ces ventes servit à rembourser les avances du Trésor, qui d’ailleurs perdit la différence cuire le prix d’achat et le prix de vente.

Le ministre de l’Intérieur aurait voulu centraliser à Paris, sous sa direction, tous les achats de grains destinés aux départements déficitaires. Déjà Delessart avait proposé, le 1er novembre 1791, d’organiser à Paris une administration centrale des subsistances, qui aurait été seule chargée de l’importation des grains étrangers et de leur répartition entre les départements. Sa proposition fut repoussée sans débat.

Le 6 janvier 1792, le député Forfait la reprit à son compte en critiquant vivement la façon dont s’opérait le ravitaillement des départements méridionaux et des villes. Les blés du Nord de la France s’embarquaient à Dunkerque, au Havre, à Nantes, pour Cette et Marseille. En même temps, les blés achetés dans la Baltique débarquaient dans ces mêmes ports de Dunkerque, du Havre, de Nantes, et se croisaient avec les précédents, de sorte que le peuple s’imaginait que les blés qu’il avait vus embarquer étaient les mêmes que ceux qu’il voyait ensuite débarquer. Forfait proposait comme remède l’établissement d’une administration générale des subsistances qui aurait la charge de connaître le produit des récoltes dans tous les départements, la quantité des achats faits à l’étranger et le droit d’indiquer les routes que les subsistances devaient suivre pour circuler dans le royaume. Son projet souleva des murmures et fut repoussé par la question préalable. L’Assemblée avait horreur de tout ce qui ressemblait à un monopole.

Le ministre Gabier de Gerville ne fut pas plus heureux, le 18 février 1792, quand il reprit les critiques de Forfait avec des arguments nouveaux. Les commissaires que les départements envoyaient sur les places de commerce pour procéder à leurs achats, enchérissaient les uns sur les autres et contribuaient ainsi à la hausse de la denrée. Mais l’Assemblée continua de refuser d’entrer dans une voie au bout de laquelle elle voyait l’étatisation du commerce des blés, c’est-à-dire un retour à la réglementation de l’ancien régime. Tout ce qu’elle accorda, un peu plus tard, c’est que les achats faits à l’étranger, avec les 10 millions qu’elle vota, seraient opérés par le ministre de l’Intérieur.

Les paysans de Noyon avaient fait remarquer à l’Assemblée « qu’en vertu des anciens règlements, les ci-devant communautés religieuses et les bénéficiers étaient obligés de garder en dépôt une année de leurs revenus en grains (c’est-à-dire de leurs dîmes), ou au moins une quantité suffisante pour fournir les marchés »[22], et que maintenant ces greniers n’existaient plus. C’était émettre le vœu qu’on rétablit par voie administrative ces greniers de réserve, ces greniers d’abondance qui, dans le passé, amortissaient les crises. Mais l’Assemblée pensait, comme un de ses membres, Lequinio[23], que les greniers de réserve étaient dangereux et qu’il fallait se borner à protéger la circulation.

Quelques administrateurs de département, en contact journalier avec les difficultés de la situation, estimèrent que tout n’était pas mauvais dans la réglementation ancienne. Ainsi Fockedey, administrateur du département du Nord, qui siégera plus tard à la Convention, exposait dans un mémoire du 2 mars 1792, qu’il serait nécessaire de rétablir les recensements[24]. Chaque cultivateur déclarerait à sa municipalité le nombre d’arpents cultivés par lui et le nombre de mesures récoltées. Les municipalités vérifieraient ces déclarations, en enverraient l’état à l’Assemblée nationale et celle-ci, sur le vu des recensements de toute la France, ordonnerait des réquisitions au profit des départements dans le besoin. Fockedey devançait la mate lie des événements. Sa voix resta isolée et personne dans l’Assemblée ne fit écho à ses propositions.

La Législative, cependant, songea à faire quelque chose pour atténuer la grave crise économique générale dont le renchérissement des denrées alimentaires n’était qu’un épisode. Les fabricants se plaignaient de la hausse excessive des matières premières. Le coton était monté rapidement de 240 livres le quintal à 500 livres. Allait-on être obligé de fermer les manufactures et de jeter les ouvriers a la rue ? Les fabricants réclamaient des prohibitions de sortie qui empêcheraient l’étranger de profiter de la baisse des changes pour nous soutirer nos matières premières. Il y eut un débat très vif. Pour la première fois, la réglementation trouva des défenseurs nombreux qui s’affirmèrent avec force : « Votre objet, quel est-il ? s’écria Arena. C’est que vos matières premières n’aillent pas à l’étranger alimenter les ouvriers des autres et rentrer en France augmentées du prix de la main-d’œuvre ». Les partisans de la liberté répliquèrent, par l’organe d’Emmery, que la prohibition ne profiterait qu’aux industriels et nuirait aux producteurs qui vendraient à vil prix leur laine, leur chanvre, leur lin. Mais la réglementation triompha. La loi du 28 février 1792 prohiba provisoirement l’exportation h. l’étranger des laines, chanvres, peaux, cuirs et cotons. Ainsi, pour résister à la baisse des changes, la Révolution était obligée, chaque jour, d’abandonner un peu de ses principes libéraux, de se replier sur elle-même, d’éiever entre elle et l’étranger une barrière. C’était un symptôme significatif que le peuple des consommateurs n’était plus seul à chercher dans la réglementation ancienne un moyen de salut, mais que déjà une partie de la bourgeoisie industrielle recourait au même remède.

La crise monétaire dominait toutes les autres. La Législative s’efforça de l’atténuer avec plus de persévérance que de bonheur. Pour faire cesser l’agio de l’échange des assignats contre le billet de confiance, elle décréta, le 23 décembre 1791, la confection des petits assignats de KO sous, de 25sous, de 15 sous et de 10 sous. Le 30 mars 1792, elle interdit aux particuliers, toute émission nouvelle de billets de confiance, elle ne laissa plus ce droit qu’aux seuls corps constitués et elle soumit enfin à des vérifications toutes les banques d’émission existantes. Ce n’était qu’une demi-mesure, Car les billets déjà émis n’étaient pas retirés de la circulation. Une mesure plus efficace consista à ordonner la frappe d’une grande quantité de billon fabriqué avec le métal des cloches des églises supprimées[25].

 

LES PREMIERS THÉORICIENS DE LA TAXATION. DOLIVIER. ROBESPIERRE.

Les troubles qui avaient commencé en novembre 1791 et étaient devenus si graves en février et mars 1792, disparurent presque entièrement en avril et en mai. A quoi faut-il attribuer cet heureux résultat ? Est-ce à la vigueur de la répression 7 à la fêle de Simoneau ou de la Loi ? aux achats de blé à l’étranger ? aux mesures législatives qui se succédèrent ? Un fait certain, c’est que le renchérissement ne diminua pas, c’est que l’assignat ne se releva pas. La situation économique ne fut pas sensiblement modifiée. Mais le grand changement, le fait nouveau, c’est que la guerre est déclarée le 20 avril. L’impression morale causée par cet événement agit momentanément comme un calmant sur les esprits surchauffés. Puis, beaucoup de pauvres diables, de ceux qui avaient donné à l’émeute ses troupes, s’enrôlèrent dans les bataillons de volontaires. Cela aussi explique le ralentissement des troubles.

L’observateur attentif peut s’apercevoir que le feu couve sous la cendre. Le peuple n’a pas obtenu satisfaction. II n’a pas renoncé définitivement à la réglementation et à la taxation. Qu’une occasion se présente, il reprendra le combat. Après les premières défaites de Mons et de Tournai, quand les luttes politiques se raniment et s’exaspèrent, quand les jacobins accusent la Cour de s’entendre avec les émigrés et de préparer la victoire de l’ennemi, la question sociale, un moment assoupie, reparaît tout a coup. Les plus déterminés des jacobins sentent qu’ils ne peuvent vaincre l’ennemi intérieur et extérieur qu’avec l’appui entier et sans réserve du peuple patriote des campagnes et des villes. Ils savent ce peuple irrité et déçu depuis l’échec de son grand mouvement de février et de mars, lis se disent qu’il faut effacer ce mauvais souvenir. Les mêmes jacobins qui avaient applaudi, en mars, à l’héroïsme du maire d’Etampes, un peu plus tard, en mai, font des difficultés et soulèvent des chicanes pour voter les crédits de sa fête funèbre proposée par les feuillants[26]. Leurs journaux réclament l’indulgence et même l’amnistie pour les émeutiers arrêtés ou condamnés.

Le 1er mai, un curé jacobin des environs d’Etampes, Lierre Dolivier, curé de Mauchamp, présente à l’Assemblée une pétition en faveur des victimes de la répression. II ne se bornait pas à plaider les circonstances atténuantes, il accusait Simoneau d’avoir aigri le peuple par « son âpre et repoussante inflexibilité », de l’avoir excité au crime en ordonnant précipitamment l'exécution de la loi martiale. Il insinuait que la précipitation avec laquelle le maire avait recouru à la force n’était peut-être pas désintéressée : « M. Simoneau, riche au moins de 18 à 20.000 livres de rentes, à la tète d’un immense commerce de tannerie, n’aurait-il pas été aussi intéressé dans celui des grains ? J’entends plusieurs personnes prétendre en être certaines ; mais je n’affirme rien. » Dolivier se risquait ensuite à une critique pénétrante de la législation en vigueur et a une justification théorique de la taxation. Ici il opposait le droit naturel au droit de propriété, la justice primitive à la justice légale. « Il est révoltant que l’homme riche et tout ce qui l'entoure, gens, chiens et chevaux, ne manque de rien dans leur oisiveté et que ce qui ne gagne sa vie qu’à force de travail, hommes et bêtes, succombe sous le double fardeau de la peine et du jeûne. Je prétends donc que dans ces circonstances [en temps de disette], la denrée alimentaire ne doit pas être abandonnée à une liberté indéfinie qui sert si mal le pauvre, mais qu’elle doit être tellement dispensée que chacun se ressente du fléau de la nature et que nul n’en soit accablé, surtout l’homme qui en mérite le moins. Ainsi la taxe «lu blé, contre laquelle on se récrie tant et que l’on regarde comme un attentat au droit commun, me parait à moi, dans le cas dont je parle, exigée par ce même droit commun dans une mesure proportionnelle. On taxait naguère la viande chez le boucher, le pain chez le boulanger. — Pourquoi ne taxerait-on pas, à plus forte raison, le blé dans les marchés ?... » Lancé sur cette pente, Dolivier ne s’arrêtait plus. Il s’en prenait hardiment au droit de propriété lui-même : « Quelle idée se fait-on de la propriété ? Je parle de la foncière. Il faut avouer qu’on a bien peu raisonné jusqu’ici et que ce qu’on a dit porte sur de bien fausses notions. Il semble qu’on ait craint d’entrer dans cette matière ; on s’est bien vite hâté de la couvrir d’un voile mystérieux et sacré, comme pour en interdire tout examen ; mais la raison ne doit reconnaître aucun dogme politique qui lui commande un aveugle respect et une fanatique soumission. Sans remonter aux véritables principes d’après lesquels la propriété peut et doit avoir lieu, il est certain que ceux que l’on appelle propriétaires ne le sont qu’à titre du bénéfice de la loi. La nation seule est véritablement propriétaire de son terrain. Or, en supposant que la nation ait pu et dû admettre le mode qui existe pour les propriétés particulières et pour leur transmission, a-t-elle pu le faire tellement qu’elle se soit dépouillée de son droit de suzeraineté sur les produits, et a-t-elle pu tellement accorder de droits aux propriétaires qu’elle n’en ait laissé aucun à ceux qui ne le sont point, pas même ceux de l’imprescriptible nature ? Mais il y aurait un autre raisonnement à Faire bien plus concluant que tout cela. Four l’établir, il faudrait examiner en soi-même ce qui peut constituer le droit réel de propriété, et ce n’est pas ici le lieu. J.-J. Rousseau a dit quelque part que « quiconque mange un pain qu’il a a pas gagné le vole ![27] »

On trouvera singulièrement hardi ce langage du curé jacobin. On dira qu’il est socialiste et je n’v contredis point. Mais ce socialisme-là ne puise pas seulement sa source dans l’extrême philosophie et le droit naturel, il est en un certain sens très archaïque. Dolivier faisait-il autre chose que reprendre au profit dé la nation le droit éminent que les anciens rois exerçaient sur toutes les terres de leur royaume ? Louis XIV disait lui aussi qu’il était maître de tous les biens de ses sujets. La nation succédait ii Louis X.1V. Le socialisme de Dolivier n’a d’ailleurs pour but que de justifier, en cas de disette seulement, le retour à la taxation et à la réglementation anciennes. Il est moderne, si on veut, par son accent, il est très ancien dans sa forme juridique, dans sou esprit évangélique, dans son objet comme dans ses moyens.

La pétition du curé de Mauchamp fut accueillie par un silence gêné par les démocrates de l’Assemblée eux-mêmes. La plupart des journaux ne la mentionnèrent même pas. Mais il se trouva aux Jacobins un homme pour eu faire l’éloge et pour en avouer les principes. Robespierre, dont la popularité était déjà très grande, la reproduisit eu entier dans son journal Le Défenseur de la Constitution[28], en l’entourant de commentaires gros de menaces. « Simoneau, écrit Robespierre, n’était point un héros, c’était un citoyen regardé généralement dans son pays comme un avide spéculateur sur les subsistances publiques, ardent à déployer contre ses Concitoyens une puissance terrible, que l’humanité, que la justice, et même la loi défendait d’exercer légèrement ; il fut coupable avant d’être victime[29] ».

Robespierre attaquait ensuite avec vigueur toute la classe dont Simoneau n’était que le représentant, cette bourgeoisie avide qui n’avait vu dans la Révolution que le moyen de succéder à la noblesse et au clergé et qui mettait à défendre le privilège delà richesse la même âpreté que ceux-là à défendre le privilège de la naissance. Robespierre écartait d’ailleurs comme une invention contre-révolutionnaire « la loi agraire », qu’il jugeait dangereuse et impraticable. Il répétait qu’il ne voulait pas détruire la propriété, mais seulement en régler l’exercice, de manière à en empêcher les abus. En somme, comme Dolivier lui-même, il ajournait la question théorique, mais il justifiait par avance le retour à la réglementation et à la taxation de l’ancien régime. Le 24 mai encore, à propos de la pétition d’un autre curé, celui de Perthuis, près de Saint-Malo, Robespierre protesta encore aux Jacobins contre la dureté de la répression exercée contre les paysans[30].

On peut déjà prévoir, par ces interventions de l’homme qui personnifiait la démocratie agissante, celle qui formera bientôt le gros du parti montagnard, que le vaste et inorganique mouvement paysan et ouvrier du printemps de 1792 ne sera pas sans lendemain. Les besoins des consommateurs, les revendications de toute la classe ouvrière des champs et des villes, ont maintenant un défenseur courageux et convaincu. Le parti de la réglementation et de la taxation se cherche et se groupe peu à peu. Quand les occasions favorables se présenteront, quand la royauté tombera au 10 août sous les coups des sans-culottes et sous le poids de ses propres fautes, quand l’invasion se fera menaçante et que Brunswick marchera sur Paris, le mouvement reprendra avec une vigueur nouvelle et, cette fois, ses aspirations passeront peu à peu dans les lois.

 

 

 



[1] Voir l’important éclaircissement de René Farge, sur les billets de confiance à Paris, dans les Actes de lu Commune de Paris, 2e série, t. VIII, p. 80, note 2.

[2] L. Béranger, Les billets de confiance à Caen.

[3] Archives du Doubs, L, 304.

[4] La Législative, pp. 1039-1040.

[5] Voir à ce sujet les curieuses Lettres d’aristocrates, publiées par P. de Vaissière.

[6] Victor FOROY, Le Club des Jacobins de Tulle, à la date.

[7] Annales révolutionnaires, septembre 1920.

[8] Lettre lue par Coupé (de l’Oise) à la séance du 14 février 17U2. Archives parlementaires.

[9] Voir Ch. LORAIN, I, p. 140 sq.

[10] ADHER, Le Comité des subsistances de Toulouse, p. XII.

[11] G. LEFEBVRE, t. I, p. 233 sq.

[12] G. LEFEBVRE et rapport de Cahier de Gerville, ministre de l’Intérieur, à la séance du 27 février 1792,

[13] Cette loi stipulait que les propriétaires de grains qui éprouveraient des violences et pillages seraient indemnisés par la nation qui se récupérerait sur les communes dans les territoires desquelles le délit aurait été commis. Ce texte manque nu recueil de M. Caron sur le Commerce des Céréales pendant la Révolution.

[14] Voir la séance du 24 février 1792 à la Législative.

[15] Sur les troubles de Noyon, consulter les débats de la Législative, depuis le 9 février jusqu’au 20 du même mois, dans les Archives parlementaires.

[16] Rapport de Tardiveau, du 15 mars 1792.

[17] Jaurès, La Législative, p. 1075.

[18] Voir la séance du 6 mars aux Archives parlementaires.

[19] Dans son rapport du G mars 1792, le ministre Cahier de Gerville affirme que nulle part en France, sauf dans la Marne et dans la Meuse, le blé n’était meilleur marché que dans l’Eure. Le setier s’y vendait 23 livres du 8 au 16 février, 21 livres du 16 au 24 février. Dans la Marne les prix étaient de 22 livres et dans ùa Meuse de 17 livres 18 sous.

[20] Les Révolutions de Paris, 141, 17-24 mars 1792.

[21] Lettre des administrateurs du Doubs à Duportail, en da :o du 18 octobre 1791. Archives du Doubs. L. 307.

[22] Lettre du district de Noyon lue à rassemblée par Coupé, le 14 février 1792,

[23] Voit son discours à la séance du 6 janvier 1791.

[24] G. LEFEBVRE, p. 252.

[25] Voir ces lois dans le recueil de M. Camille Bloch, sur la monnaie el le papier-monnaie (Bulletin d’histoire économique de la Révolution, 1911).

[26] Voir à la séance du 6 mai les interventions de Basire et d’Albitte.

[27] La pétition de Dolivier a été publiée par les Archives parlementaires, en annexe de la séance du 1er mai 1791.

[28] Il ne faut pas oublier que Robespierre n’avait pas attendu la pétition du curé de Bonchamp pour prendre position contre Simoneau. Dès le 28 mars 1792, il avait fait écarter par les jacobins la proposition qui avait été faite au club de lui décerner une couronne.

[29] Bûchez et Roux ont reproduit le n° 4 du Défenseur de la Constitution, t. XIV, pp, 263-277.

[30] E. Hamel, Histoire de Robespierre, t. II. p. 276. Le recueil de M. Aulard, sur la Société des Jacobins, ne donne de l’intervention de Robespierre qu’une brève mention inintelligible. Ce n’est pas la seule fois, hélas ! que ce recueil réduit à la-plus simple expression ou supprime les discours de Robespierre.