JOSÉPHINE RÉPUDIÉE 1809-1814

 

V. — ON ERRE - 15 mai-22 novembre 1810.

 

 

Une joie que ce retour. La nature est en fête et Malmaison, fleuri comme un bouquet, s'offre à la maîtresse revenue en la splendeur renouvelée de son printemps ; et des tulipes de Hollande que si rarement elle a vues s'épanouir aux jacinthes qu'elle n'a point encore admirées, des roses qui se varient et se nuancent à l'infini aux lilas qui argentent les buissons d'un vert naissant, des marronniers aux faux ébéniers et aux noyers du Japon, de la pointe des arbres au ras du parterre, c'est un tapis, des murs, des voûtes de fleurs. Tous les vilains bruits sont tombés. Plus d'exil, mais de surprenantes faveurs. On assure, écrit à Louis M. Decazes, que l'impératrice Joséphine aura une entrevue avec l'Impératrice, et qu'ensuite elle viendra passer quelques jours à Paris. La foule accourt, d'autant plus empressée que Leurs Majestés sont à Anvers et qu'on ne craint pas de déplaire à Marie-Louise ; d'ailleurs, comme il doit y avoir bientôt échange de visites, ne faut-il pas se tenir en garde contre un retour de faveur dont on aperçoit certains indices. Eugène n'a-t-il pas été appelé à accompagner l'Empereur et durant le voyage n'a-t-il pas reçu des distinctions particulières ? Ne sait-on pas, par les entours de Joséphine, qu'elle a reçu de l'Empereur Une lettre pleine d'affection, où il permet qu'elle prolonge son séjour à Malmaison, même après la rentrée de la Cour à Paris et où il annonce sa prochaine visite ? Des indiscrétions complaisantes n'ont-elles pas laissé surprendre des copies de cette lettre et cela ne fait-il pas nouvelle ?

Mon amie, a écrit l'Empereur, je reçois ta lettre. Eugène te donnera des nouvelles du voyage et de l'Impératrice. J'approuve fort que tu ailles aux eaux. J'espère qu'elles te feront du bien. Je désire fort te voir ; je compte être à Saint-Cloud le 30 du mois. Ma santé est fort bonne. Il me manque de te savoir contente et bien portante. Fais-moi connaître le nom que tu voudrais porter en route. Ne doute jamais de toute la vérité de mes sentiments pour toi ; ils dureront autant que moi. Tu serais injuste si tu en doutais.

Joséphine a donc tout lieu d'être contente et elle le témoigne. Elle a son petit-fils, son préféré, le dernier né d'Hortense, le petit Oui-Oui, pour qui la mère a craint le printemps de Hollande et que, pour .bien des causes, elle n'a pu emmener : très souvent on le conduit à Malmaison. Reste Hortense elle-même ; mais voici que, de Verdun, elle écrit qu'elle a quitté La Haye et qu'elle est en route pour Plombières. Rien d'autre. Joséphine peut penser qu'elle s'est mise sur cela d'accord avec Louis et qu'elle a l'assentiment de l'Empereur : Je ne doute pas, lui écrit-elle, que tu n'éprouves bientôt le bon effet des eaux et je t'engage à y prolonger ton séjour le plus que tu pourras. En revenant d'Aix, elle l'ira voir à Plombières ; en tout cas, ajoute-t-elle, j'espère que nous nous reverrons à Paris et que tu ne retourneras pas en Hollande, et elle termine par cet excellent conseil dont elle eût pu prendre sa part : Ne te laisse pas aller au chagrin et prends courage ; c'est la tranquillité d'Aure qui seconde l'effet des eaux.

On est au 8 juin et l'Empereur, revenu le 1er, n'a pas encore fait la visite promise ; mais Joséphine l'attend d'un jour à l'autre et retarde naturellement son départ. Enfin, le 13, voici Napoléon à Malmaison et cela fait une grande nouvelle. D'abord pour Joséphine, c'est un triomphe, c'est la marque de faveur ou de souvenir, qu'elle sollicitait avec tant d'instances. Puis, il faut bien admettre qu'elle n'a point quinze ans vécu avec un tel homme sans prendre pour lui, ou du moins pour ce qu'il apporte de bonheur, un sentiment d'admiration, de respect et de crainte. Comment n'eût-elle pas compris que, la main qui l'a soutenue se retirant d'elle, sa chute était profonde et sans remède ? J'ai eu hier un jour de bonheur, écrit-elle à sa fille ; l'Empereur est venu me voir. Sa présence m'a rendue heureuse quoiqu'elle ait renouvelé toutes mes peines... les émotions sont de celles 'qu'on voudrait éprouver souvent. Tout le temps qu'il est reste avec moi, j'ai eu assez de courage pour retenir des larmes que je sentais prêtes à couler ; mais après qu'il a été parti, je me suis sentie très malheureuse. Il a été pour moi bon et aimable, comme à son ordinaire, et j'espère qu'il aura lu dans mon cœur tonte la tendresse et tout le dévouement dont je suis pénétrée pour lui. Elle a profité de l'occasion pour parler de la position d'Hortense ; il l'a écoutée avec intérêt. Il est d'avis qu'Hortense ne retourne plus en Hollande, le roi ne s'étant pas conduit comme il aurait dû le faire et n'ayant pas tenu compte du sacrifice qu'elle a fait. Elle a prouvé par là à l'Empereur et à la famille de son mari combien elle désirait faire une chose qui leur fût agréable. Qu'elle prenne les eaux le temps nécessaire ; ensuite qu'elle écrive à son mari que les médecins lui conseillent d'habiter un pays chaud pendant quelque temps ; qu'en conséquence, elle va en Italie, près de son frère. Quant à son second fils, l'Empereur donnera ordre qu'il ne sorte pas de France. Restera l'aîné, le prince royal de Hollande grand-duc de Berg, qui est en ce moment à Amsterdam ; l'avenir y pourvoira. Napoléon sait mieux que qui que ce soit où en sont les affaires de Louis et combien ce trône est fragile. S'il se montre si facile à l'égard d'Hortense, n'est-ce pas que la présence de celle-ci en Hollande aurait pour effet de compliquer encore la situation ?

Joséphine n'a plus de raison pour retarder son départ ; car l'entrevue avec Marie-Louise parait indéfiniment ajournée, au moins n'en a-t-il été nullement question durant les deux heures que l'Empereur a passées à Malmaison. Malgré cela, Joséphine parait fort satisfaite et elle est d'une gaîté folle toute la soirée.

Avant qu'elle se mette en mouvement, elle se souvient de quantité d'enfants qu'elle a promis de nommer et qui espèrent son bon plaisir. On n'aura plus il est vrai, Napoléon pour parrain, mais, si l'on se dépêche, on aura Eugène. Vite, le chambellan de service écrit aux favorisés que Sa Majesté les attend tout de suite à Malmaison pour y faire les baptêmes projetés. Il faut qu'ils s'y rendent tout de suite avec les enfants. Son Altesse Impériale le vice-roi fait dire dans l'instant qu'il va se rendre à Malmaison. Il ne faut pas perdre de temps. Émoi suprême : Mgr Louis-Mathias de Barrai, premier aumônier, est là tout disposé, le parrain et la marraine sont prêts et les enfants n'arrivent pas. Les voici enfin et quel mélange. bizarre de noms, de situations, de fortunes et de destinées ! C'est d'abord Joséphine-Eugénie-Valentine de Walsh-Serrant, la fille tard venue de la dame du Palais ; — elle épousera un La Trémoille, duc de Thouars, prince de Tarente et de Talmont, et sera une des plus grandes dames d'Europe ; puis, Joséphine-Eugénie Ordener, la fille du général Michel Ordener, le chevalier d'honneur, le gouverneur de Compiègne, puis, Marie-Jean-Joseph-Eugène Sue, le fils du premier médecin de la garde, — et ce sera l'auteur du Juif errant et des Mystères de Paris ; enfin Eugène-Joseph Lucas, le petit-fils d'un Lucas qui passe pour un botaniste, parce qu'il passe pour le bâtard de M. de Buffon et qui, de l'héritage de son père putatif, a retenu la place de garde des galeries du Muséum d'histoire naturelle à laquelle il a joint celle d'agent de l'Institut de France, — à telle enseigne que chaque année il apporte son traitement de membre de l'Institut à l'Empereur qui lui en fait présent. Ce Lucas qui, par les Thouin et Mirbel, s'est familiarisé à Malmaison a un fils pour qui il a obtenu la survivance de ses deux places et qu'il a, à sa suite, introduit chez l'Impératrice. Or, Joséphine, qui a le goût de marier les gens, était justement en quête d'un époux pour une fille de Leroy, son marchand de modes[1]. Elle a pensé au jeune Lucas 'et voilà un ménage. Non contente d'avoir fait la fortune de son couturier et le mariage de sa fille, elle est à présent la marraine de son petit-fils et, sur un pied d'égalité avec la comtesse de Serrant et la comtesse Ordener, Leroy parade dans la chapelle de Malmaison.

Les dragées distribuées, l'on part. L'Impératrice voyage sous le nom de comtesse d'Arberg. Elle mène avec elle l'inséparable Mme d'Audenarde et Mlle de Mackau qu'elle vient d'enlever à Stéphanie de Bade. Mme de Rémusat qui a besoin des eaux d'Aix la rejoindra sous prétexte de service et prendra ainsi une cure gratuite. En hommes, MM. de Turpin et de Pourtalès ; c'est toute la cour : ni Mme d'Arberg qui imposerait ses conseils, ni de M. de Beaumont qui glisserait ses avis. On prend ce qu'on appelle la route de Borne, par Melun, Auxerre, Mâcon et Lyon. On va directement jusqu'à Lyon où l'on s'arrête deux jours ; de là par Genève, on arrive à Aix. La maison qu'on a destinée à l'Impératrice est si petite qu'il a fallu en louer une seconde pour les hommes de la Maison ; mais on a eu soin de porter les meubles, le coucher de Sa Majesté, ses nécessaires et bien des bijoux. Tout de suite, on prend un train de vie fort honnête et fort simple, — point d'uniformes ni de costumes — et, n'était la belle calèche à la livrée impériale, on dirait d'une baigneuse qui, à la russe, se fait suivre de sa société habituelle, et non d'une souveraine. Joséphine, au sortir du lit, prend en conscience ses bains et ses douches ; puis, selon l'usage, elle se recouche jusqu'au déjeuner qui est à onze heures et pour lequel toute la petite cour se réunit au Palais. — Où qu'elle habite et quel que soit le taudis, le logis prend ce nom. — Ensuite, tandis qu'elle travaille et fait travailler ses dames à ses interminables tapisseries, on lit à haute voix les nouveautés de Paris que Barbier prend soin d'envoyer : des romans et des pièces de théâtre. On va ainsi jusqu'à cinq heures où l'on fait toilette. A six heures, on dîne ; après diner on se promène en voiture ; à neuf heures, on est rentré pour la partie de l'Impératrice ; Mme de Mackau chante ; à onze heures, tout est couché. Les grandes chaleurs venues, on retarde le dîner jusqu'à huit heures et l'on se promène le matin. Personne à voir les premiers jours ; on vit entre soi, et l'Impératrice, d'excellente humeur, se promène beaucoup et engraisse.

Elle est rassurée à présent sur l'avenir de sa fille, rassurée aussi sur la possession de Navarre dont la transmission a été faite dans tontes les formes par l'Archichancelier, présidant le Conseil du Sceau des Titres à son mandataire, Me Chauveau-Lagarde. Elle pense donc aux réparations, à l'ameublement, aux terres et c'est l'occasion d'une grande correspondance avec Berthaut. Étant en train, elle fait renouveler en entier sa chambre à Malmaison où elle ordonne, dans le parc, quantité de travaux. Même, l'affaire à laquelle elle tient, le mariage de Louis Tascher avec la princesse de la Leyen, se termine : l'Empereur a donné cent mille livres de rente, et un titre de comte, plus la réversibilité du titre de duc et des deux cent mille francs de dotation qu'il a attribués au neveu du Prince primat, le baron Dalberg. Tout est donc au mieux. Elle ira, vers la mi-juillet, faire une tournée dans les glaciers, puis reprendra une seconde saison et terminera par un voyage en Suisse. D'ailleurs, les visites ne vont pas lui manquer. Elle aura sa fille, à qui, malgré la gaieté que lui voient les gens qui l'entourent, elle écrit des lettres d'appel désespérées, lui disant : Fais que je te voie, ma chère fille ; seule, abandonnée, loin de tous les miens et au milieu des étrangers, juge combien je buis triste et quel besoin j'ai de ta présence ! Elle aura son fils et sa belle-fille quand ils retourneront à Milan et puis, à la mi-juillet, les baigneurs vont affluer. S'il lui plaisait, tout Chambéry s'empresserait chez elle, et, pour peu qu'elle fit un signe, elle recevrait les compliments des villes et les réjouissances officielles des habitants ; mais elle refuse les honneurs ; elle conserve son demi-incognito. Il lui plait ainsi et, d'ailleurs, elle ne peut faire autrement.

L'incendie du bal Schwartzenberg occupe vivement te petit monde où les choses de la grande cour prennent une telle importance. Personne qui touche Joséphine, hormis la princesse de la Leyen, n'est pourtant sérieusement blessé, et Auguste est sortie des premières conduite par son mari ; mais, par ressouvenir, Joséphine s'émeut, verse des larmes, s'étonne de ne pas avoir été du drame, écrit à l'Empereur, pense à elle-même surtout : Quelle singulière situation, dit-elle, un lien encore si fort et des intérêts devenus si différents ! Autour d'elle, on se désespère et l'on se rassure, on a des crises de nerfs jusqu'à ce qu'on ait reçu des lettres ; puis, ce sont des récits sans fin. L'arrivée de Charles de Flahaut fait diversion : il vient de Plombières où il a laissé la reine fort souffrante : heureusement, outre Julie, dont elle se passerait, elle a près d'elle Mme de Souza et d'ailleurs elle se dispose à venir. Pour l'attendre, Charles de Flahaut se joint à la maison de l'Impératrice et, très vite, il y met du mouvement ; car il est de ressource, d'une conversation aimable, fort gai, chantant bien et il a l'heureux don de plaire. Les dames en sont contentes. Après lui, voici le flot des baigneurs : M. et Mme de Chateaubriand, Mme de Sales, le jeune ménage Tascher : la femme inconsolable de la mort de sa mère, le mari perclus d'un accès de cette goutte qu'il gardera comme brevet de longévité jusqu'à ses quatre-vingts ans. Tout à l'heure, une autre société avec qui l'on échangera des politesses, mais avec quelque prudence : Mme Récamier, la comtesse de Boigne, Adrien de Montmorency, les Sosthène de La Rochefoucauld, le baron de Vogt, coterie d'opposition violente où pourtant Joséphine et Hortense chercheront des amis. Le vice-roi arrive, mais il a laissé à Genève sa femme enceinte qui, vu les mauvais chemins, n'a pas pu pousser jusqu'à Aix ; Joséphine avec Mme d'Audenarde, Pourtalès et Flahaut, décidément en pleine faveur, va passer à Genève une journée avec elle (11 juillet).

Une bien autre nouvelle à présent que celle de l'incendie de Schwartzenberg, c'est l'abdication de Louis et, c'est l'Empereur lui-même qui l'apprend à Joséphine. Mon amie, lui écrit-il, j'ai reçu ta lettre du 5 juillet. Tu auras vu Eugène et sa présence t'aura fait du bien. J'ai appris avec plaisir que les eaux te sont bonnes. Le roi de Hollande vient d'abdiquer la couronne en laissant la régence, selon la Constitution, à la reine. Il a quitté Amsterdam et laissé le grand-duc de Berg. J'ai réuni la Hollande à la France, mais cet acte a cela d'heureux qu'il émancipe la reine et que cette infortunée fille va venir à Paris, avec son fils, le grand-duc de Berg. Cela la rendra parfaitement heureuse. Ma santé est bonne. Je suis venu ici (à Rambouillet), pour chasser quelques jours. Je te verrai avec plaisir cet automne. Ne doute jamais de mon amitié. Je ne change jamais. Porte-toi bien, sois gaie et crois  à la vérité de mes sentiments.

Cette abdication de Louis, c'est le texte sur lequel, désormais, on brode des commentaires : d'abord, ce que l'Empereur a écrit à Hortense et le sort qu'il lui réserve ; puis, ce qu'est devenu le roi, où il est, ce qu'il fait, les destinées qu'on prépare au grand-duc de Berg. Hortense va arriver et donnera toutes les nouvelles ; on lui prépare une maison qu'a mise à ses ordres un particulier ; c'est la plus grande qui soit à Aix, elle est très bien située, avec une vue charmante. Joséphine est enchantée ; mais quelque tendresse 'qu'elle ait pour sa fille, l'égoïsme est toujours supérieur et elle n'entend pas se priver pour elle : Tu pourras te promener partout en calèche, lui écrit-elle ; tu seras bien aise d'avoir la tienne. J'ai la mienne et je m'en sers tous les jours.

En effet, ce n'est que promenades et parties et, chaque jour, la foule venue de Chambéry, de Genève, de Turin, de Grenoble, s'amasse devant la maison de l'Impératrice pour voir la jolie calèche, les beaux chevaux, les livrées, et, au milieu de tout cela, la figure douce et toujours bienveillante de la patronne. On lui remet, au passage, quantité de pétitions pour l'Empereur et l'on a l'air de croire encore qu'elle est un intermédiaire entre le malheur et lui. En réalité on comprend peu ; la situation est si étrange. Elle va à Chambéry, elle va à la cascade de Grésy où elle admire les trois chutes d'eau à côté et en même temps, l'une sur l'autre, les masses de rochers qui ont de jolies cascades et, au fond, le petit torrent qui fuit au travers des plus beaux arbres ; elle va en bateau à Hautecombe, par delà le lac du Bourget, voir les ruines de l'abbaye et la fontaine intermittente et, au retour, dans une de ces perfides tempêtes du lac, si véhémentes, si vite élevées, elle manque périr dans te bateau de promenade que chavire la banne arrachée par le vent. Crises de nerfs des dames, durant que, pour les rassurer, Charles de Flahaut chante des romances : J'ai vu avec peine le danger que ta as couru, lui écrit t'Empereur. Pour une habitante des îles de l'Océan, mourir dans un lac, c'eût été fatalité.

Voici à présent Hortense : Mme de Boubers vient de ramener son fils aîné d'Amsterdam à Saint-Cloud où le second l'a rejoint de Saint-Leu. L'Empereur les a installés au pavillon d'Italie et il attend à chaque instant la reine qui, écrit-il, doit bientôt arriver. Mais la reine a d'autres soins ne se doit-elle pas à sa mère, et aussi à d'autres ? Elle est pâle, maigre, fort abattue, toujours prête à pleurer sans savoir pourquoi ; mais elle ne crache plus le sang, et l'on compte que la distraction lui fera le plus grand bien. Elle imagine des petites fêtes, comme pour la Sainte-Claire qui est la fête de M' de Rémusat. On déjeune dans le jardin ; on chante des couplets ; on joue une petite scène de proverbe fort aimable, on porte des santés, et les toasts sont favorisés, car, peu à peu les maladies les plus rebelles cèdent par enchantement. Ainsi est-il d'Hortense, qui a retrouvé à Aix le médecin qui, à Plombières, avait commencé sa cure.

Dans cette oisiveté de la ville d'eaux, même avec l'obligation des bains et le déjeuner retardé jusqu'à midi, on est constamment ensemble, depuis midi jusqu'à cinq et même six heures, au palais où l'on cause, on travaille, on lit de mauvais romans ; à la promenade, jusqu'à huit heures ; au dîner, puis au Casino si l'on sort, au salon si l'on reste. Les désœuvrés ont bien des occasions et prennent leurs avantages. C'est une vie qui entraîne et oit l'on se laisse agréablement entraîner.

Joséphine, qui n'y trouve pas les mêmes plaisirs, commence à s'en lasser. Forte de l'approbation de l'Empereur qui lui a écrit : Je vois avec plaisir que tu aimes Genève ; je pense que tu fais bien d'y passer quelques semaines ; elle prépare le séjour qu'elle y compte faire par des voyages répétés. Elle y a passé à l'arrivée ; elle y est venue le 11 juillet pour voir Auguste ; elle y retourne du 11 au 13 août : Est-ce la fête du lac qui l'attire, l'idée de se montrer aux Genevois dans une barque décorée exprès pour elle M traînée par deux cygnes ? est-ce vraiment le désir de visiter des manufactures et d'y faire des emplettes ? En tout cas, elle est pressée, car, pour revenir, elle court toute la nuit. Quelque joie qu'elle ait manifestée à vivre près de sa fille, il faut croire que ce plaisir a été troublé, car, tout au commencement de septembre, la voici à Sécheron, fort mal installée à l'hôtel d'Angleterre, dans trois petites chambres, et elle a laissé à Aix Hortense qui doit la rejoindre, si l'Empereur le permet.

Que s'est-il passé ? Mystère. On ne peut penser que ce soit l'annonce de la grossesse de Marie-Louise qui met Joséphine en cet état. Elle vient d'en écrire à l'Empereur. Elle espère que cette démarche le mettra à son aise et qu'il pourra lui en parler avec autant de confiance qu'elle a d'attachement pour lui. Mais Napoléon, dans sa réponse, fort aimable pourtant, a tourné court, glissant seulement au milieu de compliments, de nouvelles des petits Napoléon : L'Impératrice est effectivement grosse de quatre mois ; elle se porte fort bien et m'est fort attachée.

Vers le 10 septembre, sans attendre Hortense, Joséphine part pour faire le tour du lac ; elle passe deux jours à Lausanne, à l'auberge du Lion d'Or à peu près incognito ; puis, elle revient à Sécheron où sa fille arrive enfin : quelques excursions alors, comme au château de Crans, à Céligny où le général Cannac d'Hauteville, qui occupe la maison Millet, lui présente le pasteur et les notables ; et puis il faut qu'Hortense rentre à Paris : l'Empereur commence à s'étonner qu'une mère si tendre n'éprouve nul besoin de revoir ses fils qu'elle a quittés, l'un depuis six mois, l'autre depuis quatre ; il le dit d'un tel ton qu'il convient d'entendre.

Joséphine, seule à présent, fréquente le théâtre de Genève où Elleviou et Mme Kintre sont en représentation ; elle reçoit familièrement le maire, les députés, les tribuns du Léman qu'elle a connus jadis à Paris, Pictet, Boissier, Prévost ; elle visite des maisons, des campagnes, des ateliers ; elle achète des tableaux à Töpfer, à Linck, surtout à Delarive, ce peintre célèbre qui sera dans tous les temps l'honneur de son siècle et de sa patrie. C'est une touriste. Résisterait-elle à voir Mme de Staël, si celle-ci était à Coppet ? Mais Mme de Staël est à Blois, d'où, le 24 septembre, elle écrit à Mme de Barante, la femme du préfet du Léman : Pendant ce temps, vous avez des impératrices et tout le monde passé se retire chez vous. Si j'avais cru que cette impératrice pût me voir familièrement, j'aurais beaucoup regretté de n'être pas à Coppet, mais je ne crois pas que ce que je désire serait arrivé. Si M. de Barante était indiscret comme, moi, il lui aurait fait bien des questions sur le sentiment, mais je ne crois pas qu'il m'ait, à cet égard, remplacée.

M. de Barante, loin d'avoir cherché à converser avec l'impératrice déchue, l'a sans doute négligée, peut-être offensée. Que s'est-il passé pour qu'elle, généralement peu agressive, ait porté des plaintes auxquelles Napoléon répond : La conduite de Barante me parait fort ridicule ? N'est-ce pas pour ce motif que quelques mois plus tard le préfet est appelé à d'autres fonctions ? De plus, Joséphine n'a-t-elle pas fait allusion à l'exil de Mme de Staël ? On le croirait à lire ce que lui répond l'Empereur le 28 septembre[2] : Mme de La Trémoille est une des plus folles du Faubourg ; j'ai souffert fort longtemps son caquet, je m'en suis ennuyé et j'ai ordonné qu'elle ne revint plus à Paris. Il y a cinq ou six autres vieilles femmes que je veux également renvoyer de Paris ; elles gitent les jeunes par leurs sottises.

Cette lettre où l'Empereur accumule les témoignages d'intérêt, où il s'informe avec inquiétude de la santé de Joséphine, où, sur le désir qu'elle en a exprimé, il annonce qu'il nommera baronne Mme de Mackau et qu'il fera ses autres commissions, ne renferme aucune allusion à ses projets de retour. Par suite, Joséphine doit penser qu'après sa tournée en Suisse, elle se trouvera libre de rentrer à Malmaison.

Elle la commence, cette tournée : le 25, elle part de Genève, et, après une couchée à Morges chez M. De-luxe et un grand déjeuner a la Lance près de Concise, terre qui est à M. Pourtalès, le frère de l'écuyer, elle arrive le 27 au soir à Neuchâtel. Quoique Lespérut — le Lespérut d'Elisa — qui gouverne la principauté au nom de Berthier, prétende lui en faire des honneurs, c'est encore chez les Pourtalès qu'elle descend. Mais elle permet que le lendemain, Lespérut l'accompagne dans son tour des montagnes : au Locle, où elle est reçue par les autorités et logée dans la maison dite Houriet de Paris ; au saut du Doubs, où on lui a préparé des musiques et où elle commande un tableau au peintre Lorry ; à la Chaux-de-Fonds où elle refuse de descendre à la Fleur de Lys et où elle va dîner à la Balance. Au retour, à Neuchâtel, sérénades, réception des personnages d'importance, entre autres d'une Mme Petitpierre, femme d'un commandant, laquelle présente son fils qu'on prétend filleul de Napoléon. Le 30, Joséphine s'embarque à Gerlier, sur le lac de Bienne, pour une promenade à l'île Saint-Pierre : là collation et sérénade offertes par le préfet, au nom du gouvernement bernois ; elle continue sur Berne, visite en passant le pensionnat de Montmirail, tenu par les Frères Moraves, et, arrivée à Berne, s'y installe pour une quinzaine.

A Berne, au moment où, le froid survenant, elle se prépare au retour à Malmaison, elle reçoit les premiers avis que l'Empereur y met obstacle[3]. Mme de Rémusat lui écrit une longue lettre, très étudiée, où au milieu des phrases qui se rendent flatteuses, est glissé l'avis ou, si l'on veut, le conseil de ne pas rentrer à Paris. Vous vous rappelez, écrit-elle, que vous avez quelquefois regretté avec moi que l'Empereur n'eût pas, au moment de son mariage, pressé l'entrevue de deux personnes qu'il se flattait de rapprocher facilement parce qu'il les réunissait alors dans ses affections. Vous m'avez dit que, depuis, il avait espéré qu'une grossesse, en tranquillisant l'Impératrice sur ses droits, lui donnerait les moyens d'accomplir le vœu de son cœur ; mais, Madame, si je ne me suis pas trompée dans mes observations, le temps n'est pas venu pour un tel rapprochement. Ce sont alors dans de longs détails sur la disposition à la jalousie que témoigne Marie-Louise ; Mme de Rémusat s'appuie, pour l'avis qu'elle donne, de l'opinion du grand maréchal dont Joséphine doit connaître l'attachement : Ici, dit-elle, au milieu de la joie que cause cette grossesse, à l'époque de la naissance d'un enfant attendu avec tant d'impatience, au bruit des fêtes qui suivront cet événement, que feriez-vous, Madame ? que ferait l'Empereur qui se devrait aux ménagements qu'exigerait l'état de cette jeune mère et qui serait encore troublé par les souvenirs des sentiments qu'il vous conserve ? Il souffrirait, quoique votre délicatesse ne se permit pas de rien exiger ; mais vous souffririez aussi ; vous n'entendriez pas impunément le cri de tant de réjouissances, livrée comme vous le seriez peut-être à l'oubli de toute une nation, ou devenue l'objet de la compassion de quelques-uns qui vous plaindraient peut-être par esprit de parti. Peu à peu, votre situation deviendrait si pénible qu'un éloignement complet parviendrait seul à remettre tout en ordre.

Et, d'accord avec le grand maréchal, elle conclut qu'il reste à l'Impératrice un sacrifice à faire, et qu'il est digne d'elle de ne point attendre les événements et de les prévenir en écrivant à l'Empereur une courageuse détermination : un voyage un peu prolongé, un séjour à Milan, à Florence, à Rome, l'hiver passé en Italie, le retour, au printemps, à Navarre, voilà ce qu'elle propose, au milieu des phrases qu'elle juge le mieux propres à émouvoir Joséphine et à la flatter, de compliments et de louanges sur les grâces de sa personne, sur les avantages qu'elle possède et qui peuvent établir une concurrence, avec les respects, les adulations et les très humblement qui conviennent.

C'est tout juste le programme que, le 25 avril, Eugène a formellement proposé au nom de sa mère et qui, accepté par l'Empereur, a semblé la loi des parties. Mais, depuis lors, dans la lettre du 8 juillet, Napoléon, par bonté d'âme, a écrit : Je te verrai avec plaisir cet automne, et Joséphine s'en est emparée. C'est un mot échappé, mais il doit suffire pour rompre les engagements les plus forts, dès que c'est elle qui les a pris. Sur ce mot, elle s'est convaincue que son retour à Malmaison était assuré, qu'il ne serait plus question du voyage d'Italie et, sans doute, a-t-elle écrit pour annoncer son arrivée.

C'est alors que, sans se découvrir personnellement, ce qui vat été comminatoire, l'Empereur a fait agir Mme de Rémusat. L'a-t-il vue lui-même, ou, ce qui, semble plus probable, lui a-t-il envoyé Duroc ? A-t-il contre Joséphine d'autres griefs, comme de dettes nouvelles, de réceptions souveraines, ou de propos tenus dans son salon ? Il ne semble pas. Ce qu'if réclame, c'est simplement l'exécution du contrat conclu avec Eugène et si, malgré ses sentiments, il ordonne ces insinuations, c'est que, outre les convenances pour lui-même, pour Marie-Louise et aussi pour Joséphine, il assure ainsi le repos de sa jeune femme et son repos à lui-même. Marie-Louise aime son mari : elle n'a pu voir sans jalousie et sans colère qu'il conservât, pour sa première femme, si inférieure à elle par l'origine, la race, l'existence, une sorte de tendresse et des soins affectueux. Elle ne peut supporter ce qui la rappelle, et toutes les tentatives qu'a faites Napoléon pour suggérer, sinon une sympathie, du moins une curiosité, ont échoué devant un orgueil qui ne tolère pas la comparaison, devant une idée de dignité qui semble naturelle et louable chez une femme de vingt ans, née archiduchesse et élevée catholique. Si timides qu'aient été les propositions de visite à Malmaison, même en l'absence de Joséphine, ç'a été aussitôt un déluge de larmes offensées et brûlantes et a si elle n'osait pas refuser, les marques de sa douleur étaient trop visibles pour que l'Empereur sût insister m. Napoléon recule donc à présent devant des sentiments dont, avant son second mariage, il n'avait soupçonné ni la profondeur ni l'étendue, qu'il s'était alors flatté de concilier avec l'affection qu'il conservait à Joséphine, mais qui lui apparaissent à présent tels qu'ils sont : non pas seulement comme la jalousie de la jeune épouse contre la vieille mal-tresse, mais comme la résultante fatale, chez Marie-Louise, de la naissance, de l'éducation et même Ide sacrifice qu'elle a accompli en l'acceptant pour mari. Qu'il s'y mêle une rivalité de femme ; qu'on ait fait entendre à Marie-Louise que l'Empereur aime toujours la répudiée ; qu'on ait, à dessein, loué devant elle la beauté de Joséphine et laissé sous sa main un portrait où elle était représentée dans tout le charme de ses grâces, avec l'éclat emprunté d'une jeunesse frauduleuse ; que, de là Marie-Louise ait pris par surcroit des impressions d'hostilité, cela peut être ; mais elles n'ont fait que s'ajouter à une répulsion invincible dont tous les motifs sont honorables et légitimes.

Napoléon ne laisse pas pourtant que d'être fièrement embarrassé, car, s'il notifie lui-même à Joséphine qu'elle ait à ne pas rentrer à Malmaison, c'est un ordre d'exil qu'il lui inflige, désastreux pour elle, douloureux pour lui-même, impolitique devant le public. N'y a-t-il pas déjà assez d'exilées et cette guerre déclarée aux femmes où, maintenant, c'est à sa propre femme qu'il s'attaquera, n'est-elle pas pour fournir à la malignité des armes singulièrement dangereuses ? il a donc longé la courroie jusqu'au dernier moment, espérant que Joséphine comprendrait et adopterait le seul parti qui fût convenable. Acculé, il a fait agir Mme de Rémusat, pensant que d'une femme et d'une ancienne confidente, le conseil serait mieux reçu ; mais ii ne s'attend pas à ce qui arrive.

Sur la lettre de Mme de Rémusat, Joséphine d'abord atterrée, s'affole. Elle y voit une menace de proscription définitive et, pour s'y soustraire, elle se déclare prête à tout subir, à aller où l'on voudra, à suivre exactement le programme arrêté, pourvu qu'on lui laisse l'espérance de revenir. Elle écrit à l'Empereur ; elle écrit à Hortense ; elle envoie Deschamps à Paris, aux nouvelles. Il verra d'abord Mme de Rémusat, lui dira combien l'Impératrice a été touchée de ses avis : elle allait venir au moment où la lettre lui est parvenue : c'est cette lettre qui a arrêté le retour. Mais maintenant que doit-elle faire ? Son plan, dit-elle, est de rester à Genève, d'aller à Milan, de revenir à Aix et de ne reparaître à Navarre qu'au mois de septembre. Ainsi offre-telle plus qu'on ne lui a demandé, dans l'espoir qu'on lui rabattra quelque chose. Encore, dans sa lettre à l'Empereur, a-t-elle introduit des restrictions, parlé de son sacrifice, laissé une porte ouverte et, par les concessions où elle s'est déclarée prête, s'est-elle arrangée pour provoquer une émotion dont Hortense a reçu mandat de profiter pour obtenir des conditions meilleures.

Point de réponse, ni de l'Empereur, ni d'Hortense ; Deschamps ne sait rien ; Mme de Rémusat dont le rôle est terminé n'a plus rien à dire. Alors, à Berne, la tête de Joséphine travaille et s'exalte ; elle se voit à jamais chassée de Malmaison et de Paris, privée de ses habitudes et de sa société. Pas un mot de toi depuis vingt jours que tu es séparée de moi, écrit-elle à sa fille. Que veut dire ton silence ? J'avoue que je me perds dans mes conjectures et que je ne sais plus que penser. Toi seule, ma chère fille, peux me tirer de l'incertitude dans laquelle je vis. Si, d'ici à trois jours, je ne reçois pas de lettres qui m'annoncent ce que je dois faire, je penserai que l'Empereur n'aura pas approuvé la demande que je lui ai faite ; je partirai pour Genève ; je renoncerai par conséquent à visiter le reste de la Suisse que je ne connais pas : de Genève, je me rendrai à Malmaison ; au moins, là je serai en France et, si tout le monde m'abandonne, j'y vivrai seule avec la conscience d'avoir sacrifié mon bonheur pour faire celui des autres. De grâce, ma chère Hortense, écris-moi ta position. L'état de douleur dans lequel j'existe depuis huit jours me mine et rendrait sensible la personne la plus indifférente. Adieu, ma chère fille, puisses-tu être aussi heureuse que tu le mérites.

Le lendemain (13 octobre), ad moment où elle accuse le plus la négligence de ceux qui l'aiment, elle reçoit d'Hortense une lettre en date du 4, dont la transmission a été peut-être retardée pour que, dans l'intervalle, les conseils de Mme de Rémusat aient produit leur effet. Napoléon n'a pu, cette fois encore, tenir contre ces larmes et ce désespoir, et malgré qu'un seul parti lui convint, celui de l'hiver passé en Italie, ignorant encore au moment où il a vu Hortense que Joséphine est à présent presque résignée à Milan, il a admis un tempérament et prononcé le nom de Navarre. Aussitôt Joséphine s'en empare. Ma chère Hortense, écrit-elle à sa fille, je reçois aujourd'hui la lettre que tu m'as écrite le 4 et nous sommes au 13 : juge combien elle a mis de temps à me parvenir. J'avoue que, malgré ce retard, elle a du moins décidé le parti que je dois prendre et après y avoir bien réfléchi, je suivrai la première idée de l'Empereur, je vais m'établir à Navarre. Je trouve beaucoup d'inconvénients à aller en Italie surtout pour y passer l'hiver. Si c'était un voyage d'un ou deux mois, j'irais volontiers voir mon fils, mais, pour y rester davantage, c'est impossible. D'ailleurs, ma santé qui s'était fortifiée est devenue très mauvaise depuis quinze jours ; mon médecin me conseille le repos et j'aurai tout le temps à Navarre de soigner ma santé. Tout ce que tu me dis de l'intérêt que me porte toujours l'Empereur me fait plaisir. J'ai fait pour lui le plus grand des sacrifices, les affections de mon cœur ; je suis sûre qu'il ne m'oubliera pas s'il se dit quelquefois qu'une autre n'aurait jamais eu le courage de se sacrifier à ce point. Je partirai d'ici mardi ou mercredi et je serai à Genève samedi ou dimanche 21. Je désire recevoir encore un mot de toi avant de fixer mon départ pour Navarre, afin de savoir si l'Empereur trouve bien que je passe l'hiver dans ce lieu. Parle-moi franchement à cet égard. Je t'avoue que, s'il fallait m'éloigner de la France plus d'un mois, je mourrais de chagrin. A Navarre du moins, j'aurai le plaisir de te voir quelquefois, ma chère Hortense, et c'est un si grand bonheur pour moi que je dois préférer le lieu qui me rapprochera le plus de ma chère fille. Adieu, je t'embrasse de tout mon cœur ; embrasse pour moi mes petits-fils. Et en post-scriptum : Si j'allais en Italie, je suis sûre que plusieurs personnes qui me sont attachées me donneraient leur démission.

Ainsi, c'est fini de Milan, des promesses faites, des terreurs éprouvées, et Mme de Rémusat, on le sent, devient seule coupable des avis qu'elle a transmis. Pourvu qu'elle rentre en France, qu'elle satisfasse ce petit monde dont elle est la maîtresse et l'esclave, qu'elle se rapproche de Paris, qu'elle échappe à l'horreur de cette vie a l'étranger, qu'importe à Joséphine sa dignité compromise par ces marchandages, que lui importe de ne se sentir que tolérée, pourvu qu'on la tolère ? Pas un instant, elle n'a la pensée que, en allant faire connaissance avec ses petits-enfants italiens, elle se procurerait des joies, tout en contentant l'Empereur et en se mettant elle-même en une posture convenable. Elle préfère à ce parti qui aurait l'air naturel et qui serait justifié, l'apparence même de la défaveur, d'un exil à quarante lieues de Paris, un séjour odieux dans un pays insupportable, mais c'est en France, ses familiers l'accompagneront et ses marchands pourront y venir.

Désormais rassurée, elle jouit de Berne et des environs : elle visite les établissements d'Hofwill, elle accepte le déjeuner officiel que le gouvernement bernois lui offre dans la jolie villa In der Enge et dont Mme de Watteville, née d'Ernst, est chargée de faire les honneurs ; elle excursionne à Thoun, où l'avoyer de Mülinen la reçoit à déjeuner dans sa campagne de Hofsteten ; à Thoun, elle s'embarque pour Interlaken, d'où elle revient à Lausanne. Elle y est le 18. Là un commencement d'intimité avec la grande-duchesse Constantin, née princesse de Cobourg qui, comme on sait 'n'a pu vivre avec son mari et est venue chercher en Suisse un bonheur mieux assorti. Joséphine la trouve charmante, élégante, gracieuse et aimable, avec la plus jolie taille possible et joint à cela une charmante figure. Peu s'en faut qu'à cette liaison ainsi établie, elle n'ajoute les visites de Mme de Staël[4] : celle-ci, avec son habituelle assurance, s'autorisant d'ailleurs des relations anciennes qu'elle a eues avec Mme de Beauharnais, ne manque pas, bien qu'elle soit exilée et que son livre de l'Allemagne vienne tout juste d'être saisi, de solliciter une entrevue. Sans doute veut-elle autant interroger Joséphine sur le sentiment que lui demander de s'entremettre en sa faveur, comme, quinze jours plus tôt, par Mme Récamier, elle en a fait prier Hortense l'obligeante ci-devant reine. Pour obtenir cette audience, elle visite une femme de chambre qui, naturellement flattée, s'empresse de rendre la commission. Joséphine recevrait bien Mme de Staël si elle était assurée de sa discrétion, mais, dit-elle, je la connais trop pour oser risquer une pareille démarche. Dans le premier ouvrage qu'elle publiera, elle ne manquerait pas de rapporter notre conversation et Dieu sait combien elle me ferait dire des choses auxquelles je n'ai jamais pensé. Au moins, est-ce là un acte de prudence, mais il faut avouer qu'il n'est point spontané.

A Genève, où elle arrive après un arrêt à Morges, elle trouve une lettre de l'Empereur, qui confirme ce que lui a écrit Hortense. Il accorde Navarre, mais comme il préférerait Milan ! J'ai reçu ta lettre, écrit-il. Hortense, que j'ai vue, t'aura dit ce que je pensais : va voir ton fils cet hiver, reviens aux eaux d'Aix l'année prochaine ou bien reste au printemps à Navarre ; je te conseillerais d'aller à Navarre tout de suite si je ne craignais que tu ne t'y ennuyasses. Mon opinion est que tu ne peux être l'hiver, convenablement, qu'à Milan ou à Navarre ; après cela, j'approuve tout ce que tu feras, car je ne veux te gêner en rien. Adieu, mon amie, l'Impératrice est grosse de quatre mois ; je nomme Mme de Montesquiou gouvernante des Enfants de France. Sois contente et ne te monte pas la tête ; ne doute jamais de mes sentiments.

Là-dessus, Joséphine décide qu'elle ira d'abord à Malmaison. L'Empereur, écrit-elle à sa fille, me conseille d'aller à Milan ou à Navarre. Je me suis décidée pour Navarre ; là du moins je serai en France. S'il n'avait été question que de passer un mois ou deux en Italie avec mon cher Eugène, j'aurais fait volontiers ce voyage, mais m'éloigner de la France pendant six mois, cela inquiéterait tout ce qui m'est attaché et c'est au-dessus de mes forces. Tu me trouveras bien changée, ma chère fille, j'ai perdu tout le boa effet des eaux et je sens que j'ai besoin de repos et que surtout l'Empereur ne n'oublie pas. Adieu, ma chère Hortense, je viens d'écrire à l'Empereur que je compte quitter Genève le 1er novembre ; que j'irai passer vingt-quatre heures à Malmaison. Tu seras bien aimable de m'y faire une petite visite. J'irai ensuite me fixer à Navarre ; mande-moi si ce parti-là convient à l'Empereur.

Comme Malmaison est adroitement glissé et est-ce possible, en vérité, de lui refuser les vingt-quatre heures qu'elle implore ? Ayant gagné le premier point qui est de ne pas aller en Italie, elle reprend ses avantages et se tient assurée de la réussite. En attendant la réponse qui ne peut manquer d'être favorable, elle rayonne autour de Genève, annonçant, sans qu'on l'ait priée, sa visite dans toutes les maisons où on lui signale quelque curiosité ; des fleurs rares qu'on cultive, un amateur de peinture on de musique qui a sa renommée locale, une tour, un débris d'architecture, n'importe quoi qui serve d'occasion à un déplacement. Chez ces républicains qui regrettent leur indépendance et qui, à l'arrogance de leur austérité protestante, joignent sans effort l'arrogance de leur argent, elle vient familièrement, suivie de cette petite cour, trop jeune pour son tige à elle, trop médiocrement posée pour sa dignité : Pourtalès, qui, brillant ailleurs, étonne peu les Suisses, Turpin, artiste pour les chambellans, et chambellan pour les artistes, le médecin, personnage muet, Mme d'Audenarde qui joue les duègnes, et Mme de Mackau qui personnifie les ingénues. Du temps où, constamment en représentation, elle ne pouvait être trop richement habillée, Joséphine a gardé un goût du voyant qui n'est plus de mise. On la voit arriver en robe de levantine bleu de ciel à manches longues, fermant au col sans y paraisse le moindre linge, en redingote garnie, depuis le cou jusqu'aux pieds, de mille brandebourgs d'or très gros, coiffée d'un chapeau bleu à plumes bleues, et enveloppée d'un cachemire jaune tant parsemé de gros bouquets de toutes les couleurs. En ce costume qui surprend, elle est si prévenante qu'en oublie l'Impératrice pour ne penser qu'à la femme qui veut plaire à tout le monde. Elle s'extasie sur toutes choses, dit à propos de tout des banalités aimables ; elle parle aux jeunes filles, elle caresse les enfants ; elle prend l'air de s'intéresser ; elle est ravie aux fleurs du colonel de Senarciens, aux dessins de Mme Eynard, à la maison de M. de Sellon d'Allaman ; elle parle de temps à autre du sacrifice qu'elle a fait au bonheur de la France et elle soupire. Elle n'en est pas plus goûtée, n'attire point de respect et on la trouve familière.

A forme de voir des maisons, elle en achète une[5] : le domaine de Prégny-la-Tour, sis dans les communes de Prégny et du petit Sacconey, consistant en un grand bâtiment de maître, trois bâtiments de dépendances et autres petits bâtiments y attenant, trois cours, trois jardins en terrasse, un verger avec une allée plantée d'arbres au levant, un petit bois, un sainfoin, une ceriserie, une vigne et un grand pré ; plus, au bord du lac, un petit port entouré de murs et un petit bâtiment destiné à l'amusement de la pêche. Pour le tout, d'une contenance d'environ soixante-huit poses, cent vingt-trois toises, six pieds, elle devra payer aux héritiers de M. Henri Melly, de Genève, 445.000 francs et il y aura encore 20.000 francs pour le mobilier. La maison est une bicoque ; le mobilier est sommaire ; c'est une fantaisie qui va tout près de 200.000 francs et qui ne peut être d'aucune utilité. Autrement, serait-ce une fantaisie ?

A la fin, le 1er novembre, elle se met en route, ravie du retour, ravie des visages épanouis qui l'entourent, car le dévouement des gens de la Maison, mis à l'épreuve par la prolongation du séjour en Suisse et par la perspective du voyage en Italie, s'est montré tel que les princes devraient toujours l'attendre de ceux qui les servent pour un titre, un costume et des gages : mais ils y sont toujours pris.

Cette fois, nulle idée de s'arrêter en route et de faire l'école buissonnière. Joséphine a hâte de rentrer à Malmaison où elle compte bien rester, au moins tant que se prolongera le voyage de Fontainebleau. Elle arrive, et cela fait un événement : tout ce qui, du nouveau régime, a des griefs contre Marie-Louise, — et c'est à peu près tout ce qui fut de la Cour du temps de Joséphine — tout ce qui la trouve hautaine, sotte, formaliste ; tout ce qui s'indigne qu'une archiduchesse, depuis huit mois en France, n'en connaisse -pas tous les noms, toutes les familles et toutes les vanités ; tout ce qui a éprouvé des désagréments au changement de souveraine, se précipite à Malmaison. Cela devient une mode : c'est une forme d'opposition contre l'Empereur dont l'Empereur n'a pas le droit de se fâcher et dont on se donne les gants. Les amis sincères du Consul, les partisans décidés de la dictature napoléonienne, les ci-devant jacobins qui jadis conspiraient avec les Bonaparte contre l'hérédité, se rencontrent dans la grande galerie avec les mécontents que l'Empereur a chassés les ayant trouvés dans de vilaines affaires, avec les généraux qui ont gardé pour Noire-Dame-des-Victoires leur culte italien, avec les petites pestes de duchesses qui n'ont pas reçu suffisant accueil de Marie-Louise, avec les boudeurs du Faubourg qu'on n'a pas assez payés pour qu'ils se rallient, avec les épaves de la société Récamier : il y a tout le monde, tout Paris, sauf ce qui est du voyage de Fontainebleau : encore s'en échappe-t-on à ce dessein.

Et le bruit que fait ce retour comme il s'accroit-du bruit que font à Paris les gens de la Maison. En Suisse, ils étaient quatre dont deux sans brevet, simplement salariés comme les valets ou les femmes de chambre. A présent, on croirait qu'ils arrivent de Suisse à vingt ou cent. Tous y sont allés, tous ont souffert de l'exil, tous ont éprouvé des misères qu'on ne croirait point à les voir. Les dames du Palais s'empressent à leur service ; les écuyers accourent avec les chambellans, ils amènent des familles qui s'éplorent, et c'est avec des plaintes qu'on ne comprend guère, un enthousiasme qu'on ne comprend pas.

De Malmaison, on se répand à l'Elysée. Chacun n'y a-t-il pas son appartement ou sa chambre ? Et, comme les livrées sont semblables, les rencontres entre les valets de Marie-Louise et ceux de Joséphine amènent de querelles et causent des scandales. Joséphine elle-même n'est-elle pas tentée de voir son palais et, s'il n'est point sûr qu'elle y vienne, au moins Le bruit en circule et la foule badaude s'attroupe aux environs pour l'acclamer. Au moins, chez elle, en paroles, est-elle prudente ? Il ne semble guère, s'il faut croire Bourrienne. Quand il entre, elle lui tend la main et ne lui dit d'abord que ces mots : Eh bien ! mon ami... J'ai subi, reprend-elle, tout mon malheur. Il m'a délaissée, abandonnée ; il ne m'a couverte du vain titre d'impératrice que pour rendre ma boute plus éclatante. Ah ! que nous l'avions bien jugé. Je ne me suis jamais fait d'illusions sur ma destinée et qu'est-ce qu'il ne sacrifierait pas à son ambition ?... Il a tout accompli avec une cruauté dont vous ne sauriez vous faire une idée. J'ai joué jusqu'au bout mon rôle de femme dans le monde. J'ai tout souffert et je suis résignée... Et pour le prouver, elle ajoute : Concevez-vous, mon ami, tout ce qu'il m'a fallu endurer... Je ne conçois pas que je n'y aie pas succombé. Pouvez-vous vous figurer quel supplice eût été pour moi que de voir partout des descriptions de fête ? Et, la première fois qu'il est veau me voir après son mariage, quelle entrevue !... Avec quelle cruauté il me parle de relatant qu'il va avoir ! Comprenez-vous tout ce que cela a d'odieux pour moi ? Mieux vaudrait être exilée à mille lieues d'ici ; cependant, quelques amis me sont restés fidèles et c'est maintenant ma seule consolation quand il m'est permis d'en goûter quelques-unes...

Ces plaintes que tout excite, car elle ajoute sans cesse des griefs nouveaux aux anciens — son petit-fils, le petit Oui-Oui, ce chéri qu'elle devait nommer, l'Empereur ne vient-il pas, à Fontainebleau, le 4 novembre de lui donner Marie-Louise pour marraine, et du même coup, à tous les enfants de maréchaux, de généraux, de ministres qui devaient être ses filleuls à elle, et n'est-ce pas pour cela, à chaque instant, des visites et des excuses qu'il faut recevoir ? — ces plaintes qu'elle renouvelle à tout venant, elle ne les interrompt que pour satisfaire la fringale de robes, de chapeaux, de manteaux, de cachemires, de bijoux, inassouvie depuis huit mois et mise à si rude jeûne à Navarre, à Aix et en Suisse. Les fournisseurs qui ne lui tiennent pas rancune des réductions qu'on leur a fait subir, amènent de pleines voitures et c'est un défilé ininterrompu, c'est un déballage de bazar dans le château devenu trop petit. Ah ! la bonne cliente et qui s'entendait, celle-là à faire aller le commerce ! Qu'on ne leur parle pas de Marie-Louise ! Pas de goût, des robes que choisit la dame d'Atours, qu'on n'a pas même le droit d'essayer et qui sont payées fin du mois. Va-t-on user son génie à créer pour elle quelque prestigieuse invention de mode ! Aussi bien, à la façon dont elle porte la toilette, un couturier est déshonoré ; et, avec ses familiarités d'habitude qu'un sourire encourage, Leroy daube sur la succesrice en poussant à la prédécesrice son fonds de magasin. Dentelles, tableaux, statues, bibelots suivent : un mois de ce train et le douaire y passe.

Voici beaux jours que sont écoulées les vingt-quatre heures auxquelles Joséphine a juré de restreindre son passage à Malmaison. L'Empereur à qui revient quelque chose de tout ce bruit, bien que ses plus affidés — tel Rovigo — aient un intérêt de cœur à le dissimuler, commence à trouver que Joséphine abuse et il fait demander quand elle partira. Lui-même compte rentrer à Paris le 15 et il ne veut pas de conflit. Joséphine répond qu'elle s'en ira le 15 ou le 16. Alors, le 14, sous prétexte de déférence et de politesse, il envoie, de Fontainebleau, l'Archichancelier faire visite à Malmaison. Cambacérès notifiera le départ nécessaire et rendra compte. Joséphine n'est pas prête : ce sera, dit-elle, pour lundi (le 19) ; puis pour mardi, puis pour mercredi, et elle ne se décide enfin que le jeudi 22.

 

 

 



[1] Cette fille est dénommée dans cet acte de baptême Adélaïde-Françoise Bonneau ; j'ignore si elle est naturelle ou adoptée, mais quant aux personnes les Mémoires d'Auger, si précieux sur ce coin de société, ne laissent aucun doute.

[2] Dans le Recueil Didot cette lettre est datée de : Paris, ce vendredi ; elle se trouve placée au mois de décembre 1809. Or il s'y agit de l'exil de Mme de La T... (la princesse Louis de La Trémoille) qui est du 28 septembre 1810 — et ce 28 septembre est nu vendredi ; y est question d'une baronnie pour Mme de Mackau, et Mme de Mackau n'est revenue de Manheim à Paris, que pour le mariage où elle accompagnait Stéphanie, et elle ne fut attachée à Joséphine qu'au moment du départ pour Aix ; enfin le B..... qui s'y trouve signalé, ne peut être que Barante, dont la destitution coïncide presque avec cette lettre. Je donne ici mes raisons ; je devrais en donner de pareilles pour la plupart des lettres du Recueil Didot sur qui j'ai dû faire un travail analogue pour les replacer à leurs véritables dates.

[3] La lettre de Mme de Rémusat insérée au Recueil Didot ne porte aucune date ; M. Paul de Rémusat, dans une note de la page 302 du tome III des Mémoires, veut la placer, ce qui est absurde, à la fin de 1812 ou au commencement de 1813 ; une lettre où Mme de Rémusat y fait allusion (Lettres II, 388) est simplement datée lundi (octobre 1810) ; c'est donc du 1er au 15, vraisemblablement dans la première semaine d'octobre que Joséphine a dû recevoir la lettre qui lui est écrite sur l'invitation de l'Empereur.

[4] Il est assez difficile, au milieu des correspondances publiées de ou sur Mme de Staël, de retrouver les dates exactes de son retour à Coppet. La lettre du baron de Vogt (publiée : Récamier, les amis de sa jeunesse) est certainement faussement datée de Sécheron le 23 septembre 1810, témoin la lettre de Mme de Staël à Mme Récamier du 5 octobre (publiée : Mme de Staël et la grande-duchesse Louise) et la lettre de Rovigo (publiée : Dix ans d'exil). J'estime que Mme de Staël est rentrée à Coppet à la mi-octobre. (Lettre à la grande-duchesse Louise datée de Coppet le 18 octobre.) C'est le 18 que Joséphine est revenue de Neuchâtel à Lausanne où elle a séjourné : ce serait donc à cette date que se placerait la démarche que Mme de Staël a fait pressentir à Barante père par sa lettre du 24 septembre. Il est toutefois à remarquer que ni Mme de Staël, ni aucun de ses biographes ne fait allusion à l'échec qu'elle subit à cette occasion.

[5] Le contrat fut passé seulement le 2 avril 1811, mais l'acquisition est d'octobre.