LA VIE DE MARGUERITE DE VALOIS

 

CHAPITRE VI. — LA PACIFICATION DU MIDI.

 

 

[Du Bartas], Œuvres de Guillaume de Saluste seigneur du Bartas, revues et augmentées par l'auteur, 1582. Guillaume Colletet, Vie de Guy Du Faur de Pibrac, éd., par Tamizey de Larroque, avec notes et appendices, Paris, 1871 (tirage à part de la Revue de Gascogne, juillet 1869-juin 1870). Henri Estienne, Deux dialogues du nouveau langage françois italianisé et autrement desguisé.... A Envers, 1579 ; Id., Apologie pour Hérodote, 2 tomes en 3 vol., éd. Duchat, La Haye, 1735. Jean-H. Mariéjol, Marguerite de Valois, reine de Navarre, en Gascogne (sept. 1578-fév. 1582), Revue de Paris, 1er et 15 février 1922. Les Essais de Michel de Montaigne, éd., Strowski, Bordeaux, 3 vol., 1906-1909 et un 4e vol. (1920) : Les sources des Essais. Les Quatrains moraux de Pibrac, éd., de 1640. De Thou, Mémoires de Jacques-Auguste de Thou depuis 1553 jusqu'en 1601, Choix de Chroniques et Mémoires sur l'Histoire de France, éd., Buchon, p. 564-676.

 

APRÈS la fuite du duc d'Anjou, Marguerite sentit plus vivement que jamais, si ce n'était pour la première fois, la fausseté de sa situation, ce séjour à la Cour de France, loin du Roi son mari, qu'elle n'aimait guère, près du Roi son frère qu'elle n'aimait pas, sans avoir comme compensation la présence du seul parent qu'elle aimât, le clac d'Anjou. L'envie lui venait sans doute aussi d'être reine de Navarre pour tout de bon. Catherine était toute disposée à la satisfaire. Elle n'avait réussi ni par promesses ni par raisons à détourner son jeune fils de la conquête des Pays-Bas, et elle craignait, si on y employait la force, de l'induire en tentation de révolte et de soulever contre Henri III les mécontents des deux religions, alliés de la veille. A tout prendre, par calcul et par sentiment, elle aimait mieux courir le risque problématique d'une guerre étrangère que le danger trop certain d'une guerre civile. Elle espérait éviter l'une et l'autre par le même moyen. La meilleure sauvegarde contre les représailles espagnoles, n'était-ce pas l'union de tous les sujets du Roi ? A cette œuvre d'apaisement, elle conviait sa fille qui, en l'aidant, s'aiderait elle-même.

Depuis le traité de Bergerac, les huguenots n'avaient pas cessé de brouiller ; ils refusaient, malgré leurs engagements formels de rétrocéder les places fortes dont ils s'étaient emparés au cours des deux dernières guerres. Le roi de Navarre, revenu au prêche et reconnu pour chef par le parti protestant, n'avait pas d'intérêt à décourager les refus et les résistances. Il se plaignait personnellement de n'être gouverneur de la Guyenne qu'en titre et accusait le maréchal de Biron, lieutenant-général de la province, de n'agir qu'à sa guise ou sur les ordres de la Cour de France, sans le consulter jamais. Il réclamait, non par amour, mais par dignité, sa femme qu'Henri III, depuis son retour dans ses Etats, détenait comme une sorte d'otage.

Puisque le duc d'Anjou s'obstinait à envahir les Pays-Bas, il fallait à tout hasard s'assurer que le Midi ne bougerait pas. Catherine offrait à Henri III d'aller négocier un arrangement avec les églises puisqu'il répugnait à sa dignité et à sa paresse d'y aller lui-même, mais c'était à condition qu'elle emmenât sa sœur. Quelle que fût sa confiance en son habileté diplomatique, elle appréhendait que son gendre, à leur première rencontre, ne réclamât la présence de la Reine. Il fallait lui ôter cette raison ou ce prétexte d'atermoiement. On pouvait aussi prévoir que ce mari, si impatient de revoir sa femme, quand Henri III la retenait près de lui ; trouverait quelque motif de faire le froid quand on lui offrirait de la reprendre. Marguerite travaillait à se ménager un bon accueil auprès de cet époux qui, deux ans et demi auparavant, s'était enfui du Louvre sans lui dire adieu et ne se montrait aimable que de loin par lettres, quand il avait besoin de renseignements. Elle tenait à le persuader qu'il lui tardait depuis longtemps de le rejoindre.

Vostre seur, écrivait Catherine à Henri III le 6 mai 1578, a faict tellement envers le sieur de Miosens (Henri d'Albret, baron de Miossans)[1], que quand il est arrivé devers mon filz le roy de Navarre, il l'a asseuré de la volonté grande qu'elle a de l'aller trouver et elle, Catherine, de la lui mener. Et lui, (le roi de Navarre), montrait grand désir de voir les Reines avec fort bonne délibération de l'aymer (Marguerite) parfaictement et de luy faire tout le bon traitement qui se peut[2]. Comme si Miossens, à qui Marguerite avait sauvé la vie lors de la Saint-Barthélemy, pouvait, par reconnaissance, exagérer l'empressement du mari à recevoir sa femme, Catherine ajoutait que ces bonnes dispositions lui avaient été confirmées par Lavardin, ce protestant breton, grand favori du roi de Navarre, qui est venu la saluer au Lude. Pourquoi, lui a-t-elle demandé, n'est-il pas allé au moings voir, à son dernier voyage à Paris, la reine de Navarre. A quoi il a répondu qu'il n'a auzé pour ce qu'il estoit quasi seul et mal accommodé et que sans cela il l'eust fait volontiers pour asseurer la reine de la bonne et droicte volonté du roy de Navarre. Mais Lavardin, si vague en matière d'amour conjugal, protestait de l'affection du roi de Navarre pour son royal beau-frère, laquelle ne sauroit estre plus grande. Il avait toujours entendu dire à son maître que c'était le naturel du roi de France et de la Reine-mère de l'aimer et qu'il en avait eu des preuves, étant encore tout petit. Si, lors des négociations de la paix de Sens, il avait réclamé une ville sur la rivière de Loire, c'était pour n'être pas si loin de parents qui lui portaient tant d'intérêt, et les aller voir plus facilement quelquefois, et puis s'en retourner sans aulcun trouble d'une part ni d'aultre. Catherine rapporte sans rire les gasconnades de ce Breton. Elle presse Henri III de contenter son frère et son beau-frère et, pour l'y décider, l'avertit que sa sœur, comme elle l'a appris depuis son départ de Paris, faict tout ce qu'elle peut pour mectre bien ensemble... le duc d'Anjou et le roy de Navarre, lesquels se doibvent veoir le plus tost qu'ils pourront[3].

A sa question, si les réformés étaient de l'affaire des Flandres, Lav rdin avait répondu que non, bien que Bussy en fût d'avis et suggérât une action commune du duc d'Anjou aux Pays-Bas et du roi de Navarre sur les Pyrénées. Mais la faveur de Bussy baisse. Son fils a recommencé à se fascher des façons impérieuses du favori. Elle croit certainement que Dieu lui fera la grâce de congnoistre, comme il congnoist desjà bien, en quelles mains il s'est mis, n'estant pas son naturel de demourer aynsi. L'assassinat de Bussy se prépare[4].

Les conseils de la Reine-mère et la leçon des faits décidèrent Henri III à laisser partir sa sœur. Il n'épargna pour l'adoucir et se l'attacher ni les belles paroles, qu'il avait à souhait, ni les bienfaits. Sa dot de trois cent mille écus[5] avait été, par stipulation de son contrat de mariage, constituée en une rente annuelle de 67.500 livres payable chacun an sur l'Hôtel de Ville de Paris, et assignation donnée à l'Hôtel de Ville pour l'acquit de cette somme particulièrement sur les recettes générales de Guyenne, Poitou et Auvergne et plus récemment sur celles de Rouen, Tours et Bourges. En échange de ces arrérages irrégulièrement payés, l'Etat cessant en ses besoins d'alimenter les caisses de l'Hôtel de Ville, Henri III, par lettres patentes du 18 mars 1578, lui assigna la somme de 67.500 livres en fons de terre sur aucunes parts et portions du domaine royal et lui bailla, quitta, céda, transporta et délaissa au lieu des 67.500 l. qu'elle prenoit sur les recettes générales, son domaine d'Agenois et Rouergue et des quatre jugeries de Verdun, Rieux, Riviere et Albigeois scizes (sises) en la seneschaucée de Tholose, et en outre les comtés de Quercy et de Gaure et les terres et seigneuries quy se trouvaront non engagés (sic) ne alienés en nos generallitez d'Amiens et Chalons jusques à la concurrence de la somme qui restera à fornir lesdites (desdites) soixante sept mille cinq cens livres. Sur toutes lesdites terres et seigneuries, le Roi abandonnait à sa sœur tous ses droits de justice, haulte, moyenne et basse, ainsi que la nomination et provision à tous bénéfices et offices ordinaires sans rien se réserver et retenir fors (sauf) les foy et homaige, ressorts et souveraineté et les couppes de boys de haulte futaige (futaie) d'icelles terres et seigneuries seulement[6].

Toutes ces terres et ces droits confinaient aux fiefs que le roi de Navarre tenait de la couronne de France : Albret, Foix, Armagnac, etc., et n'étaient pas loin du Béarn et de la Navarre, où il était prince souverain. Outre la pension telle que les filles de France ont accoustumé d'avoir, Henri III en donna encore une à sa sœur de l'argent de ses coffres. C'était déjà une belle réparation. Il multiplia les avances prenant la peine, raconte Marguerite, de me venir voir tous les matins et me representant combien son amitié me pouvoit estre utile et que celle du duc d'Anjou me causeroit enfin ma ruine. Mais il ne put esbranler la fidélité qu'elle avait vouée à son plus jeune frère, quelques raisons d'intérêt qu'il fit valoir[7].

Quand elle alla prendre congé de lui à 011ainville avec la Reine-mère et lui dire adieu, le passé semblait oublié et tous les sujets de querelle, sauf un, mais il était capital, écartés.

La maison de Marguerite fut encore plus superbement montée qu'en 1572 lors de son mariage[8]. Elle compte, en 1578, 35 dames et filles damoiselles nobles, 12 femmes de chambre et 2 femmes des filles, 7 maîtres d'hôtel, 8 panetiers, 4 échansons, 3 écuyers tranchants, 5 écuyers d'écurie. — 5 aumôniers, 2 chapelains, 3 clercs de chapelle, 5 médecins, t apothicaire, 1 chirurgien, vaquent aux soins du corps et de l'âme.

Le personnel des gens de service avait été accru, à l'exception toutefois des lavandières, qui ne sont toujours que trois. La superintendance de la maison royale distraite de la chancellerie fut partagée entre le général des finances et le trésorier et receveur général des finances. Un conseil de 8 conseillers et 4 secrétaires des finances, 17 autres secrétaires, 5 contrôleurs aidèrent la reine à expédier les affaires et à régir les terres, droits et revenus qui constituaient le nouvel assignat de sa dot.

Le train, en outre des cinq écuyers d'écurie, tous gentilshommes, était grand : argentier et pourvoyeurs d'écurie, cocher du corps, cocher du 28 coche, cocher pour le coche des femmes, cocher pour le chariot de poste, laquais du corps, qui va à cheval avec la reine, laquais du chariot branlant, muletiers de la litière du corps et de la seconde litière, palefrenier, charretiers. Considérable, le personnel de la bouche : boulanger, écuyers de cuisine, queux, potagers, hâteurs, enfants de cuisine, galopins, porteurs, garde-vaisselle, pâtissiers, verduriers, bouchers et poissonniers, fruitiers, etc. Nombreuse aussi la domesticité sans spécialisation : aides de toute sorte, serviteurs des serviteurs, valetaille inférieure. Rare, celle des artisans et marchands, destinés à parer ou à fournir aux besoins immédiats : mercier, menuisier, orfèvre, tailleur pour hommes, tailleur pour dames, vertugadier (ouvrier en vertugadins), barbier pour les cheveux des pages, sellier, éperonnier, etc.

Toute cette troupe d'environ 300 personnes nobles ou roturières, gentilshommes, officiers, dames de la suite, domestiques de tout rang et de toute condition, devait faire escorte à la reine de Navarre en son voyage, et, à l'arrivée dans ses Etats du midi, grandir le prestige royal.

La dame d'honneur semblait choisie pour apaiser les susceptibilités huguenotes. Mme de Pecquigny (Françoise de la Bretonnière ou de Warty) était une de ces nobles dames qu'à l'époque des persécutions d'Henri II contre les réformés, la police avait surprises dans une de leurs réunions de prières, rue Saint-Jacques (sept. 1557) et elle aurait couru risque de la prison, sinon de la vie, si Catherine de Médicis ne l'avait fait mettre en liberté, comme étant de sa maison. Au contraire, le chancelier de Marguerite, Guy Du Faur de Pibrac avait écrit une apologie de la Saint-Barthélemy, en un beau latin cicéronien, mais c'était, expliquait-il dans l'apologie même, par ordre de son souverain. Pour meilleure excuse, pouvait-il se vanter d'avoir, comme ambassadeur de France à Trente, pris vigoureusement à partie les Pères du Concile et raillé sans pitié les abus de la Cour de Rome. D'ailleurs il était le frère de Louis Du Faur, sieur de Gratens, chancelier du roi de Navarre, cet ancien conseiller-clerc au Parlement de Paris, qui, le jour de la fameuse Mercuriale, s'était élevé avec force, en face d'Henri II, contre l'application de la peine capitale à ceux qu'on incriminait d'hérésie et qui n'en convenaient point. Enfin il avait publié les Quatrains moraux où il développait en marge des préceptes de l'Evangile le pragmatisme de la sagesse antique. Gallican convaincu, moraliste et poète, tolérant et humain en dépit de sa fâcheuse docilité aux pouvoirs d'intolérance, Pibrac avait droit, de la part des réformés, au moins au silence respectueux.

C'était en ce temps-là un grand personnage : ancien juge-mage à Toulouse, président au Parlement de Paris, conseiller du Roi, en son Conseil privé. De famille toulousaine, allié ou apparenté à la noblesse de robe ou d'épée du Languedoc, homme de confiance d'Henri III, qu'il avait suivi en Pologne, frère de Louis Du Faur, et d'un autre Du Faur, chambellan du roi de Navarre, il était tout désigné pour servir de médiateur entre les deux Rois et entre le mari et la femme.

Catherine n'emmenait de ses dames et de ses demoiselles que les plus favorites, celles qui l'accompagnaient dans ses villégiatures et ses chevauchées diplomatiques, La Verne, Dayelle (Victoire d'Alaya), une Espagnole, et l'ensorceleuse Charlotte de Sauves, etc. ; en tout, comme elle disait, vingt cornettes[9], mais qui valaient nombre de gendarmes d'ordonnance. C'est le fameux escadron volant, dont on l'accusait de se servir pour attaquer à sa façon et réduire les chefs de partis. Mais il faut remarquer qu'il s'y trouvait des femmes qui n'étaient plus jeunes, comme la duchesse d'Uzès, la grande amie de Catherine, et d'autres, dont la chronique scandaleuse d'alors n'attaque pas la vertu.

Elle avait un entourage d'hommes imposant : un des quatre secrétaires d'Etat, Pinart, des conseillers du Roi, choisis parmi les plus capables, Saint-Sulpice et Paul de Foix, celui-ci ancien ambassadeur à Venise et en Angleterre, et celui-là, à Madrid, et enfin Jean de Monluc, évêque de Valence, l'heureux négociateur de l'élection de Pologne.

Les protestants rigides, ministres ou gentilshommes, voyaient avec inquiétude arriver les deux Reines avec ce cortège de femmes séduisantes et de diplomates avisés. Ils soupçonnaient Catherine d'un plus haut dessein que de réunir des époux mal assortis et d'assurer l'exécution du traité de paix. Ne se faisait-elle pas accompagner ou suivre de tous les Bourbons catholiques, duc et duchesse de Montpensier, cardinal de Bourbon, princesse douairière de Condé, comme pour les donner en exemple au roi de Navarre, qui, seul de sa race avec son cousin le prince de Condé, s'obstinait dans l'hérésie ? Et, en effet, il n'est pas impossible qu'elle ait rêvé, car c'était une grande imaginative, de ramener par persuasion au catholicisme son gendre qu'elle y avait converti de force lors de la Saint-Barthélemy. Les croyances d'Henri de Bourbon paraissaient bien flottantes. Après sa fuite, il avait tant différé d'abjurer à nouveau qu'il semblait n'être revenu au protestantisme que pour reprendre la direction du parti protestant. Ses mœurs, qui étaient débordées, scandalisaient les ministres. Il avait dans son armée et son conseil des catholiques : Miossens, Gramont, Duras, Roquelaure, qu'il avait beaucoup de peine à faire accorder avec les chefs réformés, Lavardin, Turenne, Quitry, La Noue, d'Aubigné. Mais, prévoyant comme il l'était et déjà préoccupé de ses chances d'héritier présomptif, tolérant d'ailleurs et humain de nature, il maintenait de son mieux autour de lui l'union des partis religieux que Montmorency-Damville avait inaugurée dans le Languedoc. Quand les Etats généraux de Blois lui avaient délégué pour le prier de se refaire catholique, il leur avait répondu qu'il a accoustumé de prier Dieu en une si belle assemblée que si sa religion est la bonne, comme il croit, qu'il (Dieu) veuille l'y confirmer et assurer, que si elle est mauvaise, lui fasse entendre la bonne et illuminer son esprit pour la suivre et y vivre et mourir, et, après avoir chassé de son esprit toutes erreurs, lui donner force et moyen pour aider à la chasser de ce royaume et de tout le monde s'il est possible. Les pasteurs indignés firent effacer ces lignes ; le Roi les rétablit. Plus clairement encore, il écrivait en cette même année 1577 : Ceux qui suivent tout droit leur conscience sont de ma religion, et moi je suis de celle de tous ceux-là qui sont braves et bons.

Assurément il n'était pas impossible que ce chrétien latitudinaire se muât en catholique d'étiquette, et c'est tout ce que la Cour de France lui demandait, estimant que sa défection serait la ruine du parti protestant et l'affermissement de l'autorité royale. Mais pour qu'il changeât de parti par pur intérêt politique, en vue de son avenir, il aurait fallu qu'il crût en l'amitié constante d'Henri III cet être tout féminin mené par les nerfs et les mignons, et qu'il livrât ses compagnons d'armes en proie à leurs ennemis : erreur de psychologie et trahison dont cet esprit si fin et ce Roi gentilhomme était incapable.

Cependant les deux Reines approchaient avec tout leur train. Parties d'011ainville le 8 août (1578) elles arrivèrent le 28 à Cognac, et le 18 septembre à Bordeaux, où il y eut un long arrêt.

Le roi de Navarre s'était rappelé ou on lui avait rappelé la déclaration des Etats de Béarn contre la validité de son mariage avec une catholique, et il demandait qu'une nouvelle cérémonie eût lieu au temple selon les rites de l'église réformée. Cette prétention d'épouser à nouveau sa femme était assez plaisante. Voulait-il, par cette affectation de zèle, gagner du temps ou rassurer ses coreligionnaires sur ses intentions ? Les Reines restèrent douze jours à Bordeaux.

Catherine estimait que le rapprochement des époux était le meilleur prélude aux négociations de la paix. Elle était partie quoy qu'elle n'eust pas la parole du roy de Navarre de la recevoir, s'acheminant, priant et menaçant que, menant sa fille, si elle estoit refusée que la honte qu'on feroit au Roy et à elle seroit telle que prenant le seul roy de Navarre à partie et donnant la jouissance de l'édit à ceux de la Religion qu'ils ne voudroient favoriser le roy de Navarre à une si mauvaise cause. Le roi de Navarre, averty de cecy, et entendant force murmures des provinces qu'ils n'avoient eu les armes en la main que pour la religion, que, cette occasion cessant, ils estoient sujets du Roy (de France), qu'il leur seroit fort dur d'abandonner le roy de Navarre, mais qu'ils y seroient contraints si la cause générale se rendoit particulière.

Cela fit changer d'avis et l'on fit dire à la Reine-mère qu'elle vint et que sa fille se comportant selon son devoir, que tout le passé seroit mis en oubly[10].

Catherine avait pris les devants. Elle entendait que Marguerite fût reconnue de tous pour reine de Navarre, et depuis leur entrée en Guyenne, dont son gendre était gouverneur en titre, elle lui faisait faire dans les villes capitales des entrées solennelles. En ces cérémonies d'apparat, Marguerite se préparait à un plus grand rôle, cherchant par delà les Gascons à faire impression sur le roi son mari.

Elle avait accompli ses vingt-cinq ans, largement épanouie en une belle jeune femme. Au portrait exposé lors du centenaire de Ronsard[11], la description de Brantôme est le meilleur des commentaires :

Soit qu'elle veuille monstrer sa douceur ou sa gravité, il (son beau visage) sert d'embrazer tout un monde, tant ses traicts sont beaux, ses linéamens tant bien tirez et ses yeux si transparans et agréables, qu'il ne s'y peut rien trouver à dire : et qui plus est, ce beau visage est fondé sur un corps de la plus belle, superbe et riche taille qui se puisse voir, accompaignée d'un port et d'une si brave majesté qu'on la prendr'a tousj ours pour une déesse du ciel plus que pour une princesse de la terre[12]. Elle était si sûre de sa beauté éclairée par de grands yeux noirs que, contrairement à l'usage, elle ne portait pas le plus souvent de masque. Ses cheveux aussi étaient noirs, et, le blond étant alors à la mode, elle mettait comme les brunes une perruque, mais ne se défendait pas à l'occasion d'étaler ses cheveux naturels, mais frisés, éventés, relevés et crêpés, tout pénétrés et traversés d'air et de lumière, et non aplatis sur les tempes, en bandeaux, à la manière des Espagnoles.

Des perfections cachées de son corps, Brantôme, ne veut rien dire par verecundie, lui d'ordinaire si indiscret, mais il glorifie sa gorge, qu'elle découvrait hardiment, comme un tel chef-d'œuvre de forme et de blancheur que les plus privées de ses dames avec sa licence la baisaient par un grand ravissement[13].

Elle passait pour la femme de France la plus superbe en vêtements, la plus recherchée en parures, la plus inventive en ajustements, et qui n'avait son égale pour l'élégance et le goût. Ceste belle Reyne, dit encore Brantôme, en quelque façon qu'elle s'habillast, fust à la françoise avec son chaperon, fust en simple escoffion, fust avec son grand voille, fust avec un bonnet, on ne pouvoit juger qui luy siedsoit (seyait) le mieux ny quelle façon la rendoit plus belle, plus admirable et plus aymable, tant en toutes ces façons, se sçavoit-elle bien accommoder, toujours y ajoustant quelque invention nouvelle non commune et nullement immitable[14].

Bordeaux vit le jour de son entrée solennelle (21 septembre) paraître en triomphe la plus belle et accomplie reyne du monde.

Ce jour-là, Marguerite, débarquant selon la coutume quai des Chartrons, y fut haranguée par l'archevêque, Antoine Prévost de Sansac, par le maréchal de Biron, qui parla deux fois comme lieutenant-général du Roi et comme maire, et par le premier président au Parlement de Bordeaux, Largebaston. A tous trois elle répondit si éloquemment, si sagement, si promptement, et avec telle grâce et majesté, mesmes à un chacun, que déclara le premier président à Brantôme, elle surpassa de beaucoup les reines Marguerite (d'Angoulême, sœur de François Ier) et Jeanne d'Albret, cependant deux bouches d'or des plus disertes de la France.

La Reine-mère, à qui Brantôme s'empressa d'aller rapporter cette louange, répliqua qu'encore qu'elle fust sa fille elle pouvoit dire sans mentir que c'estoit la plus accomplie princesse du monde et qui disoit ce qu'elle vouloit et des mieux[15]. Catherine s'effaçait, pour mieux la faire valoir. Elle souhaitait que le bruit de ces succès de parole, de beauté, et de parure arrivât jusqu'au roi de Navarre et lui apprît de quelle merveille il ne tenait qu'à lui de redevenir le seigneur et maître.

Le résultat qu'elle en attendait était si avantageux au Roi et au royaume de France qu'elle aurait pu dire à Marguerite ce que dans les Peines d'amour perdues, qui risquent fort d'être de Shakespeare, un grand seigneur dit à la princesse de France envoyée par son père au roi de Navarre pour lui réclamer l'Aquitaine :

A présent, Madame, évoquez vos meilleurs esprits. Considérez qui est le Roi votre père qui vous envoie et à qui il vous envoie et quelle est son ambassade. Vous-même estimez à son prix la gloire [que vous avez] aux yeux du monde entier de traiter avec l'héritier de toutes les perfections qu'un homme peut avoir, l'incomparable Navarre ; l'enjeu n'est pas moindre que l'Aquitaine : une dot de reine. Soyez donc envers lui aussi prodigue de toutes vos séductions que la nature le fut en vous faisant toute séduction, quand elle en affama le reste du monde pour vous les départir toutes[16].

Marguerite n'avait pas besoin d'exhortation. Elle voulait reparaître plus belle et plus désirable à cet époux si distant qu'il semblait à peine se souvenir d'elle. Elle se préparait à la prochaine rencontre comme à une lutte dont le prix était un cœur royal. La vieille amie et la plus intime de Catherine, sa compagne de voyage, Louise de Clermont, première duchesse d'Uzès, avait vu grandir tous ces Valois et continué de vivre avec eux en une telle familiarité que Charles IX, à dix ans, lui écrivait : Ma vieille lanterne, et signait : Votre jeune falot ; qu'en style noble Marguerite l'appelait : ma Sibylle et Henri III irrévérencieusement : la plus belle pucelle de France. Elle-même en termes plaisants, dans une lettre au roi de France, son mignon comme disait la Reine-mère, décrivait les apprêts de l'amoureuse. Sire, ma fidélité seroit trop cachée si je ne vous faysois entendre promptement le soupçon en quoy je suys de quelque entreprise qu'a la Royne vostre sœur laquelle je ne puis descouvrir, mais vous qui avez cognoissance parfaite d'elle je m'asseure que vous l'entendrez soudain qu'aurez vu ceste lettre. Il y a troys jours qu'elle se tient renfermée et n'a que troys femmes de chambre avec elle, l'une avec le glaive, l'autre avec la paste et la dernière avec le feu ; tousjours dans l'eau, blanche comme lys, sentant comme basme (baume), se frotte, se refrotte, fait encensemens, de sorte que l'on diroit que c'est une sourcière avec charmes.... Marguerite n'avouait pas, de peur du ridicule, que si elle se baignait, se frictionnait et se faisait parfumer, friser, crêper, et épiler (les sourcils), c'était afin de séduire son mari. Ses plus famylières amies lui demandant pour qui elle prenait tant de soins, elle répondait que ce n'estoit pour plaire à autruy, mais à elle seule. Toujours sur le même ton de raillerie, l'épistolière rassurait Henri III, qui pouvait craindre que sa sœur ne se passionnât tant pour les intérêts du roi de Navarre qu'elle en oubliât ceux du roi de France : Vous estes son cœur, son tout et... tous ces dits charmes se font pour votre service. Elle lui donnait des nouvelles de la Reine sa mère, qu'elle espérait bien lui ramener saine et victorieuse, et promettait de lui mander tout ce qui serait survenu quand nous aurons vu le nouveau marié. Le nouveau marié, c'est évidemment le roi de Navarre, soit que Louise de Clermont s'amusât de son intention de réépouser sa femme, soit qu'elle estimât qu'après plus de deux ans de séparation et environ six ans d'infidélité la reprise pouvait passer pour un commencement[17].

A la première rencontre en une maison seule, appelée Casteras, qui est, dit la Reine-mère, sur le chemin entre Saint-Macaire et La Réole, le roi de Navarre salua cette belle Cour de très bonne grâce et ce semble de très grande affection et avec fort grand aize (2 octobre 1578). Il avait amené, Pour faire honneur aux deux Reines, une troupe nombreuse de gentilshommes bien équipés et bien parés, parmi lesquels le vicomte de Turenne, Henri de la Tour d'Auvergne, un revenant des complots du mardi-gras, l'un de ses meilleurs capitaines, et qui passait pour être son Mentor, ou, comme dira plus tard Catherine, son maître d'école. Il monta dans leur chariot et fit route avec elles jusqu'à La Réole[18].

Catherine dont la passion était de négocier, au lieu de laisser à ce jeune ménage le temps de se reconnaître, commença, aussitôt arrivée, à entretenir le roi de Navarre des bonnes intentions d'Henri III. Les jours suivants elle entreprit de le réconcilier avec le maréchal de Biron à qui, comme gouverneur en titre de la Guyenne et chef du parti protestant, il avait tant de raisons d'en vouloir. Elle estimait que le maréchal était le mieux au courant des villes, châteaux et autres places où il avait été innové au préjudice de l'Edit de pacification, et proposa de le faire venir pour les aider à tout le travail de rétrocession. Mais le roi de Navarre se mit en colère, et, quoi qu'elle lui dît pour adoucir son ressentiment, elle ne put du tout gaigner cela sur luy. Marguerite, qui avait été d'avis de ne pas trop presser son mari, s'entremit, sa mère insistant, pour le décider à cette rencontre[19]. L'entrevue eut lieu à Sainte-Bazeille sur le chemin de La Réole à Marmande (8 oct.). Mais quand le roi de Navarre se trouva dans la chambre de la Reine-mère en présence de celui qu'il considérait comme un ennemi, il luy parla plus brusquement, écrit Catherine à Henri III, que nous ne pensions, vostre sœur la reyne de Navarre et moy... dont ledict sieur maréchal monstra d'estre fort en colère. Mais les bons offices de votre sœur et de mon cousin le cardinal de Bourbon et la peyne que j'y prins envers l'ung et l'aultre pour le bien de vostre service fut cause de les accorder tellement quellement[20], c'est-à-dire plutôt mal que bien. La reine de Navarre, écrivait Catherine à Henri III, s'est fort employée et a bien servy envers ledict sieur roy de Navarre son mary pour ledict sieur de Biron.

Après ces premiers essais d'action commune qui semblent avoir été heureux, on s'étonne que Marguerite n'ait pas suivi le roi de Navarre et ne se soit pas installée dans une ville à elle, comme Agen, ou une ville à lui, comme Nérac ? Mais il n'aurait pu entrer dans Agen qu'occupait une garnison catholique et elle se serait trouvée comme prisonnière dans Nérac au milieu des troupes protestantes. Le mieux était d'attendre le règlement général des difficultés avant qu'elle quittât sa mère, et de continuer la conquête de son mari aux étapes où ils se rencontreraient. Cependant Catherine, en ses efforts de pacification, avait autant de peine à rétablir le culte catholique dans les villes occupées indûment par les protestants qu'à faire rentrer les protestants dans les villes d'où leurs compatriotes catholiques les avaient chassés. Elle se plaignait de toutes ces intransigeances dans ses lettres à Henri III. Le roi de Navarre, si bien disposé qu'il fût pour le rétablissement de la paix, avait à compter avec aucuns de la religion prétendue réformée qui ont tant de malice au cœur qu'ils empeschent l'effet de ses bonnes intentions. Les catholiques, et entre autres certains capitaines, excitaient par tous les moïens la défiance contre le roi de Navarre et ses coreligionnaires et se montraient encore plus difficiles[21].

Les deux Cours continuèrent à voyager tantôt de compagnie, tantôt séparément. Catherine et sa fille se dirigèrent vers Agen, une des villes de l'apanage de la reine de Navarre. Les consuls à qui le maréchal de Biron avait recommandé de faire quelque belle entrée.... comme l'on a accoustumé de faire à toutes les filles de France[22], avaient préparé le logis, ou, comme dit le document fait une maison, où Marguerite s'arrêta la veille. Le lendemain, 12 octobre, sous un pavillon de damas blanc, présent de la municipalité, elle franchit la Porte-du-Pin et prit possession de la capitale de son comté d'Agenais, en grand triomphe, escortée de la noblesse du pays, des consuls et des milices de la ville.

La Reine-mère avait laissé à sa fille tout l'honneur de cette réception solennelle. Mais elle profita du concours de la noblesse catholique à cette fête pour réunir à l'Evêché où elle était descendue sans apparat les gentilshommes présents, dont il y avait fort grand nombre et des plus grands de toute ceste Guienne[23], et elle n'oublia rien, écrit-elle à Henri III, de tout ce qu'il lui avait semblé leur devoir dire pour le bien de son service. En cette harangue, dont le texte a été publié[24], elle les priait de se conformer au désir du Roi et d'embrasser de cœur et d'affection l'union à laquelle, en son nom, elle les conviait.

Après un éloquent appel à la concorde, elle leur recommandait d'obéir au roi de Navarre, son lieutenant et gouverneur général en Guyenne et le mari de sa sœur, mais c'était à la condition, comme elle l'espérait, que le roi de Navarre le reconnaîtra pour son Roi et les traitera comme les sujets du Roi.

Elle invoquait à l'appui du devoir d'obéissance l'exemple le plus capable de faire impression. Il (Henri III) vous envoye aussi sa sœur que j'ay chèrement nourrie et instruicte à honorer et recognoistre le Roy son frère et entendre à tout ce qui appartient à son service, et singulièrement à avoir soing du bien et conservacion de ses bons subjectz, comme je m'assure qu'elle aura de vous, et partant si avez quelque doute vous [devrez] avoir recours à elle, luy ferez entendre voz affayres et elle vous y pourvoyra selon qu'elle sçait estre de la vollunté du Roy son frère ; que s'il advenoist (ce que Dieu ne veuille et que je ne pourroys jamais penser) qu'elle eust aultre intencion, et moy mesme quand Dieu n'oubliroit (lisez m'oublierait) tant que d'estre envers le Roy, qui est le vostre et le myen, aultre que je ne doibtz, je vous prie ne nous tenir ne elle [ne] moy pour ce que nous sommes et me préférer le service de vostre Roy à toutes autres considéracions. Toutesfois je m'asseure que Dieu luy fera ceste grace de se conduire si saigement que pourrez mestre vostre entière confiance en elle[25]. C'était se proclamer, elle et sa fille, déchues, en cas de désobéissance, des privilèges de leur rang, afin de mieux faire sentir à cette noblesse turbulente le mérite de la fidélité. Pensait-elle à ce moment au passé de Marguerite avec quelque appréhension de l'avenir ?

La leçon de loyalisme donnée et l'hommage d'Agen reçu, les Reines (14 oct.) partirent pour Toulouse où elles devaient rencontrer le gouverneur du Languedoc, Montmorency-Damville. Le roi de Navarre les avait quittées à Marmande (9 oct.) ; il les revit encore le 11 et le 15 en route. Sauf pendant leur long séjour, du 19 oct. au 6 et 10 nov., à Toulouse, ville ultra-catholique qu'aurait ameutée l'apparition du roi huguenot, il n'était jamais bien loin.

A ces fréquents retours, il se disait prêt à traiter, mais même s'il était sincère, — et il n'y a aucune raison de croire qu'il ne le fût pas — et si, comme le raconte Marguerite à sa mère, il veut la paix, ceulx qui sont auprès de luy ne la désirent pas. Aussi se dispensa-t-il d'aller au rendez-vous fixé par Catherine à L'Isle-en-Jourdain, sous prétexte d'un furoncle. Les défiances étaient si grandes que les catholiques ne voulaient pas d'une ville protestante ni les protestants d'une ville catholique pour y tenir la conférence de la paix. Turenne l'emporta et fit accepter la capitale du duché d'Albret, Nérac. Catherine et Marguerite se rendirent à Auch où elles pensaient demeurer jusqu'à l'arrivée des députés des églises (21 nov.), mais il en fut autrement.

Le roi de Navarre, maintenant fort empressé, multiplia les visites aux voyageuses. Il s'invitait à dîner, restait à coucher. Il les rejoignit à Auch et fit solennellement son entrée dans cette capitale de son comté d'Armagnac, dont les consuls lui avaient, deux ans auparavant, fermé les portes, et qui, ce jour-là, lui présentèrent les clefs de la ville avec d'humbles excuses. Discrètement, pour laisser toute apparence de spontanéité à cet acte de réconciliation, Catherine s'en était allée avec le maréchal de Biron et d'autres personnes de qualité à une tente de palombes. Nous trouvasmes, raconte Turenne, la reyne Marguerite et les filles. Le roy de Navarre et ladite reyne se saluèrent et se tesmoignèrent plus de preparalion à un accommodement qu'ils n'avoient faict les autres fois qu'ils s'estoient veus. Les violons vinrent. Nous commençâmes tous à danser (23 novembre). La politique ne s'y opposant plus, le charme de l'épouse opérait.

Mais pendant le bal qui suivit le souper, un messager vint dire au roi de Navarre, à l'oreille, que les catholiques s'étaient emparés de La Réole. Ce n'était qu'un soulèvement des habitants de la ville contre le capitaine Favas, un huguenot, qui les gouvernait tyranniquement. Mais le roi crut à un coup de main organisé par Biron. Il s'esquiva discrètement avec Turenne et alla se saisir de la ville de Fleurance à titre de gage. Catherine fut très marrie de ce contretemps. Elle fit partir pour La Réole Biron, qui n'eut pas de peine à y rétablir l'ordre. A la fin, il fut résolu que la place seroit remise aux protestants, mais que le sieur d'Ussac en auroit le gouvernement et (que) le sieur de Favas n'y rentreroit.

Aussitôt cet incident réglé, le roi de Navarre alla trouver à Jegun la Reine-mère, qui avait laissé sa fille à Auch, et parler avec elle de la conférence, et, s'étant retiré en son logis, soudain il lui fit dire qu'il desiroit faire acte de bon mary et aller voir la reyne sa femme (29 novembre). A l'instant il monta à cheval, lui cinquième, et gagna Auch au galop. Quelques jours après (4 décembre) il retournait à Auch, toujours aux mêmes fins conjugales.

Il précéda les Reines à Nérac, la capitale de son duché d'Albret, où Marguerite fit le 15 décembre une entrée solennelle. Le grand poète français du Midi protestant, Guillaume de Saluste, seigneur du Bartas, avait dressé en vers un compliment où trois nymphes, la latine, la française et la gasconne, se disputaient l'honneur de rendre hommage la première à l'épouse du roi de Navarre, sœur du roi de France, et la perle des princesses lettrées. La Nymphe gasconne eut, comme il convenait, la préférence pour les raisons qu'elle disait en sa langue :

Iou soue nympho Gascoue : ere es are Gascoue

Soun marit es Gascoun ; e sous sutgets gascous.

Je suis nymphe gasconne ; elle (Marguerite) est maintenant Gasconne,

Son mari est Gascon et ses sujets Gascons[26].

Le roi de Navarre, duc d'Albret, assistait au triomphe de sa femme avec tous les gentilshommes qu'il avait pu réunir. Il traitait ses hôtes de son mieux, se faisant envoyer d'Eauze par le gouverneur tout le gibier qu'on pourrait prendre, et d'ailleurs un tonneau de vin de Graves, onze pipes de vin blanc et clairet, des perdrix, des cailles, des grives, des pêches, des poires et autres fruits. Il a faict, écrit Catherine, et faict faire tout ce qu'il se peult envers nous et ceulx de nostre suitte de bon acueil et bonne chère[27].

Comme les fêtes de la Noël approchaient, Marguerite et Catherine quittèrent la ville huguenote et se retirèrent à une lieue de là au Port-Sainte-Marie, qui était au roi de France, pour y faire leurs dévotions. Elles y passèrent tout le mois de janvier, la conférence étant encore retardée par de nouvelles agressions entre catholiques et protestants et un redoublement de défiances. Cependant Marguerite ne laissait pas d'aller souvent à Nérac et Henri au Port-Sainte-Marie. Il s'assurait par expérience que sa jeune femme, si intelligente, était le défenseur naturel de leurs intérêts et la médiatrice toute désignée en ses désaccords avec la Reine-mère.

Mais la reprise de la vie en commun ne dépassait pas, à ce qu'il semble, la limite de l'entente cordiale, Marguerite avait peut-être rêvé mieux.

Le roi de Navarre, de nature infidèle, répugnait aux recommencements. Sa femme pouvait au moins se dire pour se consoler, si elle en sentait le besoin, qu'elle n'était pas seule à s'apercevoir de ce goût de changement. L'aimable Charlotte de Sauves n'avait plus de charmes pour lui ; il n'avait d'yeux que pour Dayelle (Victoire d'Alaya), une Espagnole, que tous les historiens, sur la foi de d'Aubigné, confondent avec la Cypriote Davila[28].

Son exemple était contagieux. A La Réole, à Auch, en toutes les rencontres avec les deux Reines ; les gentilshommes de sa suite, ces rudes capitaines, dont la plupart étaient jeunes, avaient regardé avec plaisir les filles et les dames. A chaque étape, on causait et on dansait. A Nérac, où le séjour fut plus long, les préférences se fixèrent, et l'attrait, comme aurait dit le poétique Pibrac, coula des yeux et des oreilles au cœur. Le vicomte de Turenne, ce froid politique, s'était, lui aussi, amouraché d'une des filles de la Reine-mère, La Verne[29]. On dansait partout et tous les jours, avant le dîner, durant l'après-midi et la soirée. Cette jeunesse, comme on le voit à d'autres époques de grandes guerres, avait la folie aux pieds. Catherine, qui avait hâte de conclure et de retourner à Paris auprès du Roi, son fils bien-aimé, montrait quelque humeur de ces liaisons, contrairement à ce qu'on répète de sa diplomatie galante. Elle inclinait à croire que ces huguenots amoureux prolongeaient à dessein les négociations pour retenir ses filles et retarder son départ.

Les députés des églises, dont la présence et l'assentiment étaient nécessaires aux chefs du parti protestant pour délibérer et conclure, arrivèrent enfin, et, aussitôt la conférence s'ouvrit (4 février 1579). Ils demandèrent l'organisation de leur culte pour chacun bailliage, le rétablissement du prince de Condé dans son gouvernement de Picardie, l'institution de justices mi-parties, le retour à l'Edit de 1576, le pardon (autrement dit l'amnistie, pour tous excès et pillages, le droit de faire garder les places qu'ils détenaient par des garnisons, dont le Roi paierait l'entretien[30]. De toutes ces revendications dont quelques-unes étaient légitimes, l'exigence où ils s'entêtèrent, et qui, celle-là, ne l'était pas, c'est qu'on leur laissât toutes les villes qu'ils occupaient. Turenne et sept gentilshommes représentèrent à la Reine-mère et â son Conseil que si le Roi voulait assurer leurs personnes par une bonne paix, il ne les debvoit presser de quicter aulcune ville. Ils ajoutaient avec une logique irrespectueuse que le passé les faisoit sages à conserver leurs vies, mesme qu'aux Estats généraux tenus à Blois (1576-1577), le Roy avoit faict serment, en révocquant tous les édits de la paix, de ne faire plus aulcun traicté avec ceulx de la religion. Et que s'il advenoit qu'il en fist, il déclaroit n'en avoyr volunté ne intention de garder aulcun serment qu'il faisoit pour cest effect[31] (13 fév.) Ces raisons étaient spéculativement irréfutables. On délibéra toute la journée et la reine de Navarre demeura au Conseil ladicte après disnée. Les députés sortirent fort aises, semblait-il, de la responce de Catherine de Médicis, mais sur le soir au poinct du soupper de la Reyne-mère, ils se présentèrent à Sa Majesté pour demander conged faisant la mine d'estre mal contens des moiens proposés pour leurs assurances. Catherine fut indignée qu'on demandât congé, et leur parla royallement et bien hault jusques à leur dire que les feroit tous pendre comme rebelles. Sur quoy, Marguerite se mist en debvoir d'appaiser le tout ; et même elle plura (pleura), suppliant Sa Majesté de leur donner la paix[32].

Les députés s'obstinèrent. La Reine-mère avait déjà fait commander son dîner pour le lendemain au couvent du Paravis près le Port-Sainte-Marie, mais à l'instante prière de la Royne de Navarre qui se pene beaucoup pour veoir les derniers accords, elle envoya quérir tous les conseillers après souper pour une nouvelle délibération, où le roi et la reine de Navarre assistèrent. Et feust advizé d'accorder de délai six mois pourveu que la condition d'exécuter l'edict ne feust trouvée impossible (15 fév.)[33]. Le départ fut ajourné au mercredi suivant.

Le lundi matin, après la messe, la Reine-mère s'enferma au Conseil entre sept ou huit heures avec le roi de Navarre et les députés, et déclara ses dernières intentions. Et parce que les députés sortirent très contens, dit le secrétaire de Damville, qui a tenu ce journal des Conférences, l'on tient pour asseuré que l'on demeurera d'accord du dict article, ne restant des aultres articles aulcune chose sans avoyr esté accordé, au contentement d'ung party et d'aultre. La convention de Nérac fut signée le 28 fév. 1579 et ratifiée par Henri III le 14 mars. Les protestants obtenaient de garder quatorze nouvelles places, en outre des huit qui leur avaient été laissées par la paix de Bergerac, mais c'était à condition de les restituer dans six mois et d'y permettre pendant ce temps le libre exercice du culte catholique.

Marguerite resta auprès de son mari bien résolue, écrit Catherine, à n'en plus bouger et heureuse, à ce qu'il semble, de reprendre la vie en commun. Son rôle dans les négociations et sa participation au compromis final avaient donné une haute idée de son intelligence. Ce n'est pas seulement par exagération de poète que Du Bartas, un réformé, en lui dédiant en 1582 la réédition de ses Œuvres, la louait, outre l'infinité de grâces et d'âme et de corps qui luisent en elle, de l'incroiable connaissance qu'elle a des affaires d'Etat, qui rend digne sa main de plusieurs sceptres, sa tête de plusieurs couronnes et son esprit du gouvernement de plusieurs empires[34]. Elle avait pris tellement à cœur les intérêts de son mari qu'elle pensa un moment laisser sa mère poursuivre seule un voyage projeté en Languedoc et qu'elle revint, après un court séjour à Agen (12-16 mars), s'installer jusqu'à la fin du mois à Nérac. Mais Catherine insista et finit par la décider à l'accompagner. Le roi de Navarre suivit les Reines, ne les quittant qu'aux approches des villes trop catholiques, ou quand elles s'arrêtaient, comme à Castelnaudary (16-19 avril) pour faire leurs Pâques. Il tenait à montrer aux églises toujours soupçonneuses, que, malgré sa courtoisie, il gardait mêmes convictions entières. Et Marguerite renonça par déférence conjugale à reparaître dans la fanatique Toulouse.

Entre Marguerite et Henri, c'est à défaut d'amour un accord étroit. Catherine aurait voulu ramener sa fille et son gendre à la Cour, estimant que les huguenots se montreraient plus faciles à exécuter les articles de Nérac, quand leur chef serait loin. Le roi de Navarre ne repoussait pas l'idée d'un voyage à Paris, mais, comme on le devine, pour d'autres raisons. Le duc d'Anjou avait envahi les Pays-Bas, où la diplomatie de sa sœur lui avait préparé les voies, et, après quelques succès qu'il ne put poursuivre, faute de moyens, il venait de rentrer en France, furieux contre le Roi son frère qui l'avait désavoué, et impatient d'engager à nouveau l'attaque avec de plus grandes forces. Le monde protestant commençait à s'émouvoir et à craindre que le duc de Parme, le meilleur général de Philippe II, débarrassé de cet adversaire et réconcilié avec les provinces du sud catholiques, n'écrasât de tout son poids les calvinistes du nord, qui luttaient avec peine sous le commandement de Guillaume d'Orange. La reine d'Angleterre, Elisabeth, avait montré jusque-là plus d'appréhension du triomphe des Français que de celui du catholicisme, mais maintenant elle ne défendait plus au duc d'Anjou d'intervenir aux Pays-Bas et même elle l'y excitait, lui faisant espérer en récompense le don de sa main. Il est possible qu'à Nérac le roi de Navarre ait, dans l'intérêt général de la cause, poussé ses coreligionnaires à signer la paix, afin de laisser les troupes du parti disponibles pour une autre guerre. C'est pour être plus près du duc d'Anjou et de la frontière qu'en avril il annonçait et faisait annoncer par Pibrac à Catherine, ravie d'aise, son intention de l'accompagner, quand elle retournerait en France.

Marguerite aussi souhaitait de revoir la Cour et le duc d'Anjou, mais c'était en compagnie de son mari. A la proposition que Catherine lui fit de l'emmener par le Languedoc, la Provence et le Dauphiné, où elle avait affaire, tandis que le roi de Navarre irait seul en droiture à Paris, sa fille répondit par celle de prendre tous les trois ensemble la route de Limoges. Elle ne voulait pas se séparer de lui. Toutefois il lui en coûtait de quitter sa mère, et, le jour des adieux, elle s'enferma dans sa chambre et pleura beaucoup.

Et lui, comme pour se faire pardonner de garder sa femme et d'ajourner son voyage à la fin de l'année, il se montrait le plus conciliant des chefs de partis et le plus aimable des gendres. Quand il sut la date exacte du départ de Catherine, il fit, la nuit, à cheval, six grandes lieues de Gascogne, qui en valent bien dix ou douze de France, pour lui dire un dernier adieu (8 mai 1579).

La Reine-mère partie, le couple royal se rendit à Pau, la capitale du Béarn, où Marguerite fit une entrée solennelle (26 mai). Mais ici commencèrent ses déceptions.

Le Béarn était l'héritage maternel d'Henri de Bourbon et le seul de ses Etats, avec la Navarre, sur lequel le roi de France ne pouvait prétendre de suzeraineté. Aussi Jeanne d'Albret avait-elle travaillé en toute liberté à y établir la Réforme. En Albret, en Armagnac et dans ses autres domaines qui relevaient de la couronne de France, elle était tenue à des ménagements de droit ; en Béarn, à la simple considération de ses intérêts politiques et de ses rapports diplomatiques. Pau, capitale du Béarn, et Nérac, capitale de l'Albret, étaient les deux villes symboliques de sa situation de vassale et de souveraine. A Nérac, pendant les guerres civiles, les églises avaient été saccagées, mais les catholiques continuaient à rester libres d'aller à la messe ; à Pau, tout exercice du culte leur était interdit. Jeanne avait promulgué contre les délinquants des peines très sévères. Mais Henri, pendant sa demi-réclusion du Louvre, avait promis à Charles IX, et à Henri III oralement, et, par déclaration scellée et signée de sa main, à l'archevêque de Vienne, député des Etats généraux de Blois, de contenter les catholiques de Béarn, lorsqu'il yroit audict pays. Or, depuis, ses conseillers et lui faisaient semblant de douter des paroles et de la signature ou ne s'en voulaient souvenir[35]. La réception faite à la reine de Navarre ne changeait rien aux lois existantes. Tout au plus, lui accorda-t-on de faire dire la messe pour elle et ses serviteurs dans une chapelle du château.

La plupart des historiens racontent à plaisir les galanteries de Marguerite et ne disent rien ou presque rien de sa ferveur religieuse. C'est ne la comprendre qu'à moitié. Dès son plus jeune âge elle s'affirma constante en son orthodoxie. Assurément l'hérésie de son mari était pour un peu, sinon pour beaucoup, dans la médiocre inclination qu'elle eut toujours pour lui. Jeune ou vieille, elle a lu des ouvrages qu'on est surpris de trouver aux mains mêmes d'une reine dévote. Dans l'inventaire de sa bibliothèque, qui, il est vrai, ne fut dressé qu'en 1608, mais qui reste pourtant un témoignage caractéristique de ses goûts intellectuels et littéraires, figurent en nombre les œuvres de la plupart des Pères de l'Église, saint Augustin, saint Jérôme, saint Thomas d'Aquin, saint Jean Chrysostome, saint Bernard et d'autres docteurs et défenseurs de la foi. On a vendu tout récemment relié à ses armes l'Enchiridion d'Eckius (Enchiridion communium locorum adversus Lutherum, Parisiis, 1565), un manuel de controverse que le fameux adversaire de Luther avait publié, comme il le dit dans sa préface, à l'intention de ceux qui n'ont pas loisir à cause de leurs occupations de lire de gros volumes, afin qu'ils eussent en main de quoi réfuter les hérétiques. Il serait intéressant de savoir en quelle année elle se l'est procuré.

A son départ de Paris pour la Gascogne, elle avait emmené en qualité de précepteur, pour parfaire son éducation, un savant homme, Choisnin, ce secrétaire de Monluc qui a laissé un récit de l'élection de Pologne. C'était l'habitude des grands personnages qui aimaient les lettres et qui voyageaient pour leurs affaires ou leur plaisir d'attacher à leur personne un lecteur et commentateur de marque. Ce que dit de Thou, en ses Mémoires[36], du rôle de François Choesne, un juriste, et de l'abbé d'Ossat, depuis cardinal, auprès de Paul de Foix, allant en ambassade, des livres qu'ils lisaient, des résumés qu'ils en faisaient et des questions qu'ils débattaient ensemble, peut donner une idée assez exacte, à la différence des ouvrages près, des services que Marguerite recevait de Choisnin. Il est vraisemblable que les problèmes de controverse religieuse ont dû être agités souvent par cette souveraine catholique, grande lectrice des Pères, en route pour le Midi protestant, et qui cherchait peut-être à se pourvoir d'arguments et de textes contre la dialectique et la documentation des ministres instruits à l'école de Genève.

Peut-être aussi, en réfléchissant aux nombreuses variations religieuses de son mari, s'est-elle flattée, en la vanité de sa science toute fraiche, de ramener à l'Eglise romaine ce protestant si tiède, qui venait à peine d'en sortir. Il est notable qu'en ce moment des réformés, qui approchaient de très près le roi de Navarre, se préoccupaient de l'affermir en sa foi. L'un de ses gentilshommes, Du Plessis-Mornay, bon diplomate et qui s'annonçait théologien, se trouvant de loisir à Londres après la conclusion de la paix de Bergerac, entreprit d'écrire un Traité de l'Eglise auquel sont disputées les principales questions qui ont esté meues sur ce point en nostre temps ; et dont la dédicace à Henry roi de Navarre, prince et seigneur souverain de Béarn et premier prince du sang de France, explique le dessein. S'il vous plaist le vous faire lire, vous y verrez à peu près quel doit estre le droit estat de l'Église de Dieu, quel il est à présent sous la tyrannie du pape, en l'Église romaine et conséquemment quel honneur Dieu vous fait en nostre temps, vous eslisant entre tant de grands princes pour la délivrer de telles servitudes. L'ouvrage parut à Londres en 1579, aux alentours de l'accord de Nérac, avec un avis aux lecteurs, dont les termes sont aussi à considérer : Que si aucuns y en a qui l'improuvent du tout, je les prie d'y vouloir respondre de poinct en poinct, et de raison en raison, avec un esprit de sincérité et douceur... cerchans pour prix de victoire le salut du peuple et non la gloire du monde. A quelle sorte de contradicteur pouvait-il bien penser ?

Les rapports de la reine de Navarre avec Montaigne à cette époque sont bien curieux. Elle avait pu le voir dans les voyages qu'il faisait à la Cour de France et elle le vit certainement à son arrivée en Gascogne. Elle connaissait sa traduction, parue en 1569, de l'ouvrage de Raimond Sebond, Theologia naturalis sive Liber creaturarum, où ce médecin du XVe siècle, qui professait à l'Université de Toulouse, établit à la suite de saint Thomas d'Aquin, par raisons humaines et naturelles contre les athéistes tous les articles de la religion chrétienne. Elle était sans doute de ces dames au secours de qui il était venu pour descharger leur livre — ce livre qu'il avait sien en le mettant en français — de deux reprehensions ou objections, l'une que la foi n'avait que faire de l'aide de la raison, l'autre que les arguments de l'auteur sont faibles et ineptes à vérifier ce qu'il veut. Mais ce n'est pas uniquement pour leur complaire qu'il a écrit ou qu'il achève[37] le célèbre chapitre XII des Essais, l'Apologie de Raimond Sebond, où il prend à partie et secoue si rudement cette raison humaine, qui se vante en sa superbe d'atteindre par ses seuls moyens à la vérité. Il en veut à ces esprits surveillants et paidagogues des causes divines et humaines, comme responsables de toutes les misères présentes. Vingt ans de combats, de supplices, de massacres démontraient clairement le danger de toucher à l'ordre de choses établi et de livrer les problèmes de l'Ecole aux débats de la place publique et à l'appétit des masses. L'hostilité systématique de Montaigne au mieux, de peur du pire, — sauf les adoucissements que suggérait l'esprit de douceur et de charité, — s'inspirait de cette expérience cruelle. S'il se plaisait à opposer philosophie à philosophie, coutume à coutume, loi à loi, morale à morale, nature à civilisation et se gaussait de ces vérités universelles qu'une montagne ou une rivière arrête et confine, il avait un plus haut dessein que l'amusette des contradictions. Conservateur social, et pour cause, il accumulait les déraisons de la raison humaine pour guérir du goût du changement tous les rêveurs de progrès. Etait-il sage de bâtir sur cette base ruineuse et, dans l'espérance vaine d'une amélioration, d'ébranler les fondements de l'Eglise et de l'Etat au risque de s'ensevelir sous leurs décombres ?

Cette critique radicale de la raison aboutirait en rigoureuse logique au pyrrhonisme s'il y avait plus de certitude à douter qu'à croire. Montaigne ne trouve ou ne semble trouver d'assurance qu'aux vérités de la Révélation, c'est-à-dire à celles que Dieu même certifie. Sans doute c'est aller un peu loin, comme l'a fait l'éditeur des Démonstrations évangéliques[38], que de placer ce penseur ondoyant, fuyant et divers, plein de tours, de retours et de détours, à côté de Raimond Sebond, entre saint Augustin, le théoricien de la grâce, et Descartes, le champion du rationalisme. Il serait lui-même bien surpris d'être enrôlé parmi les Docteurs de l'Eglise. Si on l'avait un peu poussé, il aurait peut-être avoué que la meilleure des religions, c'est pour chaque peuple celle qu'il a. Et toutefois, dans cette même Apologie de Raimond Sebond, en telle de ses pages qu'il faut reconnaître sincère, sous peine de ne lui accorder aucune sincérité, il parle en termes émus du mérite des âmes incurieuses et simples et de leur supériorité sur les esprits indiscrets et prétentieux qui se constituent juges des choses du ciel et de la terre.

Même avant l'apparition des Essais (mars 1580), Marguerite a certainement entendu Montaigne exposer quelques-unes de ses raisons contre la raison et témoigné le désir de les lire largement développées, comme il fit. Vous pour qui j'ay pris la peine, dit-il dans la dédicace de l'Apologie, d'estendre un si long corps contre ma coustume.... Il est vrai qu'il ne la nomme pas, mais de qui pouvait-il être question, dans les termes que voici : Vous qui par l'authorité que vos tre grandeur vous apporte et encores plus par les avantages que vous donnent les qualitez plus vostres, pouvez d'un clin d'œil commander à qui il vous plaist.... Cette louange ne convenait qu'à la femme du roi de Navarre, sœur du roi de France, et si belle qu'elle pouvait d'un regard se faire obéir. Enfin quand Montaigne parle de cette puissante princesse anonyme comme instruicte tous les jours dans l'art d'argumenter, et qui continuerait à trouver, dans le livre de Sebond de quoi exercer son esprit et son estude, ne pense-t-on pas naturellement à la royale élève de Choisnin[39] ?

S'il prônait tant la suffisance de Raimond Sebond, ce n'était pas sans intention. Il craignait que Marguerite, par esprit de prosélytisme ou désir de gloriole, ne fût tentée de tirer, à tout propos et hors de propos, contre ses contradicteurs, cette arme de critique transcendante qu'il avait forgée à d'autres fins.... Ce dernier tour d'escrime, il ne le faut employer que comme un extresme remède. Objecter à des opposants l'impuissance de la raison, c'est se déclarer soi-même impuissant à les convaincre. La riposte nouvelle est un coup désespéré, auquel il faut abandonner vos armes pour faire perdre à votre adversaire les siennes et un tour secret dont il se faut servir rarement et réserveement. C'est grande témérité de se perdre vous-mesme pour perdre un autre.... Et il concluait gravement : Nous secouons icy les limites et dernières clostures des sciences ausquelles l'extrémité est vitieuse comme en la vertu. Tenez-vous dans la route commune ; il ne faict mie bon estre si subtil et si fin[40]. Il lui accordait toutefois que si quelqu'un de ces nouveaux docteurs entreprend de faire l'ingénieux en vostre présence aux dépens de son salut et du vostre, pour vous deffaire de cette dangereuse peste qui se respand tous les jours en vos Cours, ce préservatif, à l'extresme nécessité, empeschera que la contagion de ce venin n'offencera ny vous ny votre assistance.

Mais que voulait-il dire par ces nouveaux docteurs ? L'histoire des idées en ce XVIe siècle qui en a remué tant est assez mal connue. Les controverses entre catholiques et réformés sur les points de dogme qui les séparaient ont tellement accaparé l'attention qu'on en a oublié le travail de sape des ennemis plus ou moins conscients des deux Eglises et de tout le christianisme. Le Consistoire de la Rochelle, tenu en avril 1571 sous la présidence de Théodore de Bèze, avait excommunié les hérétiques de la Transylvanie et de la Pologne, qui, ne distinguant pas en Jésus-Christ la nature divine et la nature humaine, renouvelaient les erreurs d'Arius, de Nestorius, d'Eutychès, etc., et celles qu'on ne s'attendait pas à trouver ici, de Mahomet, le plus redoutable des antitrinitaires[41]. Fauste Socin, dont les prédications eurent un tel succès en Pologne et ailleurs que son nouvel arianisme prit forme d'Eglise, avait longtemps demeuré à Lyon. Giordano Bruno, le fameux moine napolitain, qui interprétait les dogmes et les sacrements en un sens symbolique, fugitif d'Italie, expulsé de Genève, penseur errant à la recherche d'une terre de libre examen, qu'il ne trouva point, enseignait en cette année 1579 la 'philosophie, mais pour quelques mois ou quelques semaines, à l'Université de Toulouse.

Est-ce à lui ou aux hérésiarques condamnés par le Consistoire que pensait Du Plessis-Mornay en son Traité de la Vérité de la religion chrestienne, qu'il publia en 1581, avec ce sous-titre explicatif : Contre les athées, epicuriens, payens, juifs et Mahumédistes et autres infidèles. La préface, comme celle du Traité de l'Eglise, était adressée au roi de Navarre. En ces misérables temps, Sire, que l'impiété qui ne souloit parler qu'à l'aureille et entre les dents a osé, se mettre en chaire et se desgorger en blasphèmes contre Dieu et son Evangile.... Mais il ne semble pas que Socin et Bruno aient fait école en France.

Au vrai le mal du moment, c'était moins l'incrédulité que l'indifférence. Beaucoup se dégoûtaient des fermes croyances qui avaient mis le royaume à feu et à sang et quelques-uns s'en prenaient au christianisme de la fureur des guerres civiles. Il y avait un fléchissement de la foi dont les âmes religieuses s'inquiétaient ou s'indignaient. Dans l'Apologie pour Hérodote (1566) et un peu plus tard dans les Deux Dialogues du nouveau langage français italianizé et autrement desguizé, qui venaient de paraître en 1578, Henri Estienne, huguenot passionné, accusait tout le monde dans le présent et le passé : Bonaventure Des Périers, ce contempteur et moqueur de Dieu, l'auteur de ce livre détestable, le Cymbalum mundi ; Rabelais, un Lucian réincarné, qui a brocardé toute sorte de religion, et surtout Machiavel, qui lui est doublement odieux comme libertin et Italien[42].

Il est vrai que le penseur florentin a placé à part et si haut la politique dans le gouvernement des Etats que la religion n'apparaît plus guère que comme son humble servante. Or, les principes qu'il avait posés — à l'usage des princes exclusivement — étaient en train de devenir la règle de vie de beaucoup de gentilshommes et surtout des courtisans. Ceux-là se moquent de toute religion et de ceux qui se formalizent pour aucune. Mais le machiavélisme n'est pas, comme le croit Estienne, la cause des guerres civiles ; ce sont les guerres civiles qui sont la cause de l'extension du machiavélisme.

Même le joyeux Noël Du Fail termine ses Contes et Discours d'Eutrapel, qui abondent en gauloiseries, par une Epistre de Polygame — un nom certes bien choisi pour un prêcheur —, contre les athées et ceux qui vivent sans Dieu ne faisant cas de religion, sinon en tant qu'elle retient le simple peuple en obéissance.

Est-ce parmi les indifférents et les incrédules ou parmi les adhérents de la Réforme qu'il faut chercher les nouveaux docteurs dont Montaigne constate le crédit et appréhende la malice ? Quelle que fût sa prévention contre les auteurs conscients ou non des malheurs publics, il n'est pas croyable qu'il ait parlé avec mépris des réformés, dont il connaissait les principaux chefs, et qu'il les ait mis côte à côte, dans deux paragraphes qui se suivent, et comme affecté de les confondre avec les tireurs d'horoscope, chiromanciens, nécromans, et autres bateleurs, si bien accueillis dans les Cours. Lui qui fut toujours soigneux de son repos, et qui pouvait craindre que son apologie de Raimond Sebond ne fût mal interprétée, voulait probablement, par précaution, répudier toute intelligence avec la tourbe des esprits déréglés et tirer, si l'on peut dire, son épingle du jeu des discussions. Marguerite, au contraire, visait des hérétiques moins distants et qui lui paraissaient bien plus dangereux que les païens, les infidèles et les athées, et les mahumédistes, et c'est sur eux qu'elle voulait essayer l'effet de sa dialectique. Elle allait, souveraine catholique, régner dans une Cour protestante, parmi des populations protestantes, en contact avec des pasteurs qui considéraient le papisme comme une détestable idolâtrie. Elle s'attendait à des disputes et s'y préparait. Au besoin, elle opposerait à tous ces grands argumentateurs de Genève la vanité de l'argumentation. Elle rappellerait au roi de Navarre les engagements qu'il avait pris et souscrits, et elle lui remontrerait qu'il ne devait pas pour une opinion hasardeuse refuser à ses sujets catholiques les libertés, qu'il réclamait pour ses coreligionnaires de France, au risque de s'aliéner la bienveillance d'Henri III.

L'occasion s'offrait à elle de faire brèche à la législation intolérante du Béarn et d'éprouver la complaisance de son mari. A Pau, pendant son séjour et sous ses yeux, tout exercice du culte continuait à être interdit aux catholiques. Pour les empêcher d'entrer dans le château, on levait le pont-levis, à l'heure que l'on vouloit dire la messe pour elle et sa suite dans la chapelle[43]. Comme ils estoient infiniment désireux de pouvoir assister au saint sacrifice, de quoy ils estoient depuis plusieurs années privez, le jour de la Pentecôte (7 juin 1579), ils trouvèrent moyen, de connivence assurément avec la reine, de s'introduire dans le château et se glisser dans la chapelle. Mais ils furent aperçus et dénoncés à Jacques Lallier, sieur du Pin, secrétaire du roi de Navarre et spécialement chargé des affaires de la religion, qui les fit appréhender devant Marguerite et traîner brutalement en prison. Marguerite, outrée de cette violence et de l'affront qu'on lui faisait, alla se plaindre au roi et réclamer la mise en liberté des prisonniers. Du Pin se mit en tiers sans y estre appelé et, avant que son maître eût le temps de répondre, il justifia l'arrestation et signifia à la reine qu'elle devait se tenir contente de la tolérance dont elle jouissait. Elle, qui était naturellement hautaine, indignée de l'audace d'un homme de telle qualité, supplia son mari, si elle était si heureuse que d'avoir quelque part en ses bonnes grâces, de lui faire raison de ce petit homme. Henri, la voyant si merveilleusement passionnée d'une juste colère, fit sortir du Pin et lui promit d'arranger cette affaire à sa satisfaction avec les conseillers du Parlement de Pau. Mais à la réflexion, les conséquences de cet incident lui apparurent graves. Toucher à la législation religieuse du pays, c'était provoquer dans les Etats de Béarn, qui allaient se réunir, une opposition fâcheuse et parmi tous les réformés un grand mécontentement. Garder les catholiques en prison ou les traduire en justice, c'était fournir à la Cour de France l'occasion de lui reprocher son manque de parole.

En effet, la Reine-mère, aussitôt prévenue, écrivit de Marseille le 15 juin au Roi son fils de faire une bonne dépesche par courrier exprès au roi de Navarre et qu'il l'aist avant le XXV de ce mois qu'il tient ses Estats de Béarn pour l'admonester comme de vous-mesmes à permectre à ses subjectz catholiques du dict païs de Béarn l'exercice de leur relligion comme vous permectez en vostre royaume à vos subjects estans de la relligion prétendue réformée la liberté de leur conscience et exercice de leur dicte relligion. Seulement, pour ne pas brouiller le ménage de Navarre, elle lui recommandait bien d'écrire de telle façon qu'il ne mît pas sa sœur en cause[44]. Henri III rappela donc, comme de lui-même, à son beau-frère, la promesse qu'il luy avoit faicte quelquefois[45]. Cette invitation, si discrète qu'elle fût, parut une atteinte à la pleine indépendance du Béarn, et le roi de Navarre pouvait, à la rigueur, en rendre sa femme responsable. Poussé par Du Pin, qui n'avait fait qu'une fausse sortie, aigri par la malicieuse Rebours, une des filles de Marguerite, qui avait remplacé, dans son cœur jamais inoccupé, Dayelle partie avec la Reine-mère, il exprima son ennuy et fascherie non petite en termes très vifs et chargea par surcroît le chancelier Pibrac, d'aller de sa part les redire à la reine.

Pour avoir le temps d'aviser, il ajourna la réunion des Etats de Béarn, quitta Pau et partit avec la Cour pour Montauban, où devait se tenir à la fin du mois une assemblée des grands de la religion. A Eause, en cours de route, il s'alita, souffrant d'une grande fièvre continue avec une extresme douleur de teste qui luy dura dix-sept jours (16 juin-2 juillet), durant lesquels il n'avoit repos ny jour ny nuict et le falloit perpétuellement changer de lit à autre[46]. Marguerite resta tout le temps près de lui, sans se déshabiller. Les soins qu'elle lui donna furent si agréables qu'il s'en louait à tout le monde. L'incident de la Pentecôte fut oublié.

Le vicomte de Turenne s'était particulièrement employé, c'est elle-même qui le dit, à la rapprocher de son mari. Le chef huguenot, qui était son cousin à la mode de Bretagne, fut-il touché de son dévouement, ou céda-t-il à un sentiment plus tendre ? Il avait vingt-trois ou vingt-quatre ans. La Verne, sa maîtresse, avait suivi Catherine, dont elle était une des filles d'honneur. La reine de Navarre avait vingt-six ans. Belle et sensible, venue en Gascogne avec l'espérance de conquérir son mari, elle avait été dédaignée pour Dayelle, pour Rebours, et elle le voyait plus que jamais occupé, Rebours étant restée malade à Pau, d'une autre de ses filles, Fosseuse, presque une enfant, à qui, au mois de mars déjà, il faisait de petits cadeaux utiles, sirop de capillaire, sirop somnifère, sur ordonnance du médecin, y ajoutant de lui-même des conserves de rose et du sucre candi. Ces deux isolés se sont peut-être, en causant au chevet du malade, sentis moins seuls. En tout cas, il est remarquable que Marguerite ne dise rien en ses Mémoires de son long séjour à Montauban, pendant presque tout le mois de juillet, et qu'elle n'ait pas été curieuse des délibérations, où les chefs du parti protestant arrêtèrent de recommencer la guerre, si on voulait les contraindre à exécuter les clauses de l'accord de Nérac qui leur étaient défavorables. C'est que probablement elle avait l'esprit et les yeux occupés ailleurs.

 

 

 



[1] Henri d'Albret, un cousin du roi de Navarre et le premier gentilhomme de sa chambre.

[2] Lettres, VI, p. 15.

[3] Lettres, VI, p. 16.

[4] Cette lettre, p. 17, est du 6 mai 1578 ; Bussy d'Amboise fut assassiné le 19 août 1579.

[5] 840.000 livres, à 54 sols l'écu (1572).

[6] Archives historiques du département de la Gironde, t. XXIX, 1894, pp. 163-166.

[7] Guessard, 156.

[8] Plus exactement deux mois après, fin octobre 1572.

[9] Mariéjol, Catherine de Médicis, p. 297.

[10] Turenne, p. 144. La proposition principale, à la fin de la phrase, est mise en alinéa.

[11] Pierre noire et sanguine, ancien n° 15. Cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale port. mont. boîte. V. Collection de Sainte-Geneviève.

[12] Brantôme, VIII, p. 24 et 26.

[13] Brantôme, VIII, p. 36.

[14] Brantôme, VIII, p. 33.

[15] Brantôme, VIII, p. 41-42.

[16] Shakespeare, Love's Labour's lost, acte II, scène L.

[17] Cette lettre adressée au roi a été reproduite par Lalanne et Bordier dans l'Annuaire Bulletin de la Société de l'Histoire de France, années 1851-1852, pp. 343-344. Il est superflu d'établir contre ces bons érudits qu'elle ne démontre pas les amours incestueuses d'Henri III et de Marguerite.

Ces préparatifs de conquête conjugale ne peuvent se placer qu'à Bordeaux et pendant l'arrêt de douze jours qu'y firent les deux Reines (du 18 au 30 sept.), pour régler leur rencontre avec le roi de Navarre.

[18] Lettres, VI, p. 47.

[19] Lettres, VI, p. 51 et 56.

[20] Lettres, VI, p. 64.

[21] Lettres, VI, p. 75.

[22] Itinéraire, pp. 42-43.

[23] Lettres, VI, p. 75.

[24] Lettres, VI, en app., pp. 398-400.

[25] Lettres, VI, pp. 399-400.

[26] Du Bartas, p. 156.

[27] Lettres, VI, p. 173.

[28] Pour être court, je n'en donnerai qu'une raison, mais péremptoire. Davila (Marguerite), entrée comme fille au service de la Reine-mère en 1573, en sortit en 1577 et n'était pas du voyage.

[29] Et non, comme le prétendent encore les historiens, La Vergne, gouvernante des filles de Marguerite, une dame d'âge mûr, comme il convient pour le genre de fonctions.

[30] Discours du secrétaire de Damville, présent à la conférence, Lettres, VI, p. 442.

[31] Lettres, VI, p. 446.

[32] Lettres, VI, 446.

[33] Lettres, VI, 448.

[34] Œuvres, p. III.

[35] Lettre de Pibrac, 3 juillet 1579, Tamizey de Larroque, p. 53.

[36] De Thou, p. 571.

[37] En mars 1580, Montaigne met la dernière main à la première édition des Essais, qui parut l'année même.

[38] Abbé M... (Migne), t. II, p. 462 et suivantes, 1843.

[39] Essais de Montaigne, l. II, chap. XII, t. II, de l'éd. de Bordeaux, pp. 304-305.

[40] Essais de Montaigne, l. II, chap. XII, t. II, de l'éd. de Bordeaux, pp. 304-305.

[41] Aymon, Les synodes nationaux des églises réformées, La Haye, 1710, 2 vol., t. II, p. 153.

[42] Apologie, pp. 178-179. Dialogues, p. 444 et passim.

[43] Guessard, p. 159.

[44] Lettres, VII, 12.

[45] Tamizey de Larroque, pp. 53-54.

[46] Guessard, p. 163.