Annales de la ville d'Issoire. Manuscrit inédit sur l'histoire des guerres religieuses en Auvergne aux XVIe et XVIIe siècles, p. p. J. B. Bouillet, Clermont-Ferrand, 1848. Sur la fusion et l'arrangement inquiétant des cinq copies manuscrites d'un original disparu, voir Hauser, Mélanges littéraires de la Faculté des Lettres de Clermont, 1910. Notice sur la reine Marguerite dans le t. II (p. 290 et suiv.) du P. Hilarion de Coste, Les Eloges et vies des reynes, des princesses et des dames illustres en courage, en piété, en doctrine, Paris, 1647, 2 vol. Roucaute, Le pays du Gévaudan au temps de la Ligue, Paris, 1900. Saige et comte de Dienne, Documents historiques relatifs à la Vicomté de Carlat, Monaco, 1900, 2 vol. ELLE se dirigea vers l'Auvergne, sa seule retraite assurée, son mari ou les lieutenants d'Henri III lui barrant les autres routes. Elle se flattait de trouver bon accueil, parmi la noblesse catholique, dans le gouvernement de Randan, un ami de Guise, et les régions montagneuses dont François de Lignerac était le bailli. C'est lui probablement qui lui avait désigné, comme asile et place d'armes, Carle, une forteresse imprenable, où commandait son frère Marzé (Gilbert de Marzé de Lignerac). Mais il fallait se hâter pour échapper à Matignon, qui, au premier bruit du soulèvement, accourait avec ses forces. L'après-midi du mercredi elle avait fait 8 lieues ; elle en fit le lendemain près de 15 ; le surlendemain, 12. Mais le samedi elle ralentit un peu, soit que l'étape de Bournazel à Entraygues (32 kilomètres) fût plus rude, soit qu'à l'entrée du haut pays, elle s'estimât sauve de la poursuite. Aussi le dimanche, après une petite traite de deux lieues, prit-elle le temps de vaquer à ses dévotions, dans l'abbaye de Monsalvy. Le lundi soir elle entrait à Carlat. Elle avait rempli en cinq jours un trajet d'environ 13o kilomètres (calculés à vol d'oiseau). En un pays accidenté, par des chemins difficiles, autrement dit des pistes, cette fuite à vive allure, si le mot de déroute employé par le Divorce satyrique[1] paraît trop fort, dût être pénible à une femme délicate, obligée de chevaucher en croupe pendant huit ou neuf heures, tous les jours. Pour aller plus vite, elle n'avait emmené que peu de dames et de gentilshommes, ainsi qu'en témoignent ses comptes, qui tiennent lieu d'un journal de route. Au lieu des 6o écus par jour que coûtait en temps normal l'entretien de sa maison, elle ne dépensa que 4 écus 16 sols du lendemain de la sortie d'Agen à la veille de l'arrivée à Carlat. Autant dire qu'elle n'a plus avec elle que le quinzième des personnes de sa suite, 20 sur 300, et moins encore, si, comme il est probable, son train était en 1585 moins grand qu'en 1578, lors de son premier voyage en Gascogne. Mais le lundi 3o septembre, où elle dîne à Monsalvy et soupe et couche à Carlat, la note monte d'un coup à 963 écus 48 sols 6 deniers. C'est une augmentation inexplicable, à moins de supposer que les troupes de Lignerac, qui lui servaient d'arrière-garde, et celles de Gilbert de Marzé, qui venaient à sa rencontre, l'ont rejointe entre Entraygues et Monsalvy. Elle a eu ce jour-là à pourvoir au ravitaillement de plusieurs centaines de soldats et de gentilshommes et à payer des arriérés de solde ou une compensation à ceux de ses défenseurs qu'elle congédiait[2]. Le train de Marguerite et la plupart des gens de sa maison étaient restés à Agen. Les consuls, exécutant à la lettre les ordres de Matignon, empêchèrent les violences, le pillage, les représailles ;.ils laissèrent sortir de la ville sans en rien retenir pour le dommage qu'elle avait subi tout ce qui appartenait à la reine et à sa suite. Il n'y eut d'égaré ou de perdu que des perles que Marguerite réclama, menaçant d'aller brûler Agen si on ne les lui restituait pas[3]. Or les comptes du roi de Navarre, à cette époque, font mention d'une récompense de zoo écus payée à deux officiers qui s'étaient fait livrer par des soldats deux colliers de pierreries appartenant à la reine de Navarre[4]. Ces bijoux devaient être de grande valeur, si l'on en juge par le haut prix de la gratification — une vingtaine de mille francs, valeur relative d'avant guerre —. Etait-ce ceux qu'elle réclamait et qui seraient parvenus après bien des détours jusqu'en des mains huguenotes. Le déménagement d'Agen à Carlat fut long. Le lit de la reine, le lit de parade, dont se moque le Divorce satyrique, fut expédié le premier par les voies les plus rapides. Le carrosse suivit à vide, pour n'avoir pas trop à souffrir de l'état des chemins. On remit à un portefaix, qui fit la route à pied, aux mêmes fins de préservation, plusieurs bouteilles d'eau de senteur. Les meubles, coffres et hardes, descendus par eau à Port-Sainte-Marie, furent chargés sur vingt-six chevaux de bât, qui les transportèrent à Carlat en dix jours. Les dames et les officiers mirent deux fois plus de temps à faire le voyage. Enfin le 3 décembre choses et gens étaient réunis à Carlat. De l'ancien château féodal de Carlat[5], droit sur une abrupte coulée de lave, il ne reste rien que l'emplacement, maigre pâturage où paissent quelques moutons, et belvédère immense, d'où le visiteur assis au pied d'un tilleul séculaire, que la foudre a rompu et le temps défeuillé, contemple au loin l'horizon des monts d'Auvergne. Mais quand la reine s'y réfugia, tous les bâtiments qu'Henri IV fit raser plus tard étaient encore debout. Les remparts flanqués de tours encadraient la table rectangulaire de basalte noir, qui tombe à pic de tous côtés d'environ 4o mètres. Une large croupe de verdure sert de support à ces falaises (aujourd'hui) dénudées et descend de 300 mètres, ici en pentes douces et là par bonds, jusqu'à l'Embenne et la Restenne, son affluent, deux ruisseaux qui ne sont gonflés en torrents que par les déluges d'automne ou l'irruption au printemps des neiges fondues. Du village actuel de Carlat, le chemin qui monte comme autrefois à l'acropole se heurte à un éperon rocheux, le Murgat, un ancien boulevard, où s'ouvrait une première porte et s'épaulait une première enceinte. Ces remparts, ces tours, cette double couronne de fortifications, tout cet appareil défensif égal aux plus beaux spécimens du moyen âge, rendaient formidable cette place, que tout au sommet une source alimentant un puits et un lagon d'eaux pluviales protégeaient en cas de siège contre les capitulations de la soif. Sur cette esplanade que l'art et la nature s'étaient ingéniés à rendre inexpugnable, les d'Armagnac, anciens vicomtes du Carladais, avaient bâti des casernes, une église, un couvent pour les Clarisses et deux palais. Ce fut la résidence favorite de Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, un grand seigneur lettré, collectionneur de manuscrits et amateur de belles enluminures[6], intrigant et dévot comme Marguerite, qui conspira contre Louis XI et perdit à ce jeu féodal ses biens et la tête. Le Carladais, vendu à Pierre de Beaujeu, l'époux d'Anne de France, passa, lorsqu'ils moururent, à leur fille Suzanne, qui le laissa par testament au connétable Charles de Bourbon, son mari. Mais la dévolution fut contestée par les autres héritiers et par le roi de France. Le légataire, furieux de ce projet de dépossession, résolut d'en appeler aux armes étrangères. Il s'acheminait à Carlat pour y combiner les derniers détails de sa rébellion, quand il fut averti en cours de route que François ter savait ses intelligences avec Charles-Quint ; il tourna bride et gagna la frontière au plus vite. Par arrêt du Parlement, le Carladais échut en partage à la reine-mère Louise de Savoie, une Bourbon du côté maternel, qui le légua en mourant à la couronne. Depuis, il servit d'apanage à des reines douairières, Eléonore d'Autriche, veuve de François Ier, et Catherine de Médicis, jusqu'en 1582, où Henri III, d'accord avec sa mère, en assigna le domaine utile, c'est-à-dire la jouissance à sa sœur, se réservant, comme il était d'usage, le commandement de la forteresse. Un historiographe de Marguerite de Valois[7], qui ne se résigne pas à voir son héroïne aux prises avec l'inélégance des mauvais gîtes, veut que la fugitive ait trouvé la demeure des Armagnacs et des Bourbons, le Palais Bridoré ou Becdoré, dans l'état de conservation et même de luxueuse installation où il était un demi-siècle auparavant. Mais les reines douairières avaient cessé de fréquenter ce château perdu dans les montagnes de la lointaine Auvergne et à dépenser pour son entretien. Là aussi comme ailleurs apparaissait le dégât des guerres civiles. La forteresse avait été prise et reprise par les protestants et les catholiques. Les Clarisses s'étaient réfugiées à Aurillac ; soldats et capitaines avaient campé dans les bâtiments et transformé couvent, chapelle et chambres en chambrées. Sauf peut-être au logis du gouverneur, les murs nus ne gardaient plus trace des splendeurs d'autrefois. Tapisseries, livres, boiseries et meubles avaient disparu. Ce n'était pas la tannière de larrons, dont parle le Divorce satyrique, mais combien moins le Palais de la Belle au bois dormant ! Marguerite n'y trouva même pas une petite table pour se faire servir à manger au lit[8]. Elle manda un ouvrier d'Aurillac, pour acoustrer les vitres de la (sa) chambre et cabinet de ladite chambre. Il fallut en changer la serrure[9] et les tendre, à défaut d'autres, avec les tapisseries qui en décembre lui arrivèrent d'Agen. La chapelle était ouverte à tous les vents, et vide. Le livre des comptes mentionne le paiement aux menuisiers du pays de châssis pour les fenêtres et d'un banc avec plusieurs ais à l'entour pour s'agenouiller en ladite chapelle[10]. C'est avec les meubles, la literie, les tapis de sa maison d'Agen qu'elle organisa entre les murs, tels que l'abandon et la guerre les lui laissaient, un logis habitable. Les princesses de ce temps n'avaient pas mêmes exigences de confort que les bourgeoises du nôtre. Comme bien l'on pense, les celliers étaient vides.
Marguerite commanda du vin dans le Bordelais, et elle trouvait naturel,
malgré l'esclandre d'Agen et tous ses actes d'hostilité, que son mari laissât
passer en franchise les tonneaux à destination de Carlat. Mais il ne fut pas
aussi galant qu'elle y comptait, et il s'en vante dans une lettre à
Corisande. Il est venu, lui écrit-il, le 7
décembre 1585, un homme de la part de la dame aux
chameaux me demander passeport pour passer cinq cens tonneaux de vin sans
payer taxe pour sa bouche, et ainsi est écrit en une patente. C'est se
déclarer ivrognesse en parchemin. De peur, qu'elle ne tombast de si haut que
le dos de ses bêtes, je lui ai refusé. C'est estre gargouille à toute outrance[11]. Peut-être
forçait-il l'expression pour être agréable à sa maîtresse. L'argent manqua bientôt dans cette maison, où, depuis la rupture avec les deux Rois, les revenus rentraient mal. En 1586, la reine n'eut plus les moyens de payer tout ou partie des gages de ses officiers ou de ses dames[12]. Duras était revenu d'Espagne les mains vides. Il est possible que Marguerite ait disgracié ce négociateur malheureux et peut-être aussi par contrecoup sa favorite, madame de Duras. La gêne la rend intraitable et lui fait oublier sympathies et services. Choisnin, de retour de sa mission auprès de Guise, pensait avoir mérité par son dévouement et son zèle une bonne récompense. Mais il n'en eut que l'avant-goût, ayant été chargé par intérim à Carlat de la trésorerie. Quand, six semaines après, survint le titulaire, Antoine Chevalier, qui était resté à Agen pour arrêter les règlements de compte, il lui fallut quitter la place. Mécontent de sa maîtresse qui le payait peu ou pas, il lui demanda 6.000 écus d'indemnité. Ce n'était pas, comme elle voudrait le faire croire, le prix de sa déception[13]. Choisnin n'était pas assez fou, le traitement annuel du trésorier étant de 500 écus, pour exiger, en compensation du manque à gagner, si l'on peut dire, la somme que, titulaire, il aurait touchée en douze ans de plein exercice. La meilleure preuve qu'il s'agit d'un arriéré, c'est qu'elle offrit de lui signer une reconnaissance de six mille écus, mais Choisnin, qui n'avait que faire d'un billet à échéance incertaine, réclama immédiatement son dû. Elle refusa un jour de recevoir ; il souffleta l'huissier qui lui barrait la porte. Elle lui fit défendre de paraître devant elle avant huit jours. Il eut l'effronterie de riposter par l'envoi, comme fruicts de ses études pour se remettre en grâces, d'un pasquin le plus sale et le plus vilain, dit-elle, qui se soit jamais vu, où, à mots couverts, il l'offensait d'injures et de calomnies. Cette fois elle le chassa, mais le lendemain quand il sortit du château, comme il recommençait à se plaindre d'elle avec parolles indignes, quelques-uns des serviteurs de la reine, qui avaient entendu la lecture du pasquin, le frappèrent et probablement de plus de coups de bâton qu'elle ne dit. De colère, Choisnin alla porter à Henri III les lettres de la reine au duc de Guise et les instructions qu'elle avait imprudemment laissées entre ses mains. Catherine- en eut sans doute connaissance. La fuite et l'installation de sa fille à Carlat accrurent ses inquiétudes. Elle lui offrit comme retraite un de ses châteaux d'Auvergne. Etait-ce à elle, une femme, de faire la guerre ? Marguerite repartit qu'elle avait le droit de se garder. Pour ne retomber en la puisance de ceux qui lui ont voulu oter le bien, la vie et l'onneur, elle s'était retirée en une très bonne plase, qui lui appartient, asistée de beaucoup de jans d'onneur et i (y) vivant très honorée et an toute sureté[14]. Elle ne voulait pas d'autre asile. Le sentiment de la sécurité et l'orgueil de la délivrance ne purent qu'un temps contrebalancer la tristesse et le vide des jours dans l'isolement de la forteresse. En cette région de la haute Auvergne, les hivers sont rudes et.ils sont précoces et longs, empiétant sur l'automne et le printemps. Le souvenir de Jacques d'Armagnac et du connétable de Bourbon, ces victimes de la révolte, devait assombrir encore l'impression des lieux. Marguerite s'est probablement demandé ce qu'il adviendrait d'elle, ayant deux Rois pour ennemis. Elle était sous une apparence de vigueur d'une santé délicate, sujette aux rhumes, aux rhumatismes et à d'autres malaises que le froid de ces hauteurs, s'ajoutant aux appréhensions, ne pouvait qu'aggraver ; elle tomba malade en février, et en mars (1586), son état fut si alarmant que ses médecins ordinaires appelèrent à l'aide leurs confrères d'Aurillac, de Rodez, d'Espalion, de Monsalvy, de Toulouse, et même ils mandèrent de Moulins un praticien en renom, Delaunay, qui, faute de logis dans le château, fut installé à l'auberge du village et y passa quarante jours[15]. Le bruit parvint à la Cour de France, qu'elle était morte[16] ; mais elle avait seulement failli mourir. Catherine fut peut-être tentée de soustraire sa fille à ce climat rigoureux et aux influences ligueuses, qui risquaient d'une autre façon de la perdre. Toujours est-il qu'en avril 1586, Cavriana, médecin de la Reine-mère et agent du grand duc de Toscane, écrivait à son maître : La reine de Navarre changera de lieu, et l'on croit qu'elle viendra en Touraine, en une maison de la Reine (mère) dite Chenonceau, où l'on commencera à établir les articles de la paix[17]. Assurément il s'agit d'une négociation avec le roi de Navarre. Catherine, envisageait non sans crainte la guerre d'extermination que les ligueurs avaient imposée à Henri III, et, pour en diminuer les périls, elle imagina de convertir son gendre au catholicisme ou tout au moins à un système de neutralité, qui, laissant les réformés sans chef, les livrerait presque sans résistance à l'attaque des armées royales. Le réconciliation du couple navarrais serait l'amorce de ce dessein. Aussi était-il nécessaire que Marguerite, en témoignage de soumission, quittât son refuge de Carlat. Des dispositions bienveillantes de la Cour de France à son égard, outre l'information de Cavriana, une preuve typique, c'est qu'Henri III ait ordonné l'exécution à Troyes d'un édit de 1578, qui concédait à la reine de Navarre la vente de quelques supernuméraires maistres de certains mestiers. Il n'aurait pas fourni à sa sœur, s'il n'avait été sûr de son obéissance, l'argent qu'elle pouvait employer à de mauvaises fins. L'affaire d'ailleurs n'alla pas toute seule ; L'Estoile raconte que les gens de métiers se soulevèrent et que des officiers du Roi furent tués (28 juin). Et peut-être aussi la fête qui fut donnée le 25 juin 1586 en l'honneur de Marguerite à Vic-sur-Cère, chef-lieu de la prévôté et du bailliage du Carladais, est-elle un indice de ce rapprochement ? Mais une nouvelle brouille survint entre ces deux êtres rancuniers et impulsifs sans qu'on en puisse certifier la cause. Marguerite fut toute sa vie, malgré sa haute culture, l'esclave de ses passions ; l'âge même n'en calma pas l'ardeur. Et elle avait alors tout juste trente-trois ans. Elle
était encore belle, et, malgré son riche embonpoint,
devait paraître comme femme aussi désirable que comme reine aux gens de son entourage.
Parmi ses soupirants, il s'en trouvait un, Lignerac, le bailli des montagnes,
qui pensait avoir droit à sa faveur pour l'avoir sauvée de la poursuite de
Matignon et secourue de ses deniers. C'était manquer de psychologie.
Marguerite se plaisait à donner à qui ne lui devait rien, mais il lui
répugnait de rembourser ses dettes, surtout en monnaie de cœur. Dans
l'isolement et l'ennui de sa vie, elle était exposée à remarquer tel de ses
serviteurs à qui en d'autres temps elle n'eut pas fait l'aumône d'une
attention. Elle se prit, semble-t-il, de sympathie pour le fils de son
apothicaire, un jeune homme qui lui avait donné des soins pendant sa maladie.
L'homme d'épée, éconduit, s'émut jusqu'à la fureur de cette préférence. Mendoza,
l'ambassadeur d'Espagne, n'a pas inventé la nouvelle tragique que le 19
juillet 1586 il rapporte à Philippe II. J'entends
dire que la Reine-mère se lamentait récemment avec Silvio (?) que M. de Lenerac (Lignerac) eût tué à coups de poignard dans la chambre de la
princesse de Béarn[18] le fils d'un apothicaire, si près de son lit qu'elle fut
tachée de sang, et qu'on disait que c'était par jalousie, ce qui est le pire[19]. Après ce scandale, Catherine pouvait-elle proposer au roi de Navarre de reprendre sa femme et à Marguerite de la rejoindre à Chenonceau. Ce n'était partout que bruit d'armes. Henri III se résignait à combattre sans merci les hérétiques comme l'Edit d'Union l'y obligeait, mais il entendait réaliser l'œuvre de la Ligue sans les hommes de la Ligue. Des trois armées qui marcheraient contre le roi de Navarre et son allié, le gouverneur de Languedoc, Montmorency-Damville, il n'en voulut donner aucune à commander au duc de Guise. La principale, celle qui devait nettoyer le Gévaudan de ses garnisons protestantes, descendre en Languedoc, et de là pousser jusqu'en Gascogne, reçut en dernier lieu pour chef le duc de Joyeuse, amiral de France. Mais l'archimignon avait aussi peu de jugement que d'expérience militaire[20]. Au lieu de s'attacher à tout prix, ou tout au moins de ménager, Randan, gouverneur de ce pays d'Auvergne qui garde l'entrée du Gévaudan et du Languedoc, il choisit pour lieutenants deux de ses ennemis, Lavardin (Jean de Beaumanoir, sieur de), qui avait tué frauduleusement son frère en duel, et le marquis de Canillac, qui lui réclamait, non sans droit, le gouvernement de la haute Auvergne. On pouvait prévoir que Randan seconderait mal les opérations de l'armée royale, et on devait craindre qu'il ne les entravât. Il était l'obligé de Guise, qui lui avait offert, lors du meurtre, de lui servir de second contre le meurtrier, et, sans se déclarer ouvertement pour la Ligue, il gardait une réserve inquiétante. S'il ne facilitait pas les convois par la Limagne et si Lignerac ouvrait ou fermait à son gré la route des montagnes, comment Joyeuse pourrait-il assurer son ravitaillement dans sa longue campagne. Il importait tant à Henri III d'occuper toutes les portes du Gévaudan, y compris la forteresse de Carlat, qu'il a bien pu, pour décider Marguerite à la lui livrer, consentir à son retour à Chenonceau. Mais peut-être l'assassinat du fils de l'apothicaire l'a-t-il convaincu qu'elle n'y était pas souveraine maîtresse, et qu'il ne pouvait rien attendre d'elle. A quoi bon la rapprocher de lui et l'installer en Touraine, comme s'il avait toujours l'intention de la réconcilier avec le roi de Navarre ? A-t-il exigé qu'elle sortît de Carlat sans conditions et se retirât, comme sa mère le lui avait offert, dans un château de la basse Auvergne ? C'est une hypothèse permise. En tout cas comme elle perdait tout et ne gagnait rien à ce changement de résidence, elle resta. Henri III résolut de l'en expulser. Des moyens dont il s'avisa, on ne sait rien de précis, amis et ennemis de Marguerite ayant intérêt à se taire. Le frère de Lignerac, Gilbert de Marzé, gouverneur en titre de Carlat, un bon catholique, était allé au-devant de la fugitive d'Agen et l'avait accueillie dans la forteresse comme une persécutée. Peut-être s'est-il aperçu qu'aussitôt dans la place elle entendait y commander en souveraine. Est-ce à dessein d'éviter un conflit ou pour d'autres raisons de sa charge, qu'il s'absenta plusieurs fois ? Il est notable qu'en février 1586 il a quitté Carlat, laissant le commandement à Antoine de Monteil, et qu'après une réapparition en juin-juillet, à l'époque où Marguerite traitait avec sa mère et son frère, il se fit encore suppléer en août par Monteil, qui resta en fonction jusqu'au départ de Marguerite. Lorsqu'il mourut, entre août et octobre, sans qu'il soit possible de préciser la date, il méditait peut-être de rétablir l'autorité du Roi et la sienne. Plus tard, lorsque Henri III nomma Rastignac, gouverneur de Carlat, il ne l'eût pas obligé à indemniser la veuve de Marzé, si elle et son mari ne l'avaient pas fidèlement servi. Le fait, vrai ou faux, rapporté par Cavriana, que d'Aubiac, le nouveau favori de Marguerite, avait empoisonné un gentilhomme frère du châtelain, entendons le châtelain lui-même[21], prouve tout au moins qu'à la Cour de France les rapports de Marzé et de Marguerite ne passaient pas pour être bons. Marzé mort, le moment parut plus que jamais favorable à Marguerite pour se rendre maîtresse de Carlat. Elle ne se contentait plus d'y résider, sous la protection d'une douzaine de soldats, à la merci de la fureur jalouse de Lignerac, ou d'un coup de main des troupes royales. Elle voulait, recommençant la tentative d'Agen, se procurer les moyens de se faire obéir au dedans et au dehors. Elle expédia un certain Romes, cousin de d'Aubiac, recruter dans le Quercy et le Rouergue. Catherine, avertie, envoya aux informations Jean de la Guesle, administrateur de ses domaines d'Auvergne (sept. 1586). Mais comme elle l'écrit plus tard à Villeroy, avec une concision qui prête à l'équivoque, il n'aurait pas réussi à l'approcher. Il revint de Carlat, rapportant, que sa fille etoyt estremement malade et ly fyret acroyre (les gens de l'entourage lui firent accroire) et [qu']ayle (elle) aytoit au lyst megre ; y (il) le creust[22]. Marguerite réservait le commandement des troupes qu'elle racolait à son favori, d'Aubiac, l'ancien capitaine d'une compagnie d'Agen et depuis son écuyer. Elle l'aimait à la folie, car elle n'aimait pas à moitié, et lui, la première fois qu'il l'avait vue, aurait dit tout haut qu'il voudrait avoir couché avec elle à peine d'estre pendu quelque temps après[23]. C'était fixer lui-même le prix de ce grand bonheur. Le Divorce satyrique le représente comme un escuyer chétif, rousseau et plus tavelé qu'une truitte, dont le nez teint en escarlatte ne s'estoit jamais promis au mirouër d'estre un jour trouvé dans le lict avec une fille de France...[24] En ce style truculent, le pamphlétaire signifie qu'il était d'un blond fauve, avec des taches de rousseur, un défaut fréquent chez les blonds, et le nez rougi par la vie au grand air. Au contraire, Cavriana le dépeint comme un jouvenceau noble et beau, mais insolent et indiscret, quoique valeureux et ardent[25]. On l'accuse, dit-il en un autre endroit, d'avoir eu peu d'égard pour la pudicité de Marguerite, veut-il dire d'avoir affiché sa liaison avec elle[26]. Ah ! ne touchez pas à la reine ! Ce n'était ni un valet d'écurie, comme le prétend d'Aubigné, ni un descendant de l'aristocratique famille auvergnate des Roquemaure d'Aubiac, comme l'imagine Saint-Poncy, mais un cadet de bonne maison, le second fils d'Antoine de Lard de Galard, écuyer, seigneur de Birac, Aubiac et autres lieux. Son frère aîné, Joseph, avait épousé en 1572 une Noailles, dont il avait eu une fille, Isabelle ou Isabeau ; sa sœur, Madeleine de Birac, était depuis 1583 dame de Marguerite[27]. Il figure lui-même en 1586 dans la liste des écuyers de la reine aux gages de 12 écus par mois, 144 écus par an. La grâce d'un cœur royal l'avait distingué et le destinait à de plus hauts emplois. Lignerac n'entendait pas qu'on l'exclût de la succession de Marzé. C'était à lui, à défaut du Roi et de Randan, et non à Marguerite, simple usufruitière des biens, à disposer de Carlat. Il en voulait à cette ingrate, qui, oublieuse des services rendus et des avances d'argent, complotait de le déposséder du gouvernement de son frère, et en faveur de qui ? de ce petit galant, qu'il avait eu sous ses ordres à Agen. Sur la façon dont cet homme impulsif, et violent, comme il apparaît par le meurtre du fils de l'apothicaire, trancha le conflit d'autorité et d'amour, on a un document de première main, c'est une lettre écrite par Henri de Noailles à sa mère Madame de Noailles, dame d'honneur de Marguerite, qui, pour des raisons inconnues, boudait, en ce moment, loin de Carlat. Noailles en était tout près, et il avait à l'intérieur des amis et des alliés pour le bien renseigner. Lignerac s'introduisit dans la forteresse, et s'y étant rendu le plus fort, sans combat à ce qu'il semble, il parla en maître. Il dit à Marion — c'est de la reine de Navarre que Noailles parle avec cette irrévérence — qu'il failhoit (fallait) que l'oncle d'Isabeau (Aubiac) sautast le rochier. Si l'on se rappelle que la forteresse se dresse à pic à quarante mètres de haut, on croira sans peine que cette nouvelle fut rude à Marguerite. Elle ne pensa qu'à sauver l'amant qu'elle voyait déjà mort et, par prières et aultrement, n'insistons pas sur cet autrement, elle obtint sa grâce. Mais c'était à condition qu'il partît et sur l'heure. Elle ayma mieux vuyder et changer de place que demeurer là sans luy[28]. Ce ton de persiflage, le surnom de Marion donné à la reine de Navarre, comme s'il s'agissait d'une fille de chambre, montre en quel discrédit ses trop fréquentes erreurs amoureuses l'avaient fait tomber. Noailles s'amuse de cet épisode final, comme d'une farse, où il est possible de distinguer trois personnages : le jaloux, l'amante, et l'écuyer cher à celle-ci et odieux à celui-là. Il n'a pas un mot de pitié pour la femme qui joue, sur un coup de passion, sécurité, honneur, avenir, qui s'aventure hors du refuge de Carlat au risque d'être enlevée par les bandes protestantes ou les troupes royales, qui s'est humiliée, dépouillée, donnée peut-être, pour sauver son amant, et qui follement s'expose à se perdre pour le garder. Elle oublie qu'elle est reine, et Noailles ne se souvient pas qu'elle est femme. Héroïne d'amour, mérite-t-elle le ridicule, dont l'accable ce grand fils trop sensible aux mécomptes de sa mère ? Catherine confirme que sa fille est sortie volontairement de Carlat pour des raisons qu'elle ne sait pas ou se garde de dire. Cavriana donne au Grand-Duc pour certain que le Roi est cause de la fuite de la reine de Navarre[29]. C'est aussi la version de Brantôme. Si résolu qu'il fût à l'admirer en tout, il ne pouvait tourner à sa gloire qu'éprise d'un simple gentilhomme, elle eût sacrifié à la tyrannie du sentiment le souci de sa réputation et de sa couronne. Aussi, par excès de discrétion, fait-il hommage de sa fuite à quelque ruse du Roi son frère. Au vrai, Henri III a été plus heureux qu'habile. Le secours vint d'où il ne l'attendait pas, d'un ligueur. Il méditait probablement d'encercler la forteresse et d'y prendre Marguerite et son mignon. Le jeu des passions précipita l'événement. Toutes les explications autres que les passionnelles sont à écarter. L'épidémie, qui, au dire d'un panégyriste[30], aurait décidé la châtelaine da Carlat à fuir, n'a sévi, semble-t-il, que dans le Gévaudan, depuis la fin de l'année 1586 et durant l'année 1587, parmi des troupes mal ravitaillées et les populations affamées par le ravage des campagnes, le sac et l'incendie des villes[31]. L'idée ne serait pas venue à Marguerite, qui était raisonnable en tout, sauf en amour, de quitter l'air salubre du haut Carladais pour les plaines de la basse Auvergne que contaminait la retraite, après une campagne épuisante, des restes de l'armée de Joyeuse. C'est le désir de suivre d'Aubiac qui l'a décidée à cet exode par monts et par vaux. Lignerac, si pitoyable qu'il se fût montré, ne laissa pas de dépouiller la fugitive. Pour se payer des 10.000 ou 18.000 livres qu'il lui avait avancées, il se saisit de ses deniers, et, comme appoint, de ses bijoux[32]. Après ce brutal règlement de comptes, le galant chevalier, accompagné de son frère, Cambon, et de quelques gentilshommes, escorta, on ne sait jusqu'où, mais pas très loin, une petite troupe qui s'éloignait à la débandade : d'Aubiac, portant sa royale maîtresse en croupe, et les officiers de la reine avec les filles d'honneur, parmi lesquelles Madeleine de Birac, sœur du favori, suivant à cheval ou à pied. Marguerite partie le mardi matin, 14 octobre, après le dîner (vers 10 heures), se dirigea droit à travers le massif des Plombs du Cantal vers Murat, où elle devait souper et coucher. Aujourd'hui une grande route y mène, qui, rejointe à Arpajon par celle de Carlat, s'élève par la vallée de la Cère de 600 à 1.200 mètres jusqu'au col du Lioran et dévale sur Murat par celle de l'Alagnon. Elle est longue, tout compris, d'une cinquantaine de kilomètres. Mais les plus anciennes pistes évitaient les fonds de vallées que les crues rendaient souvent impraticables et suivaient la crête des hauteurs ou les terrasses à mi-côte. II y en a une qui, par-dessus le village de Saint-Clément, regarde tout au bas la conque de verdure de Vic-sur-Cère, et dont quelques parties justifient le nom de voie romaine que lui donnent les gens du pays. C'est par cette échelle de plateaux sans doute, que Marguerite gagna le col, dit le tombeau du Père, entre-les deux cimes du Plomb du Cantal, et de là, laissant bien loin à gauche le Lioran et le coude de l'Alagnon, descendit par Albepierre à Bredons et Murat. Même avec les raccourcis cette étape de huit à dix lieues, était rude, et, dans une région solitaire, exposée aux attaques des brigands et des soudards en maraude. Catherine, qui connaissait les mœurs des gens de guerre et qui avait des plaines d'Auvergne contemplé à l'ouest les hauts massifs montagneux, s'étonnait que sa fille eût bravé le danger des mauvaises rencontres et franchi cette barrière d'aspect infranchissable, n'ayant ni chevauls, ni arme : Je croy, écrivait-elle, que quelque aysprit (un génie de l'air) ly a portée. Dyeu veulle que se souyt un bon[33].... Un document, dont la valeur est compromise par des erreurs de chronologie et de topographie, rabaisse à des détails terre à terre, qui sont peut-être vrais, la traversée aérienne. Marguerite se serait mise en chemin à pied avec Aubiac et une femme ; puys sur le chemin fust mise sur ung cheval de bast et après dans une charrette à bœufs.... C'est en cet équipage que, semant ses filles d'honneur en route, elle aurait débouché des montagnes. Le lendemain matin, moulue comme on l'imagine, elle se reposa, et l'après-midi alla souper et coucher à Allande, à une dizaine de kilomètres en droiture. Mais le 16 elle précipita sa course, d'Allande au Luguet, où elle dîna dans un château de Randan, et du Luguet à l'Allier. Ce fut la plus rude journée : 10 kilomètres en montée le matin, 30 kilomètres en terrain moins accidenté l'après-midi. Elle se hâtait vers Ibois où elle pensait trouver un refuge à ses amours[34]. Il lui restait à passer l'Allier, et, comme Issoire, qui surveillait le pont, était au Roi, elle ne se risqua pas dans la ville et en contourna de nuit les faubourgs. Elle avait donné rendez-vous au bac de Pertus au sieur de Châteauneuf, ayant la parole de ce gentilhomme qu'il serait là pour la recevoir et l'accompagner jusqu'au terme de son voyage. Mais quand elle arriva au bord de l'eau, il ne s'y trouva ni bac, ni passeur, ni guide. L'Amadis d'Auvergne avait réfléchi qu'il gagnerait beaucoup à servir le frère et qu'il ne perdrait rien à desservir la sœur, et il la laissa courre sa fortune. Elle traversa la rivière à gué dans la nuit du 16 au 17 octobre, et parvint transie à Ibois, dont le châtelain avait laissé à dessein les portes ouvertes. Elle avait fait 20 lieues en trois étapes (14, 15, 16 oct.) Le marquis de Canillac, un des lieutenants de Joyeuse, s'en retournait, la campagne du Gévaudan finie, dans ses domaines de la haute Auvergne, bien instruit des mauvaises dispositions du Roi contre sa sœur[35]. Quand il sut qu'elle estoit partie souldainement pour prendre cette route (la route de la Limagne) avecq peu de gens, il se lança aussitôt à sa poursuite, avec quarante ou cinquante gentilshommes, d'un train qui le mena presque aussi vite qu'elle à Ibois où il la bloqua. La retraite qu'une fois ou deux Catherine avait offerte à sa fille, c'était une prison dont le geôlier survenait. Aussi Marguerite en son désespoir ne pensa d'abord qu'à mourir les armes à la main. La lettre qu'elle écrivit au maître d'hôtel de Catherine, M. de Sarlan, alors en Auvergne, mais à l'adresse de la Reine-mère, témoigne de sa colère et de sa résolution : M. de Sarlan..... je désire au moins, avant ma mort, avoir ce contentement que la Reyne ma mère sache que j'ay eu assez de courage pour ne tomber vive entre les mains de mes ennemys.... Assurez l'en, et les premières nouvelles qu'elle aura de moy sera ma mort. Soubs son asseurement et commandement je m'estois sauvée chez elle, et au lieu de bon traictement que je m'y promettois je n'ai trouvé que honteuse ruine. Patience ! elle m'a mise au monde, elle m'en veust oster[36]. Lors de son expulsion de Paris, elle avait pensé aussi un moment à mourir. Mais cette fois encore elle aima mieux vivre. Après quelques velléités de résistance, n'ayant ni provisions, ni soldats, ni moyen de décider le châtelain de sa mère à la défendre, elle capitula le cinquième jour[37], s'il peut être question ici d'un siège. Elle espérait que d'Aubiac, rasé et travesti, pourrait s'enfuir sans être reconnu. Ce déguisement n'ayant pas réussi à tromper la surveillance, elle l'enferma dans une cachette sans plus de succès. Canillac menaça de démolir le château pierre par pierre, s'il le fallait, pour le découvrir. Elle pleura, se lamenta, s'arracha les cheveux, cria sa haine contre Lignerac, ce détrousseur de femmes, et fut forcée de livrer son amant. Le marquis fit partir aussitôt son futur gendre, Montmorin, pour prévenir Catherine, qui était alors à Tours, de cette double capture et demander les ordres du Roi. Mais la Reine-mère savait déjà le 23 octobre, sans rien de plus d'ailleurs, par les dépêches de Jean La Guesle et de Sarlan, que sa fille était à Ibois[38]. Elle en ressentit une joie cruelle. Il lui tardait, écrit-elle à Villeroy, d'avoir des détails sur un bonheur qui dépassait son attente. ...Au lyeu au (où) elle ayst est le (celui) au je la desires, cet (si) en povons aystre lé mestre. Elle pressait son fils de sévir, pour se faire un mérite auprès de lui de son animosité contre sa fille. Je suplye le Roi de n'y perdre une seule heure à ly (donner à cela) l'hordre nesesayre, aultrement et (elle) nous fayra encore quelqu'aultre honte.... Tenés-i la mayn, qu'yl (Henri III) euse de delygence. D'une mère ces sentiments seraient odieux, s'ils ne s'expliquaient en partie par la révolte et l'inconduite de Marguerite depuis près de deux ans. Catherine n'aurait pas écrit de ce style, contraire à sa modération habituelle et qui jure avec sa tendresse, si sa fille ne s'était pas rendue coupable de fautes qui faisaient scandale. Indulgente aux écarts des hommes, elle était sévère pour les faiblesses féminines qui la touchaient de si près. Elle a dû s'indigner que la femme du roi de Navarre, sœur du roi de France, fût assez folle de son corps pour s'exposer à l'infamie d'une liaison publique avec un petit gentilhomme. L'arrivée de Montmorin la combla d'aise (26 oct.) ; elle expédia au Roi ce porteur d'une aussi bonne nouvelle, et pria Villeroy de lui payer les dépenses de son voyage. Canillac avait séparé le couple amoureux. Il fit emprisonner d'Aubiac à Saint-Cirgues, et emmena Marguerite sous bonne escorte au château de Saint-Amand-Tallende[39] sur la rive gauche de l'Allier, dans la vallée de la Veyre, puis il la transféra, deux semaines après, tout, à côté, à Saint-Saturnin, où il attendit les lettres d'Henri III. Il a dû les recevoir le 8 novembre, puisque sa réponse à Villeroy, pour remercier le Roi de ses félicitations est de ce jour-là. Elles lui enjoignaient de conduire et d'enfermer la reine de Navarre à Usson. Le 13 novembre, il fit son entrée avec la prisonnière dans cette forteresse à la triple enceinte que Louis XI, un bon juge, déclarait la première des prisons d'Etat, mieux close et plus sûre que Loches, le bois de Vincennes et Lusignan. Dans ses instructions au secrétaire d'Etat, Henri III renvoyait au lendemain de la fête des Rois, à son retour à Saint-Germain (7 janvier 1587), les résolutions définitives à prendre au sujet de sa sœur. S'il ajournait tant, c'est que Catherine avait engagé avec le roi de Navarre une négociation et qu'elle venait de partir de Chenonceau le 24 ou le 25 octobre pour le joindre. Le sort de Marguerite était lié à cette conférence. En attendant, Henri III ordonna aux gens de son conseil des finances de faire fonds pour la solde de cinquante ou cent Suisses que la Reine-mère estimait nécessaires à la garde de sa fille et que le maréchal de Matignon prendrait de ceux qu'il congnoistra... très fidelles. A cette fin, ils saisiront tout le bien de la reine et aviseront à ses dettes, jugeant quelles sont à payer et quelles non. Il y en a de la Duras ; vous n'en ferez aucun estat, tranchait-il d'autorité. Il écrivait à Villeroy : Mandez au marquis qu'il ne bouge que nous n'ayons pourveu byen et comme il faust, qu'il dresse un bel invanteyre de toutes les bagues de la reine et qu'il me les fasse porter au plus tôt. On le remboursera de ses avances sur les terres et les pensions qu'on va saisir. Qu'on lui envoie en attendant ce qui est de présent necessaire pour luy et pour ladycte garnison. Quant à ses fames et homes, qu'il les chasse incontinent, et lui donne pour les remplacer provisoirement, avant la décision de la Reine-mère, quelque honeste demoiselle et fame de chambre. Et surtout, insistait-il, qu'il prene byen guarde à elle. Escrivez ausy à Randan [les résolutions prises], afin qu'il n'en prétende cause d'ignorance. Il termine par ces déclarations haineuses : Je ne la veuz apeller dans les [lettres] patentes que seur, sans chère et bien amée ; ostez cella.... La Reine-[mère] m'enjoint de faire pandre Obyac et que ce soit an la presence de seste miserable, an la court du chateau d'Usson et que gaire de jantz le voyent..... Adyeu[40]. Mais le lendemain il se ravisa : Quant à cet Aubiac, quoi qu'il mérite la mort devant Dieu et devant les hommes, il serait bon que quelques juges vissent son procès, afin que nous eussions toujours par devant nous ce qui peut servir à reprimer son audace (l'audace de sa sœur), car elle ne sera toujours que trop superbe et maligne. Resolvez ce qui s'en doibt faire, car pour ce qui est de la mort nous sommes tous résolus qu'elle s'en suive[41]. Mais il y a une raison qu'il ne dit pas, et c'est peut-être la principale. Exécuter d'Aubiac en présence de Marguerite, ce serait déclarer et certifier leur liaison, et fournir au roi de Navarre l'occasion qu'il guette de répudier sa femme pour adultère et d'en épouser une autre, qui lui donne des enfants. Le roi de France ne tient pas à faire ce plaisir à son beau-frère à moins qu'il ne se refasse catholique. En conséquence, le prévôt de l'hôtel tire d'Aubiac de sa prison et le conduit non à Usson, mais à la limite de l'Auvergne, dans ce Dauphiné d'Auvergne, qui appartient au duc de Montpensier, un Bourbon, et là à Aigueperse, ville capitale, il s'arrête et le fait exécuter. On ne le décapite pas, bien qu'il soit gentilhomme. Pendu, comme un manant et, par un raffinement de cruauté, les pieds en l'air, il est jeté à demi-mort dans la fosse creusée sous la potence. Ne mérite-t-il pas ce supplice infamant, du moins on voudrait le faire croire, pour avoir empoisonné le châtelain de Carlat ? A Saint-Brice (tout près de Cognac), où le roi de Navarre avait enfin consenti à rejoindre Catherine, la vie de Marguerite aurait été un moment en question. Dans les conférences qui s'y tinrent, la Reine-mère ne cessa d'exhorter l'héritier présomptif à revenir au catholicisme comme l'unique moyen de donner le repos au royaume et d'assurer ses droits à la couronne. Mais ce n'est pas à lui qu'elle s'intéressait. Son dessein tout maternel était, par cette conversion, d'affermir l'autorité royale et de la libérer de l'opposition des partis. Les huguenots, privés de leur principal chef et de l'appoint de ses forces, seraient réduits à mettre bas les armes, et les ligueurs renonceraient à les prendre quand ils n'auraient plus à redouter l'avènement d'un roi hérétique. Aussi pour l'amour du Roi son fils, était-elle résolue à toutes les concessions. Elle fit offrir au roi de Navarre de rompre son mariage et de le remarier avec Christine de Lorraine, fille du duc de Lorraine, dont le fils aîné, le marquis de Pont-à-Mousson, épouserait sa sœur, Catherine de Bourbon. L'annulation du mariage qu'il faudrait solliciter du pape était une poursuite aléatoire, et en tous cas bien longue. La mort de la prisonnière d'Usson aurait tout arrangé. Aussi la Cour de France s'intéressait plus que d'habitude à sa santé et attendait avec impatience courriers et messagers. A quelles fins, les dépêches de Cavriana le déclarent assez. En. octobre 1586, peut-être après la visite de Jean de La Guesle à Carlat, il la dit dangereusement malade et conclut en froid politique que, si elle meurt, on mariera la princesse de Lorraine au roi de Navarre, lequel, Cavriana n'en doute point, se fera catholique[42]. Quand il apprend sa fuite de Carlat et son emprisonnement à Usson : Parmi les premières nouvelles qui viendront d'Auvergne et de Languedoc, je crois, écrit-il, qu'on aura celle de la mort de la reine de Navarre.... Si Dieu ne pourvoit à son cas, elle ne peut le mener long[43]. Sachant la haine d'Henri III contre sa sœur et les combinaisons matrimoniales de la Reine-mère, il s'attend à un dénouement rapide. Comme pour y préparer l'opinion, on fait ou laisse courir les bruits les plus fâcheux sur le compte de la reine de Navarre. Les réticences de Cavriana étaient pires que les faits. Si je voulais écrire à Votre Seigneurie, toutes les choses qui se racontent, vraies ou fausses, écrivait-il à Florence, ce serait materia tragica[44]. Il se doutait bien que le Roi avait fait supplicier d'Aubiac, non pour l'empoisonnement prétendu de Marzé, mais pour des raisons[45] qu'il se faisait scrupule d'écrire. De quelle faute, de quel crime s'agissait-il pour qu'il se crût tenu au silence ? Plus je vais en avant, écrivait Henri III à Villeroy, plus je ressens et reconnais l'ignominie que cette misérable nous fait. Le mieux que Dieu fera pour elle et pour nous, c'est de la prendre[46]. Ce recours à la Providence contre une sœur indigne sentait la menace. De nouveau, Cavriana, fidèle écho des bruits et des espérances de la Cour, annonce à Florence (8 déc.) que la reine de Navarre est très mal, et qu'elle sera encore plus mal dans quelques semaines, perdant à toute heure de sa santé[47]. Catherine avait amené Christine de Lorraine pour montrer au roi de Navarre la femme qu'elle lui destinait au prix de son abjuration. De Marguerite, il n'était question que comme, d'une morte. On la savait gravement malade — et comment ne l'eût-elle pas été parmi tant d'émotions ? — et on voulait croire qu'elle ne guérirait pas et on avait besoin qu'elle ne guérît pas, pour décider son mari à se convertir. Mais si elle s'obstinait à vivre après l'abjuration, que faudrait-il faire ? On parla de la cloîtrer comme nonne[48] le reste de sa vie, ou peut-être de pis encore. Le maréchal de Retz avait accompagné Catherine à Saint-Brice et pris part aux délibérations. Un peu plus d'un an après, il raconta à Claude Groulart, premier président de la Cour de Rouen, qu'à cette entrevue on serait allé jusqu'à offrir au roi de Navarre pour le bien de la paix d'enfermer sa femme dans un monastère ou plutôt de la faire mourir et de le rendre libre d'épouser la fille du duc de Lorraine. Sa Majesté (Henri de Navarre) répondit que jamais il ne consentiroit à une sy exécrable meschanceté. Mais le récit de Groulart prête à des réserves[49]. C'est à son beau-frère qu'Henri III, dans une lettre à sa mère de janvier 1587, impute la suggestion de mesures rigoureuses contre sa sœur.... Il ne fault pas, écrivait-il, qu'il attende de nous que nous la traitions inhumainement ny aussi qu'il la puisse repudier pour après en espouser une autre.... Je voudrois qu'elle fust mise en lieu où il la peusse (pût) veoir quand il voudroit pour essayer d'en tirer des enffans et neanmoins fust asseuré qu'elle ne se pourroit gouverner aultrement que très sagement, encore qu'elle [n']eust volonté de ce faire.... Je pense bien que cette ouverture luy sera d'abordée de dure digestion, d'aultant que j'ay entendu qu'il a le nom de sadicte femme très à contrecœur. Si est-ce toutefois qu'il faut qu'il se résolve de n'en n'espouser jamais d'aultre tant qu'elle vivra et que, s'il s'oublioit tant que de faire aultrement, outre qu'il mettroit sa lignée en doubte pour jamais, il me auroyt pour ennemi capital[50]. Du témoignage de Claude Groulart comparé avec cette lettre, et en supposant qu'il soit fidèle, on peut simplement conclure que la Reine-mère a d'elle-même, sans l'aveu de son fils, proposé à son gendre la solution du divorce et du remariage, qu'elle lui savait agréable, mais à condition qu'il se fît catholique, et elle savait par une nouvelle expérience combien il y répugnait. L'appât qu'elle lui tendait n'avait probablement d'autre objet que de mesurer la force de son attachement au parti protestant. Mais s'il répugne de croire que Catherine de Médicis fût elle-même capable de vendre son propre sang, il est possible qu'elle eût dans son entourage des gens qui n'étaient sensibles qu'à la raison d'Etat. Que valaient des considérations d'humanité au prix de ces grands avantages : la paix du royaume, la ruine des factions, le rétablissement de l'autorité royale. Ce n'est pas seulement le maréchal de Retz qui a cru à ces projets sinistres contre la reine de Navarre. Cavriana laisse, à défaut de mort naturelle, prévoir l'accident qui n'est pas accidentel. Si l'on pouvait s'en fier à La Huguerye, le roi de France aurait fait dire au roi de Navarre que, s'il vouloit s'accommoder avec luy, il avoit le moyen de faire en ung jour le mariage de lui et de la princesse sa sœur (Catherine de Bourbon), avec la fille et le fils aîné de Lorraine[51]. Guise parle dans une lettre à l'ambassadeur d'Espagne, des desseings tragiques qu'on bâtissait sur la mort de Marguerite, desquels quand les particularitez vous seront verifiez feront dresser les cheveux à la tête[52]. La condamnation à mort de la reine d'Écosse (sept. 1586) était un signal d'alarme. A quelle autre reine pensait L'Estoile, en décembre 1586, quand il disait de Marie Stuart : Ceste pauvre Royne se pouvoit à bon droit escrier comme l'autre : Hélas ! la Ligue que j'ay tant aimée me fait mourir[53]. Marguerite appréhendait tant d'être empoisonnée qu'elle prit l'habitude et la garda toujours de faire goûter par chacune de ses femmes tout ce qu'elle mangeait[54]. L'historiographe de France, Scipion Dupleix, une de ses créatures, qui la diffama par acquit de conscience, domestique infidèle et témoin fidèle, attribue ses crises d'hypocondrie, dans les dernières années et les plus paisibles de sa vie, à l'angoisse des premiers jours de son emprisonnement à Usson. Elle avait affiché sa liaison avec un petit gentilhomme. Elle avait fui de Carlat pour le suivre, et, plus imprudente encore, cherché dans un château de sa mère un nouveau nid à ses amours. Cette folie de passion pouvait laisser croire que les privautés des amants avaient eu mêmes suites fâcheuses qu'autrefois celles de son mari avec Fosseuse. Au rang qu'elle occupait dans la chrétienté, femme du roi de Navarre, sœur du roi de France, tante des princesses de Lorraine et des deux infantes d'Espagne, dont l'une venait d'épouser le duc de Savoie, les éclaboussures de son inconduite rejailliraient sur trois grandes maisons régnantes. Quelle honte, et comme on s'explique le cri de colère d'Henri III contre cette misérable et son souhait de la voir mourir. Marguerite, qui savait que l'accident seul paraissait indigne de pardon, se défendait avec indignation du malheur dont on la soupçonnait. Madame, écrivait-elle à sa mère en novembre ou décembre 1586, puisque l'infortune de mon sort m'a resduite à telle misere que je ne suis si heureuse que dessiriés la conservation de ma vie, o (au) moins, Madame, pui je esperer que vous la vouderés de mon honneur pour estre telemant uni avec le vostre et celuy de tous ceulx et celes à qui j'ai cet honneur d'apartenir que je ne puis resevoir de honte qui (qu'ils) n'an soit participans, prinsipalement mes niepses, au prejudise desquelles le deshonneur que l'on me vouderoit procurer importeroit plus qu'à neul autre. Aussi la suppliait-elle de placer auprès d'elle quelque dame de calité et digne de foi qui puise durant ma vie tesmongner l'estat an quoi je suis et qui après ma mort asiste quand l'on m'ouverira (ouvrira, autopsiera), pour pouvoir, par la connoissance de ceste dernière imposture, faire connoitre à un chacun le tort que l'on m'a faict par si d'avant. Ce n'était pas pour prolonger sa vie qu'elle réclamait cette constatation de la vérité ; que ses ennemis se rassurent ; il ne leur manquera pas de prétexte pour la faire mourir. Car si je resois cete grase de vous, Madame, j'escrirai et sineré (signerai) tout ce que l'on voudera invanter sur autre suget pour servir à cet esfait....[55] Rien d'aussi habile en sa forme émouvante que cette protestation, où Marguerite ne se disculpait que sur le seul point où elle était innocente, si c'est être innocent que d'avoir échappé aux conséquences possibles d'un abandon passionnel, où rappelant à sa mère que son honneur était uni à celui des jeunes princesses ses parentes, elle lui faisait entendre quel intérêt familial et monarchique il y avait à couvrir sa faute. Marguerite ne mourut pas, et peut-être s'est-elle exagéré le danger qu'elle a couru. Il fallait la force d'illusion de la Reine-mère pour s'imaginer que son gendre quitterait sa religion et trahirait son parti contre une promesse de divorce et de remariage. Le roi de Navarre était un trop fin politique et un esprit trop soupçonneux pour se mettre à la merci d'Henri III, dont il savait la faiblesse, l'impuissance et la versatilité. Catherine s'aperçut bien vite qu'il traînait les négociations en longueur pour donner à une armée de secours allemande le temps d'arriver. Les dispositions du roi de France à l'égard de la prisonnière d'Usson s'en trouvèrent changées. Puisque le roi de Navarre s'obstinait dans l'hérésie, il importait que sa femme vécût pour l'empêcher de se remarier. S'il épousait une princesse protestante étrangère, il ajoutait à la force de son parti l'appoint d'une alliance de famille ; s'il contractait un mariage inégal avec sa maîtresse, la belle Corisande, qui était catholique, mais n'était point de sang royal, il affaiblissait son prestige et augmentait le crédit de la Ligue. C'était le double danger dont l'existence de la reine de Navarre préservait le royaume et la dynastie. Aussi dans ce même mois de janvier 1587, où Henri III se proposait de régler d'une façon définitive le sort de sa sœur, et à coup sûr sans adoucissement, il prêtait à son beau-frère les pires intentions, probablement ses propres intentions d'autrefois contre l'épouse adultère. Marguerite aurait la vie sauve, mais elle resterait prisonnière. On l'empeschera bien de courre, prédisait Henri de Noailles. Mais elle s'aida et les circonstances l'aidèrent à recouvrer la liberté. Le marquis de Canillac se lassait d'attendre le prix de son grand service. Il avait eu du Roi une lettre de félicitation, et encore bien tardive, simple remerciement qui n'était pas la récompense à laquelle il pensait avoir droit, Deux ans auparavant, nommé ambassadeur extraordinaire à Constantinople, il avait consenti à se démettre, pendant son absence, du gouvernement de la Haute Auvergne, en faveur de Monsieur de Randan (Louis de La Rochefoucauld), déjà gouverneur de la Basse Auvergne, à la condition sous-entendue que celui-ci le lui restituerait à son retour. La mère de Randan, Fulvie Pic de la Mirandole, une Italienne, dame favorite de Catherine de Médicis, avait fait agréer à Henri III cet accord verbal. Or Canillac, qui devait aller en Turquie et jusqu'en Perse pour réconcilier le sultan et le sophi alors en guerre et les pousser contre le roi d'Espagne[56], avait été arrêté au moment du départ, ayant déjà en main ses instructions, par un changement de politique ou plutôt par quelque intrigue de Cour. Depuis cette révocation, il réclamait son ancien gouvernement que les La Rochefoucauld ne se rappelaient plus avoir reçu de lui, en dépôt pour ainsi dire. Le Roi soit qu'il n'aimât pas Canillac, soit qu'il craignît de mécontenter Randan, un ami du duc de Guise, ou tout simplement par paresse, se désintéressa de ce différend[57]. Cependant Canillac avait mis tout son zèle à gagner ou à regagner sa bonne grâce. Lors des préparatifs de l'expédition de Gévaudan, il avait secouru Joyeuse de ses moyens et de son crédit, dans ce pays dont il était un des grands barons, et en Auvergne, où il possédait des terres et des châteaux[58]. Pendant la campagne, Joyeuse lui a peut-être laissé entendre qu'il obligerait encore plus le Roi s'il le délivrait du cauchemar de sa sœur[59]. Mais quand Marguerite eut été enfermée à Usson sous la garde des Suisses de Matignon, le Roi, jugeant que Canillac était assez payé par le témoignage de sa satisfaction, ne pensa plus à l'affaire de la Haute Auvergne. La Reine-mère s'étonnait de cette indifférence, et dans une lettre du 27 novembre 1586 écrite à Villeroy, mais destinée à son fils, elle plaidait la cause de ce bon serviteur. Yl (Canillac) merite beaucoup ; car yl nous a hobéy sans avoir ayguard à cet que l'y en pouret avenir ; ausi cet geantilhomme Monmoryn qui ayspouse sa fille, le Roy l'y fase quelque byen. Quant à moy, je luy ay ballee (à Canillac) la couppe d'un boys, car je n'avès poynt d'argent, et à Chateauneuf une petite signorye[60]. Ce qu'elle faisait pour eux n'aurait pas suffi, même si elle avait pu faire davantage. Pour que la récompense eût son plein effet et tout son prix, il fallait que le Roi y participât de quelque chose. Ce seret donner courage à tous aultre de le byen servyr, sans respect de personne corne hausy [ils] ont fest. Qui d'ailleurs pourrait se formalyzer qu'Henri III avouât hautement l'initiative de Canillac. Marguerite, set (c'est) nostre fille et nostre seur, neul par rayson n'an n'a que fayre que (sauf) son mary, que je croy ne s'en remeura (remuera) point, car la rayson ne le mérite. Sans doute si la raison prévalait contre les passions et la politique. Mais a-t-elle pu croire que le chef de la Ligue ne s'émouvrait pas du péril de cette grande ligueuse. Sans souci de se contredire, tout en affirmant que le sort de Marguerite ne doit intéresser que le roi de Navarre, qui ne s'y intéressera pas, elle reconnaît que Canillac s'est par son zèle fait beaucoup d'ennemis. Aussi n'osait-elle envoyer à son fils la copie complète de la lettre où probablement il racontait en détail la capture de sa fille, car si on l'interceptait yl seroit toute sa vie en pouyne (peine). A ce loyal serviteur exposé à tant de risques, ne convenait-il pas d'accorder ce qu'il demande ou aultre chose[61]. Le Roi faisait le sourd aux représentations de sa mère. Etait-ce manque de moyens, indolence, dégoût de ce prévôt bénévole, ou encore calcul ? Si Canillac s'était suffisamment compromis pour être à l'avenir fidèle, à quoi bon commander à Randan, cet allié des Guise, de rendre la Haute Auvergne, puisqu'on aurait l'humiliation de ne pouvoir l'y contraindre, en cas de refus. Catherine insista. Je veoy, qu'il est tres necessaire que ledit marquis soit remis en son dict gouvernement. Aussi me semble-t-il (toutefois je n'en suis pas bien memorative), que quand elle (Fulvie de La Mirandole) en poursuivit l'expédition pour son dict fils, elle disoit que quand le dict marquis seroit de retour de son voyage, son dict fils vous remectroit tousjours entre vos mains ledict gouvernement du Hault Auvergne, pour luy bailler[62]. Sans doute cette rétrocession de la Haute Auvergne devait se faire du consentement du titulaire actuel. Mais n'était-il pas possible de l'y décider en lui offrant quelque récompense en argent. Elle regrettait de n'être pas à la Cour pour traiter elle-même de cet échange avec la douairière, et s'assurait de décider le fils de cette favorite par l'intermédiaire de sa mère à consentir à cet arrangement. Le Roi faisait pis que de ne pas écouter Catherine. Avec son inconscience habituelle, il blessa l'homme à qui il avait tant d'obligations. Par lettres royaux du 22 novembre 1586, il autorisa Jacques de la Fin, l'ancien conseiller, confident et complice du duc d'Anjou, de répéter en justice la baronnie de Montboissier, que son cousin Canillac avait en partie usurpée. Cette annulation de la procédure antérieure était peut-être de droit[63], mais à la date où elle fut prononcée, quinze jours après l'ordre d'enfermer Marguerite à Usson et de l'y tenir sous bonne garde, elle dut paraître au geôlier du Roi une singulière réponse à ses revendications et à ses services. Lésé dans ses intérêts, déçu dans ses espérances et berné par Henri III, Canillac pouvait apprécier le ridicule et l'odieux de son rôle : exécuteur des basses œuvres de son maître et gardien d'une reine malheureuse. Déjà en compétition avec Randan, il risquait d'entrer en lutte avec le duc de Guise, qui ne pouvait abandonner Marguerite. De son dépit, de sa colère et de ses inquiétudes, sa captive qui était une des langues les plus expertes de France sut tirer le meilleur parti. Il se laissa prendre... dit d'Aubigné, par les excellences de ses discours. Elle n'eut pas de peine à le convaincre qu'il ne gagnerait rien et perdrait beaucoup à la traiter en prisonnière. A en croire les Annales d'Issoire, elle lui remontra qu'il assumait une courvée dont Joyeuse plus fin s'était défendu. Le marquis allégua les ordres du Roi. Le frère et la sœur, répliqua-t-elle, s'accommoderont, et tu demeureras là[64]. Des femmes s'entremirent pour elle, peut-être la belle-mère de Canillac, Mme de Curton, qui avait été la gouvernante de Marguerite, et sa femme, dont le Divorce satyrique avoue le rôle, tout en l'attribuant à des calculs de vanité. Surtout il a dû être déterminé par le désir de se venger d'un prince ingrat. Son revirement fut soudain et entier. Il chassa les Suisses que Matignon lui avait expédiés et prit les ordres de celle à qui il aurait dû commander. Il se rapprocha de Randan, à des conditions qu'on ignore[65] ; il se mit en rapports avec le duc de Guise. Les principaux ligueurs, inquiets des nouvelles de Saint-Brice, se concertaient un peu partout en prévision de la conversion du Béarnais et de son remariage. Ceux du centre, Randan, Saint-Vidal, sénéchal du Velay, l'archevêque de Lyon, Pierre d'Espinac, qui passait pour l'intellect agent de la Ligue, Chevrières, sieur de Saint-Chamond, et quelques autres[66] se réunirent en janvier 1587 à Lyon. Guise avait délégué un de ses gentilshommes Foronne, avec ses instructions. Canillac, nouveau converti, était présent pour affirmer sa foi et prendre le mot d'ordre. Le 3o janvier, il écrivait au chef de la Ligue : Monseigneur, ce que vous dira Monsieur de Foronne touchant la reine de Navarre est témoignage suffisant de l'affection que j'ai de ne jamais courir d'autre fortune que la vostre. J'estois venu en cette ville, continue-t-il, pour prendre résolution sur le fait qui se trame — il veut dire à Saint-Brice, — mais, comme on ne peut rien arrêter avant de connaître le rapport d'un qui est envoyé à Paris, il s'en retourne en Auvergne. Il prie Guise de lui expédier là une réponse au mémoire qu'il lui fait porter par M. de Foronne, car dans le commencement de mai, j'espère avoir une très bonne troupe de mes amis pour mon particulier, où il se peut trouver quelque chose de bon pour vostre service[67]. De cette lettre, il ressort, ce semble, qu'il faisait ses conditions, marquait l'importance de son concours, et indiquait l'époque où il serait prêt à entrer en campagne. Guise se félicitait de cette importante recrue, dont l'adhésion, écrit-il le 14 février à Mendoza, assure le salut de la reine de Navarre. Canillac a renvoyé la garnison qu'Henri III avait mise à Usson, qui est le premier témoignage que je lui demandois de sa foy (14 février)[68]. Dans une autre lettre du 1er mars, il revient sur ce grand avantage d'avoir garanti la sécurité de la reine de Navarre, comme le moyen de ruiner les assurances que l'on avait données au roi de Navarre de la mort certaine de sa femme pour l'établissement d'une nouvelle alliance[69]. Le Roi avait été aussitôt informé par sa police de la présence de Canillac à Lyon et de sa défection. Il avertit Catherine comme pour se moquer de ses sollicitations. Elle répond (18 février) qu'elle ne fut jamais plus esbahye, aveu bien étrange de la part d'une femme d'Etat, que l'expérience aurait dû rendre plus sceptique et qui trouvait si légitimes les revendications de Canillac. Elle s'obstinait à croire que son ancien pannetier, gendre de Mme de Curton, l'ancienne gouvernante des enfants de France, et qui venait de donner une telle preuve de dévouement, ne trahirait pas sa confiance. Car oultre la très grande importance de ce faict et le grand préjudice que ce seroit à nostre service, je me sentirois en mon particullier merveilleusement offensée dudict marquis s'il est assez malheureux que de user de ceste infidellité, et vous asseure, monsieur mon fils, que ce me seroit telle augmentation d'affliction que je ne sçay comment je la pourrois supporter[70]. Son émotion est comique et sa psychologie, à mesure qu'elle vieillit, un peu courte. Le même jour elle écrivait à Canillac, se défendant d'ajouter foi à un bruit qui court par deça, à mon advis si hors de toutes vérités que ce n'estoit (n'était-ce) l'amitié que je vous porte... je ne vous [l']eusse mandé. Aussi le prie-t-elle de lui faire savoir par retour du courrier ce que vous vouldrez que j'en die à ceux qui m'en parleront, car croyez que la promesse que je vous ai faicte par (pour) le servisse que vous avez faict que je n'oublyeray jamais, que tout ce qui vous touchera, je le porteray, comme si c'estoit à moy mesure[71]. Le même jour encore, avec l'espoir de sortir d'embarras à force de promesses et d'écritures, elle adressait à Marguerite, sa fille, une lettre et un visiteur, La Guesle. Oubliant ses cruels conseils à Henri III et les tractations de Saint-Brice, elle se préoccupait de la santé de sa fille, mais que (pourvu que) vous serviez bien Dieu et que vous retourniez à luy, et viviez comme devez, estant née telle que vous estes, ce sera une grande consolation à vostre bonne mère[72]. Canillac savait la valeur des promesses royales et n'était pas prêt à revenir à résipiscence. Deux jours après elle apprit, par un client du duc de Montpensier, la réunion de Lyon, et que le marquis y avait juré et promys qu'il metret la royne de Navarre en lyberté et en lyeu seur. Et cependant elle résistait encore à l'évidence. La défection de Canillac s'explique par le ressentiment et l'intérêt. Mais les contemporains soupçonnèrent un mobile plus puissant. D'Aubigné insinue qu'il écouta trop volontiers Marguerite. Cavriana parle de ce geôlier transformé en prisonnier. L'historiographe de France sous Henri IV, Pierre Matthieu et le P. Hilarion de Coste, qui le copie innocemment sans crier gare, déclarent que ce seigneur d'une maison très illustre pensait avoir triomphé de la belle reine, mais la seule vue de l'ivoire de son bras triompha de lui et dès lors il ne vequit que de la faveur des yeux victorieux de sa belle captive. Brantôme amplifie et déclame : Si son corps (le corps de la reine de Navarre) estoit captif, son brave cœur ne l'estoit point et ne luy manqua poinct.... Pauvre homme ! que pensoit-il faire ? Vouloir tenir prisonnière, subjette et captive en sa prison, celle qui, de ses yeux et de son beau visage, peut assubjectir en ses liens et chaisnes tout le reste du monde comme ung forçat[73]. L'amour aurait interverti les rôles. Que Canillac aux alentours de cinquante ans se soit épris, jusqu'à renier son devoir et son passé, d'une princesse de trente-trois, dont la grâce supernaturelle avait fait oublier à Pibrac la leçon de ses Quatrains moraux et arraché au froid Montaigne un cri d'admiration, il n'y a là rien qui puisse surprendre. Mais Brantôme, en son enthousiasme, transforme la charmeuse en guerrière, et fait de Circé une Bradamante. Le voylà donq ce marquis ravy et pris de cette beauté, mais elle, qui ne songe en aucunes délices d'amour, ains en son honneur et liberté, joue son jeu si excortement qu'elle se rend la plus forte et s'empare de la place et en chasse le marquis bien esbahy d'une telle surprise et ruse millitaire. Le Divorce satyrique raille aussi la marquise de Canillac que la reine de Navarre aurait abusée par des promesses de grandeur, tandis qu'elle prenait son mari par des allèchements d'une réalisation immédiate. Mais il n'est pas vrai qu'elle a berné et chassé d'Usson l'un et l'autre époux. Elle a elle-même, au commencement de ses Mémoires, démenti le conte de Brantôme sur la sortie de Canillac. Elle ne s'est pas emparée de la forteresse ; c'est Canillac qui en a mis hors les Suisses de Matignon. Gratuitement ? Non. Il n'a pas sans compensation renoncé à ses droits sur la Haute Auvergne et passé du service du Roi à celui de Guise. Quand il périt en Touraine au siège de la petite ville ou du château de Saint-Ouin (avril 1589), il était grand maître de l'artillerie du duc de Mayenne, que les ligueurs avaient reconnu pour chef après l'assassinat du duc et du cardinal de Guise à Blois. C'est le prix dont le parti catholique a payé sa défection. Mais la rançon de Marguerite était-elle comprise dans cette récompense. Le libérateur n'a-t-il rien eu d'elle en échange de la liberté qu'il lui accorda ? Ni ses déceptions, ni l'intervention qu'on peut croire toute puissante, puisque aussi bien elle est imaginaire, de Mme de Curton, belle-mère et l'ancienne gouvernante de Marguerite, n'auraient suffi, à ce qu'il semble, à le débaucher du service du Roi et à le réconcilier avec Randan, sans une passion plus forte que le loyalisme et la rancune. Aucun document ne contredit son goût pour sa captive. Le chroniqueur des dames galantes s'accorde avec Pierre Matthieu et le P. Hilarion de Coste pour l'affirmer. Au premier bruit du revirement de son fidèle serviteur, Catherine exhorta sa fille à retourner à Dieu et à se souvenir de sa naissance. N'est-ce pas laisser entendre qu'elle appréhendait pour l'honneur de Marguerite de connaître le prix de cette trahison ? |
[1] D'Aubigné, Œuvres, éd.
Réaume, II, p. 665.
[2] Le détail des étapes dans Itinéraire,
pp. 338-341.
[3] Itinéraire, p. 345.
[4] Itinéraire, p. 346.
[5] A 13 km. S.-S.-E. d'Aurillac.
[6] B. de Mandrot, Jacques
d'Armagnac duc de Nemours, Revue historique, t. XLIII, pp. 276-277, et
t. XLIV, 1890.
[7] Saint-Poney, II, pp. 226, 229
et suiv.
[8] Saige et comte de Dienne, II,
introd., p. CCCXXXVI.
[9] Saige et comte de Dienne, II,
introd., p. CCCXXXVII et les notes.
[10] Saige et comte de Dienne, II,
introd., p. CCCXXXVI.
[11] Lettres missives, II,
p. 153. Le chameau est, on le sait, un animal à deux bosses. Dame aux chameaux est peut-être une allusion
grossière à la gorge opulente de Marguerite, et pour marquer le contraste avec
Corisande, une femme de belle taille et mince.
[12] Itinéraire, p. 347.
[13] Marguerite au conseiller
Seguier, 5 novembre 1602. Guessard, pp. 363-368.
[14] Lauzun, Lettres inédites
(Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg), lettre XXXIV.
[15] Il toucha pour ses honoraires
et pour ses frais de route 132 écus (environ 396 livres, l'écu étant alors à
peu près de 3 livres), dont 120 écus pour un séjour de quarante jours à Usson,
à raison de 3 écus par jour, et 12 écus pour le voyage d'aller et retour
(quittance du 3 avril, Archives nat. K. K. 175, fo 304).
L'hôtelier
de Carlat, qui avait logé Delaunay et ses chevaux reçut 16 écus 20 sols (49
livres).
La
livre, valeur absolue, valait alors 3 francs environ. Les honoraires pour
quarante jours de soins et le déplacement montaient donc à 1.548 francs, qu'il
faut multiplier par 4 (?) pour avoir la valeur relative avant 1914 ; la note
d'auberge était de 147 francs, valeur absolue, et de 588 en valeur relative.
Ainsi ce médecin à demeure a touché 152 fr. 3o centimes environ par jour pour
ses services, et l'hôtelier 14 fr. 70 par jour pour la nourriture et le
logement du maître et de l'équipage.
[16] Brantôme, éd. Lalanne, VIII,
p. 40.
[17] Desjardins, IV, p. 640.
[18] Le gouvernement espagnol, se
considérant comme le maître de la Navarre, ne donnait à l'ancien possesseur que
le titre de prince de Béarn.
[19] Texte cité par Lauzun, Itinéraire,
p. 351 avec quelques fautes de lecture que j'ai corrigées. Archives nationales,
K 1564, B. 57, pièce 124. Collection Simancas.
[20] Ce n'est pas l'avis de M.
Pierre de Vaissière au chap. VII de son excellent livre, Messieurs de
Joyeyse, Paris, s. d. (1926).
[21] Desjardins, IV, p. 669. Le Divorce
satyrique (Réaume, II, p. 669), accuse Marguerite elle-même d'avoir fait
donner le bocon à Marzé, parce que sa femme
l'avait surprise au lit avec d'Aubiac. Mais c'est invraisemblable.
[22] La mission de La Guesle est de
septembre 1586, comme on peut l'induire de la lettre de Catherine du 23
octobre, Lettres, IX, p. 513.
[23] Divorce satyrique,
Réaume, II, p. 671.
[24] Réaume, II, p. 669.
[25] Desjardins, IV, p. 669.
[26] Desjardins, IV, p. 667. Il quale si diceva avere avuto poco rispetto alla pudicizia
di lei. — Faudrait-il entendre qu'il a eu l'indiscrétion de lui
faire un enfant.
[27] Les historiens de Marguerite
ont embrouillé à plaisir les rapports de parenté de d'Aubiac ; ils confondent
Madeleine de Birac, sa sœur, avec Isabelle ou Isabeau, la fille de son frère
ainé, et par conséquent sa nièce germaine. Ils ont l'air de croire qu'Isabeau
est le diminutif de Madeleine, mais, quand même cela serait, l'oncle d'Isabeau dont parle un document ne saurait
être celui de Madeleine de Birac.
[28] Tamizey de Larroque, Revue
des questions historiques, VIII, janvier 1870, p. 263.
[29] Tamizey de Larroque, Revue
des questions historiques, VIII, janvier 1870, p. 263.
[30] Saint-Poncy, II, p. 239, note 1.
[31] Roucaute, p. 97, note I et p.
98.
[32] Itinéraire, p. 354.
[33] Lettres, IX, p. 513.
[34] Ibois sur la rive droite de
l'Allier, dans la commune actuelle d'Orbeil, au nord d'Issoire. Il ne reste
rien de ce château.
[35] Noailles dit expressément
qu'il avait mission de l'arrêter.
[36] Guessard, pp. 297-298,
antidate à tort cette lettre d'un an.
[37] Guessard, p. 293.
[38] Lettres, IX, p. 513, à
Villeroy.
[39] A Saint-Amand-Tallende,
Marguerite renvoya Madeleine de Birac, la sœur de d'Aubiac, à qui elle fit
payer les frais de son retour en sa maison de Saint-Vitour en Gascogne. Elle
licencia aussi le reste de sa suite, suivant quittance passée devant Maynon,
notaire à Saint-Amand, Saige et Dienne, II, p. 340, note.
[40] Lettres, IX, p. 109.
Lauzun, Itinéraire, p. 357, a brouillé différentes parties de la lettre.
[41] Lauzun, p. 358, d'après La
Ferrière, qui a malheureusement modernisé l'orthographe.
[42] Desjardins, IV, p. 662, 26
octobre 1586.
[43] Desjardins, IV, p. 663.
[44] Desjardins, IV, p. 666, 8
décembre.
[45] Desjardins, IV, p. 669.
[46] La Ferrière cité par Lauzun, Itinéraire,
pp. 357-358.
[47] Desjardins, IV, p. 666, 8
décembre.
[48] Desjardins, IV, p. 664.
[49] Mariéjol, Catherine de
Médicis, p. 388, et la note.
[50] Lettres, IX, p. 437,
janvier 1587.
[51] Mémoires de La Huguerye,
II, p. 373.
[52] Guise à Mendoza, 14 février
1587, Mémoires de La Huguerye, II, p. 277.
[53] L'Estoile, II, p. 364, déc.
1586.
[54] Certifié par Scaliger, après
son passage à Usson. Scaligeriana, verbo reine de Navarre.
[55] Lauzun, Lettres inédites
(Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg), lettre XXX. Le comte Hector de
La Ferrière place, contre toute vraisemblance, cette lettre en 1583 à la sortie
de Paris.
[56] D'après une lettre de Mendoza
à Guise du 14 août 1588 que personne ne s'est donné la peine de lire, mais
Croze l'a du moins publiée : Les Guise, les Valois et Philippe II, t.
II, pp. 328 et 333.
[57] Cette affaire est capitale
dans l'histoire de Canillac, et personne n'a l'air de s'en douter.
[58] Voir le détail des services
dans Roucaute, p. 50 et passim.
[59] Annales d'Issoire,
chap. XLVI, pp. 176-179.
[60] Lettres, IX, p. 92. De
Châteauneuf (Jacques de Scorailles-Clavières), Vernyes dit dans un de ses Mémoires,
p. 52 : Ce gentilhomme est fort sujet au gain et ne
suit la guerre et son parti que pour s'enrichir.
[61] Lettres, IX, pp. 92-93.
[62] Lettres, IX, p. 154, 2
fév. 1587.
[63] Esmein, Histoire du droit
administratif, pp. 437-438.
[64] Bouillet a beaucoup arrangé ce
texte. Comparer le manuscrit 614, f° 74, ancien f° 145.
[65] L'artisan de leur
réconciliation fut La Barge gouverneur du Vivarais.
[66] On a tort d'y comprendre
l'évêque du Puy, Antoine II de Saint Nectaire, un prélat antiligueur.
[67] Merki, p. 353.
[68] Croze, II, p. 273.
[69] Croze, II, p. 279.
[70] Lettres, IX, p. 176, 18
février 1587.
[71] Lettres, IX, p. 177.
[72] Lettres, IX, p. 177, 18
février 1587.
[73] Brantôme, VIII, p. 71.